Language of document : ECLI:EU:T:2023:130

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

15 mars 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative zelmotor – Absence d’usage sérieux de la marque – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑194/22,

Zelmotor sp. z o.o., établie à Rzeszów (Pologne), représentée par Me M. Rumak, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Ivanauskas, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

B&B Trends, SL, établie à Santa Perpètua de Mogoda (Espagne), représentée par Me J. Mora Cortés, avocat,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, M. J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Zelmotor sp. z o.o., demande l’annulation partielle de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 4 février 2022 (affaire R 927/2021-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 27 novembre 2019, l’intervenante, B&B Trends, SL, a présenté à l’EUIPO une demande en déchéance de la marque de l’Union européenne enregistrée à la suite d’une demande présentée par la requérante le 20 juin 2012 pour le signe figuratif suivant :

Image not found

3        Les produits et les services couverts par la marque contestée pour lesquels la déchéance a été demandée relèvent des classes 7, 9 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « Électriques (moteurs -) autres que pour véhicules terrestres ; équipements électriques et électrotechniques à usage domestique ; équipements électrotechniques à usage ménager et culinaire ; émulseurs électriques ; couteaux électriques ; cisailles électriques ; moulins à usage domestique autres qu’à main ; malaxeurs ; mixeurs électriques à usages domestique ; frondes ; barattes ; fouets électriques à usage ménager ; hache-viande électriques ; robots de cuisine électriques ; trancheuses à pain électriques ; appareils électriques pour mouliner les légumes ; machines à triturer les légumes ; coupe-légumes ; éplucheurs de fruits et de légumes ; centrifugeuses et presse-fruits électriques ; ouvre-boîtes électriques ; lave-vaisselle ; lessiveuses ; appareils à essorer ; repasseuses ; machines à coudre ; machines et appareils électriques de nettoyage ; aspirateurs électriques ; tuyaux, sacs, tubes d’aspiration et autres accessoires pour aspirateurs électriques, compris dans la classe 7 ; batteurs électriques ; équipements et matériel à cirer, frotter et polir (électriques) ; cireuses à parquet électriques ; shampouineuses électriques pour tapis ; appareils de nettoyage à vapeur ; imprimantes pour étiquetage ; étiqueteuses ; dispositifs pour filtration ; inserts et recharges pour équipements de filtration ; engins de pulvérisation ; machines de séchage ; pétrins mécaniques ; appareils à aiguiser ; équipements électriques de cuisine isolés et pour encastrer ; pièces mécaniques pour moteurs électriques, articles ménagers électriques ainsi que machines et équipements pour nettoyage électriques ; ressorts moteurs pour enrouleurs de tuyaux pour aspirateurs ; filtres d’entrée et de sortie ainsi que inserts de silencieux pour aspirateurs ; filtres pour aspirateurs ; ressorts pour fixation de paliers pour moteurs électriques ; mélangeurs pour robots de cuisine ; appareils pour sceller des emballages en matières plastiques ; pièces pour les produits précités, inclus dans la classe 7 » ;

–        classe 9 : « Balances ; équipements, appareils et instruments de comptage et de pesage ; logiciels d’ordinateur mis en mémoire sous forme numérique ; appareils périphériques d’ordinateurs ; pièces électriques pour moteurs électriques, articles ménagers électriques ainsi que machines et équipements électriques pour le nettoyage, compris dans la classe 9 ; contacts électriques pour enrouleurs de fil pour aspirateurs ; capteurs mécaniques de dépression pour aspirateurs, capteurs électriques de dépression pour aspirateurs ; contacts et anneaux électriques ; bobines d’arrêt des interférences ; montures (contacts électriques) des balais à charbon pour moteurs électriques ; prises électriques d’équipement complémentaire pour aspirateurs ; montures de coupe-circuit ; menus accessoires électriques pour aspirateurs compris dans la classe 9 ; pièces pour les produits précités, inclus dans la classe 9 » ;

–        classe 35 : « Regroupement en un endroit au profit d’autres articles divers non alimentaires, permettant au client d’examiner commodément ces produits et de les acquérir dans un magasin spécialisé et/ou de gros, également sur internet, notamment pour des produits tels que : génératrices électriques, articles ménagers électriques ainsi que machines et équipements électriques de nettoyage, pièces pour moteurs électriques, articles ménagers électriques ainsi que machines et équipements électriques de nettoyage ; organisation de démonstrations, de foires et d’expositions à des fins commerciales ou publicitaires ; promotion des ventes pour des tiers ; service d’intermédiaire dans le commerce de pièces pour moteurs électriques, articles ménagers électriques ainsi que machines et équipements électriques de nettoyage ».

