Language of document : ECLI:EU:T:2021:895

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

15 décembre 2021 (*) (1)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Affectation dans un pays tiers – Logement familial mis à disposition par l’administration – Non-respect de l’obligation d’y résider en famille – Procédure disciplinaire – Sanction disciplinaire de suspension d’avancement d’échelon – Réparation du préjudice subi par l’Union – Article 22 du statut – Rejet du recours au fond – Annulation sur pourvoi – Arrêt sur pourvoi réexaminé par la Cour et annulé – Renvoi au Tribunal  »

Dans l’affaire T‑693/16 P-RENV-RX,

HG, représenté par Me L. Levi, avocate,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Commission européenne, représentée par M. T. Bohr, en qualité d’agent, assisté de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse en première instance,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 19 juillet 2016, HG/Commission (F‑149/15, EU:F:2016:155), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise (rapporteur), P. Nihoul, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu l’arrêt de la Cour du 26 mars 2020,

à la suite de l’audience du 17 juin 2021,

rend le présent

Arrêt

1        La présente procédure fait suite à l’arrêt du 26 mars 2020, Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission (C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, ci-après l’« arrêt sur réexamen », EU:C:2020:232), par lequel la Cour, après avoir constaté que l’arrêt du 19 juillet 2018, HG/Commission (T‑693/16 P, non publié, ci-après le « premier arrêt sur pourvoi », EU:T:2018:492), ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du 19 juillet 2016, HG/Commission (F‑149/15, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:F:2016:155), portait atteinte à l’unité et à la cohérence du droit de l’Union européenne, a annulé le premier arrêt sur pourvoi et renvoyé l’affaire devant le Tribunal.

2        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, HG, fonctionnaire de la Commission européenne, demande l’annulation de l’arrêt attaqué par lequel le Tribunal de la fonction publique a rejeté son recours tendant, d’abord, à titre principal, à l’annulation de la décision de la Commission, du 10 février 2015, lui infligeant la sanction disciplinaire de suspension d’avancement d’échelon pour une durée de 18 mois et le condamnant à réparer le préjudice qu’aurait subi de son fait la Commission à hauteur de 108 596,35 euros (ci-après la « décision litigieuse ») et, pour autant que de besoin, à l’annulation de la décision de rejet de sa réclamation à l’encontre de la décision litigieuse, ensuite, à titre subsidiaire, à la réduction de la sanction financière contenue dans cette décision et, enfin, à la condamnation de la Commission à la réparation du préjudice moral et du préjudice de réputation qu’il aurait subis, évalués à 20 000 euros, ainsi qu’à sa condamnation aux dépens.

3        Le premier arrêt sur pourvoi, annulant l’arrêt attaqué au motif de l’irrégularité de la composition de la formation de jugement l’ayant rendu, caractérisant selon le Tribunal une violation du principe du juge légal consacré à l’article 47, deuxième alinéa, première phrase, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a été annulé par la Cour dans l’arrêt sur réexamen au motif que le Tribunal avait commis une erreur de droit en estimant que l’irrégularité qu’il avait relevée était suffisante pour constater une violation de l’article 47, deuxième alinéa, première phrase, de la charte des droits fondamentaux et au motif que cette erreur de droit était de nature à porter atteinte à l’unité et à la cohérence du droit de l’Union. La Cour a renvoyé l’examen du pourvoi au Tribunal après avoir souligné que, dans le premier arrêt sur pourvoi, le Tribunal n’avait pas examiné les moyens invoqués au soutien de ce pourvoi.

 Antécédents du litige

4        Le requérant a été affecté comme conseiller à la délégation de la Commission auprès des Nations unies (ci-après la « délégation »), à New York (États-Unis), à compter du 1er septembre 2008 pendant cinq ans. Auparavant, il était déjà en fonction à New York depuis plusieurs années, d’abord dans le cadre d’un détachement auprès d’une organisation internationale, puis dans le cadre d’une mission au profit de la délégation elle-même. L’année précédant son affectation comme conseiller à la délégation, il résidait à New York dans un appartement qui était la propriété de sa femme, avec laquelle il s’était marié durant l’été de l’année 2007. Dans la perspective de son affectation, il a demandé s’il pourrait bénéficier d’une prise en charge par la Commission des charges de cet appartement et, compte tenu de la réponse négative apportée à cette demande, il a demandé à bénéficier d’un appartement de fonction au titre de l’article 5 de l’annexe X du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »). Cette disposition prévoit que, lorsque son institution met à la disposition d’un fonctionnaire affecté dans un pays tiers un logement correspondant au niveau de ses fonctions et à la composition de la famille vivant à sa charge, il est tenu d’y résider.

5        Sa femme ayant donné naissance à leur premier enfant en juin 2008, le requérant a bénéficié de la mise à disposition, à compter de son affectation comme conseiller à la délégation en septembre 2008, pour deux ans, d’un appartement de trois chambres à New York, loué par la Commission pour deux ans pour un loyer mensuel de 7 828 dollars des États-Unis (USD) (environ 5 480 euros à l’époque). Le requérant a lui-même signé avec la Commission un accord de mise à disposition de cet appartement le 15 septembre 2008. L’article 8 de cet accord précisait que le bénéficiaire s’engageait à ne pas faire profiter des tiers de l’appartement, que ce soit moyennant paiement ou gratuitement, et son article 9 stipulait qu’il devait supporter certains frais comme les frais d’électricité.

6        Toutefois, selon les explications du requérant, en raison de graves problèmes de santé de son enfant, d’odeurs dans une chambre dues à une vitrification défectueuse du parquet, puis du refus de sa femme, notamment sujette à des difficultés psychologiques, de s’installer dans l’appartement mis à sa disposition, il n’a occupé celui-ci que quelques jours dans la semaine, sans sa famille, en rejoignant les autres jours l’appartement de sa femme, et cela pendant toute la durée du bail.

7        Il n’est pas contesté que le requérant a informé dès octobre 2008 la cheffe d’administration de la délégation de problèmes qui l’empêchaient d’installer sa famille dans l’appartement mis à sa disposition, puis, à nouveau, à différentes reprises, en particulier en juin et novembre 2009 à l’occasion de deux visites de cette responsable sur place. Il a demandé à cette dernière la discrétion sur les difficultés familiales qu’il invoquait. Lors de ces visites, il a toutefois fait part de ses efforts pour convaincre sa femme de déménager.

8        Selon la cheffe d’administration de la délégation, elle a régulièrement demandé au requérant si sa famille allait le rejoindre dans son appartement de fonction et, lors de sa seconde visite sur place, elle lui a demandé d’envisager un appartement de fonction plus petit si sa famille ne le rejoignait pas. Toutefois, la femme du requérant ayant donné naissance à un autre enfant durant le printemps de l’année 2010, le requérant a bénéficié à compter d’octobre 2010 d’un nouvel appartement de fonction de quatre chambres dans lequel, cette fois, toute la famille a vécu. L’appartement de fonction initial a été libéré par le requérant à l’issue du bail, fin août 2010.

9        S’agissant de cet appartement, le requérant a fait part à la cheffe d’administration de la délégation, probablement en 2009 selon le souvenir de cette dernière, de ce qu’un de ses amis occupait occasionnellement l’appartement pour assurer un rôle de « garde-appartement ». C’est cet ami qui a souscrit en 2008 à son propre nom le contrat d’électricité de l’appartement, le requérant expliquant qu’en raison d’un rendez-vous médical pour son bébé il n’avait pu le faire lui-même et qu’il remboursait son ami en argent liquide. Cet ami, ainsi que l’amie de celui-ci, inconnue du requérant selon ses dires, se sont aussi occupé des aspects matériels du départ de l’appartement en août 2010, le requérant expliquant que, à la suite d’une confusion de sa part d’un mois sur le terme du bail, il était en congés en Europe à ce moment.

10      Le requérant n’a pas demandé la prise en charge d’un déménagement ni à l’entrée, ni à la sortie de l’appartement, expliquant qu’il avait acheté à des occupants du même immeuble des meubles d’occasion, puis avoir donné en fin de bail ceux-ci à son ami qui s’était chargé de leur déménagement.

11      À la suite d’une dénonciation, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a informé le requérant, par lettre du 16 mars 2012, qu’une enquête le concernant était ouverte en raison du fait qu’il pourrait avoir méconnu les obligations applicables aux fonctionnaires servant dans un pays tiers, en particulier celles résultant de l’article 5 de l’annexe X du statut, car il n’aurait pas résidé dans l’appartement de fonction mis à sa disposition entre le 1er septembre 2008 et le 31 août 2010.

12      Le requérant a alors contacté l’OLAF et a demandé à être immédiatement entendu pour exposer ses vues sur cette dénonciation et son contexte, ce qui a été fait à Bruxelles (Belgique) le 23 mars 2012. Au début de cette audition, le requérant a été informé qu’il serait à nouveau entendu le 26 avril suivant, une fois que des éléments complémentaires auraient été réunis. Après avoir poursuivi leur enquête et avoir auditionné notamment la cheffe d’administration de la délégation, les enquêteurs de l’OLAF ont à nouveau auditionné le requérant à la date prévue au siège de la délégation à New York.

13      À l’issue de son enquête et sur la base de son rapport final d’enquête, le 10 décembre 2012, l’OLAF a recommandé à la Commission d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre du requérant, premièrement, en raison du fait, admis par ce dernier, qu’il n’avait pas résidé avec sa famille dans l’appartement de fonction mis à sa disposition du 1er septembre 2008 au 31 août 2010 et du fait que, compte tenu des circonstances, il aurait dû, à la suite du retour à une meilleure santé de son bébé fin 2008, mais de la persistance du refus de sa femme de déménager, prendre l’initiative de faire cesser le bail au bout d’un an en faisant utiliser la possibilité de résiliation anticipée existant à cette échéance et, deuxièmement, en raison du fait qu’il avait laissé des tiers (son ami et l’amie de son ami) occuper l’appartement en violation, notamment, des stipulations de l’accord de mise à disposition mentionné au point 5 ci-dessus. L’OLAF a estimé que ces faits caractérisaient des manquements aux dispositions de l’article 11 du statut d’après lesquelles le fonctionnaire doit s’acquitter de ses fonctions et régler sa conduite en ayant uniquement en vue les intérêts de l’Union. L’OLAF a admis n’avoir pas de preuve irréfutable que le requérant sous-louait son appartement de fonction. Il a souligné que le requérant avait informé la cheffe d’administration de la délégation de la situation, cette dernière ayant eu une attitude passive conduisant notamment à un « risque de sécurité ». L’OLAF a toutefois estimé que cette attitude n’exonérait pas le requérant de sa propre responsabilité.

14      Dans une lettre au requérant envoyée par fax le 13 décembre 2012, l’informant de ses conclusions, l’OLAF a également indiqué qu’il recommandait à la Commission, et notamment au Service européen pour l’action extérieure (SEAE), de récupérer auprès du requérant une somme maximale de 130 044 euros, correspondant aux loyers payés pour l’appartement concerné.

15      Le requérant a contesté auprès de l’OLAF la validité de la procédure que celui-ci avait conduite et a demandé la suspension des effets juridiques des documents mentionnés aux points 13 et 14 ci-dessus. Après échanges d’arguments, le directeur général de l’OLAF a rejeté le 4 avril 2013 la demande du requérant en estimant que les garanties procédurales de ce dernier avaient été respectées au regard des lignes directrices sur la conduite des enquêtes par le personnel de l’OLAF.

16      Entre temps, le 25 mars 2013, la directrice générale de la direction générale (DG) des ressources humaines et de la sécurité de la Commission, agissant en tant qu’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), a donné mandat à l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) pour auditionner le requérant au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, c’est-à-dire avant de décider de l’ouverture, ou non, d’une procédure disciplinaire. Dans ce mandat, il était également demandé à l’IDOC de vérifier si le requérant avait laissé vivre une tierce personne dans son appartement de fonction, le cas échéant en le sous-louant. Le requérant a été entendu par deux agents de l’IDOC le 22 mai suivant, après avoir été convié à cette audition par une note du 10 avril, à laquelle était joint le mandat mentionné ci-dessus.

17      Après qu’une note de l’IDOC, datée du 31 octobre 2013, accompagnant une recommandation d’auditionner la personne concernée au titre de l’article 22 du statut a été établie, la directrice générale de la DG des ressources humaines et de la sécurité de la Commission a donné, le 7 novembre 2013, un second mandat à l’IDOC pour auditionner le requérant au titre de cet article, c’est-à-dire avant de décider s’il y avait lieu, ou non, d’engager une procédure en vue de la réparation d’un préjudice subi par l’Union en raison de fautes personnelles graves qu’aurait commises le requérant. L’audition consécutive à ce mandat, conduite par les mêmes agents de l’IDOC, s’est déroulée le 19 novembre 2013. À cette occasion, le requérant a, notamment, rappelé qu’il avait été transparent avec la cheffe d’administration de la délégation sur la situation et exposé qu’il ne lui appartenait pas, de sa propre initiative, de quitter son logement de fonction. Il a également soutenu que normalement, compte tenu de l’existence de l’appartement de son épouse à New York, il n’aurait pas dû bénéficier d’un appartement de fonction et que l’administration avait ainsi contribué à l’existence de la situation. Il a ajouté qu’il s’était trouvé en présence d’un cas de force majeure, ne pouvant ni prévoir le refus persistant de sa femme de déménager ni lui imposer de le faire. Il a ainsi contesté qu’il puisse lui être imputée une faute personnelle grave.

18      Le 22 juillet 2014, la directrice générale de la DG des ressources humaines et de la sécurité de la Commission ayant décidé, en vertu de l’article 3, sous c), ii), de l’annexe IX du statut, l’ouverture d’une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline, elle a envoyé à ce dernier et au requérant son rapport, conformément à ce qui est prévu à l’article 12 de la même annexe. Ce rapport se conclut par l’appréciation selon laquelle en omettant de signer lui-même les contrats avec les distributeurs d’eau et d’électricité, le requérant a violé ses obligations découlant de l’article 22.10.11.4 du vade-mecum rédigé par la DG des relations extérieures de la Commission à l’attention du personnel engagé dans les délégations, qui prévoit que les fonctionnaires bénéficiant dans un pays tiers d’un appartement de fonction doivent prendre à leur nom de tels contrats, et selon laquelle en omettant de résider avec sa famille dans l’appartement mis à sa disposition, le requérant a violé son obligation résultant de l’article 5 de l’annexe X du statut et a de ce fait causé un préjudice financier pour l’institution de 180 044 USD (130 379,21 euros) qu’il doit réparer en totalité en vertu de l’article 22 du statut.

19      Le 23 septembre 2014, le requérant a fait parvenir une note en défense au conseil de discipline. Dans cette note, outre des considérations sur le fond, le requérant a exposé différents arguments relatifs à des irrégularités qui auraient émaillé la procédure jusqu’alors. Le requérant a été entendu par le conseil de discipline le 29 septembre suivant.

20      Dans son avis rendu le 22 octobre 2014, le conseil de discipline a d’abord exposé qu’il ne pouvait pas se prononcer sur d’éventuelles irrégularités de procédure antérieures à sa saisine et que cette question pourrait ensuite être appréciée par l’AIPN. Il a par ailleurs considéré qu’il n’y avait pas eu de problème de respect du contradictoire au cours de la procédure devant lui. Sur le fond, il a estimé qu’en ne résidant pas avec sa famille dans l’appartement de fonction mis à sa disposition, prévu pour trois personnes, le requérant avait violé ses obligations découlant des articles 11 et 21 du statut et de l’article 5 de l’annexe X du statut ainsi que de leurs dispositions de mise en œuvre. Il a estimé que jusqu’à la fin de l’année 2008 le requérant pouvait être dans l’incertitude sur sa possibilité de faire emménager sa famille dans cet appartement, mais que, à compter de janvier 2009, il aurait dû avertir la délégation de son incapacité à le faire et donc de la non-occupation de l’appartement par sa famille, au lieu de se contenter d’indiquer qu’un tiers y serait occasionnellement. Il a en outre estimé qu’il avait aussi violé l’article 22.10.11.4 du vade-mecum rédigé par la DG des relations extérieures de la Commission à l’attention du personnel engagé dans les délégations en omettant de souscrire le contrat d’approvisionnement d’électricité à son nom, à tout le moins à partir du moment où la santé de son bébé était meilleure et qu’il pouvait entreprendre une telle démarche, et que, ainsi, en n’ayant pas entrepris les démarches appropriées pour mettre fin à une situation irrégulière et coûteuse, il avait commis une faute personnelle grave justifiant qu’il répare, au titre de l’article 22 du statut, le préjudice correspondant au montant des loyers de cet appartement de janvier 2009 à août 2010. Tenant également compte des circonstances, le conseil de discipline a été d’avis que la sanction disciplinaire à infliger par ailleurs au requérant devait, au regard des dispositions de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de l’annexe IX du statut, être la suspension d’avancement d’échelon pendant une période de 18 mois.

21      Le 14 novembre 2014, le requérant a soumis à l’AIPN « tripartite » habilitée à statuer sur son cas, en les personnes de la directrice générale de la DG des ressources humaines et de la sécurité, du directeur général du service juridique et du directeur général de la DG du développement et de la coopération de la Commission, un mémoire dans lequel il a formulé des remarques sur l’avis du conseil de discipline, regretté l’absence de prise de position de celui-ci sur les irrégularités procédurales déjà alléguées qui portaient sur la phase précédant sa saisine, dénoncé de nouvelles irrégularités procédurales et présenté « deux nouvelles circonstances exténuantes ou atténuantes ». En substance, étaient avancés à ce dernier titre l’existence d’une vengeance d’agents indélicats de la délégation qui auraient commis des fraudes dénoncées par le requérant, celui-ci devant dès lors bénéficier du statut de lanceur d’alerte, et le fait que l’IDOC aurait traité de manière discriminatoire le requérant par rapport à un autre fonctionnaire ayant utilisé son appartement de fonction de manière inappropriée, sans être en définitive poursuivi sur le plan disciplinaire.

22      Le requérant a ensuite été entendu par l’AIPN le 26 novembre 2014, conformément aux dispositions de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, avant que la décision litigieuse ne soit adoptée le 10 février 2015.

23      Dans la décision litigieuse, l’AIPN a suivi l’avis du conseil de discipline et a donc prononcé à l’encontre du requérant la sanction de suspension d’avancement d’échelon pour une période de 18 mois et décidé qu’il était tenu de réparer le préjudice qu’aurait subi de son fait la Commission à hauteur de 108 596,35 euros.

24      Le 9 mai 2015, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de la décision litigieuse sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Dans cette réclamation, par laquelle il demandait l’annulation de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, la réduction des sanctions disciplinaire et financière qu’elle prévoyait, le requérant a fait valoir des irrégularités au stade de l’enquête de l’OLAF, au stade de l’enquête de l’IDOC et de la préparation de la séance du conseil de discipline ainsi qu’au stade de l’avis du conseil de discipline et il a avancé cinq séries d’arguments à l’encontre de la décision litigieuse elle-même : cette dernière aurait été adoptée en violation des droits de la défense, elle serait entachée d’un défaut de motivation, sept catégories de ses arguments y seraient passées sous silence ou y seraient analysées juridiquement de manière erronée, les principes du droit de la responsabilité y seraient méconnus, le lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice identifié n’ayant pas été démontré, et la prescription quinquennale résultant des dispositions de l’article 85 du statut aurait été ignorée.

25      Par décision du 10 septembre 2015, l’AIPN a rejeté la réclamation du requérant.

 Arrêt attaqué

26      Par requête parvenue au greffe du Tribunal de la fonction publique le 21 décembre 2015 (ci-après la « requête »), le requérant a, comme cela est indiqué au point 2 ci-dessus, demandé, d’abord, à titre principal, l’annulation de la décision litigieuse et, pour autant que de besoin, celle de la décision de rejet de sa réclamation, ensuite, à titre subsidiaire, la réduction de la « sanction financière » qui lui avait été infligée et, enfin, la réparation d’un préjudice moral et d’un préjudice de réputation à hauteur de 20 000 euros. Il a également demandé la condamnation de la Commission aux dépens. Dans son mémoire en défense, la Commission a demandé le rejet du recours comme non fondé et la condamnation du requérant aux dépens.

27      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours et a condamné le requérant aux dépens. Aux points 48 à 81 de l’arrêt attaqué, il a examiné et rejeté le premier moyen soulevé par le requérant, tiré de ce que la décision litigieuse serait fondée sur trois actes préparatoires entachés de différents vices de procédure. Aux points 82 à 86 de l’arrêt attaqué, il a examiné et rejeté le deuxième moyen soulevé par le requérant, tiré d’une violation de ses droits de la défense. Aux points 87 à 98 de l’arrêt attaqué, il a examiné et rejeté le troisième moyen soulevé par le requérant, tiré d’un défaut de motivation. Aux points 99 à 129 de l’arrêt attaqué, il a examiné et rejeté le quatrième moyen soulevé par le requérant, tiré des erreurs de droit et de fait que l’AIPN aurait commises en reprochant au requérant de ne pas avoir occupé avec sa famille le logement de fonction. Aux points 130 à 137 de l’arrêt attaqué, il a examiné et rejeté le cinquième moyen soulevé par le requérant, tiré de l’erreur de droit que l’AIPN aurait commise en reprochant au requérant de ne pas avoir signé lui-même le contrat de fourniture d’électricité. Aux points 138 à 172 de l’arrêt attaqué, il a examiné et rejeté le sixième moyen soulevé par le requérant, concernant spécifiquement sa responsabilité financière et tiré de la violation de l’article 22 du statut, de celle du principe de proportionnalité et de celle de la prescription quinquennale ou du délai raisonnable.

 Procédure et conclusions des parties

28      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 28 septembre 2016, le requérant a formé le présent pourvoi.

29      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 28 septembre 2016, le requérant a introduit une demande visant à obtenir l’anonymat, à laquelle le président de la chambre des pourvois a fait droit par décision du 26 octobre 2016.

30      Le 13 décembre 2016, la Commission a présenté le mémoire en réponse.

31      Par décision du 10 janvier 2017, à la suite d’une demande motivée du requérant, le président de la chambre des pourvois a autorisé un deuxième échange de mémoires, en application de l’article 201, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

32      Le 31 mars 2017, à la suite du dépôt de la réplique et de la duplique, la phase écrite de la procédure a été close.

33      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 26 avril 2017, le requérant a formulé une demande au titre de l’article 207, paragraphe 1, du règlement de procédure, aux fins d’être entendu dans le cadre de la phase orale de la procédure. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) a fait droit à la demande du requérant d’être entendu dans le cadre de la phase orale de la procédure et a ouvert ladite phase.

34      Par courrier déposé au greffe du Tribunal le 20 juillet 2017, le requérant a fait état d’éléments qu’il estimait nouveaux et a demandé au Tribunal de prendre en considération les moyens et les arguments qu’il en tirait en tant que « moyens nouveaux » recevables en vertu de l’article 84 du règlement de procédure. Le 4 septembre 2017, la Commission a déposé ses observations sur la présentation de ces éléments, moyens et arguments.

35      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 16 novembre 2017. La phase orale de la procédure a été close le même jour.

36      Par ordonnance du 23 mars 2018, le Tribunal a rouvert la phase orale de la procédure, en application de l’article 113, paragraphe 2, sous b), du règlement de procédure qui prévoit une telle possibilité lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties.

37      Le 26 mars 2018, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure telles que prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à présenter des observations quant aux conséquences qu’elles tiraient, pour la procédure, de l’arrêt du 23 janvier 2018, FV/Conseil (T‑639/16 P, EU:T:2018:22), par lequel le Tribunal a annulé un arrêt du Tribunal de la fonction publique au motif que la formation de jugement l’ayant rendu n’avait pas été constituée de manière régulière. Les parties ont déféré à cette invitation dans le délai imparti.

38      Par décision du 23 avril 2018, le président de la chambre des pourvois a clos la phase orale de la procédure.

39      Le premier arrêt sur pourvoi, annulant l’arrêt attaqué au motif de l’irrégularité de la composition de la formation de jugement du Tribunal de la fonction publique ayant statué, a été rendu à la suite de cette procédure, mais il a lui-même été annulé par la Cour, ainsi que cela est exposé aux points 1 et 3 ci-dessus, et le pourvoi a été renvoyé au Tribunal. De ce fait, l’affaire qui avait été renvoyée au Tribunal en vertu du premier arrêt sur pourvoi afin qu’il statue sur le recours introduit par le requérant devant le Tribunal de la fonction publique (affaire T‑440/18 RENV) a été close par décision du greffe du 26 mars 2020.

40      En raison de la réorganisation du Tribunal consécutive à la mise en œuvre de l’article 4 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), le Tribunal ne comportait plus, au moment du renvoi du pourvoi, une chambre des pourvois. Le pourvoi a été attribué à la quatrième chambre, qui fait partie de celles spécifiquement chargées, en vertu de la décision du Tribunal du 11 mars 2020 relative à la constitution des chambres et à l’affectation des juges aux chambres (JO 2020, C 114, p. 2), des affaires introduites au titre de l’article 270 TFUE concernant les litiges entre l’Union et ses agents.

41      L’article 222 du règlement de procédure prévoyant qu’à la suite du renvoi au Tribunal d’un pourvoi, les parties à la procédure devant le Tribunal peuvent, dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt de la Cour, déposer des observations écrites sur les conclusions à tirer de cet arrêt, les parties ont déposé des observations écrites le 5 mai 2020.

42      À ce titre, le requérant a estimé que la procédure devait être reprise dans l’état qui était le sien avant que le premier arrêt sur pourvoi ne soit prononcé, l’ensemble des actes de cette procédure devant être considérés comme valides et devant être pris en compte, y compris l’audience tenue le 16 novembre 2017. Le requérant s’est de plus référé aux écritures et a souligné différents éléments concernant les quatre moyens qu’il avait avancés dans son pourvoi ainsi que les moyens nouveaux qu’il avait soulevés le 20 juillet 2017 (voir point 34 ci-dessus).

43      Pour sa part, la Commission a estimé que les parties avaient pu échanger leurs arguments dans le cadre de la phase écrite de la procédure et que celle-ci devait être considérée comme terminée. Elle a indiqué qu’il serait possible de tenir une audience si le Tribunal ou le requérant le souhaitaient et qu’elle s’en remettait à la sagesse du Tribunal à cet égard.

44      Une audience ayant initialement été demandée par le requérant et la Commission étant susceptible de vouloir répondre aux éléments de fond exposés par le requérant dans ses observations formulées au titre de l’article 222 du règlement de procédure (voir point 42 ci-dessus), tant en ce qui concerne leur recevabilité que leur caractère fondé, ou non, le Tribunal a décidé de rouvrir la phase orale de la procédure.

45      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 17 juin 2021. La phase orale de la procédure a été close le même jour.

46      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–         annuler l’arrêt attaqué ;

–        annuler la décision litigieuse ;

–        pour autant que de besoin, annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        à titre subsidiaire, réduire la sanction financière contenue dans la décision litigieuse ;

–        condamner la Commission à la réparation de son préjudice moral et de réputation à hauteur de 20 000 euros ;

–        condamner la Commission à l’ensemble des dépens des deux instances.

47      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi ;

–        condamner le requérant aux entiers dépens.

 En droit

 Sur le pourvoi

48      Le requérant indique avancer quatre moyens à l’appui de son pourvoi. Il s’agit en réalité de quatre aspects à propos desquels le requérant avance divers moyens. En premier lieu, en ce qui concerne sa responsabilité financière, il dénonce une violation de l’obligation de motivation, des erreurs de droit et une dénaturation du dossier de la part du Tribunal de la fonction publique. En deuxième lieu, en ce qui concerne les vices de procédure entachant les actes préparatoires à l’adoption de la décision litigieuse et la violation des droits de la défense qu’il entendait démontrer devant le juge du fond, le requérant dénonce une violation de l’obligation de motivation et des erreurs de droit de la part du Tribunal de la fonction publique. En troisième lieu, en ce qui concerne la violation de l’obligation de motivation de la décision litigieuse qu’il entendait démontrer devant le juge du fond, le requérant dénonce également une violation de l’obligation de motivation par le Tribunal de la fonction publique. En quatrième lieu, en ce qui concerne le grief retenu dans la décision litigieuse selon lequel sa famille n’a jamais résidé dans son appartement de fonction, contrairement à ce qui aurait dû être le cas, et en ce qui concerne les erreurs de droit et de fait qu’il entendait démontrer à cet égard, le requérant dénonce encore une violation de l’obligation de motivation et des erreurs de droit de la part du Tribunal de la fonction publique. Le requérant dénonce aussi incidemment des dénaturations du dossier concernant les trois derniers aspects mentionnés ci-dessus.

49      Le requérant avance également des moyens et des arguments liés aux éléments dont il a fait état le 20 juillet 2017, évoqués au point 34 ci-dessus. Ces éléments sont essentiellement liés à des procédures disciplinaires dont un fonctionnaire et la cheffe d’administration de la délégation, tous deux en poste à New York au moment des faits qui sont reprochés au requérant, ont eux-mêmes été l’objet. Comme cela est indiqué au point 34 ci-dessus, le requérant demande au Tribunal de prendre en considération ces moyens et ces arguments en tant que « moyens nouveaux » recevables en vertu de l’article 84 du règlement de procédure. Le Tribunal abordera ces moyens et ces arguments après l’examen de ceux avancés dans le pourvoi proprement dit.

50      Par ailleurs, comme cela est indiqué au point 42 ci-dessus, dans ses observations écrites déposées au titre de l’article 222 du règlement de procédure, le requérant a fait état de différents éléments concernant les moyens précédemment avancés dans son pourvoi. Il convient d’examiner d’emblée leur recevabilité.

 Sur la recevabilité des observations du requérant présentées au titre de l’article 222 du règlement de procédure

51      Comme l’a soutenu la Commission à l’audience, les éléments figurant aux points 17 à 51 des observations du requérant présentées au titre de l’article 222 du règlement de procédure sont irrecevables, car ils s’écartent de l’objet des observations qui peuvent être déposées en application de cet article, qui est de tirer les conséquences, pour la solution du litige, d’un arrêt de la Cour annulant, sur réexamen, un arrêt du Tribunal rendu sur pourvoi. En effet, alors que l’arrêt sur réexamen rendu dans la présente affaire ne contient aucun motif susceptible d’influer sur l’appréciation des moyens du pourvoi ou du litige au fond, ces éléments reprennent des moyens et des arguments déjà exposés dans la procédure du pourvoi ou visent à répondre à la duplique, ou encore constituent des arguments nouveaux tirés d’éléments de preuve non produits précédemment.

52      Il y a lieu de préciser que si le requérant avait souhaité faire valoir des moyens nouveaux, au sens de l’article 84 du règlement de procédure, appuyés sur de nouveaux éléments de preuve, ce qu’il a fait aux points 37 et 38 de ces observations, il aurait dû les produire, conformément aux dispositions de l’article 84, paragraphe 2, dudit règlement, dès qu’il a eu connaissance des éléments sur lesquels ces moyens s’appuyaient. Or, ces éléments ont été portés à la connaissance du requérant entre juin et septembre 2017 et celui-ci ne les a pas fait valoir ensuite devant le Tribunal dans un délai rapide alors que l’affaire n’était pas encore close. Il doit être rappelé à cet égard que le premier arrêt sur pourvoi n’a été prononcé que le 19 juillet 2018 et qu’il a été précédé d’une audience tenue le 16 novembre 2017.

