Language of document : ECLI:EU:T:2003:254

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

30 septembre 2003(1)

«Fonction publique - Concours - Non-admission aux épreuves orales - Accès aux documents»

Dans l'affaire T-214/02,

Maria-Angeles M artínez Valls, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes G. Vandersanden et L. Levi, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. H. von Hertzen et D. Moore, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation des lettres des 3 avril et 31 mai 2002 par lesquelles le jury a constaté l'échec de la requérante aux épreuves écrites du concours PE/90/A ainsi que, s'agissant de la lettre du 31 mai 2002, en ce que le jury aurait refusé l'accès à certains documents et, d'autre part, une demande en réparation du préjudice subi du fait de ces lettres,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de M. R. García-Valdecasas, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,

greffier: M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 8 mai 2003,

rend le présent

Arrêt

Faits, procédure et conclusions des parties

1.
    Le Parlement a organisé un concours général PE/90/A en vue de la constitution d'une réserve de recrutement d'administrateurs adjoints (carrière A 8) de langue espagnole. Selon l'avis de concours du 10 juin 2000 (JO C 162 A), les épreuves écrites obligatoires comportaient une dissertation sur un thème de caractère général, notée sur 40 points et pour laquelle toute note inférieure à 20 points était éliminatoire.

2.
    La requérante, fonctionnaire de catégorie B du Parlement, a participé aux épreuves écrites de ce concours, qui ont eu lieu les 16 et 17 novembre 2001.

3.
    Lors de ces épreuves, les candidats ont reçu une copie d'une note du Parlement du 4 octobre 2001 intitulée «Dispositions relatives à l'accès des candidats des concours à leurs épreuves écrites corrigées» (ci-après la «note du 4 octobre 2001»), en vertu de laquelle:

«Tout candidat qui a échoué à une épreuve rédactionnelle peut demander par écrit, dans un délai d'un mois à compter de la date d'envoi de ses résultats, une copie de son épreuve accompagnée de la grille de correction correspondante élaborée par le jury.»

4.
    Pour l'épreuve de dissertation, la requérante a choisi le quatrième et dernier sujet «L'Union européenne est-elle prête pour faire face au défi du prochain élargissement?».

5.
    Par lettre du 3 avril 2002, le jury de concours a informé la requérante que sa candidature avait été écartée en raison d'une note éliminatoire de 12 points sur 40 obtenue à cette épreuve (ci-après la «lettre du 3 avril 2002»).

6.
    Le 15 avril 2002, la requérante a demandé au président du jury, d'une part, un nouvel examen de sa dissertation et, d'autre part, si le jury venait à confirmer sa note éliminatoire, d'obtenir la communication des documents suivants:

-    sa copie corrigée;

-    les critères d'évaluation utilisés par le jury;

-    «la documentation accessible au public, sur la base de laquelle le jury s'est fondé pour son évaluation et qui démontre quels autres aspects, outre la réforme institutionnelle, constituent des éléments nouveaux et extraordinaires par rapport aux adhésions antérieures, de telle sorte que ces aspects puissent être considérés comme des conditions particulières et extraordinaires du ‘défi' auquel l'Union est confrontée avant le prochain élargissement» (ci-après la «documentation de base»).

7.
    Par lettre du 31 mai 2002, le président du jury a réitéré que la requérante n'était pas admissible aux épreuves orales (ci-après la «lettre du 31 mai 2002»). Il a en effet considéré, compte tenu des critères de correction du jury, que la dissertation de la requérante n'offrait qu'une réponse incomplète, celle-ci n'ayant traité que des aspects institutionnels de l'élargissement, à l'exclusion d'autres aspects également importants tels que les aspects budgétaires, sociaux, commerciaux ou environnementaux.

8.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 juillet 2002, la requérante a introduit le présent recours.

9.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé par écrit une question à la partie requérante, en l'invitant à y répondre lors de l'audience.

10.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience du 8 mai 2003.

11.
    En réponse à une question du Tribunal, la requérante a indiqué que la conclusion formulée dans la requête et visant à la condamnation du Parlement à communiquer certains documents constituait une demande d'organisation de la procédure et non pas une demande d'injonction contre l'institution défenderesse.

12.
    À la lumière de cette précision, le Parlement a, en substance, indiqué qu'il n'entendait pas se prévaloir de l'irrecevabilité de cette conclusion.