4        Le motif invoqué à l’appui de la demande en déchéance était celui visé à l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

5        Le 24 mars 2021, la division d’annulation a accueilli la demande en déclarant la déchéance de la marque contestée pour l’ensemble des produits et des services couverts par celle-ci à compter du 27 novembre 2019.

6        Le 20 mai 2021, la requérante a formé un recours auprès de la chambre de recours de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

7        Par la décision attaquée, la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a partiellement fait droit au recours, à savoir en ce qui concerne les « stators [pièces de machines] ; rotors (roues) », relevant de la classe 7, et a rejeté le recours pour le surplus. En substance, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve fournis par la requérante démontraient l’usage sérieux de la marque contestée pour les « stators [pièces de machines] » et « rotors (roues) », relevant de la classe 7, mais pas pour les autres produits et services pour lesquels la division d’annulation avait prononcé la déchéance de la marque contestée.

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en ce que la demande en déchéance a été accueillie pour les produits et services compris dans les classes 7, 9 et 35, à l’exception des « stators [pièces de machines] ; rotors (roues) », relevant de la classe 7 ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

9        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par l’Office en cas de convocation à une audience.

10      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 18 du même règlement.

12      Par son moyen unique, qui s’articule, en substance, autour de trois branches, la requérante conteste l’appréciation effectuée par la chambre de recours des éléments de preuve l’ayant amenée à conclure que la marque contestée n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux pour une partie des produits et des services relevant des classes 7, 9 et 35 pour lesquels elle avait été enregistrée.

13      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

14      Il convient de relever que, en vertu de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement 2017/1001 et de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du même règlement, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour son non-usage.

15      En l’espèce, tant la division d’annulation que la chambre de recours ont considéré la période comprise entre le 27 novembre 2014 et le 26 novembre 2019 comme étant la période de cinq ans pour laquelle il incombait à la requérante de démontrer un usage sérieux de la marque contestée, ce que les parties ne contestent pas.

16      Selon l’article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, si la cause de déchéance n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, le titulaire n’est déclaré déchu de ses droits que pour les produits ou les services concernés.

17      La ratio legis de l’exigence selon laquelle une marque doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être protégée au titre du droit de l’Union réside dans le fait que le registre de l’EUIPO ne saurait être assimilé à un dépôt stratégique et statique conférant à un détenteur inactif un monopole légal d’une durée indéterminée. Au contraire, ledit registre devrait refléter fidèlement les indications que les entreprises utilisent effectivement sur le marché pour distinguer leurs produits et leurs services dans la vie économique [voir arrêt du 7 novembre 2019, Intas Pharmaceuticals/EUIPO – Laboratorios Indas (INTAS), T‑380/18, EU:T:2019:782, point 50 (non publié) et jurisprudence citée].

18      Selon une jurisprudence constante, une marque fait l’objet d’un usage sérieux, au sens de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir arrêt du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 38 et jurisprudence citée). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du 4 avril 2019, Hesse et Wedl & Hofmann/EUIPO (TESTA ROSSA), T‑910/16 et T‑911/16, EU:T:2019:221, point 29 et jurisprudence citée].

19      En ce qui concerne les critères d’appréciation de l’usage sérieux, en vertu de l’article 10, paragraphe 3, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), applicable aux procédures de déchéance conformément à l’article 19, paragraphe 1 de ce même règlement, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque contestée.

20      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque [voir arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 et jurisprudence citée].

21      Par ailleurs, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, EU:T:2002:316, point 47, et du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 28].

22      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier si c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé, au point 96 de la décision attaquée, que les éléments de preuve versés au dossier ne démontraient pas l’usage sérieux de la marque contestée pour une partie des produits et des services relevant des classes 7, 9 et 35.