 Sur les moyens avancés à l’encontre de l’arrêt attaqué en ce qui concerne la responsabilité financière du requérant retenue dans la décision litigieuse

–       Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation par le juge du fond en ce qui concerne la responsabilité financière du requérant retenue dans la décision litigieuse

53      Aux points 6 à 8 du pourvoi, le requérant expose que, dans son recours à l’encontre de la décision litigieuse, il avait avancé un sixième moyen concernant sa responsabilité financière, comprenant deux branches, une s’intitulant « Erreur de droit dans la détermination des loyers remboursables – violation de l’article 22 du statut et du principe de proportionnalité », l’autre s’intitulant « Violation de la prescription quinquennale ou du délai raisonnable ». Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a rattaché à l’examen de ce sixième moyen une branche du quatrième moyen d’annulation, intitulée « Sur l’absence de matérialité des atteintes alléguées au devoir de loyauté », dans laquelle, en substance, le requérant avançait qu’il n’avait pas été déloyal à l’égard de son institution, puisqu’il avait informé la cheffe d’administration de la délégation de la situation, et dans laquelle il relevait des erreurs de droit et de fait commises par l’AIPN. Le Tribunal de la fonction publique aurait par la suite analysé le sixième moyen en traitant successivement « le grief tiré de l’absence de matérialité des atteintes au devoir de loyauté », puis « le grief tiré de l’erreur de droit dans la détermination des loyers remboursables » et enfin « le grief tiré de la violation de la prescription quinquennale ou du délai raisonnable ». Dans ce contexte, le Tribunal de la fonction publique aurait négligé d’examiner le grief tiré d’une violation du principe de proportionnalité, visé au point 121 de la requête. Il y aurait donc omission de statuer, constitutive d’une méconnaissance de l’obligation de motivation.

54      Il ressort d’une jurisprudence constante que le juge du pourvoi peut contrôler si le juge du fond a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par la partie requérante. Le moyen tiré du défaut de réponse du juge du fond à un moyen ou à un argument revient en substance à invoquer une violation de l’obligation de motivation qui découle de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal de la fonction publique en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I du même statut (arrêt du 11 septembre 2013, L/Parlement, T‑317/10 P, EU:T:2013:413, point 94; voir également, en ce sens, arrêt du 1er octobre 1991, Vidrányi/Commission, C‑283/90 P, EU:C:1991:361, point 29).

55      Il ressort toutefois aussi d’une jurisprudence constante qu’il n’est pas imposé au juge du fond de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons de la décision du juge du fond et au juge du pourvoi de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P,
C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 372). Si l’obligation pour le juge du fond de motiver ses décisions ne saurait être interprétée comme impliquant que celui-ci soit tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par une partie, en particulier si ce dernier ne revêt pas un caractère suffisamment clair et précis et ne repose pas sur des éléments de preuve circonstanciés (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, EU:C:2001:127, point 121), le juge du fond doit, à tout le moins, examiner toutes les violations de droits alléguées.

56      En l’espèce, dans la branche de son sixième moyen d’annulation intitulée « Erreur de droit dans la détermination des loyers remboursables – violation de l’article 22 du statut et du principe de proportionnalité », le requérant faisait valoir que, en raison du contrat de bail de son appartement de fonction qui ne permettait pas une résiliation anticipée avant un an, le loyer aurait dû de toute façon être payé jusqu’en août 2009 même s’il avait quitté ce logement en janvier 2009, comme l’AIPN indique dans la décision litigieuse qu’il aurait dû le faire. Il faisait également valoir que s’il avait quitté son appartement de fonction, il aurait pu en occuper un plus petit, pour célibataire, avec une chambre de moins, qui aurait néanmoins eu un coût pour la Commission. Le requérant en concluait, au terme de son argumentaire, que sa responsabilité financière ne pouvait pas porter sur l’intégralité des loyers de son appartement de fonction de janvier 2009 à août 2010. En deux points de la requête (121 et 125), le requérant dénonçait à cet égard une violation du principe de proportionnalité.

57      Dans l’arrêt attaqué, après avoir résumé l’argumentation du requérant aux points 153 à 156 en mentionnant l’invocation du principe de proportionnalité, le Tribunal de la fonction publique a rejeté cette argumentation aux points 158 à 163 dans le cadre d’un raisonnement motivé. Le Tribunal de la fonction publique en a conclu, au point 164, que le grief tiré de l’erreur de droit dans la détermination des loyers remboursables devait être rejeté dans son ensemble.

58      À cet égard, il y a d’abord lieu de constater que le Tribunal de la fonction publique a, d’un point de vue formel, repris la qualification juridique globale de la première branche du sixième moyen d’annulation (erreur de droit dans la détermination des loyers remboursables), le reste de l’intitulé de cette branche (violation de l’article 22 du statut et du principe de proportionnalité) correspondant à deux erreurs de droit spécifiquement identifiées par le requérant dans son argumentation. En ne reprenant que la qualification juridique globale de cette branche de moyen dans le titre annonçant son examen et dans le point conclusif de cet examen, le Tribunal de la fonction publique n’a ni rendu le déroulement de son analyse confus, ni indiqué qu’il négligeait les fondements juridiques précis qui soutenaient cette branche.

59      Il y a ensuite lieu de constater que le Tribunal de la fonction publique a rejeté de manière motivée les arguments mis en avant par le requérant en vue de démontrer les différentes erreurs, notamment de droit, qu’il dénonçait. En particulier le Tribunal de la fonction publique a rejeté de manière motivée les arguments liés au contrat de bail et à l’éventualité que le requérant ait pu déménager dans un logement plus petit (arrêt attaqué, points 159 à 161).

60      Dans ces conditions, le Tribunal de la fonction publique a nécessairement, même si c’est implicitement, rejeté le grief tiré d’une méconnaissance du principe de proportionnalité. L’arrêt attaqué ne souffre donc pas d’une omission de statuer ou, plus généralement, d’un manque de motivation à cet égard.

61      Il y a lieu d’ajouter que, aux points 18 et 19 du pourvoi, le grief tiré d’un manque de motivation est réitéré à l’égard du traitement des arguments résumés au point 56 ci-dessus, en raison de ce que le Tribunal de la fonction publique ne les aurait pas examinés. En particulier, selon le requérant, l’analyse figurant au point 161 de l’arrêt attaqué ne serait pas pertinente par rapport à l’argument auquel elle répond, lié à la circonstance que si le requérant avait quitté l’appartement de fonction, il aurait pu en occuper un plus petit, qui aurait néanmoins eu un coût pour la Commission, ce qui minorerait le préjudice de celle-ci. Toutefois, ainsi qu’il est dit au point 59 ci-dessus, le Tribunal de la fonction publique a rejeté de manière motivée ces arguments, même si le requérant estime que les motifs retenus n’y répondent pas ou n’y répondent pas correctement. Or, un grief tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation se distingue de celui pris du caractère erroné des motifs d’un arrêt. Ce dernier aspect relève de l’examen de la légalité au fond de l’arrêt et non de la violation des formes substantielles et ne peut donc donner lieu à une violation de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne en vertu duquel les arrêts sont motivés. Par conséquent, le Tribunal, en tant que juge du pourvoi, ne saurait examiner, au titre du contrôle du respect de l’obligation de motivation, la légalité au fond des motifs retenus par le Tribunal de la fonction publique. Dans le cadre d’un moyen tiré d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation, les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé de la décision litigieuse sont ainsi dénués de pertinence (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, points 66 à 72, et, par analogie, arrêt du 1er juillet 2009, Operator ARP/Commission, T‑291/06, EU:T:2009:235, point 48).

62      Le moyen tiré d’une omission de statuer ou, plus généralement, de la violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne la responsabilité financière du requérant retenue dans la décision litigieuse doit donc être rejeté.

63      Le Tribunal précise qu’il examinera incidemment d’autres griefs tirés d’un manque de motivation de l’arrêt attaqué à l’occasion de l’examen d’autres moyens du pourvoi.

–       Sur le moyen tiré d’une dénaturation du dossier par le juge du fond en ce qui concerne la responsabilité financière du requérant retenue dans la décision litigieuse

64      Le Tribunal estime qu’il est approprié de traiter à ce stade ce moyen, même s’il est présenté après celui tiré d’erreurs de droit dans le pourvoi.

65      Au point 12 du pourvoi, le requérant expose que, en examinant ses arguments « sur l’absence de matérialité des atteintes alléguées au devoir de loyauté », le Tribunal de la fonction publique a dénaturé le dossier.

66      En ce qui concerne l’office du juge du pourvoi, il découle de l’article 11 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, relative au Tribunal de la fonction publique, que ce dernier était seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations aurait résulté des pièces du dossier qui lui avaient été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits, sous réserve de la dénaturation, de sa part, des éléments de preuve [voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2014, Mocová/Commission, T‑347/12 P, EU:T:2014:268, point 62 (non publié), et ordonnance du 8 octobre 2015, Nieminen/Conseil, T‑464/14 P, EU:T:2015:787, points 26 et 35 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 49] .

67      Pour apprécier l’existence, ou non, de la « dénaturation du dossier » dénoncée par le requérant, c’est-à-dire l’inexactitude matérielle des constatations du juge du fond ou la dénaturation de sa part des éléments de preuve compte tenu des pièces du dossier qui lui a été soumis, il est nécessaire en l’espèce d’examiner précisément les arguments avancés par le requérant devant le Tribunal de la fonction publique et la façon dont celui-ci les a traités.

68      Aux points 148 à 150 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a rejeté les arguments du requérant visant à démontrer qu’il n’avait pas été déloyal à l’égard de l’Union, contrairement à ce qui ressort de la décision litigieuse. Selon le Tribunal de la fonction publique, les raisons avancées par le requérant pour justifier la situation étaient insuffisantes, ou non prouvées, ou encore atténuées par d’autres circonstances.

69      Plus précisément, au point 108 de la requête, le requérant dénonçait des erreurs factuelles et des approximations figurant dans la décision litigieuse, qui auraient servi à étayer la démonstration de son manquement au devoir de loyauté.

70      En premier lieu, le requérant exposait que le considérant 22 de la décision litigieuse pouvait laisser entendre qu’il aurait dû résider dans son appartement de fonction, alors que sa présence personnelle dans celui-ci n’avait pas été mise en doute dans le rapport de l’AIPN au conseil de discipline. À cet égard, au point 148 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a déduit de certaines déclarations du requérant que l’AIPN pouvait douter que celui-ci ait véritablement occupé de manière régulière son logement de fonction. Dès lors, cette occupation sporadique et temporaire n’aurait pu satisfaire à l’obligation pour le fonctionnaire, prévue à l’article 5 de l’annexe X du statut, de résider dans un logement mis à disposition par son institution. Par ailleurs, il n’y aurait eu aucun doute que la famille du requérant aurait dû résider avec lui dans ce logement.

71      Il doit être constaté que le Tribunal de la fonction publique a dénaturé la décision litigieuse en indiquant en substance, au point 148 de l’arrêt attaqué, que le requérant avait manqué à ses obligations, même en ne tenant compte que de son occupation personnelle de l’appartement de fonction. En effet, un tel grief n’est pas retenu dans la décision litigieuse, le considérant 22 de celle-ci, critiqué par le requérant, indiquant en particulier que, « [e]n omettant d’occuper l’appartement de fonction avec sa famille, [le requérant] a violé son obligation découlant de l’article 5 de l’annexe X du statut ». Certes, comme l’a rappelé le Tribunal de la fonction publique au point 44 de l’arrêt attaqué, lorsque, comme en l’espèce, une décision de rejet de la réclamation portée contre l’acte initial faisant grief a été adoptée par l’AIPN, ledit acte doit être examiné en prenant en compte la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 58 et 59 et jurisprudence citée). Mais, en l’occurrence, dans sa décision de rejet de la réclamation du requérant, l’AIPN s’est bornée à rappeler que seule la non-occupation en famille était en cause, même si initialement l’enquête de l’OLAF avait aussi porté sur l’occupation personnelle du requérant. Le fait que le requérant, dans la requête contre la décision litigieuse, ait lui-même dénaturé le contenu du considérant 22 de celle-ci ne permettait pas au Tribunal de la fonction publique de procéder de manière semblable.

72      Toutefois, comme cela est exposé au point 70 ci-dessus, le Tribunal de la fonction publique a indiqué, au point 148 de l’arrêt attaqué, que, en tout état de cause, le requérant aurait dû, pour respecter ses obligations au titre de l’article 5 de l’annexe X du statut, résider dans l’appartement de fonction avec sa famille. Cette réponse, dans le cadre de l’appréciation de la loyauté du comportement du requérant, s’inscrit dans le contenu de la décision litigieuse et n’est elle-même pas sujette à une critique dans le cadre du pourvoi. De plus, comme cela est relevé au point 71 ci-dessus, le requérant a lui-même dénaturé le considérant 22 de la décision litigieuse en exposant qu’il lui y était reproché une non-occupation personnelle de son logement de fonction, ce qui est inexact. Dans ces conditions, la critique de l’appréciation du Tribunal de la fonction publique à cet égard est inopérante et la dénaturation de la décision litigieuse constatée au point 71 ci-dessus ne saurait avoir de conséquence (voir, en ce sens, arrêts du 18 mars 1993, Parlement/Frederiksen, C‑35/92 P, EU:C:1993:104, point 31, et du 19 novembre 2009, Michail/Commission, T‑50/08 P, EU:T:2009:457, point 65).

73      En deuxième lieu, au point 108 de la requête, le requérant exposait également que, au considérant 24 de la décision litigieuse, il lui était reproché de ne pas avoir régularisé la situation en janvier 2009 alors que son épouse avait repris le travail, mais refusait toujours d’emménager dans l’appartement de fonction. En réalité, à ce moment, ce serait un problème d’émanations chimiques dues à une vitrification défectueuse du parquet qui aurait empêché le déménagement. La cheffe d’administration de la délégation aurait corroboré ce fait. Au point 149 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a jugé que le requérant n’avait pas démontré la réalité des problèmes liés à cette vitrification et que celle-ci n’avait pas empêché l’ami du requérant et l’amie de cet ami d’occuper les lieux.

74      À cet égard, au point 12 du pourvoi, le requérant se borne à se montrer surpris que le Tribunal de la fonction publique lui ait répondu au sujet du problème de vitrification et il indique que, dans la requête, au point 123, sous le « moyen » concernant sa responsabilité financière, il avait invoqué les problèmes de santé de son bébé.

75      Or, le requérant ne saurait démontrer une dénaturation du dossier par le Tribunal de la fonction publique dans sa réponse à un argument avancé au point 108 de la requête, en exposant que celui-ci n’y a pas répondu à un autre argument avancé au point 123 de la requête. La dénaturation alléguée n’est donc pas établie.

76      En troisième lieu, toujours au point 108, mais aussi au point 109, de la requête, le requérant exposait que, au considérant 24 de la décision litigieuse, il lui était également reproché d’avoir promis à la cheffe d’administration de la délégation que la situation allait se régulariser, avec un emménagement familial, alors que, dans le même temps, il mettait son appartement de fonction à la disposition d’un ami, ce qui, selon l’AIPN, aurait été contradictoire. Or, le requérant aurait été transparent à l’égard de la délégation au sujet de la présence de cet ami, laquelle, compte tenu de ses modalités, n’aurait pas rendu impossible l’emménagement familial. Dans la décision litigieuse, l’AIPN aurait ainsi réintroduit un grief lié à la présence d’un ami dans l’appartement de fonction, non retenu dans le rapport au conseil de discipline.

77      Au point 150 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a répondu que le requérant n’avait ni prouvé avoir informé la cheffe d’administration de la délégation de la remise d’une clé à un ami, ni prouvé qu’elle avait dès lors autorisé la présence de ce dernier dans l’appartement de fonction. En tout état de cause, toujours selon les motifs du point 150 de l’arrêt attaqué, la présence de l’amie de cet ami n’aurait pas été signalée et, en application de l’accord de mise à disposition du logement, le requérant n’aurait pas dû céder son droit d’habiter à des tiers, même gratuitement.

78      Au point 12 du pourvoi, le requérant expose que, contrairement à ce qu’a indiqué le Tribunal de la fonction publique, la cheffe d’administration de la délégation a reconnu devant l’OLAF avoir été informée par lui de la remise d’une clé à un ami pour que celui-ci puisse assurer un rôle de « garde-appartement » et qu’il ne ressort pas de ses déclarations qu’elle s’y était opposée, par exemple en invoquant l’accord de mise à disposition du logement. Le compte rendu d’audition pertinent de l’OLAF aurait figuré au dossier du Tribunal de la fonction publique. Dans la décision litigieuse elle-même, il ne serait pas reproché au requérant d’avoir méconnu l’accord de mise à disposition du logement à cet égard. D’ailleurs, l’interprétation de cet accord par le Tribunal de la fonction publique, en ce sens qu’il aurait interdit l’arrangement de « garde-appartement », constituerait également une dénaturation des éléments du dossier. Enfin, le requérant souligne que la question de la remise des clés à son ami n’a pas été utilisée dans la décision litigieuse pour établir sa responsabilité financière, objet du sixième moyen de son recours contre cette décision, et que le fait de rattacher cette question à ce moyen constitue aussi une dénaturation de la décision litigieuse par le Tribunal de la fonction publique et que ce fait caractérise en outre un dépassement de son office.

79      Il ressort effectivement de l’annexe A 5 de la requête, constituée du compte rendu de l’audition de la cheffe d’administration de la délégation par l’OLAF, que cette dernière a reconnu avoir, probablement en 2009, été informée par le requérant qu’un de ses amis assurerait un rôle de « garde-appartement » et était en possession d’une clé. Il ressort également de ce compte rendu que la cheffe d’administration de la délégation a reconnu lors de cette audition que cette situation était anormale, mais qu’elle n’en avait pas fait état par une note au dossier. Ces propos ont été résumés dans le rapport final d’enquête de l’OLAF mentionné au point 13 ci-dessus, qui était produit comme annexe A 6 de la requête, auquel il était fait expressément référence et qui était cité au point 108 de la requête dans l’argumentaire du requérant visant à montrer qu’il n’avait pas été déloyal.

80      Il doit dès lors être constaté que le Tribunal de la fonction publique a dénaturé le dossier en indiquant que le requérant n’avait pas apporté une « quelconque preuve » d’avoir informé la cheffe d’administration de la délégation de la remise d’une clé de son appartement de fonction à un ami jouant le rôle de « garde-appartement ». Contrairement à la dénaturation constatée au point 71 ci-dessus, celle constatée au présent point peut le cas échéant avoir un impact sur la décision litigieuse, puisque dans cette dernière les éléments de contexte à propos desquels cette dénaturation est intervenue ont été pris en compte. Cette dénaturation au point 150 de l’arrêt attaqué doit donc être retenue dans le cadre de l’examen du pourvoi. En revanche, les autres considérations exprimées par le Tribunal de la fonction publique au point 150 de l’arrêt attaqué, examiné à ce stade de l’analyse, ne traduisent pas une dénaturation du dossier.

81      Il doit être retenu des points 64 à 80 ci-dessus que le Tribunal de la fonction publique a, dans la mesure exposée à ce dernier point, dénaturé le dossier dans son appréciation des arguments et des éléments de preuve visant à montrer que le requérant n’avait pas été déloyal, avancés pour contester sa responsabilité financière.

82      Le Tribunal précise qu’il examinera incidemment d’autres griefs de dénaturation du dossier exprimés par le requérant à l’occasion de l’examen d’autres moyens du pourvoi.

–       Sur le moyen tiré d’erreurs de droit commises par le juge du fond en ce qui concerne la responsabilité financière du requérant retenue dans la décision litigieuse

83      Le requérant expose tout d’abord, au point 11 du pourvoi, que, en examinant ses arguments « sur l’absence de matérialité des atteintes alléguées au devoir de loyauté », le Tribunal de la fonction publique a, au point 151 de l’arrêt attaqué, estimé que, puisque l’obligation de loyauté d’un fonctionnaire de l’Union à l’égard de celle-ci s’impose de manière générale et objective, peu importaient les raisons ayant amené le requérant à violer cette obligation, à supposer ces raisons établies. Or, selon le requérant, lorsqu’elle applique l’article 22 du statut susceptible de fonder la responsabilité financière d’un fonctionnaire à l’égard de l’Union en raison de fautes personnelles graves qu’il a commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, l’AIPN devrait tenir compte d’éventuelles circonstances atténuantes pouvant se trouver dans les raisons expliquant le manquement de ce fonctionnaire. À défaut, le principe de proportionnalité serait violé. En jugeant que les raisons expliquant son comportement n’avaient pas d’importance, le Tribunal de la fonction publique aurait donc commis une erreur de droit, tant au regard de l’article 22 du statut qu’au regard du principe de proportionnalité.

84      L’article 11 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, relative au Tribunal de la fonction publique, dispose que le pourvoi contre les décisions de ce tribunal est limité aux questions de droit. Il est précisé que le pourvoi peut être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal de la fonction publique, d’irrégularités de procédure devant ledit tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie concernée ainsi que de la violation du droit de l’Union. Un moyen tiré d’une erreur de droit relève par conséquent pleinement de la compétence du juge du pourvoi.

85      En l’occurrence, la critique du requérant exposée au point 83 ci-dessus soulève bien une question de droit.

86      L’article 22, premier alinéa, du statut prévoit que « [l]e fonctionnaire peut être tenu de réparer en totalité ou en partie le préjudice subi par l’Union en raison de fautes personnelles graves qu’il aurait commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ».

87      Dans la décision litigieuse, pour retenir la responsabilité financière du requérant au titre de l’article 22 du statut, l’AIPN a exposé en substance que le comportement fautif de ce dernier était à l’origine d’un préjudice financier pour l’institution (considérant 29) ; que si, initialement, les problèmes de santé au sein de sa famille avaient pu faire obstacle à la régularisation immédiate de la situation, à compter de janvier 2009, le requérant était personnellement responsable de son comportement fautif (considérant 30) ; que ce comportement était d’autant plus grave que le requérant était un juriste avisé d’un grade élevé n’ignorant pas le caractère irrégulier de la situation et qu’il avait ainsi fait preuve de négligence grossière en n’y mettant pas un terme (considérant 31) ; enfin, qu’un fonctionnaire bénéficiant d’un avantage en nature doit s’assurer qu’il remplit, tant que cet avantage lui est octroyé, les conditions pour en bénéficier, ce qui relève du devoir de loyauté et ce que n’avait pas fait le requérant (considérant 32).

88      L’appréciation critiquée portée au point 151 de l’arrêt attaqué a été formulée après que le Tribunal de la fonction publique a rejeté des arguments du requérant visant à démontrer que, contrairement à ce qui était dit au considérant 32 de la décision litigieuse, il n’avait pas été déloyal. Comme cela est indiqué au point 68 ci-dessus, les raisons avancées par le requérant ont été jugées par le juge du fond insuffisantes, ou non prouvées, ou encore atténuées par d’autres circonstances (arrêt attaqué, points 148 à 150). L’appréciation critiquée du Tribunal de la fonction publique est, comme cela est explicitement dit au point 151 de l’arrêt attaqué, subsidiaire par rapport à cette appréciation des faits, le Tribunal de la fonction publique indiquant qu’elle est portée « à supposer établies » les raisons invoquées par le requérant.

89      Dans la mesure où a été constatée précédemment une dénaturation du dossier par le Tribunal de la fonction publique dans son appréciation de certains arguments du requérant visant à montrer qu’il n’avait pas été déloyal, avancés pour contester sa responsabilité financière, l’appréciation juridique subsidiaire exposée au point 151 de l’arrêt attaqué ne peut pas être d’emblée considérée comme surabondante et doit donc être examinée au regard du moyen tiré d’une erreur de droit, résumé au point 83 ci-dessus.

90      L’article 11, premier alinéa, première phrase, du statut, d’après laquelle « [l]e fonctionnaire doit s’acquitter de ses fonctions et régler sa conduite en ayant uniquement en vue les intérêts de l’Union » consacre le devoir de loyauté des fonctionnaires de l’Union à l’égard de celle-ci. Ce devoir est explicitement mentionné dans la suite du même alinéa, à la troisième phrase, qui précise que le fonctionnaire remplit les fonctions qui lui sont confiées de manière objective et impartiale et dans le respect de son devoir de loyauté envers l’Union. Ce devoir est également explicitement mentionné à l’article 17 bis du statut concernant les limites à la liberté d’expression des fonctionnaires. Les modalités du respect du devoir de loyauté sont précisées au regard de certains aspects ou de certaines circonstances dans plusieurs dispositions du statut comme les articles 12, 12 ter ou 17 bis.

91      En l’occurrence, le devoir de loyauté a été invoqué par l’AIPN, implicitement au considérant 31 et explicitement au considérant 32 de la décision litigieuse, pour établir un manquement du requérant à celui-ci, participant à la démonstration qu’en ne régularisant pas, au plus tard en janvier 2009, une situation qu’il aurait su irrégulière, il avait commis une faute personnelle grave (également qualifiée au considérant 31 de la décision litigieuse de négligence grossière) de nature à lui imposer de réparer, comme cela est prévu à l’article 22 du statut, en totalité ou en partie le préjudice qu’il aurait fait subir à l’Union. Le devoir de loyauté a été invoqué par le requérant aux points 108 à 114 de la requête afin de démontrer que, contrairement à ce qui était retenu dans la décision litigieuse, il avait respecté ce devoir, car il n’avait pas commis de fautes personnelles et avait informé la cheffe d’administration de la délégation de la situation et de son évolution.

92      L’appréciation juridique critiquée exposée au point 151 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, « puisque l’obligation de loyauté s’impose de manière générale et objective […] il n’était pas nécessaire que, pour constater le manquement de la part du requérant, l’AIPN […] établisse ou prenne en compte les raisons ayant amené le requérant à violer son devoir de loyauté, même à les supposer établies », pourrait de prime abord faire l’objet de deux interprétations : soit que le Tribunal de la fonction publique ait jugé que les raisons qui ont conduit un fonctionnaire à un certain comportement n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer s’il a manqué à son devoir de loyauté à l’égard de l’Union ; soit que le Tribunal de la fonction publique ait jugé qu’une fois une violation par un fonctionnaire du devoir de loyauté établie, les raisons qui l’ont conduit à cette violation n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer s’il a commis une faute personnelle grave permettant d’engager sa responsabilité financière, sur le fondement de l’article 22 du statut. Toutefois, eu égard au contexte, c’est la première interprétation qui s’impose, premièrement, dans la mesure où, aux points précédant le point 151 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique, examinant à ce stade de l’arrêt attaqué les arguments du requérant « sur l’absence de matérialité des atteintes alléguées au devoir de loyauté », a rejeté les raisons mises en avant par le requérant pour démontrer qu’il n’avait pas été déloyal envers l’Union et où, toujours pour réfuter les mêmes arguments, l’appréciation juridique critiquée exposée au point 151 de l’arrêt attaqué est exprimée à titre subsidiaire, « à supposer [ces raisons] établies », et, deuxièmement, dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique affirme dans ce même point que « l’obligation de loyauté s’impose de manière générale et objective », ce qui a contrario laisse entendre que des éléments subjectifs n’entrent pas en ligne de compte pour savoir si cette obligation est respectée.

93      La question est donc de savoir si les raisons qui peuvent conduire un fonctionnaire à avoir un comportement dicté en tout ou partie par d’autres intérêts que ceux de l’Union ou même un comportement opposé à ceux-ci, par exemple la volonté de nuire, la corruption, l’indifférence, la motivation politique, la volonté de se procurer un avantage ou d’en procurer à d’autres, une pression extérieure insurmontable, un impératif personnel, doivent être prises en compte pour apprécier si un tel comportement constitue, ou non, une marque de déloyauté à l’égard de l’Union.

94      Au point 151 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a répondu par la négative en s’appuyant sur l’arrêt du 23 octobre 2013, Gomes Moreira/ECDC (F‑80/11, EU:F:2013:159). Dans cet arrêt, il a été jugé, en substance, aux points 65 et 66, que la constatation d’un manquement à plusieurs obligations statutaires visant notamment à assurer la loyauté des fonctionnaires ne dépendait pas de la circonstance que le fonctionnaire concerné ait causé un préjudice à l’Union ou que son comportement ait suscité des plaintes. Cette appréciation était appuyée elle-même sur un précédent jurisprudentiel (arrêt du 3 juillet 2001, E/Commission, T‑24/98 et T‑241/99, EU:T:2001:175, point 76) dans lequel il a été jugé qu’il n’était pas nécessaire que le fonctionnaire concerné ait cherché à profiter personnellement de son comportement ou que ce dernier ait causé un préjudice à l’institution pour constater un manquement à plusieurs obligations du même ordre. Dans une autre affaire, ayant donné lieu à l’arrêt du 19 mars 1998, Tzoanos/Commission (T‑74/96, EU:T:1998:58, point 66), elle-même invoquée comme précédent jurisprudentiel dans l’arrêt du 3 juillet 2001, E/Commission (T‑24/98 et T‑241/99, EU:T:2001:175), s’agissant d’un possible manquement à l’obligation, pour un fonctionnaire, de demander une autorisation pour exercer une activité extérieure, qui relève de l’obligation de loyauté et qui a une portée générale, il a été jugé que, pour apprécier l’existence d’un tel manquement, il était superflu de savoir si cette activité pouvait engendrer un conflit d’intérêts compte tenu des fonctions exercées par ce fonctionnaire.

95      Contrairement à ce qu’a estimé le Tribunal de la fonction publique, il ne ressort pas de tels précédents que les raisons qui ont conduit un fonctionnaire à adopter un comportement enfreignant certaines de ses obligations envers l’Union ne doivent en aucun cas être prises en considération pour déterminer s’il a été déloyal à l’égard de celle-ci.

96      Certes, si certaines circonstances sont par nature indifférentes à ce propos, comme les circonstances identifiées dans les arrêts mentionnés au point 94 ci-dessus, la question de savoir si un comportement a été déloyal dépend précisément du contexte dans lequel il s’est inscrit. Par exemple, un fonctionnaire peut croire agir en vue des intérêts de l’Union dans l’exercice de ses fonctions, mais agir en réalité contre eux parce qu’il est dépassé par une situation particulièrement complexe et inédite, ce qui ne traduit pas nécessairement un manque de loyauté de sa part même si à un moment donné il a perdu de vue les intérêts de l’Union. Un problème personnel grave d’un fonctionnaire peut lui faire passer momentanément au second plan les intérêts de l’Union dans le cadre de sa conduite, sans que, en fonction des circonstances, il puisse toujours lui être reproché un manque de loyauté de ce fait. Inversement, si un fonctionnaire fait valoir qu’il a méconnu les intérêts de l’Union parce qu’il a été dépassé par la situation, ou qu’il a fait passer les intérêts de l’Union au second plan par rapport à des problèmes personnels graves, il n’est pas indifférent de savoir, pour apprécier sa loyauté envers l’Union, s’il a rendu compte à la hiérarchie de ses difficultés et quelle attitude il a adoptée dans ce contexte.

97      Ainsi, apprécier la loyauté d’une personne, c’est apprécier son comportement à l’égard de l’entité ou de la personne à laquelle cette loyauté est due en fonction du contexte. L’article 11, premier alinéa, première phrase, du statut qui dispose que « [l]e fonctionnaire doit s’acquitter de ses fonctions et régler sa conduite en ayant uniquement en vue les intérêts de l’Union » prescrit à ce sujet un comportement général caractérisant la loyauté à l’égard de l’Union, mais n’en constitue pas une définition absolue écartant la prise en compte du contexte dans lequel doit être appréciée cette loyauté, exigée sur le fondement de l’article 11, premier alinéa, troisième phrase, du statut, dans laquelle est mentionnée l’obligation des fonctionnaires de l’Union de remplir leurs fonctions dans « le respect [du] devoir de loyauté envers l’Union ».

98      À cet égard, dans les arrêts sur lesquels s’est appuyé, directement ou indirectement, le Tribunal de la fonction publique au point 151 de l’arrêt attaqué, l’appréciation selon laquelle, en substance, diverses obligations statutaires s’imposent de manière générale et objective vise ces obligations proprement dites, mais ne signifie pas que, d’un point de vue plus général, la loyauté ou la déloyauté d’un fonctionnaire de l’Union doit s’apprécier indépendamment des circonstances dans lesquelles il a adopté un comportement donné et des raisons pour lesquelles il a adopté un tel comportement. Le Tribunal de la fonction publique a donc commis une erreur de droit en jugeant que les raisons ayant motivé la conduite du requérant étaient indifférentes pour constater l’atteinte portée à son devoir de loyauté.

99      En outre, c’est à juste titre que le requérant soutient que, pour qualifier, dans le cadre de l’application de l’article 22 du statut, le comportement d’un fonctionnaire de constitutif d’une faute personnelle grave, l’AIPN doit tenir compte des circonstances et ne peut se contenter de constater que le fonctionnaire en cause a méconnu des règles s’imposant à lui, ou autrement dit, ne peut se contenter de constater qu’il a manqué à certaines de ses obligations.

