Language of document : ECLI:EU:T:2021:713

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

20 octobre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque figurative PINAR Süzme Peynir – Marque internationale figurative antérieure Süzme Peynir – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 » 

Dans l’affaire T‑559/20,

Yadex International GmbH, établie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), représentée par Me N. Johnson, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Sütas Süt Ürünleri AS, établie à Bursa (Turquie), représentée par Me O. Ruhl, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 2 juillet 2020 (affaire R 2127/2019-1), relative à une procédure d’opposition entre Sütas Süt Ürünleri et Yadex International,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. C. Iliopoulos et R. Norkus (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 septembre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 22 février 2021,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 24 février 2021,

vu la décision du 31 mars 2021 rejetant la demande de jonction des affaires T‑559/20 et T‑560/20,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 9 novembre 2017, la requérante, Yadex International GmbH, a obtenu auprès du bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) l’enregistrement international désignant l’Union européenne portant le numéro 1394295. Le 22 mars 2018, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) a reçu notification de l’enregistrement international, en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

2        La marque faisant l’objet de l’enregistrement international désignant l’Union européenne est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels la protection a été demandée relèvent de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Beurre ; beurre de crème ; lait caillé ; desserts lactés ; sauces [produits laitiers] ; matières grasses à tartiner provenant de produits laitiers ; fromage à la crème ; yaourts ; boissons au yaourt ; fromages ; sauces au fromages ; fromage blanc ; fromage à pâte dure ; mélanges de fromages ; képhir [boisson lactée] ; margarine ; lait ; crème de lait [yaourt] ; boissons lactées ou boissons contenant du lait ; produits laitiers ; lait en poudre à usage alimentaire ; milkshakes ; petit lait ; produits laitiers ; quark ; crème [produits laitiers] ; huiles comestibles ; graisses comestibles ; soja [succédané du lait] ; lait de riz [succédanés du lait] ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 58/2018, du 23 mars 2018.

5        Le 20 juillet 2018, l’intervenante, Sütas Süt Ürünleri AS, a formé opposition, au titre de l’article 46 du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 196 du même règlement, à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur l’enregistrement international antérieur désignant l’Union européenne de la marque figurative no 1161474, reproduite ci-dessous, enregistrée le 21 mars 2013 pour les produits relevant de la classe 29 et correspondant, notamment, à la description suivante : « Lait et produits laitiers, à savoir lait, fromage, yaourts, ayran (boisson à base de yaourt), crème, lait en poudre, boissons à base de lait, boissons à base de lait contenant des fruits, képhir (boisson lactée) ; huiles et graisses comestibles, beurre, margarine » :

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7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

8        Le 23 juillet 2019, la division d’opposition a accueilli l’opposition pour l’ensemble des produits en cause en concluant, en substance, à l’existence d’un risque de confusion.

9        Le 23 septembre 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 2 juillet 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, cette dernière a considéré, premièrement, que le public pertinent était composé du grand public situé sur le territoire de l’Union européenne et dont le niveau d’attention était inférieur à la moyenne. À l’instar de la division d’opposition et pour des raisons d’économie de procédure, la chambre de recours a décidé qu’il convenait d’apprécier l’existence d’un risque de confusion sur la base de la partie anglophone de ce public, à savoir le public situé en Irlande, à Malte et au Royaume-Uni. Deuxièmement, elle a relevé que les produits en cause étaient identiques, très similaires et similaires. Troisièmement, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient une similitude visuelle et phonétique moyenne. D’un point de vue conceptuel, la chambre de recours a constaté que les éléments verbaux des signes en conflit étaient dépourvus de signification pour une partie significative du public anglophone et que la différence conceptuelle ne pouvait pas être établie sur la base d’un élément figuratif descriptif présent dans la marque antérieure. En tout état de cause, dès lors que seul un des signes véhiculait un concept, les signes en conflit n’étaient, selon la chambre de recours, pas similaires. Quatrièmement, ladite chambre a considéré que la marque antérieure était pourvue d’un caractère distinctif intrinsèque normal. Partant, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit, conformément à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et faire droit à son recours du 23 septembre 2019 contre la décision de la division d’opposition du 23 juillet 2019 ;

–        condamner l’intervenante aux dépens, y compris ceux exposés au cours de la procédure de recours.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens qu’il a exposés.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En particulier, la requérante conteste la définition du public pertinent, l’appréciation de la similitude entre les signes en conflit et l’appréciation du caractère distinctif de la marque antérieure ainsi que les conclusions que la chambre de recours a tirées, lors de l’appréciation globale du risque de confusion, de ses précédentes constatations.

15      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

16      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. En vertu de l’article 196, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, tout enregistrement international désignant l’Union européenne est soumis à la même procédure d’opposition que les demandes de marque de l’Union.

17      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

18      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

19      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

20      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que, dans la mesure où la marque antérieure était un enregistrement international désignant l’Union européenne, le territoire pertinent était celui de l’Union. Toutefois, pour des raisons d’économie de procédure, ladite chambre a décidé qu’il convenait d’apprécier l’existence d’un risque de confusion sur la base de la partie anglophone du public de ce territoire, à savoir le public situé en Irlande, à Malte et au Royaume-Uni. En ce qui concerne la composition du public et son niveau d’attention, ladite chambre a considéré qu’il était composé du grand public qui était doté d’un niveau d’attention inférieur à la moyenne, compte tenu que les produits en cause étaient des produits de consommation courante peu onéreux.