13.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la lettre du 3 avril 2002 par laquelle le jury a constaté l'échec de la requérante aux épreuves écrites du concours PE/90/A;

-    annuler la lettre du 31 mai 2002 par laquelle le jury a confirmé la lettre du 3 avril 2002 et rejeté la demande de la requérante d'accès à certains documents;

-    à tout le moins, annuler l'ensemble des opérations et actes du concours ultérieurs aux illégalités contenues dans les lettres des 3 avril et 31 mai 2002 et, notamment, la liste des lauréats et les décisions de nomination intervenues sur la base de cette liste;

-    en toute hypothèse, condamner le Parlement à prendre toutes les mesures qui s'imposent afin de réintégrer la requérante dans ses droits en tant que candidate ayant réussi les épreuves écrites du concours PE/90/A;

-    à défaut, condamner le Parlement au paiement de 10 389,46 euros à titre de dommages et intérêts, montant évalué à la date du recours sous réserve d'ampliation;

-    condamner le Parlement aux dépens.

14.
    Le Parlement conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter comme irrecevables les conclusions en annulation de la lettre du 31 mai 2002 en ce qu'elle refuserait l'accès à certains documents;

-    rejeter comme irrecevables les conclusions en annulation de l'ensemble des opérations du concours ou, à tout le moins, de l'ensemble des opérations et actes du concours postérieurs aux lettres des 3 avril et 31 mai 2002 et l'adoption par le Parlement de toutes les mesures qui s'imposeraient par la suite;

-    rejeter comme non fondées les conclusions en annulation;

-    rejeter comme non fondées les conclusions en indemnité;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

En droit

15.
    Le recours vise, d'une part, le bien-fondé de la correction de la dissertation de la requérante par le jury et, d'autre part, l'accès tardif et/ou partiel aux documents relatifs à l'épreuve de dissertation. En outre, la requérante demande, à titre de mesures d'organisation de la procédure, que le Parlement lui communique certains documents. Il convient d'examiner préalablement ce dernier point.

Sur la demande de mesure d'organisation de la procédure

Arguments des parties

16.
    La requérante a demandé, dans sa requête, que le Parlement lui communique, outre les documents visés dans la lettre du 15 avril 2002, le rapport motivé du jury.

17.
    Au terme de la procédure écrite, le Parlement a transmis à la requérante les documents visés dans la lettre du 15 avril 2002, à l'exception de la documentation de base du jury. Il a également annexé à la duplique le rapport motivé du jury, cependant sans annexes.

18.
    La requérante a précisé lors de l'audience qu'elle souhaitait encore obtenir la communication de la documentation de base du jury et des annexes au rapport motivé.

19.
    La requérante estime en effet que la production de ces documents est décisive pour la solution du litige, car ils contiennent la preuve de faits pertinents (ordonnance de la Cour du 28 janvier 1987, Usinor et Sacilor/Commission, 171/87, non publiée au Recueil). Toutefois, elle a également indiqué, lors de l'audience, que, si le Parlement venait à confirmer l'inexistence de ces documents, elle considérerait alors satisfaite sa demande d'accès aux documents.

20.
    Le Parlement soutient que la documentation de base n'existe pas et que les annexes au rapport motivé sont confidentielles et/ou volumineuses et/ou sans rapport avec l'épreuve de la requérante.

Appréciation du Tribunal

21.
    Il ressort de la jurisprudence que l'inexistence d'un document auquel l'accès est demandé est présumée lorsqu'une affirmation en ce sens est faite par l'institution concernée. Il s'agit néanmoins d'une présomption simple que le requérant peut renverser par tous moyens sur la base d'indices pertinents et concordants [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 octobre 2000, JT's Corporation/Commission, T-123/99, Rec. p. II-3269, point 58, et du 25 juin 2002, British American Tobacco (Investments)/Commission, T-311/00, Rec. p. II-2781, point 35].

22.
    En l'espèce, s'agissant de la documentation de base, la requérante n'ayant invoqué aucun indice au soutien de son allégation, elle n'est pas parvenue à renverser ladite présomption. Quant aux annexes du rapport motivé, la requérante en a demandé pour la première fois la communication lors de l'audience. Elle n'a apporté aucun élément visant à réfuter les objections du Parlement quant à leur communication.