 Sur la première branche du moyen unique, tirée de l’absence de l’usage sérieux pour les produits relevant de la classe 7

23      La première branche est divisée, en substance, en trois griefs. Par le premier grief, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que la marque contestée n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux pour les « trancheuses », prouvé par deux bons de commande et un contrat d’acquisition des éléments nécessaires à leur production. Par le deuxième grief, s’agissant des « moteurs » et des « pièces détachées d’électroménagers », la requérante affirme que la chambre de recours a mal interprété l’élément de preuve consistant en un rapport intitulé « Stratégie de conception » (ci-après la « Stratégie de conception »). Par le troisième grief, la requérante allègue que la chambre de recours a considéré à tort que l’usage sérieux n’avait pas été prouvé pour les « moteurs électriques autres que pour véhicules terrestres », sur le fondement des captures d’écran de son site Internet.

 Sur le premier grief, concernant les « trancheuses »

24      La requérante, en s’appuyant sur un accord de vente du 12 septembre 2019, ayant pour objet le transfert de droits de propriété de biens mobiliers et de droits de production de « trancheuses », et sur deux commandes du 16 décembre 2019 pour 954 « trancheuses », fait valoir qu’elle a apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour lesdits produits.

25      Tout d’abord, s’agissant de l’accord de vente du 12 septembre 2019, relevant de la période pertinente, la requérante fait valoir que cet accord porte sur l’acquisition des composants nécessaires à la production de « trancheuses ». En l’espèce, la requérante attire l’attention sur le fait que leur acquisition n’aurait eu aucun sens si elle n’avait pas eu l’intention de fabriquer lesdits produits, ce qui a été pris en considération, en substance, par la chambre de recours au point 69 de la décision attaquée. Ensuite, s’agissant des deux bons de commande du 16 décembre 2019, qui ne relevaient pas de la période pertinente, la requérante soutient que c’est à tort que la chambre de recours n’a pas tenu compte de cette preuve. Enfin, la requérante fait valoir que la période pertinente s’est terminée à peine trois semaines avant la date des deux commandes et que la vente de près de mille « trancheuses » a été nécessairement précédée de plusieurs mois de négociations, ce qui permet de tirer des conclusions relatives à l’utilisation de la marque contestée pendant la période pertinente ou à l’intention réelle d’utiliser cette dernière.

26      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

27      Il convient de rappeler que la prise en considération des éléments de preuve portant sur un usage fait avant ou après la période pertinente est possible, en ce qu’elle permet de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque contestée ainsi que les intentions réelles du titulaire au cours de cette période. Cependant, de tels éléments de preuve ne peuvent être pris en considération que si d’autres éléments de preuve portant, eux, sur la période pertinente ont été produits [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Grupo Textil Brownie/EUIPO – The Guide Association (BROWNIE), T‑598/18, EU:T:2020:22, point 41 et jurisprudence citée].

28      Premièrement, force est de constater que, comme estimé par la chambre de recours, l’accord de vente du 12 septembre 2019 ne démontre pas l’usage sérieux de la marque contestée durant la période pertinente. En effet, ledit accord de vente, bien que relevant de la période pertinente, concerne l’acquisition de « certaines machines et instruments ». Or, à supposer même que, comme le soutient la requérante, ces composants seraient nécessaires à la production de « trancheuses », le contrat de vente de ces composants ne démontre pas que, au cours de la période pertinente, la requérante aurait utilisé la marque contestée pour des « trancheuses ».

29      En outre, à supposer même que, comme le soutient la requérante, l’accord de vente du 12 septembre 2019 démontrerait son intention de fabriquer des « trancheuses », cet accord ne constitue pas une preuve de l’utilisation de la marque contestée pour des « trancheuses ». Or, il convient de rappeler que même si le titulaire a l’intention d’utiliser de façon réelle sa marque, si cette dernière n’est pas objectivement présente sur le marché d’une façon effective, constante dans le temps et stable dans la configuration du signe, de sorte qu’elle ne peut pas être perçue par les consommateurs comme étant une indication de l’origine des produits ou des services en cause, il n’y a pas usage sérieux de la marque [voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2017, Intesa Sanpaolo/EUIPO – Intesia Group Holding (INTESA), T‑143/16, non publié, EU:T:2017:687, point 20 et jurisprudence citée].

