Language of document : ECLI:EU:T:2021:42

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

27 janvier 2021 (*)

« Environnement – Financement d’une centrale électrique biomasse en Galice – Délibération du conseil d’administration de la BEI approuvant le financement – Accès à la justice en matière d’environnement – Articles 9 et 10 de la convention d’Aarhus – Articles 10 à 12 du règlement (CE) no 1367/2006 – Demande de réexamen interne – Rejet de la demande comme étant irrecevable – Recevabilité d’un moyen de défense – Obligation de motivation – Notion d’acte adopté au titre du droit de l’environnement – Notion d’acte produisant un effet juridiquement contraignant et extérieur »

Dans l’affaire T‑9/19,

ClientEarth, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par MM. J. Flynn, QC, H. Leith et Mme S. Abram, barristers,

partie requérante,

contre

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par Mmes G. Faedo et K. Carr, en qualité d’agents, assistées de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

soutenue par

Commission européenne, représentée par Mme F. Blanc et M. G. Gattinara, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la BEI communiquée à la requérante par lettre du 30 octobre 2018 et rejetant comme étant irrecevable la demande de réexamen interne de la délibération du conseil d’administration de la BEI, du 12 avril 2018, approuvant le financement d’un projet de centrale électrique biomasse en Galice (Espagne) que la requérante avait introduite, le 9 août 2018, en application de l’article 10 du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13), et de la décision 2008/50/CE de la Commission, du 13 décembre 2007, établissant les modalités d’application du règlement no 1367/2006 en ce qui concerne les demandes de réexamen interne d’actes administratifs (JO 2008, L 13, p. 24),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie),

composé de M. M. Van der Woude, président, Mme V. Tomljenović, M. F. Schalin, Mme P. Škvařilová-Pelzl (rapporteure) et M. I. Nõmm, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 24 juin 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Sur la convention d’Aarhus

1        La Communauté européenne, devenue par la suite l’Union européenne, a signé à Aarhus, le 25 juin 1998, la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (ci‑après la « convention d’Aarhus »). La convention d’Aarhus est entrée en vigueur le 30 octobre 2001. Elle a ensuite été approuvée, au nom de la Communauté, par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005, relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, de la convention d’Aarhus (JO 2005, L 124, p. 1). À compter de cette date, l’Union est également devenue partie à cette convention.

2        L’article 1er de la convention d’Aarhus, intitulé « Objet », stipule que, « [a]fin de contribuer à protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être, chaque partie [à la convention] garantit les droits d’accès à l’information sur l’environnement, de participation du public au processus décisionnel et d’accès à la justice en matière d’environnement conformément aux dispositions de la […] convention ».

3        Selon le guide d’application de la convention d’Aarhus, le droit d’accès à la justice en matière d’environnement, prévu à l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la convention d’Aarhus, vise à garantir, de manière spécifique, les droits d’accès à l’information sur l’environnement et la participation du public au processus décisionnel en matière environnementale, tels que garantis par cette même convention. L’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, quant à lui, stipule, de manière plus générale, que chaque partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou les omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement.

4        Le guide d’application de la convention d’Aarhus indique également ce qui suit. Les parties à la convention d’Aarhus ont conservé une marge d’appréciation considérable pour la désignation des instances (tribunal ou organe administratif) et des formes de procédures (droit civil, administratif ou pénal par exemple) qui doivent être accessibles pour permettre de contester les actes et les omissions visés à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus. Tout en tenant compte de l’obligation générale faite à l’article 3, paragraphe 1, de cette même convention de mettre en place et de maintenir un cadre précis, transparent et cohérent, les parties à la convention d’Aarhus ne se voient opposer aucune entrave à la fourniture de différentes procédures de recours pour différents types d’actes ou d’omissions. L’objectif de toute procédure de recours administratif ou judiciaire est de corriger des décisions, des actes et des omissions erronés ainsi que d’obtenir finalement réparation de violations de la loi. En application de l’article 9, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus, les parties à la convention d’Aarhus doivent veiller à ce que les instances de recours offrent des recours « suffisants et effectifs », y compris un redressement par injonction s’il y a lieu. En plus de préciser les types de recours, l’article 9, paragraphes 4 et 5, de la convention d’Aarhus exige que les parties à celle-ci veillent à ce que les procédures de recours visées aux paragraphes 1 à 3 soient « objectives, équitables et rapides sans que leur coût soit prohibitif » et à ce qu’elles fassent l’objet d’une information auprès du public.

 Sur la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement et la mise en œuvre de l’article 9, paragraphes 3 et 4, de la convention d’Aarhus par le règlement Aarhus

5        La politique de l’Union dans le domaine de l’environnement se fonde sur les articles 191 à 193 TFUE ainsi que sur l’article 11 TFUE, qui promeut le développement durable de manière transversale.

6        L’article 191 TFUE définit le champ d’application de la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement et prévoit une série d’objectifs (paragraphe 1), de principes (paragraphe 2) et de critères (paragraphe 3) que le législateur de l’Union doit respecter dans la mise en œuvre de cette politique.

7        Aux termes de l’article 191, paragraphe 1, TFUE, les objectifs poursuivis par la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement sont les suivants :

« –      la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement,

–        la protection de la santé des personnes,

–        l’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles,

–        la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’environnement, et en particulier la lutte contre le changement climatique. »

8        Au moment des faits, l’action concrète de l’Union se fondait principalement sur le programme d’action pour l’environnement pour la période 2014-2020. Elle poursuivait trois objectifs qui étaient, premièrement, la préservation du capital naturel (fertilité des sols, qualité de l’air et de l’eau, biodiversité, etc.), deuxièmement, la transformation de l’Union en une économie sobre en carbone et mesurée dans son utilisation des ressources (traitement des déchets, lutte contre le gaspillage, recyclage, etc.) et, troisièmement, la protection de la santé humaine et du bien-être de l’homme (lutte contre la pollution, limitation des produits chimiques, etc.). Outre ces objectifs, la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement était de plus en plus intégrée dans les autres domaines d’action de l’Union. Par exemple, le paquet sur le climat et l’énergie à l’horizon 2020, puis 2030, intégrait des objectifs nationaux contraignants afin d’augmenter la part d’énergies renouvelables dans la consommation nationale.

9        L’article 191, paragraphe 4, TFUE précise la portée de la compétence externe de l’Union en matière d’environnement. Il pose le principe d’une compétence concurrente des États membres et de l’Union pour conclure des accords internationaux dans le domaine de l’environnement avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes.

10      En vue de réaliser les objectifs de la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement, la Communauté, devenue par la suite l’Union, a signé la convention d’Aarhus.

11      Aux fins de mettre en œuvre cette convention dans l’ordre juridique de l’Union, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté le règlement (CE) no 1367/2006, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de l[’Union] européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13, ci-après le « règlement Aarhus »), établissant notamment, selon son article 1er, paragraphe 1, sous d), « des dispositions visant à appliquer aux institutions et [aux] organes [de l’Union] les dispositions de la convention, notamment […] en garantissant l’accès à la justice en matière d’environnement au niveau de l’[Union], dans les conditions prévues par [ledit] règlement ». Conformément à son article 14, le règlement Aarhus est entré en application le 28 juin 2007.

12      En vertu de l’article 10, paragraphe 1, du règlement Aarhus, toute organisation non gouvernementale (ONG) satisfaisant aux critères prévus à l’article 11 dudit règlement est habilitée à déclencher, par la voie d’une demande motivée, un réexamen interne d’un acte administratif auprès de l’institution ou de l’organe de l’Union qui l’a adopté au titre du droit de l’environnement.

13      Le considérant 11 du règlement Aarhus prévoit que les actes administratifs de portée individuelle doivent pouvoir faire l’objet d’un réexamen interne lorsqu’ils ont un effet juridiquement contraignant et extérieur. En ce sens, l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus définit la notion d’« acte administratif », aux fins dudit règlement, comme toute mesure de portée individuelle au titre du droit de l’environnement arrêtée par une institution ou un organe de l’Union et ayant un effet juridiquement contraignant et extérieur.

14      Le considérant 10 du règlement Aarhus indique que, « [d]ans la mesure où le droit de l’environnement est en constante évolution, il conviendrait que la définition du droit de l’environnement renvoie aux objectifs de la politique [de l’Union] dans le domaine de l’environnement tels qu’ils sont définis dans le traité [FUE] ». En ce sens, l’article 2, paragraphe 1, sous f), du règlement Aarhus dispose que, aux fins dudit règlement, le « droit de l’environnement » s’entend comme toute disposition législative de l’Union qui, indépendamment de sa base juridique, contribue à la poursuite des objectifs de la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement tels que prévus par le traité FUE, à savoir la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement, la protection de la santé des personnes, l’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles et la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’environnement.

15      En outre, conformément à l’article 12, paragraphe 1, du règlement Aarhus, l’ONG ayant introduit la demande de réexamen interne en vertu de l’article 10 dudit règlement peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne conformément aux dispositions pertinentes du traité FUE.

16      Au considérant 18 du règlement Aarhus, le législateur a précisé à cet égard que, conformément à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus et au traité FUE, ledit règlement visait à permettre d’engager des procédures judiciaires ou d’autres procédures de recours pour contester les actes et les omissions des autorités publiques allant à l’encontre du droit de l’environnement. En outre, il a indiqué que les dispositions relatives à l’accès à la justice devraient être conformes au traité FUE. Enfin, aux considérants 19 et 21 du règlement Aarhus, le législateur a précisé que, pour garantir des voies de recours adéquates et efficaces, y compris celles ouvertes devant la Cour de justice de l’Union européenne en vertu des dispositions pertinentes du traité FUE, il convenait que l’institution ou l’organe de l’Union qui était à l’origine de l’acte contesté ou de l’omission ait la possibilité de réexaminer sa décision ou d’agir et que, lorsque les précédentes demandes de réexamen interne n’avaient pas abouti, l’ONG concernée devait pouvoir saisir la Cour de justice de l’Union européenne conformément aux dispositions pertinentes du traité FUE.

17      Il résulte des considérants du règlement Aarhus cités au point 16 ci-dessus que, dans le système d’accès à la justice en matière d’environnement mis en place par les articles 10 à 12 de ce règlement, le réexamen interne est conçu comme une procédure administrative préalable à un éventuel recours devant le juge de l’Union, lequel devrait être introduit conformément aux dispositions pertinentes du traité FUE.

18      En outre, il résulte de ces mêmes considérants que l’objet du système d’accès à la justice mis en place par les articles 10 à 12 du règlement Aarhus vise uniquement le contrôle de l’application du droit de l’environnement de l’Union.