21      La requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours figurant aux points 18 et 19 selon laquelle le public pertinent est constitué des consommateurs moyens du grand public situé sur le territoire de l’Union européenne. En revanche, sans remettre directement en cause le niveau d’attention du public pertinent, la requérante soutient que la chambre de recours a correctement considéré que ce dernier était doté d’un niveau d’attention moyen. La requérante fait également valoir que la chambre de recours a commis une erreur dans le profil linguistique du public pertinent qu’elle a retenu dans son analyse de l’existence d’un risque de confusion. En effet, seuls les consommateurs turcophones de l’Union européenne seraient visés par les produits portant la désignation « süzme peynir ». De plus, selon la requérante, ces produits sont proposés exclusivement sur des marchés ethniques spécifiquement destinés à la communauté d’origine turque et turcophone.

22      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

23      En premier lieu, en ce qui concerne le profil linguistique du public pertinent, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, que, dans la mesure où l’enregistrement international de la marque figurative antérieure désigne l’Union européenne, le territoire pertinent est l’Union dans son ensemble. Il n’y a donc pas lieu de limiter le public pertinent au seul public turcophone situé sur le territoire de l’Union dès lors que l’absence de risque de confusion pour ce public ne saurait exclure l’existence d’un tel risque pour le public non-turcophone sur ce territoire [voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2016, LG Developpement/OHMI – Bayerische Motoren Werke (MINICARGO), T‑160/15, non publié, EU:T:2016:137, point 19].

24      Quant au choix de la chambre de recours de fonder son appréciation sur le public anglophone, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour refuser l’enregistrement d’une marque européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 2017/1001 existe dans une partie de l’Union [voir arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que la chambre de recours pouvait limiter, pour des raisons d’économie de procédure, l’appréciation du risque de confusion au public anglophone.

25      Aucun des arguments de la requérante visant à soutenir que seuls les consommateurs turcophones constitueraient le public pertinent ne peut remettre en question la conclusion de la chambre de recours indiquée au point 24 ci-dessus.

26      Premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel seuls les consommateurs turcophones de l’Union européenne seraient visés par les produits portant la désignation « süzme peynir », il convient de constater, d’une part, qu’aucune précision dans le libellé de la demande d’enregistrement de la marque figurative PINAR Süzme Peynir ne permet de considérer que les produits en cause sont exclusivement destinés à une clientèle d’origine turque et turcophone. En effet, les termes généraux utilisés pour la désignation des produits dans cette demande suggèrent plutôt que ces produits sont destinés à la clientèle moyenne habituelle des produits alimentaires [voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2003, Oriental Kitchen/OHMI – Mou Dybfrost (KIAP MOU), T‑286/02, EU:T:2003:311, point 32].

27      D’autre part, il convient de constater que le simple fait que l’élément verbal « süzme peynir » a une signification pour le public turcophone ne suffit pas pour établir et définir une catégorie particulière de consommateurs visée par la demande d’enregistrement de la marque figurative PINAR Süzme Peynir [voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2003, Oriental Kitchen/OHMI – Mou Dybfrost (KIAP MOU), T‑286/02, EU:T:2003:311, point 33].

28      En tout état de cause, à supposer que des produits alimentaires soient conçus pour convenir aux goûts d’une catégorie ciblée de consommateurs, rien n’empêche que ces produits puissent être également appréciés et achetés par l’ensemble plus vaste du grand public des États membres de l’Union.

29      De surcroît, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle les produits portant la désignation « süzme peynir » seraient proposés exclusivement sur des marchés ethniques spécifiquement destinés à la communauté d’origine turque et turcophone, outre le caractère non étayé de ladite allégation, il convient de rappeler que les modalités de commercialisation particulières des produits désignés par les marques pouvant varier dans le temps et suivant la volonté des titulaires de ces marques, l’analyse prospective du risque de confusion entre deux marques, qui poursuit un but d’intérêt général, à savoir celui que le public pertinent ne puisse courir le risque d’être induit en erreur à propos de l’origine commerciale des produits en cause, ne saurait dépendre des intentions commerciales, réalisées ou non, et par nature subjectives, des titulaires des marques [arrêt du 12 janvier 2006, Devinlec/OHMI – TIME ART (QUANTUM), T‑147/03, EU:T:2006:10, point 104].

30      Il résulte de ce qui précède que l’argument de la requérante selon lequel le public pertinent serait constitué des seuls consommateurs turcophones n’est pas fondé.

31      En deuxième lieu, en ce qui concerne le niveau d’attention du public pertinent, il convient de constater que l’affirmation de la requérante, selon laquelle la chambre de recours a conclu au niveau d’attention moyen du public pertinent à l’égard des produits en cause est fondée sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, il résulte du point 18 de ladite décision que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un niveau d’attention inférieur à la moyenne et non moyen.

32      En tout état de cause, il convient de constater que compte tenu des considérations liées à la nature des produits en cause qui sont des produits alimentaires de grande consommation, achetés fréquemment et à un prix peu onéreux, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que le niveau d’attention du public pertinent à l’égard des produits en cause sera inférieur à la moyenne [voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2015, Lidl Stiftung/OHMI – Horno del Espinar (Castello), T‑715/13, non publié, EU:T:2015:256, point 26].

