Language of document : ECLI:EU:T:2023:316

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

7 juin 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale PORTO INSÍGNIA – Marque de l’Union européenne verbale antérieure INSIGNIA – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑33/22,

Vallegre, Vinhos do Porto, SA, établie à Sabrosa (Portugal), représentée par Mes E. Armero Lavie, G. Marín Raigal et J. Oria Sousa-Montes, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme E. Nicolás Gómez, MM. M. Eberl et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Joseph Phelps Vineyards LLC, établie à Saint Helena, Californie (États-Unis), représentée par Me S. Reinhard, avocat,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, M. G. Hesse (rapporteur) et Mme B. Ricziová, juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 2 février 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Vallegre, Vinhos do Porto, SA, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 26 octobre 2021 (affaire R 894/2021-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 22 février 2017, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour la marque verbale PORTO INSĺGNIA.

3        La marque demandée désignait le produit relevant de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, à la description suivante : « Vins de Porto conformes aux spécifications de l’indication géographique protégée “Porto” ».

4        Le 26 mai 2017, l’intervenante, Joseph Phelps Vineyards LLC, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour le produit visé au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée, notamment, sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure INSIGNIA déposée le 16 octobre 2003 et enregistrée le 27 janvier 2005 sous le numéro 3412293, désignant le produit relevant de la classe 33 et correspondant à la description suivante : « Vin » (ci-après la « marque antérieure »).

6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était, notamment, celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1) [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

7        À la suite de la demande formulée par la requérante, l’EUIPO a invité l’intervenante à apporter la preuve de l’usage sérieux des marques antérieures invoquées à l’appui de l’opposition. Cette dernière a déféré à ladite demande dans le délai imparti.

8        Le 18 mars 2021, la division d’opposition a fait droit à l’opposition. 

9        Le 17 mai 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours au motif qu’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, était établi compte tenu notamment, d’une part, de la similitude globale des signes en cause et, d’autre part, de l’identité des produits en cause.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et, le cas échéant, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours aux dépens.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Observations liminaires

14      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 22 février 2017, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée).

15      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références, faites par la chambre de recours dans la décision attaquée, par la requérante dans l’argumentation soulevée et par l’EUIPO, à l’article 8, paragraphe 1, sous b), paragraphes 4 et 5, du règlement 2017/1001 comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), paragraphes 4 et 5, du règlement no 207/2009, d’une teneur identique.

 Sur le fond

16      À l’appui du recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Elle reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir considéré qu’un risque de confusion était établi alors que les produits en cause n’étaient pas identiques et que la marques antérieure et la marque demandée n’étaient pas similaires.

17      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

18      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

19      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

20      En l’espèce, il n’est pas contesté que le public pertinent est le grand public de l’Union dont le niveau d’attention est moyen et que la chambre de recours a pu valablement fonder son analyse sur la partie anglophone dudit public.

 Sur la comparaison des produits

21      La chambre de recours a estimé que les « vins », couverts par la marque antérieure constituaient une catégorie comprenant la sous-catégorie des « vins de Porto » et que les produits en cause étaient, dès lors, identiques.

22      La requérante fait valoir que le terme « Porto », désignant le produit visé par la marque demandée, est une appellation d’origine protégée (AOP) en vertu du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671) et a ainsi une renommée. Selon elle, les produits couverts par la marque antérieure sont en réalité les vins originaires de Californie et ne seront donc pas confondus avec les vins de Porto par le consommateur moyen, eu égard à la différence entre leurs origines géographiques ainsi que leurs caractéristiques.

23      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

24      Il convient de rappeler que, lorsque les produits ou les services visés par une marque antérieure incluent les produits visés par la demande de marque, ces produits ou ces services sont considérés comme identiques [voir arrêt du 5 février 2020, Globalia Corporación Empresarial/EUIPO – Touring Club Italiano (TC Touring Club), T‑44/19, non publié, EU:T:2020:31, point 91 et jurisprudence citée].