19      En ce sens, l’article 1er, point 1, de la décision 2008/50/CE de la Commission, du 13 décembre 2007, établissant les modalités d’application du règlement [Aarhus] en ce qui concerne les demandes de réexamen interne d’actes administratifs (JO 2008, L 13, p. 24), impose à toute ONG qui introduit une demande de réexamen interne d’un acte administratif ou en rapport avec une omission, telle que visée à l’article 10 du règlement Aarhus, de préciser l’acte administratif ou l’omission administrative alléguée qui fait l’objet de la demande de réexamen interne ainsi que les dispositions du droit de l’environnement de l’Union qui, selon elle, n’ont pas été respectées.

 Sur la BEI

20      La Banque européenne d’investissement (BEI) est un organisme de l’Union destiné à contribuer à la réalisation des objectifs de cette dernière.

21      La BEI est dotée, en vertu de l’article 308 TFUE, d’une personnalité juridique distincte de celle de l’Union. Elle est administrée et gérée par ses propres organes. Elle dispose de ressources et d’un budget propres.

22      En vertu de l’article 309 TFUE, la BEI a pour mission de contribuer, en faisant appel aux marchés des capitaux et à ses ressources propres, au développement équilibré et sans heurt du marché intérieur dans l’intérêt de l’Union. À cette fin, elle facilite, par l’octroi de prêts et de garanties, sans poursuivre de but lucratif, le financement de différents projets, dans tous les secteurs de l’économie, notamment les projets d’intérêt commun pour plusieurs États membres, qui, par leur ampleur ou par leur nature, ne peuvent être entièrement couverts par les divers moyens de financement existant dans chacun des États membres.

23      L’article 7, paragraphe 2, des statuts de la BEI établis par le protocole no 5 annexé au traité UE et au traité FUE dispose, notamment, que le conseil des gouverneurs établit les directives générales relatives à la politique de crédit de la BEI, conformément aux objectifs de l’Union. Conformément à l’article 7, paragraphe 3, sous b), desdits statuts, aux fins de leur article 9, paragraphe 1, le conseil des gouverneurs détermine les principes applicables aux opérations de financement dans le cadre de la mission de la BEI.

24      Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, des statuts de la BEI, le conseil d’administration de la BEI contrôle la saine gestion de celle-ci et assure la conformité de sa gestion avec les dispositions des traités et des statuts et les directives générales fixées par le conseil des gouverneurs. Il décide de l’octroi de financements et fixe le taux d’intérêt des prêts.

25      Le règlement intérieur de la BEI, dans sa version applicable en l’espèce, à savoir celle issue des modifications du 20 janvier 2016 (JO 2016, L 127, p. 55), précise, en son article 18, que, conformément à l’article 9, paragraphe 1, des statuts de la BEI, le conseil d’administration définit, sur proposition du comité de direction, les termes et les conditions constituant le cadre général des financements, notamment en approuvant les critères de fixation des taux d’intérêt. Il adopte, sur proposition du comité de direction, les décisions de politique générale concernant la gestion de la BEI. Il approuve les opérations de financement proposées par le comité de direction. D’une manière générale, le conseil d’administration veille à la bonne administration de la BEI, au respect du traité FUE, des statuts de la BEI, des directives du conseil des gouverneurs et des autres textes régissant l’activité de la BEI dans le cadre de la mission confiée à celle-ci par le traité FUE.

26      L’article 16, paragraphe 1, des statuts de la BEI dispose que celle-ci accorde des financements, dans le cadre du mandat défini à l’article 309 TFUE.

27      Aux termes de l’article 19, paragraphe 3, des statuts de la BEI, le conseil d’administration statue sur les opérations de financement qui lui sont soumises par le comité de direction, qui a, conformément à l’article 11, paragraphe 3, de ces mêmes statuts, un rôle de préparation et d’exécution concernant la conclusion d’emprunts et l’octroi de financements, notamment sous forme de crédits et de garanties.

28      La déclaration des principes et normes en matière sociale et environnementale, approuvée par le conseil d’administration le 3 février 2009 (ci-après la « déclaration de 2009 »), et la stratégie en matière d’action pour le climat, visant à mobiliser des financements à l’appui de la transition vers une économie sobre en carbone et capable de résister aux changements climatiques, adoptée par la BEI le 22 septembre 2015 (ci-après la « stratégie climat »), définissent les objectifs de l’activité de prêt et les critères d’éligibilité pour les projets portant sur l’environnement.

29      Au point 22 de la stratégie climat, la BEI indique ce qui suit :

« En tant que banque de l’U[nion], la BEI a pour mission de soutenir les objectifs de la politique de l’Union, qui consistent notamment à promouvoir l’innovation et les compétences, l’accès aux financements pour les petites et moyennes entreprises, les infrastructures stratégiques et l’action en faveur du climat. La BEI concourt à la réalisation de ces objectifs, qui sont tous liés entre eux, par ses activités de prêt, de panachage de ressources (association des financements de la BEI avec d’autres sources de fonds) et de conseil. La conformité avec les politiques pertinentes, la qualité du portefeuille et la solidité des décisions de financement sont assurées au moyen d’une procédure complète d’audit préalable qui s’applique à tous les projets soutenus par la BEI […] Dans le domaine de l’action en faveur du climat, les politiques et instruments climatiques de l’U[nion], tels que le système d’échange de quotas d’émission […], la stratégie d’adaptation au changement climatique ou encore le cadre pour le climat et l’énergie à l’horizon 2030, sont intégrés dans les pratiques et procédures opérationnelles pertinentes qui orientent les décisions de financement. La [BEI] s’attache aussi à contribuer par son action à la réalisation de plans à long terme comme l’Union européenne de l’énergie ou la trajectoire de décarbonisation tracée par le [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ou] GIEC, selon laquelle les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent atteindre leur maximum au plus tard en 2020, être réduites d’au moins 50 % d’ici à 2050 par rapport au niveau de 1990 et être quasiment nulles ou négatives d’ici à 2100 pour permettre de contenir le réchauffement planétaire en dessous du seuil de 2 [degrés Celsius]. »

30      Le point 36 de la stratégie climat expose que la BEI continuera de consacrer au minimum 25 % de ses financements à des projets appuyant expressément l’action en faveur du climat. Au-delà de l’approche sectorielle traditionnellement suivie pour identifier les projets relevant de l’action pour le climat, le point 39 de la stratégie climat prévoit une prise en compte plus détaillée de l’incidence des projets afin de renforcer la contribution globale de la BEI.

31      Le point 24 de la stratégie climat part du constat que tous les secteurs n’ont pas la même incidence sur le climat et que les secteurs les plus pertinents en raison de la part des financements de la BEI qu’ils représentent et du type de projets concernés sont les secteurs de l’énergie et des transports. Il expose qu’un élément important des critères de sélection et d’évaluation pour les projets énergétiques est l’application d’une norme d’émission aux projets de production d’électricité. Cette norme permet d’écarter les projets dont les émissions attendues ne sont pas conformes aux objectifs de l’Union, tout en respectant le principe de neutralité technologique. Dans tous les cas, la priorité est donnée aux projets d’efficacité énergétique.

32      Le point 47 de la stratégie climat indique qu’une typologie de projets à fort impact par secteur sera établie, en examinant les feuilles de route pour la décarbonisation existant dans les secteurs considérés ou encore les intensités en carbone de ces derniers. Au sein de l’Union, les politiques définies par l’Union et par les États membres, parmi lesquelles figurent notamment la vision à long terme de l’Union pour une société à faibles émissions de carbone et capable de résister aux changements climatiques, ou encore les plans d’action nationaux en faveur des énergies renouvelables et les programmes d’adaptation, doivent servir de principaux points de référence en tant que feuilles de route.

33      Par ailleurs, le point 72 de la stratégie climat précise que l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre est aussi utilisée pour analyser les performances des projets de production d’électricité en matière d’émissions ainsi que pour vérifier l’incidence des projets hydroélectriques et bioénergétiques sur le climat. L’exactitude, la cohérence et la comparabilité de ces évaluations constituent par conséquent des éléments importants de la procédure d’audit préalable.

34      La déclaration de 2009 impose le respect de considérations de durabilité environnementale et sociale pour tous les financements octroyés par la BEI. Elle indique que, pour obtenir un financement, un projet est censé contribuer à la réalisation d’un ou plusieurs des objectifs de la politique de l’Union, tels que la fourniture d’une riposte appropriée à la menace que représentent les changements climatiques, par le biais d’investissements contribuant à leur atténuation ou visant à s’y adapter, notamment en appuyant des projets concernant l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, les énergies moins polluantes ou la séquestration du carbone, ou la contribution à une gestion durable des ressources naturelles (point 10). Selon la déclaration de 2009, la BEI encourage le secteur des énergies renouvelables, elle met l’accent sur l’efficacité énergétique dans tous les projets qu’elle finance, et ses opérations de financement répondent aux autres priorités d’investissement de l’Union en matière de climat (point 77). De plus, la BEI s’efforce de favoriser une utilisation pérenne des terres, notamment en ce qui concerne les forêts, dont elle reconnaît l’importance et la contribution qu’elles apportent à l’atténuation des changements climatiques, à l’adaptation à ces changements et à la protection de la diversité biologique (point 77).

35      En outre, la déclaration de 2009 exige que les projets financés par la BEI respectent les normes environnementales générales établies par cette dernière, qui découlent du droit de l’Union et peuvent être complétées, s’il y a lieu, par d’autres bonnes pratiques internationales ou des normes plus strictes imposées par la BEI (points 31 et 32). Elle exige également le respect de normes procédurales, telles que les dispositions de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 2012, L 26, p. 1), telle que modifiée [point 35, visant toutefois la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 1985, L 175, p. 40), qui a par la suite été abrogée par la directive 2011/92].

36      Enfin, selon les points 78 et 82 de la déclaration de 2009, la BEI s’emploie activement à identifier et à promouvoir les projets qui entraînent une réduction appréciable des émissions de gaz à effet de serre, selon des méthodes qu’elle étudie et met au point en coopération avec d’autres institutions financières internationales, et prend également en compte ces avantages dans ses analyses financières et économiques.

 Sur le projet Curtis et son financement par la BEI

37      Le projet de construction, dans la commune de Curtis (Teixeiro), dans la province de la Corogne, en Galice (Espagne), d’une centrale biomasse de production d’électricité d’une capacité d’environ 50 mégawatts électriques alimentée par les déchets forestiers collectés dans un rayon de 100 km (ci-après le « projet Curtis ») figurait parmi les vainqueurs d’une adjudication de projets d’énergies renouvelables organisée par le Royaume d’Espagne en 2016.

38      Fin 2016, le promoteur du projet Curtis a contacté les services de la BEI pour présenter les caractéristiques techniques de celui-ci et entamer des discussions quant à la possibilité d’obtenir un financement de sa part.

39      Sur la base des informations disponibles et du résultat des discussions avec le promoteur, les services de la BEI se sont mis d’accord sur une note d’information préliminaire concernant le projet Curtis.

