Language of document : ECLI:EU:T:2005:303

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

8 septembre 2005(*)

« Marque communautaire – Signes verbaux DigiFilm et DigiFilmMaker – Motifs absolus de refus – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans les affaires jointes T‑178/03 et T-179/03,

CeWe Color AG & Co. OHG, établie à Oldenburg (Allemagne), représentée par Mes C. Spintig, S. Richter, U. Sander et H. Förster, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme I. Mayer et M. G. Schneider, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet deux recours formés contre les décisions de la troisième chambre de recours de l’OHMI du 12 mars 2003 (affaires R 638/2002‑3 et R 641/2002‑3), concernant l’enregistrement des signes verbaux DigiFilmMaker et DigiFilm comme marques communautaires,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras, président, F. Dehousse et D. Šváby, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal les 19 et 21 mai 2003,

vu l’ordonnance de jonction du 18 septembre 2003,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 15 décembre 2003,

à la suite de l’audience du 12 avril 2005,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1       Le 19 novembre 2001, la requérante a présenté deux demandes de marques communautaires à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2       Les marques dont l’enregistrement a été demandé sont les signes verbaux DigiFilm et DigiFilmMaker (ci-après, prises ensemble, les « marques demandées »).

3       Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement de la marque DigiFilm a été demandé relèvent des classes 9, 16 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–       classe 9 : « Supports de mémoire, supports d’enregistrement, en particulier appareils d’enregistrement optiques, en particulier CD‑ROM, tous les produits précités également avec photos enregistrées ; appareils et instruments photographiques et cinématographiques (compris dans la classe 9) ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; appareils de traitement des données ; ordinateurs ; logiciels informatiques » ;

–       classe 16 : « Photographies sous forme d’épreuves, de négatifs, de diapositives » ;

–       classe 42 : « Inscription de supports d’enregistrement, en particulier inscription de données numériques, en particulier images ; création de photographies ; tirage de photographies ; exploitation d’un ‘service d’impression en ligne’ de photographies ; services de conseil en matière de logiciels, entretien de logiciels informatiques, création de programmes pour le traitement de données ».

4       Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement de la marque DigiFilmMaker a été demandé sont, outre les mêmes produits et services que ceux visés dans la demande de marque relative à DigiFilm, certains produits relevant de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant à la description suivante : « Appareils et automates pour l’inscription de supports d’enregistrement, en particulier appareils de transfert de données numériques (en particulier images) sur des supports d’enregistrement (en particulier CD‑ROM) ».

5       Par lettres du 22 février 2002, adressées en application de la règle 11, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), l’examinateur a informé la requérante que, compte tenu de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94, les marques demandées ne lui semblaient pas susceptibles de pouvoir être enregistrées, sauf pour les produits et services suivants :

–       classe 16 : « Photographies sous forme d’épreuves, de négatifs, de diapositives » ;

–       classe 42 : « Services de conseil en matière de logiciels, entretien de logiciels informatiques, création de programmes pour le traitement de données  ».

6       Par lettres du 22 avril 2002, la requérante a maintenu ses demandes de marques communautaires.

7       Par décisions du 4 juin 2002, prises en application de la règle 11, paragraphe 3, du règlement n° 2868/95, l’examinateur a rejeté ces demandes sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94, pour les produits et services suivants :

–       classe 9 : « Supports de mémoire, supports d’enregistrement, en particulier appareils d’enregistrement optiques, en particulier CD‑ROM, tous les produits précités également avec photos enregistrées ; appareils et instruments photographiques et cinématographiques (compris dans la classe 9) ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; appareils de traitement des données ; ordinateurs ; logiciels informatiques » ;

–       classe 42 : « Inscription de supports d’enregistrement, en particulier inscription de données numériques, en particulier images ; création de photographies ; tirage de photographies ; exploitation d’un ‘service d’impression en ligne’ de photographies ».

8       L’examinateur a considéré que les marques demandées étaient constituées de néologismes descriptifs des produits et services susvisés. Le terme « digi » serait une abréviation anglaise courante de « digital » (numérique) et les signes DigiFilm et DigiFilmMaker renverraient directement aux significations respectives suivantes : film numérique (digital film) et personne qui réalise des films numériques ou appareil utilisé à cet effet (digital film-maker). L’examinateur a, en outre, considéré que les juxtapositions des termes « Digi », « Film » et « Maker » ne présentaient aucun caractère additionnel susceptible de rendre les marques demandées distinctives.