25      En outre, selon une jurisprudence constante, afin d’apprécier la similitude ou l’identité des produits en cause, il y a lieu de prendre en compte le libellé des produits visés par les marques en conflit et non les produits effectivement commercialisés sous ces marques [voir, en ce sens, arrêt du 3 avril 2019, NSC Holding/EUIPO – Ibercondor (CONDOR SERVICE, NSC), T‑468/18, non publié, EU:T:2019:214, point 30 et jurisprudence citée].

26      En l’espèce, force est de relever que, comme la chambre de recours l’a constaté, les produits visés par la demande de marque, à savoir les « vins de Porto » sont inclus dans les « vins » couverts par la marque antérieure, ce que les parties ne contestent pas. Partant, en application de la jurisprudence citée aux points 24 et 25 ci-dessus, il y a lieu de conclure que les produits en cause sont identiques. Les arguments avancés par la requérante ne sont pas susceptibles de remettre en cause ce constat.

27      Premièrement, la circonstance que le vin de Porto bénéficie d’une AOP et répond, en conséquence, à un cahier des charges précis, dont l’origine géographique constitue un élément essentiel, n’est pas de nature à remettre en cause le fait qu’il s’agit d’un vin. Par voie de conséquence, cette circonstance doit être considérée comme étant dépourvue de pertinence dans le cadre de l’examen de la similitude ou de l’identité des produits en cause [voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, Enosi Mastichoparagogon/OHMI – Gaba International (ELMA), T‑309/13, non publié, EU:T:2015:792, point 48].

28      Deuxièmement, l’argument de la requérante selon lequel la marque antérieure désigne les « vins », tandis que les produits commercialisés sous cette marque concernent une sous-catégorie plus restreinte de produits, celle des « vins originaires de Californie », ne convainc pas davantage, étant donné que ladite marque désignait, selon son enregistrement, les « vins » relevant de la classe 33 sans indication d’origine géographique. Or, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus, la comparaison des produits visés respectivement par la marque demandée et par la marque antérieure doit se faire sur le fondement des produits tels que visés.

29      Au demeurant, l’usage sérieux de la marque antérieure a été démontré par l’intervenante devant la division d’opposition pour les produits appartenant à la catégorie des « vins », ce que la requérante n’a pas contesté.

30      Troisièmement, l’allégation de la requérante selon laquelle les caractéristiques des vins produits par l’intervenante sous la marque antérieure et des vins de Porto sont différentes, n’est pas non plus de nature à remettre en cause l’identité des produits en cause. En effet, le fait que le vin de Porto est un vin fortifié et doux ne suffit pas pour conclure qu’il ne fait pas partie de la catégorie des « vins ».

31      Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant les produits en cause comme identiques.

 Sur la comparaison des signes

32      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

33      En l’espèce, avant de traiter la question de la similitude des marques en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, il y a lieu d’examiner l’appréciation du caractère distinctif des marques en conflit et de leurs composantes effectuée par la chambre de recours.

–       Sur les éléments distinctifs et dominants des signes

34      Aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’une marque ou d’un élément composant une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cette marque ou de cet élément à identifier les produits ou les services comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de la marque ou de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services concernés [arrêts du 3 septembre 2010, Companhia Muller de Bebidas/OHMI – Missiato Industria e Comercio (61 A NOSSA ALEGRIA), T‑472/08, EU:T:2010:347, point 47, et du 17 mars 2021, Chatwal/EUIPO – Timehouse Capital (THE TIME), T‑186/20, non publié, EU:T:2021:147, point 32].

