Language of document : ECLI:EU:T:2011:334

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

6 juillet 2011 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Côte d’Ivoire – Retrait de la liste des personnes concernées – Recours en annulation – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑160/11,

Société nationale d’opérations pétrolières de la Côte d’Ivoire Holding (Petroci Holding), établie à Abidjan (Côte d’Ivoire), représentée par Me M. Ceccaldi, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. B. Driessen et A. Vitro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2011/18/PESC du Conseil, du 14 janvier 2011, modifiant la décision 2010/656/PESC du Conseil renouvelant les mesures restrictives instaurées à l’encontre de la Côte d’Ivoire (JO L 11, p. 36), et du règlement (UE) n° 25/2011 du Conseil, du 14 janvier 2011, modifiant le règlement (CE) n° 560/2005 infligeant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Côte d’Ivoire (JO L 11, p. 1), en ce que ces actes instaurent des mesures restrictives qui font grief à la requérante,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, V. Vadapalas et K. O’Higgins, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        La requérante, la Société nationale d’opérations pétrolières de la Côte d’Ivoire Holding (Petroci Holding), est une société ivoirienne active, notamment, dans le domaine de la recherche et de l’exploration des gisements de matières et d’hydrocarbures, ainsi que de l’industrie, du transport, du stockage et du commerce de ces matières et de tous les produits et sous-produits dérivés.

2        La décision 2010/656/PESC du Conseil, du 29 octobre 2010, renouvelant les mesures restrictives instaurées à l’encontre de la Côte d’Ivoire (JO L 285, p. 28), et le règlement (CE) n° 560/2005 du Conseil, du 12 avril 2005, infligeant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Côte d’Ivoire (JO L 95, p. 1), prévoient, notamment, que les personnes et entités incluses dans la liste figurant à l’annexe II de ladite décision et à l’annexe I A dudit règlement sont soumises, dans les conditions prévues par ces actes, à des mesures restrictives, en particulier au gel de tous les fonds et ressources économiques qui sont en leur possession ou sous leur contrôle direct ou indirect.

3        Par la décision 2011/18/PESC, du 14 janvier 2011, modifiant la décision 2010/656 (JO L 11, p. 36), et par le règlement (UE) n° 25/2011, du 14 janvier 2011, modifiant le règlement n° 560/2005 (JO L 11, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »), le Conseil a procédé à l’inscription du nom de la requérante sur ladite liste.

4        Le 18 mars 2011, la requérante a introduit le présent recours par lequel elle demande au Tribunal d’annuler les actes attaqués en ce qu’ils instaurent des mesures restrictives qui lui font grief et de condamner le Conseil aux dépens.

5        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, elle a introduit une demande en référé visant à ce qu’il soit sursis à l’exécution des actes attaqués.

6        Par la décision d’exécution 2011/261/PESC, du 29 avril 2011, mettant en œuvre la décision 2010/656 (JO L 111, p. 17), et le règlement d’exécution (UE) n° 419/2011, du 29 avril 2011, mettant en œuvre le règlement n° 560/2005 (JO L 111, p. 1), le Conseil a retiré la requérante de la liste des personnes et entités figurant à l’annexe II de la décision 2010/656 et à l’annexe I A du règlement n° 560/2005.

7        Le 6 mai 2011, le Tribunal (cinquième chambre) a invité les parties à se prononcer sur les conséquences à tirer, en particulier au regard de l’objet du recours, de l’adoption de la décision d’exécution 2011/261 et du règlement d’exécution n° 419/2011, et notamment à prendre position sur la question de savoir s’il y a encore lieu de statuer sur le recours.

8        La requérante n’a pas déféré à cette demande dans le délai imparti.

9        Le Conseil a déféré à la demande du Tribunal dans le délai imparti. Dans ses observations, il estime que le recours est devenu sans objet et doit être rejeté.

10      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 juin 2011, la Commission européenne a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

 En droit

11      En vertu de l’article 113 de son règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public ou constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

12      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour statuer sans poursuivre la procédure.

13      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’intérêt à agir d’un requérant doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec. p. I‑4333, point 42, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 décembre 2010, Ryanair/Commission, T‑494/08 à T‑500/08 et T‑509/08, non encore publié au Recueil, points 42 et 43).