100    Par conséquent, l’appréciation juridique subsidiaire exposée au point 151 de l’arrêt attaqué, d’après laquelle les raisons qui ont conduit un fonctionnaire à adopter un comportement n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer s’il a été déloyal envers l’Union, relève d’une erreur de droit au regard des arguments auxquels elle répondait.

101    Aux points 13 à 17 du pourvoi, le requérant expose ensuite que, en examinant ses arguments sur la première branche de son sixième moyen d’annulation, intitulée « Erreur de droit dans la détermination des loyers remboursables – violation de l’article 22 du statut et du principe de proportionnalité », lesquels ont été résumés au point 56 ci-dessus, le Tribunal de la fonction publique a, au point 159 de l’arrêt attaqué, estimé qu’il ressortait de la décision litigieuse que sa situation avait été irrégulière dès septembre 2008, puisqu’il n’avait pas occupé l’appartement de fonction avec sa famille dès le commencement du bail. Le Tribunal de la fonction publique aurait également estimé, au même point, qu’en ne rendant pas ce logement en janvier 2009, le requérant avait privé la délégation de la possibilité de l’utiliser à de nouvelles fins. Le Tribunal de la fonction publique se serait fondé sur ces éléments pour conclure, au point 160 de l’arrêt attaqué, que le requérant ne pouvait valablement prétendre que le préjudice financier de l’Union n’avait commencé qu’à compter de septembre 2009. Selon le requérant, en jugeant cela, le Tribunal de la fonction publique a méconnu l’article 22 du statut, puisque, d’une part, ce dernier requiert une qualification de faute personnelle grave qui n’a pas été retenue par l’AIPN pour la période de septembre à décembre 2008 et, d’autre part, le préjudice identifié au point 159 de l’arrêt attaqué d’avoir privé la délégation d’une autre utilisation possible de l’appartement en question est hypothétique, alors qu’il doit être direct et certain pour que la responsabilité financière d’un fonctionnaire puisse être engagée au titre de cette disposition. Le juge du fond aurait ainsi dénaturé le dossier et commis une erreur de droit.

102    Dans le cadre du contrôle de légalité, le juge du fond peut, pour rejeter des moyens ou des arguments d’une partie requérante, s’appuyer sur des constatations, des appréciations et des qualifications retenues dans l’acte attaqué, si celles-ci sont légales, et motiver en outre le rejet de ces moyens et ces arguments par ses propres considérations juridiques (voir, en ce sens, ordonnance du 27 septembre 2004, UER/M6 e.a., C‑470/02 P, non publiée, EU:C:2004:565, points 69 et 70, et arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 65). En revanche, dans le cadre du contrôle de légalité, le juge du fond ne peut substituer sa propre appréciation ou motivation à celle de l’auteur de l’acte attaqué pour justifier celui-ci (voir, en ce sens, arrêts du 27 janvier 2000, DIR International Film e.a./Commission, C‑164/98 P, EU:C:2000:48, point 38, et du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, points 88 et 89). Cependant, lorsqu’il exerce une compétence de pleine juridiction, comme, sur le fondement de l’article 91, paragraphe 1, du statut, dans les litiges de caractère pécuniaire entre l’Union et ses fonctionnaires et en particulier, sur le fondement de l’article 22, troisième alinéa, du statut, dans les litiges relatifs à la responsabilité financière des fonctionnaires envers l’Union, le juge du fond peut lui-même tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire et, donc, apporter à cet égard sa propre appréciation ou motivation pour justifier le paiement d’une somme par une partie à l’autre partie (voir, en ce sens, arrêts du 27 octobre 1987, Houyoux et Guery/Commission, 176/86 et 177/86, EU:C:1987:461, point 16, et du 20 mai 2010, Gogos/Commission, C‑583/08 P, EU:C:2010:287, point 44 et jurisprudence citée).

103    En l’espèce, il doit être constaté que, en indiquant, au point 159 de l’arrêt attaqué, que la situation du requérant était irrégulière dès septembre 2008, le Tribunal de la fonction publique a repris une appréciation figurant dans la décision litigieuse aux considérants 22 et 37. Or, la reprise de cette appréciation ne visait, ainsi qu’il ressort du point 160 de l’arrêt attaqué, qu’à réfuter les arguments du requérant sur l’évaluation du préjudice qu’il avait pu faire subir à l’Union, dont il contestait toute existence jusqu’en septembre 2009, mais ne visait pas, contrairement à ce que soutient le requérant, à affirmer que les conditions d’application de l’article 22 du statut étaient réunies dès septembre 2008. Ce faisant, le Tribunal de la fonction publique n’a donc ni qualifié de faute personnelle grave le comportement du requérant entre septembre 2008 et décembre 2008 ni, d’ailleurs, fait croire qu’une faute personnelle grave avait été retenue par l’AIPN pour une période commençant dès septembre 2008 et n’a donc pas dénaturé le dossier à ce propos comme le soutient aussi le requérant au point 14 du pourvoi.

104    Par ailleurs, en indiquant, au même point 159 de l’arrêt attaqué, que la délégation avait été privée à partir de janvier 2009 de la possibilité d’utiliser le logement de fonction du requérant à de nouvelles fins, le Tribunal de la fonction publique a certes ajouté, même en tenant compte de la décision de rejet de la réclamation du requérant, un motif par rapport à la décision litigieuse dans laquelle il était seulement indiqué que le préjudice résultait de la prise en charge par l’Union du coût de la location injustifiée de l’appartement familial mis à la disposition du requérant. Néanmoins, ce motif supplémentaire avancé par le Tribunal de la fonction publique consiste seulement à dire que le comportement du requérant n’a pas permis de diminuer le préjudice identifié dans la décision litigieuse, mais n’identifie pas un préjudice supplémentaire. De plus, cette appréciation peut relever de l’exercice du pouvoir de pleine juridiction du Tribunal de la fonction publique concernant la responsabilité financière du requérant, pouvoir que celui-ci lui avait au demeurant demandé d’exercer. Dès lors, l’erreur de droit, tirée de ce que le Tribunal de la fonction publique aurait identifié au point 159 de l’arrêt attaqué un nouveau préjudice hypothétique non susceptible d’engager la responsabilité financière du requérant, n’est pas établie. Il doit également être constaté que le motif supplémentaire avancé par le Tribunal de la fonction publique ne saurait révéler une dénaturation du dossier telle que définie au point 67 ci-dessus.

105    Le requérant estime ensuite, aux points 21 à 23 du pourvoi, qu’en examinant ses arguments sur la « violation de la prescription quinquennale ou du délai raisonnable », le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit en jugeant que la prescription de cinq ans prévue à l’article 85, second alinéa, du statut, invoquée dans la requête, ne s’appliquait pas à sa situation.

106    Dans la requête, en particulier au point 129, il était exposé que l’article 85 du statut, relatif à la répétition de l’indu auprès des fonctionnaires de l’Union, devait s’appliquer en l’espèce bien que le requérant n’ait pas perçu directement une somme d’argent sur son compte bancaire pour se loger. À cet égard, le requérant faisait valoir que bénéficier d’un logement de fonction loué par la Commission ou louer soi-même un logement et bénéficier de remboursements de la part de la Commission, situations correspondant respectivement aux prévisions des articles 5 et 23 de l’annexe X du statut, étaient deux situations équivalentes, dépendant du simple choix du bailleur de préférer louer à une institution ou à un particulier. Il ne devrait donc pas y avoir de différence en matière de prescription de la répétition de l’indu entre ces deux modalités d’indemnisation des frais de logement pour les fonctionnaires affectés dans un pays tiers.

107    Aux points 167 et 168 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique, en s’appuyant sur l’arrêt du 27 janvier 2016, DF/Commission, (T‑782/14 P, EU:T:2016:29, point 54), a souligné que l’article 85 du statut vise la répétition des sommes indûment perçues par un fonctionnaire et que, en l’occurrence, le requérant n’avait reçu aucune somme de la part de l’institution, mais lui avait causé un préjudice financier, et que les sommes versées par celle-ci au bailleur n’étaient pas indues.

108    Il convient tout d’abord d’indiquer que, en exposant ces considérations, le Tribunal de la fonction publique a, contrairement à ce que le requérant soutient également au point 22 du pourvoi, motivé suffisamment sa position sur la non-application, en l’espèce, de la prescription prévue à l’article 85 du statut pour satisfaire à son obligation de motivation découlant de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, même s’il n’a pas rejeté explicitement tous les arguments avancés à ce propos dans la requête. Le Tribunal renvoie à cet égard à la jurisprudence rappelée au point 54 ci-dessus.

109    Sur le fond, il y a lieu de souligner que l’arrêt du 27 janvier 2016, DF/Commission (T‑782/14 P, EU:T:2016:29), invoqué par le Tribunal de la fonction publique, mentionné au point 107 ci-dessus, ne permet pas de considérer que l’article 85 du statut ne s’applique pas à une situation dans laquelle un avantage en nature est accordé. En effet, en indiquant, au point 54 de cet arrêt, rendu dans une affaire dans laquelle le fonctionnaire requérant, auquel le remboursement d’une indemnité non due était réclamé, arguait qu’il ne pourrait pas récupérer la partie transférée à son ex-épouse dans le cadre d’une pension alimentaire, le Tribunal s’est limité à juger que l’article 85 du statut ne concerne que la relation financière entre le fonctionnaire ayant bénéficié des versements irréguliers et l’institution concernée, peu important les éventuelles conséquences de la répétition pour le fonctionnaire à l’égard d’autres personnes qui avaient pu bénéficier directement ou indirectement des versements irréguliers faisant l’objet de la récupération par cette institution, ces questions relevant du droit privé. Par conséquent, ledit arrêt ne se prononce pas sur la question de savoir si un avantage en nature, comme la fourniture d’un appartement de fonction, peut être considéré comme faisant partie de la relation financière entre un fonctionnaire et son institution et peut faire l’objet d’une action en répétition de l’indu. D’ailleurs, rien ne s’oppose à ce qu’un avantage en nature indu, qui équivaut au versement indirect d’une somme, fasse l’objet d’une répétition. À défaut, les institutions ne pourraient jamais obtenir le remboursement de ces avantages indus, sauf à engager la procédure prévue à l’article 22 du statut et à prouver la faute personnelle grave des fonctionnaires concernés, ce qui serait inadapté à un certain nombre de circonstances et conduirait à une inégalité de traitement entre les fonctionnaires ayant bénéficié d’un avantage indu sous la forme du versement direct d’une somme d’argent et ceux ayant bénéficié d’un avantage indu sous la forme d’un avantage en nature. Aussi, en jugeant que, dès lors que le requérant n’avait reçu directement aucune somme de son institution, il ne pouvait invoquer l’article 85 du statut, le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit.

110    Toutefois, si les motifs d’un arrêt du juge du fond révèlent une violation du droit de l’Union, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté. La même approche vaut à l’égard de l’analyse par le juge du fond d’un moyen de la requête, ou d’une branche de moyen de la requête, pris de manière isolée (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 1992, Lestelle/Commission, C‑30/91 P, EU:C:1992:252, points 27 à 29).

111    En l’occurrence, le Tribunal de la fonction publique a également rappelé, au point 167 de l’arrêt attaqué, que, par son comportement, le requérant avait causé un préjudice financier à son institution. Ce rappel conduit à souligner que la responsabilité financière du requérant n’a pas été établie par l’AIPN sur le fondement de l’article 85 du statut concernant la répétition de l’indu sur la base de la constatation d’un avantage indu, mais sur le fondement de l’article 22 du statut concernant la réparation des préjudices subis par l’Union en raison de fautes personnelles graves commises par ses fonctionnaires dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, sur la base de l’identification d’un préjudice causé à l’Union du fait d’une faute personnelle grave du requérant.

112    Il doit être souligné que les conditions de recours à l’article 85 et à l’article 22 du statut sont nettement différentes, de même que leur contexte. La décision de répétition de l’indu suppose seulement, aux termes de l’article 85 du statut, la démonstration qu’une somme ou un avantage équivalent a été irrégulièrement fourni au fonctionnaire concerné et que celui-ci avait connaissance de cette irrégularité ou qu’elle était si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance, alors que la décision d’obliger à la réparation d’un préjudice sur le fondement de l’article 22 du statut suppose la démonstration d’une faute personnelle grave du fonctionnaire à l’origine de ce préjudice. La décision de répétition de l’indu peut être adoptée, après, le cas échéant, avoir recueilli des éléments de fait ou des observations du fonctionnaire concerné, dès que la démonstration des conditions prévues à l’article 85 du statut est faite, alors que la décision d’obliger à la réparation d’un préjudice sur le fondement de l’article 22 du statut ne peut être adoptée, en vertu du deuxième alinéa de cette disposition, qu’après observation des formalités prescrites en matière disciplinaire, c’est-à-dire, compte tenu de la nécessité de caractériser une faute grave, en principe à la suite d’une enquête, d’une procédure devant le conseil de discipline et de la phase contradictoire finale avec l’AIPN, ainsi que cela est prévu à l’annexe IX du statut. Ces différences dans la nature et dans les conditions de fond et d’adoption des décisions en question justifient que l’AIPN puisse, en fonction des circonstances, agir au titre de l’article 22 du statut alors qu’elle aurait pu agir au titre de l’article 85 du statut, même si les règles ou les principes en matière de délais ne sont pas identiques dans les deux cas, ce qui peut au demeurant aussi se justifier par ces différences.

113    Eu égard aux motifs figurant aux points 111 et 112 ci-dessus, la règle de prescription spécifique à l’article 85 du statut, invoquée par le requérant, a été écartée à juste titre par le Tribunal de la fonction publique.

114    Le requérant estime ensuite, aux points 24 et 25 du pourvoi, que, en examinant ses arguments sur la « violation de la prescription quinquennale ou du délai raisonnable », le Tribunal de la fonction publique a également commis des erreurs de droit en rejetant les arguments subsidiaires de la requête selon lesquels, si la prescription quinquennale prévue à l’article 85, second alinéa, du statut ne s’appliquait pas, il y aurait lieu de tenir compte, « comme paramètre également du délai raisonnable » pour l’application de l’article 22 du statut, de la prescription quinquennale établie à l’article 81 du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1).

115    À cet égard, au point 169 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a estimé que ces arguments étaient irrecevables, car exprimés pour la première fois dans la requête et non déjà dans la réclamation contre la décision litigieuse. À titre subsidiaire, aux points 170 et 171 de l’arrêt attaqué, il a estimé que, en tout état de cause, la prescription avait été interrompue par l’enquête de l’OLAF en vertu de l’article 93, paragraphe 2, du règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement no 966/2012 (JO 2012, L 362, p. 1), d’après lequel « [l]e délai de prescription pour les créances détenues par l’Union sur des tiers est interrompu par tout acte d’une institution, ou d’un État membre agissant à la demande d’une institution, notifié au tiers et visant au recouvrement de la créance ». L’ouverture de l’enquête de l’OLAF ayant été notifiée au requérant le 16 mars 2012, aucune prescription ne pourrait jouer à l’égard de loyers payés entre septembre 2008 et août 2010.

116    S’agissant de la recevabilité des arguments subsidiaires de la requête, résumés au point 114 ci-dessus, au regard de la règle de concordance entre la réclamation et le recours, il s’agit d’une question qui relève, même d’office, de l’examen du juge du pourvoi (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2014, BG/Médiateur, T‑406/12 P, EU:T:2014:273, point 27). Pour les raisons exposées aux points 117 à 123 ci-après, c’est à juste titre que le requérant défend que ces arguments étaient recevables.

117    En vue de déterminer si la règle de concordance entre la réclamation et le recours a été respectée en l’espèce, il convient de rappeler que l’article 91, paragraphe 2, du statut dispose qu’un recours devant le juge de l’Union n’est recevable que si l’AIPN a été préalablement saisie d’une réclamation.

118    Dans ce contexte, la règle de concordance entre la réclamation précontentieuse et la requête contentieuse subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen ou un grief soulevé devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AIPN ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée. Cette règle se justifie par la finalité même de la procédure précontentieuse, celle-ci ayant pour objet de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires et l’administration.

119    Il s’ensuit que, dans les recours de fonctionnaires, les conclusions présentées devant le juge de l’Union ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, étant précisé que ces chefs de contestation peuvent être développés, devant le juge de l’Union, par la présentation de moyens et d’arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (arrêts du 20 mai 1987, Geist/Commission, 242/85, EU:C:1987:234, point 9 ; du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, EU:C:1989:38, point 10, et du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 73).

120    En effet, si l’immutabilité de l’objet et de la cause du litige entre la réclamation et la requête est nécessaire pour permettre un règlement amiable des différends, en informant l’AIPN, dès le stade de la réclamation, des critiques de l’intéressé, l’interprétation de ces notions ne saurait aboutir à restreindre les possibilités pour l’intéressé de contester utilement une décision lui faisant grief (arrêt du 27 octobre 2016, BCE/Cerafogli, T‑787/14 P, EU:T:2016:633, point 38).

121    C’est la raison pour laquelle la notion d’objet du litige, laquelle correspond aux prétentions de l’intéressé, ainsi que celle de cause du litige, laquelle correspond au fondement juridique et factuel de ces prétentions, ne doivent pas être interprétées de manière restrictive (arrêt du 27 octobre 2016, BCE/Cerafogli, T‑787/14 P, EU:T:2016:633, point 39).

122    À cet égard, il doit en particulier être souligné que le seul changement de fondement juridique d’une contestation ne suffit pas à caractériser la nouveauté de la cause de celle-ci. C’est ainsi que plusieurs fondements juridiques peuvent soutenir une seule et même prétention et, partant, une seule et même cause. En d’autres termes, le fait d’invoquer la violation d’une disposition spécifique dans la requête, qui n’était pas invoquée dans la réclamation, n’implique pas nécessairement que la cause du litige ait été, de ce fait, modifiée. Il convient, en effet, de s’attacher à la substance de ladite cause et non pas au seul libellé de ses fondements juridiques, le juge de l’Union devant vérifier s’il existe un lien étroit entre ses fondements et s’ils se rattachent substantiellement aux mêmes prétentions (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2016, BCE/Cerafogli, T‑787/14 P, EU:T:2016:633, point 40). En outre, dans l’hypothèse où le réclamant prend connaissance de la motivation de l’acte lui faisant grief par le biais de la réponse à sa réclamation ou dans l’hypothèse où la motivation de ladite réponse modifie, ou complète, substantiellement la motivation contenue dans ledit acte, tout moyen avancé pour la première fois au stade de la requête et visant à contester le bien-fondé de la motivation exposée dans la réponse à la réclamation doit être considéré comme recevable. En effet, dans de telles hypothèses, l’intéressé n’a pas été mis en mesure de prendre connaissance avec précision et de manière définitive des motifs sous-tendant l’acte lui faisant grief (arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 86).

123    Au regard de ces principes, il apparaît que dans sa réclamation, produite en annexe A 23 à la requête, le requérant avait fait valoir que « les recouvrements prononcés par la décision [étaient] prescrits pour la période se terminant le 28 février 2010 ». Il invoquait à ce propos la prescription prévue à l’article 85, second alinéa, du statut. Comme il le soutient en substance dans son pourvoi, sa réclamation avait notamment pour objet, au demeurant à titre subsidiaire, de voir sa « sanction » financière réduite et l’une de ses causes était l’existence des règles de prescription. L’AIPN ayant rejeté sa réclamation à cet égard en soulignant que sa responsabilité financière était engagée au titre de l’article 22 du statut et non au titre de l’article 85 de celui-ci, il était donc recevable à invoquer dans sa requête devant le Tribunal de la fonction publique également un fondement juridique subsidiaire à sa cause tirée de l’existence d’une prescription, répondant au demeurant à l’argumentation de l’AIPN, en l’occurrence les règles de prescription découlant de l’article 81 du règlement no 966/2012.

124    De plus et en tout état de cause, comme cela est rappelé au point 102 ci-dessus, lorsqu’il exerce une compétence de pleine juridiction, comme, sur le fondement de l’article 91, paragraphe 1, du statut, dans les litiges de caractère pécuniaire entre l’Union et ses fonctionnaires, et en particulier, sur le fondement de l’article 22, troisième alinéa, du statut, dans les litiges relatifs à la responsabilité financière des fonctionnaires envers l’Union, le juge du fond peut lui-même tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire et, donc, apporter à cet égard sa propre appréciation ou motivation pour justifier le paiement d’une somme par une partie à l’autre partie, même si le fondement de la demande en ce sens de la première partie n’a pas été formulé dès le stade de la réclamation (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 18 décembre 2007, Weißenfels/Parlement, C‑135/06 P, EU:C:2007:812, points 58 et 64 à 70, et du 17 décembre 2009, Réexamen M/EMEA, C‑197/09 RX‑II, EU:C:2009:804, point 56). Or, en l’espèce, la demande du requérant relative au respect d’une prescription ou d’un délai raisonnable en ce qui concernait sa responsabilité financière se rattachait bien à un litige de caractère pécuniaire avec l’Union et elle n’était donc pas soumise à la règle de concordance entre la réclamation précontentieuse et la requête contentieuse subséquente.

125    C’est donc en commettant une erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a écarté comme irrecevables les arguments subsidiaires du requérant, mentionnés au point 114 ci-dessus, invoquant, comme paramètre du délai raisonnable pour l’application de l’article 22 du statut, la prescription quinquennale établie à l’article 81 du règlement no 966/2012. Toutefois cette erreur n’a pas en elle-même d’incidence, puisque le Tribunal de la fonction publique a lui-même examiné à titre subsidiaire ces arguments au fond.

126    À cet égard, s’agissant des motifs subsidiaires exposés par le Tribunal de la fonction publique aux points 170 et 171 de l’arrêt attaqué, résumés au point 115 ci-dessus, le requérant conteste, au point 25 du pourvoi, que l’ouverture de l’enquête par l’OLAF ait pu donner lieu à un acte interruptif de prescription en tant qu’« acte notifié au tiers et visant au recouvrement de la créance », au sens de l’article 93, paragraphe 2, du règlement délégué no 1268/2012. L’ouverture de l’enquête de l’OLAF, et même le rapport final d’enquête, ne sauraient, selon le requérant, constituer un tel acte, puisqu’au stade de la première, par définition, l’OLAF ne pourrait encore tirer aucune conclusion et qu’au stade du second, l’OLAF ne ferait, le cas échéant, qu’adresser des recommandations, seule l’autorité habilitée pouvant ensuite adopter un acte visant au recouvrement de la créance. Le requérant se réfère à cet égard au point 19 des lignes directrices sur la conduite des enquêtes par le personnel de l’OLAF, produites en annexe A 10 à la requête, ce point étant relatif au rapport final et aux recommandations.

127    Il y a lieu de relever que, en l’espèce, tant le requérant que le Tribunal de la fonction publique se sont mépris sur le champ d’application de la loi en invoquant respectivement, au point 130 de la requête, les dispositions de l’article 81 du règlement no 966/2012 pour exciper d’une prescription ou du non-respect d’un délai raisonnable et, au point 170 de l’arrêt attaqué, celles de l’article 93, paragraphe 2, du règlement délégué no 1268/2012, prises pour l’application des premières, pour exciper de l’interruption du délai invoqué.

128    En effet, au sein du règlement no 966/2012, qui était le règlement fixant les règles financières applicables au budget général de l’Union au moment de l’adoption de la décision litigieuse, l’article 81 figure dans le chapitre « Opérations de recettes » et suit, dans le même chapitre, les articles 78, 79 et 80 qui établissent respectivement les principes selon lesquels les créances sont constatées, leur recouvrement est ordonné et leur recouvrement est effectué. Cet article 81 dispose notamment, en son paragraphe 1er, que, sans préjudice de dispositions particulières, non pertinentes en l’espèce, les créances détenues par l’Union sur des tiers sont soumises à un délai de prescription de cinq ans et, en son paragraphe 2, que la Commission est habilitée à adopter des actes délégués en ce qui concerne l’établissement de règles détaillées en matière de délai de prescription. L’article 80 du règlement délégué no 1268/2012, pris pour l’application de l’article 78 du règlement no 966/2012, dispose, en son paragraphe 3, que l’ordonnateur qui a constaté une créance en informe le débiteur par une note de débit, cette dernière devant préciser la date limite de paiement à partir de laquelle des intérêts de retard seront exigibles si la dette n’est pas encore honorée. L’article 93 du règlement délégué no 1268/2012, pris pour l’application de l’article 81 du règlement no 966/2012, dispose notamment, en son paragraphe 1er, que le délai de prescription pour les créances détenues par l’Union sur des tiers commence à courir à compter de cette date limite de paiement et, en son paragraphe 2, que ce délai est interrompu par tout acte d’une institution, ou d’un État membre agissant à la demande d’une institution, notifié au tiers et visant au recouvrement de la créance.

129    Il en ressort qu’en l’état du droit applicable à la présente affaire, la prescription invoquée par le requérant, fondée sur l’article 81 du règlement no 966/2012, ne peut concerner qu’une phase postérieure à la constatation de la créance, commençant plus précisément à la date limite de paiement mentionnée dans la note de débit envoyée au tiers débiteur et ne peut donc pas être opposée en ce qui concerne les phases précédentes aboutissant à la constatation de la créance (voir, par analogie, arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, points 86 à 89). Or, en l’espèce, c’est le délai entre la survenance des faits générateurs de la créance et le moment où cette dernière a été établie avec la décision litigieuse, donc avant même sa constatation au sens de l’article 78 du règlement no 966/2012, que le requérant estime excessif. Par conséquent, que ce soit par application directe ou même comme paramètre du délai raisonnable, le délai de prescription de cinq ans prévu à l’article 81 du règlement no 966/2012 ne pouvait s’appliquer au bénéfice du requérant.

130    Le Tribunal de la fonction publique a, par conséquent, avancé de manière erronée les dispositions de l’article 93, paragraphe 2, du règlement délégué no 1268/2012, dispositions d’application de l’article 81 du règlement no 966/2012, en réponse à l’argumentation du requérant concernant la prescription fondée sur ce dernier article. Néanmoins, la conclusion à laquelle est parvenue le Tribunal de la fonction publique selon laquelle la créance relative aux loyers en cause n’était pas prescrite en vertu des règles relevant de la réglementation financière est néanmoins fondée pour les motifs de droit exposés au point 129 ci-dessus.

131    Dans ces conditions, eu égard aux considérations exprimées au point 110 ci-dessus concernant la possibilité de substitution de motifs de droit par le juge du pourvoi et au fait que le requérant n’a pas avancé dans son pourvoi d’autres arguments visant à critiquer l’analyse faite par le Tribunal de la fonction publique du moyen de la requête tiré de la violation de la prescription quinquennale ou du délai raisonnable, il y a lieu de rejeter le moyen du pourvoi tiré d’erreurs de droit en ce qui concerne la responsabilité financière du requérant, pour autant qu’il porte sur l’application de l’article 81 du règlement no 966/2012.

132    Il doit être retenu des points 83 à 131 ci-dessus que le moyen tiré d’erreurs de droit en ce qui concerne la responsabilité financière du requérant est fondé dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique a jugé, au point 151 de l’arrêt attaqué, que, « puisque l’obligation de loyauté s’impose de manière générale et objective, […] il n’était pas nécessaire que, pour constater le manquement de la part du requérant, l’AIPN […] établisse ou prenne en compte les raisons ayant amené le requérant à violer son devoir de loyauté, même à les supposer établies ».

 Sur les moyens avancés à l’encontre de l’arrêt attaqué en ce qui concerne les vices de procédure et la violation des droits de la défense allégués devant le juge du fond

–       Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation par le juge du fond en ce qui concerne les vices de procédure et la violation des droits de la défense allégués devant lui

133    Le requérant estime que le Tribunal de la fonction publique a méconnu son obligation de motivation à plusieurs reprises en traitant le premier et le deuxième moyens de la requête, intitulés respectivement « Sur les vices de la procédure avant l’adoption de la [décision litigieuse] » et « Sur la violation des droits de la défense du fait d’un double changement de la faute alléguée ». Il met en cause à cet égard l’analyse faite par le Tribunal de la fonction publique de ses griefs concernant le rapport de l’AIPN au conseil de discipline, évoqué au point 18 ci-dessus, et concernant l’avis de celui-ci, évoqué au point 20 ci-dessus.

134    S’agissant des griefs exposés dans la requête concernant le rapport de l’AIPN au conseil de discipline, le requérant avait notamment fait valoir, dans un « deuxième lieu », qu’une mesure d’instruction à décharge qu’il avait lui-même suscitée n’avait été communiquée ni au conseil de discipline ni à lui-même. Cette mesure d’instruction aurait visé à confirmer qu’il existait une règle, au sein du SEAE, selon laquelle un fonctionnaire affecté dans un pays tiers, dont le conjoint possède un logement au lieu d’affectation dans ce pays, n’a pas droit à un logement de fonction, sauf à ce que le logement de son conjoint soit loué ou soit « inhabitable » par sa famille. Le requérant souhaitait avoir confirmation de cette règle, à laquelle lui-même n’aurait pas eu accès, car il n’occupait pas un poste dans la filière administrative, pour soutenir, en s’appuyant sur le principe selon lequel personne ne peut invoquer sa propre turpitude à l’encontre d’un autre (nemo auditur propriam suam turpitudinem allegans), que c’était l’administration qui l’avait elle-même mis dans la situation de commettre la faute qu’elle lui reprochait. Selon ce qu’a exposé le requérant aux points 42 à 50 de la requête, il aurait eu la surprise d’apprendre, lors de la séance du conseil de discipline, que l’IDOC avait eu des contacts avec le SEAE pour éclaircir la question, mais il n’aurait été fait état de leur contenu ni dans son dossier individuel, qu’il avait consulté pour préparer sa défense devant le conseil de discipline, ni dans le rapport de l’AIPN adressé à celui-ci. Le requérant n’aurait pas non plus obtenu ces éléments dans la suite de la procédure disciplinaire. Lors de la séance devant le conseil de discipline, l’IDOC aurait indiqué que les contacts avec le SEAE n’avaient pas été conclusifs quant à l’existence de la règle invoquée par le requérant. Cette assertion aurait été reprise par la suite par le conseil de discipline et l’AIPN sans qu’ils interrogent le nouveau chef d’administration de la délégation à propos de cette règle, que ce dernier aurait appliquée dans un poste précédent ainsi qu’il l’aurait indiqué au requérant. En n’ayant pas une connaissance précise du contenu des échanges entre l’IDOC et le SEAE, le requérant aurait été privé de faire valoir des arguments lui permettant le cas échéant de contester cette assertion, la procédure aurait manqué d’objectivité et le principe de sécurité juridique aurait été méconnu.

135    Au point 71 de l’arrêt attaqué, pour rejeter ces arguments, le Tribunal de la fonction publique a exposé que le requérant avait pu faire état de la règle en question à plusieurs reprises au cours de la procédure, que, dans son rapport au conseil de discipline, l’AIPN avait indiqué que la responsabilité du requérant ne pouvait pas être amoindrie en raison du comportement potentiellement critiquable de la cheffe d’administration de la délégation en poste au moment des faits et, enfin, que le conseil de discipline avait pris en considération les arguments du requérant en prenant la position d’après laquelle, à supposer que cette règle ait existé au sein du SEAE, elle serait contraire au statut et, en tout état de cause, elle ne serait pas pertinente, car le requérant aurait reconnu l’obligation d’occuper un logement de fonction.

136    Au point 34 du pourvoi, le requérant soutient que l’affirmation d’après laquelle sa responsabilité ne pourrait pas être amoindrie en raison du comportement de la cheffe d’administration de la délégation ne présente pas de lien avec la question de la règle interne au SEAE qu’il invoquait et qu’il est dans l’incapacité de comprendre le raisonnement du Tribunal de la fonction publique. Il en résulterait une violation de l’obligation de motivation.

137    À cet égard, une motivation succincte, voire implicite, du Tribunal de la fonction publique satisfait à l’obligation de motivation qui lui incombe en vertu de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne à condition qu’elle permette à la partie concernée de connaître les raisons pour lesquelles le juge du fond n’a pas fait droit à ses arguments et au juge du pourvoi de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 2015, Walton/Commission, T‑261/14 P, EU:T:2015:110, point 17 et jurisprudence citée).