35      Lorsque certains éléments d’une marque revêtent un caractère descriptif des produits et services pour lesquels la marque est protégée ou des produits et services désignés par la demande d’enregistrement, ces éléments ne se voient reconnaître qu’un caractère distinctif faible, voire très faible. Ce caractère distinctif ne pourra, le plus souvent, leur être reconnu qu’en raison de la combinaison qu’ils forment avec les autres éléments de la marque (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2010, 61 A NOSSA ALEGRIA, T‑472/08, EU:T:2010:347, point 49).

36      Selon une jurisprudence constante, un terme possédant une signification claire n’est considéré comme étant descriptif que s’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêt du 10 octobre 2019, Kalypso Media Group/EUIPO – Wizards of the Coast (DUNGEONS), T-700/18, non publié, EU:T:2019:739, point 47 et jurisprudence citée].

37      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, en substance, que le terme « insignia » avait une signification claire en anglais qui n’était pas descriptive des produits en cause et que, partant, cet élément possédait un caractère distinctif intrinsèque normal. Selon cette chambre, l’élément « porto » contenu dans la marque demandée serait, par contre, descriptif et non distinctif.

38      La requérante souligne, tout d’abord, que l’élément « insignia » ou « insígnia » est entièrement laudatif en se fondant sur plusieurs extraits en anglais, en espagnol, en portugais, en italien, en allemand, en français et en suédois de l’encyclopédie en ligne Wikipédia relatifs au terme « insignia » (annexe A.9 de la requête). Elle soutient ensuite que ledit élément est souvent employé pour désigner des vins de qualité, des vins connus ou les vins exemplaires d’un vignoble et qu’il est descriptif par rapport aux produits en cause. À l’appui de son argument, elle se réfère enfin à deux demandes d’enregistrement de la marque insignia qui ont été rejetées au motif que ladite marque était descriptive et non distinctive. En revanche, selon elle, l’élément « porto » de la marque demandée est dominant et distinctif et le public pertinent a tendance à abréger cette marque en l’appelant simplement « porto ». Elle estime ainsi que ledit public associera l’élément « porto » aux marques de porto détenues par elle.

39      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante. Le premier soutient que l’argument de la requérante, étayé par l’annexe A.9 de la requête, selon lequel l’élément « insignia » est souvent utilisé pour désigner des vins de renommée ou très connus est irrecevable, dès lors qu’il a été présenté pour la première fois devant le Tribunal. À cet égard, la partie de ladite annexe visant à étayer cet argument serait également irrecevable. Pour l’intervenante, cette annexe est irrecevable dans son intégralité.

40      En premier lieu, force est de constater que l’annexe A.9 de la requête comporte des captures d’écran contenant des explications linguistiques et historiques du terme « insignia » en différentes langues, ainsi que des extraits de dictionnaires en ligne. Ainsi que l’a également relevé l’EUIPO, ces extraits visent à démontrer des faits notoires, à savoir la signification du mot « insignia », et sont donc recevables.

41      En second lieu, l’annexe A.9 de la requête contient également des captures d’écran de pages Internet présentant des bouteilles ou des marques de vin sur lesquelles figure également le mot « insignia ». Ces captures d’écran visent à conforter l’argument de la requérante selon lequel l’élément « insignia » est souvent associé à des vins de renommée.

42      Il y a lieu de considérer que ces preuves sont recevables. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, au titre de l’article 263 TFUE, lu à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, une partie requérante doit pouvoir contester devant le juge de l’Union chaque question de droit ou de fait sur laquelle un organe de l’Union fonde ses décisions (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 46). En l’espèce, l’argumentation de la requérante vise la conclusion de la chambre de recours selon laquelle l’élément « insignia » possède un caractère distinctif intrinsèque normal. Cette conclusion fait partie du cadre factuel et juridique du litige devant ladite chambre et, partant, cette argumentation et les preuves apportées à l’appui de celle-ci sont donc recevables. 

