Language of document : ECLI:EU:T:2007:256

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

12 septembre 2007 (*)

« Aides d’État – Régime fiscal d’aides mis en œuvre par les Pays-Bas – Activités de financement internationales de groupes d’entreprises – Décision déclarant le régime d’aide incompatible avec le marché commun – Disposition transitoire – Protection de la confiance légitime – Principe d’égalité de traitement – Recevabilité – Qualité pour agir »

Dans l’affaire T‑348/03,

Koninklijke Friesland Foods NV, anciennement Friesland Coberco Dairy Foods Holding NV, établie à Meppel (Pays-Bas), représentée par Mes E. Pijnacker Hordijk et W. Geursen, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. H. van Vliet, V. Di Bucci et S. Noë, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de l’article 2 de la décision 2003/515/CE de la Commission, du 17 février 2003, concernant le régime d’aides mis à exécution par les Pays-Bas pour les activités de financement internationales (JO L 180, p. 52), en ce qu’il exclut du régime transitoire les opérateurs qui, à la date du 11 juillet 2001, avaient déjà introduit auprès de l’administration fiscale néerlandaise une demande d’application du régime d’aides en cause sur laquelle il n’avait pas encore été statué à cette même date,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij et Mme I. Pelikánová, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 janvier 2007,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        La Wet van 13 december 1996 tot wijziging van de wet op de vennootschapsbelasting 1969 met het oog op het tegengaan van uitholling van de belastinggrondslag en het versterken van de fiscale infrastructuur (loi du 13 décembre 1996 portant modification de la loi relative à l’impôt des sociétés de 1969 en vue de lutter contre l’érosion de la base imposable et de renforcer l’infrastructure fiscale) (Stb. 1996, n° 65) a inséré un article 15 b dans la Wet op de vennootschapsbelasting de 1969 (loi relative à l’impôt des sociétés de 1969, ci-après la « loi de 1969 ») qui prévoit un régime particulier pour les concernfinancieringsactiviteiten (activités de financement internationales d’entreprises appartenant à un groupe, ci-après le « régime CFA »). Le régime CFA est entré en vigueur le 1er janvier 1997.

2        L’article 15 b, paragraphe 1, première phrase, de la loi de 1969 énonce :

« S’agissant d’une entité appartenant à un groupe international et qui n’exerce qu’à partir des Pays-Bas des activités de financement au profit d’entités appartenant à ce groupe qui sont établies, ou sont également situées, dans au moins quatre États ou sur deux continents, à la demande du contribuable, l’inspecteur autorise, à des conditions qu’il fixe, la constitution d’une réserve pour risques liés à ces activités de financement […]. »

3        L’article 15 b, paragraphe 2, de la loi de 1969 énonce :

« Le paragraphe 1 ne s’applique que s’il est établi que :

[…]

b)      les revenus de l’entité qui font partie intégrante des bénéfices tirés par le groupe de ses activités de financement représentent par État au moins 5 % ou par continent au moins 10 % du revenu total, retiré des activités de financement menées au profit des entités appartenant au groupe, imposable aux Pays-Bas. »

4        Il résulte de l’article 15 b, paragraphe 3, de la loi de 1969 que le contribuable qui accède au régime CFA peut affecter 80 % de son bénéfice imposable total à une réserve pour risques. Les montants ainsi affectés peuvent être utilisés aux diverses fins prévues dans la loi de 1969. Ainsi, selon l’article 15 b, paragraphe 5, de la loi de 1969, en cas d’acquisition d’actions d’une société néerlandaise ou étrangère, ou d’apport de capital à une telle société, entre 50 et 100 % du prix d’acquisition ou de l’apport en capital peut être prélevé sur la réserve en exonération d’impôt.

5        L’article 15 b, paragraphe 10, de la loi de 1969 prévoit, en substance, que l’inspecteur décide, sur demande du contribuable, d’accorder le bénéfice du régime CFA et qu’il précise les conditions de ce régime par une décision susceptible de recours (ci-après l’« agrément CFA »).