14      Or, si l’intérêt à agir du requérant disparaît au cours de la procédure, une décision du Tribunal sur le fond ne saurait procurer aucun bénéfice à celui-ci (arrêts Wunenburger/Commission, précité, point 43, et Ryanair/Commission, précité, point 44).

15      Il convient également de rappeler que, selon une jurisprudence non moins constante, le retrait, ou l’abrogation dans certaines circonstances, de l’acte attaqué par l’institution défenderesse fait disparaître l’objet du recours en annulation, dès lors qu’il aboutit, pour la requérante, au résultat voulu et lui donne entière satisfaction (voir ordonnance du Tribunal du 28 mars 2008, Mediocurso/Commission, T‑451/04, non publiée au Recueil, point 26, et la jurisprudence citée).

16      En l’espèce, force est de constater que, par la décision d’exécution 2011/261 et le règlement d’exécution n° 419/2011, le Conseil a procédé à l’abrogation des actes attaqués dans la mesure où ces actes concernent, notamment, la requérante. En effet, ladite décision et ledit règlement ont procédé au retrait du nom de la requérante de la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/656 et à l’annexe I A du règlement n° 560/2005, sur laquelle il avait été inclus par les actes attaqués.

17      Cette abrogation aboutit, pour la requérante, au résultat voulu et lui donne entière satisfaction, étant donné que, à la suite de l’adoption de la décision d’exécution 2011/261 et du règlement d’exécution n° 419/2011, elle n’est plus soumise aux mesures restrictives qui lui faisaient grief.

18      Cependant, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation, la partie requérante peut conserver un intérêt à voir annuler un acte abrogé en cours d’instance si l’annulation de cet acte est susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques (ordonnances du Tribunal du 14 mars 1997, Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen et Hapag-Lloyd/Commission, T‑25/96, Rec. p. II‑363, point 16, et du 10 mars 2005, IMS Health/Commission, T‑184/01, Rec. p. II‑817, point 38).

19      En effet, dans le cas où un acte est annulé, l’institution dont émane l’acte est tenue, en vertu de l’article 266 TFUE, de prendre les mesures qu’implique l’exécution de l’arrêt. Ces mesures n’ont pas trait à la disparition de l’acte en tant que telle de l’ordre juridique communautaire, puisque celle-ci résulte de l’essence même de l’annulation de l’acte par le juge. Elles concernent plutôt l’anéantissement des illégalités constatées dans l’arrêt d’annulation. C’est ainsi que l’institution concernée peut être amenée à effectuer une remise en état adéquate de la situation du requérant ou à éviter qu’un acte identique ne soit adopté (voir ordonnance Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen et Hapag-Lloyd/Commission, précitée, point 17, et la jurisprudence citée).

20      Toutefois, en l’espèce, nonobstant la demande que lui a adressée le Tribunal (voir point 7 ci-dessus), la requérante n’a fourni aucun élément permettant de conclure que, malgré leur abrogation, elle conserve un intérêt à voir annuler les actes attaqués, n’ayant même pas répondu à ladite demande.

21      En tout état de cause, il ne ressort pas du dossier que, à la suite de l’adoption de la décision d’exécution 2011/261 et du règlement d’exécution n° 419/2011, le présent recours serait susceptible de procurer à la requérante un bénéfice, au sens de la jurisprudence visée au point 13 ci-dessus, en sorte qu’elle conserverait un intérêt à agir.

22      En particulier, concernant, tout d’abord, la circonstance que l’abrogation d’un acte d’une institution de l’Union n’est pas une reconnaissance de son illégalité et produit un effet ex nunc, à la différence d’un arrêt d’annulation en vertu duquel l’acte annulé est éliminé rétroactivement de l’ordre juridique et censé n’avoir jamais existé (arrêt du Tribunal du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, T‑481/93 et T‑484/93, Rec. p. II‑2941, point 46), il doit être relevé qu’elle n’est pas en mesure de fonder un intérêt de la requérante à obtenir l’annulation des actes attaqués. En effet, force est de constater que, dans les circonstances de l’espèce, aucun élément n’indique que la disparition ex tunc de ces actes procurerait un quelconque bénéfice à la requérante. Dans ce contexte, il convient notamment de relever que rien ne permet d’établir que, en cas d’arrêt d’annulation, le Conseil serait amené, en application de l’article 266 TFUE, à adopter des mesures, au sens de la jurisprudence citée au point 19 ci-dessus, visant à l’anéantissement de l’illégalité qui serait constatée.