30      À cet égard, il convient de relever que la requérante n’a pas fourni de preuve de la présence sur le marché des trancheuses couvertes par la marque contestée durant la période pertinente. Au contraire, l’accord de vente, corroboré par les autres éléments de preuve mentionnés au point 69 de la décision attaquée et non contestés par la requérante, tels que son courriel du 13 novembre 2019, suggère qu’elle n’était qu’au stade préparatoire et que la production des « trancheuses » n’aurait commencé qu’au début de l’année 2020, c’est-à-dire postérieurement à la période pertinente.

31      Secondement, s’agissant des bons de commande mentionnés au point 25 ci-dessus, il est constant que ces deux bons de commande du 16 décembre 2019 sont postérieurs à la période pertinente. Si la jurisprudence admet que des preuves postérieures à cette période peuvent être prises en considération par le Tribunal pour établir l’usage sérieux pendant la période pertinente, ainsi que cela a été rappelé au point 27 ci-dessus, cela est subordonné à la production d’autres éléments de preuve portant sur la période pertinente. Dès lors, en l’absence de production d’autres éléments de preuve pertinents, cet élément de preuve ne peut être retenu.

32      En effet, les deux bons de commande ne sont pas soutenus par des éléments de preuve de l’usage de la marque contestée au cours de la période pertinente. Ainsi, malgré leur proximité temporelle par rapport à la période pertinente, ces deux bons de commande ne permettent pas de démontrer un usage au cours de celle-ci, mais suggèrent, au contraire, que la requérante aurait commercialisé des « trancheuses » seulement après la période pertinente. En effet, le simple fait que, postérieurement à cette période, la requérante commercialisait des « trancheuses » ne saurait prouver que la marque contestée a été utilisée pour ces produits au cours de la période pertinente. De plus, la requérante n’avance aucun argument concret susceptible de remettre en cause l’absence de caractère probant de ces bons de commande en tant qu’éléments permettant de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque contestée ainsi que ses intentions réelles au cours de cette période. Elle se limite, au contraire, à avancer que la délivrance des bons de commande a été précédée de plusieurs mois de négociations, ce qui ne permet pas de démontrer que la marque contestée a fait l’objet d’un usage sérieux pendant la période pertinente.

33      Par conséquent, la chambre de recours a pu considérer à juste titre que les éléments de preuve produits ne démontrent pas un usage sérieux de la marque contestée sur des « trancheuses » pendant la période pertinente.

 Sur le deuxième grief, concernant les « moteurs » et les « pièces détachées d’électroménagers »

34      La requérante fait valoir que la chambre de recours a mal interprété la Stratégie de conception, conçue par une entité indépendante polonaise avec les chiffres de vente précis de ses produits. En outre, selon la requérante, le raisonnement suivi par la chambre de recours est contradictoire, étant donné que, d’une part, la chambre de recours reconnaît la grande valeur probante du document, mais, d’autre part, elle considère que le document est insuffisant pour démontrer l’usage sérieux de la marque contestée pour les « moteurs » ou les « pièces détachées d’électroménagers ».

35      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

36      À cet égard, il convient de rappeler que pour apprécier la valeur probante des documents versés au dossier, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et, à cet égard, tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semblait sensé et fiable [arrêts du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, EU:T:2005:200, point 42, et du 15 décembre 2005, BIC/OHMI (Forme d’un briquet à pierre), T‑262/04, EU:T:2005:463, point 78].

37      Premièrement, s’agissant de la valeur probante de la Stratégie de conception, la requérante fait valoir que ce document a été élaboré dans le cadre d’un accord signé avec la Polska Agencja Rozwoju Przedsiębiorczości (Agence polonaise pour le développement de l’entreprise, ci-après la « PARP »), une institution publique polonaise, en vue de l’obtention d’un complément de financement. Ce document consisterait en un rapport rendu par une entité polonaise indépendante, comportant des chiffres de vente précis pour des produits déterminés, afin d’apprécier le niveau d’attractivité des produits phares de la requérante. En outre, la requérante fait observer non seulement que la PARP vérifie soigneusement les données conditionnant la subvention, mais également que le fait de présenter un rapport comportant des données non conformes engage la responsabilité pénale du déclarant.