40      Le 4 décembre 2017, le comité de direction de la BEI a approuvé la note d’information préliminaire autorisant les services à lancer officiellement la procédure d’instruction du projet Curtis.

41      Le 13 décembre 2017, la description du projet Curtis a été publiée sur le site Internet de la BEI, conformément aux exigences de la politique de transparence du groupe BEI, qui comprend la BEI et le Fonds européen d’investissements. Il y était indiqué que la production d’électricité à partir de sources renouvelables participait à l’objectif de l’Union visant à atténuer les effets du changement climatique. En garantissant la demande de résidus de bois de forêt, le projet devait permettre d’atténuer les incidences des incendies de forêt en Galice et contribuer à la durabilité des activités forestières de cette région et de son activité économique en général.

42      Le 15 décembre 2017, la BEI a demandé à la Commission européenne de donner son avis sur le projet Curtis, comme le prévoit l’article 19 des statuts de la BEI. Le 12 février 2018, la Commission a transmis à la BEI un avis favorable concernant le projet Curtis.

43      Le 18 décembre 2017, la BEI a sollicité l’avis du Royaume d’Espagne, conformément à l’article 19 des statuts de la BEI. Celui-ci a transmis un avis de non-objection le 20 décembre 2017.

44      Lors d’une réunion du 20 mars 2018, le comité de direction a approuvé la soumission, au conseil d’administration, d’une proposition de financement du projet Curtis, portant la référence « Doc 18/291 » (ci-après la « proposition de financement »), sur les ressources propres de la BEI et la soumission, au comité d’investissement du Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), d’une demande de garantie de l’Union pour ce même projet, dans la mesure où celui-ci présentait un profil de risque spécifique et était considéré, à ce titre, comme une activité spéciale au sens de l’article 16, paragraphe 3, second alinéa, des statuts de la BEI.

45      Lors d’une réunion du 9 avril 2018, le comité d’investissement du FEIS a approuvé l’utilisation de la garantie de l’Union pour le projet Curtis.

46      Par une délibération adoptée lors d’une réunion tenue à Luxembourg (Luxembourg) le 12 avril 2018 (ci-après la « délibération litigieuse »), le conseil d’administration a approuvé la proposition de financement, sous la forme d’un prêt qui devait être octroyé à une entité ad hoc, dénommée « Special Purpose Vehicle », pour un montant maximal de 60 millions d’euros. La délibération litigieuse a été consignée dans le procès-verbal de la réunion.

47      Par lettre du 13 avril 2018, la BEI a informé le promoteur de la délibération litigieuse, en mentionnant que l’approbation préliminaire du financement du projet Curtis ne créait aucune obligation à la charge de la BEI d’octroyer le prêt, mais permettait au promoteur de prendre les mesures nécessaires en vue de la formalisation dudit prêt.

48      Le 28 juin 2018, la délibération litigieuse a fait l’objet d’une publication sur le site Internet de la BEI.

49      Le détail des modalités et des conditions du financement du projet Curtis a été négocié entre le promoteur et les différents bailleurs, qui comptaient, outre la BEI, une banque commerciale, un organisme de crédit à l’exportation, une banque nationale de promotion économique et un prêteur mezzanine. Une fois les modalités définitives convenues entre toutes les parties et les divers rapports d’audit achevés, le résultat des négociations et de la procédure d’audit a été présenté au comité de direction dans une note finale qui a été approuvée par ce dernier le 16 juillet 2018.

50      Le 23 juillet 2018, les services de la BEI ont signé un accord interne sur les modalités du contrat de financement du projet Curtis. La documentation contractuelle qui y était relative a été signée le 25 juillet 2018.

51      Le premier décaissement lié au financement de la BEI a été effectué le 29 août 2018. Il était prévu que la construction du projet Curtis soit achevée avant la fin de l’année 2019. Comme la BEI l’a indiqué lors de l’audience, en réponse à une question orale du Tribunal, l’exécution du projet Curtis se déroule normalement depuis lors.

 Sur la requérante et la contestation par celle-ci du financement du projet Curtis

52      La requérante, ClientEarth, est une ONG œuvrant pour la protection de l’environnement.

53      Le 9 août 2018, la requérante a introduit auprès de la BEI une demande de réexamen interne de la délibération litigieuse, conformément à l’article 10 du règlement Aarhus et de la décision 2008/50.

54      La demande de réexamen interne était fondée sur divers moyens, de forme ou de fond. Sur le fond et dans la mesure où la délibération litigieuse pouvait être fondée sur le raisonnement contenu dans la proposition de financement, la requérante reprochait notamment au conseil d’administration d’avoir, dans la délibération litigieuse, commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que le projet Curtis contribuerait fortement à la politique de l’Union en répondant à trois des objectifs poursuivis par celle-ci.

55      Tout d’abord, la requérante contestait la conclusion selon laquelle le projet Curtis contribuerait à la réalisation d’objectifs espagnols et européens en matière de production d’énergies renouvelables, de sécurité énergétique et d’objectifs environnementaux. S’agissant de la contribution à la réalisation d’objectifs espagnols et européens en matière de production d’énergies renouvelables, elle faisait observer que celle-ci n’était nullement étayée, alors que la proposition de financement relevait qu’il existait un risque significatif que tout le bois utilisé comme combustible dans la centrale biomasse ne réponde pas aux normes de durabilité fixées dans la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE (JO 2009, L 140, p. 16), dans sa version applicable au moment où la délibération litigieuse a été adoptée, ou que le projet Curtis ne soit pas mis en œuvre dans les délais prévus. Quant à la contribution à la réalisation d’un objectif de sécurité énergétique, la requérante faisait observer que celle-ci était contredite par le constat, figurant dans la proposition de financement, que, dans la mesure où le marché espagnol de l’électricité était caractérisé par une surcapacité significative, le projet aurait une faible valeur économique pour le système général d’électricité. S’agissant de contribution à la réalisation d’objectifs environnementaux, la requérante faisait valoir que celle-ci n’était nullement étayée, alors que le rendement électrique du projet serait trop faible pour contribuer réellement aux objectifs de production d’énergies renouvelables.

56      Ensuite, la requérante contestait la conclusion selon laquelle le projet Curtis contribuerait à la prévention des feux de forêt et à la durabilité des activités forestières en Galice. Elle soutenait que cette conclusion reposait sur une interprétation erronée de la Ley 7/2012 de montes de Galicia (loi 7/2012 de la région Galice), du 28 juin 2012 (BOE no 217, du 8 septembre 2012, p. 63275), et une appréciation erronée des incidences réelles de la centrale biomasse sur les activités forestières en Galice, lesquelles pouvaient, en pratique, conduire à augmenter le risque d’incendies en favorisant la monoculture sylvicole.

57      Enfin, la requérante contestait la conclusion selon laquelle le projet Curtis serait conforme aux priorités de la BEI en matière de prêts en faveur des énergies renouvelables et de la lutte contre le changement climatique. Elle faisait observer que cette conclusion reposait sur une analyse erronée qui surestimait le rendement électrique du projet Curtis ou les avantages environnementaux associés audit projet, tout en sous-estimant certains risques significatifs susceptibles d’affecter la viabilité ou le délai de mise en œuvre de ce même projet ainsi que son impact sur l’environnement, tel que l’augmentation de l’abattage des arbres en Galice, qui aboutissait notamment à douter que le projet Curtis aurait un bilan positif en termes de gaz à effet de serre.

58      Par lettre du 30 octobre 2018, signée par sa secrétaire générale et la cheffe adjointe de son service juridique, la BEI a informé la requérante du rejet de la demande de réexamen interne de la délibération litigieuse comme étant irrecevable, au motif que cette demande ne portait pas sur un acte susceptible de faire l’objet d’un réexamen interne, à savoir un « acte administratif » au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus (ci-après l’« acte attaqué »).

59      Dans l’acte attaqué, premièrement, la BEI a fait valoir que la délibération litigieuse ne produisait pas d’effet juridiquement contraignant extérieur et ne pouvait pas créer de droits pour un tiers. Cette délibération aurait seulement constitué un acte interne, au sens des articles 9 et 19 des statuts de la BEI, indispensable pour pouvoir signer le contrat de financement correspondant, mais ne menant pas nécessairement à une telle signature, ni ne créant, pour la contrepartie, de droit à exiger une telle signature. Une telle décision n’aurait pas été comparable à une décision d’attribution en matière de marchés publics, car elle n’aurait pas relevé d’une procédure régie par le droit des marchés publics ou comparable à un appel d’offres public, mais relèverait du pouvoir commercial et politique discrétionnaire dont la BEI bénéficie en vertu des traités et de ses statuts.

60      Deuxièmement, la BEI a argué que la délibération litigieuse n’avait pas été adoptée « au titre du droit de l’environnement » au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous f), du règlement Aarhus, qui définit le « droit de l’environnement » comme « toute disposition législative […] qui, indépendamment de sa base juridique, contribue à la poursuite des objectifs de la politique de l[’Union] dans le domaine de l’environnement tels que prévus par le traité […] »

61      Concernant l’argument de la requérante tiré de ce que le projet Curtis bénéficiait de la garantie de l’Union fournie par le FEIS, en application du règlement (UE) 2015/1017 du Parlement européen et du Conseil, du 25 juin 2015, sur le [FEIS], la plateforme européenne de conseil en investissement et le portail européen de projets d’investissement et modifiant les règlements (UE) no 1291/2013 et (UE) no 1316/2013 – le [FEIS] (JO 2015, L 169, p. 1), ce qui aurait, selon elle, imposé de prendre en compte les contraintes environnementales liées audit projet, la BEI a fait valoir que, indépendamment de la question de savoir si l’octroi de la garantie de l’Union à un projet financé par elle suffisait à faire entrer ce financement dans le champ du « droit de l’environnement », la décision d’octroyer une telle garantie n’était pas prise par son conseil d’administration, mais par le comité d’investissement du FEIS.

62      S’agissant de l’argument tiré de ce qu’elle s’était engagée à promouvoir les objectifs environnementaux dans le cadre du déploiement de ses propres ressources, la BEI a soutenu qu’un tel engagement n’était pas suffisant pour conclure que le financement du projet Curtis ou tout autre financement de projet approuvé conformément aux statuts de la BEI étaient, ipso facto, approuvés par elle sur le fondement de la législation environnementale de l’Union. Un tel argument étendrait artificiellement les limites de la « législation de l’Union » au-delà du champ d’application du règlement Aarhus et d’une manière incompatible avec le rôle institutionnel et la mission statutaire de la BEI.

 Procédure et conclusions des parties

63      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 janvier 2019, la requérante a introduit le présent recours.

64      Le 22 mars 2019, la BEI a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal.

65      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 avril 2019, la Commission a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la BEI. La requérante a renoncé à formuler des observations sur ladite demande, le 11 avril 2019, tandis que la BEI a indiqué, le 29 avril 2019, ne pas avoir d’observations sur cette même demande. Par décision du 2 mai 2019, la présidente de la première chambre du Tribunal a admis cette intervention.

