Language of document : ECLI:EU:T:2010:433

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre) 

12 octobre 2010 (*)

« Marque communautaire – Demandes de marque communautaire verbale WIENER WERKSTÄTTE – Motif absolu de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans les affaires T‑230/08 et T‑231/08,

Paul Asenbaum, demeurant à Vienne (Autriche), représenté par Mes P. Vögel et E. Ploil, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. S. Schäffner, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet des recours formés contre deux décisions de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 10 avril 2008 (affaires R 1573/2006‑4 et R 1571/2006‑4), concernant deux demandes d’enregistrement du signe verbal WIENER WERKSTÄTTE comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (première chambre),

Composé, lors du délibéré, de Mme I. Wiszniewska-Białecka, président, MM. F. Dehousse et H. Kanninen (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal le 17 juin 2008,

vu les mémoires en réponse de l’OHMI déposés au greffe du Tribunal le 5 novembre 2008,

vu les répliques déposées au greffe du Tribunal le 8 janvier 2009,

vu la modification de la composition de la première chambre du Tribunal,

vu les observations des parties sur la jonction des affaires T‑230/08 et T‑231/08 aux fins de l’arrêt,

vu la question écrite du Tribunal aux parties dans le cadre de l’affaire T‑231/08 concernant certains documents relatifs au dossier administratif devant l’OHMI,

vu les ordonnances du Tribunal du 13 avril 2010 autorisant la substitution de M. Paul Asenbaum à Asenbaum Fine Arts Ltd,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les 19 novembre (affaire T‑230/08) et 20 décembre 2004 (affaire T‑231/08), Asenbaum Fine Arts Ltd a présenté deux demandes d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        Les marques dont l’enregistrement a été demandé sont le signe verbal WIENER WERKSTÄTTE.

3        Dans l’affaire T‑230/08, les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 6, 11, 14, 16, 20, 21 et 34 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 6 : « Boîtes en métaux communs ; fermetures de bouteilles métalliques ; corbeilles à papier métalliques ; corbeilles métalliques » ;

–        classe 11 : « Suspensions de lampes ; lampes d’éclairage ; plafonniers ; douilles de lampes électriques ; lampes électriques ; verres de lampes ; globes de lampes ; abat-jour ; porte-abat-jour ; réflecteurs de lampes ; lampadaires » ;

–        classe 14 : « Boîtes en métaux précieux ; poudriers ; tabatières ; pots à tabac ; boîtes à thé ; étuis à cigarettes ; boîtes pour étuis à cigarettes ; boîtes pour étuis à cigares ; sucriers ; cendriers ; bonbonnières ; vases ; bougeoirs, tous en métaux précieux » ;

–        classe 16 : « Encriers » ;

–        classe 20 : « Cadres ; fermetures de bouteilles non métalliques ; corbeilles non métalliques ; corbeilles à papier, autres qu’en métaux précieux » ;

–        classe 21 : « Bocaux à gâteaux secs ; beurriers ; boîtes d’aliments ; poudriers ; boîtes à thé ; sucriers ; bonbonnières ; vases ; bougeoirs ; tous autres qu’en métaux précieux » ;

–        classe 34 : « Tabatières ; bocaux à tabac, boîtes pour étuis à cigarettes ; cendriers ; tous autres qu’en métaux précieux ».

4        Dans l’affaire T‑231/08, les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 14 et correspondent à la description suivante : « Bijouterie ».

5        Par deux décisions du 29 septembre 2006, l’examinateur a rejeté les demandes de marque communautaire au motif que les marques demandées se heurtaient au motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009], dès lors que le consommateur moyen des produits concernés comprendrait l’expression « Wiener Werkstätte » (Atelier viennois), non comme une marque, mais comme la description d’une caractéristique des produits concernés en ce sens que ceux-ci imiteraient le style ainsi dénommé ou s’en inspireraient.

6        Le 29 novembre 2006, Asenbaum Fine Arts a formé deux recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre les deux décisions de l’examinateur.