43      Il convient dès lors d’examiner si ces éléments permettent d’établir un rapport suffisamment direct et concret entre ces produits et l’élément « insignia ». En ce qui concerne les extraits des sites Internet, figurant dans l’annexe A.9 de la requête, force est de constater qu’ils comportent des explications linguistiques et historiques du mot « insignia » en différentes langues. Or, seuls les extraits en anglais sont pertinents en l’espèce, eu égard à la partie anglophone du public pertinent, qui a été retenue par la chambre de recours pour fonder son analyse. Toutefois, il ne saurait être déduit de l’explication en langue anglaise du mot « insignia » sur le site Internet d’une encyclopédie en ligne, qui est d’ordre tout à fait général, que cette partie dudit public perçoit ce mot comme un élément laudatif par rapport aux produits en cause. Il y est notamment précisé qu’un insigne est une marque distinctive d’appartenance à un groupe, un grade, un rang ou une fonction, que, au singulier, ce mot désigne habituellement un objet en métal ou en textile et que, au pluriel, ledit mot désigne l’ensemble des parties d’une décoration, ou les différents éléments faisant partie d’un rang, d’un grade ou dignité. Dès lors, la requérante n’est pas fondée à soutenir qu’il existe, pour ladite partie de ce public, un rapport suffisamment direct et concret entre ces produits et l’élément « insignia ».

44      Par ailleurs, l’argumentation de la requérante portant sur le caractère faiblement distinctif de l’élément « insignia » en ce qu’il est fréquemment utilisé pour des produits relevant de la classe 33 ne permet pas davantage de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle cet élément possède un caractère distinctif normal.

45      Le seul élément de preuve produit par la requérante à l’appui de son argumentation aux fins de caractériser des produits relevant de la classe 33 est constitué d’extraits de sites Internet exposant des marques de vin qui sont, dans leur présentation, associées au mot « insignia ». Or, la simple énumération d’un nombre relativement limité de marques qui sont, sur certains sites Internet publicitaires, mises en rapport avec ledit mot sans indication permettant de mesurer la connaissance de ces marques par le public pertinent, ne permet pas de conclure à une association dans l’esprit de ce dernier entre ce mot et lesdits produits [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 avril 2011, Sociedad Agricola Requingua/OHMI – Consejo Regulador de la Denominación de Origen Toro (TORO DE PIEDRA), T‑358/09, non publié, EU:T:2011:174, point 35].

46      En ce qui concerne les demandes de marque invoquées par la requérante dans les annexes A.7 et A.8 de la requête, il convient de rappeler que les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre, en vertu du règlement no 207/2009, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65).

47      En tout état de cause, les demandes de marque rejetées par les décisions des 5 décembre 2014 (numéro d’enregistrement 1216600) (annexe A.7 de la requête) et 14 mars 2000 (numéro d’enregistrement 000186171) (annexe A.8 de la requête) visaient des produits relevant d’autres classes et correspondant notamment à des badges, des emblèmes et d’autres insignes, pour lesquelles lesdites marques ont été qualifiées de descriptives et de non distinctives au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001]. Ces décisions de rejet d’enregistrement de la marque insignia, fondés sur un motif de refus absolu, ne sauraient donc remettre en cause les décisions prises par la division d’opposition et la chambre de recours dans la présente affaire, étant donné qu’elles concernaient des produits différents.

48      En ce qui concerne l’élément « porto », force est de constater qu’il est indéniablement descriptif du produit visé par la marque demandée [voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2010, Quinta do Portal/OHMI – Vallegre (PORTO ALEGRE), T‑369/09, non publié, EU:T:2010:362, point 29]. En effet, ainsi que l’a également confirmé la requérante, l’élément « porto » indique l’origine géographique particulière du produit concerné, ainsi que ses qualités et sa notoriété, confirmées par l’enregistrement de « Porto » comme AOP. Ledit élément présente donc avec les produits visés par la marque demandée un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de ces produits ou d’une de leurs caractéristiques, au sens de la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus.