38      En l’espèce, sur la base des données présentées par la requérante, il convient de relever, comme la chambre de recours l’a considéré, à juste titre, au point 75 de la décision attaquée, que la Stratégie de conception ne saurait présenter, à elle seule, le même caractère fiable et crédible qu’un audit financier officiel préparé par une personne tierce ou indépendante de la société en cause. Certes, le rapport en question indiquerait des chiffres d’affaires pour les « moteurs » ou les « pièces détachées d’électroménagers ». Toutefois, il ne contient aucune indication sur le lieu et la date des ventes en question. Par ailleurs, la requérante n’a fourni aucune information concernant la façon selon laquelle ladite Stratégie de conception a été élaborée. De plus, la requérante ne répond nullement aux critiques soulevées par la chambre de recours sur l’absence de toute information additionnelle nécessaire pour clarifier comment l’entité indépendante polonaise a obtenu les chiffres de vente sur les produits en objet, si et comment ces chiffres ont été vérifiés ou, plus généralement, comment le document a été préparé. Dès lors, la chambre de recours a correctement remis en cause la valeur probante dudit document en raison de l’absence d’autres éléments de preuve, concernant notamment les exigences relatives à l’indépendance de son auteur et à la fiabilité de son contenu, par rapport aux arguments de la requérante concernant la finalité spécifique du document.

39      Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que la présentation devant la PARP d’un rapport comportant des données non conformes ou fausses serait punissable en vertu de l’article 233 du Kodeks karny (code pénal polonais). À cet égard, il convient de rappeler que le fait qu’une déclaration soit susceptible d’entraîner, en cas de fausse déclaration, des conséquences pénales pour son auteur en droit national, comme dans le cas d’une déclaration sous serment, n’est pas suffisant à lui seul et ne constitue qu’un indice nécessitant d’être corroboré par d’autres éléments probants [voir, en ce sens, arrêts du 7 juin 2005, Salvita, T‑303/03, EU:T:2005:200 point 43, et du 16 décembre 2008, Deichmann-Schuhe/OHMI – Design for Woman (DEITECH), T‑86/07, non publié, EU:T:2008:577, point 50].

40      Or, comme le fait valoir à juste titre l’EUIPO, les chiffres de vente contenus dans la Stratégie de conception ne sont pas corroborés par d’autres éléments de preuve. À cet égard, force est de constater que les éléments complémentaires qui auraient pu non seulement permettre de corroborer les indications contenues dans la Stratégie de conception, comme des factures, des bons de commande ou des publicités, ne sont pas d’une nature telle qu’il aurait été difficile pour la requérante de les obtenir et de les produire devant la chambre de recours (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2005, Salvita, T‑303/03, EU:T:2005:200, point 45).

41      En outre, contrairement à ce qui est soutenu par la requérante, l’appréciation de la chambre de recours, contenue au point 78 de la décision attaquée, concernant le fait que la Stratégie de conception ne peut pas prouver « au-delà de tout doute raisonnable » l’intensité de l’usage de la marque contestée sur chacun des produits qui y figurent, n’est pas fondé, contrairement à ce que soutient la requérante, sur un « critère imprécis », l’usage sérieux d’une marque devant être apprécié, conformément à la jurisprudence citée aux points 20 et 21 ci-dessus, à partir d’éléments concrets et objectifs.

42      Enfin, contrairement aux arguments de la requérante, au point 93 de la décision attaquée, la chambre de recours ne se limite pas à énumérer les preuves « idéales » permettant de démontrer l’usage sérieux de la marque contestée, mais en revanche elle mentionne les éléments complémentaires qui auraient pu permettre de corroborer les indications contenues dans la Stratégie de conception, quant à l’importance de l’usage de la marque contestée, lesquels ne sont pas d’une nature telle qu’il aurait été difficile pour la requérante de les obtenir.

43      Secondement, s’agissant de la contradiction invoquée par la requérante concernant la valeur probante de la Stratégie de conception, force est de constater que, au point 75 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que le fait que le document en question ne soit pas un audit financier n’a pas pour effet de le rendre non fiable ou dénué de pertinence afin d’apprécier l’usage sérieux de la marque contestée. En particulier, la chambre de recours a relevé qu’il s’agit d’un document procédant d’une entité polonaise, indépendante de la requérante, qui fournit des informations détaillées sur les volumes des ventes des différents produits. Toutefois, au point 78 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que la requérante n’a fourni aucune information concernant la méthodologie selon laquelle ce document a été élaboré, ce qui ne permet pas de le considérer comme étant objectif et indépendant comme un audit financier.