23.
    Dès lors, il convient de constater que, au terme de la procédure écrite, le Parlement a transmis à la requérante l'intégralité des documents disponibles que cette dernière avait demandés par lettre du 15 avril 2002 ainsi que dans sa requête. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes de mesures d'organisation de la procédure.

Sur l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation dans la correction de la dissertation

Arguments des parties

24.
    La requérante soutient que le jury a commis une erreur manifeste d'appréciation en lui attribuant la note éliminatoire de 12 sur 40 à l'épreuve de dissertation. Elle demande, en conséquence, l'annulation des lettres des 3 avril et 31 mai 2002 ainsi que l'octroi de dommages et intérêts visant à compenser le préjudice matériel découlant de la perte d'une chance d'accéder à la catégorie A.

25.
    S'agissant de la demande en annulation, la requérante fait valoir que le sujet à traiter ne mentionnait pas les aspects budgétaires, sociaux, commerciaux ou environnementaux des défis de l'élargissement, ni, d'ailleurs, d'autres aspects tels que l'énergie, la recherche ou les transports. Le jury n'aurait pas expliqué la pertinence des critères retenus.

26.
    La requérante considère que le jury a commis une erreur manifeste d'appréciation en méconnaissant les termes de l'avis de concours. Elle rappelle que la dissertation avait pour but d'apprécier le niveau de connaissances, la capacité de rédaction et la rigueur du raisonnement des candidats. Dès lors, en fixant des critères de correction aussi stricts pour une épreuve générale de dissertation, le jury aurait méconnu l'objet même de l'épreuve en question. Il aurait dû énoncer ses exigences dans l'intitulé de la question.

27.
    En outre, les critères du jury ne seraient pas conformes au sujet posé. La requérante estime en effet que le sujet n'était pas celui des défis auxquels sont confrontés les pays candidats, mais portait sur ceux rencontrés par l'Union européenne pour accueillir ces nouveaux États membres.

28.
    La requérante soupçonne le jury de lui avoir attribué une note globale en fonction de critères non conformes au principe d'égalité de traitement. Elle s'interroge sur l'utilisation de critères et de sous-critères de notation et fait valoir qu'aucune directive ne garantit l'application de ces critères à tous les candidats dans le respect du principe d'égalité de traitement. Afin de conforter son argumentation sur ce dernier point, la requérante a soutenu lors de l'audience que le premier lauréat du concours avait, dans sa réponse à l'épreuve de dissertation en cause, limité son analyse aux aspects institutionnels de l'élargissement. La requérante allègue que cet élément tend à démontrer que le jury a méconnu le principe d'égalité entre les candidats.

29.
    La requérante fait valoir que sa copie répondait à la question posée de façon pertinente. La note obtenue serait donc manifestement erronée.

30.
    Le Parlement rappelle que le jury de concours dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour évaluer les résultats des épreuves d'un concours et que le bien-fondé de ses jugements de valeur ne saurait être contrôlé par le juge communautaire, sauf cas de violation évidente des règles qui régissent ses travaux.

31.
    Le jury aurait fixé, à l'avance, des critères de correction objectifs et raisonnables. Le Parlement estime qu'il a fourni au Tribunal tous les éléments pertinents pour l'exercice de son contrôle de légalité. Toutefois, le Tribunal ne pourrait, comme le suggère la requérante, substituer sa propre appréciation subjective à celle du jury.

32.
    Le jury aurait considéré que la copie de la requérante, qui ne contenait qu'un exposé des aspects institutionnels du prochain élargissement, n'offrait qu'une réponse partielle à la question «L'Union européenne est-elle prête pour faire face au défi du prochain élargissement?». En effet, la requérante aurait également dû aborder les aspects budgétaires, sociaux, commerciaux ou relatifs à l'environnement, aspects préalablement retenus par le jury parmi les critères de correction.

33.
    Le Parlement fait valoir que le bien-fondé de ce jugement de valeur du jury est manifeste; ce dernier n'a aucunement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation. Le Parlement souligne par ailleurs que la copie a été évaluée par deux membres du jury, sous le contrôle systématique d'un troisième membre, offrant ainsi la possibilité de comparer les notes des différents notateurs. Les notes finales auraient ensuite été fixées par le jury à l'unanimité.