66      Le 7 mai 2019, la requérante a déposé la réplique au greffe du Tribunal.

67      La Commission a déposé un mémoire en intervention le 17 juin 2019.

68      Le 3 juillet 2019, la BEI a déposé la duplique au greffe du Tribunal.

69      Respectivement le 3 juillet et le 8 juillet 2019, la BEI et la requérante ont déposé leurs observations sur le mémoire en intervention de la Commission.

70      En application de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la requérante a présenté, le 4 août 2019, une prise de position motivée sur la tenue d’une audience de plaidoiries.

71      En raison du renouvellement partiel du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à une nouvelle juge rapporteure, siégeant dans la deuxième chambre.

72      Sur proposition de la deuxième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie. De plus, un membre de la chambre ayant été empêché de siéger, le président du Tribunal s’est désigné, en application de l’article 17, paragraphe 2, du règlement de procédure, pour compléter la chambre dans la présente affaire. Conformément à l’article 10, paragraphe 5, dudit règlement, il a également pris la présidence de la chambre dans cette affaire.

73      Sur rapport de la juge rapporteure, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

74      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 24 juin 2020.

75      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’acte attaqué ;

–        condamner la BEI aux dépens.

76      La BEI, soutenue par la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

77      La requérante invoque deux moyens à l’appui de son recours. Le premier moyen, de fond, est articulé en deux branches et est tiré d’erreurs d’appréciation dans l’application du règlement Aarhus. Par ce premier moyen, la requérante fait, en substance, grief à la BEI d’avoir, en adoptant l’acte attaqué, fait une application erronée, à l’égard de la délibération litigieuse, de certaines conditions requises pour qu’un acte puisse être qualifié d’« acte administratif » au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de ce même règlement. Le second moyen, de forme, est pris d’une violation de l’obligation de motivation.

78      La BEI, soutenue par la Commission, invite le Tribunal, avant même d’examiner les deux moyens avancés par la requérante, à constater que le recours est non fondé, dans la mesure où la demande de réexamen interne de la délibération litigieuse était également irrecevable au motif qu’elle était incompatible avec l’indépendance dont la BEI jouirait dans le domaine de ses opérations financières. Par ailleurs, elle conclut au rejet du recours au motif que les deux moyens invoqués à l’appui de celui-ci sont non fondés. La Commission indique soutenir, notamment, les arguments que la BEI oppose au premier moyen d’annulation.

79      Avant d’examiner les deux moyens d’annulation soulevés par la requérante à l’appui de son recours, il y a lieu d’examiner le moyen de défense avancé par la BEI.

 Sur le moyen de défense avancé par la BEI

80      La BEI, soutenue par la Commission, invite le Tribunal, avant même d’examiner les deux moyens avancés par la requérante, à constater que le recours est non fondé, dans la mesure où la demande de réexamen interne de la délibération litigieuse était également irrecevable au motif qu’elle était incompatible avec l’indépendance dont la BEI jouirait dans le domaine de ses opérations financières.

81      La requérante objecte que, dans l’acte attaqué, la BEI n’a invoqué, à l’égard de la demande de réexamen interne de la délibération litigieuse, aucun motif d’irrecevabilité tiré du caractère incompatible de cette demande avec l’indépendance dont elle jouirait dans le domaine de ses opérations financières, de sorte qu’elle n’est pas recevable à se prévaloir d’un tel motif, à titre de moyen de défense, dans le cadre du présent recours.

82      À titre subsidiaire, la requérante soutient que la BEI a, en ne mentionnant pas cet aspect dans l’acte attaqué, violé l’obligation de motivation qui lui incombe, comme cela est relevé dans le cadre du second moyen du recours.

83      Pour autant que la BEI invoque son autonomie et son indépendance aux fins de répondre à ses moyens d’annulation, la requérante soutient que son argumentation est excessive, non fondée et qu’elle a déjà été rejetée à maintes reprises par le juge de l’Union.

84      En réponse aux arguments de la requérante, la BEI soutient qu’elle est recevable à introduire ainsi un nouveau motif d’irrecevabilité de la demande de réexamen interne de la délibération litigieuse devant le Tribunal, car ce motif ne fait que renforcer la position qu’elle a déjà exposée dans l’acte attaqué, selon laquelle ladite demande était irrecevable, et vise à répondre aux arguments avancés dans la requête, conformément aux principes du respect des droits de la défense, d’égalité des armes et du contradictoire.

85      Par ailleurs, elle conteste avoir violé l’obligation de motivation, au motif qu’elle n’était pas obligée d’anticiper et de préciser, dans l’acte attaqué, tous les arguments qu’elle pourrait développer dans le cadre d’un éventuel recours contre ledit acte. Pour la première fois en réponse à une question orale du Tribunal lors de l’audience, la BEI soutient avoir soulevé en substance, dans l’acte attaqué, un motif d’irrecevabilité tiré du caractère incompatible de la demande de réexamen interne avec l’indépendance dont elle jouirait dans le domaine de ses opérations financières, en faisant valoir, d’une part, dans le sixième alinéa dudit acte, que « toute décision de la BEI de soutenir ou non un projet potentiellement éligible, et, le cas échéant, la forme de ce soutien, relève du pouvoir commercial et politique discrétionnaire reconnu à la [BEI] par les traités et les statuts » et, d’autre part, dans le huitième alinéa de ce même acte, que la position défendue par la requérante conduirait à une situation qui « ne serait plus compatible ni avec le rôle institutionnel de la BEI ni avec la mission qui lui incombe en vertu de ses [s]tatuts ».

86      En l’espèce, au vu des objections formulées par la requérante à l’égard du présent moyen de défense de la BEI, il importe de commencer par statuer sur la recevabilité de celui-ci.

87      Tout d’abord, il convient de rappeler que le droit à une bonne administration prévu par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne comporte notamment, en vertu du paragraphe 2, sous c), du même article, l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions. Conformément à l’article 296 TFUE, les actes adoptés par les institutions, les organes et les organismes de l’Union doivent être motivés. L’article 10, paragraphe 2, du règlement Aarhus dispose également que la position écrite prise par l’institution ou l’organe de l’Union saisi d’une demande de réexamen interne de l’un de ses actes est motivée. Cette motivation doit permettre au demandeur de comprendre les raisons fondant la décision de l’institution ou de l’organe compétent (conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire TestBioTech e.a./Commission, C‑82/17 P, EU:C:2018:837, point 49).

88      Dans le cadre du contrôle de légalité visé à l’article 263 TFUE, le Tribunal ne peut substituer sa propre motivation à celle de l’auteur de l’acte attaqué et ne peut combler, par sa propre motivation, une lacune dans la motivation de cet acte, de sorte que son examen ne se rattacherait à aucune appréciation figurant dans ce dernier (voir arrêt du 18 juillet 2013, UEFA/Commission, C‑201/11 P, EU:C:2013:519, point 65 et jurisprudence citée).

89      En l’espèce, ainsi qu’il ressort clairement de son quatrième alinéa, l’acte attaqué reposait uniquement sur un motif d’irrecevabilité tiré de ce que la délibération litigieuse n’était pas un « acte administratif » au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus. En outre, il ressort clairement des cinquième et septième alinéas dudit acte que ledit motif reposait lui-même sur deux sous-motifs, à savoir, premièrement, que la délibération litigieuse ne produisait aucun effet juridiquement contraignant et extérieur et, deuxièmement, que cette même délibération n’avait pas été adoptée « au titre du droit de l’environnement », au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous f), du règlement Aarhus.

90      C’est uniquement dans le cadre de l’examen de ces deux sous-motifs, et non d’un motif autonome, que, aux fins de rejeter l’interprétation contraire de la notion d’« acte administratif », au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus, avancée par la requérante, la BEI a évoqué, de manière vague et générale, le pouvoir commercial et politique discrétionnaire qui lui est reconnu par les traités et par ses statuts ainsi que son rôle institutionnel et la mission qui lui incombe en vertu desdits statuts.

91      L’examen au fond du présent moyen de défense exposerait donc le Tribunal à substituer sa propre motivation à celle retenue par la BEI dans l’acte attaqué, ce qu’il n’est pas autorisé à faire. En l’espèce, si la BEI avait voulu fonder légalement sa décision sur un motif autonome supplémentaire, elle aurait dû retirer l’acte attaqué et adopter un nouvel acte, notamment fondé sur ledit motif.

92      Au vu des appréciations qui précèdent, il y a donc lieu d’écarter comme irrecevable le moyen de défense avancé par la BEI, tiré de ce que la demande de réexamen interne de la délibération litigieuse aurait été irrecevable au motif qu’elle était incompatible avec l’indépendance dont la BEI jouirait dans le domaine de ses opérations financières.

 Sur le fond du recours

93      S’agissant des deux moyens d’annulation soulevés à l’appui du recours, le second porte sur la violation d’une forme substantielle applicable à l’acte attaqué, à savoir l’obligation de motiver ledit acte, tandis que le premier, tiré d’erreurs d’appréciation dans l’application du règlement Aarhus entachant l’acte attaqué, porte sur la légalité au fond de celui-ci.

94      Le juge de l’Union n’étant pas en mesure d’exercer un contrôle au fond sur un acte si la motivation de cet acte n’est pas suffisante sur un point essentiel du raisonnement qui a déterminé le choix de son auteur, il lui incombe de vérifier le caractère suffisant de la motivation de l’acte avant d’aborder les moyens avancés par les parties aux fins d’en contester le bien-fondé (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission, T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48, points 98 et 99).

95      Pour ces motifs, il y a lieu, en l’espèce, d’examiner le second moyen du recours avant le premier.

 Sur le second moyen du recours, pris d’une violation de l’obligation de motivation

96      La requérante fait grief à la BEI de ne pas avoir, en adoptant l’acte attaqué, respecté l’obligation de motivation qui lui incombait. Ledit acte constituerait un « acte juridique » soumis à l’obligation de motivation en vertu de l’article 296 TFUE et des droits reconnus à l’article 41, paragraphe 2, sous c), et à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux. Cela aurait été reconnu par M. l’avocat général Szpunar, au point 49 de ses conclusions dans l’affaire TestBioTech e.a./Commission (C‑82/17 P, EU:C:2018:837). Selon la requérante, la motivation de l’acte attaqué est insuffisante pour permettre de comprendre les raisons qui ont conduit la BEI à conclure que la délibération litigieuse, dont le réexamen interne était demandé, ne remplissait pas certaines des conditions qui étaient exigées pour qu’un acte puisse être qualifié d’« acte administratif », au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus, à savoir, d’une part, la condition qu’il soit adopté « au titre du droit de l’environnement » et, d’autre part, la condition qu’il produise un « effet juridiquement contraignant et extérieur ». En particulier, la requérante reproche à la BEI de ne pas avoir répondu, dans l’acte attaqué, à l’ensemble des arguments, de fait ou de droit, qu’elle avait avancés dans la demande de réexamen interne de la délibération litigieuse.