9       Le 26 juillet 2002, la requérante a formé deux recours auprès de l’OHMI, conformément à l’article 59 du règlement n° 40/94, contre les décisions de l’examinateur.

10     Par décisions du 12 mars 2003 (ci-après la « décision DigiFilm » et la « décision DigiFilmMaker », et, prises ensemble, les « décisions attaquées »), notifiées à la requérante par lettres, respectivement, des 18 et 13 mars 2003, la troisième chambre de recours a rejeté les recours.

11     La chambre de recours, confirmant les appréciations de l’examinateur, a considéré, en substance, que les marques demandées étaient descriptives des produits et services restant en litige (à savoir, pour la marque DigiFilm, les produits et services mentionnés au point 7 ci-dessus, et, pour la marque DigiFilmMaker, les mêmes produits et services ainsi que les produits mentionnés au point 4 ci-dessus) (ci-après les « produits et services litigieux  »), et a ajouté que ces marques étaient dépourvues, en l’absence de tout élément ou particularité additionnel, du degré minimal de caractère distinctif requis.

 Conclusions des parties

12     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler les décisions attaquées ;

–       condamner l’OHMI aux dépens.

13     L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter les recours comme non fondés ;

–       condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14     Dans chaque affaire, la requérante se prévaut, en termes analogues, de deux moyens tirés, respectivement, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 et de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

15     La requérante conteste que les marques demandées soient descriptives des produits et services litigieux. Elle reproche à la chambre de recours de s’être appuyée sur des extraits de sites Internet sans examiner ceux-ci en détail et d’avoir considéré que ces marques ne pouvaient être enregistrées, même si elles ne figuraient pas dans les dictionnaires. Enfin, l’OHMI aurait méconnu le fait qu’il a accepté d’enregistrer des signes proches des marques demandées.

16     La requérante admet que « digi » est une abréviation fréquente de « digital », que « film » désigne, dans de nombreuses langues européennes, tant la pellicule que l’œuvre et que « maker » signifie, en anglais, « fabricant ». Cela n’impliquerait toutefois pas que les marques demandées sont descriptives. En effet, d’un point de vue technique, il n’existerait pas de film digital. La chambre de recours l’aurait admis, mais aurait considéré que le public pertinent ne réfléchirait pas aux détails des processus techniques, appellerait une succession d’images numériques un film numérique et agirait de même, mutatis mutandis, s’agissant des appareils d’enregistrement, des supports de données et des services de fabrication y afférents. Cette approche méconnaîtrait que l’aptitude d’une indication à être une dénomination descriptive serait requise aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 (« indications pouvant servir »). Or, un support de mémoire ou d’enregistrement, un appareil d’enregistrement d’images ou encore le service d’inscription de supports d’enregistrement ne pourrait être décrit par le signe DigiFilmMaker ou le signe DigiFilm. La chambre de recours n’aurait pas fait de distinction entre l’indication, qui ne peut faire l’objet d’un enregistrement, et la marque dite « parlante » qui, elle, serait enregistrable.

17     Il serait, en outre, inexact que le public pertinent est inconscient des différences entre la photographie chimique et la photographie électronique. Au contraire, il percevrait la transposition du terme « film » à la photographie électronique comme une transposition inhabituelle et de fantaisie. Les marques demandées relèveraient, comme le signe UltraPlus, objet de l’arrêt du Tribunal du 9 octobre 2002, Dart Industries/OHMI (UltraPlus) (T‑360/00, Rec. p. II‑3867), de l’évocation et non de la désignation. Ce serait donc à tort que l’OHMI aurait considéré que les combinaisons des termes « digi », « film » et « maker » en DigiFilm et DigiFilmMaker ne sont pas inhabituelles.

18     Les extraits de sites Internet évoqués par l’examinateur dans ses lettres du 22 février 2002 et dans ses décisions du 4 juin 2002, et sur lesquels la chambre de recours se serait appuyée, ne sauraient prouver le contraire. En particulier, plusieurs des occurrences de DigiFilm trouvées sur Internet auraient une origine géographique inconnue ou extracommunautaire, ou seraient imprécises ou non pertinentes quant aux produits auxquels elles s’appliqueraient, ou encore identifieraient DigiFilm comme une dénomination commerciale protégée.

19     De plus, les marques demandées ne figureraient pas dans les dictionnaires. Elles seraient, de ce fait, enregistrables (arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI, C‑383/99 P, Rec. p. I‑6251, points 43 et 44).