49      L’argument de la requérante selon lequel l’élément « porto » est automatiquement associé, par le public pertinent, aux marques déjà détenues par elle, ne saurait altérer ce qui précède. En effet, il existe une grande quantité de marques différentes désignant le vin de Porto, ainsi que l’a également relevé et démontré l’intervenante. Ledit élément n’est donc pas de nature à indiquer l’origine commerciale des produits concernés.

50      Eu égard à ce qui précède, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que l’élément « insignia », qui coïncidait avec la marque antérieure et formait le second élément de la marque demandée, présentait un caractère distinctif normal s’agissant des produits visés et que l’élément « porto », premier élément de cette dernière marque, était dépourvu de caractère distinctif et n’était donc pas l’élément dominant de celle-ci.

–       Sur la similitude visuelle

51      La chambre de recours a considéré, en substance, que les signes en cause présentaient un degré de similitude élevé sur le plan visuel.

52      La requérante fait valoir que la première partie des marques verbales attire en général davantage l’attention du public pertinent. Elle considère que l’élément « porto » dans la marque demandée est dominant et que l’élément, que les marques en conflit ont en commun, à savoir « insignia », est dépourvu de caractère distinctif, étant donné qu’il s’agit d’un terme laudatif. Ainsi, aux yeux du public pertinent, lesdites marques sont, selon elle, différentes sur le plan visuel, dans la mesure où l’élément commun ne serait pas distinctif et que, dès lors, ledit public retient avant tout l’élément « porto » de la marque demandée.

53      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

54      Force est de constater que la marque antérieure comporte le seul élément « insignia », tandis que la marque demandée est une marque composée des éléments « porto » et « insígnia ». À cet égard, certes, la chambre de recours a considéré à juste titre que les signes en cause présentaient une différence sur le plan visuel à prendre en considération. Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 50 ci-dessus, elle a également relevé, à juste titre, que leur élément « insignia » avait un caractère distinctif normal, tandis que l’élément « porto » de la marque demandée était purement descriptif. Pour cette raison, l’attention de la partie anglophone du public pertinent est, selon elle, attirée davantage sur l’élément « insignia ».

55      Il importe de rappeler qu’il est indispensable dans chaque cas individuel de déterminer, au moyen, notamment, d’une analyse des éléments d’une marque et de leur poids relatif dans la perception du public visé, l’impression d’ensemble produite par la marque dont l’enregistrement est demandé dans la mémoire dudit public et de procéder ensuite, à la lumière de cette impression d’ensemble et de tous les facteurs pertinents de l’espèce, à l’appréciation du risque de confusion (arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 34, et du 26 juillet 2017, Meica/EUIPO, C‑182/16 P, non publié, EU:C:2017:600, point 58).

56      Dans ce contexte, la considération selon laquelle le consommateur attache normalement plus d’importance à la partie initiale d’une marque ne saurait valoir dans tous les cas et remettre en cause le principe selon lequel l’examen de la similitude des marques doit se fonder sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci (voir arrêt du 8 septembre 2010, PORTO ALEGRE, T‑369/09, non publié, EU:T:2010:362, point 29 et jurisprudence citée).

57      En effet, rien ne permet de considérer que le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé négligera systématiquement la seconde partie de l’élément verbal d’une marque au point de n’en mémoriser que la première partie. Il en va notamment ainsi dans le secteur des boissons alcoolisées, dans lequel les consommateurs sont habitués à ce que les produits soient fréquemment désignés par les marques comprenant plusieurs éléments verbaux [voir arrêt du 4 mai 2022, Bodegas Beronia/EUIPO – Bodegas Carlos Serres (ALEGRA DE BERONIA), T‑298/21, non publié, EU:T:2022:275, point 47 et jurisprudence citée].