97      La BEI réfute les arguments de la requérante et soutient que le second moyen du recours doit être rejeté comme étant non fondé.

98      Il ressort de la jurisprudence déjà citée au point 87 ci-dessus que l’acte attaqué était soumis à l’obligation de motivation énoncée à l’article 296 TFUE et rappelée à l’article 10, paragraphe 2, du règlement Aarhus.

99      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, de l’organe ou de l’organisme, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 5 mars 2009, France/Conseil, C‑479/07, non publié, EU:C:2009:131, point 49 et jurisprudence citée). En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu des intéressés (voir arrêt du 14 avril 2015, Conseil/Commission, C‑409/13, EU:C:2015:217, point 79 et jurisprudence citée).

100    Il ressort également de la jurisprudence que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 5 mars 2009, France/Conseil, C‑479/07, non publié, EU:C:2009:131, point 50 et jurisprudence citée).

101    Dans l’acte attaqué, la BEI a rejeté la demande de réexamen interne de la délibération litigieuse comme étant irrecevable, au motif qu’elle ne portait pas sur un acte susceptible de faire l’objet d’un réexamen interne, à savoir un « acte administratif », au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus. Cette position était fondée, en substance, sur les raisons exposées aux points 59 à 62 ci-dessus, à savoir, plus précisément, que la délibération litigieuse ne remplissait pas certaines des conditions posées à l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus pour pouvoir être qualifiée d’« acte administratif » dans la mesure où, d’une part, elle ne produisait pas d’effet juridiquement contraignant et extérieur et, d’autre part, elle n’avait pas été adoptée au titre du droit de l’environnement.

102    À cet égard, les motifs figurant dans l’acte attaqué étaient suffisants pour permettre à la requérante de connaître les raisons pour lesquelles la BEI avait rejeté comme étant irrecevable la demande de réexamen interne de la délibération litigieuse qu’elle lui avait adressée et pour lui permettre de contester le bien-fondé de ces motifs dans le cadre du premier moyen du recours. En outre, ces motifs sont suffisants pour permettre au Tribunal d’exercer un contrôle juridictionnel sur le bien-fondé dudit acte, par le biais de l’examen du premier moyen du recours (voir points 105 à 173 ci-après).

103    Dès lors, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la BEI a méconnu son obligation de motiver l’acte attaqué, au regard de la motivation effectivement contenue dans celui-ci.

104    Partant, il y a lieu de rejeter comme étant non fondé le second moyen du recours, pris d’une violation de l’obligation de motivation.

 Sur le premier moyen du recours, tiré d’erreurs d’appréciation dans l’application du règlement Aarhus

105    La requérante fait, en substance, grief à la BEI d’avoir, en adoptant l’acte attaqué, fait une application erronée, à l’égard de la délibération litigieuse, de certaines conditions requises pour qu’un acte puisse être qualifié d’« acte administratif », au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus.

106    Ce moyen est articulé en deux branches, portant, la première, sur l’application erronée de la condition que l’acte produise un « effet juridiquement contraignant et extérieur » et, la seconde, sur l’application erronée de la condition qu’il s’agisse d’un acte adopté « au titre du droit de l’environnement ».

107    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les textes de droit de l’Union doivent être interprétés, dans la mesure du possible, à la lumière du droit international, en particulier lorsque de tels textes visent précisément à mettre en œuvre un accord international conclu par l’Union (arrêt du 14 juillet 1998, Safety Hi-Tech, C‑284/95, EU:C:1998:352, point 22 ; voir, également, arrêt du 19 décembre 2019, Nederlands Uitgeversverbond et Groep Algemene Uitgevers, C‑263/18, EU:C:2019:1111, point 38 et jurisprudence citée). Lorsqu’il a été amené à interpréter les dispositions de directives mettant en œuvre, à l’égard des États membres, les exigences de l’article 9, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus, le juge de l’Union a observé que l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union consistait à donner au public concerné « un large accès à la justice » et que cet objectif participait, plus largement, de la volonté du législateur de l’Union de préserver, de protéger et d’améliorer la qualité de l’environnement et de faire jouer au public un rôle actif à cette fin (arrêt du 11 avril 2013, Edwards et Pallikaropoulos, C‑260/11, EU:C:2013:221, points 31 et 32). Par conséquent, il a estimé que, même si les parties à la convention d’Aarhus disposaient d’une certaine marge d’appréciation pour l’application de l’article 9, paragraphe 3, de cette convention, il convenait néanmoins d’adopter une approche très protectrice de l’effet utile et des objectifs de ladite convention dans le cadre des obligations de mise en œuvre incombant aux États membres (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Jääskinen dans les affaires jointes Conseil e.a./Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht, C‑401/12 P à C‑403/12 P, EU:C:2014:310, point 132 et jurisprudence citée). Pour des motifs similaires, il convient, dans la mesure du possible, d’interpréter les deux conditions visées au point 106 ci-dessus à la lumière de l’article 9, paragraphes 3 et 4, de la convention d’Aarhus (voir, par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, Deutsche Umwelthilfe, C‑515/11, EU:C:2013:523, point 32 et jurisprudence citée) et, partant, à l’aune de l’exigence consistant à assurer un accès effectif de la requérante à la justice.

108    En outre et pour des raisons d’opportunité, il y a lieu d’examiner la seconde branche du premier moyen du recours avant la première.

–       Sur la seconde branche du premier moyen du recours, prise d’une application erronée de la condition que l’acte soit adopté « au titre du droit de l’environnement », énoncée à l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus

109    La requérante fait grief à la BEI d’avoir, en adoptant l’acte attaqué, fait une application erronée, à l’égard de la délibération litigieuse, de la condition que l’acte soit adopté « au titre du droit de l’environnement », énoncée à l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus.

110    La requérante soutient que, selon la jurisprudence, le « droit de l’environnement », tel que défini à l’article 2, paragraphe 1, sous f), du règlement Aarhus, a une signification large, qui ne se limite pas à des questions liées à la protection de l’environnement au sens strict. Il couvrirait toute disposition législative de l’Union qui contribuerait à la poursuite des objectifs de la politique de celle-ci dans le domaine de l’environnement, indépendamment de sa base juridique ou de sa nature. La requérante prétend avoir identifié, dans la demande de réexamen interne de la délibération litigieuse, les dispositions du droit de l’environnement qui n’auraient pas été respectées par la BEI dans la délibération litigieuse.

111    Selon la requérante, les circonstances dans lesquelles le conseil d’administration a adopté la délibération litigieuse démontrent qu’elle l’a été au titre du « droit de l’environnement », tel que défini à l’article 2, paragraphe 1, sous f), du règlement Aarhus.

112    La BEI, soutenue par la Commission, réfute les arguments de la requérante et soutient que la seconde branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

113    La BEI fait valoir que la délibération litigieuse a été adoptée en vertu de l’article 19, paragraphe 3, des statuts de la BEI, à savoir une disposition du droit primaire de l’Union qui ne se réfère pas à l’environnement. Or, il ressortirait de l’article 2, paragraphe 1, sous f), du règlement Aarhus que la notion de « droit de l’environnement », dans ce règlement, devrait être entendue comme se référant à des dispositions législatives relevant du droit dérivé de l’Union et qui contribueraient à la poursuite des objectifs de la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement. Le fait que la BEI poursuive des objectifs environnementaux dans le cadre des opérations financées sur ses ressources propres ne suffirait pas pour conclure que la délibération litigieuse ou toute autre délibération du même ordre serait adoptée sur le fondement de la législation de l’Union dans le domaine de l’environnement et, surtout, qu’elle serait allée à l’encontre de dispositions précises du droit de l’environnement, comme il est énoncé au considérant 18 du règlement Aarhus et à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus. Les motifs de la délibération litigieuse seraient sans pertinence à cet égard, de même que le renvoi à une directive qui, par nature, ne s’adresserait qu’aux États membres. Une interprétation trop élargie de la notion de « droit de l’environnement » serait artificielle, irait au-delà du champ d’application du règlement Aarhus et porterait atteinte à l’indépendance dont la BEI jouirait dans le domaine de ses opérations financières ainsi qu’à sa mission statutaire. Dans le cadre du mandat défini à l’article 309 TFUE, elle devrait notamment contribuer au développement équilibré et sans heurt du marché intérieur dans l’intérêt de l’Union en facilitant, par l’octroi de prêts et de garanties, le financement de projets répondant à certains critères. Ses décisions seraient des décisions d’investissement qui ne mettraient pas directement en œuvre le droit de l’environnement. Le respect de ce dernier incomberait aux promoteurs, dans le cadre de l’exécution des projets, sous le contrôle des autorités nationales compétentes. De même, le fait que le projet Curtis ait un impact sur l’environnement serait une circonstance factuelle ne permettant pas de conclure, sur le plan juridique, que la délibération litigieuse aurait été adoptée au titre du droit de l’environnement.

114    La BEI rejette toute référence au régime juridique applicable à la garantie de l’Union octroyée par le FEIS, notamment au règlement 2015/1017, comme étant dénuée de pertinence, dès lors que la délibération litigieuse n’a pas été adoptée en application dudit régime. La décision du conseil d’administration serait indépendante de celle prise par le comité d’investissement du FEIS. En tout état de cause, le régime juridique applicable à la garantie de l’Union et l’octroi de cette garantie au projet Curtis poursuivraient de nombreux autres objectifs généraux que la protection de l’environnement et des ressources. L’article 3 du règlement 2015/1017 énoncerait clairement que la garantie de l’Union aurait pour finalité les investissements et le soutien aux petites et moyennes entreprises plutôt que les objectifs environnementaux énoncés à l’article 191, paragraphe 1, et à l’article 192, paragraphe 2, TFUE.

115    Par ailleurs, la BEI écarte les arguments tirés du cadre juridique dans lequel la délibération litigieuse a été adoptée et des éléments sur lesquels celle-ci s’appuie. La déclaration de 2009 viserait seulement à orienter l’instruction des projets en amont des décisions de financement. Il s’agirait d’un acte interne qui ne modifierait pas sa mission, telle que définie dans le traité FUE, lequel ne mentionnerait pas la promotion de la protection de l’environnement parmi ses fonctions clés. Par ailleurs, le fait que la proposition de financement du projet Curtis mentionne, notamment, des avantages environnementaux liés à ce projet ne suffirait pas pour considérer que la délibération litigieuse, adoptée sur la base de cette proposition, l’ait été au titre du droit de l’environnement.

116    La seconde branche du premier moyen pose la question de savoir si c’est de manière erronée que, dans l’acte attaqué, la BEI a considéré que la délibération litigieuse n’était pas une mesure de portée individuelle adoptée « au titre du droit de l’environnement », au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus.