20     Enfin, le grand nombre de signes comparables aux marques demandées et admis à l’enregistrement par l’OHMI prouverait le bien-fondé de la position de la requérante quant à l’absence de caractère descriptif de ces marques. L’OHMI aurait lui-même affirmé la pertinence, dans le cadre de l’examen prévu à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, de ses décisions antérieures.

21     L’OHMI conteste avoir violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94.

 Appréciation du Tribunal

22     Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ». En outre, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 énonce que « [l]e paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté ».

23     Selon la jurisprudence, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 empêche que les signes ou indications visés par celui-lui soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous [voir, par analogie, arrêt de la Cour du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt Postkantoor », point 54 ; arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T‑219/00, Rec. p. II‑753, point 27, et du 27 novembre 2003, Quick/OHMI (Quick), T‑348/02, non encore publié au Recueil, point 27].

24     En outre, les signes visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 sont des signes qui sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix, si l’expérience s’avère positive, ou de faire un autre choix, si elle s’avère négative (arrêts ELLOS, point 23 supra, point 28, et Quick, point 23 supra, point 28).

25     Par ailleurs, pour qu’une marque constituée d’un mot résultant d’une combinaison d’éléments, telle que les marques demandées, soit considérée comme descriptive, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, il ne suffit pas qu’un éventuel caractère descriptif soit constaté pour chacun de ces éléments. Un tel caractère doit être constaté pour le mot lui-même (voir, par analogie, arrêt Postkantoor, point 23 supra, point 96).

26     À cet égard, une marque constituée d’un mot composé d’éléments dont chacun est descriptif de caractéristiques des produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, sauf s’il existe un écart perceptible entre le mot et la simple somme des éléments qui le composent, ce qui suppose soit que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, le mot crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, en sorte qu’il prime la somme desdits éléments, soit que le mot est entré dans le langage courant et y a acquis une signification qui lui est propre, en sorte qu’il est désormais autonome par rapport aux éléments qui le composent. Dans ce dernier cas, il y a alors lieu de vérifier si le mot qui a acquis une signification propre n’est pas lui-même descriptif au sens de la même disposition (voir, par analogie, arrêt Postkantoor, point 23 supra, point 104).

27     Le caractère descriptif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement du signe est demandé [arrêts du Tribunal du 31 janvier 2001, Taurus‑Film/OHMI (Cine Action), T‑135/99, Rec. p. II‑379, point 25, et Taurus-Film/OHMI (Cine Comedy), T‑136/99, Rec. p. II‑397, point 25] et, d’autre part, par rapport à la perception du public pertinent qui est constitué par le consommateur de ces produits ou de ces services (arrêts ELLOS, point 23 supra, point 29, et Quick, point 23 supra, point 29).

28     En l’espèce, comme l’a relevé, à juste titre, la chambre de recours (décision DigiFilm, point 27 ; décision DigiFilmMaker, point 28), les produits et services litigieux s’adressent non seulement à un public spécialisé, mais aussi, plus largement, au grand public. Par ailleurs, les marques demandées sont composées d’éléments de la langue anglaise. Par conséquent, le public pertinent est le consommateur anglophone moyen, normalement informé et raisonnablement attentif23.

29     Dans ces conditions, il convient de déterminer, dans le cadre de l’application du motif absolu de refus énoncé par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, s’il existe, pour ce public, un rapport direct et concret entre les signes DigiFilm et DigiFilmMaker et les produits et services litigieux.

30     En l’espèce, la chambre de recours a constaté, à juste titre, que « digi » est une abréviation du mot « digital » (numérique), couramment utilisée, notamment en anglais, pour qualifier la technique numérique, que « film » est un mot anglais désignant, dans cette langue et dans de nombreuses autres, aussi bien la pellicule que l’œuvre finie ou sa réalisation, et, enfin, que le mot anglais « maker » (fabricant), associé, comme en l’espèce, à « film », désigne le cinéaste mais aussi, le cas échéant, l’appareil permettant la réalisation de films (décision DigiFilm, points 24 à 25 ; décision DigiFilmMaker, points 24 à 26 et 36).