33      Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que le niveau d’attention du public pertinent était inférieur à la moyenne.

 Sur la comparaison des produits et des services

34      La requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours, au point 23 de la décision attaquée, selon laquelle les produits visés aux points 3 et 6 ci-dessus sont identiques, très similaires et similaires. Au demeurant, aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause cette appréciation.

 Sur la comparaison des signes en conflit

35      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

36      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les signes en conflit, considérés chacun dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (voir, en ce sens, arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, points 41 et 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

37      En l’espèce, la marque antérieure se compose de l’élément verbal « süzme peynir » et d’un élément figuratif. L’élément verbal est écrit en bleu et placé au centre, bien que légèrement décalé vers le haut, de l’élément figuratif en forme d’ovale représentant deux vaches dans un décor de ferme rurale, lesquelles se trouvent sous l’élément verbal.

38      La marque demandée, quant à elle, se compose de plusieurs éléments verbaux et d’éléments figuratifs. En ce qui concerne les éléments verbaux, la marque demandée contient, dans sa partie supérieure, l’élément verbal « pinar », écrit en gras, en lettres majuscules de couleur verte, entouré de différents ornements de couleur bleu, verte et rouge, de tailles diverses. Dans la partie inférieure, la marque demandée comporte les éléments verbaux « süzme » et « peynir » placés l’un en-dessous de l’autre et tous les deux écrits en bleu. L’élément « peynir » comporte, en sa partie inférieure, une ligne bleue, légèrement inclinée.

 Sur les éléments distinctifs et dominants des signes en conflit

39      Selon la jurisprudence, pour déterminer le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’apprécier l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [ordonnance du 3 mai 2018, Siberian Vodka/EUIPO – Schwarze und Schlichte (DIAMOND ICE), T‑234/17, non publiée, EU:T:2018:259, point 38].

40      Aux fins d’apprécier le caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ses composants en les comparant à celles des autres composants. En outre, et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêts du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 35, et du 8 février 2007, Quelle/OHMI – Nars Cosmetics (NARS), T‑88/05, non publié, EU:T:2007:45, point 58].

41      Ainsi, il y a lieu de rappeler que lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence aux services en cause en citant le nom de la marque qu’en décrivant l’élément figuratif de celle-ci [voir arrêts du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 39, et du 25 mai 2016, Ice Mountain Ibiza/EUIPO – Marbella Atlantic Ocean Club (ocean ibiza), T‑6/15, non publié, EU:T:2016:310, point 45 et jurisprudence citée].

42      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier l’existence éventuelle d’éléments distinctifs et dominants dans les signes en conflit.

43      S’agissant des éléments distinctifs et dominants de la marque antérieure, au point 28 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que l’élément verbal « süzme peynir » était distinctif à l’égard des produits en cause dès lors qu’il n’avait pas de sens pour une partie substantielle du public anglophone. Selon la chambre de recours, l’élément verbal jouait un rôle essentiel et était le plus distinctif par rapport à l’élément figuratif, à savoir une représentation, dans un cadre ovale, de deux vaches dans une scène agricole rurale, lequel présentait un lien avec les produits en cause. Dès lors, ainsi qu’il résulte de l’ensemble de la décision attaquée et, notamment, des points 30, 32 et 37 de ladite décision, la chambre de recours a considéré que ledit élément était dépourvu de caractère distinctif.

44      En ce qui concerne la marque demandée, au point 29 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que les éléments verbaux « pinar » et « süzme peynir » n’avaient aucune signification pour une partie substantielle du public pertinent. En raison de leur absence de signification, la chambre de recours a considéré que lesdits éléments verbaux étaient également co-dominants dans l’impression d’ensemble de la marque demandée. Quant aux éléments figuratifs de ladite marque, à savoir l’utilisation de couleurs, de polices de caractères et d’ornements mineurs autour de l’élément « pinar », la chambre de recours a décidé qu’ils ne jouaient pas un rôle important dans l’impression d’ensemble de la marque demandée, bien qu’ils ne soient pas négligeables.

45      Sans contester la conclusion de la chambre de recours relative au rôle essentiel qu’occupe l’élément verbal « süzme peynir » dans la marque antérieure, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir à tort considéré que, d’une part, l’élément verbal « süzme peynir » revêtait un caractère distinctif pour les produits en cause. En particulier, la requérante fait valoir, en substance, que, étant donné qu’une large partie du public pertinent, connaissant la langue turque, le comprendrait comme signifiant « fromage filtré », ledit élément verbal serait alors descriptif à l’égard des produits en cause. En tout état de cause, selon la requérante, même un consommateur non turcophone reconnaîtra que ledit élément constitue une désignation turque du produit proposé, voire une désignation d’un produit déterminé de la marque PINAR.

46      D’autre part, en ce qui concerne la marque demandée, la chambre de recours aurait erronément considéré que l’élément verbal « pinar » de ladite marque constituait un élément secondaire dans l’impression d’ensemble produite par ladite marque. Selon la requérante, ledit élément joue un rôle dominant dans la marque demandée compte tenu de sa configuration typique pour un nom de marque et de son positionnement au-dessus de l’élément verbal descriptif « süzme peynir ».

