Language of document : ECLI:EU:T:2009:24

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

2 février 2009 (*)

« Procédure – Demande en révision – Absence de fait nouveau – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑367/03 REV,

Yedaş Tarim ve Otomotiv Sanayi ve Ticaret AŞ, établie à Ümraniye, Istanbul (Turquie), représentée par MR. Sinner, avocat,

partie demanderesse en révision,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bishop et D. Canga Fano, en qualité d’agents,

et

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme G. Boudot et M. X. Lewis, en qualité d’agents,

parties défenderesses en révision,

ayant pour objet une demande en révision de l’arrêt du Tribunal du 30 mars 2006, Yedaş Tarim ve Otomotiv Sanayi ve Ticaret/Conseil et Commission (T‑367/03, Rec. p. II‑873),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de Mme V. Tiili, président, M. F. Dehousse (rapporteur) et Mme I. Wiszniewska-Białecka, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine de la demande

1        Yedaş Tarim ve Otomotiv Sanayi ve Ticaret AŞ (ci-après « Yedaş Tarim » ou la « demanderesse en révision ») est une société de droit turc. Son activité consiste en l’importation et la fabrication de roulements à billes ainsi qu’en l’importation de carters et de courroies en tant que pièces détachées, notamment pour les équipements agricoles et l’industrie automobile.

2        À la suite de l’entrée en vigueur de l’union douanière entre la Communauté européenne et la République de Turquie instituée par la décision n° 1/95 du Conseil d’association CE-Turquie, du 22 décembre 1995, relative à la mise en place de la phase définitive de l’union douanière (JO 1996, L 35, p. 1), tous les droits de douane, impôts et autres charges relatives aux importations de roulements à billes et de carters ont été levés. Selon Yedaş Tarim, cette suppression des droits de douane, qui a entraîné un accroissement des importations vers la Turquie, a eu un effet négatif sur ses activités en lui occasionnant des pertes entre 1996 et 2003.

3        Estimant que ces pertes trouvent leur origine dans la manière dont l’union douanière instituée par la décision n° 1/95 a été mise en oeuvre par la Communauté, Yedaş Tarim a introduit devant le Tribunal un recours en indemnité contre le Conseil et la Commission au titre de l’article 288 CE.

4        Par arrêt du 30 mars 2006, Yedaş Tarim ve Otomotiv Sanayi ve Ticaret/Conseil et Commission (T‑367/03, Rec. p. II‑873, ci-après l’« arrêt du 30 mars 2006 »), le Tribunal a rejeté le recours.

5        Yedaş Tarim a formé un pourvoi contre l’arrêt du 30 mars 2006, qui a été rejeté par l’ordonnance de la Cour du 5 juillet 2007, Yedaş Tarim ve Otomotiv Sanayi ve Ticaret/Conseil et Commission (C‑255/06 P, non publiée au Recueil). Cette ordonnance fait l’objet d’une demande en révision, actuellement pendante devant la Cour (C‑255/06 P‑REV).

 Procédure et conclusions des parties

6        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 mars 2008, la demanderesse en révision a introduit, en vertu de l’article 125 du règlement de procédure du Tribunal, la présente demande.

7        La Commission et le Conseil ont présenté leurs observations par actes déposés au greffe respectivement les 5 et 6 juin 2008.

8        La demanderesse en révision conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer recevable la demande en révision et fixer une audience ;

–        déclarer bien fondée la demande en révision ;

–        condamner le Conseil et la Commission aux dépens.

9        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande en révision ;

–        condamner la demanderesse en révision aux dépens.

10      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande en révision comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondée ;

–        condamner la demanderesse en révision aux dépens.

 Sur la recevabilité de la demande en révision

11      Aux termes de l’article 44, premier et deuxième alinéas, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut :

« La révision de l’arrêt ne peut être demandée à la Cour qu’en raison de la découverte d’un fait de nature à exercer une influence décisive et qui, avant le prononcé de l’arrêt, était inconnu de la Cour et de la partie qui demande la révision.

La procédure de révision s’ouvre par un arrêt de la Cour constatant expressément l’existence d’un fait nouveau, lui reconnaissant les caractères qui donnent ouverture à la révision, et déclarant de ce chef la demande recevable.

[…] »

12      Ces dispositions sont complétées par les articles 125 à 127 du règlement de procédure. L’article 125 du règlement de procédure prévoit :

« […L]a révision est demandée au plus tard dans un délai de trois mois à compter du jour où le demandeur a eu connaissance du fait sur lequel la demande en révision est fondée. »

13      En vertu de l’article 126, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, la demande en révision doit indiquer les moyens de preuve tendant à démontrer qu’il existe des faits justifiant la révision et à établir notamment que le délai de trois mois prévu à l’article 125 dudit règlement a été respecté.