44      Ainsi, le raisonnement suivi par la chambre de recours n’est pas entaché de contradictions. Conformément à la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus, la chambre de recours a dûment pris en considération la Stratégie de conception. Le fait que ce document ne puisse pas être qualifié comme non fiable ou dénué de pertinence, n’exclut pas qu’il puisse avoir une force probante limitée en raison des circonstances peu claires de son élaboration, comme indiqué au point 38 ci-dessus.

45      Par conséquent, la chambre de recours a pu considérer à juste titre que les éléments de preuve produits ne démontrent pas un usage sérieux de la marque contestée sur des « moteurs » ou des « pièces détachées d’électroménagers » pendant la période pertinente.

 Sur le troisième grief, concernant les « moteurs électriques autres que pour les véhicules terrestres »

46      La requérante fait valoir que la chambre de recours a considéré à tort que l’usage sérieux n’avait pas été prouvé pour les « moteurs électriques autres que pour les véhicules terrestres » sur la base des captures d’écran du site Internet de la requérante.

47      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

48      En premier lieu, la requérante fait valoir que le raisonnement de la chambre de recours est contradictoire en ce qui concerne l’appréciation des éléments de preuve, étant donné que, d’un côté, la chambre de recours relève qu’elle n’était pas en mesure de déterminer pour quels moteurs la marque contestée avait été utilisée et, d’un autre côté, elle affirme que ces mêmes éléments de preuve démontrent que la marque contestée était utilisée pour les moteurs destinés aux aspirateurs et aux taille-haies.

49      À cet égard, il convient de relever que le raisonnement de la chambre de recours ne comporte aucune contradiction. Plus précisément, la chambre de recours, au point 88 de la décision attaquée, n’a pas affirmé qu’il était impossible d’identifier tous les moteurs montrés sur les captures d’écran, au contraire, elle a relevé qu’il était possible d’identifier seulement les moteurs destinés aux aspirateurs et aux taille-haies et non les autres moteurs.

50      En second lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours a considéré à tort que les captures d’écran n’étaient pas suffisantes pour prouver l’importance de l’usage de la marque contestée. Elle soutient qu’elles auraient dû être évaluées comme des éléments de preuve supplémentaires ayant pour but de confirmer les informations fournies dans la Stratégie de conception.

51      À cet égard, force est de rappeler que l’importance ou l’étendue de l’usage qui a été fait d’une marque dépendent, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêts du 15 juillet 2015, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Recticel (λ), T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 31, et du 23 septembre 2020, Polfarmex/EUIPO – Kaminski (SYRENA), T‑677/19, non publié, EU:T:2020:424, point 45].

52      Toutefois, comme la chambre de recours l’indique, à juste titre, au point 89 de la décision attaquée, les captures d’écran susmentionnées ne peuvent, ni individuellement ni en combinaison avec la Stratégie de conception, prouver l’importance de l’usage de la marque contestée pour les produits en cause. En l’espèce, les captures d’écran montrent des moteurs avec leurs prix de vente unitaire, ce qui ne permet pas de corroborer les chiffres d’affaires résultant des ventes des moteurs de la requérante au titre des années 2017 et 2018, indiqués dans la Stratégie de conception, ni pour les moteurs pour aspirateurs et taille-haies identifiés dans les captures d’écran, ni, et encore moins, pour les moteurs non identifiables. En outre, il convient de relever qu’il n’existe aucune preuve concernant le volume commercial de l’exploitation de la marque contestée, hormis la Stratégie de conception, visée aux points 37 à 40 ci-dessus, bien que de tels éléments eussent pu aisément être fournis. De surcroît, la requérante n’a pas invoqué de raisons valables l’empêchant de présenter de telles preuves.

53      Par conséquent, la chambre de recours a pu considérer à juste titre que les éléments de preuve produits ne démontrent pas un usage sérieux de la marque contestée sur des « moteurs électriques autres que pour les véhicules terrestres » pendant la période pertinente.