7        Par deux décisions du 10 avril 2008 (R 1573/2006‑4 et R 1571/2006‑4, ci-après les « décisions attaquées »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté les recours. Elle a considéré, en substance, que l’expression « Wiener Werkstätte » renvoyant au nom du groupe d’artistes fondé en 1903 à Vienne (Autriche), son utilisation pour les produits visés par les deux demandes de marque communautaire pouvait susciter, dans l’esprit du public pertinent, une association suffisamment claire avec le style de l’Atelier viennois (Wiener Werkstätte), de sorte que le signe pourrait être perçu et compris comme décrivant un design particulier. Partant, selon la chambre de recours, l’enregistrement des marques demandées se heurtait au motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 et, de ce fait, les marques demandées étaient également dépourvues de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

 Conclusions des parties

8        Le requérant, M. Paul Asenbaum, conclut, dans l’affaire T‑230/08, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réformer la décision attaquée (affaire R 1573/2006‑4) en faisant entièrement droit au recours devant la chambre de recours ou, à titre subsidiaire, pour les classes 6, 11 (à l’exception des lampes électriques, des lampes d’éclairage, des plafonniers et des lampadaires), 14 (à l’exception des bonbonnières), 16, 20, 21 (à l’exception des bonbonnières) et 34 ;

–        à titre plus subsidiaire, annuler la décision attaquée et renvoyer l’affaire devant l’OHMI afin que celui-ci « complète la procédure » ;

–        condamner l’OHMI aux dépens, y compris les dépens afférents à la procédure devant la chambre de recours.

9        Le requérant conclut, dans l’affaire T‑231/08, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réformer la décision attaquée (affaire R 1571/2006‑4), en faisant entièrement droit au recours devant la chambre de recours ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée et renvoyer l’affaire devant l’OHMI afin que celui-ci « complète la procédure » ;

–        condamner l’OHMI aux dépens, y compris les dépens afférents à la procédure devant la chambre de recours.

10      L’OHMI conclut, dans les affaires T‑230/08 et T‑231/08, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

11      Le requérant invoque, dans les affaires T‑230/08 et T‑231/08, deux moyens tirés, respectivement, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 et de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

12      Il convient d’abord de procéder à l’examen du premier moyen.

13      Le requérant fait valoir, en substance, que la chambre de recours a erronément conclu que l’expression « Wiener Werkstätte » était descriptive des produits concernés et qu’il n’est pas prouvé que, de manière générale, le public pertinent connaît le style de l’Atelier viennois ou que les produits concernés sont conçus selon un tel style.

14      L’OHMI conteste les arguments du requérant.

15      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation de service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ». En outre, l’article 7, paragraphe 2, du même règlement (devenu article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009) énonce que « [l]e paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté ».

16      L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou indications descriptives des caractéristiques de produits ou de services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que de tels signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque [arrêt de la Cour du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec. p. I‑12447, point 31 ; arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T‑219/00, Rec. p. II‑753, point 27, et du 16 mars 2006, Telefon & Buch/OHMI – Herold Business Data (WEISSE SEITEN), T‑322/03, Rec. p. II‑835, point 89].

17      Dans cette perspective, les signes et les indications visés par la disposition citée sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du public pertinent, pour désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé (arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI, C‑383/99 P, Rec. p. I‑6251, point 39). L’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut donc être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent (arrêt WEISSE SEITEN, précité, point 90).

18      Il convient, aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, d’examiner, eu égard à la signification donnée à la marque verbale en cause, s’il existe, du point de vue du public pertinent, un rapport suffisamment direct et concret entre cette marque et les catégories de produits ou de services pour lesquelles l’enregistrement a été demandé de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits ou des services en cause ou de l’une de leurs caractéristiques [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 2 avril 2008, Eurocopter/OHMI (STEADYCONTROL), T‑181/07, non publié au Recueil, point 36].

19      En l’espèce, il y a lieu de relever, tout d’abord, que les produits visés par les deux demandes d’enregistrement sont divers objets utilitaires et décoratifs ainsi que des articles de bijouterie (voir points 3 et 4 ci-dessus). Comme l’a constaté à juste titre la chambre de recours dans les décisions attaquées, ces produits s’adressent au grand public qui les achète occasionnellement, même s’ils ne font pas partie des objets utilitaires indispensables à la vie quotidienne.