47      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

48      À titre liminaire, il convient de constater que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que l’élément figuratif de la marque antérieure, à savoir une représentation, dans un cadre ovale, de deux vaches dans une scène agricole rurale, présentait un lien avec les produits en cause et, par conséquent, devait être considéré comme descriptif pour ces produits, ce qui n’est pas contesté par les parties. De plus, il est également constant entre les parties que l’élément verbal « pinar », présent dans la marque demandée, n’a pas de signification pour le public pertinent et est distinctif à l’égard des produits en cause.

49      Cela étant précisé, en premier lieu, en ce qui concerne le caractère distinctif de l’élément verbal « süzme peynir », commun aux signes en conflit, il convient de considérer que c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que ledit élément était dépourvu de signification pour une partie substantielle du public anglophone et était dès lors distinctif à l’égard des produits en cause.

50      Aucun des arguments de la requérante ne peut remettre en question cette conclusion de la chambre de recours.

51      S’agissant, premièrement, de l’argument de la requérante selon lequel une large partie du public pertinent connaîtrait la langue turque et, dès lors, comprendrait la signification de l’élément verbal « süzme peynir » comme étant descriptive des produits en cause, il convient de rappeler, ainsi qu’il résulte des points 23 à 30 ci-dessus, que le public pertinent en l’espèce est constitué des consommateurs anglophones.

52      Certes, ainsi que l’a constaté la chambre de recours dans la décision attaquée, il existe une communauté d’origine turque au sein du public anglophone, situé en Irlande, à Malte et au Royaume-Uni, qui comprendra la signification de l’élément verbal « süzme peynir » en tant que référence au « fromage filtré/fromage blanc ». Toutefois, l’existence d’une telle communauté au sein du public anglophone ne permet pas de conclure à la connaissance, par une large partie du public pertinent, du turc et, par conséquent, au caractère descriptif de l’élément verbal « süzme peynir » à l’égard des produits en cause pour ce public. En effet, le dossier ne contient aucun élément permettant d’établir qu’une partie significative du public pertinent dispose de connaissances de la langue turque suffisantes pour comprendre cette signification, ni davantage que la partie de ce même public qui ne comprend pas ladite signification serait insignifiante (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2002, MATRATZEN, T‑6/01, EU:T:2002:261, point 38).

53      Deuxièmement, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle même un consommateur non turcophone comprendrait l’élément verbal « süzme peynir » comme une désignation turque des produits en cause, il suffit de constater, comme le soulève à juste titre l’EUIPO, que la compréhension d’une langue étrangère ne peut en général être présumée [voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, Space Beach Club/OHMI – Flores Gómez (SpS space of sound), T‑144/10, EU:T:2011:243, point 63 et jurisprudence citée]. À cet égard, il convient de relever qu’aucun élément du dossier ne permet de considérer qu’un consommateur anglophone aurait connaissance de la langue turque, ce qui n’est du reste pas un fait notoire. Dans ces conditions, il ne saurait être présumé que le public anglophone comprendra le terme turc « süzme peynir », ni qu’il lui attribuera forcément le sens de « fromage filtré/fromage blanc ». Dès lors, l’affirmation de la requérante, non étayée par les éléments de preuve, doit être écartée.

54      En second lieu, s’agissant, premièrement, de la contestation de la requérante selon laquelle la chambre de recours aurait à tort considéré que l’élément verbal « pinar » occupe un rôle secondaire dans l’impression d’ensemble de la marque demandée, il convient de constater qu’une telle contestation résulte d’une lecture erronée de la décision attaquée. À cet égard, il importe de rappeler, ainsi qu’il résulte de ladite décision, que la chambre de recours n’a pas considéré l’élément verbal « pinar » de la marque demandée en tant qu’élément secondaire, mais a constaté, au point 29 de la décision attaquée, que, étant donné que cet élément était, en substance distinctif à l’égard des produits en cause, il constituait, conjointement avec l’élément verbal « süzme peynir », l’élément co-dominant de la marque demandée.

55      Deuxièmement, il convient de constater, contrairement à ce qu’allègue la requérante, qu’il n’est pas établi, en l’espèce, que l’élément verbal « pinar », en raison de sa configuration prétendument typique pour un nom d’une marque et de son positionnement, jouerait à lui seul un rôle dominant, voire exercerait à lui seul la fonction d’indication d’origine, dans la marque demandée.

56      Il est certes vrai que la position et les caractéristiques de l’élément verbal « pinar », invoquées par la requérante, à savoir notamment les mises en relief colorées et la police en lettres majuscules ainsi que sa bonne lisibilité, constituent des éléments visant à mettre en valeur ledit élément verbal, même avoir un impact sur sa bonne lisibilité. Toutefois, il n’en demeure pas moins que, en raison de sa taille plus importante que celle de l’élément verbal « pinar », de sa stylisation et du soulignement dans sa partie inférieure, l’élément verbal « süzme peynir » sera également de nature à s’imposer à la perception du consommateur et à être gardé en mémoire par celui-ci.