6        Le Besluit nr DB 97/3951 van 2 oktober 1997 tot vaststelling van de modelbeschikking inzake artikel 15 b van de Wet op de venootschapsbelasting 1969 (arrêté DB 97/3951, du 2 octobre 1997, fixant la décision type visée à l’article 15 b de la loi de 1969) fixe un modèle de décision à utiliser par l’inspecteur en application de l’article 15 b de la loi de 1969. Ce modèle de décision est ainsi libellé :

« L’inspecteur du service des impôts,

vu l’article 15 b, paragraphe 10, de la [loi de 1969], vu la demande de pouvoir établir une réserve telle que visée à l’article 15 b, paragraphe 1, de la [loi de 1969], vu tous les faits et circonstances mentionnés dans la demande, décide, au vu de l’article 15 b, paragraphes 1 et 8, de la [loi de 1969], d’accéder à la demande sous les conditions [d’utilisation du régime CFA fixées aux points I à X]. »

7        Le point X de ce modèle, intitulé « Développement spécifique des conditions plus générales en fonction des circonstances du cas d’espèce », prévoit que l’inspecteur peut préciser certaines conditions d’utilisation de la réserve.

 Antécédents du litige

 Faits antérieurs à la décision attaquée

8        Dans le cadre d’une réflexion globale sur la concurrence fiscale dommageable, le Conseil et les représentants des gouvernements des États membres ont adopté, le 1er décembre 1997, une résolution sur un code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises (JO 1998, C 2, p. 2). Dans ce contexte, les États membres se sont engagés à démanteler de façon progressive certaines mesures fiscales qualifiées de dommageables, tandis que la Commission exprimait son intention d’examiner ou de réexaminer, au regard des règles relatives aux aides d’État, les régimes fiscaux en vigueur dans les États membres.

9        Après avoir adopté, le 11 novembre 1998, une communication sur l’application des règles relatives aux aides d’État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (JO C 384, p. 3), la Commission a entrepris un examen général de la législation fiscale des États membres sous l’angle des règles relatives aux aides d’État.

10      Par lettre du 12 février 1999, la Commission a demandé au Royaume des Pays-Bas des informations sur le régime CFA. Ces informations ont été fournies par le Royaume des Pays-Bas dans une lettre du 8 mars 1999.

11      Le 27 décembre 2000, la requérante a introduit une demande auprès de l’administration fiscale néerlandaise afin de pouvoir constituer, à partir du 1er janvier 2000, une réserve au titre du régime CFA (ci-après la « demande CFA »). Elle a fourni des informations complémentaires à l’administration fiscale le 12 avril 2001. La demande CFA a fait l’objet de discussions avec l’administration fiscale le 24 avril 2001.

12      Par lettre du 11 juillet 2001, la Commission a notifié au Royaume des Pays-Bas sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE concernant le régime CFA. Cette décision ainsi que l’invitation faite aux intéressés de présenter leurs observations sur le régime CFA ont été publiées au Journal officiel des Communautés européennes du 31 octobre 2001 (JO C 306, p. 6).

13      Le 26 juillet 2001, l’administration fiscale néerlandaise a informé la requérante de l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

14      À la suite de l’ouverture de la procédure formelle d’examen, la demande CFA de la requérante est restée en suspens.

15      Par courrier du 3 octobre 2002, le Royaume des Pays-Bas a fait valoir auprès de la Commission que, compte tenu de la confiance légitime et du respect des droits acquis, cette institution devait permettre aux entreprises alors bénéficiaires du régime CFA de pouvoir continuer à en bénéficier jusqu’au terme des agréments octroyés.

16      Le 5 décembre 2002, le secrétaire d’État aux Finances néerlandais a adopté une décision qui indique :

« [J]’ai décidé de cesser dès aujourd’hui [le 5 décembre 2002] le traitement de toute nouvelle demande d’application du régime [CFA].»

 Décision attaquée

17      Le 17 février 2003, la Commission a adopté la décision 2003/515/CE de la Commission, du 17 février 2003, concernant le régime d’aides mis à exécution par les Pays-Bas pour les activités de financement internationales (JO L 180, p. 52, ci-après la « décision attaquée »).