58      Eu égard à la jurisprudence citée aux points 55 à 57 ci-dessus, il convient de relever que, même si les signes en cause différent en ce que la marque antérieure n’a qu’un élément verbal et la marque demandée en a deux, l’élément « insignia » est l’élément le plus distinctif, et le plus long, desdites marques. De même, la chambre de recours a considéré à juste titre que le mot « porto » était bien connu de la partie anglophone du public pertinent par rapport au produit visé par la marque demandée, à savoir le vin de Porto. Dans ce contexte, quand bien même l’élément « porto » figure en premier dans la marque demandée, il convient de relever que, eu égard à l’impression d’ensemble de cette marque, la requérante n’a pas démontré que ladite partie de ce public retiendrait surtout, ou seulement, cet élément. En effet, ainsi que l’a soutenu à bon droit l’intervenante, le degré de similitude dans tous les aspects de la comparaison était d’autant plus élevé que l’élément commun était distinctif.

59      Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré, en substance, que les signes en cause présentaient un degré de similitude élevé sur le plan visuel.

–       Sur la similitude phonétique

60      La chambre de recours a considéré que les signes en cause présentaient un degré de similitude à tout le moins supérieur à la moyenne sur le plan phonétique.

61      La requérante critique cette conclusion sur le fondement des mêmes arguments que ceux avancés dans le cadre de la comparaison desdits signes sur le plan visuel.

62      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

63      Force est de relever que la prononciation des signes en cause coïncide par le son du mot « insignia ». Le fait que la marque antérieure soit entièrement incluse dans la marque demandée et qu’elle en soit la partie la plus importante, en termes de nombre de lettres, crée une similitude phonétique entre elles [voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2008, ecoblue/OHMI – Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (Ecoblue), T‑281/07, non publié, EU:T:2008:489, point 34].

64      Partant, la chambre de recours, tout en prenant en considération la différence entre les signes en cause sur le plan phonétique, dès lors que la marque antérieure est composée d’un seul élément tandis que la marque demandée en comportait deux, n’a pas commis d’erreur d’appréciation lorsqu’elle a conclu, en substance, que lesdits signes présentaient un degré de similitude à tout le moins supérieur à la moyenne sur ce plan, l’élément « porto », élément initial de la marque demandée, présentant au demeurant un caractère descriptif.

–       Sur la similitude conceptuelle

65      La chambre de recours a considéré, en substance, que le degré de similitude conceptuelle entre les signes en cause était élevé.

66      La requérante soutient que les signes en cause étaient différentes sur le plan conceptuel. Elle réitère l’argument selon lequel l’élément « insignia » présentait un caractère laudatif et était, dans la marque demandée, subordonné à l’élément « porto », qui avait un caractère distinctif. Les produits visés par la marque demandée seraient perçus comme un insigne ou un emblème relatifs au « porto ». En outre, le mot « porto » pourrait également être associé au mot anglais « port » qui signifierait une localité située au bord de la mer ou d’un fleuve.

67      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

68      Ainsi qu’il a été relevé au point 50 ci-dessus, la chambre de recours a considéré sans commettre d’erreur d’appréciation, que l’élément « insignia » tel qu’il figurait dans les marques en conflit, était normalement distinctif, tandis que l’élément « porto » de la marque demandée était descriptif. Les arguments de la requérante qui reposent sur une prémisse contraire ne sauraient donc prospérer. L’argument de la requérante selon lequel les produits visés par la marque antérieure sont perçus comme un insigne ou un qualificatif du mot « porto » doit également être rejeté, n’étant pas étayé par des preuves.

69      En effet, la requérante n’a pas établi à suffisance de droit que la marque demandée, composée des éléments « porto » et « insígnia », pouvait avoir auprès de la partie anglophone du public pertinent une signification différente de celle de la marque antérieure. Il lui incombait à cet égard de démontrer que l’analyse effectuée par la chambre de recours était erronée à l’égard d’une partie significative du public pertinent, étant donné que, afin de conclure à l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il n’était pas nécessaire de constater que ce risque existait pour la totalité du public visé [voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2021, Capella/EUIPO – Cobi.bike (GOBI), T‑286/20, non publié, EU:T:2021:239, point 38 et jurisprudence citée].