138    En l’espèce, la considération du Tribunal de la fonction publique, rappelant que l’AIPN avait indiqué dans son rapport au conseil de discipline que la responsabilité du requérant ne pouvait pas être amoindrie en raison du comportement potentiellement critiquable de la cheffe d’administration de la délégation en poste au moment des faits, vise à montrer que l’existence d’éventuelles erreurs de la part de l’administration dans la mise à disposition du requérant d’un appartement de fonction a été prise en compte par l’AIPN au cours de la procédure disciplinaire, l’AIPN ayant en l’occurrence estimé que cette éventuelle circonstance n’avait pas d’influence. Cette motivation, compréhensible, est bien liée au grief du requérant d’après lequel il n’aurait pas été, à tort, informé pendant la procédure disciplinaire du contenu des contacts entre l’IDOC et le SEAE visant à éclaircir la question de l’existence d’une règle qui aurait été éventuellement méconnue par la délégation en lui attribuant un appartement de fonction et d’après lequel il aurait fallu vérifier l’existence de cette règle et en tenir compte.

139    Par conséquent, la violation de l’obligation de motivation alléguée concernant le point 71 de l’arrêt attaqué n’est pas établie.

140    S’agissant toujours des griefs exposés dans la requête concernant le rapport de l’AIPN au conseil de discipline, le requérant avait notamment soutenu, dans un « troisième lieu », qu’il existait un dossier parallèle au dossier individuel qu’il avait pu consulter pour préparer sa défense devant le conseil de discipline. Or, dans ce dossier parallèle auraient figuré des éléments pris en compte dans l’appréciation de l’AIPN qui ne lui auraient pas été communiqués. S’y seraient trouvés une note de l’IDOC du 31 octobre 2013 sur la base de laquelle la procédure concernant sa responsabilité financière au titre de l’article 22 du statut a été engagée, qui n’avait pas été d’emblée communiquée au conseil de discipline, les comptes rendus des échanges entre l’IDOC et le SEAE concernant la règle relative aux logements de fonction évoquée au point 134 ci-dessus et d’autres pièces portant sur des éléments défavorables au requérant liés au contexte humain et relationnel existant à la délégation lorsqu’il y exerçait ses fonctions. Aux points 51 à 58 de la requête étaient exposées les raisons de la suspicion du requérant quant à l’existence d’un tel dossier parallèle, qui aurait été substantiellement différent du dossier individuel qu’il avait pu consulter pour préparer sa défense devant le conseil de discipline et qui avait été communiqué à ce dernier. Ce dossier parallèle lui aurait porté préjudice.

141    Au point 72 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a indiqué estimer que le requérant se livrait à de simples spéculations quant à l’existence d’un tel dossier parallèle. Le seul élément que le requérant aurait mis en avant serait que, lorsqu’il a consulté son dossier individuel, il s’est aperçu de l’absence de la note de l’IDOC du 31 octobre 2013 évoquée au point 140 ci-dessus et le fonctionnaire de l’IDOC responsable l’a alors très rapidement retrouvée dans son dossier de travail et l’a tout aussi rapidement transmise au requérant et au conseil de discipline. Or, selon le Tribunal de la fonction publique, cet épisode et la brièveté de la transmission de cette note ne constitueraient pas un indice de l’existence d’un dossier parallèle, mais montreraient au contraire la bonne organisation des services de l’IDOC.

142    Au point 35 du pourvoi, le requérant expose notamment que, ce faisant, le Tribunal de la fonction publique n’a pas pris en considération les autres éléments qu’il avait mis en avant pour étayer sa suspicion de l’existence d’un dossier parallèle et que l’absence de motifs concernant ces autres éléments traduit une méconnaissance de l’obligation de motivation.

143    Au regard des principes rappelés au point 137 ci-dessus, il doit être constaté que, au point 72 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a estimé que le requérant n’avait mis en avant qu’un élément, non convaincant, pour étayer son grief lié à l’existence d’un dossier parallèle. La réponse à ce grief existe donc et est compréhensible.

144    Par conséquent, la violation de l’obligation de motivation alléguée concernant le point 72 de l’arrêt attaqué n’est pas établie.

145    En revanche, ainsi que le soutient également le requérant au point 35 du pourvoi, le Tribunal de la fonction publique a dénaturé le dossier, au sens rappelé au point 67 ci-dessus, en exposant au point 72 de l’arrêt attaqué que le requérant n’avait pas mis en avant d’autres éléments que celui relatif à la note de l’IDOC du 31 octobre 2013, évoquée au point 140 ci-dessus, pour étayer sa suspicion de l’existence d’un dossier parallèle. Comme cela est exposé à ce dernier point, le requérant a en effet également mis en avant de manière argumentée des éléments liés à des contacts entre l’IDOC et le SEAE concernant la règle relative aux logements de fonction évoquée au point 134 ci-dessus et des éléments liés au contexte humain et relationnel existant à la délégation lorsque le requérant y exerçait ses fonctions.

146    Le Tribunal de la fonction publique a donc dénaturé le dossier, dans la mesure exposée au point 145 ci-dessus, dans son appréciation des arguments du requérant visant à démontrer l’existence d’un dossier parallèle constitué par l’IDOC, non communiqué au conseil de discipline, ni au requérant lui-même, existence contribuant selon ce dernier aux vices de procédure affectant les actes préparatoires à la décision litigieuse, en l’occurrence le rapport de l’AIPN au conseil de discipline.

147    S’agissant des griefs exposés dans la requête relatifs à l’avis du conseil de discipline, le requérant avait notamment reproché à ce dernier, au point 59 de la requête, de ne pas avoir statué sur la régularité de sa saisine et plus généralement sur les questions procédurales qu’il avait soulevées dans la note en défense qu’il lui avait adressée, dont il est fait état au point 19 ci-dessus.

148    Aux points 78 et 79 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a exposé que le rôle du conseil de discipline étant, conformément à l’article 18 de l’annexe IX du statut, d’émettre un avis non contraignant pour l’AIPN quant à la réalité des faits incriminés et, le cas échéant, quant à la sanction que ces faits devraient entraîner, il ne saurait lui être reproché de ne pas s’être penché sur les questions procédurales soulevées, de telles questions ne devant pas nécessairement être traitées dans un tel avis.

149    Au point 38 du pourvoi, le requérant soutient que le Tribunal de la fonction publique a ainsi admis que le conseil de discipline pouvait à tout le moins examiner les questions de procédure, mais qu’il n’a ni examiné pour quels motifs le conseil de discipline ne s’était pas prononcé sur ces questions, ni apprécié si ce non-examen constituait une irrégularité de procédure de la part du conseil de discipline. Le Tribunal de la fonction publique aurait ainsi négligé de répondre au grief du requérant exprimé dans sa requête et aurait méconnu son obligation de motivation.

150    Ce grief tiré d’un manque de motivation est infondé. En effet, au point 59 de la requête, le requérant a seulement mis en cause, d’ailleurs uniquement en le « regrettant », que le conseil de discipline ne se prononce pas sur la régularité de sa saisine et plus généralement sur les questions procédurales. Aux points 78 et 79 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a répondu que le conseil de discipline n’était pas obligé de le faire, en justifiant cette position par des motifs, ainsi que cela est exposé au point 148 ci-dessus.

151    Par ailleurs, la question, posée en substance au point 38 du pourvoi aux fins de démontrer un manque de motivation, de savoir si le conseil de discipline doit justifier de son choix de se prononcer, ou non, sur de tels aspects procéduraux, ce qu’il a d’ailleurs fait en l’espèce aux points 1 à 4 de son avis pour ce qui concerne les « questions procédurales préliminaires », et de savoir si le Tribunal de la fonction publique a omis, à tort, de contrôler le choix et les motifs du conseil de discipline à cet égard est une question de droit qui ne relève pas du grief tiré d’un manque de motivation. Or, comme cela a déjà été rappelé au point 61 ci-dessus, un grief tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation se distingue de celui pris du caractère erroné des motifs d’un arrêt. Ce dernier aspect relève de l’examen de la légalité au fond de l’arrêt et non de la violation des formes substantielles et ne peut donc donner lieu à une violation de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne en vertu duquel les arrêts sont motivés. Par conséquent, le Tribunal, en tant que juge du pourvoi, ne saurait examiner, au titre du contrôle du respect de l’obligation de motivation, la légalité au fond des motifs retenus par le Tribunal de la fonction publique. Dans le cadre d’un moyen tiré d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation, les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé de la décision litigieuse sont ainsi dénués de pertinence. La question de droit évoquée ci-dessus est donc inopérante au soutien du moyen dans le cadre duquel elle a été exprimée.

152    Il doit être retenu des points 133 à 151 ci-dessus que le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation par le Tribunal de la fonction publique en ce qui concerne les vices de procédure et la violation des droits de la défense allégués devant lui doit être rejeté. Néanmoins, à l’occasion de l’examen des arguments avancés incidemment à l’occasion de la présentation de ce moyen, il a été constaté que le Tribunal de la fonction publique avait dénaturé le dossier, au point 72 de l’arrêt attaqué, dans la mesure exposée au point 145 ci-dessus, dans son appréciation des arguments du requérant visant à démontrer l’existence d’un dossier parallèle constitué par l’IDOC, non communiqué au conseil de discipline, ni au requérant lui-même.

–       Sur le moyen tiré d’erreurs de droit commises par le juge du fond en ce qui concerne les vices de procédure et la violation des droits de la défense allégués devant lui

153    Le requérant estime que le Tribunal de la fonction publique a également commis plusieurs erreurs de droit en traitant le premier et le deuxième moyens de la requête, intitulés respectivement « Sur les vices de la procédure avant l’adoption de la [décision litigieuse] » et « Sur la violation des droits de la défense du fait d’un double changement de la faute alléguée ». Il met aussi en cause à cet égard l’analyse faite par le Tribunal de la fonction publique de ses griefs concernant le rapport de l’AIPN au conseil de discipline et l’avis de celui-ci.

154    S’agissant des griefs concernant le rapport de l’AIPN au conseil de discipline exprimés dans son premier moyen, le requérant avait notamment fait valoir, dans un « premier lieu », aux points 33 à 40 de la requête, qu’il avait initialement été interrogé par l’IDOC, dans la perspective d’une éventuelle application de l’article 22 du statut pour établir sa responsabilité financière, sur la base d’une faute alléguée entièrement différente de celle ultérieurement retenue dans le rapport de l’AIPN au conseil de discipline. En effet, dans la note de l’IDOC du 31 octobre 2013 accompagnant une recommandation d’auditionner la personne concernée au titre de l’article 22 du statut, mentionnée au point 17 ci-dessus, qui aurait servi de base à la procédure, la faute alléguée du requérant aurait été de ne pas avoir occupé lui-même son appartement de fonction pendant deux ans et de ne pas avoir « fait rapport » de « cette occupation ». Mais dans le rapport de l’AIPN au conseil de discipline, il lui aurait été reproché de ne pas avoir refusé la mise à disposition de cet appartement dès juillet 2008 dans la mesure où ses difficultés familiales auraient été prévisibles, ce sur quoi il n’aurait jamais été entendu auparavant. Il en aurait résulté une violation de ses droits de la défense.

155    Pour rejeter ces arguments, au point 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a indiqué que les conclusions du rapport de l’AIPN au conseil de discipline visaient, d’une part, le non-respect par le requérant de l’obligation prévue à l’article 5, paragraphe 1, de l’annexe X du statut de résider avec sa famille dans l’appartement de fonction qui lui avait été alloué et, d’autre part, de ne pas avoir signé lui-même le contrat de fourniture d’électricité de ce logement, griefs qui lui auraient été reprochés à tous les stades de la procédure. Le Tribunal de la fonction publique a ajouté que, certes, le point 5.3 de ce rapport, concernant la responsabilité financière du requérant, indiquait que la négligence grossière de celui-ci, permettant d’établir une telle responsabilité, était d’avoir demandé un logement de fonction alors même qu’il n’était pas sûr de pouvoir convaincre son épouse d’y emménager, mais qu’une telle appréciation ne constituait pas une nouvelle faute reprochée au requérant, mais seulement une réponse aux explications qu’il avait données lors de l’audition du 19 novembre 2013, dont il est également fait état au point 17 ci-dessus. Au point 70 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a ajouté ce qui suit  :
« Par ailleurs, il est de la nature même d’une procédure disciplinaire qui s’articule en différentes étapes que les griefs qui sont examinés par l’administration ne soient pas complétement figés dès la première étape de la procédure. En effet, si tel était le cas, l’administration ne pourrait pas tenir compte des différents développements de l’enquête, y compris des éléments à décharge du fonctionnaire concerné qui auraient été révélés au cours de la procédure. »

156    Au point 28 du pourvoi, le requérant conteste, d’abord, l’appréciation de principe portée au point 70 de l’arrêt attaqué en arguant que les griefs retenus contre un fonctionnaire ne sauraient évoluer en cours de procédure en étant adaptés en fonction de ses réponses, non pour être allégés, mais pour maintenir coûte que coûte une procédure disciplinaire à son égard. Cette façon d’agir ne permettrait pas au fonctionnaire concerné de se défendre en temps utile. Le Tribunal de la fonction publique aurait donc commis une erreur de droit.

157    Toujours au point 28 du pourvoi, le requérant conteste, ensuite, ce qui est affirmé au point 69 de l’arrêt attaqué, et repris au point 85 de celui-ci dans le cadre de la réponse au deuxième moyen de la requête, à savoir que la faute retenue pour engager sa responsabilité financière, c’est-à-dire le non-respect de l’obligation prévue à l’article 5, paragraphe 1, de l’annexe X du statut de résider avec sa famille dans l’appartement de fonction qui lui avait été alloué, lui a été reprochée tout au long de la procédure. Le requérant avance, à cet égard, au point 29 du pourvoi, plusieurs éléments pour montrer l’évolution progressive de la faute qui lui a été reprochée entre l’élaboration de la note de l’IDOC du 31 octobre 2013 accompagnant une recommandation d’auditionner la personne concernée au titre de l’article 22 du statut et l’adoption de la décision litigieuse. Au point 30 du pourvoi, il soutient que cette évolution était loin d’être marginale et qu’elle ne saurait résulter d’une évolution acceptable de l’appréciation des griefs initiaux en droit disciplinaire.

158    Il doit être relevé que les arguments du pourvoi mentionnés au point 157 ci-dessus visent à obtenir une nouvelle appréciation des faits après celle opérée par le Tribunal de la fonction publique. Or, celui-ci était seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. En effet, l’appréciation des faits ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve qui lui ont été soumis, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle du Tribunal dans le cadre d’un pourvoi (ordonnance du 28 septembre 2009, Marcuccio/Commission, T‑46/08 P, EU:T:2009:362, point 44). Une telle dénaturation n’étant pas alléguée, ces arguments sont donc irrecevables dans le cadre du pourvoi.

159    S’agissant des arguments du pourvoi relatés au point 156 ci-dessus concernant l’appréciation de principe citée à la fin du point 155 ci-dessus, il ressort de l’annexe IX du statut relative à la procédure disciplinaire que celle-ci est précédée d’une phase d’enquête, conduite par l’OLAF ou par l’AIPN, laquelle peut disposer d’un service spécialisé à cet égard comme l’IDOC au sein de la Commission. Ce n’est qu’à l’issue de cette phase d’enquête, ainsi que cela est prévu à l’article 3 de la même annexe, que la procédure disciplinaire est le cas échéant ouverte, avec ou sans consultation du conseil de discipline selon le degré de sanction envisageable. Par conséquent, dans le cas où le conseil de discipline est consulté, c’est dans le rapport de l’AIPN accompagnant la saisine de celui-ci qu’est définie la faute alléguée du fonctionnaire en cause, ainsi que le confirme l’article 12, paragraphe 1, de la même annexe d’après lequel ce rapport « doit indiquer clairement les faits reprochés et, s’il y a lieu, les circonstances dans lesquelles ils ont été commis, y compris toutes les circonstances aggravantes ou atténuantes ». C’est relativement à la faute identifiée dans ce rapport, transmis au fonctionnaire concerné en application de l’article 12, paragraphe 2, de la même annexe, que son comportement va être apprécié, tant par le conseil de discipline que par l’AIPN, au regard également des éléments complémentaires apportés pendant cette phase disciplinaire, et que va le cas échéant lui être infligée une sanction. C’est relativement à cette même faute, que lui reproche l’AIPN après enquête, que le fonctionnaire concerné va pouvoir continuer à exercer ses droits de la défense selon les modalités prévues aux articles 12 à 22 de la même annexe, notamment en prenant connaissance de l’ensemble du dossier et en présentant des observations écrites et verbales au conseil de discipline et, après que celui-ci a rendu son avis, à l’AIPN. Par conséquent, d’éventuels ajustements concernant le contenu de la faute pendant la phase d’enquête, au cours de laquelle les services chargés de l’enquête entreprennent celle-ci sur la base d’une faute possible, ne sauraient constituer une atteinte aux droits de la défense, ainsi que l’a jugé à bon droit le Tribunal de la fonction publique, y compris d’ailleurs si, compte tenu des investigations conduites, la faute identifiée en fin d’enquête est plus étendue ou plus grave que la faute éventuelle initialement cernée. À cet égard, les articles 1er et 2 de l’annexe IX du statut, qui concernent tous deux la phase d’enquête, indiquent que lorsque la possibilité qu’un fonctionnaire soit impliqué dans une affaire apparaît, ce dernier en est informé pour autant que cela ne nuise pas au déroulement de l’enquête. Cela n’oblige aucunement à cristalliser la faute possible dès le début des investigations (voir, en ce sens, arrêt du 15 mai 1997, N/Commission, T‑273/94, EU:T:1997:71, point 79). L’erreur de droit alléguée dans le pourvoi à l’égard du point 70 de l’arrêt attaqué n’est donc pas établie.

160    Aux points 31 à 33 du pourvoi, le requérant soutient que le point 71 de l’arrêt attaqué recèle une erreur de droit. En répondant à ses arguments relatés au point 134 ci-dessus concernant la mesure d’instruction, à décharge selon le requérant, visant à savoir s’il existait une règle, au sein du SEAE, selon laquelle un fonctionnaire affecté dans un pays tiers, dont le conjoint possède un logement au lieu d’affectation dans ce pays, n’a pas droit à un logement de fonction, sauf à ce que le logement de son conjoint soit loué ou soit « inhabitable » par sa famille, le Tribunal de la fonction publique s’y serait limité à endosser l’avis du conseil de discipline selon lequel, à supposer qu’une telle règle existe, elle serait contraire au statut et non pertinente, puisque le requérant avait reconnu l’obligation d’occuper son logement de fonction. Or, une telle réponse ne serait pas correcte pour répondre au moyen avancé qui visait un vice de procédure au motif que le requérant n’avait pas eu accès aux suites de cette mesure d’instruction qui auraient pu lui être utiles dans sa défense et alors que l’AIPN devrait instruire à charge et à décharge. Le requérant souligne à cet égard que, même si la règle en question avait été contraire au statut, elle aurait pu être retenue au titre des circonstances atténuantes et il invoque à cet égard l’arrêt du 10 juin 2004, François/Commission (T‑307/01, EU:T:2004:180, points 88 à 91), dans lequel il aurait été considéré utile de prendre en considération une pratique, même irrégulière, dans une procédure disciplinaire.

161    Il doit, certes, être constaté que le point 71 de l’arrêt attaqué n’est pas limité au contenu retenu par le requérant dans le pourvoi. Ainsi que cela est exposé au point 135 ci-dessus, d’autres motifs y figurent, en particulier que le requérant a pu présenter ses observations sur la règle en question lors de son audition du 19 novembre 2013 par l’IDOC et dans sa note au conseil de discipline du 23 septembre 2014 et que, dans son rapport au conseil de discipline, l’AIPN a indiqué que la responsabilité du requérant ne pouvait pas être amoindrie en raison du comportement potentiellement critiquable de la cheffe d’administration de la délégation en poste au moment des faits. En l’absence d’allégation de dénaturation du dossier à cet égard, pour les raisons déjà exposées au point 158 ci-dessus, ces motifs doivent être considérés comme exacts sur le plan factuel.

162    Néanmoins, les motifs mentionnés au point 161 ci-dessus ne suffisent pas, en droit, pour rejeter la critique du requérant sur l’absence, dans le dossier transmis par l’AIPN au conseil de discipline et dans son dossier individuel, auxquels il a eu accès, du résultat de la mesure d’instruction effectuée par l’IDOC relative à l’existence de cette règle de non-attribution d’un logement de fonction dans des circonstances que le requérant aurait rencontrées.

163    Il doit, à cet égard, être souligné que cette mesure d’instruction a effectivement été exécutée, ainsi qu’il ressort de la décision de rejet de la réclamation du requérant par l’AIPN du 10 septembre 2015, indiquant que « les échanges avec le SEAE n’ont pas permis de confirmer avec certitude l’existence d’une telle règle et pratique au sein du SEAE » et que « l’existence d’une telle règle [n’est] pas avérée ». Le requérant a lui-même fait état, dans sa réclamation contre la décision litigieuse, d’une explication similaire donnée par les représentants de l’AIPN lors de la séance du conseil de discipline. Or, l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut dispose que dès réception du rapport de l’AIPN au conseil de discipline, le fonctionnaire concerné a le droit d’obtenir communication intégrale de son dossier individuel et de prendre copie de toutes les pièces de la procédure. Cette disposition vise à assurer le respect des droits de la défense une fois la phase d’enquête terminée. Il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui doit être observé même s’il s’agit d’une procédure de caractère administratif (arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, point 9). Il a, en outre, été jugé que, dans le cadre d’une procédure disciplinaire, le fonctionnaire concerné doit avoir la possibilité de prendre position sur tout document qu’une institution entend utiliser contre lui, sauf, pour ce qui est de la légalité de la décision prise à l’issue de cette procédure, à ce que ce document ne soit en définitive pas déterminant (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2001, E/Commission, T‑24/98 et T‑241/99, EU:T:2001:175, points 92 et 93). L’article 13, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut participe aussi, désormais, au respect du principe énoncé à l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la charte des droits fondamentaux, visant à assurer le droit à une bonne administration, selon lequel toute personne a un droit d’accès au dossier qui la concerne. Il en résulte qu’une mesure d’instruction des services d’enquête, quel qu’en soit le résultat, doit faire partie du dossier transmis au conseil de discipline et à l’intéressé. En l’occurrence, il doit de plus être observé : d’abord, que l’AIPN a utilisé, lors de la séance du conseil de discipline, le résultat de cette mesure d’instruction en indiquant que l’existence de la règle invoquée par le requérant n’était pas confirmée, ceci sans avoir donné préalablement connaissance au requérant de ce résultat dans le dossier ; ensuite, que le conseil de discipline a, en substance, au considérant 38 de son avis, repris cette conclusion ; enfin, que cette conclusion a encore été répétée dans la décision de rejet de la réclamation du requérant par l’AIPN du 10 septembre 2015. Il ne peut pas être exclu que si le requérant avait pu prendre connaissance, une fois le conseil de discipline saisi, de la teneur de la mesure d’instruction effectuée par l’IDOC, il aurait pu, surtout si celle-ci s’était avérée succincte, faite de manière informelle ou peu documentée, approfondir son argumentation à ce propos et, par exemple, demander, de manière plus convaincante que dans sa note au conseil de discipline du 23 septembre 2014, une reprise des investigations à ce sujet, notamment en demandant une enquête contradictoire ordonnée par le conseil de discipline sur le fondement de l’article 17, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut.

164    En outre, si, au point 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a, comme cela est exposé au point 138 ci-dessus, rappelé que l’AIPN avait considéré dans son rapport au conseil de discipline que l’existence d’éventuelles erreurs de l’administration dans la mise à disposition du requérant d’un appartement de fonction n’avait pas d’influence sur la qualification de son comportement de fautif, de même qu’il a rappelé que le conseil de discipline avait estimé que la règle invoquée par le requérant aurait été contraire au statut si elle avait existé et qu’elle était en tout état de cause non pertinente, car le requérant aurait reconnu l’obligation d’occuper un logement de fonction, le Tribunal de la fonction publique n’a pas lui-même procédé à un examen, compte tenu des éléments factuels de l’affaire, de la conformité au droit de ces considérations de l’AIPN et du conseil de discipline. Dans ces conditions, il ne saurait être exclu que l’atteinte aux droits de la défense identifiée au point 163 ci-dessus ait pu avoir une incidence sur le contenu et, par conséquent, sur la légalité de la décision litigieuse. Il doit être rappelé qu’une irrégularité de procédure, y compris en matière disciplinaire, entraîne l’annulation de l’acte adopté au terme de cette procédure si, en l’absence de cette irrégularité, le contenu de cet acte aurait pu être différent (voir, en ce sens, arrêts du 29 octobre 1980, van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, EU:C:1980:248, point 47 ; du 1er avril 2004, N/Commission, T‑198/02, EU:T:2004:101, point 103, et du 14 février 2017, Kerstens/Commission, T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74, point 83 et jurisprudence citée). En tant que juge de pourvoi, le Tribunal ne peut d’emblée procéder à une telle vérification qui implique un examen des circonstances de l’espèce.

165    Il y a donc lieu d’accueillir le moyen tiré d’une erreur de droit commise au point 71 de l’arrêt attaqué, dans la mesure où le grief tiré de ce qu’une mesure d’instruction à décharge n’aurait pas été communiquée au requérant par l’AIPN avant la séance du conseil de discipline y est rejeté sans que le Tribunal de la fonction publique ait pris position sur les justifications données par l’AIPN ou par le conseil de discipline à cet égard.

166    S’agissant des griefs concernant l’avis du conseil de discipline exprimés dans le premier moyen de la requête, le requérant avait notamment fait valoir, au point 60 de celle-ci, que le conseil de discipline avait retenu contre lui des faits nouveaux permettant d’écarter les circonstances atténuantes qu’il mettait en avant, dues à l’attitude de la cheffe d’administration de la délégation, et qu’il avait limité l’impact de sa situation familiale sans tenir compte d’un avis médical qui lui avait été communiqué.

167    Au point 80 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a répondu que, dès lors que l’AIPN n’est pas liée par l’avis du conseil de discipline quant à la réalité des faits incriminés, les griefs contre l’examen des faits par le conseil de discipline étaient inopérants, de tels griefs devant, le cas échéant, être présentés contre la décision finale prise par l’AIPN.

168    Aux points 40 à 43 du pourvoi, le requérant conteste cette position qui revient selon lui à considérer que l’avis du conseil de discipline et les irrégularités entachant ses travaux et son avis n’ont pas d’importance. Le juge du fond aurait ainsi méconnu la procédure disciplinaire lorsque cette dernière comporte l’intervention du conseil de discipline et méconnu la fonction essentielle de cet organe paritaire et consultatif qui garantirait les droits de la défense et le contradictoire. Il ressortirait de la jurisprudence que le fait que l’avis du conseil de discipline ne soit pas contraignant pour l’AIPN ne mettrait pas en cause sa fonction essentielle apportant une garantie fondamentale au fonctionnaire concerné, cela étant démontré par le fait que lorsque l’AIPN s’écarte de cet avis, y compris en matière d’appréciation des faits, elle devrait le motiver de façon circonstanciée dans sa décision. Le requérant se réfère à cet égard à l’arrêt du 18 juin 2015, CX/Commission (F‑27/13, EU:F:2015:60, points 57 et 58). Il ajoute que l’appréciation erronée des faits par le conseil de discipline a eu un impact, puisqu’elle a été suivie par l’AIPN.

169    En jugeant, au point 80 de l’arrêt attaqué, que les griefs du requérant sur l’appréciation des faits par le conseil de discipline étaient inopérants, le Tribunal de la fonction publique a en effet commis une erreur de droit.

170    Lorsque la procédure disciplinaire comporte l’intervention du conseil de discipline, c’est-à-dire, compte tenu des dispositions des articles 3 et 11 de l’annexe IX du statut, lorsque l’AIPN ouvre une procédure disciplinaire en envisageant qu’elle puisse conduire à infliger une sanction plus sévère que l’avertissement par écrit ou le blâme, cette intervention constitue un élément essentiel de la procédure, car elle constitue le moment d’un débat contradictoire approfondi avec, éventuellement, la conduite d’une enquête complémentaire à celles déjà diligentées antérieurement et car l’AIPN se prononce ensuite en tenant compte des travaux du conseil de discipline, c’est-à-dire en tenant compte de son avis motivé adopté à la majorité et même des opinions divergentes de certains de ses membres éventuellement exprimées, ainsi qu’il résulte des articles 12 à 18 de la même annexe. Le requérant souligne à juste titre à cet égard que lorsque l’AIPN s’écarte de l’avis du conseil de discipline, elle doit en exposer les motifs de manière circonstanciée, ainsi que l’a jugé à plusieurs reprises le Tribunal de la fonction publique (voir, en ce sens, arrêts du 3 juin 2015, Bedin/Commission, F‑128/14, EU:F:2015:51, point 29 ; du 18 juin 2015, CX/Commission, F‑27/13, EU:F:2015:60, points 57 et 58, et du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, point 147). Par conséquent, l’intervention du conseil de discipline constitue, lorsque celui-ci doit être saisi comme en l’espèce, une formalité substantielle de la procédure dont un fonctionnaire sanctionné à l’issue de cette procédure doit pouvoir en principe contester l’avis, lorsque l’AIPN reprend à son compte l’appréciation des faits par le conseil de discipline. D’ailleurs, la Cour a jugé que l’avis même du conseil de discipline pouvait faire l’objet d’une demande en annulation recevable (arrêt du 29 janvier 1985, F./Commission, 228/83, EU:C:1985:28, point 16). Dans le cas d’un recours, comme en l’espèce, demandant seulement l’annulation de la décision finale de l’AIPN infligeant une sanction, ce n’est dès lors que dans l’hypothèse où l’AIPN s’écarterait clairement, ou ne tiendrait clairement pas compte, dans sa décision finale, d’une appréciation portée par le conseil de discipline ou par l’un de ses membres qu’il pourrait être jugé qu’un moyen ou un grief porté à l’encontre de cette appréciation est inopérant, puisque l’acte attaqué est en effet la décision finale et non l’avis du conseil de discipline ou l’opinion de certains de ses membres. Dans les autres hypothèses, il serait excessivement formaliste d’exiger du requérant qu’il vise dans ses moyens et ses griefs des passages spécifiques de la décision litigieuse pour contester une appréciation émise dans le cadre des travaux du conseil de discipline alors que l’AIPN a tenu compte de cette appréciation pour arrêter sa décision.

171    En l’occurrence, le requérant a contesté, au point 60 de la requête, l’appréciation du conseil de discipline exprimée au point 37 de son avis, selon laquelle il avait soumis la cheffe d’administration de la délégation à une pression et lui avait donné des consignes pour qu’elle ne divulgue pas ses difficultés familiales. Or, cette appréciation est reprise, même si c’est sur un mode atténué, au considérant 25 de la décision litigieuse. Au même point de la requête, le requérant a aussi contesté l’appréciation du conseil de discipline exprimée aux points 33 à 36 de son avis, selon laquelle, eu égard à sa situation familiale, c’est seulement pendant quatre mois que son attitude pouvait se justifier. Or, cette appréciation est reprise en substance aux considérants 23 et 24 de la décision litigieuse. Dès lors, pour les raisons de droit exposées au point 170 ci-dessus, ces arguments de la requête n’étaient pas inopérants et il aurait fallu que le Tribunal de la fonction publique les examine aux fins de les juger.