117    Le « droit de l’environnement » est défini, à l’article 2, paragraphe 1, sous f), du règlement Aarhus, comme portant sur toute disposition législative de l’Union qui, indépendamment de sa base juridique, contribue à la poursuite des objectifs de la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement tels que prévus par le traité FUE : la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement, la protection de la santé des personnes, l’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles et la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’environnement.

118    Il découle du libellé de l’article 2, paragraphe 1, sous f), du règlement Aarhus que, en renvoyant aux objectifs énumérés à l’article 191, paragraphe 1, TFUE, le législateur de l’Union a entendu donner à la notion de « droit de l’environnement », visée par ce règlement, une signification large, qui ne se limite pas à des questions liées à la protection de l’environnement naturel au sens strict (arrêt du 14 mars 2018, TestBioTech/Commission, T‑33/16, EU:T:2018:135, points 43 et 44 ; voir également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Jääskinen dans les affaires jointes Conseil e.a./Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht, C‑401/12 P à C‑403/12 P, EU:C:2014:310, point 128).

119    Au demeurant, ce constat est confirmé par l’article 192, paragraphe 2, TFUE, selon lequel le droit de l’environnement, tel qu’il est visé au titre XX du traité FUE, est susceptible de comprendre également des dispositions essentiellement de nature fiscale, des mesures affectant l’aménagement du territoire, la gestion quantitative des ressources hydrauliques ou touchant directement ou indirectement la disponibilité desdites ressources, l’affectation des sols ainsi que des mesures affectant sensiblement le choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique. Une interprétation restreinte de la notion de « droit de l’environnement » aurait pour conséquence que de telles dispositions et mesures ne relèveraient pas, en grande partie, de ce domaine (arrêt du 14 mars 2018, TestBioTech/Commission, T‑33/16, EU:T:2018:135, point 45).

120    De plus, il y a lieu d’observer que l’article 2, paragraphe 2, du règlement Aarhus prévoit que les actes et les omissions administratifs visés n’incluent pas les mesures prises ou les omissions, par une institution ou un organe de l’Union en sa qualité d’organisme de contrôle administratif, notamment au titre des articles 101, 102, 106, 107, 228, 258, 260 et 325 TFUE portant sur les règles en matière de concurrence, sur la procédure en manquement, sur la procédure relative au Médiateur européen et sur la procédure relative à la lutte contre la fraude. Le fait que le législateur ait considéré qu’il était nécessaire d’inclure de telles exceptions indique également que la notion de « droit de l’environnement », visée par le règlement Aarhus, doit être interprétée, en principe, de façon très large (arrêt du 14 mars 2018, TestBioTech/Commission, T‑33/16, EU:T:2018:135, point 46).

121    Par ailleurs, la référence aux « disposition[s] législative[s de l’Union] », à l’article 2, paragraphe 1, sous f), du règlement Aarhus, doit être comprise comme visant toute disposition de droit dérivé de l’Union ayant une portée générale, par opposition à l’« acte administratif », qui est défini, à l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus, comme « toute mesure de portée individuelle ». En effet, au moment où ce règlement a été adopté, à savoir le 6 septembre 2006, le traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007, n’avait pas encore introduit, en droit de l’Union, la distinction, au sein des actes de portée générale, entre les actes législatifs, adoptés en vertu de la procédure législative, et les actes réglementaires, adoptés selon une autre procédure. Ainsi, il n’y a pas lieu de considérer que la référence à cette notion exclurait de prendre en compte, en tant que « droit de l’environnement », les dispositions d’un « acte réglementaire » au sens du traité de Lisbonne, à savoir un acte de portée générale qui n’aurait été adopté ni selon la procédure législative ordinaire, ni selon une procédure législative spéciale au sens de l’article 289, paragraphes 1 à 3, TFUE.

122    Au demeurant, une telle définition restrictive ferait obstacle à ce qu’il soit tenu compte de quelque acte de portée générale que ce soit adopté par la BEI, tel que les déclarations de principes et de normes ou les stratégies adoptées par celle-ci dans l’exercice de son autonomie institutionnelle (voir points 28 à 36 ci-dessus).

123    En effet, il y a lieu de rappeler que, aux fins de la réalisation des objectifs du traité FUE, les organes de la BEI adoptent, notamment sous forme de politiques, de stratégies, d’instructions, de principes ou de normes, des règles internes de portée générale, dûment publiées et mises en œuvre, qui, indépendamment de leur caractère contraignant ou non au sens strict, limitent l’exercice du pouvoir d’appréciation de la BEI dans l’exercice de ses activités (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 27 avril 2012, De Nicola/BEI, T‑37/10 P, EU:T:2012:205, point 40 et jurisprudence citée ; du 16 septembre 2013, De Nicola/BEI, T‑618/11 P, EU:T:2013:479, point 36, et du 19 juillet 2017, Dessi/BEI, T‑510/16, non publié, EU:T:2017:525, point 43). Lorsque le juge de l’Union examine la légalité d’un acte adopté par la BEI, il tient compte de la réglementation interne adoptée par cette dernière (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 septembre 2013, De Nicola/BEI, T‑618/11 P, EU:T:2013:479, point 42).

124    En l’espèce et contrairement à ce que la BEI a soutenu lors de l’audience, il y a donc lieu d’assimiler les règles de portée générale encadrant son activité en matière d’octroi de prêts aux fins de la réalisation des objectifs du traité FUE en matière environnementale, en particulier les critères de nature environnementale d’éligibilité des projets à un financement de la BEI, à des dispositions législatives du droit de l’environnement de l’Union, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous f), du règlement Aarhus.

125    Enfin, il résulte du libellé et de l’économie de l’article 9, paragraphes 3 et 4, de la convention d’Aarhus, au regard duquel le règlement Aarhus doit, dans la mesure du possible, être interprété (voir point 107 ci-dessus), que tous les actes d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit de l’environnement devraient pouvoir être contestés. Ainsi, il n’y a pas lieu de limiter l’accès à la justice en matière d’environnement aux seuls actes d’autorités publiques qui auraient formellement pour base juridique une disposition du droit de l’environnement.

126    Pour toutes ces raisons et dans le souci d’une interprétation générale de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus cohérente et conforme à l’exigence d’offrir des recours suffisants et effectifs (voir point 4 ci-dessus), la notion de mesure de portée individuelle adoptée « au titre du droit de l’environnement », énoncée à l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus, doit être interprétée de manière large, en ce sens qu’elle ne se limite pas, comme le soutient la BEI, soutenue par la Commission, aux seules mesures de portée individuelle adoptées sur le fondement d’une disposition de droit dérivé qui contribue à la poursuite des objectifs de l’Union dans le domaine de l’environnement, tels qu’ils sont énoncés à l’article 191, paragraphe 1, TFUE, mais vise toute mesure de portée individuelle soumise à des exigences du droit dérivé de l’Union qui, indépendamment de leur base juridique, visent directement à la réalisation des objectifs de la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement.

127    Il reste donc à examiner si la délibération litigieuse peut être analysée comme étant une telle mesure de portée individuelle.

128    À cet égard, il ressort du point 11 du procès-verbal de la réunion du 12 avril 2018, tel que versé au dossier de la présente procédure, que, par la délibération litigieuse, le conseil d’administration a approuvé, lors de cette réunion, la proposition de financement.

129    Il ressortait des points 21 à 23 de la proposition de financement que la contribution du projet Curtis aux politiques poursuivies par l’Union serait importante, dans la mesure où ce projet venait au soutien des objectifs espagnols et européens en matière de production d’énergies renouvelables et contribuait à la sécurité de l’approvisionnement en énergie et à la réalisation d’objectifs environnementaux. Il contribuerait également à la prévention des incendies de forêt et à la durabilité de la sylviculture en Galice, en stimulant la demande locale de résidus forestiers. Le financement du projet aurait été conforme et aurait contribué à la priorité donnée par la BEI, dans le cadre de sa politique de prêts, aux énergies renouvelables et à l’action en faveur du climat.

130    Le point 24 de la proposition de financement signalait ainsi que ce projet était éligible à un financement de la BEI au titre de l’article 309, premier alinéa, sous c), TFUE, dans la mesure où il répondait à un intérêt commun dans le domaine de l’énergie.

131    Au point 25 de la proposition de financement, il était indiqué que le projet Curtis venait corriger une défaillance du marché, dans la mesure où les projets de production d’électricité et de chaleur à faible émission de carbone réduisaient les coûts externes liés au carbone et à la pollution atmosphérique.

132    En outre, le point 30 de la proposition de financement précisait que le projet Curtis contribuait aux objectifs en matière d’énergie renouvelable pour 2020 fixés dans le plan d’action espagnol pour les énergies renouvelables, adopté conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2009/28, dans sa version applicable au moment où la délibération litigieuse a été adoptée.

133    Enfin, le point 34 de la proposition de financement indiquait que, du point de vue de sa « [d]urabilité », dans la mesure où « les conditions appropriées [étaie]nt réunies (voir la fiche technique sur les aspects environnementaux et sociaux), le projet [Curtis étai]t acceptable sur le plan environnemental et social pour un financement [par la BEI] ».

134    La fiche technique sur les aspects environnementaux et sociaux du projet Curtis du 12 avril 2018 (ci-après la « fiche technique »), mentionnée au point 34 de la proposition de financement, faisait état des résultats d’une évaluation des incidences de ce projet sur l’environnement que l’autorité nationale compétente avait décidé d’effectuer, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2011/92, dans sa version applicable au moment où la délibération litigieuse avait été adoptée.

135    Ensuite, la fiche technique mentionnait les engagements qui avaient été pris par le promoteur du projet aux fins de garantir la durabilité de la biomasse utilisée dans le cadre de celui-ci, en fonction de certains critères repris dans ladite fiche. En particulier, le promoteur s’était engagé à ce que la biomasse utilisée dans le cadre du projet Curtis respectât les critères de durabilité définis dans la directive 2009/28, dans sa version applicable au moment où la délibération litigieuse avait été adoptée, ainsi que dans le règlement (UE) no 995/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 20 octobre 2010, établissant les obligations des opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché (JO 2010, L 295, p. 23), qui visait à lutter contre l’exploitation illégale des forêts et le commerce qui y était associé.

136    Enfin, la fiche technique reprenait le résultat de l’empreinte carbone du projet qui avait été calculée par la BEI conformément à ses propres méthodes d’évaluation, en soulignant que, dans la mesure où il se substituerait à la production combinée d’électricité par des centrales électriques nouvelles et existantes, l’effet total relatif du projet serait une réduction nette des émissions d’équivalent CO2 de 151 kilotonnes par an.

137    Dans la fiche technique, les services de la BEI concluaient, au regard des résultats et des engagements susmentionnés, que le projet Curtis était acceptable sur le plan environnemental et social pour un financement par la BEI.