23      Concernant, ensuite, le fait qu’une partie requérante peut conserver un intérêt à demander l’annulation d’un acte d’une institution de l’Union pour permettre d’éviter que l’illégalité dont celui-ci est prétendument entaché ne se reproduise à l’avenir (voir, en ce sens, arrêt Wunenburger/Commission, précité, point 50), il doit être rappelé qu’un tel intérêt à agir, qui découle de l’article 266, premier alinéa, TFUE, ne saurait exister que si l’illégalité alléguée est susceptible de se reproduire à l’avenir indépendamment des circonstances de l’affaire ayant donné lieu au recours (arrêt Wunenburger/Commission, précité, points 51 et 52). Or, en l’espèce, aucun élément du dossier n’indique que tel puisse être le cas. Au contraire, les actes attaqués ayant été adoptés, pour autant qu’ils concernent la requérante, au regard de la situation spécifique de celle-ci ainsi que de celle existant en Côte d’Ivoire lors de leur adoption, il n’apparaît pas probable que l’illégalité alléguée puisse se reproduire à l’avenir indépendamment des circonstances ayant donné lieu au présent recours.

24      Concernant, enfin, la jurisprudence selon laquelle une partie requérante conserve un intérêt à obtenir l’annulation d’une décision imposant des mesures restrictives abrogée et remplacée (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, point 35 ; du 11 juillet 2007, Al-Aqsa/Conseil, T‑327/03, non publié au Recueil, point 39, et du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, Rec. p. II‑3019, point 48), force est de constater qu’elle a été élaborée dans un contexte particulier et différent de celui du cas d’espèce. En effet, contrairement aux actes attaqués, les actes en cause dans ces affaires avaient été non seulement abrogés, mais également remplacés par de nouveaux actes, les mesures restrictives visant les entités concernées ayant été maintenues. Les effets initiaux des actes abrogés demeuraient donc, à l’égard des entités concernées, par le biais des actes les remplaçant. Or, en l’espèce, la décision d’exécution 2011/261 et le règlement d’exécution n° 419/2011 ne procèdent qu’à l’abrogation des actes attaqués, pour autant qu’ils concernent la requérante, et ne remplacent pas ces derniers. Les effets produits par ceux-ci ne perdurent donc pas. Au surplus, ladite jurisprudence est fondée sur la différence existant entre les effets de l’abrogation et ceux de l’annulation d’un acte, cette circonstance n’étant pas pertinente en l’espèce ainsi qu’il ressort du point 22 ci-dessus.

25      Il convient encore d’ajouter que, s’agissant d’éventuelles conséquences dommageables pouvant, le cas échéant, découler de la prétendue illégalité des actes attaqués, il serait loisible à la requérante d’en demander réparation dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 268 TFUE et l’article 340, deuxième et troisième alinéas, TFUE, l’exercice d’un tel recours n’étant pas subordonné à l’introduction préalable d’un recours en annulation contre l’acte prétendument à l’origine du préjudice allégué (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 octobre 2000, Fresh Marine/Commission, T‑178/98, Rec. p. II‑3331, point 49, et la jurisprudence citée).

26      Il découle de l’ensemble de ce qui précède qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours.

27      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande en intervention de la Commission au soutien des conclusions du Conseil.

 Sur les dépens

28      Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

29      Il convient de constater que c’est l’inscription par les actes attaqués de la requérante sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/656 et à l’annexe I A du règlement n° 560/2005 qui a conduit cette dernière à introduire le présent recours. Cette circonstance justifie par conséquent que le Conseil soit condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours.

2)      Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.

3)      Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande en intervention de la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 6 juillet 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       S. Papasavvas


* Langue de procédure : le français.