Appréciation du Tribunal

34.
    Il ressort, en substance, des écritures et plaidoiries de la requérante que, par sa demande en annulation des lettres des 3 avril et 31 mai 2002, elle reproche moins au jury d'avoir commis une erreur manifeste d'appréciation lors de la correction de sa copie au regard des critères qu'il avait définis, qu'elle ne conteste la définition de ces critères qu'elle estime manifestement erronée.

35.
    Il convient de rappeler que le jury d'un concours dispose d'un large pouvoir d'appréciation quant au contenu détaillé des épreuves prévues dans le cadre d'un concours. Il n'appartient au juge communautaire de censurer ce contenu qu'au cas où celui-ci sort du cadre indiqué dans l'avis de concours ou n'a pas de commune mesure avec les finalités de l'épreuve du concours (arrêt de la Cour du 8 mars 1988, Sergio/Commission, 64/86, 71/86 à 73/86 et 78/86, Rec. p. 1399, point 22, et arrêt du Tribunal du 21 mai 1996, Kaps/Cour de justice, T-153/95, RecFP p. I-A-233 et II-663, point 37).

36.
    En l'espèce, c'est en vain que la requérante tente de démontrer que les critères d'évaluation retenus par le jury excèdent le cadre de l'avis de concours et la finalité de l'épreuve. Il ressort de cet avis que l'épreuve de dissertation «portait sur un thème choisi par le candidat entre plusieurs thèmes de caractère général sur des sujets relatifs à l'Union européenne et destinés à apprécier le niveau des connaissances du candidat, ses capacités de rédaction et la rigueur de son raisonnement». Le sujet posé («L'Union européenne est-elle prête pour faire face au défi du prochain élargissement?») répond manifestement à la finalité de l'épreuve ainsi décrite dans l'avis de concours.

37.
    Contrairement à ce que prétend la requérante, le jury n'était nullement tenu d'inclure les critères de correction dans l'intitulé du sujet afin de les porter à la connaissance des candidats. En effet, il convient de rappeler que ces critères de correction font partie intégrante des appréciations de nature comparative auxquelles se livre le jury sur les mérites respectifs des candidats. Ils tendent à assurer, dans l'intérêt de ces derniers, une certaine homogénéité des appréciations du jury. Ces critères sont donc couverts par le secret des délibérations (arrêt de la Cour du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C-254/95 P, Rec. p. I-3423, point 29).

38.
    S'agissant du choix de ces critères d'évaluation, le jury a souverainement retenu, outre les aspects institutionnels, quatre autres perspectives à traiter par les candidats (aspects budgétaires, sociaux, commerciaux et environnementaux) qui, indubitablement, constituent autant de facettes du défi posé à l'Union européenne par l'élargissement prochain. Le jury a ainsi défini des critères pertinents et uniformes afin de procéder, dans l'intérêt des candidats et le respect de leur égalité, à une évaluation comparative de leurs mérites respectifs.

39.
    La dissertation de la requérante n'ayant porté que sur un de ces cinq éléments, c'est à juste titre que le jury a pu considérer que sa réponse était incomplète et lui a attribué une note éliminatoire.

40.
    À cet égard, l'allégation formulée par la requérante lors de l'audience concernant les résultats d'un lauréat du concours doit être rejetée, car elle n'est pas étayée. Par ailleurs, compte tenu de la présentation tardive de cet argument, le Parlement n'a pas été en mesure d'y répondre lors de l'audience.

41.
    Il ressort de ces éléments que la demande d'annulation de la lettre du 3 avril 2002, par laquelle le jury a informé la requérante de son échec aux épreuves écrites du concours PE/90/A, doit être rejetée, car le moyen pris d'une erreur manifeste d'appréciation n'est pas fondé.

42.
    Par conséquent, il convient également de rejeter sans autre examen les conclusions visant, à titre subsidiaire, à annuler l'ensemble des opérations du concours et à intégrer la requérante parmi les candidats ayant réussi les épreuves écrites du concours PE/90/A.

43.
    En outre, selon une jurisprudence constante en matière de fonction publique, les conclusions tendant à la réparation d'un préjudice doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont elles-mêmes été rejetées soit comme irrecevables soit comme non fondées (arrêt du Tribunal du 15 mai 1997, N/Commission, T-273/94, RecFP p. I-A-97 et II-289, point 159, et la jurisprudence citée).