138    Il découle de ce qui précède que, conformément au droit l’Union et aux règles internes de portée générale encadrant l’activité de prêt de la BEI citées aux points 28 à 36 ci-dessus, la délibération litigieuse constatait que certains critères d’éligibilité de nature environnementale, adoptés par la BEI dans l’exercice de son autonomie institutionnelle et visant directement à la réalisation des objectifs de la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement, étaient en l’espèce respectés.

139    En particulier, il ressort des éléments du dossier que la délibération litigieuse a été adoptée au motif que le projet Curtis répondait aux objectifs de l’activité de prêt de la BEI et aux critères d’éligibilité pour les projets portant sur l’environnement résultant de la déclaration de 2009 et de la stratégie climat, notamment parce qu’il venait au soutien des objectifs européens et espagnols en matière de production d’énergies renouvelables, qu’il respectait des critères de durabilité et des dispositions visant à lutter contre l’exploitation illégale des forêts fixés par le droit dérivé de l’Union et qu’il permettait une réduction nette des émissions d’équivalent CO2 sur les plans espagnol et européen.

140    En ce qu’elle constatait que le projet Curtis satisfaisait à ces critères d’éligibilité de nature environnementale, la délibération litigieuse était bien une mesure de portée individuelle adoptée « au titre du droit de l’environnement », au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus.

141    En revanche, dans la mesure où la délibération litigieuse a été adoptée par le conseil d’administration, il n’est pas pertinent de rechercher si, comme le soutient la requérante, une autre décision concernant le projet Curtis prise par le comité d’investissement du FEIS, consistant à octroyer la garantie de l’Union pour ce projet (voir point 45 ci-dessus), a également été adoptée dans le respect d’exigences contribuant à la poursuite des objectifs de la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement.

142    Au vu des constats tirés aux points 138 et 140 ci-dessus, la requérante soutient à bon droit, en l’espèce, que la BEI a commis une erreur d’appréciation en indiquant que la délibération litigieuse ne pouvait pas être considérée comme une mesure de portée individuelle adoptée « au titre du droit de l’environnement », au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus, et, partant, comme un acte susceptible de faire l’objet d’un réexamen interne conformément à l’article 10, paragraphe 1, de ce même règlement.

143    Partant, il y a lieu d’accueillir la seconde branche du premier moyen du recours. Toutefois, compte tenu du caractère cumulatif des différentes conditions pour qu’un acte puisse être qualifié d’« acte administratif » au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus qui sont contestées dans le cadre de chaque branche dudit moyen, il est nécessaire de poursuivre par l’examen de la première branche de ce même moyen.

–       Sur la première branche du premier moyen du recours, prise d’une application erronée de la condition que l’acte produise un « effet juridiquement contraignant et extérieur », énoncée à l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus

144    La requérante fait grief à la BEI d’avoir, en adoptant l’acte attaqué, fait une application erronée, à l’égard de la délibération litigieuse, de la condition que l’acte produise un « effet juridiquement contraignant et extérieur », énoncée à l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus.

145    La BEI, soutenue par la Commission, réfute les arguments de la requérante et soutient que la première branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

146    Elle estime que, conformément à la jurisprudence, elle est fondée à rejeter comme étant irrecevable toute demande de réexamen interne qui, comme en l’espèce, ne répond pas à certaines conditions posées par le règlement Aarhus pour l’introduction d’une telle demande. Comme il ressortirait de la lettre du 13 avril 2018 adressée au promoteur, la délibération litigieuse n’aurait créé aucune obligation à la charge de la BEI d’octroyer le prêt à l’entité ad hoc du projet Curtis et n’aurait conféré aucun droit au promoteur de ce projet ni modifié la situation juridique de ce dernier. Le seul acte qui aurait eu un effet juridiquement contraignant et extérieur à cet égard aurait été la documentation contractuelle relative au financement du projet Curtis par la BEI, signée le 25 juillet 2018, qui n’aurait pas constitué un « acte administratif » au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), et de l’article 10, paragraphe 1, du règlement Aarhus. La délibération litigieuse n’aurait été qu’une étape obligatoire au sein du processus décisionnel interne de la BEI. S’agissant d’une opération de financement sur projet, ce processus se serait déroulé en deux temps. Premièrement, le conseil d’administration aurait donné un accord de principe au financement du projet Curtis par la BEI, sans sélectionner le bénéficiaire du prêt. Deuxièmement, le comité de direction aurait approuvé définitivement ledit financement, après avoir, en exécution de la délibération litigieuse et en application de l’article 11, paragraphe 3, des statuts de la BEI, défini les modalités et les conditions définitives de celui-ci dans les limites de l’accord de principe donné par le conseil d’administration. La négociation du contrat par les services de la BEI aurait été une étape cruciale, dont le succès n’aurait pas été garanti, comme en témoignerait l’expérience passée concernant d’autres projets.

147    Selon la BEI, soutenue par la Commission, ni les actes de son processus décisionnel interne ni le contrat de prêt ne sont des « actes administratifs » au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), et de l’article 10, paragraphe 1, du règlement Aarhus. Cela serait conforme à l’indépendance dont la BEI jouirait dans le domaine de ses opérations financières et au fait que son activité bancaire ne serait pas assimilable à une activité administrative. La situation de l’espèce ne pourrait donc pas être comparée à celle des affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78), dans lesquelles un acte administratif était clairement en cause. S’agissant de l’article 271, sous c), TFUE, invoqué par la requérante, celui-ci viserait uniquement à préserver les droits procéduraux spécifiques attribués aux États membres et à la Commission par l’article 19 des statuts de la BEI, dans le cadre de son processus décisionnel interne concernant l’octroi de prêts, et ne conférerait aucun droit à contester sur le fond les décisions d’octroi de prêt. Quant à la procédure de réexamen interne, prévue à l’article 10 du règlement Aarhus, elle n’aurait pas pour finalité d’améliorer la qualité du processus décisionnel, mais d’élargir l’accès de certains demandeurs aux voies de droit existant devant les juridictions de l’Union, conformément à l’article 12 de ce même règlement. Il ne serait pas possible de demander le réexamen interne d’un acte qui n’est pas attaquable au sens de l’article 263 TFUE, parce qu’il ne produirait pas d’effet juridique allant à l’encontre du droit de l’environnement à l’égard d’un tiers.

148    La première branche du premier moyen pose la question de savoir si c’est de manière erronée que, dans l’acte attaqué, la BEI a considéré que la délibération litigieuse n’était pas une mesure ayant « un effet juridiquement contraignant et extérieur » au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus.

149    À titre liminaire, il convient de rappeler que la procédure administrative de réexamen interne prévue à l’article 10 du règlement Aarhus ouvre la voie à un recours juridictionnel devant la Cour de justice de l’Union européenne qui, en vertu de l’article 12 de ce même règlement, doit être formé « conformément aux dispositions pertinentes du traité [FUE] » et donc, en principe, dans le respect des conditions fixées à l’article 263 TFUE. Compte tenu du lien existant ainsi entre la notion d’acte produisant un « effet juridiquement contraignant et extérieur », au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus, et celle d’acte produisant des effets juridiques à l’égard des tiers, au sens l’article 263 TFUE, il est raisonnable, dans un souci de cohérence générale, d’interpréter la première conformément à la seconde.

150    La Commission et, à sa suite, la BEI proposent, en substance, de constater d’emblée que la délibération litigieuse n’est pas un acte administratif, car elle se rapporte aux activités financières de la BEI, dans le cadre desquelles celle-ci doit pouvoir agir en toute indépendance.

151    Toutefois, comme cela a déjà été constaté au point 92 ci-dessus, la BEI n’est pas recevable, dans les circonstances de l’espèce, à soulever un moyen en défense tiré de ce que la demande de réexamen interne introduite par la requérante, en application de l’article 10 du règlement Aarhus et de la décision 2008/50, aurait été incompatible avec le « statut particulier » que lui confère le traité FUE.

152    Il convient donc de s’en tenir à rechercher si la délibération litigieuse a « un effet juridiquement contraignant et extérieur », au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement Aarhus, et, par suite, si elle était « destiné[e] à produire des effets juridiques à l’égard des tiers », au sens de l’article 263 TFUE.

153    Selon une jurisprudence constante, pour déterminer si des actes ou des décisions sont « destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers » au sens de l’article 263 TFUE, il y a lieu de s’attacher à la substance de ces actes ou de ces décisions plutôt qu’à leur forme et de rechercher s’ils produisent des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts d’un tiers, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (voir, en ce sens, ordonnances du 21 juin 2007, Finlande/Commission, C‑163/06 P, EU:C:2007:371, point 40 et jurisprudence citée, et du 2 septembre 2009, E.ON Ruhrgas et E.ON Földgáz Trade/Commission, T‑57/07, non publiée, EU:T:2009:297, point 30 et jurisprudence citée). Tel n’est pas le cas des mesures d’ordre interne qui ne produisent aucun effet en dehors de la sphère interne de l’institution, de l’organe ou de l’organisme de l’Union qui en est l’auteur (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 1959, Phoenix-Rheinrohr/Haute Autorité, 20/58, EU:C:1959:14, p. 181). Dans le cas d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, tel n’est pas non plus le cas des actes ou des décisions qui sont purement préparatoires, en ce qu’ils ne fixent sur aucun aspect de ladite procédure de manière définitive la position de l’institution, de l’organe ou de l’organisme de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2002, Satellimages TV5/Commission, T‑95/99, EU:T:2002:62, points 32 à 41). Enfin, tel n’est pas non plus le cas des actes ou des décisions de simple exécution (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 1988, Les Verts/Parlement, 190/84, EU:C:1988:94, points 7 et 8 ; voir également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire Ismeri Europa/Cour des comptes, C‑315/99 P, EU:C:2001:243, point 47).

154    En l’espèce, afin d’effectuer la recherche annoncée au point 152 ci-dessus, à la lumière des principes rappelés au point 153 ci-dessus, il y a lieu d’examiner à la fois le contenu de la délibération litigieuse et le contexte dans lequel celle-ci a été adoptée.

155    Conformément à l’article 9, paragraphe 1, des statuts de la BEI, c’est au conseil d’administration qu’il revient de décider de l’octroi de financements et de fixer les taux d’intérêt pour les prêts. Il peut, sur la base d’une décision prise à la majorité qualifiée, déléguer certaines de ses attributions au comité de direction. En cas de délégation, il détermine les conditions et les modalités de celle-ci et il en supervise l’exécution. L’article 11, paragraphe 3, des statuts de la BEI dispose que le comité de direction assure la gestion des affaires courantes de la BEI, sous l’autorité du président et sous le contrôle du conseil d’administration, qu’il prépare les décisions dudit conseil, notamment en ce qui concerne l’octroi de financements, et qu’il assure l’exécution de ces décisions.