20      En outre, étant donné que le signe en question est composé de mots en allemand, il s’agit d’analyser la perception du consommateur moyen germanophone.

21      La chambre de recours a estimé que, étant donné qu’un design attractif influence de manière déterminante la décision d’achat du consommateur, tant en ce qui concerne les objets utilitaires et décoratifs offerts sur le marché que les articles de bijouterie, le public pertinent « attachera[it] une attention particulière au style de ces produits ».

22      À cet égard, il convient toutefois de relever qu’il ne ressort pas de la description des produits en cause qu’il s’agirait de produits de luxe ou d’un tel prix que le public pertinent serait susceptible d’être particulièrement attentif à leur égard [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 septembre 2009, The Smiley Company/OHMI (Représentation de la moitié d’un sourire de smiley), T‑139/08, non encore publié au Recueil, point 19]. Il n’en reste pas moins que le choix des produits en cause par le public pertinent peut faire l’objet d’une attention relativement élevée, notamment quant à l’apparence de ces produits. Par conséquent, le public pertinent est susceptible d’observer notamment le style de ces produits.

23      S’agissant, ensuite, de la signification du signe demandé, il n’est pas contesté que l’expression « Wiener Werkstätte » correspond au nom du groupe d’artistes qui, fondé en 1903 à Vienne, fut actif au niveau international jusqu’à sa disparition en 1932.

24      La chambre de recours a considéré que, le nom du groupe d’artistes servant désormais également à désigner le style qu’il a créé, son utilisation pour les produits en cause pouvait susciter, dans l’esprit du public concerné, une association suffisamment claire avec le style de l’Atelier viennois de sorte que le signe demandé pourrait être perçu et compris comme décrivant un design particulier. La chambre de recours a précisé qu’elle n’avait aucun doute sur le fait que l’expression « Wiener Werkstätte » était connue des acheteurs des produits en cause et que, même si le public pertinent n’avait pas nécessairement des connaissances particulières en histoire de l’art, une partie de celui-ci au moins devrait être familière avec l’œuvre de l’Atelier viennois. À cet égard, la chambre de recours a expliqué que, en raison des nombreuses publications et des expositions organisées en Autriche à l’occasion du centième anniversaire de la fondation de ce groupe, l’expression « Wiener Werkstätte » et le style qui y est associé seraient « omniprésents ». La chambre de recours a ainsi conclu qu’une partie significative du public pertinent était familière avec cette expression et que, dans son esprit, le style de l’Atelier viennois était un style de décoration redevenu moderne.

25      Le requérant fait valoir que la chambre de recours ne pouvait pas tirer ces conclusions à partir des documents qu’elle et l’examinateur avaient transmis à Asenbaum Fine Arts pendant la procédure administrative. À cet égard, le requérant se réfère, dans les requêtes, aux documents suivants qui ont été transmis par l’examinateur (documents A à E) et par la chambre de recours (documents n°s 1 à 8) :

–        un extrait du Dictionnaire international des arts appliqués et du design (document A) ;

–        un extrait du site Internet du MAK Design Shop (document B) ;

–        un article intitulé « Kunstmarkt – Wiener Werkstätte – Späte Würdigung des sachlich-eleganten Entwürfe von Hoffmann, Moser », paru dans le journal allemand Die Zeit, du 8 mai 2003 (document C) ;

–        un extrait du site Internet hongrois felvi.hu abordant le thème des œuvres d’art en verre (document D) ;

–        un extrait du site Internet du Minneapolis Institute of Arts (MIA) (www.artsmia.org), contenant une rubrique intitulée « Introduction to Wiener Werkstätte » (document E) ;

–        un extrait du site Internet d’Antix (www.antix.de), comportant des informations sur l’art nouveau (document n° 1) ;

–        un extrait du site Internet Wikipedia (www.en.wikipedia.org), intitulé « Wiener Werkstätte Style » (document n° 2) ;