44.
    En l'espèce, il existe un lien étroit entre, d'une part, la demande d'annulation de la lettre du 3 avril 2002 par laquelle le jury a communiqué le résultat de l'épreuve écrite à la requérante et la lettre du 31 mai 2002 confirmant ce résultat et, d'autre part, la demande en réparation du préjudice matériel découlant du prétendu caractère erroné de l'appréciation du jury sur laquelle reposent ces lettres. Dans ces circonstances, la demande en indemnité doit être rejetée dans la mesure où l'examen du moyen présenté au soutien de la demande en annulation n'a révélé aucune illégalité commise par le Parlement et donc aucune faute de nature à engager sa responsabilité.

45.
    Dès lors, il convient de rejeter la demande en réparation du préjudice matériel prétendument subi par la requérante du fait de sa non-admission à l'épreuve orale du concours PE/90/A.

Sur l'accès aux documents

46.
    La requérante demande, d'une part, l'annulation de la lettre du 31 mai 2002 par laquelle le Parlement aurait refusé de lui communiquer certains documents et, d'autre part, la réparation du préjudice moral qui en résulte. Il convient d'examiner successivement la demande en annulation et la demande en réparation.

Sur la demande en annulation

- Argument des parties

47.
    Le Parlement, sans soulever formellement une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114 du règlement de procédure, prétend que les moyens relatifs à l'accès aux documents invoqués au soutien de la demande en annulation de la lettre du 31 mai 2002 sont irrecevables.

48.
    En premier lieu, la lettre du 31 mai 2002 ne comportant aucune appréciation relative à l'accès aux documents, ces moyens viseraient à l'annulation d'un élément décisionnel qui n'existe pas et seraient, dès lors, irrecevables.

49.
    En deuxième lieu, la requérante n'aurait pas respecté la procédure préalable instituée par les articles 6 à 8 du règlement CE n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), et par les modifications apportées au règlement intérieur du Parlement conformément au règlement n° 1049/2001 (décision du bureau relative à l'accès du public aux documents du Parlement européen adoptée le 28 novembre 2001, ci-après la «décision du bureau du 28 novembre 2001»). Le Parlement expose que cette procédure s'articule en deux phases. Ainsi, les intéressés doivent d'abord faire une «demande initiale» et adresser, en cas de refus ou d'absence de réponse dans un délai requis, une «demande confirmative» tendant à ce que l'institution révise sa position. L'absence de réponse de l'institution dans le délai requis est considérée comme une réponse négative et habilite le demandeur à former un recours juridictionnel et/ou à présenter une plainte au médiateur.

50.
    En l'espèce, la requérante aurait omis d'introduire, après sa demande initiale du 15 avril 2002, une demande confirmative conformément au règlement n° 1049/2001, applicable depuis le 3 décembre 2001. Partant, les moyens relatifs à l'accès aux documents seraient irrecevables.

51.
    En troisième lieu, le Parlement estime les moyens irrecevables, car la requérante n'a pas formé de réclamation après le prétendu rejet de sa demande d'accès aux documents. En matière de fonction publique, les articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») seraient applicables lorsque est en cause la validité d'une décision d'accès aux documents, fût-elle prise par un jury de concours. La jurisprudence selon laquelle la réclamation préalable n'est pas applicable aux décisions d'un jury de concours ne concernerait pas les décisions d'accès aux documents. En effet, pour de telles décisions, le Parlement disposerait du pouvoir de modifier la décision du jury, car elle ne concerne pas à proprement parler ses travaux d'évaluation. Il conviendrait d'interpréter l'article 90, paragraphe 2, du statut comme exigeant l'introduction d'une demande confirmative, au sens du règlement n° 1049/2001, dès lors qu'un jury de concours ne répond pas à une demande initiale d'accès aux documents. Cette interprétation serait conforme à la finalité du règlement n° 1049/2001 qui est de faciliter la résolution rapide et peu coûteuse des demandes d'accès aux documents. La requérante aurait donc dû introduire une demande confirmative, sous peine d'irrecevabilité.

52.
    La requérante réfute ces allégations.

53.
    En premier lieu, elle estime que la lettre du 31 mai 2002 est une décision implicite de rejet de sa demande d'accès aux documents. Cette qualification serait naturelle dans le cadre d'un litige en matière de fonction publique. À cet égard, la requérante rappelle que l'article 90 du statut prévoit expressément que, à l'expiration du délai imparti à l'autorité investie du pouvoir de nomination pour prendre position sur une demande ou une réclamation, un défaut de réponse vaut décision implicite de rejet susceptible de faire l'objet d'une réclamation ou d'un recours.