57      Il convient d’ajouter que l’élément verbal « süzme peynir », tout comme l’élément verbal « pinar », n’a pas de sens pour le public pertinent (voir points 48 à 52 ci-dessus). Or, l’absence de signification de ces éléments à l’égard des produits en cause qui sont a fortiori distinctifs à l’égard desdits produits renforce leur caractère dominant dans l’appréciation d’ensemble de la marque demandée [voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, Gitana/OHMI – Teddy (GITANA), T‑569/11, non publié, EU:T:2013:462, point 57, et la jurisprudence citée].

58      Ainsi, il y a lieu de constater, contrairement à ce que fait valoir la requérante, que l’impression d’ensemble produite par la marque demandée dans la mémoire du public anglophone est dominée, conjointement, autant par l’élément verbal « pinar » que par l’élément verbal « süzme peynir ».

59      Troisièmement, il n’est pas établi que même un consommateur non turcophone comprendra que l’élément « süzme peynir » désigne un produit déterminé de la marque PINAR en raison de sa police simple et de son positionnement sous l’élément verbal « pinar ». En effet, ces deux caractéristiques ne sont pas susceptibles, à elles seules, de démontrer que le public non turcophone comprendrait l’élément verbal « süzme peynir » comme une désignation d’un produit déterminé de la marque PINAR, d’autant plus que ledit élément verbal est dépourvu de signification pour le public anglophone (voir points 49 à 52 ci-dessus). En tout état de cause, compte tenu du caractère co-dominant des éléments verbaux « pinar » et « süzme peynir » ainsi que du caractère distinctif de l’élément verbal « süzme peynir », il convient de considérer que l’argument de la requérante, selon lequel ce dernier élément verbal devrait être considéré comme une désignation d’un produit déterminé de la marque PINAR, n’est pas fondé.

60      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les contestations de la requérante sur les éléments distinctifs et dominants des signes en conflit.

 Sur la similitude visuelle

61      La chambre de recours a considéré, au point 30 de la décision attaquée, que les signes en conflit partageaient l’élément verbal « süzme peynir », ce dernier étant le plus distinctif de la marque antérieure et repris dans la marque demandée en tant qu’élément indépendant et observable. Elle a relevé que les signes en conflit différaient par l’élément verbal « pinar » ainsi que par les éléments graphiques l’accompagnant, présents dans la marque demandée, et par les éléments figuratifs de la marque antérieure, à savoir une représentation, dans un cadre ovale, de deux vaches dans une scène agricole rurale. La chambre de recours a conclu à l’existence d’une similitude visuelle moyenne entre les signes en conflit.

62      La requérante conteste cette appréciation de la chambre de recours. Elle considère que, en dépit de la similitude résultant de la présence de l’élément verbal « süzme peynir », les signes en conflit sont visuellement différents. Premièrement, la requérante fait valoir que la configuration de l’élément verbal « süzme peynir » dans les signes en conflit présente des différences non négligeables. En particulier, celles-ci résulteraient du fait que, dans la marque antérieure, les mots « süzme » et « peynir » sont placés l’un à côté de l’autre et s’insèrent dans la représentation du paysage tandis que, dans la marque demandée, ils sont placés l’un au-dessus de l’autre et sont représentés sans autres éléments graphiques.

63      Deuxièmement, selon la requérante, les signes en conflit diffèrent par l’élément verbal « pinar » qui constituerait l’élément dominant de la marque demandée. Enfin, elle fait valoir que la similitude entre les signes en conflit ne coïncide pas dans leur impression d’ensemble ce qui empêcherait de les considérer comme visuellement similaires.

64      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

65      En premier lieu, il convient de constater que l’élément verbal « süzme peynir », qui constitue l’élément le plus distinctif de la marque antérieure, est entièrement inclus dans la marque demandée, dans la même couleur bleue, en lettres minuscules, à l’exception des initiales, et dans une police de caractères très similaire.

66      À cet égard, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la configuration des termes « süzme peynir » dans les signes en conflit n’est pas telle qu’elle permettrait de créer une différence non négligeable entre lesdits signes d’un point de vue visuel. En effet, bien que, dans la marque antérieure, les deux mots soient placés l’un à côté de l’autre tandis que, dans la marque demandée, ils sont situés l’un au-dessus de l’autre, ces deux mots seront, en tout état de cause, perçus comme formant un ensemble indissociable en raison de la police de caractères et de la couleur identiques dans chaque signe [voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2012, Ella Valley Vineyards/OHMI – HFP (ELLA VALLEY VINEYARDS), T‑32/10, EU:T:2012:118, point 43], créant donc une impression visuelle similaire entre les signes en conflit. Tel est, à plus forte raison, le cas en l’espèce dès lors que, conformément à la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus, le consommateur perçoit normalement une marque comme un tout sans se livrer à un examen de ses différents détails.

67      Par ailleurs, cette impression visuelle similaire ne serait éliminée ni par l’insertion de l’élément verbal « süzme peynir » sur l’élément figuratif présent dans la marque antérieure, à savoir une représentation, dans un cadre ovale, de deux vaches dans une scène agricole rurale, ni par la présence de l’élément verbal supplémentaire « pinar », entouré de différents ornements de couleur bleu, verte et rouge, de tailles diverses, dans la marque demandée. En effet, d’une part, les éléments figuratifs de la marque antérieure sont dépourvus de caractère distinctif pour les produits en cause (voir point 48 ci-dessus) et dès lors moins susceptibles de s’imposer dans l’impression visuelle.