70      Partant, les arguments de la requérante ne sont pas susceptibles d’altérer la conclusion de la chambre de recours en ce qui concerne la similitude des signes en cause sur le plan conceptuel.

 Sur le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure

71      La requérante critique la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le caractère distinctif de la marque antérieure est normal et estime que celui-ci est faible.

72      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

73      Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 43 à 47 ci-dessus, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque antérieure était normalement distinctive n’est pas erronée.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

74      Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’existence d’un risque de confusion dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance de la marque antérieure sur le marché, de l’association qui peut en être faite avec la marque demandée, du degré de similitude entre les marques en conflit et entre les produits désignés. Le risque de confusion doit donc être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2019, Hansson, C‑705/17, EU:C:2019:481, point 41 et jurisprudence citée).

75      La chambre de recours a considéré, eu égard au degré de similitude entre les signes en cause, à l’identité des produits en cause, au degré d’attention moyen du public pertinent et au caractère distinctif normal de la marque antérieure, qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit.

76      La requérante réitère ses arguments relatifs à l’identité des produits et à la similitude des signes en cause. Elle ajoute que la chambre de recours aurait dû accorder un poids plus élevé à la similitude sur le plan phonétique, eu égard à la nature des produits en cause, à savoir des boissons alcoolisées.

77      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

78      Ainsi qu’il ressort des points 50, 59, 70 et 73 ci-dessus, la chambre de recours a entériné, à juste titre, la conclusion de la division d’opposition selon laquelle les produits en cause étaient identiques ainsi que ses considérations quant au caractère distinctif normal de l’élément « insígnia » commun aux deux marques, au caractère descriptif de l’élément « porto », présent dans la marque demandée, et aux degrés de similitude élevé des signes en cause sur le plan visuel, à tout le moins supérieur à la moyenne sur le plan phonétique et élevé sur le plan conceptuel.

79      En outre, ainsi qu’il a été considéré par la chambre de recours, il importait, pour l’appréciation globale du risque de confusion, que la marque antérieure soit entièrement reproduite dans la marque demandée et que cette première ait un caractère distinctif normal. Ce constat ne saurait être altéré par l’élément « porto » qui était placé, dans la marque demandée, devant l’élément « insígnia ». Au regard de l’impression d’ensemble de la marque demandée, l’élément « porto », bien que figurant en premier dans cette marque, ne saurait donc attirer l’attention de la partie anglophone du public pertinent davantage que l’élément « insígnia », eu égard, notamment, au degré d’attention de ladite partie de ce public qui est moyen. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a fait sienne la considération de la division d’opposition selon laquelle il existait un risque de confusion entre les marques en conflit.

80      L’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait dû accorder plus d’importance à la similitude des signes en cause sur le plan phonétique ne saurait altérer cette conclusion. En effet, √ cet argument serait uniquement pertinent dans la mesure où les produits en cause seraient surtout consommés sur commande orale, ce qui n’a pas été établi [voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2003, Mystery Drinks/OHMI – Karlsberg Brauerei (MYSTERY), T‑99/01, EU:T:2003:7, point 48].

81      Il résulte de ce qui précède que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré, au point 72 de la décision attaquée, que, compte tenu de l’identité des produits, de la similitude globale entre les signes, du degré d’attention moyen du public pertinent et du caractère distinctif intrinsèque normal de la marque antérieure, il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, point b), du règlement no 207/2009 pour une partie importante du public pertinent.

82      Partant, il y a lieu de rejeter l’unique moyen de la requérante et le recours dans son intégralité.

I.      Sur les dépens

83      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

84      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Vallegre, Vinhos do Porto, SA est condamnée aux dépens.

Kowalik-Bańczyk

Hesse

Ricziová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 juin 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.