54.
    En deuxième lieu, la requérante soutient qu'elle n'était pas tenue de respecter la procédure préalable instaurée par le règlement n° 1049/2001. Ce règlement serait inapplicable en l'espèce pour deux raisons.

55.
    D'une part, la requérante rappelle que le présent recours n'est pas introduit au titre du règlement n° 1049/2001, mais sur le fondement de l'article 91 du statut et de l'article 236 CE. Par conséquent, seraient exclusivement applicables en l'espèce les règles spécifiques au concours PE/90/A (articles 29, 30 et annexe III du statut et annexe 2 de l'avis de concours), «chapeautées» par le principe général de transparence et d'accès aux documents. Les procédures d'accès aux documents ainsi organisées différeraient de celles prévues par le règlement n° 1049/2001. En effet, pour les concours, ces demandes doivent être adressées au jury, ce qui ne serait pas le cas dans le cadre des demandes régies par la décision du bureau du 28 novembre 2001. Le Parlement aurait omis d'indiquer aux candidats que leurs éventuelles demandes de renseignements seraient régies par ce règlement.

56.
    D'autre part, le règlement n° 1049/2001 serait, en l'espèce, inapplicable ratione temporis. Il aurait été adopté postérieurement à la publication de l'avis de concours. En outre, la décision du bureau du 28 novembre 2001 serait postérieure aux épreuves en cause.

57.
    En troisième lieu, la requérante fait part de son incompréhension quant au motif d'irrecevabilité pris de la violation de la procédure préalable de l'article 90, paragraphe 2, du statut. Tout d'abord, cette procédure étant distincte de celle prévue par le règlement n° 1049/2001, le Parlement ne pourrait assimiler la demande confirmative à la réclamation. Elle objecte, ensuite, que le règlement n° 1049/2001 n'a pas pu modifier le statut sur ce point. En outre, les dispositions relatives à l'accès du public aux documents antérieurs au règlement n° 1049/2001 ne sauraient primer les règles du statut (arrêt du Tribunal du 7 février 2001, Bonaiti Brighina/Commission, T-118/99, RecFP p. I-A-25 et II-97). Enfin, elle rappelle le principe consacré par la jurisprudence selon lequel une décision d'un jury de concours peut être directement déférée au contrôle juridictionnel, sans réclamation préalable, puisque l'institution n'a pas le pouvoir d'annuler ou de modifier une telle décision (arrêt de la Cour du 17 mars 1971, Marcato/Commission, 29/70, Rec. p. 243).

- Appréciation du Tribunal

58.
    La lettre de la requérante du 15 avril 2002 avait pour objet principal d'obtenir un nouvel examen de sa dissertation et, dans l'hypothèse d'une confirmation de la note éliminatoire, pour objet subsidiaire d'obtenir la communication de documents se rapportant à cette épreuve (voir ci-dessus point 6).

59.
    Or, ainsi qu'il a été précédemment constaté à l'égard de la demande de mesures d'organisation de la procédure, le Parlement a transmis à la requérante l'intégralité des documents disponibles que cette dernière avait demandés par lettre du 15 avril 2002.

60.
    Le Parlement ayant ainsi fait droit à la demande d'accès aux documents, la requérante ne justifie plus d'un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la prétendue décision de rejet de cette demande. Il convient donc de constater que, la requérante disposant désormais des documents en cause, il n'y a plus lieu de statuer sur la conclusion en annulation de la prétendue décision de rejet de sa demande d'accès à ces documents.

Sur la demande en réparation

- Arguments des parties

61.
    La requérante soutient que, en omettant de faire droit à sa demande d'accès aux documents du 15 avril 2002, le Parlement a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Se référant aux moyens invoqués au soutien de sa demande en annulation de la lettre du 31 mai 2002, elle affirme qu'un candidat ayant échoué qui demande des explications au jury de concours sur des points autres que le jugement de valeur porté sur sa prestation est en droit d'obtenir des explications (arrêt du Tribunal du 15 février 1996, Belhanbel/Commission, T-125/95, RecFP p. I-A-39 et II-115, points 22 et 32).