–        un extrait du site Internet du musée Bröhan à Berlin (Allemagne) (www.broehan-museum.de), concernant l’art nouveau (document n° 3) ;

–        un extrait du site Internet de la société First European Shipping Ltd (document n° 4) ;

–        un extrait du site Internet du quotidien Die Presse (www.diepresse.com), du 30 octobre 2007, intitulé « Neues Klimt-Buch unter Beschuss – Gastkommentar. Otmar Rychlik rechnet mit Klimt-Prachtband seines Kunsthistoriker-Kollegen Alfred Weidinger ab » (document n° 5) ;

–        un extrait du site Internet eBay (www.ebay.at), intitulé « Art Deco Eiche Bronze Schatulle 20er Wiener Werkstätte » (document n° 6) ;

–        un extrait du site Internet de la maison de ventes Michael Zeller (www.zeller.de), concernant des lampes (document n° 7) ;

–        un extrait du site Internet eBay, intitulé « Jugendstil Bonboniere im Stil der Wiener Werkstätte » (document n° 8).

26      En premier lieu, le requérant fait valoir que la chambre de recours n’a pas établi qu’il existait de manière générale, dans l’esprit du public pertinent, un style de l’Atelier viennois.

27      À cet égard, il convient de relever qu’il ressort des documents transmis par l’examinateur (notamment les documents B et C) et par la chambre de recours (notamment les documents n°s 4 et 6 à 8) à Asenbaum Fine Arts pendant la procédure administrative que, comme la chambre de recours l’a constaté à juste titre dans les décisions attaquées, le style créé par l’Atelier viennois est aujourd’hui encore présent dans le domaine des arts appliqués et que des objets décoratifs et utilitaires ainsi que des articles de bijouterie dont le design s’inscrit dans la continuité de ce courant artistique sont encore actuellement fabriqués. Il ressort de ces documents que tant des objets originaux que des répliques sont encore présents sur le marché.

28      Par ailleurs, comme la chambre de recours l’a constaté à juste titre et comme il ressort de ces documents (notamment du document C), à l’occasion du centième anniversaire de la fondation du groupe, des expositions ont été organisées en Autriche et, partant, l’expression « Wiener Werkstätte » ainsi que le style qui y est associé sont familiers du grand public.

29      Dans les répliques, le requérant conteste la référence que l’OHMI fait à l’arrêt du Tribunal du 17 septembre 2008, Prana Haus/OHMI (PRANAHAUS) (T‑226/07, non publié au Recueil, point 26), et l’argument avancé par l’OHMI dans les mémoires en réponse selon lequel le grand public inclut également des spécialistes qui ont des connaissances en histoire de l’art. À cet égard, il suffit de relever que, dans les décisions attaquées, la chambre de recours a estimé que, au moins une partie du public pertinent, même si celui-ci n’a pas nécessairement de connaissances particulières en histoire de l’art, devrait être familière avec l’œuvre de l’Atelier viennois. Ainsi, la chambre de recours n’a pas explicitement constaté dans les décisions attaquées que les spécialistes qui ont des connaissances en histoire de l’art font également partie du grand public.

30      En tout état de cause, il ne saurait être exclu que le grand public, ou une partie de celui-ci, puisse avoir une certaine culture générale et, partant, puisse connaître l’œuvre de l’Atelier viennois. En effet, il ne saurait être considéré que le grand public comprenne uniquement des consommateurs n’ayant aucune culture générale ou aucune connaissance en histoire de l’art.

31      Dans ces circonstances, l’argument du requérant selon lequel les documents envoyés par la chambre de recours, qui sont disponibles sur Internet, s’adressent à un public spécialisé et non au grand public ne saurait non plus prospérer.

32      Enfin, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel la définition de l’expression « Wiener Werkstätte » fournie dans le Dictionnaire international des arts appliqués et du design (document A), qui est édité en français et dont un extrait a été transmis par l’examinateur, ne démontre aucunement le niveau de connaissances du consommateur moyen germanophone, il suffit de relever que la chambre de recours ne s’est pas appuyée expressément sur cette définition pour conclure à la connaissance du style de l’Atelier viennois par le public pertinent. D’ailleurs, cette définition ne permet pas de se prononcer, ni dans un sens ni dans un autre, sur la connaissance actuelle du public pertinent du style de l’Atelier viennois.