31     En outre, et conformément à l’exigence rappelée aux points 25 et 26 ci-dessus, d’une appréciation de la marque demandée dans son ensemble, la chambre de recours a constaté, à juste titre, que les juxtapositions des termes « digi », « film » et « maker » en DigiFilm et DigiFilmMaker forment des combinaisons clairement décomposables du fait de l’emploi de majuscules, et elle a considéré, également à juste titre, que ces juxtapositions ne sont ni inhabituelles ni frappantes ou contraires aux règles de grammaire (décision DigiFilm, point 26 ; décision DigiFilmMaker, point 27), et qu’elles seront perçues par le public pertinent, immédiatement et sans effort particulier d’analyse, comme renvoyant à l’enregistrement, au stockage et au traitement de données numériques, en particulier d’images, ainsi qu’aux supports et aux appareils et logiciels permettant ces opérations, visés dans les demandes de marque de la requérante, et non comme des indications d’origine commerciale (décision DigiFilm, points 28 à 31 ; décision DigiFilmMaker, points 29 à 32). Ainsi que le relève la chambre de recours, le message qu’expriment les marques demandées est clair, direct et immédiat. Elles ne demeurent pas vagues, d’une manière ou d’une autre, ne se prêtent pas à différentes interprétations, ne restent pas imprécises ou dans la position d’un signe « suggestif », et ce d’autant plus que la juxtaposition de leurs éléments en un seul mot ne modifie en aucune façon ni la prononciation ni le contenu conceptuel de ce dernier, mais souligne encore le contenu exact du message du fait de l’emploi d’initiales majuscules au sein du mot composé (décision DigiFilm, point 30 ; décision DigiFilmMaker, point 32).

32     Enfin, la chambre de recours a correctement relevé que, en l’absence de tout élément additionnel, graphique ou assorti d’une quelconque particularité, les marques demandées étaient dépourvues de toute note de fantaisie et ne présentaient pas le degré minimal de caractère distinctif requis, étant donné qu’elles ne sont comprises par le public pertinent que comme des indications de l’espèce et de la qualité des produits et services visés, et non comme des marques remplissant la fonction d’indication de l’origine commerciale. Cette perception des marques demandées dans un sens descriptif ne se trouve nullement empêchée par la juxtaposition des termes composant lesdites marques, cette technique étant courante et usuelle dans les domaines de la publicité et du marketing (décision DigiFilm, points 36 et 37 ; décision DigiFilmMaker, points 37 et 38).

33     Les marques demandées ne priment donc aucunement la somme des éléments qui les composent. Elles ne constituent pas non plus des néologismes ayant une signification propre et étant donc autonomes par rapport à leurs éléments constitutifs, néologismes dont il conviendrait alors de vérifier l’éventuel caractère descriptif à l’égard des produits et services litigieux, conformément à la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus.

34     Ces appréciations ne sont pas remises en cause par l’argument de la requérante selon lequel les marques demandées seraient une évocation, et non une description des produits et services litigieux. Le fait, au demeurant admis par la chambre de recours (voir décision DigiFilm, points 32 et 33, et décision DigiFilmMaker, points 34 et 35), que la photographie chimique correspond à une reproduction de type analogique d’une image, résultant des modifications chimiques d’un film exposé à la lumière, tandis que la photographie numérique ne fait pas appel à un film de ce type, mais correspond à une reproduction de type numérique, résultant de la mesure, point par point, de la lumière et de sa conversion en signaux électriques numériques, n’entraîne pas la conséquence que les marques demandées sont seulement évocatrices (ou, pour reprendre l’expression de la requérante, « parlantes ») à l’égard des produits et services litigieux. En effet, le Tribunal considère, à l’instar de la chambre de recours, que le public pertinent, même dans la mesure où il pourrait être conscient du détail de ces opérations techniques, ne s’y arrêtera pas et appellera une séquence d’images numériques un film numérique. Partant, c’est à tort que la requérante revendique un caractère seulement évocateur pour les marques demandées. Dans ce cadre, elle ne peut se prévaloir de l’arrêt UltraPlus, point 17 supra, dans lequel le Tribunal a jugé que le signe UltraPlus ne désignait pas une qualité ou une caractéristique des produits en cause (des plats pour le four) directement compréhensible pour le consommateur, mais vantait, indirectement et de façon abstraite, l’excellence de ces produits et relevait ainsi de l’évocation, et non de la désignation au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 (voir points 25 et 27 de l’arrêt).

35     Quant à l’argument de la requérante tiré du manque de pertinence des références Internet trouvées par l’examinateur et du fait que la chambre de recours s’y serait référé sans les examiner en détail, il n’est pas de nature à remettre en cause la conclusion selon laquelle les marques demandées sont descriptives des produits et services litigieux. En effet, l’examen des signes DigiFilm et DigiFilmMaker, pris en eux-mêmes, suffit pour conclure qu’ils sont, du point de vue du consommateur anglophone moyen, descriptifs des produits et services litigieux, sans qu’il soit besoin, de surcroît, de se référer aux nombreuses références Internet trouvées par l’examinateur (2 670 références au terme « digifilm », et 53 500 références à l’expression « digital film »), lesquelles, au demeurant, ne font que corroborer l’analyse de la chambre de recours.