62.
    En l'espèce, le Parlement aurait méconnu cette obligation ainsi que:

-    l'obligation de motiver sa décision conformément aux exigences de l'article 253 CE;

-    le principe général de transparence garantissant l'accès du public aux documents détenus par les institutions;

-    le principe patere legem quam ipse fecisti;

-    le principe d'égalité de traitement.

63.
    Elle prétend avoir subi un préjudice moral du fait de l'absence totale de transparence dont le Parlement a fait preuve à son égard, la forçant à intenter un recours après avoir refusé, sans justification, de répondre utilement à ses demandes d'accès aux documents, refus qui ne saurait être justifié par le fait qu'il résulterait d'une prétendue inadvertance de cette institution. Elle évalue ce préjudice à 10 000 euros.

64.
    Le Parlement reconnaît avoir omis, par inadvertance, de transmettre les documents demandés à la requérante. Toutefois, il estime que ces documents ayant été transmis à la requérante au cours de la procédure écrite, le préjudice allégué a disparu; la demande en réparation serait donc manifestement non fondée.

- Appréciation du Tribunal

65.
    Conformément à une jurisprudence constante, l'engagement de la responsabilité de la Communauté suppose la réunion d'un ensemble de conditions concernant l'illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage allégué et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, Rec. p. 5345, point 30, et arrêt du Tribunal du 28 septembre 1999, Hautem/BEI, T-140/97, RecFP p. I-A-171 et II-897, point 83). Il convient d'examiner les différents éléments qui, selon la requérante, engageraient en l'espèce la responsabilité de la Communauté.

66.
    S'agissant de l'illégalité du comportement de l'institution défenderesse, il y a lieu de rappeler que le Parlement, en vertu de la note du 4 octobre 2001, est tenu de communiquer aux candidats ayant échoué à une épreuve rédactionnelle, qui en font la demande par écrit dans le délai d'un mois à compter de la date d'envoi des résultats, la copie de leur épreuve accompagnée de la grille de correction correspondante élaborée par le jury ainsi que les points obtenus.

67.
    Il est également constant que le Parlement n'a, en l'espèce, pas exécuté cette obligation lorsque la requérante lui en a fait la demande par lettre du 15 avril 2002. Un tel comportement étant contraire aux dispositions de la note du 4 octobre 2001, il s'ensuit que le Parlement a, de ce seul fait, commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité.

68.
    S'agissant du préjudice allégué, il y a lieu de souligner que le Parlement a transmis à la requérante, dans le cadre de la procédure écrite, les documents demandés à l'exception toutefois de la «documentation de base» dont il nie l'existence. Le fait que la requérante soit désormais en possession des documents disponibles dont elle demandait la communication le 15 avril 2002 ne suffit pas pour considérer que le préjudice allégué a disparu. En effet, la requérante a spécifiquement allégué que son préjudice demeure dans la mesure où elle a été contrainte d'introduire le présent recours afin d'obtenir la communication des documents en cause. Par conséquent, il y a lieu d'admettre que, si à l'issue de la procédure écrite le préjudice moral allégué est extrêmement réduit, il demeure actuel, réel et certain, car le Parlement a, par manque de diligence, contraint la requérante à introduire un recours afin d'obtenir l'accès aux documents en cause.

69.
    Le lien causal entre l'illégalité et le préjudice étant manifeste, les conditions d'engagement de la responsabilité du Parlement sont réunies. À la lumière des circonstances de la présente affaire, le préjudice moral subi par la requérante peut être évalué à un euro.

70.
    Par conséquent, il y a lieu de condamner le Parlement à verser la somme d'un euro à la requérante à titre de réparation du préjudice moral qu'elle a subi.

Sur les dépens

71.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe doit être condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 de ce même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

72.
    En l'espèce, le Parlement ayant partiellement succombé et la requérante ayant conclu en ce sens, il y a lieu de le condamner au paiement de la moitié des dépens exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)    Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande en annulation de la lettre du 31 mai 2002 en ce qu'elle rejetterait la demande d'accès aux documents.

2)    Le Parlement est condamné à verser à la requérante un euro à titre de réparation du préjudice moral qu'elle a subi.

3)    Le recours est rejeté pour le surplus.

4)    Le Parlement supportera ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens exposés par la requérante.

5)    La requérante supportera la moitié de ses dépens.

García-Valdecasas
Lindh

Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 septembre 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. García-Valdecasas


1: Langue de procédure: le français.