172    Il doit être retenu des points 153 à 171 ci-dessus que le moyen tiré d’erreurs de droit commises par le juge du fond en ce qui concerne les vices de procédure et la violation des droits de la défense allégués devant lui est fondé pour ce qui est du rejet, par le Tribunal de la fonction publique, au point 71 de l’arrêt attaqué, du grief tiré de ce qu’une mesure d’instruction à décharge n’avait pas été communiquée par l’AIPN avant la séance du conseil de discipline et pour ce qui est de l’appréciation du Tribunal de la fonction publique portée au point 80 de l’arrêt attaqué, d’après laquelle étaient inopérants les arguments du point 60 de la requête visant des faits que le conseil de discipline aurait retenus contre le requérant pour écarter les circonstances atténuantes liées à l’attitude de la cheffe d’administration de la délégation que celui-ci mettait en avant et mettant en cause l’appréciation du conseil de discipline sur l’impact de la situation familiale du requérant.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation par le juge du fond en ce qui concerne le manque de motivation de la décision litigieuse allégué devant lui

173    Aux points 73 à 78 de la requête, au titre d’un troisième moyen, le requérant reprochait à l’AIPN que la décision litigieuse ne contienne pas de motifs à propos des vices de procédure dénoncés dans le cadre de ses deux premiers moyens. En outre, dans une lettre postérieure au mémoire en défense, alors que la procédure écrite avait été close à la suite du dépôt de ce mémoire, le requérant avait, quelques jours avant l’audience, fait valoir un moyen nouveau, également tiré d’une insuffisance de motivation de la décision litigieuse. Le requérant aurait appris du mémoire en défense que la Commission l’avait reconnu comme lanceur d’alerte dans la mesure où il avait dénoncé des fraudes commises par ceux qui l’auraient eux-mêmes dénoncé ou par leur entourage. Or, la décision litigieuse n’aurait nullement mentionné cette circonstance qui aurait dû constituer une circonstance atténuante de grand poids dans la procédure disciplinaire dont le requérant était l’objet. Il y aurait donc également eu une insuffisance de motivation à cet égard.

174    Le Tribunal de la fonction publique a traité ces deux moyens ensemble, estimant, au point 47 de l’arrêt attaqué, que le second constituait une branche du premier. Aux points 93 à 96 de l’arrêt attaqué, il a jugé que cette nouvelle branche était irrecevable. Il a estimé qu’en réalité cette branche ne correspondait pas à une critique relevant de la violation de l’obligation de motivation qui, étant d’ordre public, peut être soulevée tardivement ou même d’office en l’absence de fait nouveau, mais à une critique au fond de la décision litigieuse consistant à faire grief à l’AIPN de ne pas avoir tenu compte du statut de lanceur d’alerte qu’aurait eu le requérant. Or, selon le Tribunal de la fonction publique, aucun fait nouveau révélé par le mémoire en défense ne serait intervenu, puisque le requérant avait dénoncé dès 2014 les fraudes dont il faisait état et la protection prévue pour les lanceurs d’alerte à l’article 22 bis, paragraphe 3, du statut est accordée sans formalité. Dès lors, cette branche de moyen aurait été tardivement soulevée compte tenu des dispositions du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique qui interdisaient la production de moyens nouveaux en cours d’instance, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Néanmoins, à titre subsidiaire, au point 97 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a estimé que, à supposer que cette branche de moyen soit recevable, elle devrait être rejetée comme non fondée, car, dans le mémoire en défense, la Commission se serait bornée à indiquer qu’elle donnait des suites aux informations transmises par le requérant, mais elle ne lui aurait ni attribué ni reconnu le statut de lanceur d’alerte.

175    Selon ce qu’expose le requérant au point 46 du pourvoi, cette motivation serait contradictoire et relèverait de l’erreur de droit.

176    Comme il a déjà été rappelé aux points 54 et 55 ci-dessus, la motivation d’une décision du juge du fond doit faire apparaître de façon claire et non équivoque son raisonnement, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et au juge du pourvoi d’exercer son contrôle juridictionnel. La question de savoir si la motivation d’un arrêt du Tribunal de la fonction publique est contradictoire ou insuffisante constitue une question de droit pouvant être invoquée dans le cadre d’un pourvoi (voir, par analogie, arrêt du 11 juin 2020, China Construction Bank/EUIPO, C‑115/19 P, EU:C:2020:469, point 67 et jurisprudence citée).

177    Comme cela a aussi été rappelé au point 61 ci-dessus, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de cette décision, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien‑fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance, c’est-à-dire du manque de motivation (arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37).

178    Or, le requérant soutient que la motivation des points 93 à 97 de l’arrêt attaqué est contradictoire, car, d’une part, elle reposerait sur la prémisse que le statut de lanceur d’alerte est octroyé automatiquement sans formalité et, dans ce cas, il n’y aurait certes pas eu d’élément nouveau, mais il y aurait bien une insuffisance de motivation de la décision litigieuse, susceptible d’être soulevée à tout moment, puisqu’il n’y serait pas tenu compte de son statut de lanceur d’alerte, et, d’autre part, cette motivation indiquerait qu’il y a eu un élément nouveau dans le mémoire en défense de la Commission – l’indication que celle-ci était active pour donner des suites aux dénonciations du requérant – tout en déniant le statut de lanceur d’alerte au requérant, ce qui suppose que ce statut n’est pas octroyé automatiquement. Le Tribunal de la fonction publique aurait commis une erreur de droit à la fois dans la première hypothèse, car il y aurait bien eu une insuffisance de motivation de la décision litigieuse, et dans la seconde hypothèse, car, eu égard aux actes répréhensibles graves qu’il avait dénoncés, le requérant aurait dû, compte tenu de la législation, nécessairement être considéré comme lanceur d’alerte.

179    Aux points 47 et 48 du pourvoi, le requérant ajoute que ledit élément nouveau aurait dû conduire l’AIPN à lui reconnaître une circonstance atténuante de grand poids compte tenu de sa qualité de lanceur d’alerte, comme il l’avait déjà exposé dans sa lettre du 18 mai 2016 au Tribunal de la fonction publique, et il expose que la Commission a cherché à influencer ce dernier à l’audience pour qu’il dénie que le statut de lanceur d’alerte lui avait été octroyé. Enfin, au point 49 du pourvoi, il expose que la Commission a commis trois irrégularités successives liées à la non-prise en compte de sa qualité de lanceur d’alerte.

180    Contrairement à ce qu’avance le requérant, il n’y a pas de contradiction dans la motivation du Tribunal de la fonction publique. En effet, la première hypothèse mentionnée au point 178 ci-dessus correspond à la branche principale de son raisonnement d’après laquelle le requérant est lanceur d’alerte depuis qu’il a effectué les dénonciations dont il se prévaut et, dès lors, le moyen avancé dans la lettre du 18 mai 2016, qui est en réalité un moyen de fond, est tardif. La seconde hypothèse mentionnée au même point correspond à la branche subsidiaire du raisonnement du Tribunal de la fonction publique d’après laquelle, « à supposer que le moyen nouveau introduit par la lettre du 18 mai 2016 soit recevable », c’est-à-dire à supposer soit que ce moyen est bien tiré d’une violation des formes substantielles, en l’occurrence d’un manque de motivation qui peut être soulevé à tout moment, soit que le requérant n’est pas lanceur d’alerte depuis qu’il a effectué les dénonciations dont il se prévaut et qu’il y a un élément nouveau dans le mémoire en défense, le moyen est non fondé, puisque la Commission ne reconnaît cependant pas le statut de lanceur d’alerte au requérant dans ce mémoire. Par définition, un raisonnement subsidiaire vise à obtenir un même résultat, ou du moins un résultat satisfaisant, à partir d’une hypothèse différente d’une hypothèse de départ si celle-ci est écartée. Il est donc tout à fait normal que les prémisses d’un raisonnement principal et celles d’un raisonnement subsidiaire soient différentes, voire opposées, sans que cela constitue une contradiction de motifs, si ces différentes prémisses se succèdent bien dans le cadre d’une démonstration contenant une branche principale et une branche subsidiaire concernant la même question. Tel est, sans équivoque, le cas en l’espèce. Le Tribunal de la fonction publique n’a donc pas violé son obligation de motivation.

181    Ensuite, force est de constater que les autres éléments de l’argumentation de pourvoi du requérant rapportée aux points 178 et 179 ci-dessus mettent en réalité en cause l’analyse du Tribunal de la fonction publique et non un manque de motivation, contrairement à ce qui est annoncé dans l’intitulé du moyen de pourvoi présentement examiné, à savoir « Sur la violation de l’obligation de motivation de la défenderesse : violation de l’obligation de motivation par le premier juge ». Le requérant dénonce même explicitement à plusieurs reprises une erreur de droit. Dans ces conditions, eu égard à ce qui est rappelé au point 177 ci-dessus, ces arguments sont sans pertinence dans le cadre de ce moyen.

182    Le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation par le juge du fond en ce qui concerne l’insuffisance de motivation de la décision litigieuse alléguée devant lui doit donc être rejeté dans son ensemble.

 Sur les moyens avancés à l’encontre de l’arrêt attaqué en ce qui concerne l’erreur de droit et de fait alléguée devant le juge du fond relative au grief retenu dans la décision litigieuse de la non-occupation en famille du logement de fonction mis à la disposition du requérant

–       Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation par le juge du fond en ce qui concerne l’erreur de droit et de fait alléguée devant lui relative au grief retenu dans la décision litigieuse de la non-occupation en famille du logement de fonction mis à la disposition du requérant

183    Le quatrième moyen de la requête, « tiré de l’erreur de droit et de fait quant au premier grief retenu à l’encontre du requérant », comportait une deuxième branche concernant « [l]a substitution fautive de l’appréciation subjective de la faute retenue par l’AIPN sans avoir entendu ni le requérant ni le représentant de l’administration sur cette nouvelle appréciation ». Dans cette branche, aux points 90 à 103 de la requête, le requérant exposait qu’il n’avait pas pu faire valoir son point de vue sur la situation précise en janvier 2009, début de la période retenue en définitive dans la décision litigieuse par l’AIPN pendant laquelle il aurait commis une faute. Ainsi, il n’aurait pas pu exposer précisément le problème de vitrification défectueuse du parquet, constaté par la cheffe d’administration de la délégation, qui aurait rendu impossible un emménagement avec son bébé convalescent à ce moment. Ni le requérant, ni la cheffe d’administration de la délégation n’auraient été précisément interrogés à propos de cette circonstance qui permettrait d’écarter l’existence d’une faute dès janvier 2009. « Dans tous les cas », au regard des déclarations de la cheffe d’administration de la délégation à l’OLAF, ce mois de janvier 2009 aurait été manifestement erroné pour être retenu comme limite pour un emménagement de sa famille ou pour que le requérant quitte l’appartement de fonction. L’OLAF lui-même aurait estimé que la responsabilité financière du requérant devait se limiter au surcoût d’une chambre supplémentaire pendant la deuxième année du bail. À cet égard, les discussions que le requérant a eues avec la cheffe d’administration de la délégation n’auraient jamais porté sur un simple départ de l’appartement de fonction, mais sur la possibilité d’y substituer un appartement avec une chambre de moins. L’AIPN n’aurait jamais expliqué pourquoi le requérant ne pouvait pas placer sa confiance légitime dans ces discussions. De plus, contrairement à ce qui serait indiqué au considérant 25 de la décision litigieuse, le requérant aurait légitimement demandé à la cheffe d’administration de la délégation de garder le secret sur les problèmes de santé au sein de sa famille, mais il n’aurait eu aucune autorité ni moyen pour l’empêcher d’utiliser ces informations de manière appropriée. Le requérant faisait aussi état, dans cette partie de la requête, de situations de collègues à New York, dont l’administration se serait assurée de la bonne foi et aurait toléré le maintien dans un appartement trop grand en raison d’une non-occupation en famille pour éviter des frais de déménagement répétés. Ainsi, en étant transparent sur ses difficultés avec la cheffe d’administration de la délégation, le requérant aurait régularisé sa situation à l’aune des normes et des pratiques en cours. Le requérant avait aussi argué dans cette branche de la requête qu’il y avait une contradiction de la part de l’AIPN à avoir estimé dans le rapport au conseil de discipline que le comportement de la cheffe d’administration de la délégation devrait le cas échéant être examiné dans le cadre d’une procédure la concernant, ce qui suppose la perception d’un dysfonctionnement administratif, et de ne pas en tirer de conséquences au profit du requérant. Le fait que l’OLAF n’ait pas considéré le comportement de la cheffe d’administration de la délégation dans cette affaire comme fautif montrerait qu’il était naturel que le requérant place une confiance légitime dans l’attitude de celle-ci, qui pouvait le contraindre à quitter l’appartement de fonction, ce qu’elle n’a pas fait. Le requérant exposait qu’il avait eu conscience d’avoir été dans une situation, certes dérogatoire, mais non exceptionnelle à la délégation de New York, et il soutenait avoir reçu des assurances précises, inconditionnelles et concordantes de la cheffe d’administration de la délégation que sa situation ne serait pas considérée comme irrégulière en cas de contrôle, ce qui se serait confirmé lors d’une visite à l’appartement de fonction d’un responsable de la sécurité en février 2009. Ainsi, l’AIPN aurait substitué illégalement son appréciation subjective à celle du fonctionnaire la représentant sur place à l’époque sans avoir interrogé ce fonctionnaire, pas plus que le requérant, sur la situation en janvier 2009 alors que celle-ci était retenue comme caractérisant la faute précise qui lui a été en définitive reprochée. Soulignant que l’AIPN avait déjà écarté ces arguments dans sa décision de rejet de la réclamation, le requérant a fourni dans cette partie de la requête des détails sur le problème de la vitrification du parquet. Ce problème n’aurait pas été ponctuel, puisque la cheffe d’administration de la délégation aurait encore perçu dans l’appartement de fonction une odeur de produit de vitrification lors d’une visite en juin 2009. Enfin, le requérant soulignait que s’il était un juriste confirmé, c’était de façon manifestement erronée que l’AIPN aurait attendu de lui une meilleure connaissance des règles en matière de logement de fonction que de la cheffe d’administration de la délégation, qui aurait également été une fonctionnaire confirmée. Seul le fait que la cheffe d’administration de la délégation ait été ultérieurement convaincue de fautes personnelles graves en ce qui concernait sa propre situation pouvait expliquer que l’AIPN ne reconnaisse pas au requérant une confiance légitime dans l’attitude de cette fonctionnaire.

184    En réponse à ces arguments, aux points 117 à 123 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a exposé : que le requérant avait pu faire état à trois reprises pendant l’enquête et la procédure disciplinaire du problème de vitrification du parquet de l’appartement de fonction ; qu’il n’avait pas prouvé la réaction allergique de sa femme qui en aurait été la conséquence ; que, néanmoins, il avait fait état d’une telle réaction survenue à la suite d’une visite de l’appartement en août 2008, soit avant la signature de l’accord de mise à disposition du logement ; que dans ces circonstances le requérant ne pouvait valablement reprocher à l’AIPN de ne pas avoir tenu compte de cette prétendue réaction allergique en fixant le début de la faute en janvier 2009 ; que l’argumentaire lié à l’attitude de la cheffe d’administration de la délégation n’était pas assez clair et précis et devait être écarté sur le fondement de l’article 50, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique selon lequel la requête doit contenir un exposé précis et structuré des moyens et des arguments de droit invoqués ; que les conditions pour invoquer une confiance légitime découlant d’assurances données par l’administration, à savoir que ces assurances soient précises, inconditionnelles et concordantes, qu’elles émanent de sources autorisées et fiables de l’administration, qu’elles soient de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent et qu’elles soient conformes aux normes applicables, n’étaient pas satisfaites, car le requérant n’avait à aucun moment présenté des éléments pouvant confirmer qu’il avait reçu de telles assurances ; qu’à supposer établie la pratique de collègues occupant à New York des appartements de fonction familiaux sans y être en famille, un fonctionnaire ne saurait prendre prétexte de l’acceptation par l’AIPN d’un comportement irrégulier d’un autre fonctionnaire pour commettre à son tour la même irrégularité ; enfin, que, loin d’exprimer une appréciation subjective, l’AIPN se serait fondée dans la décision litigieuse sur des faits établis, notamment celui non contesté que la famille du requérant n’a pas occupé son logement de fonction entre janvier 2009 et août 2010.

185    Dans le quatrième moyen du pourvoi, au point 55, le requérant avance que cette réponse du Tribunal de la fonction publique est particulièrement brève au regard des développements dans la requête et qu’elle ne permet pas de satisfaire à l’obligation de motivation du juge.

186    S’il appartient au seul juge du fond d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments de preuve produits devant lui et s’il ne saurait être tenu de motiver de manière expresse ses appréciations quant à la valeur de chaque élément de preuve qui lui a été soumis, notamment lorsqu’il considère que ceux-ci sont sans intérêt ou dépourvus de pertinence pour la solution du litige, il n’en est pas moins tenu de fournir une motivation permettant au juge du pourvoi d’exercer son contrôle juridictionnel. Cette motivation doit en particulier permettre au juge du pourvoi d’exercer un contrôle sur une éventuelle erreur de droit ou de qualification juridique des faits (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 12 juillet 2005, Commission/CEVA et Pfizer, C‑198/03 P, EU:C:2005:445, point 50, et du 26 mai 2016, Rose Vision/Commission, C‑224/15 P, EU:C:2016:358, point 31).

187    En l’espèce, la motivation de l’arrêt attaqué figurant au point 121 de celui-ci, indiquant que le requérant n’avait à aucun moment présenté des éléments pouvant confirmer qu’il avait reçu des assurances pouvant faire naître en lui une confiance légitime dans la possibilité de continuer à bénéficier de son logement de fonction compte tenu de l’attitude de la cheffe d’administration de la délégation, se limite à cette affirmation et, de plus, le Tribunal de la fonction publique a estimé au point 119 de l’arrêt attaqué que l’argumentaire du requérant développé à cet égard n’était pas suffisamment clair et précis pour être pris en considération.

188    Il convient donc d’examiner précisément la teneur des éléments avancés dans la requête en vue de démontrer que la cheffe d’administration de la délégation avait donné au requérant des assurances précises inconditionnelles et concordantes qu’il pouvait continuer à utiliser son appartement de fonction, que le requérant a identifiés au point 55 du pourvoi, afin d’examiner si le Tribunal de la fonction publique a motivé à suffisance l’appréciation reprise au point 187 ci-dessus.

189    Au point 94 de la requête, le requérant avait fait valoir que ses discussions avec la cheffe d’administration de la délégation n’avaient jamais porté sur un simple départ de son appartement de fonction, mais sur la possibilité d’y substituer un appartement avec une chambre de moins. L’OLAF l’aurait compris en regrettant seulement l’attitude plutôt passive de cette responsable administrative. Le requérant s’est référé à cet égard à l’annexe A 6 de la requête, à savoir le rapport final de l’OLAF évoqué au point 13 ci-dessus (quinzième page du document en cause). Il doit être constaté que le Tribunal de la fonction publique n’a pas vérifié si le rapport final de l’OLAF correspondait bien aux déclarations du requérant, autrement dit il n’a pas procédé à une appréciation des faits à ce propos, ni par conséquent indiqué, dans l’affirmative, si ces arguments du requérant étaient de nature à participer à la démonstration de l’existence d’une confiance légitime de sa part, c’est-à-dire procédé à la qualification juridique de ces faits.

190    Au point 97 de la requête, le requérant avait fait valoir que l’AIPN ne pouvait indiquer, dans le résumé de son rapport au conseil de discipline, que le comportement potentiellement critiquable de la cheffe d’administration de la délégation devait, le cas échéant, être apprécié dans le cadre d’une procédure spécifique la concernant, ce qui suppose la perception d’un dysfonctionnement administratif, et n’en tirer aucune conséquence au profit du requérant. Celui-ci s’est référé à cet égard à l’annexe A 18 de la requête (troisième page de ce rapport). Le requérant avait ajouté qu’un comportement éventuellement fautif de la cheffe d’administration de la délégation ne pouvait pas automatiquement justifier le sien, mais que seule cette responsable administrative, connaissant la situation, puisqu’il la lui avait exposée, était en mesure d’apprécier s’il devait quitter son appartement de fonction, chose qu’elle aurait pu facilement provoquer. Le requérant avait aussi avancé que l’OLAF n’avait pas retenu de faute de la cheffe d’administration de la délégation et que cela montrait que lui-même avait pu développer une confiance légitime dans l’absence d’obligation de quitter son appartement de fonction. Il doit être constaté que le Tribunal de la fonction publique n’a pas non plus procédé à une appréciation des éléments de fait avancés par le requérant à cet égard, ni indiqué s’ils étaient de nature à participer à la démonstration de l’existence d’une confiance légitime de sa part, c’est-à-dire procédé à la qualification juridique de ces faits.

191    Au point 103 de la requête, le requérant avait en substance répété les mêmes arguments qu’aux points 94 et 97 de celle-ci en ajoutant, ainsi que cela a déjà été exposé au point 183 ci-dessus, que c’était de façon manifestement erronée que l’AIPN aurait attendu de lui une meilleure connaissance des règles en matière de logement de fonction que de la cheffe d’administration de la délégation, qui aurait pu unilatéralement le contraindre à quitter son appartement de fonction, et qu’un comportement indépendant des faits ayant suscité le présent dossier, reproché par ailleurs à cette dernière, pouvait expliquer que l’AIPN avait refusé de reconnaître la situation de confiance légitime dans laquelle il affirmait se trouver. Le Tribunal de la fonction publique n’a pas non plus exprimé de position à cet égard.

192    Toujours au point 55 du pourvoi, le requérant invoque également les annexes A 5 et A 31 de la requête comme éléments sur lesquels il se serait appuyé pour démontrer avoir été en situation de confiance légitime. Toutefois, ces pièces n’ont pas été invoquées dans la requête à ce propos et il n’y a donc pas lieu d’en tenir compte pour apprécier si le Tribunal de la fonction publique a répondu de manière suffisamment motivée aux éléments que le requérant avait avancés pour démontrer qu’il avait pu placer une confiance légitime dans la possibilité de se maintenir dans son logement de fonction compte tenu de l’attitude de la cheffe d’administration de la délégation.

193    Au vu de ce qui précède, il apparaît que le Tribunal de la fonction publique n’a pas suffisamment motivé le rejet de l’existence de la confiance légitime invoquée par le requérant, puisqu’il n’a pas exposé pourquoi les arguments et les pièces mentionnés aux points 189 à 191 ci-dessus, qui n’étaient pas manifestement dépourvus de pertinence à cet égard, ne justifiaient pas une telle existence. En revanche, en ce qui concerne les autres aspects de la réponse du Tribunal de la fonction publique à la deuxième branche du quatrième moyen de la requête, une telle insuffisance de motivation ne peut être retenue et le requérant n’avance d’ailleurs pas d’éléments en sens contraire.

194    Il en ressort que le manque de motivation allégué du point 121 de l’arrêt attaqué concernant un aspect de la deuxième branche du quatrième moyen de la requête est établi.

195    Le quatrième moyen de la requête, « tiré de l’erreur de droit et de fait quant au premier grief retenu à l’encontre du requérant », comportait également une quatrième branche intitulée « Sur l’absence de matérialité des atteintes alléguées au devoir de loyauté ».

196    Dans le quatrième moyen du pourvoi, au point 58, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique de ne pas avoir fait état de cette branche, de ne pas y avoir répondu et d’avoir ainsi méconnu son obligation de motivation.

197    Cependant, ainsi que cela est exposé au point 53 ci-dessus, le requérant indique lui-même que cette branche a été analysée par le Tribunal de la fonction publique avec le sixième moyen de la requête concernant sa responsabilité financière. D’ailleurs, il met en cause l’analyse du Tribunal de la fonction publique à cet égard au titre d’une dénaturation du dossier, ainsi qu’il ressort des points 65 et suivants ci-dessus. Il en ressort que l’insuffisance de motivation alléguée de l’arrêt attaqué concernant la quatrième branche du quatrième moyen de la requête n’est pas établie.

198    Il doit être retenu des points 183 à 197 ci-dessus que, au vu des éléments que le requérant avait avancés aux points 94, 97 et 103 de la requête pour démontrer qu’il avait pu placer une confiance légitime dans la possibilité de se maintenir dans son logement de fonction compte tenu de l’attitude de la cheffe d’administration de la délégation, le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation par le juge du fond en ce qui concerne l’erreur de droit et de fait alléguée, relative au grief retenu dans la décision litigieuse de la non-occupation en famille du logement de fonction mis à la disposition du requérant, est donc fondé pour ce qui concerne le point 121 de l’arrêt attaqué.

–       Sur le moyen tiré d’erreurs de droit commises par le juge du fond en ce qui concerne l’erreur de droit et de fait alléguée devant lui relative au grief retenu dans la décision litigieuse de la non-occupation en famille du logement de fonction mis à la disposition du requérant

199    Dans la requête, le quatrième moyen tiré de « l’erreur de droit et de fait quant au premier grief retenu à l’encontre du requérant » comportait une première branche concernant « la non-reconnaissance fautive de la situation de force majeure comme cause exonératoire ». En substance, aux points 79 à 89 de la requête, le requérant avançait qu’en janvier 2009, moment à partir duquel, d’après la décision litigieuse, il avait violé de manière fautive son obligation de résider en famille dans l’appartement de fonction mis à sa disposition, il était toujours dans l’incertitude sur l’évolution de l’état de santé de sa femme et, donc, sur son acceptation à emménager dans cet appartement. Plusieurs certificats médicaux produits pendant la phase d’enquête et la procédure disciplinaire l’auraient attesté. Or, l’AIPN aurait admis que, dans un premier temps, les problèmes de santé de son épouse, ainsi que ceux de son enfant, avaient pu rendre difficile un déménagement. Dès lors, l’AIPN aurait commis une erreur de droit en refusant de statuer sur le maintien d’une situation de force majeure à partir de janvier 2009, en particulier en ne prenant pas position sur le caractère imprévisible des contraintes familiales qu’aurait subies le requérant. Selon celui-ci, les motifs complémentaires à ceux de la décision litigieuse apportés dans la décision rejetant sa réclamation seraient restés insuffisamment détaillés pour « offrir prise à une controverse juridique ». Le requérant soulignait néanmoins dans la requête, en réponse aux motifs de cette dernière décision, que, en janvier 2009, c’était un problème de vitrification du parquet qui avait empêché le déménagement, que si, à cette date, il avait renoncé à l’appartement, les loyers auraient de toute façon été dus jusqu’en août 2009, ce à quoi il n’aurait pas été répondu, qu’il ne pouvait quitter l’appartement sans autorisation de la cheffe d’administration de la délégation et, enfin, que des erreurs factuelles avaient été faites concernant les conditions et la fréquence de la présence dans l’appartement de son ami « garde-appartement ».

200    Au point 106 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a exposé qu’il ressortait de la décision litigieuse que « l’AIPN tripartite a[vait] bien tenu compte des arguments du requérant tirés de l’existence d’une prétendue force majeure liée à l’état de santé de son épouse et à celui de leur [enfant] », mais que, « [t]outefois, l’AIPN tripartite a[vait] constaté que, si ces circonstances avaient pu justifier que le requérant ne s’installe pas tout de suite dans le logement de fonction, en revanche, à partir de janvier 2009, lorsqu’il avait pris conscience que son épouse s’opposait toujours au déménagement, il “incombait [au requérant] de régulariser sans attendre sa situation administrative” ». Au point 107 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a indiqué que, dès lors, il n’était pas nécessaire pour l’AIPN de statuer sur la force majeure invoquée par le requérant, puisqu’il devait régulariser sa situation en renonçant à l’appartement de fonction, ce qui ne lui était nullement impossible, contrairement au fait d’y faire emménager sa femme.

201    Aux points 52 à 54 du pourvoi, le requérant rappelle que, dans le cadre de la saisine du conseil de discipline, il lui était reproché une non-occupation familiale prévisible de l’appartement de fonction. Les certificats médicaux présentés auraient au moins permis qu’il soit reconnu dans la décision litigieuse que, jusqu’en décembre 2008, un tel reproche n’était pas justifié, mais il aurait fallu également prendre en compte ces certificats pour la période postérieure. Pour que le requérant sache s’il pouvait faire emménager sa famille dans l’appartement de fonction ou, au contraire, s’il devait renoncer à celui-ci, il aurait de même fallu que l’attitude de sa femme soit prévisible. Or, le requérant aurait été dans l’incapacité de prévoir cette attitude à l’époque de la faute qui lui a été reprochée. Contrairement à ce qu’a retenu le Tribunal de la fonction publique, il aurait donc fallu que l’AIPN se prononce sur la poursuite de la situation de force majeure. À cet égard, le juge du fond aurait commis une erreur de droit.

202    Compte tenu des motifs retenus dans la décision litigieuse, complétés par ceux exposés dans la décision de rejet de la réclamation, aucune erreur de droit n’a été commise par le Tribunal de la fonction publique. Il est reproché au requérant dans ces deux décisions, ainsi que l’a constaté le juge du fond, de ne pas avoir, après quelques mois, face au refus persistant de sa femme d’emménager dans l’appartement de fonction, renoncé à cet appartement. Il est évident qu’aucun élément de force majeure ne s’opposait à un tel renoncement du requérant. En particulier, l’incertitude sur l’évolution de l’attitude de sa femme ne l’empêchait pas de prendre cette décision conforme aux intérêts de l’Union et au respect des règles, ne serait-ce que de bon sens. C’est donc à juste titre, sans erreur de raisonnement juridique, que le Tribunal de la fonction publique a jugé qu’il n’était pas nécessaire pour l’AIPN de se prononcer sur l’existence d’une situation de force majeure due aux problèmes de santé de la femme du requérant pour caractériser une faute de celui-ci à compter de janvier 2009.

203    Aux points 55 à 57 du pourvoi, le requérant dénonce d’autres erreurs du Tribunal de la fonction publique dans l’examen, cette fois, de la deuxième branche du quatrième moyen de la requête concernant « [l]a substitution fautive de l’appréciation subjective de la faute retenue par l’AIPN sans avoir entendu ni le requérant ni le représentant de l’administration sur cette nouvelle appréciation ». Les arguments de cette deuxième branche et la réponse qu’y a apportée le Tribunal de la fonction publique ont déjà été résumés aux points 183 et 184 ci-dessus.

204    Au point 55 du pourvoi, le requérant soutient que le Tribunal de la fonction publique a méconnu le principe de protection de la confiance légitime, car après avoir rappelé les conditions dans lesquelles celle-ci peut être reconnue, au point 120 de l’arrêt attaqué, il a estimé, au point 121 de celui-ci, que le requérant n’avait à aucun moment « présenté d’éléments pouvant confirmer qu’il avait reçu des assurances précises inconditionnelles et concordantes sur la conformité de son comportement avec les règles statutaires ». Or, le Tribunal de la fonction publique n’aurait ni mentionné ni examiné les éléments qui, au contraire, auraient été présentés à cet effet dans la requête, concernant les prises de position de la cheffe d’administration de la délégation, qui auraient « validé » le maintien du requérant dans son appartement de fonction, et soulignant le fait qu’alors que celle-ci pouvait le contraindre à quitter cet appartement, elle avait apprécié la situation différemment. Ces éléments auraient bien démontré l’existence d’assurances de nature à faire naître une confiance légitime dans la possibilité, pour le requérant, de conserver son appartement de fonction. L’OLAF l’aurait lui-même confirmé.

205    Il y a lieu de rappeler que le Tribunal a déjà constaté, au point 193 ci-dessus, une insuffisance de motivation du Tribunal de la fonction publique sur cet aspect. En principe, il ne devrait pas être nécessaire d’examiner s’il a commis une erreur de droit à cet égard. Toutefois, une insuffisance de motivation peut dans certains cas se cumuler avec une erreur de nature juridique sur le fond et le Tribunal estime en l’espèce qu’il y a lieu d’examiner si tel est le cas.

206    L’argumentation du requérant figurant au point 55 du pourvoi ne met pas en cause, contrairement à ce qu’indique le titre du quatrième moyen de ce pourvoi, une erreur de droit. Dans la mesure où le requérant n’allègue pas une dénaturation du dossier et qu’il ne conteste pas les conditions dans lesquelles une confiance légitime peut être reconnue, exposées au point 120 de l’arrêt attaqué, ce qui aurait relevé d’un moyen tiré de l’erreur de droit, sa critique constitue en réalité une critique de la qualification juridique des faits par le Tribunal de la fonction publique, le point 121 de l’arrêt attaqué devant être interprété en ce sens que le requérant n’a pas présenté des éléments de nature à démontrer, ou suffisants pour démontrer, qu’il avait pu placer une confiance légitime dans la possibilité de se maintenir dans son logement de fonction compte tenu de l’attitude de la cheffe d’administration de la délégation. Néanmoins, comme le contrôle du juge du pourvoi s’étend à la qualification juridique des faits retenue par le juge du fond (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 1998, Deere/Commission, C‑7/95 P, EU:C:1998:256, point 21), il convient d’examiner l’argumentation de fond exposée au point 55 du pourvoi, résumée au point 204 ci-dessus.