14      En vertu de l’article 127, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal, sans préjuger le fond, statue sur la recevabilité de la demande, au vu des observations écrites des parties. Conformément au paragraphe 3 de l’article précité, si le Tribunal déclare la demande recevable, il poursuit l’examen au fond et statue par voie d’arrêt, conformément au règlement de procédure.

15      Selon une jurisprudence constante, la révision n’est pas une voie d’appel, mais une voie de recours extraordinaire permettant de mettre en cause l’autorité de la chose jugée attachée à un arrêt définitif en raison des constatations de fait sur lesquelles la juridiction s’est fondée. La révision présuppose la découverte d’éléments de nature factuelle, antérieurs au prononcé de l’arrêt, inconnus jusque-là de la juridiction qui a rendu cet arrêt, ainsi que de la partie demanderesse en révision, et qui, si la juridiction avait pu les prendre en considération, auraient été susceptibles de l’amener à consacrer une solution différente de celle apportée au litige (arrêt de la Cour du 16 janvier 1996, ISAE/VP et Interdata/Commission, C‑130/91 REV II, Rec. p. I‑65, point 6 ; ordonnances du Tribunal du 4 novembre 1992, DSM/Commission, T‑8/89 REV, Rec. p. II‑2399, point 14, et du 18 avril 2007, Klaas/Parlement, T‑393/04 REV, non publiée au Recueil, point 11).

16      Conformément aux dispositions et selon la jurisprudence précitées, il y a donc lieu d’examiner la recevabilité de la demande en révision de l’arrêt du 30 mars 2006.

 Sur le premier moyen, tiré de l’existence d’un fait nouveau

17      La demanderesse en révision invoque la déclaration de la République hellénique, selon laquelle son adhésion à la Communauté ne causerait aucun préjudice à la République de Turquie. Dans le procès-verbal de la réunion de la Communauté, du 24 juin 1975, à Luxembourg, le Conseil aurait convenu que l’« examen de la demande d’adhésion par la République hellénique n’affecterait pas les relations entre la Communauté et la [République de] Turquie et que les droits faisant l’objet de l’accord entre la Communauté et la [République de] Turquie resteraient inchangés ». La demanderesse en révision soutient n’avoir eu accès ni à la déclaration de la République hellénique ni au procès-verbal de la réunion. Cette déclaration constituerait donc, selon elle, un fait nouveau. Elle soutient que la République hellénique a violé l’obligation découlant de cette déclaration, ainsi que l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, signé à Ankara, le 12 septembre 1963 par la République de Turquie, d’une part, et la Communauté ainsi que ses États membres, d’autre part (JO 1964, 217, p. 3685, ci-après l’« accord d’Ankara »), et l’article 56 du protocole additionnel, signé le 23 novembre 1970 et annexé à l’accord d’Ankara (JO 1972, L 293, p. 4). La demanderesse en révision reproche également à la Commission et au Conseil d’avoir omis d’adopter les mesures nécessaires pour protéger les intérêts de la République de Turquie et souligne leur inaction et leur passivité.

18      La Commission et le Conseil estiment que ce moyen est irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

19      Le Tribunal relève, à cet égard, que la demanderesse en révision ne précise pas la date à laquelle elle aurait découvert l’existence de la déclaration de la République hellénique et n’établit donc pas que le délai de trois mois, prévu à l’article 125 du règlement de procédure (voir point 12 ci-dessus), a été respecté en l’espèce.

20      En tout état de cause, la demanderesse en révision n’indique pas en quoi la déclaration de la République hellénique du 24 juin 1975 serait de nature à exercer une « influence décisive » au sens de l’article 44 du statut de la Cour, au point que, si le Tribunal l’avait prise en considération, la solution de l’arrêt du 30 mars 2006 aurait été différente, ainsi que l’exige la jurisprudence précitée (voir point 15 ci-dessus).

21      Dès lors, le premier moyen doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les deuxième, quatrième, cinquième, septième et neuvième moyens, tirés de la violation du droit à un procès équitable

22      La demanderesse en révision invoque la violation du droit à un procès équitable à plusieurs égards. Dans le cadre de son deuxième moyen, elle remet en cause l’impartialité et l’indépendance du Tribunal. Par son quatrième moyen, elle invoque l’absence de procédure orale, au motif que son conseil turc n’a pas été autorisé à plaider devant le Tribunal. Elle se plaint, par son cinquième moyen, de ce que le Tribunal n’aurait pas respecté ses droits de la défense et son droit à un procès équitable, garantis par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH). Elle estime, par son septième moyen, que le Tribunal a enfreint le principe d’égalité de traitement en ne statuant pas conformément à la jurisprudence, et ce également en violation du droit à un procès équitable. Enfin, elle soutient, par son neuvième moyen, que le Tribunal a commis une erreur en négligeant l’existence d’un lien de causalité entre les mesures adoptées au titre de l’union douanière et les pertes qu’elle aurait subies, violant ce faisant son droit à un procès équitable et favorisant ainsi le Conseil et la Commission.