68      D’autre part, il convient de rappeler, contrairement à ce qui est suggéré par la requérante, que l’élément verbal « pinar » ne constitue pas le seul élément dominant de la marque demandée mais co-domine celle-ci avec l’élément verbal « süzme peynir ». Ainsi, l’élément verbal « süzme peynir » est autant de nature à s’imposer à la perception du consommateur et à être gardé en mémoire par celui-ci que l’élément verbal « pinar ». Or, dans ces circonstances, s’il est vrai que la présence de l’élément verbal supplémentaire « pinar » dans la marque demandée marque une différence entre les signes en conflit du point du vue visuel, elle n’est pas susceptible d’écarter la similitude visuelle créée par l’élément commun « suzme peynir » qui co-domine la marque demandée et est, par ailleurs, l’élément le plus distinctif de la marque antérieure [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 mai 2007, La Perla/OHMI – Worldgem Brands (NIMEI LA PERLA MODERN CLASSIC), T‑137/05, non publié, EU:T:2007:142, point 46].

69      Dès lors, au regard des ressemblances entre les signes en conflit constatées aux points 65 à 68 ci-dessus, la requérante ne saurait se prévaloir de l’absence de coïncidence des signes en conflit dans leur impression d’ensemble sur le plan visuel.

70      Partant, il convient d’approuver la conclusion de la chambre de recours relative à l’existence de la similitude visuelle moyenne entre les signes en conflit.

 Sur la similitude phonétique

71      La chambre de recours a considéré, au point 31 de la décision attaquée, que les signes en conflit coïncidaient dans la prononciation de l’élément verbal commun « süzme peynir ». Lesdits signes différaient par la prononciation du mot « pinar », présent dans la seule marque demandée. Toutefois, compte tenu du fait, d’une part, que l’élément verbal « süzme peynir » constituait l’élément le plus distinctif de la marque antérieure ainsi qu’il était entièrement repris dans la marque demandée et, d’autre part, que les éléments figuratifs des signes en conflit ne pouvaient pas être désignés oralement, la chambre de recours a conclu à la similitude phonétique moyenne entre les signes en conflit.

72      La requérante conteste cette appréciation de la chambre de recours. Elle estime que pour conclure à la similitude phonétique entre les signes en conflit, il convient de prendre en compte l’impression d’ensemble produite par lesdits signes, laquelle est déterminée par l’intonation et, notamment, par l’ordre ainsi que l’accentuation des syllabes dans la prononciation des signes en conflit. Selon la requérante, la marque antérieure ne possède pas d’équivalent de l’élément « pinar » qui, en raison de son positionnement en tant que premier élément verbal, joue un rôle dominant dans la marque demandée. Dès lors, les signes en conflit seraient phonétiquement similaires à un degré tout au plus inférieur à la moyenne.

73      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

74      S’agissant de la prononciation des différents éléments composant les signes en conflit, il convient de relever, comme l’a constaté à juste titre la chambre de recours, qu’il n’y a pas lieu de tenir compte des éléments figuratifs aux fins de la comparaison des signes en conflit sur le plan phonétique. Dès lors, l’absence de prise en compte des éléments figuratifs lors de la comparaison phonétique des signes en conflit rend les similitudes entre ceux-ci plus évidentes que dans la comparaison visuelle [voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2016, LR Health & Beauty Systems/OHMI – Robert McBride (LR nova pure.), T‑202/14, non publié, EU:T:2016:28, point 78 et jurisprudence citée].

75      Par conséquent, il convient de constater que seuls les éléments verbaux des signes en conflit, à savoir l’élément verbal « süzme peynir » de la marque antérieure et les éléments verbaux « pinar » et « süzme peynir » de la marque demandée seront prononcés par les consommateurs en cause.

76      Cela étant constaté, il convient de considérer que c’est à juste titre que la chambre de recours, se fondant sur la prononciation à l’identique de l’élément verbal « süzme peynir » dans les signes en conflit, a conclu à la similitude phonétique moyenne entre ces derniers.

77      En effet, aucun des arguments de la requérante visant à soutenir que la similitude phonétique devrait être considérée comme étant tout au plus inférieure à la moyenne ne peut remettre en cause cette conclusion.

78      Premièrement, s’il est certes vrai, comme le fait valoir la requérante, que l’ordre et l’accentuation des syllabes constituent des facteurs importants pour apprécier la similitude phonétique entre les signes en conflit, il convient de constater que la requérante n’explique pas quelles conséquences lesdits facteurs auraient, en l’espèce, sur la légalité de la conclusion de la chambre de recours concernant la similitude phonétique entre lesdits signes.

79      Deuxièmement, s’il est également vrai que le consommateur prête généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin, il convient néanmoins de rappeler que cette considération ne saurait valoir dans tous les cas et remettre en cause le principe selon lequel l’examen de la similitude des marques doit prendre en compte l’impression d’ensemble produite par celles-ci [voir arrêt du 9 septembre 2008, Honda Motor Europe/OHMI – Seat (MAGIC SEAT), T‑363/06, EU:T:2008:319, point 38 et jurisprudence citée].