207    À cet égard, il convient de se reporter aux points 189 à 191 ci-dessus où ont été rappelés précisément les éléments avancés dans la requête en vue de démontrer que la cheffe d’administration de la délégation avait donné au requérant des assurances précises inconditionnelles et concordantes qu’il pouvait continuer à utiliser l’appartement de fonction, que le requérant a identifiés au point 55 du pourvoi, et où a été constatée l’absence d’appréciation de ces éléments par le Tribunal de la fonction publique.

208    Au vu des arguments et des pièces en question, il apparaît que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur dans la qualification juridique des faits en estimant que le requérant n’avait pas présenté des éléments de nature à démontrer, ou suffisants pour démontrer, qu’il avait pu placer une confiance légitime dans la possibilité de se maintenir dans son logement de fonction compte tenu de l’attitude de la cheffe d’administration de la délégation sans avoir pris position sur ces arguments et ces pièces.

209    Au point 56 du pourvoi, le requérant estime que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit en jugeant, au point 122 de l’arrêt attaqué, que, même à supposer établie la pratique de collègues occupant à New York des appartements de fonction familiaux sans y être en famille, un fonctionnaire ne saurait prendre prétexte de l’acceptation par l’AIPN d’un comportement irrégulier d’un autre fonctionnaire pour commettre à son tour la même irrégularité. Le requérant rappelle à cet égard qu’une pratique, même irrégulière, peut être prise en compte dans le cadre d’une procédure disciplinaire et s’appuie sur l’arrêt du 10 juin 2004, François/Commission (T‑307/01, EU:T:2004:180, points 88 à 91).

210    Il y a lieu de rappeler que, dans la deuxième branche du quatrième moyen de la requête, il était reproché en substance à l’AIPN d’avoir substitué à tort son appréciation du comportement du requérant à l’appréciation qu’en avait faite la cheffe d’administration de la délégation au moment des faits. Alors que cette dernière n’y aurait pas vu un comportement fautif, l’AIPN aurait estimé le contraire. Dans l’arrêt du 10 juin 2004, François/Commission (T‑307/01, EU:T:2004:180, points 88 à 91), invoqué par le requérant, il a été jugé qu’il ne pouvait pas être imputé une faute à un fonctionnaire de rang intermédiaire qui avait participé, sans la dénoncer, à une pratique irrégulière connue, et même organisée, au plus haut niveau des services d’une institution. Cette appréciation ne saurait être remise en cause, sous réserve, le cas échéant, de cas relevant des articles 21 bis ou 22 bis du statut, relatifs à l’obligation de signaler les ordres paraissant entachés d’irrégularités ou dont l’exécution pourrait entraîner de graves inconvénients et à l’obligation de signaler les activités présumées illégales ou les conduites pouvant constituer un grave manquement aux obligations des fonctionnaires. Au regard de cet arrêt, la généralité de la formulation retenue par le Tribunal de la fonction publique au point 122 de l’arrêt attaqué apparaît à tout le moins inappropriée. Certes, cette formulation doit être comprise compte tenu de son objet manifeste, à savoir qu’elle vise des pratiques irrégulières dont les fonctionnaires qui en bénéficient sont à l’origine et non l’administration elle-même, qui les tolérerait seulement. Pourtant, même comprise en ce sens, la teneur du point 122 de l’arrêt attaqué ne répond pas à bon droit aux arguments du point 96 de la requête. Le requérant y exposait, en substance, que les fonctionnaires de l’Union en poste en délégation dans les pays tiers rencontraient souvent des difficultés familiales pouvant conduire au départ temporaire de tout ou partie de leur famille et que l’administration gérait du mieux possible ces situations, en vérifiant la bonne foi des intéressés et en gardant à l’esprit les frais que pourraient engendrer des déménagements répétés. Le requérant invoquait à cet égard le cas d’un de ses collègues à New York dont la femme et l’un de ses enfants étaient rentrés en Europe pendant deux ans sans que la cheffe d’administration de la délégation, qui était le prédécesseur de celle ayant géré sa propre situation, fasse déménager le fonctionnaire concerné dans un appartement plus petit pendant l’absence d’une partie de sa famille. Le requérant n’invoquait donc pas des pratiques irrégulières qui auraient été tolérées, mais des situations difficiles gérées au mieux par l’administration. Le point 122 de l’arrêt attaqué, en n’apportant pas de réponse pertinente à cet argumentaire, montre que le Tribunal de la fonction publique s’est placé sur un terrain juridique inapproprié au regard de l’argumentation du requérant et a ainsi entaché l’arrêt attaqué d’erreur de droit.

211    Enfin, au point 57 du pourvoi, le requérant critique le point 123 de l’arrêt attaqué en renvoyant à ce qu’il a exposé au point 28 du pourvoi. Au point 123 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a estimé que, loin d’exprimer une appréciation subjective, l’AIPN se serait fondée dans la décision litigieuse sur des faits établis tout au long de la procédure disciplinaire, notamment celui non contesté que la famille du requérant n’avait pas résidé dans son logement de fonction entre janvier 2009 et août 2010. À cet égard, au point 28 du pourvoi, comme cela est exposé au point 157 ci-dessus, le requérant a contesté que la faute retenue pour engager sa responsabilité financière, c’est-à-dire le non-respect de l’obligation prévue à l’article 5, paragraphe 1, de l’annexe X du statut de résider avec sa famille dans l’appartement de fonction qui lui avait été alloué, lui a été reprochée tout au long de la procédure.

212    Or, cette argumentation du requérant a été jugée irrecevable dans le cadre du pourvoi parce qu’elle conduit à demander une nouvelle appréciation des faits par le juge du pourvoi, ainsi que cela est exposé au point 158 ci-dessus. Dès lors, le grief tiré de l’existence d’une erreur de droit au point 123 de l’arrêt attaqué ne peut qu’être rejeté.

213    Il doit donc être retenu des points 199 à 212 ci-dessus que le moyen tiré d’erreurs de droit commises par le juge du fond en ce qui concerne l’erreur de droit et de fait alléguée devant lui, relative au grief retenu dans la décision litigieuse de la non-occupation en famille du logement de fonction mis à la disposition du requérant, a donné lieu à la constatation d’une erreur de qualification juridique des faits pour ce qui concerne la réponse du Tribunal de la fonction publique apportée au point 121 de l’arrêt attaqué aux arguments figurant aux points 94, 97 et 103 de la requête relatifs à la confiance légitime que le requérant soutenait avoir eue dans la possibilité de se maintenir dans son logement de fonction compte tenu de l’attitude de la cheffe d’administration de la délégation et que ce moyen est fondé pour ce qui concerne la réponse du Tribunal de la fonction publique apportée au point 122 de l’arrêt attaqué aux arguments figurant au point 96 de la requête relatifs à la manière dont la situation de logement des fonctionnaires dont la famille quittait le logement de fonction était gérée à la délégation.

 Sur les moyens nouveaux avancés par le requérant le 20 juillet 2017

214    Dans sa lettre au Tribunal du 20 juillet 2017, mentionnée aux points 34 et 49 ci-dessus, le requérant fait état du rapport général de l’IDOC présentant son activité pour 2016. Ce rapport mentionnerait deux procédures disciplinaires conduites, la première, contre un fonctionnaire en poste à New York dont le requérant aurait dénoncé les agissements frauduleux et, la seconde, contre la cheffe d’administration de la délégation qui avait été son interlocutrice au moment des faits qui lui ont été reprochés. D’une part, ces procédures confirmeraient le bien-fondé de la revendication par le requérant du statut de lanceur d’alerte, ce qui confirmerait une violation de la loi à cet égard dans la décision litigieuse. D’autre part, elles impliqueraient que la cheffe d’administration de la délégation a commis une faute grave en ne prenant pas de mesures adéquates concernant la situation dont le requérant lui avait fait part. Dès lors, le comportement du requérant aurait dû lui-même être apprécié en tenant compte d’une circonstance atténuante ou absolutoire, contrairement à ce qui a été retenu dans la décision litigieuse. À cet égard, la faute retenue contre la cheffe d’administration de la délégation montrerait que le requérant n’a pas été trop imprécis dans les informations qu’il a communiquées à cette dernière ou trop insistant sur le caractère confidentiel de ces informations pour qu’il puisse lui être reproché un manque de transparence. Plus globalement, l’AIPN ne pourrait pas reprocher une passivité à la cheffe d’administration de la délégation et au requérant en même temps. Compte tenu des conséquences financières des procédures disciplinaires conduites contre les deux intéressés, comportant une réduction significative de la pension de la cheffe d’administration de la délégation, la Commission en serait d’ailleurs venue à s’enrichir. Selon le requérant, si le conseil de discipline avait été informé de l’appréciation du comportement de la cheffe d’administration de la délégation par l’AIPN, il aurait pu adopter un avis différent concernant son propre comportement, en particulier au regard de l’existence d’une circonstance atténuante. L’IDOC aurait ainsi dissimulé pendant la phase administrative et devant le juge des éléments essentiels de l’affaire, ce qui caractériserait une violation des articles 41, 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux, relatifs au droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, à la présomption d’innocence et aux principes de légalité et de proportionnalité des délits et des peines.

215    Ces moyens et ces arguments ne soutiennent pas une critique contre l’arrêt attaqué mais contre la décision litigieuse et, plus généralement, à l’égard des décisions prises par l’AIPN et de son comportement dans le cadre des procédures disciplinaires qu’elle a conduites et dans le cadre de la présente procédure juridictionnelle. Ils ne relèvent donc pas du pourvoi. Le Tribunal n’étant pas saisi d’une demande en révision de l’arrêt attaqué, conformément à l’article 44 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 169 du règlement de procédure, permettant d’emblée le réexamen au fond du litige en cas de découverte d’un fait de nature à exercer une influence décisive et qui, avant le prononcé de l’arrêt, était inconnu du juge et de la partie qui demande la révision, les moyens et les arguments avancés par le requérant dans sa lettre au Tribunal du 20 juillet 2017 ne pourront, sous réserve de leur recevabilité, être examinés qu’ultérieurement en cas d’annulation de l’arrêt attaqué, en tant que moyens nouveaux au sens de l’article 84 du même règlement, dans le litige au fond.

 Conclusion sur le pourvoi

216    Il ressort de l’examen du pourvoi que, s’agissant de la responsabilité financière du requérant retenue dans la décision litigieuse, le Tribunal de la fonction publique a, d’une part, ainsi que cela est constaté au point 80 ci-dessus, dénaturé le dossier en indiquant au point 150 de l’arrêt attaqué que le requérant n’avait pas apporté une « quelconque preuve » d’avoir informé la cheffe d’administration de la délégation de la remise d’une clé de son appartement de fonction à un ami jouant le rôle de « garde-appartement » et, d’autre part, ainsi que cela est jugé au point 100 ci-dessus, commis une erreur de droit en jugeant, au point 151 de l’arrêt attaqué, que, « puisque l’obligation de loyauté s’impose de manière générale et objective, […] il n’était pas nécessaire que, pour constater le manquement de la part du requérant, l’AIPN […] établisse ou prenne en compte les raisons ayant amené le requérant à violer son devoir de loyauté, même à les supposer établies ».

217    Il ressort également de l’examen du pourvoi que, s’agissant des vices de procédure et de la violation des droits de la défense allégués devant lui, le Tribunal de la fonction publique a, d’une part, ainsi que cela est constaté au point 145 ci-dessus, dénaturé le dossier en indiquant, au point 72 de l’arrêt attaqué, que le requérant n’avait pas mis en avant d’autre élément que celui relatif à la note de l’IDOC du 31 octobre 2013, évoquée au point 140 ci-dessus, pour étayer sa suspicion de l’existence d’un dossier constitué par l’IDOC, détenu par l’AIPN et non transmis au conseil de discipline, parallèle au dossier individuel qu’il avait pu consulter pour préparer sa défense devant le conseil de discipline, et, d’autre part, commis des erreurs de droit, ainsi que cela est jugé aux points 165 et 169 à 171 ci-dessus, d’abord au point 71 de l’arrêt attaqué, lorsqu’il a rejeté le grief tiré de ce qu’une mesure d’instruction à décharge n’aurait pas été communiquée au requérant par l’AIPN avant la séance du conseil de discipline, sans prendre position sur les justifications données par l’AIPN ou par le conseil de discipline à cet égard, et, ensuite, en jugeant inopérants, au point 80 de l’arrêt attaqué, les griefs exposés au point 60 de la requête visant l’appréciation des faits par le conseil de discipline conduisant à écarter les circonstances atténuantes que le requérant mettait en avant, liées à l’attitude de la cheffe d’administration de la délégation, et mettant en cause l’impact de la situation familiale du requérant.

218    Il ressort enfin de l’examen du pourvoi que, s’agissant de l’erreur de droit et de fait alléguée devant lui relative au grief de la non-occupation en famille du logement de fonction mis à la disposition du requérant retenu dans la décision litigieuse, le Tribunal de la fonction publique a, d’une part, ainsi que cela est constaté aux points 193 et 208 ci-dessus, méconnu son obligation de motivation et commis une erreur de qualification juridique des faits en ne prenant pas position, au point 121 de l’arrêt attaqué, sur les arguments et les pièces dont il était fait état aux points 94, 97 et 103 de la requête, visant à démontrer que le requérant avait pu placer une confiance légitime dans la possibilité de se maintenir dans son logement de fonction compte tenu de l’attitude de la cheffe d’administration de la délégation et, d’autre part, ainsi que cela est jugé au point 210 ci-dessus, commis une erreur de droit en jugeant, au point 122 de l’arrêt attaqué, que le requérant ne pouvait se prévaloir des arguments figurant au point 96 de la requête relatifs à la manière dont la situation de logement des fonctionnaires dont la famille quittait le logement de fonction était gérée à la délégation.

219    Ces différentes erreurs du juge du fond, qui concernent à la fois la procédure ayant conduit à la décision litigieuse, la sanction disciplinaire infligée au requérant et la responsabilité financière retenue à son égard justifient l’annulation de l’arrêt attaqué.

220    En vertu de l’article 4 du règlement 2016/1192, le Tribunal n’est tenu de renvoyer l’affaire à une autre de ses formations de jugement que lorsque le litige n’est pas en état d’être jugé. Or, le Tribunal constate que le litige est en état d’être jugé, les parties ayant échangé leurs arguments sur tous les points débattus et l’affaire ne nécessitant pas de mesures d’instruction ou d’organisation de la procédure complémentaires. Par conséquent, pour des raisons de bonne administration de la justice, il convient de se prononcer sur le recours en annulation de la décision litigieuse et sur les demandes accessoires sans renvoyer l’affaire à une autre formation de jugement du Tribunal.

 Sur le recours en annulation de la décision litigieuse et sur les demandes accessoires

221    Le Tribunal rappelle que le requérant a demandé, à titre principal, l’annulation de la décision litigieuse et, pour autant que de besoin, celle du rejet de sa réclamation et, à titre subsidiaire, la réduction de la « sanction financière » qui lui a été infligée et la réparation d’un préjudice moral et de réputation à hauteur de 20 000 euros. Dans son mémoire en défense, la Commission a conclu au rejet du recours comme non fondé et à la condamnation du requérant aux dépens. Ces demandes ont été confirmées dans les conclusions du pourvoi, comme cela est exposé aux points 46 et 47 ci-dessus, chaque partie demandant en outre que les dépens devant le Tribunal soient mis à la charge de l’autre partie.

222    Dans sa lettre au Tribunal du 20 juillet 2017, mentionnée aux points 34 et 49 ci-dessus et résumée au point 214 ci-dessus, le requérant s’en remet en outre à la sagesse du Tribunal pour tirer les conséquences du manque de transparence de l’AIPN dans la conduite des procédures disciplinaires évoquées dans cette lettre alors qu’elles auraient dû avoir un effet sur sa propre procédure disciplinaire, au-delà de la prise en compte des moyens, des arguments et des éléments qu’il expose dans cette lettre.

223    L’arrêt attaqué devant être annulé au terme de l’examen du pourvoi, le Tribunal doit se prononcer une nouvelle fois sur l’ensemble des conclusions des parties présentées devant le Tribunal de la fonction publique et à suffisance sur les moyens et les arguments que les parties ont avancés au soutien de ces conclusions. Toutefois, rien ne s’oppose, en principe, à ce que le Tribunal, en tant que nouveau juge du fond, porte la même appréciation que le Tribunal de la fonction publique s’agissant de motifs de l’arrêt attaqué qui n’ont pas été censurés dans le cadre de l’examen du pourvoi (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 septembre 2011, Marcuccio/Commission, T‑236/02, EU:T:2011:465, points 84 à 86).

224    S’agissant des moyens, des arguments et des faits présentés par le requérant dans sa lettre au Tribunal du 20 juillet 2017, il convient d’emblée de rappeler que, conformément à l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, également applicable lorsque le Tribunal est amené, comme en l’espèce, à juger à nouveau un recours, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Il en résulte que, dans le cadre de la présente procédure, les parties ne sont pas recevables, en principe, à invoquer des moyens qui n’auraient pas été soulevés au cours de la procédure ayant donné lieu à l’arrêt attaqué, ce qui sera vérifié ultérieurement, si nécessaire, dans le présent arrêt (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 71, et du 14 septembre 2011, Marcuccio/Commission, T‑236/02, EU:T:2011:465, point 88).

 Sur le premier moyen de la requête, tiré de vices de procédure affectant les actes préparatoires à la décision litigieuse

225    La première branche de ce moyen concerne le rapport final de l’OLAF. Le Tribunal renvoie aux points 49 à 51 de l’arrêt attaqué pour le résumé des arguments du requérant à cet égard et reprend à son compte l’appréciation du Tribunal de la fonction publique développée aux points 53 à 61 de cet arrêt, ce qui conduit au rejet de cette branche.

226    La deuxième branche de ce moyen concerne le rapport de l’AIPN au conseil de discipline. Le Tribunal renvoie aux points 62 à 66 de l’arrêt attaqué pour le rappel des arguments du requérant à cet égard.

227    S’agissant du premier vice qui aurait affecté ce rapport, à savoir qu’il y serait retenu une faute différente de celle visée dans la note de l’IDOC du 31 octobre 2013, mentionnée au point 17 ci-dessus, qui avait initié l’enquête relative à la responsabilité financière du requérant, le Tribunal rappelle, comme cela est exposé au point 159 ci-dessus, que d’éventuels ajustements concernant le contenu de la faute pendant la phase d’enquête, au cours de laquelle les services chargés de l’enquête entreprennent celle-ci sur la base d’une faute possible, ne sauraient constituer une atteinte aux droits de la défense. Dès lors, si la faute principale identifiée lors de la saisine du conseil de discipline, à savoir de ne pas avoir « résidé avec sa famille dans l’appartement mis à sa disposition », est différente de celle envisagée dans cette note, qui porte non seulement sur la non-occupation de l’appartement de fonction par la famille du requérant, mais aussi sur la non-occupation de cet appartement par le requérant lui-même, il n’en a découlé aucune atteinte aux droits de la défense, et donc aucun vice de procédure, a fortiori, puisque la faute identifiée dans la saisine du conseil de discipline est moins étendue que celle initialement envisagée. Il convient donc de rejeter les arguments du requérant résumés au point 63 de l’arrêt attaqué.

228    Dans la même branche, ainsi que cela est exposé au point 134 ci-dessus, le requérant fait aussi valoir que l’AIPN n’a pas communiqué au conseil de discipline une mesure d’instruction à décharge, ce qui aurait affecté d’un deuxième vice son rapport au conseil de discipline. Le Tribunal renvoie au même point du présent arrêt pour l’exposé des circonstances alléguées à cet égard par le requérant et des arguments qu’il en tire. Le Tribunal juge que ces arguments doivent être rejetés pour diverses raisons.

229    Tout d’abord, il doit être rappelé qu’une irrégularité de procédure, y compris en matière disciplinaire, n’entraîne l’annulation de l’acte adopté au terme de cette procédure que si, en l’absence de cette irrégularité, le contenu de cet acte aurait pu être différent (voir, en ce sens, arrêts du 29 octobre 1980, van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, EU:C:1980:248, point 47 ; du 1er avril 2004, N/Commission, T‑198/02, EU:T:2004:101, point 103, et du 14 février 2017, Kerstens/Commission, T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74, point 83 et jurisprudence citée).

230    L’argument de fond du requérant lié au vice de procédure qu’il allègue est que la délégation n’aurait pas dû lui allouer un appartement de fonction, d’une part, parce qu’il aurait existé une règle d’après laquelle un fonctionnaire affecté dans un pays tiers, dont le conjoint possède un logement au lieu d’affectation dans ce pays, n’a pas droit à un logement de fonction sauf à ce que le logement de son conjoint soit loué ou soit « inhabitable » par sa famille et, d’autre part, parce que sa femme était justement propriétaire à New York d’un logement adéquat occupé par lui-même et sa famille au moment de l’attribution de son logement de fonction. Le requérant, en s’appuyant sur le principe selon lequel personne ne peut invoquer sa propre turpitude à l’encontre d’un autre, argue que c’est l’administration qui l’a elle-même mis dans la situation de commettre la faute qu’elle lui a reprochée et soutient que, dès lors, elle ne pouvait pas valablement la lui reprocher. Cependant, à supposer que l’octroi d’un logement de fonction au requérant ait été irrégulier au regard de certaines règles, ce qui ne pouvait en l’espèce en effet être de la responsabilité du requérant, cela n’empêchait pas, ainsi que l’a en substance indiqué l’AIPN dans son rapport au conseil de discipline, qu’une fois attributaire d’un tel logement, le requérant en respectât les règles d’usage, notamment l’obligation de l’occuper en famille, dès lors qu’il avait demandé un logement familial. Ainsi, même si la délégation a attribué à tort au requérant un logement de fonction de dimension familiale, d’ailleurs à sa demande, elle ne l’a nullement contraint à en faire un usage pouvant s’avérer, lui, irrégulier, c’est-à-dire, notamment, qu’elle n’a nullement obligé sa famille à ne pas y emménager tout en obligeant le requérant à en conserver le bénéfice, seule situation dans laquelle, eu égard au contexte, le principe nemo auditur propriam suam turpitudinem allegans aurait pu valablement être invoqué. De plus, le requérant ne peut pas en même temps invoquer un possible dysfonctionnement administratif, en visant l’attitude de la cheffe d’administration de la délégation qui ne lui demandait pas de quitter son logement de fonction, en faisant valoir qu’il fallait « suivre » ce dysfonctionnement, et invoquer un autre possible dysfonctionnement administratif, en visant la décision de lui octroyer un logement de fonction, en faisant valoir qu’il ne fallait pas « suivre » ce dysfonctionnement.

231    Par conséquent, quand bien même l’AIPN n’a, à tort, ainsi qu’il résulte du point 163 ci-dessus, pas communiqué préalablement à la séance du conseil de discipline à ce dernier et au requérant les résultats d’une mesure d’instruction concernant l’existence d’une règle interdisant de fournir un logement de fonction à un fonctionnaire dans certaines conditions, cela n’a pas pu avoir de conséquence déterminante sur la constatation, ou non, d’une faute de la part du requérant. Il convient dès lors de rejeter les arguments de la requête résumés au point 64 de l’arrêt attaqué.

232    Au titre également de la deuxième branche du premier moyen concernant le rapport de l’AIPN au conseil de discipline, le requérant dénonce un troisième vice affectant ce rapport, à savoir qu’il aurait été incomplet par rapport à un dossier parallèle comportant d’autres pièces. Les arguments avancés à ce propos ont été résumés au point 140 ci-dessus.

233    À cet égard, le requérant met en avant, pour étayer sa démonstration de l’existence d’un tel dossier, d’abord, le fait que la note de l’IDOC du 31 octobre 2013 ne figurait pas initialement dans son dossier individuel transmis au conseil de discipline, ensuite, que des contacts entre l’IDOC et le SEAE, relatifs à la possible règle de non-attribution d’un logement de fonction dans certaines circonstances, ont eu lieu, puisqu’ils ont été mentionnés par le représentant de l’IDOC lors de la séance du conseil de discipline, mais qu’il n’en existe pas de traces dans le dossier transmis au conseil de discipline, et, enfin, que l’IDOC a nécessairement pris en compte, de manière défavorable pour le requérant, le contexte humain et relationnel existant à la délégation lorsqu’il y exerçait ses fonctions. Il expose à ce propos qu’un comportement fautif de la cheffe d’administration de la délégation, concernant sa propre situation, a été identifié, ce qui aurait entraîné une perte de confiance en son témoignage dans la présente affaire, et qu’il a pour sa part été dénoncé au sujet de l’usage de son appartement de fonction par des collègues se livrant, selon lui, à des fraudes qu’il a lui-même dénoncées et à propos desquelles l’IDOC a effectué des vérifications. Rien de cela n’aurait été évoqué dans son dossier individuel.

234    S’agissant de la note de l’IDOC du 31 octobre 2013, le Tribunal constate que cette note devait effectivement faire partie du dossier transmis au conseil de discipline, puisqu’elle constituait la base de la procédure d’enquête de l’IDOC lancée à l’égard du requérant en ce qui concernait sa responsabilité financière. Le fait qu’elle n’ait pas d’emblée figuré au dossier individuel du requérant consulté par celui-ci et transmis au conseil de discipline résulte manifestement d’un simple oubli et elle a été de facto immédiatement transmise au conseil de discipline lorsque le requérant s’est aperçu de son absence en consultant son dossier individuel, ainsi qu’il l’expose lui-même au point 40 de la requête. Dès lors, cette circonstance ne prouve pas l’existence d’un dossier parallèle dont l’AIPN aurait tenu compte pour sanctionner le requérant et engager sa responsabilité financière sans qu’il puisse faire valoir ses arguments sur les éléments de ce dossier et sans que le conseil de discipline puisse prendre ces arguments et ces éléments en compte pour rendre son avis.

235    S’agissant du compte rendu des contacts entre l’IDOC et le SEAE relatifs à la possible règle de non-attribution d’un logement de fonction dans certaines circonstances qui aurait dû se trouver dans le dossier transmis au conseil de discipline, il résulte du point 230 ci-dessus que le résultat de ces contacts n’aurait pas pu avoir de conséquences déterminantes sur la constatation, ou non, d’une faute de la part du requérant. Par conséquent, eu égard à ce qui a été rappelé au point 229 ci-dessus, l’absence, dans le dossier transmis au conseil de discipline, d’un compte rendu de ces contacts ne peut être retenue pour démontrer l’existence d’un vice de procédure, matérialisé par l’existence d’un dossier parallèle, de nature à affecter la légalité de la décision litigieuse.

236    S’agissant des éléments relatifs au contexte humain et relationnel existant à la délégation lorsque le requérant y exerçait ses fonctions, liés aux comportements de la cheffe d’administration de la délégation et de collègues du requérant relatifs à des sujets les concernant eux-mêmes, il doit être constaté que l’AIPN n’en fait état ni dans son rapport au conseil de discipline, ni dans la décision litigieuse. Certes, l’AIPN connaissait certainement au moins une partie de ces éléments, notamment parce que le requérant en avait fait part à l’IDOC dans une note du 13 mai 2013, soit bien avant la saisine du conseil de discipline en juillet 2014. Toutefois, s’agissant du comportement de la cheffe d’administration de la délégation adopté à propos d’un sujet la concernant elle-même, qui aurait, selon le requérant, pu décrédibiliser aux yeux de l’AIPN son témoignage dans le dossier le concernant, il apparaît que ni dans le rapport au conseil de discipline, ni dans la décision litigieuse, ni encore dans la décision de rejet de la réclamation du requérant, l’AIPN ne met en cause la relation des faits concernant le requérant fournie par la cheffe d’administration de la délégation à l’OLAF, en particulier la relation de ses discussions avec le requérant à propos de son appartement de fonction. L’AIPN soutient uniquement, de manière constante dans ces actes, que l’attitude de la cheffe d’administration de la délégation à l’égard du requérant n’excuse pas celui-ci des fautes retenues dans son chef. S’agissant des comportements de collègues du requérant qu’il a dénoncés comme frauduleux, ils n’ont aucun rapport matériel avec le comportement qui lui est reproché et le fait que la procédure engagée à son égard puisse résulter de vengeances de certains dont il aurait contrarié les actions ne saurait non plus avoir d’influence sur cette procédure et sur l’appréciation de la conduite du requérant lui-même. Il y a donc lieu de rejeter les arguments du requérant, résumés aux points 65 et 66 de l’arrêt attaqué, visant à montrer que l’AIPN se serait également fondée sur un dossier parallèle pour saisir le conseil de discipline, non communiqué à ce dernier et au requérant, dont il ressortirait que le rapport de l’AIPN au conseil de discipline est entaché d’irrégularité.

237    Eu égard aux points 228 à 236 ci-dessus, le deuxième branche du premier moyen de la requête doit être rejetée.

238    La troisième branche du premier moyen de la requête, tiré de vices de procédure affectant les actes préparatoires à la décision litigieuse, concernait l’avis du conseil de discipline. Le Tribunal renvoie aux points 74 à 76 de l’arrêt attaqué pour le rappel des arguments du requérant à cet égard.

239    Comme cela a déjà été exposé au point 147 ci-dessus, le requérant reproche au conseil de discipline, en premier lieu, au point 59 de la requête, de ne pas avoir statué sur la régularité de sa saisine et plus généralement sur les questions procédurales qu’il avait soulevées dans la note en défense qu’il lui avait adressée, mentionnée au point 19 ci-dessus.

240    À cet égard, c’est à juste titre que le conseil de discipline, aux points 1 et 2 de son avis, a exposé en substance qu’il ne lui appartenait pas de contrôler la régularité de la procédure d’enquête, mais seulement la régularité du déroulement de la procédure devant lui. En effet, comme l’a relevé le Tribunal de la fonction publique au point 78 de l’arrêt attaqué, aux termes de l’article 18 de l’annexe IX du statut, le rôle du conseil de discipline est d’émettre un avis motivé quant à la réalité des faits incriminés et, le cas échéant, quant à la sanction que les faits reprochés devraient selon lui entraîner. C’est à l’AIPN, habilitée à infliger une sanction au fonctionnaire concerné, de vérifier que la procédure d’enquête ainsi que la procédure disciplinaire dans son ensemble ont été régulières et, le cas échéant, au juge saisi d’un recours contre la décision adoptée par l’AIPN de le faire également. Pour sa part, le conseil de discipline doit, comme tout organe administratif ou consultatif, veiller à la régularité de la procédure devant lui, qui est une des phases de la procédure disciplinaire. Par ailleurs, s’il estime que préalablement à sa saisine, la procédure d’enquête a été insuffisante, il lui appartient de la compléter, au-delà des déclarations écrites ou verbales faites devant lui par le fonctionnaire concerné et par l’AIPN, par ses propres questions, voire par une enquête contradictoire, ainsi que cela est prévu à l’article 17 de l’annexe IX du statut. En l’occurrence, aux points 1 et 2 de son avis, le conseil de discipline a indiqué qu’il n’avait pas le pouvoir de condamner d’éventuelles irrégularités affectant la procédure antérieure à sa saisine, mais il s’est assuré que la note de l’IDOC du 31 octobre 2013, qui avait initié l’enquête relative à la responsabilité financière du requérant et qui devait faire partie du dossier transmis au conseil de discipline, avait pu faire l’objet d’observations de la part du requérant et il a rappelé qu’il avait pu lui-même en prendre connaissance en temps utile. Il y a par ailleurs lieu d’observer que, dans la requête, le requérant ne reproche pas au conseil de discipline de ne pas avoir mené d’investigations complémentaires, par voie de questions ou d’enquête. Il y a donc lieu de rejeter les arguments du requérant exposés au point 59 de la requête et rappelés au point 74 de l’arrêt attaqué, reprochant au conseil de discipline de ne pas avoir statué sur certaines irrégularités procédurales alléguées.

241    Comme cela a déjà été exposé au point 166 ci-dessus, en deuxième lieu, le requérant reproche au conseil de discipline, au point 60 de la requête, d’avoir retenu contre lui des faits nouveaux permettant d’écarter les circonstances atténuantes qu’il mettait en avant, liées à l’attitude de la cheffe d’administration de la délégation, et d’avoir limité l’impact de sa situation familiale sans tenir compte d’un avis médical qui lui avait été communiqué.