23      La Commission et le Conseil soulignent que ces moyens ne font état d’aucun fait nouveau et concluent au rejet de ces moyens.

24      Le Tribunal relève que, dans le cadre de ces moyens fondés sur la violation du droit à un procès équitable, aucun des éléments invoqués par la demanderesse en révision ne constitue un fait nouveau au sens de l’article 44 du statut de la Cour (voir point 11 ci-dessus), tel qu’il est interprété par la jurisprudence (voir point 15 ci-dessus).

25      En effet, la demanderesse en révision se limite à remettre en cause l’appréciation effectuée par le Tribunal dans l’arrêt du 30 mars 2006, sans invoquer quelque élément que ce soit, antérieur au prononcé de cet arrêt, inconnu jusque-là du Tribunal et d’elle-même, et qui, si le Tribunal avait pu le prendre en considération, aurait été susceptible de l’amener à consacrer une solution différente de celle apportée au litige. Elle assimile, ce faisant, la procédure de révision à une voie d’appel. Le quatrième moyen, tiré de l’absence de procédure orale, a d’ailleurs expressément été rejeté par la Cour dans l’ordonnance Yedaş Tarim ve Otomotiv Sanayi ve Ticaret/Conseil et Commission, précitée (point 44).

26      Les deuxième, quatrième, cinquième, septième et neuvième moyens, tirés de la violation du droit à un procès équitable, doivent donc être rejetés comme irrecevables.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’absence de prise en compte d’une expertise

27      La demanderesse en révision soutient que, dans le cadre de l’arrêt du 30 mars 2006, le Tribunal n’a pas tenu compte de l’expertise qu’elle avait produite et qui constituait le fondement de sa demande en dommages et intérêts, alors qu’il s’agissait, selon elle, d’un document essentiel. Elle dénonce, en outre, une contradiction dans le raisonnement du Tribunal.

28      La Commission et le Conseil soulignent que ce moyen ne fait état d’aucun fait nouveau et concluent au rejet de ce moyen.

29      Le Tribunal constate que la demanderesse en révision se contente de contester l’appréciation du Tribunal, sans faire état d’aucun fait nouveau au sens de l’article 44 du statut de la Cour, tel qu’il est interprété par la jurisprudence (voir point 15 ci-dessus).

30      Dès lors, le troisième moyen doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur le sixième moyen, tiré de l’erreur commise dans l’appréciation de l’argument concernant l’union douanière

31      La demanderesse en révision soutient, en substance, que son argument concernant l’union douanière, instituée par la décision n° 1/95, et l’accord d’Ankara, qui avait été rejeté par le Tribunal, n’avait pas été compris par ce dernier.

32      La Commission et le Conseil soulignent que ce moyen ne fait état d’aucun fait nouveau et concluent au rejet de ce moyen.

33      Le Tribunal constate que la demanderesse en révision se contente de contester l’appréciation du Tribunal, sans faire état d’aucun fait nouveau au sens de l’article 44 du statut de la Cour, tel qu’il est interprété par la jurisprudence (voir point 15 ci-dessus).

34      Dès lors, le sixième moyen doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur le huitième moyen, tiré de la violation des obligations contractuelles et du principe de protection de la confiance légitime

35      La demanderesse en révision soutient, en substance, que ni la République de Turquie ni les entreprises comme elle n’ont pu bénéficier de l’aide financière garantie au titre de l’accord d’Ankara et de l’union douanière. Elle se plaint donc du non-respect par la Communauté de ses obligations contractuelles et de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

36      La Commission et le Conseil soulignent que ce moyen ne fait état d’aucun fait nouveau et concluent au rejet de ce moyen.

37      Le Tribunal constate que la demanderesse en révision se contente de contester l’appréciation du Tribunal, sans faire état d’aucun fait nouveau au sens de l’article 44 du statut de la Cour, tel qu’il est interprété par la jurisprudence (voir point 15 ci-dessus).

38      Dès lors, le huitième moyen doit être rejeté comme irrecevable.

39      Il résulte de ce qui précède que la demande en révision doit être rejetée comme irrecevable.

 Sur les dépens

40      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La demanderesse en révision ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil et de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      La demande en révision est rejetée comme irrecevable.

2)      Yedaş Tarim ve Otomotiv Sanayi ve Ticaret AŞ est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 2 février 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       V. Tiili


* Langue de procédure : l’anglais.