36     S’agissant de l’argument selon lequel les marques demandées ne figureraient pas dans les dictionnaires et devraient être enregistrées conformément aux principes dégagés dans l’arrêt Procter & Gamble/OHMI, point 19 supra (points 43 et 44), il doit être rejeté. En effet, à la différence du signe verbal Baby-dry, dont la Cour a, dans cet arrêt, considéré qu’il constituait une juxtaposition inhabituelle de termes et qu’il avait, de ce fait, un caractère distinctif, les signes DigiFilm et DigiFilmMaker résultent, comme l’a relevé la chambre de recours, de juxtapositions dépourvues de toute originalité de termes descriptifs, lesquelles juxtapositions seront perçues par le consommateur anglophone moyen comme la désignation des produits et services litigieux ou de leurs caractéristiques essentielles, et non comme une indication d’origine commerciale. Le fait que les marques demandées ne soient pas citées dans les dictionnaires en tant que telles ne modifie en aucune manière cette appréciation [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 janvier 2000, DKV/OHMI (COMPANYLINE), T‑19/99, Rec. p. II‑1, point 26, et du 26 octobre 2000, Harbinger/OHMI (TRUSTEDLINK), T‑345/99, Rec. p. II‑3525, point 37].

37     Enfin, en ce qui concerne l’argument de la requérante tiré du fait que l’OHMI aurait enregistré de nombreuses marques proches des marques demandées, il convient de rappeler, ainsi que la requérante l’a admis à l’audience, que les décisions des chambres de recours concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire, prises en vertu du règlement n° 40/94, relèvent de la compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge communautaire, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de celles-ci [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 66 ; du 3 juillet 2003, Best Buy Concepts/OHMI (BEST BUY), T‑122/01, Rec. p. II‑2235, point 41 ; du 21 avril 2004, Concept/OHMI (ECA), T‑127/02, non encore publié au Recueil, point 71, et du 16 mars 2005, L’Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T‑112/03, non encore publié au Recueil, point 68].

38     Il résulte des considérations qui précèdent que la chambre de recours n’a pas violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 lorsqu’elle a considéré que les signes verbaux DigiFilm et DigiFilmMaker sont descriptifs des produits et services litigieux et qu’ils ne peuvent, de ce fait, être enregistrés.

39     Le premier moyen doit donc être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

40     La requérante fait valoir que les décisions attaquées sont viciées dès lors que la chambre de recours a considéré que le fait de satisfaire aux conditions d’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 entraîne, de manière quasi automatique, l’absence de tout caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement. En tout état de cause, dès lors que, contrairement aux appréciations de la chambre de recours, les marques demandées ne seraient pas descriptives, il n’y aurait même pas d’indice de leur prétendue absence totale de caractère distinctif.

41     L’OHMI conteste avoir violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Appréciation du Tribunal

42     Il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 qu’il suffit qu’un des motifs absolus de refus énumérés s’applique, en l’espèce celui tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque communautaire [arrêt COMPANYLINE, point 36 supra, point 30, et ordonnance du Tribunal du 27 mai 2004, Irwin Industrial Tool/OHMI (QUICK-GRIP), T‑61/03, non encore publiée au Recueil, point 35].

43     En outre, il convient de relever que, si chacun des motifs absolus de refus d’enregistrement mentionnés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 est indépendant des autres et exige un examen séparé, il existe un chevauchement évident des champs d’application respectifs des motifs énoncés aux points b), c) et d) de cette disposition (voir, par analogie, arrêt Postkantoor, point 23 supra, point 85).

44     En particulier, une marque verbale qui, comme en l’espèce, est descriptive des caractéristiques de produits ou de services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, est, de ce fait, nécessairement dépourvue de caractère distinctif au regard de ces mêmes produits ou services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement (voir, par analogie, arrêt Postkantoor, point 23 supra, point 86).

45     Eu égard à ces considérations, et dès lors que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, dans les décisions attaquées, que l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 s’oppose à l’enregistrement des marques demandées, s’agissant des produits et services litigieux, le second moyen doit être rejeté comme inopérant.

46     Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter les présents recours.

 Sur les dépens

47     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      La requérante est condamnée aux dépens.


Vilaras

Dehousse

Šváby

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 septembre 2005.

Le greffier

 

      Le président


H. Jung

 

      M. Vilaras


* Langue de procédure : l’allemand.