242    Plus précisément, ainsi que cela est exposé au point 171 ci-dessus, le requérant conteste l’appréciation du conseil de discipline exprimée au point 37 de son avis, selon laquelle il a soumis la cheffe d’administration de la délégation à une pression et lui a donné des consignes pour qu’elle ne divulgue pas ses difficultés familiales, appréciation reprise, certes sur un mode atténué, au considérant 25 de la décision litigieuse. Le requérant conteste aussi l’appréciation exprimée aux points 33 à 36 de l’avis du conseil de discipline selon laquelle, eu égard à sa situation familiale, c’est seulement pendant quatre mois que son attitude pouvait se justifier, appréciation reprise en substance aux considérants 23 et 24 de la décision litigieuse. Pour les raisons de droit exposées aux points 170 et 171 ci-dessus, ces arguments doivent être examinés.

243    Il y a lieu de rappeler que les arguments du requérant sont avancés au titre du premier moyen de la requête, visant des vices de procédure. D’après le requérant, l’appréciation du conseil de discipline selon laquelle il a soumis la cheffe d’administration de la délégation à une pression et lui a donné des consignes pour qu’elle ne divulgue pas ses difficultés familiales constituerait une nouvelle accusation. Cet argument n’est pas fondé. Ainsi qu’il ressort de l’avis du conseil de discipline, la faute identifiée au regard de laquelle cette appréciation a été portée est celle de la non-utilisation par la famille du requérant de son appartement de fonction et l’appréciation portée n’est qu’une appréciation des faits relative aux circonstances dans lesquelles cette faute a pu intervenir. Il en est de même de l’appréciation selon laquelle, eu égard à sa situation familiale, c’est seulement pendant quatre mois que l’attitude du requérant pouvait se justifier. Il n’y a donc pas eu de nouvelle accusation au regard de laquelle le requérant n’aurait pas pu préparer et présenter sa défense devant le conseil de discipline. Le requérant a eu la possibilité devant le conseil de discipline, puis devant l’AIPN, d’expliquer tant quels avaient été ses contacts avec la cheffe d’administration de la délégation que ses difficultés familiales, en particulier celles liées à l’état de santé de sa femme.

244    En ce qui concerne le point 61 de la requête, il est rédigé ainsi :

« Enfin le conseil de discipline a refusé de statuer sur la faute alléguée en effet non établie par l’AIPN. Il a reconstruit une nouvelle accusation en violation de son mandat, semble-t-il basée sur une prétendue occupation irrégulière du visiteur déclaré et autorisé contre les conclusions de l’OLAF et de l’AIPN. Cette irrégularité a conduit l’AIPN à changer pour la seconde fois la faute retenue au sujet de laquelle le requérant n’a jamais été entendu dans son ultime réitération faisant grief. »

245    Ce point de la requête est inintelligible. Certes, à l’audience, le requérant a donné des explications sur sa signification. Toutefois, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et des règlements de procédure des juridictions de l’Union, tels qu’interprétés dans le cadre d’une jurisprudence constante, la requête doit contenir les moyens et les arguments invoqués exprimés d’une manière suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au juge de statuer, le cas échéant sans avoir à solliciter d’autres informations. À défaut, le grief obscur ou vague est irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2019, Tàpias/Conseil, T‑527/16, EU:T:2019:856, points 64 et 65 et jurisprudence citée). Le grief qui sous-tend le point 61 de la requête est, par conséquent, irrecevable.

246    Quant à la critique au fond des appréciations mises en cause au point 60 de la requête, qui est exprimée aux points 62 à 65 de la requête, elle ne peut valablement trouver sa place dans le cadre d’un moyen visant des vices de procédure.

247    Il y a donc lieu de rejeter les arguments du requérant exposés aux points 60 à 65 de la requête et rappelés aux points 75 et 76 de l’arrêt attaqué, ce qui conduit, eu égard aux points 238 à 246 ci-dessus, au rejet de la troisième branche du premier moyen de la requête et, par conséquent, à celui de l’ensemble de ce moyen.

 Sur le deuxième moyen de la requête, tiré d’une violation des droits de la défense du fait d’un double changement de la faute alléguée

248    Aux points 66 à 72 de la requête, le requérant expose que la faute principale qui lui a été reprochée a changé deux fois. Dans la note de l’IDOC du 31 octobre 2013, qui a initié l’enquête concernant la responsabilité financière du requérant, il se serait agi de la non-occupation personnelle de l’appartement de fonction de septembre 2008 à août 2010. Au stade de la saisine du conseil de discipline, il se serait agi d’une faute courant de juillet 2008 à août 2010, liée à la non-occupation par sa famille de ce logement et, dans la décision litigieuse, il lui serait reproché d’avoir, de janvier 2009 à août 2010, prolongé une situation irrégulière. Dès lors, le requérant n’aurait pas pu exercer ses droits de la défense et, en particulier, il n’aurait pas été entendu sur la faute finalement retenue dans la décision litigieuse.

249    Comme cela est exposé aux points 159 et 227 ci-dessus, d’éventuels ajustements concernant le contenu de la faute pendant la phase d’enquête, au cours de laquelle les services chargés de l’enquête entreprennent celle-ci sur la base d’une faute possible, ne sauraient constituer une atteinte aux droits de la défense. Au demeurant, comme cela est relevé au point 227 ci-dessus, la faute dont le conseil de discipline a été saisi était plus restreinte que celle envisagée lorsque l’IDOC a démarré son enquête concernant la responsabilité financière du requérant. À cet égard, contrairement à ce qu’avance le requérant, ainsi qu’il ressort du rapport de l’AIPN au conseil de discipline, en particulier du point 2 de sa conclusion, le conseil de discipline n’a aucunement été saisi d’une faute relative à la non-occupation en famille d’un logement de fonction commençant en juillet 2008, mais d’une telle faute pendant la durée du bail, de septembre 2008 à août 2010. La considération de l’AIPN, exprimée au paragraphe 5.2 de ce rapport, selon laquelle les problèmes familiaux expliquant cette non-occupation étaient déjà prévisibles en juillet 2008, au moment de l’acceptation par le requérant de l’appartement en question, n’a pas étendu la durée de la faute reprochée, mais a motivé que celle-ci débute, d’après l’appréciation de l’AIPN au début de la procédure disciplinaire, dès le commencement du bail.

250    Pour ce qui concerne la procédure disciplinaire proprement dite, comme cela est exposé également au point 159 ci-dessus, lorsque le conseil de discipline est consulté, c’est dans le rapport de l’AIPN accompagnant la saisine de celui-ci qu’est définie la faute alléguée du fonctionnaire en cause. C’est relativement à cette faute, identifiée dans ce rapport, transmis au fonctionnaire concerné en application de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe IX du statut, que son comportement va être apprécié, tant par le conseil de discipline que par l’AIPN, au regard également des éléments complémentaires apportés pendant cette phase disciplinaire, et que va le cas échéant lui être infligée une sanction. C’est relativement à cette même faute, que lui reproche l’AIPN après enquête, que le fonctionnaire concerné va pouvoir continuer à exercer ses droits de la défense selon les modalités prévues aux articles 12 à 22 de la même annexe, notamment en prenant connaissance de l’ensemble du dossier et en formulant des observations écrites et verbales lors de la réunion du conseil de discipline et, après que celui-ci a rendu son avis, devant l’AIPN. Par conséquent, le respect des droits de la défense implique que la faute le cas échéant retenue in fine par l’AIPN ne soit pas plus étendue ou de nature différente de celle visée dans le rapport de l’AIPN accompagnant la saisine du conseil de discipline.

251    En l’occurrence, la faute principale retenue dans la décision litigieuse est étroitement liée à celle visée dans le rapport de l’AIPN au conseil de discipline, à savoir la non-occupation en famille de l’appartement de fonction du requérant et elle en constitue une atténuation. En effet, la faute principale retenue dans la décision litigieuse a une étendue temporelle plus courte, à savoir de janvier 2009 à août 2010 au lieu de septembre 2008 à août 2010, et, au lieu de correspondre simplement au non-respect de l’obligation d’occuper en famille l’appartement de fonction sur toute la durée du bail, elle est limitée au fait d’avoir prolongé cette situation irrégulière au-delà d’un certain délai qui a été apprécié compte tenu des circonstances, ainsi qu’il ressort des considérants 23 et 24 de cette décision. Ces dernières considérations, qui visent les difficultés familiales et le comportement personnel de l’intéressé, n’identifient aucune nouvelle faute, mais identifient des raisons justifiant la faute plus restreinte en définitive retenue au regard des circonstances ressortant du dossier, en particulier des explications données par le requérant.

252    Il y a donc lieu de rejeter le deuxième moyen de la requête, tiré d’une violation des droits de la défense du fait d’un double changement de la faute alléguée.

 Sur le troisième moyen de la requête, tiré d’un manque de motivation de la décision litigieuse en ce qui concerne les violations procédurales invoquées

253    Comme cela est indiqué au point 173 ci-dessus, aux points 73 à 78 de la requête, il est reproché à l’AIPN que la décision litigieuse ne contienne pas de motifs à propos des vices de procédure dénoncés dans le cadre de ses deux premiers moyens. Le Tribunal renvoie au point 87 de l’arrêt attaqué pour le résumé des arguments avancés à ce propos par le requérant et reprend à son compte l’appréciation du Tribunal de la fonction publique exposée aux points 90 à 92 de cet arrêt, relevant que l’AIPN a répondu de manière motivée sur cet aspect dans la décision du 10 septembre 2015 rejetant la réclamation du requérant. Comme l’a rappelé par ailleurs le Tribunal de la fonction publique au point 44 de l’arrêt attaqué, lorsque, comme en l’espèce, une décision de rejet de la réclamation portée contre l’acte initial faisant grief a été adoptée par l’AIPN, ce dernier acte doit être examiné en prenant en compte la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 58 et 59 et jurisprudence citée). Il y a donc lieu de rejeter le troisième moyen de la requête.

 Sur le moyen nouveau exposé dans une lettre postérieure au dépôt du mémoire en défense, tiré également d’un manque de motivation de la décision litigieuse

254    Comme cela est également exposé au point 173 ci-dessus, alors que la phase écrite de la procédure avait été close à la suite du dépôt du mémoire en défense, le requérant a, peu avant l’audience, par lettre du 18 mai 2016, soulevé un moyen nouveau, également tiré d’une insuffisance de motivation de la décision litigieuse. Le requérant aurait appris par le mémoire en défense que la Commission avait reconnu sa qualité de lanceur d’alerte dans la mesure où il avait dénoncé des fraudes commises par ceux qui l’auraient eux-mêmes dénoncé ou certains de leurs collègues. Or, la décision litigieuse n’aurait nullement mentionné cette circonstance qui aurait été une circonstance atténuante de grand poids dans la procédure disciplinaire dont le requérant était l’objet. Il y aurait donc également eu une violation de l’obligation de motivation à cet égard.

255    Il doit être constaté que, dans la lettre du 18 mai 2016, le requérant se réfère à son mémoire du 14 novembre 2014 adressé à l’AIPN, dont il est fait état au point 21 ci-dessus, envoyé après que le conseil de discipline a rendu son avis. Dans ce mémoire, il mettait en avant, à la page 5, sa qualité de lanceur d’alerte concernant des fraudes existant à la délégation pour demander à l’AIPN de renoncer aux poursuites disciplinaires contre lui ou, du moins, de tenir compte de cette qualité en tant que circonstance atténuante.

256    Il est vrai que, dans la décision litigieuse et dans la décision de rejet de la réclamation du requérant, l’AIPN n’a pas explicitement pris position sur cet argument du requérant. Toutefois, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, la motivation d’un acte d’une institution peut être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons de sa décision et au juge d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction de toutes les circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2020, Commission/Di Bernardo, C‑114/19 P, EU:C:2020:457, point 29 et jurisprudence citée)

257    En l’occurrence, l’absence de reconnaissance, dans la décision litigieuse, d’une circonstance atténuante liée à la dénonciation de fraudes faite par le requérant signifie implicitement mais nécessairement que l’AIPN a estimé que cette dénonciation, qui portait sur des faits totalement différents de ceux reprochés au requérant, ne saurait avoir d’impact sur l’appréciation d’une faute et d’une responsabilité de ce dernier au regard des faits qui lui étaient reprochés.

258    Le moyen nouveau exposé dans une lettre postérieure au dépôt du mémoire en défense, tiré d’une « insuffisance de motivation » de la décision litigieuse, à le supposer recevable, doit donc en tout état de cause être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré des erreurs de droit et de fait qu’aurait commises l’AIPN en sanctionnant le requérant en raison de l’absence d’occupation de son logement de fonction en famille

259    Dans une première branche de ce moyen, concernant « [l]a non-reconnaissance fautive de la situation de force majeure comme cause exonératoire », le requérant fait valoir, aux points 79 à 89 de la requête, que l’AIPN n’a jamais contesté, au regard des trois conditions de la force majeure, le caractère irrésistible et extérieur à lui-même du non-emménagement de sa famille dans l’appartement de fonction mis à sa disposition, mais que, dans le rapport au conseil de discipline, elle a estimé que ce non-emménagement était prévisible dès l’été 2008. Or, le requérant aurait produit pendant l’enquête et la procédure disciplinaire des certificats médicaux établissant que le comportement de sa femme était imprévisible tout au long du bail, qui s’est achevé en août 2010. L’AIPN aurait ainsi commis une erreur de droit en ne statuant pas définitivement dans la décision litigieuse sur le caractère imprévisible du non-emménagement de la famille du requérant dans son appartement de fonction. Selon le requérant, les éléments complémentaires apportés par l’AIPN dans la décision de rejet de sa réclamation auraient été insuffisamment détaillés pour offrir prise à une controverse juridique.

260    À cet égard, le Tribunal reprend à son compte l’appréciation du Tribunal de la fonction publique exposée aux points 104 à 108 de l’arrêt attaqué, relevant en substance que l’AIPN n’a finalement pas reproché au requérant en tant que tel le non-emménagement de sa famille dans son appartement de fonction, mais lui a reproché d’avoir, à partir de janvier 2009, devant la persistance du refus de sa femme d’y emménager, prolongé cette situation irrégulière et de ne pas avoir remis à disposition cet appartement. Ainsi, l’AIPN n’avait pas à vérifier si toutes les conditions de la force majeure en ce qui concernait le non-emménagement de la famille du requérant dans son appartement de fonction étaient remplies.

261    La première branche du quatrième moyen de la requête doit, par conséquent, être rejetée.

262    Comme cela est exposé au point 183 ci-dessus, au titre du quatrième moyen de la requête, le requérant avance une deuxième branche concernant « [l]a substitution fautive de l’appréciation subjective de la faute retenue par l’AIPN sans avoir entendu ni le requérant ni le représentant de l’administration sur cette nouvelle appréciation ». Le Tribunal renvoie aux points 183, 189 à 191 et 210 ci-dessus pour le résumé des arguments soutenant cette branche, exposés aux points 90 à 103 de la requête.

263    S’agissant des arguments du requérant d’après lesquels il n’a pas pu faire valoir son point de vue sur la situation précise en janvier 2009, début de la période retenue en définitive par l’AIPN dans la décision litigieuse pendant laquelle il aurait violé de manière fautive ses obligations, et notamment d’après lesquels il n’a pas pu apporter des explications détaillées sur le problème lié à la vitrification du parquet, il y a lieu d’observer que, dans la décision litigieuse, l’AIPN a estimé, au considérant 24, que, à partir de janvier 2009, le requérant avait compris que sa femme, qui avait pu reprendre son activité professionnelle, s’opposait durablement à un déménagement dans l’appartement de fonction, ce qui aurait été corroboré par l’arrangement avec un ami pouvant occuper cet appartement, et que, dès lors, le requérant aurait dû entreprendre des démarches pour libérer cet appartement. Dans la décision de rejet de la réclamation du requérant, à la page 21, l’AIPN a précisé qu’elle avait constaté qu’à cette date le requérant était conscient de l’opposition de sa femme à un emménagement dans l’appartement de fonction et que ce seul fait aurait dû le conduire à régulariser la situation, quelles qu’aient été ses espérances de faire changer plus tard d’avis sa femme.

264    Cette motivation signifie que, au-delà d’un délai raisonnable, compte tenu des circonstances, un fonctionnaire qui ne peut pas occuper avec sa famille un appartement de fonction prévu pour une occupation familiale doit remettre à disposition ce logement. Un tel point de vue, dans son principe, ne souffre pas de critique et il n’est d’ailleurs pas contesté, en tant que tel, par le requérant. Dès lors, les raisons ayant pu justifier le non-emménagement de la famille du requérant dans son appartement de fonction au-delà de janvier 2009, qu’elles aient été d’ordre médical, psychologique ou matériel, ne sauraient remettre en cause cette motivation.

265    Il peut au demeurant être noté, d’une part, comme l’ont relevé l’AIPN dans sa décision de rejet de la réclamation du requérant, à la page 21, et le Tribunal de la fonction publique au point 117 de l’arrêt attaqué, que le requérant a eu le loisir d’expliquer à plusieurs reprises pendant l’enquête et la procédure disciplinaire les raisons du non-emménagement, tout au long de la durée du bail, de sa famille dans l’appartement de fonction mis à sa disposition, notamment le problème dû à la vitrification du parquet et, d’autre part, que si une vitrification défectueuse a pu être, à un moment donné, une cause de ce non-emménagement, le requérant n’a avancé aucun élément montrant qu’il avait fait quelque chose pour lever cet obstacle, en demandant une reprise des travaux à cet égard, ou, au contraire, en indiquant à la cheffe d’administration de la délégation que l’appartement étant inhabitable avec sa famille, il devait être restitué.

266    Dans ces conditions, les arguments des points 91 et 92 de la requête doivent être rejetés, étant précisé que le point 90 de celle-ci correspond seulement à une observation contextuelle.

267    S’agissant ensuite des arguments du requérant d’après lesquels, en substance, la cheffe d’administration de la délégation, ayant apprécié sa situation à l’époque des faits sur la base de ses déclarations transparentes et sur la base des usages en cours à la délégation, ne lui a pas demandé de quitter simplement son logement de fonction, mais seulement de prévoir un déménagement vers un logement de fonction comportant une chambre de moins, et qu’il avait pu en tirer une confiance légitime dans le fait de ne pas être, dans une large mesure, en faute, il y a lieu de considérer ce qui suit.

268    Il ressort d’une jurisprudence constante que le droit de réclamer la protection de la confiance légitime, qui constitue un des principes fondamentaux de l’Union, s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées. Ces assurances doivent avoir été données sous la forme d’éléments précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables (voir, en ce sens, arrêts du 7 juillet 2004, Schmitt/AER, T‑175/03, EU:T:2004:214, point 46 ; du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission, T‑58/05, EU:T:2007:218, point 96, et du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji, T‑104/14 P, EU:T:2015:776, point 165). En outre, ces assurances doivent, si elles s’adressent à un fonctionnaire de l’Union dans ses rapports statutaires avec cette dernière, être conformes aux dispositions du statut (voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 2004, Schmitt/AER, T‑175/03, EU:T:2004:214, point 47).

269    Dans un contexte où il s’agit de savoir si un fonctionnaire a commis un manquement à ses obligations de nature à l’exposer à une sanction disciplinaire sur le fondement de l’article 86 du statut, ou à tout le moins de savoir quelle est la gravité de la faute qu’il a commise en vue de déterminer à son endroit une sanction proportionnée ainsi que cela est prévu à l’article 10 de l’annexe IX du statut, la démonstration de l’existence d’une confiance légitime, du fait de l’attitude de l’administration de l’Union, dans la régularité de son comportement au regard de ses obligations doit ainsi conduire, selon les cas, à écarter tout manquement de sa part à ses obligations ou, du moins, à limiter la gravité de la faute commise retenue.

270    Au regard des éléments avancés par le requérant dans la requête à cette fin, il convient donc d’examiner s’il a apporté une telle démonstration.

271    Il y a tout d’abord lieu de relever que, à l’égard du requérant et du problème de logement en cause, la cheffe d’administration de la délégation en poste au moment des faits doit être considérée comme une « source autorisée et fiable » au sens de la jurisprudence rappelée au point 268 ci-dessus. Il n’est pas contesté que cette fonctionnaire était bien la responsable des questions de logement des fonctionnaires affectés à la délégation. Dans sa défense, la Commission n’a en effet avancé aucun élément en sens contraire. Le fait qu’il soit apparu plus tard que cette fonctionnaire avait commis des erreurs dans la gestion de la situation du requérant, voire des fautes personnelles graves en ce qui concernait sa propre situation, n’empêche pas qu’au moment des faits elle constituait une source autorisée et fiable à l’égard du requérant en ce qui concernait son logement de fonction. Le Tribunal précise que les considérations du présent point répondent aux arguments avancés au point 103 de la requête concernant la crédibilité de la cheffe d’administration de la délégation, résumés au point 191 ci-dessus.

272    Ensuite, en ce qui concerne la question de savoir dans quelle mesure le requérant a reçu des assurances précises de la cheffe d’administration de la délégation qu’il pouvait continuer à bénéficier de son appartement de fonction en dépit du non-emménagement de sa famille, il y a lieu d’observer que, dans la requête, au point 94, le requérant s’appuie sur le rapport final de l’OLAF mentionné au point 13 ci-dessus (quinzième page du document en cause), pour étayer que la cheffe d’administration de la délégation ne lui a pas demandé de quitter simplement son appartement de fonction. Il est exact que dans ce passage de son rapport final, l’OLAF confirme que la cheffe d’administration de la délégation était au courant que le requérant se heurtait à des difficultés, apparaissant de plus en plus définitives, pour faire emménager sa famille dans son appartement de fonction et qu’il avait confié une clé à une tierce personne pour jouer occasionnellement le rôle de « garde-appartement ». L’OLAF indique également que la cheffe d’administration de la délégation, plutôt passive, n’a adopté aucune mesure propre à régler rapidement et fermement la situation.

273    Au point 97 de la requête, le requérant s’appuie également sur le résumé du rapport de l’AIPN au conseil de discipline (annexe A 18 de la requête, troisième page de ce rapport) pour justifier de la réalité de l’attitude de la cheffe d’administration de la délégation à son égard, tout en soutenant que la perception d’un dysfonctionnement administratif par l’AIPN aurait dû obliger cette dernière à en tirer des conséquences à son profit. L’extrait pertinent de ce résumé indique ce qui suit :
« S’il est vrai que la [cheffe d’administration de la délégation] n’a pas forcé [le requérant] à changer la situation, il n’en reste pas moins [qu’elle] a, à plusieurs reprises, rappelé [au requérant] son devoir d’emménager dans l’appartement mis à sa disposition. [Le requérant] ne peut donc pas prétendre que l’administration lui aurait donné l’impression que la situation était acceptable de son point de vue. En conséquence, l’AIPN estime que [le requérant] est pleinement responsable de la création d’une situation hautement irrégulière et qu’il n’y a donc pas lieu de considérer que sa responsabilité est amoindrie par le comportement potentiellement critiquable [de la cheffe d’administration de la délégation] qui devrait être, le cas échéant, apprécié dans le cadre d’une procédure spécifique [la] concernant. »

274    Il ressort certes de ces éléments, de même que de l’exposé des faits dans la requête, non contesté par la Commission, ainsi que des pièces du dossier, en particulier du point 25 de la décision litigieuse où est mentionnée « l’absence d’initiative de la part du [c]hef d’administration de l’époque pour faire cesser cette situation irrégulière », que la cheffe d’administration de la délégation, connaissant la situation du requérant du fait même des informations que celui-ci lui avait apportées à plusieurs reprises à partir d’octobre 2008, n’a pas exigé qu’il libère son appartement de fonction en raison du fait que sa famille n’y emménageait pas et que ce n’est qu’en novembre 2009 qu’elle lui a indiqué qu’elle devrait lui affecter un appartement de fonction plus petit si sa famille ne le rejoignait pas. Toutefois, cette attitude ne signifie pas que la cheffe d’administration de la délégation a donné au requérant des assurances précises qu’il pouvait continuer à bénéficier de son appartement de fonction en dépit du non-emménagement de sa famille sans enfreindre ses obligations. Même si elle a cru bon de ne pas provoquer d’elle-même la restitution de l’appartement de fonction par le requérant, le fait qu’elle s’y soit déplacée à deux reprises pour y évoquer en tête à tête la situation avec le requérant et s’enquérir d’un éventuel emménagement prochain de sa famille montre qu’elle ne considérait pas la situation comme convenable au regard des obligations du requérant. Le requérant a d’ailleurs lui-même exposé, lors de sa première audition par l’OLAF, mentionnée au point 12 ci-dessus, que la cheffe d’administration de la délégation, « sachant qu[’il] n’habitai[t] pas avec [s]a famille dans un appartement de trois chambres et qu[’il] n’y habitai[t] que partiellement, s’est enquise régulièrement de savoir s’il y avait des progrès dans la perspective que [s]a famille [l]’y rejoigne ».

275    Enfin, aux points 96 et 102 de la requête, le requérant avance que la délégation avait déjà géré au mieux la situation de logement de collègues ayant aussi connu des difficultés familiales et dont tout ou partie de la famille avait quitté le logement de fonction. La délégation aurait laissé les intéressés dans leur logement après avoir vérifié leur bonne foi pour éviter des frais de déménagement répétés. Il invoque le cas d’un collègue dont la femme et l’un de ses enfants étaient repartis en Europe pendant deux ans avant de revenir à New York. Ainsi, en étant transparent sur sa situation familiale à l’égard de la cheffe d’administration de la délégation et compte tenu de l’attitude de celle-ci, le requérant aurait pu concevoir une confiance légitime dans le caractère non irrégulier ou « régularisé » de sa situation.

276    Toutefois, le fait que la délégation ait fait preuve tant de bon sens économique que de sollicitude à l’égard de certains de ses agents ayant des difficultés familiales après avoir vérifié la bonne foi des intéressés ne signifie nullement que le requérant a reçu des assurances précises inconditionnelles et concordantes qu’il était dans une situation comparable à celle des collègues concernés, tant sur le plan familial que sur le plan du comportement personnel. Il peut en particulier être observé que dans l’exemple invoqué par le requérant, des membres de la famille étaient repartis en Europe et ne résidaient pas parallèlement dans un appartement familial personnel à New York et que la famille de l’intéressé est effectivement revenue au complet dans l’appartement de fonction, contrairement au cas d’espèce.

277    Par conséquent, le requérant n’a pas reçu d’assurances précises, inconditionnelles et concordantes, au sens de la jurisprudence rappelée au point 268 ci-dessus, lui permettant de concevoir qu’il ne lui serait pas reproché par l’administration de ne pas remettre à disposition son appartement de fonction de dimension familiale dès lors que sa famille n’y résidait pas.

278    Les arguments des points 93 à 103 de la requête doivent ainsi être rejetés, de même que l’ensemble de la deuxième branche du quatrième moyen.

279    Dans une troisième branche du quatrième moyen de la requête se limitant au point 104 de cette dernière, le requérant dénonce un « défaut de motivation quant à l’attribution fautive de l’appartement » en se bornant à renvoyer aux points 41 à 50 de la requête, présentés pour leur part à l’appui de la deuxième branche du premier moyen de la requête et dont le contenu vise à montrer que l’AIPN n’a pas communiqué, à tort, au conseil de discipline une mesure d’instruction à décharge, ce qui aurait affecté d’un vice son rapport à ce conseil. Or, ce grief a été examiné et rejeté aux points 228 à 231 ci-dessus, si bien que le grief présentement abordé, dépourvu de toute argumentation autonome, ne peut également qu’être rejeté.

280    Enfin, dans une quatrième branche du quatrième moyen de la requête, le requérant avance que les atteintes au devoir de loyauté qui lui sont reprochées par l’AIPN dans la décision litigieuse ne sont pas matériellement établies. Toutefois, ainsi que l’a relevé à juste titre le Tribunal de la fonction publique au point 99 de l’arrêt attaqué, cette branche ne vise pas la sanction disciplinaire infligée au requérant notamment en raison de l’absence d’occupation de son logement de fonction en famille, mais elle concerne sa responsabilité financière et elle sera examinée avec le sixième moyen, relatif à cette responsabilité. En effet, dans la décision litigieuse, l’appréciation de l’AIPN concernant un manquement du requérant à son devoir de loyauté à l’égard de l’Union figure au considérant 32, qui relève de la partie concernant la responsabilité financière du requérant et non de celle concernant sa sanction disciplinaire.

281    Il résulte des points 259 à 280 ci-dessus que les trois premières branches du quatrième moyen de la requête doivent être rejetées.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit quant à la violation d’une obligation de signer personnellement le contrat de fourniture d’électricité du logement de fonction du requérant

282    Le cinquième moyen de la requête vise le second grief retenu par l’AIPN dans la décision litigieuse pour infliger une sanction disciplinaire au requérant, à savoir de ne pas avoir signé lui-même le contrat de fourniture d’électricité de son appartement de fonction, mais d’avoir laissé son ami jouant le rôle de « garde-appartement » le signer à sa place.

283    Le requérant avance, aux points 115 à 119 de la requête, qu’une obligation, pour le fonctionnaire bénéficiaire d’un logement de fonction, de signer lui-même le contrat de fourniture d’électricité de cet appartement ne figure ni dans des directives internes relatives à l’application des articles 5 et 23 de l’annexe X du statut, relatifs au logement des fonctionnaires affectés dans les pays tiers, ni dans la note VM 182/06 relative à l’application de l’article 23 de l’annexe X du statut, invoquées par l’AIPN dans son rapport au conseil de discipline, mais ignorées dans la décision litigieuse, qui ne serait fondée à cet égard que sur le vade-mecum rédigé par la DG des relations extérieures de la Commission à l’attention du personnel engagé dans les délégations. En particulier, ne pas avoir appliqué la note VM 182/06 constituerait une erreur de droit, la seule obligation découlant de cette note étant que le fonctionnaire concerné supporte le coût de la fourniture d’électricité. À cet égard, le requérant avance qu’à New York la plupart de ses collègues, comme lui-même pour l’appartement de fonction qu’il a occupé après l’appartement en cause dans la présente affaire, se heurtaient au refus des propriétaires des appartements de céder le contrat d’électricité aux occupants. Le requérant aurait par ailleurs bien pris en charge le coût de la fourniture d’électricité, ainsi qu’en attesterait un témoignage non contredit.

284    Le Tribunal reprend à son compte l’appréciation du Tribunal de la fonction publique développée aux points 133 à 136 de l’arrêt attaqué. Il peut être ajouté qu’en l’occurrence, comme l’a relevé l’AIPN dans la décision de rejet de la réclamation du requérant, le propriétaire de l’appartement de fonction en cause n’a manifestement pas souhaité conserver le contrat de fourniture d’électricité à son nom, puisque l’ami du requérant jouant le rôle de « garde-appartement » n’a pas eu de difficultés pour le souscrire à son propre nom, ce qui montre que le requérant lui-même pouvait le faire. Il y a lieu de souligner en outre que, contrairement à ce qu’avance le requérant, l’AIPN a bien contesté, dans cette décision de rejet, le témoignage qu’il mettait en avant et que, ainsi que l’a relevé le Tribunal de la fonction publique au point 136 de l’arrêt attaqué, ce simple témoignage, émanant de l’ami « garde-appartement » du requérant, est insuffisant pour constituer une preuve de la prise en charge du coût de la fourniture d’électricité par ce dernier.

285    Le cinquième moyen de la requête doit, par conséquent, être rejeté.

 Sur les moyens de la requête concernant la responsabilité financière du requérant (quatrième branche du quatrième moyen et sixième moyen)

286    L’article 22 du statut dispose que le fonctionnaire de l’Union peut être tenu de réparer en totalité ou en partie le préjudice subi par l’Union en raison de fautes personnelles graves qu’il a commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.