33      Compte tenu de ce qui précède, la chambre de recours a pu à bon droit considérer qu’au moins une partie du public pertinent était familière avec l’expression « Wiener Werkstätte » et l’associait à un style particulier.

34      En second lieu, le requérant fait valoir qu’il n’existe aucune preuve que le groupe de l’Atelier viennois ait marqué de l’empreinte de son style des produits des classes 6, 11, 14, 16, 20, 21 et 34.

35      À cet égard, il y a lieu de rappeler que ces produits comprennent divers objets utilitaires et décoratifs ainsi que des articles de bijouterie et que, en particulier, les produits visés par les demandes de marque communautaire comprennent notamment différents objets en métaux et en métaux précieux, des objets qui ne sont pas faits en métaux précieux, ainsi que des lampes, des objets similaires et des articles de bijouterie (voir points 3 et 4 ci-dessus).

36      Par ailleurs, il convient de relever qu’il ressort de l’extrait du Dictionnaire international des arts appliqués et du design, transmis par l’examinateur (document A), que le but du groupe de l’Atelier viennois était, notamment, de renforcer les liens entre le public, le créateur et l’artisan, de produire des objets domestiques simples et de bonne qualité, ainsi que de respecter la valeur d’usage des objets produits. Selon cet extrait, le domaine d’activité de ce groupe comprenait des travaux d’orfèvrerie en or et en argent, des jouets, des objets en métal, des reliures de livres, des travaux en cuir, ainsi qu’un atelier d’ébénisterie et de vernis. De même, il ressort de l’extrait du site Internet de la société First European Shipping (document 4) que le style de l’Atelier viennois est né d’un « concept de design complet » qui s’est étendu à tous les aspect de la vie quotidienne, allant des meubles et de la porcelaine aux installations d’éclairage, aux articles de bijouterie et aux couverts, et que ce groupe accordait beaucoup d’importance aux meubles et aux objets qui pouvaient faire l’objet d’une production de masse et qui, partant, pouvaient être accessibles à une grande partie du public, notamment à la classe moyenne en augmentation à l’époque.

37      Ainsi, les objets utilitaires et décoratifs de la vie quotidienne, tels que ceux compris dans les classes 6, 11, 14, 16, 20, 21 et 34, comme les articles de bijouterie, compris dans la classe 14, visés par les demandes de marque communautaire, faisaient partie des produits conçus par l’Atelier viennois. De plus, comme cela a été constaté ci-dessus, différents objets du style de l’Atelier viennois sont encore reproduits aujourd’hui.

38      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, pour que l’OHMI refuse une demande d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, il n’est pas nécessaire que les signes et indications composant la marque visés à cet article soient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit, comme l’indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins. Un signe verbal doit ainsi être refusé à l’enregistrement, en application de ladite disposition, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés (arrêt OHMI/Wrigley, précité, point 32).

39      Par conséquent, il est établi que, d’une part, le groupe de l’Atelier viennois a produit des objets tels que ceux visés par les demandes de marque communautaire et que, encore à ce jour, des objets sont reproduits dans ce style et, d’autre part, que, au moins, une partie du public pertinent est familière avec l’expression « Wiener Werkstätte » et l’associe à un style particulier. Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter l’argument du requérant selon lequel le style des produits, pour lesquels la marque WIENER WERKSTÄTTE a été demandée et qui ne recouvriraient que des objets utilitaires de la vie quotidienne, ne serait, pour le consommateur moyen en Autriche ou en Allemagne, nullement associé aux créations du groupe de l’Atelier viennois.