80      Au demeurant, il convient de rappeler que l’élément verbal « süzme peynir », commun aux signes en conflit, bien qu’il ne soit pas placé dans la partie initiale de la marque demandée, co-domine cette dernière avec l’élément verbal « pinar » (voir points 54 à 58 ci-dessus). Il en résulte, contrairement à ce qui est suggéré par la requérante, que la différence qu’entraîne la prononciation de l’élément verbal « pinar » n’est pas susceptible de remettre en cause la similitude phonétique moyenne résultant de la présence dans les signes en cause de l’élément verbal commun « süzme peynir ».

81      Par conséquent, il y a lieu de rejeter la contestation de la requérante relative au degré de similitude phonétique entre les signes en conflit comme étant non fondée.

 Sur la similitude conceptuelle

82      La chambre de recours a considéré, au point 32 de la décision attaquée, que les éléments verbaux des signes en conflit n’avaient pas de signification pour une partie substantielle du public anglophone et que le seul élément figuratif de la marque antérieure évoquait un concept d’exploitation agricole. Toutefois, dès lors que ledit élément était descriptif, il ne pouvait établir une différence conceptuelle entre les signes en conflit. La chambre de recours a considéré que, en tout état de cause, dès lors que seule la marque antérieure évoquait un concept, les signes n’étaient pas conceptuellement similaires.

83      La requérante fait valoir que les signes en conflit ne sont que très faiblement similaires sur le plan conceptuel. À cet égard, elle estime que l’absence de caractère distinctif ou un caractère distinctif faible d’une partie des signes en conflit ne fait pas obstacle à ce que la similitude conceptuelle soit reconnue, bien que celle-ci ne puisse pas être que faible en l’espèce. Par ailleurs, l’élément « pinar », présent dans la marque demandée, marquerait un écart conceptuel entre les signes en conflit.

84      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

85      Il convient de relever que la requérante ne précise pas sur quel élément faiblement distinctif, voire dépourvu du caractère distinctif, elle considère comme fondée la faible similitude conceptuelle entre les signes en conflit. Toutefois, à la lumière des autres arguments soulevés par la requérante dans sa requête, il y a lieu de comprendre cet argument comme visant à limiter toute similitude conceptuelle entre les signes en conflit dans l’éventualité où le Tribunal considèrerait, comme elle le soutient, que l’élément verbal « süzme peynir » serait descriptif des produits en cause et présenterait alors un contenu conceptuel. Or, à cet égard, il suffit de rappeler, ainsi qu’il résulte des points 49 à 52 ci-dessus que la chambre de recours a constaté à juste titre l’absence de signification de cet élément verbal pour une partie substantielle du public pertinent.

86      En tout état de cause, quand bien même la requérante soutiendrait que les signes en conflit ne présentent qu’un très faible degré de similitude sur le plan conceptuel malgré le constat de l’absence de caractère descriptif de l’élément verbal « süzme peynir », il y a lieu de relever que la chambre de recours a conclu que les signes en conflit n’étaient pas conceptuellement similaires. Ainsi, c’est dans cette perspective, plus favorable à la requérante que le constat d’un très faible degré de similitude conceptuelle, dans la mesure où cette perspective pourrait, le cas échéant, permettre d’établir une différence entre les signes en conflit et de réduire un éventuel risque de confusion entre lesdits signes, qu’il conviendra d’examiner le bien-fondé de l’appréciation faite par la chambre de recours de l’existence d’un risque de confusion.

87      Il résulte de l’ensemble de ces développements que les signes en conflit sont similaires sur les plans visuel et phonétique à un degré moyen tandis qu’ils ne sont pas similaires sur le plan conceptuel.

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

88      Le caractère distinctif d’une marque, au sens du règlement 2017/1001, signifie que cette marque permet d’identifier les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée, et donc de distinguer ces produits et ces services de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 22 et jurisprudence citée). Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport auxdits produits ou services et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, par analogie, arrêt du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, EU:C:2004:86, point 34 et jurisprudence citée).

89      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, au point 37 de la décision attaquée, que, du point de vue d’une partie substantielle du public pertinent, la marque antérieure était dépourvue de signification pour les produits qu’elle vise. Dès lors, ladite marque jouirait d’un caractère distinctif intrinsèque normal dans son ensemble et ce, en dépit de la présence d’un élément figuratif non distinctif, à savoir une représentation, dans un cadre ovale, de deux vaches dans une scène agricole rurale.

90      La requérante conteste cette appréciation de la chambre de recours. Selon elle, étant donné que le public pertinent est constitué des turcophones pour qui l’élément verbal de la marque antérieure « süzme peynir » signifie le « fromage filtré », et pour qui cet élément serait, à l’instar de l’élément figuratif, descriptif à l’égard des produits en cause, ladite marque serait dépourvue du caractère distinctif dans son ensemble, voire n’aurait pas dû être enregistrée.

91      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

92      À cet égard, il suffit de rappeler que c’est à juste titre, d’une part, que la chambre de recours a considéré que le public pertinent était le public anglophone, et non turcophone, et, d’autre part, que l’élément verbal « süzme peynir » n’avait pas de signification pour une partie substantielle de ce public, de sorte qu’il est distinctif. Partant, la marque antérieure, considérée dans son ensemble, n’est pas descriptive. Dès lors, la requérante n’est pas fondée à invoquer l’absence du caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure.