287    Dans la décision litigieuse, aux considérants 29 à 35, en renvoyant également aux considérants 24 et 25, l’AIPN a estimé que le comportement fautif du requérant était à l’origine d’un préjudice financier pour la Commission et que les manquements du requérant à ses obligations présentaient, à compter de janvier 2009, un caractère grave. Selon l’AIPN, à partir de ce moment, la persistance du refus de la femme du requérant d’emménager dans l’appartement de fonction aurait dû le conduire à régulariser sans attendre sa situation administrative et il était personnellement responsable des conséquences financières de son comportement fautif. Sa qualité de juriste avisé, son grade et sa conscience d’être dans une situation irrégulière permettaient de qualifier sa faute de négligence grossière et, sachant qu’il ne remplissait plus les conditions pour continuer à bénéficier de l’appartement de fonction qu’il avait sollicité, il avait manqué au devoir de loyauté qui s’impose à tout membre du personnel à l’égard de son institution. Le comportement de la cheffe d’administration de la délégation ne pouvait limiter sa responsabilité financière dès lors qu’il lui avait demandé de maintenir la confidentialité sur sa situation familiale et qu’il l’avait assurée que le problème allait se résoudre. Ainsi, le requérant devait rembourser la totalité des loyers versés pour son appartement de fonction de janvier 2009 à août 2010.

288    À l’encontre de cette appréciation, dans la requête, d’abord, le requérant conteste, dans le cadre de la quatrième branche du quatrième moyen, avoir manqué à son devoir de loyauté, ainsi que cela est exposé au point 280 ci-dessus. Ensuite dans le cadre de la première branche du sixième moyen, intitulée « Erreur de droit dans la détermination des loyers remboursables – violation de l’article 22 du statut et du principe de proportionnalité », il fait valoir que sa responsabilité financière ne peut pas porter sur la totalité du loyer de son appartement de fonction. Enfin, dans le cadre de la seconde branche du sixième moyen, intitulée « Violation de la prescription quinquennale ou du délai raisonnable », il fait valoir qu’il ne pouvait pas lui être réclamé un remboursement remontant au-delà de mars 2010, soit au-delà d’un délai de cinq ans avant la date d’effet de la décision litigieuse fixée au 1er mars 2015.

289    S’agissant des arguments concernant le respect du devoir de loyauté par le requérant, aux points 108 à 114 de la requête, celui-ci dénonce diverses erreurs factuelles et approximations qui auraient figuré dans la décision litigieuse et auraient servi à étayer la démonstration de son manquement au devoir de loyauté et il soutient qu’il a au contraire respecté ce devoir, car il n’a pas commis de fautes personnelles et a informé la cheffe d’administration de la délégation de la situation et de son évolution.

290    En premier lieu, comme cela est déjà relaté au point 70 ci-dessus, le requérant expose que le considérant 22 de la décision litigieuse laisse entendre qu’il aurait dû résider dans son appartement de fonction, alors que sa présence personnelle dans cet appartement n’a pas été mise en doute dans le rapport de l’AIPN au conseil de discipline.

291    Comme cela est relevé au point 71 ci-dessus, l’affirmation du requérant manque en fait, le considérant 22 de la décision litigieuse, cité par lui de manière tronquée, ne contenant pas un reproche de non-occupation personnelle du logement de fonction par lui, mais visant sa non-occupation « avec sa famille ».

292    En deuxième lieu, le requérant souligne que, en janvier 2009, contrairement à ce que laisserait entendre le considérant 24 de la décision litigieuse, ce n’est pas un refus de sa femme qui a empêché l’emménagement de sa famille dans son appartement de fonction, mais un problème de vitrification défectueuse du parquet laissant persister des odeurs d’émanations chimiques. De même, il serait indiqué à tort dans ce considérant que la présence d’un ami « garde-appartement » ayant installé des affaires personnelles rendait improbable l’emménagement de la famille du requérant, alors que ce dernier aurait été transparent à l’égard de l’administration sur la présence occasionnelle de cet ami, qui aurait été dans l’intérêt de la délégation.

293    En troisième lieu, le requérant avance en substance que sa transparence sur la situation et son initiative d’accueillir un « garde-appartement » démontrent qu’il a été loyal, contrairement à ce qui est estimé dans la décision litigieuse.

294    Il convient de se prononcer sur les différents arguments exposés aux points 292 et 293 ci-dessus dans le cadre d’une analyse d’ensemble exposée ci-après.

295    Le requérant savait que la situation de ne pas occuper avec sa famille un appartement de fonction d’une dimension prévue pour le logement de celle-ci, qu’il avait sollicité, était une situation qui ne pouvait perdurer, même si la cheffe d’administration de la délégation ne l’a pas forcé à remettre à disposition son logement de fonction. Il a admis, notamment lors de sa seconde audition par l’OLAF, que cette dernière avait insisté pour que sa famille le rejoigne dans cet appartement et il ne nie pas qu’un logement de fonction prévu pour être occupé en famille doit normalement l’être. À ce propos, les dispositions pertinentes de l’annexe X du statut et leurs modalités d’application ne peuvent être interprétées, ensemble avec la prise en compte des intérêts de l’Union, due par ses fonctionnaires aux termes de l’article 11 du statut, qu’en ce sens que le fonctionnaire qui a demandé un logement de fonction dimensionné pour les besoins de sa famille l’occupe avec sa famille ou fasse savoir qu’il doit y renoncer lorsque des difficultés persistantes empêchent, au-delà d’un délai raisonnable, l’emménagement de celle-ci. Pour le fonctionnaire concerné, c’est une question de loyauté.

296    En l’espèce, si un problème de vitrification défectueuse du parquet rendait l’aménagement familial impossible, ce qui aurait alors relevé de la responsabilité du propriétaire, il aurait fallu que le requérant refuse l’entrée dans les lieux ou entame une autre démarche appropriée auprès de la délégation afin que cette dernière puisse mettre le propriétaire face à ses responsabilités.

297    Enfin, même si la présence d’un ami « garde-appartement » a pu répondre à un souci du requérant que son appartement de fonction ne soit pas intempestivement occupé par des tiers, c’est uniquement parce que le requérant n’y résidait pas en permanence en raison du fait que sa famille ne l’y avait pas rejoint que cet arrangement de « garde-appartement » sur le long terme trouvait une justification.

298    Ainsi, aucune des raisons liées aux problèmes de santé de sa femme et de son enfant, à des désordres internes à l’appartement ou à l’attitude de la cheffe d’administration de la délégation ne peuvent justifier le comportement personnel du requérant et ne sauraient établir qu’il est resté loyal à l’égard de l’Union à partir de janvier 2009, soit après les quatre premiers mois du bail, en ne proposant pas de renoncer à l’appartement de dimension familiale dont il bénéficiait et en le conservant pour son propre bénéfice, même s’il a fait preuve d’une certaine transparence sur la situation envers la cheffe d’administration de la délégation.

299    La quatrième branche du quatrième moyen de la requête, d’après laquelle la matérialité des atteintes au devoir de loyauté par le requérant n’est pas établie, doit donc être rejetée.

300    À ce stade de l’analyse, il doit donc être admis, compte tenu de la dépense d’argent public sans nécessité entraînée par l’attitude du requérant et de son maintien dans son appartement de fonction au-delà d’un délai raisonnable, que l’AIPN a retenu à juste titre que la faute personnelle du requérant présentait un caractère grave, puisque de janvier 2009, quatre mois après le début du bail, jusqu’au terme de celui-ci en août 2010, il a prolongé l’usage irrégulier de son appartement de fonction sans entamer aucune démarche à l’égard de la délégation pour le remettre à disposition. La faute de nature à engager la responsabilité financière du requérant au titre de l’article 22 du statut a donc été à bon droit caractérisée pour cette période.

301    S’agissant des arguments de la première branche du sixième moyen de la requête, intitulée « Erreur de droit dans la détermination des loyers remboursables – violation de l’article 22 du statut et du principe de proportionnalité », d’après lesquels la responsabilité financière du requérant ne pouvait pas porter sur la totalité du loyer de son appartement de fonction, il doit être considéré ce qui suit.

302    En ce qui concerne le préjudice que l’attitude du requérant a entraîné, il y a lieu tout d’abord d’écarter l’argument de ce dernier, exprimé aux points 120 à 123 de la requête, fondé sur le fait que le bail ne pouvait pas être résilié la première année sans que le loyer soit néanmoins dû pour toute cette année, ce qui aurait exclu tout préjudice pour l’Union pendant la première année du bail de septembre 2008 à août 2009. Le préjudice pour l’Union existe bien pendant toute la période retenue comme fautive pour le requérant dans la décision litigieuse, soit de janvier 2009 à août 2010, donc notamment de janvier à août 2009, puisque, pendant ce temps, l’Union payait un appartement de fonction familial à un fonctionnaire qui ne l’occupait que seul et partiellement dans la semaine, alors même qu’il disposait d’un autre appartement familial à proximité où était restée sa famille et où lui-même vivait partiellement. En outre, ce préjudice a bien été causé par le requérant qui, après avoir demandé un tel appartement de fonction n’a pas mis fin à la situation précitée en ne proposant pas de restituer cet appartement après quelques mois. Comme cela est relevé au point 296 ci-dessus, si véritablement un problème durable de vitrification défectueuse du parquet rendait l’aménagement familial dans l’appartement de fonction impossible, ce qui aurait alors relevé de la responsabilité du propriétaire, il aurait fallu que le requérant refuse d’emblée l’entrée dans les lieux ou entame une autre démarche appropriée auprès de la délégation afin que cette dernière puisse mettre rapidement et fermement le propriétaire face à ses responsabilités. Ce préjudice est aussi démontré jusqu’à la fin du bail, dans la mesure où, en ne remettant pas son appartement de fonction à la disposition de la délégation, le requérant a empêché la Commission de jouir de ce bien alors qu’elle payait les loyers y afférents, en particulier en l’empêchant d’utiliser autrement cet appartement, ainsi que l’a relevé le Tribunal de la fonction publique au pont 159 de l’arrêt attaqué, ou du moins de résilier le bail sans pénalités à partir de septembre 2009, ce qui aurait pu réduire le préjudice effectivement subi par l’Union. À cet égard, le fait qu’ait été prévue dans le bail une période de non-résiliation par le preneur pendant la première année, sauf à ce que les loyers soient tout de même honorés pendant cette période, ne saurait conduire à estimer qu’il n’y a pas de préjudice pour cette période, contrairement à ce que soutient le requérant. Pendant cette période, la délégation a bien payé un appartement de fonction de dimension familiale, à la suite d’une demande du requérant, sans que ce soit justifié et sans pouvoir en tirer aucune utilité.

303    Ensuite, le requérant soutient, au point 125 de la requête, que, dans la mesure où il aurait eu droit à un appartement de fonction plus petit, pour célibataire, le préjudice de l’Union s’est limité à la différence de loyer entre l’appartement de fonction familial qu’il a occupé et un tel appartement de fonction plus petit. Cet argument ne pourrait prospérer que si le requérant avait effectivement demandé un appartement de fonction pour célibataire au cours du bail prévu pour l’appartement familial, mais, en l’absence de cette circonstance, qui se réduit à une pure spéculation, d’autant que son épouse était propriétaire d’un appartement à New York dans lequel résidait sa famille, il doit être retenu que sur l’ensemble de la période du bail, l’Union a effectivement subi un préjudice correspondant à l’intégralité des loyers payés pour l’appartement de fonction attribué au requérant alors qu’il n’était pas nécessaire de louer cet appartement. Ce préjudice s’étend donc, comme la Commission l’a relevé dans la décision litigieuse, sur la période allant de janvier 2009 à août 2010 pour laquelle il est jugé, au point 300 ci-dessus, que le requérant a commis une faute personnelle grave.

304    Le requérant soutient également, au point 124 de la requête, que lui réclamer un remboursement de loyers supérieur à l’équivalent d’un an de traitement brut de base est contraire aux dispositions des lignes directrices de la Commission du 22 juillet 2014 pour l’application de l’article 22 du statut. Toutefois, comme l’a relevé le Tribunal de la fonction publique au point 162 de l’arrêt attaqué, cet argument est irrecevable au titre du contrôle de légalité compte tenu du non-respect, par le requérant, de la règle de concordance entre sa réclamation contre la décision litigieuse et son recours. Le Tribunal se réfère à cet égard aux points 117 à 122 ci-dessus concernant la finalité et l’interprétation de cette règle et relève que, en l’espèce, la disposition de ces lignes directrices invoquée par le requérant dans son recours, qui vise à limiter la réparation d’un préjudice causé à l’Union par un fonctionnaire qui a commis une faute personnelle grave par négligence grossière, ne relève pas de la même cause que celles invoquées dans cette réclamation au soutien de la contestation de la responsabilité financière du requérant, qui avaient trait à une erreur dans la détermination des loyers remboursables et à l’existence d’une prescription partielle des faits. Même si le Tribunal entendait prendre en compte l’argument dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction (voir point 124 ci-dessus), il doit en tout état de cause être constaté que cet argument ne répond pas aux exigences de précision requises dans la mesure où, ni dans ses écritures, ni à l’audience, le requérant n’a indiqué à quel montant correspondait le plafond qu’il invoquait. Le Tribunal n’est donc pas en mesure d’apprécier la portée de cet argument qui, en conséquence, doit être, en tout état de cause, rejeté.

305    La première branche du sixième moyen de la requête doit donc être rejetée.

306    S’agissant des arguments avancés dans la seconde branche du sixième moyen, correspondant aux points 126 à 130 de la requête, d’après lesquels les faits motivant l’engagement de la responsabilité financière du requérant étaient prescrits ou, en tout cas, l’AIPN avait violé le principe d’un délai raisonnable pour engager cette responsabilité, il y a lieu de considérer ce qui suit.

307    Comme cela est exposé aux points 106 et 114 ci-dessus, le requérant invoque la prescription quinquennale prévue à l’article 85, second alinéa, du statut et, à titre subsidiaire, comme paramètre du délai raisonnable pour l’application de l’article 22 du statut, la prescription quinquennale établie à l’article 81 du règlement no 966/2012. Ainsi qu’il est jugé aux points 113 et 129 ci-dessus, aucune de ces deux dispositions n’est applicable à la présente espèce. En fait, aucune disposition du droit de l’Union ne précise le délai dans lequel, par rapport aux faits en cause, une enquête, une procédure disciplinaire et une décision retenant la responsabilité financière d’un fonctionnaire au titre de l’article 22 du statut doivent intervenir. Il peut néanmoins être tenu compte de ce que l’article 85, second alinéa, du statut constitue une illustration d’un délai de prescription retenu par le législateur concernant certaines relations entre l’Union et ses fonctionnaires, même si eu égard aux différences caractérisant l’application de l’article 22 du statut par rapport à l’application de l’article 85 du statut, soulignées au point 112 ci-dessus, un délai d’une durée analogue à respecter dans le cadre de l’application de l’article 22 du statut ne saurait être un délai ininterruptible comme celui prévu à l’article 85, second alinéa, du statut.

308    Il ressort de la jurisprudence que, lorsque le législateur n’a pas prévu de délai de prescription, l’exigence de sécurité juridique requiert que les institutions de l’Union exercent leurs pouvoirs dans un délai raisonnable (voir arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, point 96 et jurisprudence citée). Il y a donc lieu de vérifier si, en conduisant une enquête, en engageant une procédure disciplinaire et en retenant en définitive une responsabilité financière du requérant pour la période de janvier 2009 à août 2010, les services de la Commission et l’AIPN ont méconnu, dans l’exercice de leurs compétences, le principe du délai raisonnable pour agir.

309    Le caractère raisonnable d’un délai doit être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et des différentes étapes procédurales que l’institution de l’Union a suivies, ainsi que du comportement des parties au cours de la procédure. En effet, le caractère raisonnable d’un délai ne saurait être examiné par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite (voir arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, points 99 et 100 et jurisprudence citée).

310    En l’occurrence, la période pour laquelle une faute grave du requérant est retenue court de janvier 2009 à août 2010. L’OLAF a informé le requérant de l’ouverture d’une enquête le concernant à propos de l’usage de son appartement de fonction en mars 2012, soit moins de deux ans après la fin de cette période continue. À l’issue de la phase d’enquête, impliquant successivement l’OLAF et l’IDOC, l’AIPN a engagé une procédure disciplinaire à l’encontre du requérant en juillet 2014 et a adopté la décision litigieuse retenant notamment la responsabilité financière du requérant en février 2015. Cette décision a été confirmée en septembre 2015 avec le rejet de la réclamation du requérant. Au regard de cet enchaînement des faits, il doit être considéré que l’autorité administrative n’a pas exercé ses pouvoirs dans des délais déraisonnables.

311    La seconde branche du sixième moyen de la requête doit donc être rejetée.

 Sur les moyens nouveaux avancés par le requérant à l’occasion de la procédure du pourvoi

312    Le requérant fait également valoir les moyens, les arguments et les faits qu’il a présentés dans sa lettre au Tribunal du 20 juillet 2017, mentionnée aux points 34 et 49 ci-dessus et résumée au point 214 ci-dessus. En résumé, les procédures disciplinaires conduites contre un fonctionnaire affecté à New York en même temps que le requérant et contre la cheffe d’administration de la délégation, dont le requérant aurait appris le résultat en prenant connaissance du rapport d’activité de l’IDOC pour 2016, publié en juin 2017, confirmeraient son statut de lanceur d’alerte, qui aurait dû jouer à titre de circonstance atténuante, et ces procédures établiraient que la cheffe d’administration de la délégation a commis une faute grave en ne prenant pas de mesures adéquates concernant la situation dont le requérant lui avait fait part, ce qui montrerait que lui-même a été suffisamment transparent et ce qui constituerait aussi une circonstance atténuante, voire une circonstance absolutoire.

313    À cet égard, la Commission estime qu’aucun élément nouveau, qui n’était pas déjà connu du requérant, ne ressort du rapport d’activité de l’IDOC pour 2016, puisque le requérant avait dénoncé les agissements du premier fonctionnaire concerné et que la cheffe d’administration de la délégation lui avait elle-même fait part de ce qu’une procédure disciplinaire devait être engagée à son égard. Les moyens et les arguments avancés dans la lettre du requérant au Tribunal du 20 juillet 2017 seraient donc irrecevables, car tardifs, n’étant fondés sur aucun fait nouveau.

314    Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 octobre 2007, Pologne/Conseil, C‑273/04, EU:C:2007:622, point 33), il apparaît en tout état de cause que les moyens et les arguments avancés par le requérant dans sa lettre au Tribunal du 20 juillet 2017 sont non fondés.

315    La dénonciation, par le requérant, d’agissements frauduleux d’un de ses collègues à New York a été faite au moyen d’un courrier électronique du requérant à l’IDOC daté du 13 mai 2013, produit en annexe 36 de la requête. Ce courrier a été envoyé alors que le requérant faisait déjà l’objet de l’enquête concernant l’usage de son appartement de fonction et il visait en premier lieu à faire douter de la crédibilité de deux témoignages à charge contre lui qui avaient été pris en compte par l’OLAF. C’est dans ce contexte que le requérant a fait état du comportement potentiellement irrégulier, à divers titres, de ce collègue, qui aurait été lié aux deux personnes ayant témoigné. Il ressort de ce courrier que la dénonciation faite par le requérant portait en partie sur des faits manifestement déjà connus de la hiérarchie de la délégation et de lui-même depuis un certain temps et en partie sur des faits qui avaient été portés à la connaissance de l’OLAF par d’autres personnes de la délégation, avant que le requérant n’en fasse lui-même part à l’IDOC plusieurs mois après en avoir pris connaissance de manière fortuite. Dès lors, la dénonciation du requérant ne s’inscrit pas dans le cadre du lancement d’une alerte sur des faits qui peuvent laisser présumer une activité illégale, qu’un fonctionnaire découvre, tel que prévu à l’article 22 bis du statut, mais elle s’inscrit seulement dans le cadre de la défense par un fonctionnaire de ses propres intérêts. Le requérant ne peut donc pas se prévaloir d’une qualité de lanceur d’alerte, à supposer qu’une telle qualité ait pu valoir circonstance atténuante au regard de faits qui n’avaient rien à voir avec ceux qu’il a dénoncés, même si ces derniers se sont avérés exacts.

316    S’agissant de la faute grave de la cheffe d’administration de la délégation constatée et sanctionnée par l’AIPN, il ressort de l’extrait du rapport de l’IDOC pour 2016 cité par le requérant dans son courrier au Tribunal du 20 juillet 2017, mais aussi du point 53 de la requête dans lequel le requérant expose que la cheffe d’administration de la délégation l’a informé qu’elle faisait l’objet de poursuites disciplinaires en indiquant que cela pouvait atténuer la force probante de son propre témoignage, que la faute grave en question est essentiellement liée au fait que l’intéressée avait fait louer par la délégation, pour son propre logement de fonction, un appartement dont elle était propriétaire au travers d’une société-écran qu’elle avait créée. Dans ces circonstances, même si l’attitude de la cheffe d’administration de la délégation à l’égard du requérant a pu également être estimée fautive par l’AIPN, cela ne saurait exonérer le requérant de sa responsabilité à partir du moment où cette fonctionnaire lui a indiqué à plusieurs reprises que sa famille devait vivre avec lui dans son appartement de fonction et, en novembre 2009, qu’elle devrait lui affecter un nouvel appartement de fonction plus petit si sa famille ne le rejoignait pas et dès lors que lui-même n’a pas fait évoluer la situation. À cet égard, la transparence dont le requérant soutient avoir fait preuve à l’égard de la cheffe d’administration de la délégation est sans incidence.

317    Il ressort de tout ce qui précède que, aucun des moyens d’annulation présentés contre la décision litigieuse n’ayant pu prospérer, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation formées par le requérant, y compris celles dirigées contre la décision de rejet de sa réclamation. À cet égard, le Tribunal renvoie aux motifs exposés par le Tribunal de la fonction publique aux points 43 à 45 de l’arrêt attaqué.

 Sur la demande de réduction du montant de la réparation financière exigée du requérant

318    Il doit être constaté que le requérant, en demandant dans ses conclusions que le juge exerce la compétence de pleine juridiction prévue à l’article 22, troisième alinéa, du statut pour réduire la réparation financière exigée de lui dans la décision litigieuse, n’a pas avancé d’argument particulier pour justifier la réduction demandée, en dehors de ceux exposés au soutien de ses moyens d’annulation. Néanmoins, comme l’a relevé l’avocate générale Kokott au point 60 de ses conclusions dans l’affaire Gogos/Commission (C‑583/08 P, EU:C:2010:118), pour les aspects strictement pécuniaires d’un litige entre l’Union et l’un de ses fonctionnaires, le juge de l’Union n’est pas tenu de se limiter à un contrôle de la légalité des actes en cause, mais peut également en examiner l’opportunité et donc substituer son appréciation à celle de l’AIPN. À cet égard, l’article 91, paragraphe 1, seconde phrase, du statut permet au juge de l’Union, dans les litiges à caractère pécuniaire et dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, d’évaluer d’office, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, un préjudice subi ex æquo et bono (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 mai 2010, Gogos/Commission, C‑583/08 P, EU:C:2010:287, point 44 et jurisprudence citée). En outre, une telle compétence peut être exercée en l’absence même de toute demande en ce sens (voir, en ce sens, conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Gogos/Commission, C‑583/08 P, EU:C:2010:118, point 61) et, a fortiori, dans le cas où une telle demande est formulée, en l’absence de toute argumentation spécifique soulevée au soutien de cette dernière. En l’espèce, au regard des exigences du respect du contradictoire, la question du rôle de la cheffe d’administration de la délégation a été largement débattue tant dans les écritures des parties qu’à l’audience, notamment par les questions du Tribunal posées à cette occasion.

319    Il ressort de ce débat et des pièces du dossier que la cheffe d’administration de la délégation n’a pas exigé du requérant qu’il quitte son logement de fonction, mais s’est contentée de lui rappeler l’irrégularité de sa situation (voir point 274 ci-dessus). Même si cette circonstance ne remet pas en cause l’existence d’une faute grave du requérant consistant à prolonger l’usage irrégulier de son appartement de fonction de janvier 2009 à août 2010 (voir point 300 ci-dessus), elle fait apparaître que, du fait de l’absence d’initiative appropriée de sa représentante sur place alors que celle-ci était au courant de la situation, la Commission a contribué à la pleine réalisation du préjudice qu’elle a subi alors qu’elle aurait pu en réduire l’étendue, aucun obstacle n’apparaissant comme ayant pu empêcher une telle initiative, notamment si celle-ci avait consisté à exiger du requérant qu’il libère son appartement de fonction, les conditions de son occupation n’étant pas réunies. Ainsi et au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, le Tribunal estime ex æquo et bono que la réparation par le requérant du préjudice subi par l’Union doit être réduite (voir, en ce sens, arrêts du 7 novembre 1985, Adams/Commission, 145/83, EU:C:1985:448, points 53 et 54, et du 11 juillet 2007, Schneider Electric/Commission, T‑351/03, EU:T:2007:212, points 332 et 334).

320    Il y a donc lieu de fixer, conformément à l’article 22 du statut, la réparation due par le requérant en raison du préjudice qu’il a fait subir à l’Union en raison de la faute personnelle grave qu’il a commise en n’entamant aucune démarche pour remettre à disposition son appartement de fonction à partir de janvier 2009 à la somme de 80 000 euros au jour du prononcé du présent arrêt, ce qui implique soit que les sommes, y compris d’éventuels intérêts, que le requérant aurait déjà versées et excédant ce montant lui soient remboursées par la Commission, soit que cette dernière exige du requérant d’éventuels paiements complémentaires jusqu’à concurrence dudit montant. Dans les deux hypothèses, les paiements ou remboursements requis devraient être augmentés d’intérêts au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour les opérations principales de refinancement, calculés à compter du prononcé du présent arrêt.

 Sur la demande de réparation du préjudice moral et de réputation qu’aurait subi le requérant à hauteur de 20 000 euros

321    Le requérant estime que non seulement la décision litigieuse, mais aussi le déroulement de l’enquête et de la procédure disciplinaire lui ont causé un préjudice d’ordre moral et de réputation, notamment parce qu’il n’aurait été fait aucun cas de son offre de collaboration pour démontrer les fraudes qu’il avait dénoncées, notamment dans son courrier électronique adressé à l’IDOC le 13 mai 2013.

322    Dès lors que c’est à juste titre que l’AIPN a considéré que le requérant avait commis une faute personnelle grave pendant 20 mois en prolongeant l’usage irrégulier de son appartement de fonction sans entamer aucune démarche à l’égard de la délégation pour le remettre à disposition, il n’y a pas lieu de l’indemniser au titre d’un préjudice moral ou de réputation qu’il aurait subi du fait de la décision litigieuse et des procédures préalables à celle-ci. Sur ce dernier aspect, le Tribunal souligne, comme il résulte du point 315 ci-dessus, que l’offre de collaboration dont se prévaut le requérant était tardive.

 Conclusion sur le recours en annulation de la décision litigieuse et les demandes accessoires

323    Il ressort de ce qui précède que le montant de la réparation due par le requérant est ramené à une somme de 80 000 euros au jour du prononcé du présent arrêt et que le recours en annulation et les demandes accessoires doivent être rejetés pour le surplus.

 Sur les dépens

324    Conformément à l’article 223 du règlement de procédure, le Tribunal statue sur les dépens relatifs à la procédure engagée devant lui après le réexamen et, conformément à l’article 211, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que le Tribunal juge lui‑même le litige, il statue sur les dépens.

325    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 211, paragraphe 1, du même règlement, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

326    En l’espèce, il convient de tenir compte de ce que le réexamen intervenu dans la présente affaire, la procédure engagée devant le Tribunal après le réexamen et l’interruption de la procédure de renvoi au fond engagée après le premier arrêt sur pourvoi ne sont pas consécutifs à l’accueil d’un moyen avancé par l’une des parties dans le cadre de la procédure close par le premier arrêt sur pourvoi qui a été annulé par la Cour. Le Tribunal estime donc que chaque partie doit supporter ses propres dépens relatifs à la présente procédure engagée devant le Tribunal après le réexamen (affaire T-693/16 RENV) et à la procédure de renvoi devant le Tribunal close par décision du greffe après l’annulation du premier arrêt sur pourvoi par la Cour (affaire T‑440/18 RENV), étant noté que cette dernière a décidé que chaque partie supportait ses propres dépens relatifs à la procédure de réexamen.

327    Par ailleurs, le requérant et la Commission ayant succombé partiellement, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens tant en ce qui concerne la procédure devant le Tribunal de la fonction publique (affaire F‑149/15) qu’en ce qui concerne la procédure devant le Tribunal clôturée par le premier arrêt sur pourvoi (affaire T‑693/16 P).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 19 juillet 2016, HG/Commission (F149/15), est annulé.

2)      Le montant de la réparation due par HG à l’Union européenne est fixé à une somme de 80 000 euros au jour du prononcé du présent arrêt.

3)      Le recours dans l’affaire F149/15 est rejeté pour le surplus.

4)      HG et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens dans les affaires F149/15, T693/16 P, T440/18 RENV et T693/16 PRENV-RX.

Gervasoni

Madise

Nihoul

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 décembre 2021

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Arrêt attaqué

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le pourvoi

Sur la recevabilité des observations du requérant présentées au titre de l’article 222 du règlement de procédure

Sur les moyens avancés à l’encontre de l’arrêt attaqué en ce qui concerne la responsabilité financière du requérant retenue dans la décision litigieuse

– Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation par le juge du fond en ce qui concerne la responsabilité financière du requérant retenue dans la décision litigieuse

– Sur le moyen tiré d’une dénaturation du dossier par le juge du fond en ce qui concerne la responsabilité financière du requérant retenue dans la décision litigieuse

– Sur le moyen tiré d’erreurs de droit commises par le juge du fond en ce qui concerne la responsabilité financière du requérant retenue dans la décision litigieuse

Sur les moyens avancés à l’encontre de l’arrêt attaqué en ce qui concerne les vices de procédure et la violation des droits de la défense allégués devant le juge du fond

– Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation par le juge du fond en ce qui concerne les vices de procédure et la violation des droits de la défense allégués devant lui

– Sur le moyen tiré d’erreurs de droit commises par le juge du fond en ce qui concerne les vices de procédure et la violation des droits de la défense allégués devant lui

Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation par le juge du fond en ce qui concerne le manque de motivation de la décision litigieuse allégué devant lui

Sur les moyens avancés à l’encontre de l’arrêt attaqué en ce qui concerne l’erreur de droit et de fait alléguée devant le juge du fond relative au grief retenu dans la décision litigieuse de la non-occupation en famille du logement de fonction mis à la disposition du requérant

– Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation par le juge du fond en ce qui concerne l’erreur de droit et de fait alléguée devant lui relative au grief retenu dans la décision litigieuse de la non-occupation en famille du logement de fonction mis à la disposition du requérant

– Sur le moyen tiré d’erreurs de droit commises par le juge du fond en ce qui concerne l’erreur de droit et de fait alléguée devant lui relative au grief retenu dans la décision litigieuse de la non-occupation en famille du logement de fonction mis à la disposition du requérant

Sur les moyens nouveaux avancés par le requérant le 20 juillet 2017

Conclusion sur le pourvoi

Sur le recours en annulation de la décision litigieuse et sur les demandes accessoires

Sur le premier moyen de la requête, tiré de vices de procédure affectant les actes préparatoires à la décision litigieuse

Sur le deuxième moyen de la requête, tiré d’une violation des droits de la défense du fait d’un double changement de la faute alléguée

Sur le troisième moyen de la requête, tiré d’un manque de motivation de la décision litigieuse en ce qui concerne les violations procédurales invoquées

Sur le moyen nouveau exposé dans une lettre postérieure au dépôt du mémoire en défense, tiré également d’un manque de motivation de la décision litigieuse

Sur le quatrième moyen, tiré des erreurs de droit et de fait qu’aurait commises l’AIPN en sanctionnant le requérant en raison de l’absence d’occupation de son logement de fonction en famille

Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit quant à la violation d’une obligation de signer personnellement le contrat de fourniture d’électricité du logement de fonction du requérant

Sur les moyens de la requête concernant la responsabilité financière du requérant (quatrième branche du quatrième moyen et sixième moyen)

Sur les moyens nouveaux avancés par le requérant à l’occasion de la procédure du pourvoi

Sur la demande de réduction du montant de la réparation financière exigée du requérant

Sur la demande de réparation du préjudice moral et de réputation qu’aurait subi le requérant à hauteur de 20 000 euros

Conclusion sur le recours en annulation de la décision litigieuse et les demandes accessoires

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.