156    Le règlement intérieur de la BEI, dans sa version applicable au moment où la délibération litigieuse a été adoptée, à savoir celle issue des modifications du 20 janvier 2016 (JO 2016, L 127, p. 55), précise, en son article 17, que « [l]es délibérations du conseil d’administration font l’objet de procès-verbaux signés par les présidents de la séance qu’ils concernent et de celle au cours de laquelle ils sont approuvés ainsi que par le secrétaire de la séance ».

157    L’article 18, paragraphe 1, de ce même règlement intérieur dispose en outre :

« Conformément à l’article 9, paragraphe 1, des statuts [de la BEI], le conseil d’administration exerce les pouvoirs suivants :

[…]

il approuve les opérations de financement et de garantie proposées par le comité de direction […] »

158    En vertu de l’article 18, paragraphe 2, du règlement intérieur de la BEI, « [d]’une manière générale, [le conseil d’administration] veille à la bonne administration de la [BEI], au respect du traité [FUE], des statuts, des directives du conseil des gouverneurs et des autres textes régissant l’activité de la [BEI] dans le cadre de la mission confiée à celle-ci par le traité [FUE] ».

159    L’article 18, paragraphe 3, du règlement intérieur de la BEI rappelle la possibilité de délégation au comité de direction prévue à l’article 9, paragraphe 1, des statuts de la BEI, en précisant qu’une telle décision est prise à la majorité qualifiée.

160    En vertu de l’article 18, paragraphe 4, du règlement intérieur de la BEI, le conseil d’administration « exerce tout autre pouvoir prévu par les statuts [de la BEI] et confère au comité de direction, dans les règles et décisions qu’il adopte, les compétences d’exécution s’y rapportant, étant entendu que le comité de direction assure, conformément à l’article 11, paragraphe 3, des statuts, la gestion des affaires courantes de la [BEI], sous l’autorité du président et le contrôle du conseil d’administration ».

161    Comme cela a déjà été indiqué, il ressort du point 11 du procès-verbal de la réunion du 12 avril 2018, tel que versé au dossier de la présente procédure, que le conseil d’administration a approuvé, lors de cette réunion, la proposition de financement.

162    Il ressort du point 5 de la proposition de financement que, pour pouvoir bénéficier du régime de soutien mis en place par le Real Decreto 413/2014 por el que se regula la actividad de producción de energía eléctrica a partir de fuentes de energía renovables, cogeneración y residuos (décret royal 413/2014 portant réglementation de la production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables, de cogénération et de déchets), du 6 juin 2014 (BOE no 140, du 10 juin 2014, p. 43876), le projet Curtis devait être finalisé, testé et opérationnel au 28 mars 2020, ce qui impliquait un calendrier d’achèvement très serré et, en fin de compte, l’approbation du financement. Pour cette raison, les services de la BEI indiquaient avoir décidé de faire progresser le processus d’approbation financière parallèlement à l’audit préalable du conseiller technique des prêteurs et à la phase II de l’audit du projet par les services de la BEI, en étant conscients du fait que, compte tenu des risques significatifs identifiés eu égard au projet Curtis, il se pouvait que la BEI soit finalement empêchée de participer au financement de ce dernier.

163    Le point 15 de la proposition de financement expliquait plus précisément la structure proposée pour l’approbation du projet. Aux termes de ce point, « [l]a transaction suivra[it] la procédure d’approbation habituelle en deux étapes s’agissant des opérations de financement de projet. Après une première approbation par le conseil d’administration, le résultat final de l’audit et la documentation détaillée portant sur le prêt et le projet ser[aie]nt présentés au comité de direction pour approbation finale. Cette procédure permet[tait] à la [BEI] de respecter les délais opérationnels et commerciaux stricts requis pour les opérations de financement de projet, et plus particulièrement pour [l]e projet [Curtis]. Dans le cas où les conditions définitives s’écarteraient des conditions spécifiées dans cette approbation, une nouvelle approbation du conseil d’administration serait demandée, conformément à la procédure de la [BEI] ».

164    En outre, il ressort du constat tiré au point 139 ci-dessus que la délibération litigieuse a été adoptée au motif que le projet Curtis répondait aux objectifs de l’activité de prêt de la BEI et aux critères d’éligibilité pour les projets portant sur l’environnement résultant de la déclaration de 2009 et de la stratégie climat, notamment parce qu’il venait au soutien des objectifs européens et espagnols en matière de production d’énergies renouvelables, qu’il respectait des critères de durabilité et des dispositions visant à lutter contre l’exploitation illégale des forêts fixés par le droit dérivé de l’Union et qu’il permettait une réduction nette des émissions d’équivalent CO2 sur les plans espagnol et européen.

165    Par lettre du 13 avril 2018 (voir point 47 ci-dessus), la BEI a communiqué au promoteur du projet Curtis l’information selon laquelle le conseil d’administration avait approuvé le prêt pour le financement dudit projet et les conditions principales qui seraient celles du contrat de financement, tout en indiquant que « [c]ette communication n’impliqu[ait] aucun engagement juridique quant à l’octroi du prêt susmentionné, mais [étai]t émise afin que [ledit promoteur] puisse entreprendre les démarches nécessaires à la formalisation du prêt ».

166    Par un courriel que la division « Société civile » de la BEI a adressé à la requérante le 16 août 2018 et que cette dernière a versé au dossier de la présente affaire afin de pouvoir l’invoquer à l’appui de son argumentation, la BEI a indiqué à la requérante que « [t]outes les informations environnementales utiles à l’audit de [l’]opération de financement [du projet Curtis avaie]nt été communiquées au conseil d’administration lors de la phase I [de l’audit dudit projet] et [avaie]nt été rendues publiques par le biais de la fiche technique sur les aspects sociaux et environnementaux [relative à ce même projet]. La phase [II] de l’audit portait uniquement sur les aspects techniques, économiques et financiers de l’opération de financement. Les documents de la phase [II] de l’audit ne cont[enaie]nt aucune information environnementale et ne rel[evai]ent donc pas de l’objet de [la] demande [d’accès à l’information environnementale relative au projet Curtis que la requérante lui avait adressée] ».

167    Il ressort clairement du contenu et du contexte dans lequel la délibération litigieuse a été adoptée que celle-ci traduisait une prise de position définitive de la BEI, par la voix de son conseil d’administration, sur l’éligibilité du projet Curtis à l’octroi d’un financement par la BEI au regard de ses aspects environnementaux et sociaux, qui répondaient aux objectifs de l’activité de prêt de la BEI et aux critères d’éligibilité pour les projets portant sur l’environnement résultant de la déclaration de 2009 et de la stratégie climat.

168    En effet, même si, après la délibération litigieuse, l’audit du projet Curtis devait se poursuivre et si certains aspects techniques, économiques et financiers de l’opération de financement, dont dépendait l’octroi du prêt, devaient encore être examinés par le comité de direction, il n’en reste pas moins que cet audit ne devait plus porter sur les aspects environnementaux et sociaux dudit projet, sur lesquels le conseil d’administration s’était définitivement prononcé, dans la délibération litigieuse, au vu de l’ensemble des éléments qui y étaient relatifs figurant dans la proposition de financement et dans la fiche technique.

169    En réponse à une question orale posée par le Tribunal lors de l’audience, la BEI a reconnu que la délibération litigieuse avait fixé de manière définitive la position du conseil d’administration, qui était l’autorité compétente à cet égard, concernant l’éligibilité du projet Curtis à un financement de la BEI au regard de ses aspects environnementaux et sociaux. Dans cette mesure, il ne s’agissait donc ni d’une opinion provisoire du conseil d’administration ni d’une décision intermédiaire dont l’objectif aurait été de préparer une décision finale dudit conseil d’administration.

170    Il s’ensuit que, même si la délibération litigieuse ne valait pas, comme le soutient la BEI dans le cadre de la présente procédure et comme elle le mentionnait dans sa lettre au promoteur du projet Curtis du 13 avril 2018, engagement juridique quant à l’octroi du prêt à l’entité ad hoc, dans la mesure où il restait d’autres aspects techniques, économiques et financiers dudit projet à auditer, elle n’en produisait pas moins certains effets juridiques définitifs à l’égard des tiers, en particulier à l’égard du promoteur de ce projet, en ce qu’elle constatait l’éligibilité dudit projet à un financement de la BEI au regard de ses aspects environnementaux et sociaux, permettant ainsi audit promoteur de prendre les mesures suivantes nécessaires pour la formalisation du prêt dont il devait bénéficier, comme cela est indiqué dans la lettre du 13 avril 2018 de la BEI à ce dernier. Au regard de ces aspects environnementaux et sociaux, la décision subséquente du comité de direction d’octroyer le prêt, après avoir poursuivi l’audit du projet Curtis sur les autres aspects restant à examiner, ne pouvait, tout au plus, qu’être regardée comme une décision de simple exécution, au sens de la jurisprudence citée au point 153 ci-dessus.

171    Or, c’est précisément sur les aspects environnementaux que devait porter la procédure de réexamen interne mise en place par le règlement Aarhus (voir, à cet égard, points 16, 18 et 19 ci-dessus) et la demande de réexamen interne introduite par la requérante mettait notamment en cause l’évaluation, par la BEI, de la durabilité du projet Curtis et de sa contribution à la réalisation des objectifs de la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement (voir, à cet égard, points 54 à 57 ci-dessus et points 80 à 123 de la demande de réexamen interne). Ainsi, ladite demande se rapportait, au moins partiellement, aux effets juridiques définitifs produits à l’égard des tiers par la délibération litigieuse.

172    Pour ces motifs, il y a lieu d’accueillir également la première branche du premier moyen du recours.

173    Au vu des appréciations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir intégralement le premier moyen du recours et, sur ce fondement, d’annuler l’acte attaqué.

 Sur les dépens

174    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

175    En l’espèce, la BEI a succombé en ses conclusions. En outre, la requérante a expressément conclu à ce que la BEI soit condamnée aux dépens.

176    Partant, il y a lieu de condamner la BEI à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante.

177    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens.

178    Par conséquent, la Commission doit supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Banque européenne d’investissement (BEI), communiquée à ClientEarth par lettre du 30 octobre 2018, rejetant comme étant irrecevable la demande de réexamen interne de la délibération du conseil d’administration de la BEI, du 12 avril 2018, approuvant le financement d’un projet de centrale électrique biomasse en Galice (Espagne) que ClientEarth avait introduite, le 9 août 2018, en application de l’article 10 du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement et de la décision 2008/50/CE de la Commission, du 13 décembre 2007, établissant les modalités d’application du règlement no 1367/2006 en ce qui concerne les demandes de réexamen interne d’actes administratifs, est annulée.

2)      La BEI supportera ses propres dépens ainsi que ceux de ClientEarth.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Van der Woude

Tomljenović

Schalin

Škvařilová-Pelzl

 

      Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 janvier 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.