93      En tout état de cause, la validité d’une marque internationale antérieure désignant l’Union européenne ne peut pas être mise en cause dans le cadre d’une procédure d’enregistrement d’une marque européenne, mais uniquement dans le cadre d’une procédure de nullité [voir, par analogie, arrêts du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI, C‑196/11 P, EU:C:2012:314, point 38 ; du 11 septembre 2014, Continental Wind Partners/OHMI – Continental Reifen Deutschland (CONTINENTAL WIND PARTNERS), T‑185/13, EU:T:2014:769, point 59]. Ainsi, dans le cadre du présent recours, la requérante ne saurait valablement se prévaloir de l’absence de caractère distinctif de la marque antérieure, ou de l’illégalité de son enregistrement.

94      Dès lors, la requérante n’a pas établi que la conclusion de la chambre de recours relative au caractère distinctif intrinsèque normal de la marque antérieure serait entachée d’erreur.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

95      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

96      L’appréciation globale du risque de confusion doit cependant, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux‑ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [arrêt du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, EU:T:2003:264, point 47].

97      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que, compte tenu de l’identité et des similitudes, à des degrés divers, des produits en cause, du fait que les signes en conflit étaient similaires à un degré moyen sur les plans visuel et phonétique et du fait que ces similitudes ne pouvaient être contrebalancées par une différence sur le plan conceptuel fondée sur l’élément figuratif dépourvu de caractère distinctif de la marque antérieure, ainsi que compte tenu du caractère distinctif intrinsèque normal de ladite marque, il existait un risque de confusion pour une partie substantielle du public anglophone.

98      La requérante conteste cette conclusion. En particulier, elle fait valoir que la chambre de recours a erronément appliqué les principes selon lesquels, premièrement, la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, étant donné que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses détails et, deuxièmement, le public perçoit une marque telle qu’il la rencontre. La requérante estime également que, compte tenu du lien d’interdépendance, notamment en ce qui concerne les différences sur les plans visuel et phonétique ainsi que l’absence du caractère distinctif de la marque antérieure ou de son degré inférieur à la moyenne, les signes en conflit seraient suffisamment différents, de sorte que, en l’espèce, il ne saurait être conclu à l’existence d’un risque de confusion.

99      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

100    Force est de rappeler, ainsi qu’il résulte du point 34 ci-dessus, que les produits en cause sont identiques et similaires à des degrés divers. Il s’ensuit que, afin d’écarter le risque de confusion, cette identité et cette similitude doivent être compensées par un degré élevé de différence entre les signes.

101    En l’espèce, il convient de rappeler, ainsi qu’il résulte des constatations opérées aux points 65 à 70, 74 à 81 et 85 à 87 ci-dessus, que les signes en conflit sont visuellement et phonétiquement similaires à un degré moyen tandis qu’ils ne sont pas similaires sur le plan conceptuel.

102    Tout d’abord, si, selon la jurisprudence, les différences conceptuelles peuvent être de nature à neutraliser dans une large mesure des similitudes visuelles ou phonétiques entre des marques en conflit, c’est à la condition qu’au moins une desdites marques ait, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public soit susceptible de la saisir immédiatement (arrêt du 14 octobre 2003, BASS, T‑292/01, EU:T:2003:264, point 54). 

103    Or, en l’espèce, si la marque antérieure véhicule, dans son élément figuratif, un concept d’exploitation agricole, il convient de relever qu’un tel concept, relativement général et, en tout état de cause, fondé sur un élément dépourvu de caractère distinctif (point 48 ci-dessus), n’impliquera pas, dans le contexte des produits concernés, d’associations susceptibles de faciliter la mémorisation des signes en conflit à partir de la signification véhiculée par l’élément figuratif de la marque antérieure [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 septembre 2019, IAK - Forum International/EUIPO – Schwalb (IAK), T-497/18, non publié, EU:T:2019:689, point 92 et jurisprudence citée]. Dans ces conditions, la différence conceptuelle entre les signes en conflit n’attirera pas l’attention du public pertinent et, partant, ne saurait neutraliser les similitudes visuelle et phonétique respectivement constatées aux points 65 à 70 et 74 à 81 ci-dessus.

104    Ensuite, s’agissant de la contestation de la requérante selon laquelle la chambre de recours aurait erronément appliqué les principes énumérés au point 98 ci-dessus, outre le caractère abstrait de ladite contestation, il suffit de rappeler, ainsi qu’il résulte des points 61 à 87 ci-dessus, que la chambre de recours a, après avoir pris en considération les différents éléments des signes en conflit, à bon droit, procédé à la comparaison desdits signes dans leur ensemble, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante.

105    Enfin, il convient de rappeler, ainsi qu’il résulte du point 92 ci-dessus, que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la marque antérieure jouissait d’un caractère distinctif intrinsèque normal à l’égard des produits en cause pour le public anglophone

106    Dans ces circonstances et compte tenu de l’ensemble des éléments pertinents pris en compte par la chambre de recours dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de constater que ladite chambre n’a pas commis d’erreur en considérant que, en l’espèce, il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

107    Il résulte de tout ce qui précède que le moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être rejeté ainsi que le recours dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le chef de conclusions de la requérante visant à ce que le Tribunal fasse droit à son recours contre la décision de la division d’opposition du 23 juillet 2019.

 Sur les dépens

108    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

109    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Yadex International GmbH est condamnée aux dépens.

Marcoulli

Iliopoulos

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 octobre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.