40      Ensuite, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel le fait qu’une combinaison verbale, dont l’enregistrement est demandé, apparaisse dans le dictionnaire ne serait pas déterminant, il y a lieu de relever que le requérant s’appuie sur l’arrêt du Tribunal du 19 janvier 2005, Proteome/OHMI (BIOKNOWLEDGE) (T‑387/03, Rec. p. II‑191, point 39). Or, selon cet arrêt, la circonstance que l’élément verbal ne soit pas cité dans les dictionnaires en tant que tel – qu’il soit écrit en un seul mot ou non – ne modifie en aucune manière l’appréciation de son caractère distinctif. Partant, il ne ressort pas de cette jurisprudence que le fait qu’un élément verbal apparaisse dans un dictionnaire, comme en l’espèce, n’a aucune importance dans l’appréciation de son éventuel caractère distinctif ou descriptif.

41      Enfin, le requérant fait valoir que, étant donné que les objets qu’il envisage de fabriquer et de distribuer ne seront pas fabriqués à Vienne et n’en proviendront pas non plus, le signe en question ne peut être considéré comme désignant les caractéristiques d’objets de la vie quotidienne et de décoration ou des articles de bijouterie. À cet égard, il suffit de relever que, en l’espèce, les caractéristiques en question ont plutôt trait à un style de production qu’à un lieu de production. En tout état de cause, il ne ressort pas de la description des produits en cause qu’ils ne seraient pas fabriqués à Vienne ou qu’ils n’en proviendraient pas.

42      Il découle de l’ensemble des développements exposés ci-dessus qu’il existe, du point de vue du public pertinent, un rapport suffisamment direct et concret entre le signe WIENER WERKSTÄTTE et les catégories de produits pour lesquelles l’enregistrement a été demandé, à savoir les objets utilitaires et décoratifs ainsi que les articles de bijouterie.

43      Ainsi, il convient de considérer que le signe verbal WIENER WERKSTÄTTE peut servir, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, du point de vue du public pertinent, à désigner les caractéristiques essentielles des produits relevant des catégories visées par les demandes d’enregistrement.

44      Enfin, il y a encore lieu d’examiner l’argument du requérant, exposé dans le cadre du premier moyen, selon lequel la chambre de recours n’aurait pas « précisément » motivé les décisions attaquées en ce qui concerne les documents qui ont été transmis à Asenbaum Fine Arts lors de la procédure administrative et n’aurait pas tenu compte des arguments présentés devant elle.

45      À cet égard, il y a lieu de rappeler que les institutions ne sont pas obligées, dans la motivation des décisions qu’elles sont amenées à prendre, de répondre à tous les arguments que les intéressés invoquent devant elles. Il suffit qu’elles exposent les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [voir arrêt du Tribunal du 12 novembre 2008, Shaker/OHMI – Limiñana y Botella (Limoncello della Costiera Amalfitana shaker), T‑7/04, Rec. p. II‑3085, point 81, et la jurisprudence citée]. Or, en l’espèce, la chambre de recours a, dans les décisions attaquées, exposé les faits et les considérations juridiques qui l’ont amenée à prendre ces décisions. S’agissant des documents transmis à Asenbaum Fine Arts lors de la procédure devant l’OHMI, il ne saurait donc être exigé que, dans le cas d’espèce, la chambre de recours ait motivé les décisions attaquées document par document.

46      Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours n’a pas violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, en considérant que le signe verbal WIENER WERKSTÄTTE ne pouvait être enregistré en tant que marque communautaire pour aucun des produits visés par les deux demandes d’enregistrement.

47      Dès lors, il convient de rejeter le premier moyen du requérant.

48      En ce qui concerne le second moyen, ainsi qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, il y a lieu de rappeler qu’il suffit qu’un des motifs absolus de refus énumérés s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque communautaire [voir arrêt du Tribunal du 12 janvier 2005, Wieland-Werke/OHMI (SnTEM, SnPUR, SnMIX), T‑367/02 à T‑369/02, Rec. p. II‑47, point 45, et la jurisprudence citée].

49      Par conséquent, il convient de rejeter les recours dans leur ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T‑230/08 et T‑231/08 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2)      Les recours sont rejetés.

3)      M. Paul Asenbaum est condamné aux dépens.

Wiszniewska-Białecka

Dehousse

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 octobre 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.