 Sur la deuxième branche du moyen unique, concernant l’usage de la marque en tant que dénomination sociale

54      Par la deuxième branche, sans faire référence à des produits spécifiques, la requérante fait valoir que la chambre de recours, au point 43 de la décision attaquée, a erronément conclu que les preuves présentées montrent que le terme « zelmotor » a été utilisé uniquement en tant que dénomination sociale et non comme marque. À cet égard, la requérante estime que l’analyse de la chambre de recours est contraire à la jurisprudence en matière de preuve d’usage d’une marque enregistrée qui, par ailleurs, constitue le nom de l’entreprise ou est identique à celui-ci.

55      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments avancés par la requérante.

56      En principe, une dénomination sociale n’a pas, en soi, pour finalité de distinguer des produits ou des services. En effet, une dénomination sociale a pour objet d’identifier une société. Dès lors, lorsque l’usage d’une dénomination sociale se limite à identifier une société, il ne saurait être considéré comme étant fait « pour des produits ou des services » [voir arrêt du 13 avril 2011, Alder Capital/OHMI – Gimv Nederland (ALDER CAPITAL), T‑209/09, non publié, EU:T:2011:169, point 45 et jurisprudence citée].

57      Cependant, la jurisprudence a également admis qu’il y avait usage « pour des produits ou des services » lorsque le signe constituant la dénomination sociale était utilisé de telle façon qu’il s’établissait un lien entre ce signe et les produits commercialisés ou les services fournis (arrêt du 11 septembre 2007, Céline, C‑17/06, EU:C:2007:497, point 23). En effet, il convient de rappeler que le fait qu’un élément verbal soit utilisé en tant que nom commercial de l’entreprise n’exclut donc pas qu’il puisse être utilisé en tant que marque pour désigner des produits ou des services [voir arrêt du 30 novembre 2009, Esber/OHMI – Coloris Global Coloring Concept (COLORIS), T‑353/07, non publié, EU:T:2009:475, point 38 et jurisprudence citée].

58      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier si la chambre de recours a estimé, à juste titre, que certains éléments de preuve présentés par la requérante ne démontraient pas un usage de la marque contestée pour les catégories de produits et de services en cause.

59      À cet égard, force est de constater que dans toutes les factures et lettres de transport le terme « zelmotor » est utilisé en tant qu’en-tête, suivi de la forme juridique de la société, comme « spółka z ograniczoną odpowiedzialnością » ou « sp. z o.o. », et précédant l’adresse de la société, sans aucun lien avec les produits ou les services de la requérante. Ainsi, c’est à juste titre que la chambre de recours a rejeté ces éléments de preuve dans le cadre de l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque contestée.

 Sur la troisième branche du moyen unique, concernant les services d’« organisation de démonstrations, de foires et d’expositions à des fins commerciales ou publicitaires »

60      Par la troisième branche, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas analysé l’usage de la marque contestée pour les services compris dans la classe 35, tels que l’ « organisation de démonstrations, de foires et d’expositions à des fins commerciales ou publicitaires ».

61      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments avancés par la requérante.

62      En l’espèce, il convient de relever que la chambre de recours a analysé la question de l’usage sérieux de la marque contestée pour les services compris dans la classe 35 aux points 49 à 56 de la décision attaquée.

63      S’agissant de l’usage sérieux de la marque contestée pour les services d’ « organisation de démonstrations, de foires et d’expositions à des fins commerciales ou publicitaires », il convient de relever que les photographies d’une foire commerciale, dénommée « salon ITM » qui a eu lieu du 4 au 7 juin 2019, pendant la période pertinente, auxquelles la requérante fait référence dans sa requête, ne permettent pas de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours. En effet, lesdites photographies ne prouvent pas que la requérante en était l’organisatrice, mais seulement qu’elle a participé audit évènement afin de présenter ses produits.

64      Par conséquent, la chambre de recours a pu considérer à juste titre que les éléments de preuve produits ne démontrent pas un usage sérieux de la marque contestée pour des services d’ « organisation de démonstrations, de foires et d’expositions à des fins commerciales ou publicitaires » pendant la période pertinente.

65      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le moyen unique invoqué par la requérante au soutien de ses conclusions ne devant pas être accueilli, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

67      L’EUIPO n’ayant demandé la condamnation de la requérante aux dépens qu’en cas de convocation à une audience, il y a lieu de décider, en l’absence d’audience, qu’elle supportera ses propres dépens.

68      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Zelmotor sp. z o.o. est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par B&B Trends, SL.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 mars 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.