18      Les considérants 111 et 112 de la décision attaquée sont libellés comme suit :

« (111) L’article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 659/1999 dispose que ‘[l]a Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire’. La jurisprudence de la Cour et la pratique décisionnelle de la Commission ont établi qu’un ordre de récupération de l’aide violerait un principe général de droit communautaire lorsque, [à la] suite [de] l’action de la Commission, une confiance légitime existe chez le bénéficiaire d’une mesure dans le fait que l’aide a été accordée conformément à la législation communautaire.

[…]

Dans le cas présent, et bien que les régimes belge et néerlandais ne soient pas strictement identiques, la Commission note que le régime CFA présente des similitudes avec le régime institué en Belgique par l’arrêté royal nº 187, du 30 décembre 1982, concernant l’imposition des centres de coordination. En effet, les deux systèmes concernent des activités intragroupe et un grand nombre de bénéficiaires du régime CFA avaient préalablement recours au régime belge des centres de coordination. Dans sa décision du 2 mai 1984, la Commission a considéré que le système [belge des centres de coordination] ne comportait pas d’aide au sens de l’article [87], paragraphe 1, [CE]. Même si la décision n’a pas été publiée, le fait que la Commission n’ait soulevé aucune objection au système belge des centres de coordination a été rendu public à cette époque dans le quatorzième rapport sur la concurrence ainsi que dans une réponse à une question parlementaire […], comme le soulignent d’ailleurs [le Royaume des] Pays-Bas et les tiers intéressés.

(112) Dans ce contexte, la Commission souligne qu’elle a adopté sa décision sur le régime belge des centres de coordination avant l’entrée en vigueur du régime CFA. Elle fait également observer que tous les bénéficiaires du régime ont été admis au bénéfice du régime CFA avant sa décision du 11 juillet 2001 portant ouverture de la procédure formelle d’examen. Par conséquent, la Commission admet les arguments [du Royaume des] Pays-Bas et des tiers intéressés concernant l’existence d’une confiance légitime chez les bénéficiaires du régime et renonce à ordonner la récupération des aides accordées. »

19      Les considérants 113 à 118 énoncent:

« (113) Par courrier daté du 3 octobre 2002, [le Royaume des] Pays-Bas [a] informé la Commission que, compte tenu de la confiance légitime et du respect des droits acquis, la Commission devait permettre aux entreprises actuellement bénéficiaires du régime CFA de pouvoir continuer à en bénéficier jusqu’au terme des agréments octroyés. La Commission estime que deux questions doivent être considérées à cet égard. D’une part, quel est le sort qui doit être réservé aux réserves déjà constituées conformément aux dispositions du régime CFA ? D’autre part, peut-on considérer qu[e], après la décision finale, les entreprises peuvent continuer à utiliser le régime en constituant de nouvelles réserves ?

(114) En premier lieu, il convient de noter qu[e], au moment de la constitution de ces réserves, les bénéficiaires du régime peuvent invoquer une confiance légitime. Les montants placés dans ces réserves sont censés couvrir des risques liés à l’activité de financement. Indépendamment de la nature des risques courus, il est avéré que les décisions de placer des sommes dans les réserves ont été le résultat d’arbitrages et s’inscrivent dans le cadre d’une stratégie à long terme des entreprises bénéficiaires. La Commission constate que, si les avantages liés à l’utilisation de la réserve peuvent être étalés dans le temps, le fait générateur de ces avantages est la constitution de la réserve. On peut dès lors considérer que les avantages attachés aux sommes actuellement placées dans les réserves ont été acquis, en principe, sous [...] couvert de la confiance légitime. Il n’y a donc pas lieu d’exiger en l’espèce l’imposition immédiate au taux normal de l’impôt sur les sociétés des sommes placées dans les réserves pour risques. Les sommes inscrites dans ces réserves pourront donc être utilisées en conformité avec la législation néerlandaise existante et bénéficier des avantages qui y sont prévus.

(115) En ce qui concerne la constitution de nouvelles réserves, la Commission estime en principe qu[e], après une décision finale relative à une aide illégale, les principes de […] confiance légitime ou de […] sécurité ne peuvent plus être invoqués. Les effets de la confiance légitime ne sauraient en toute logique perdurer au-delà de[s] délais raisonnables nécessaires à l’État membre et aux entreprises concernées pour s’adapter à la nouvelle situation. En l’espèce, la Commission a toutefois jugé opportun de prendre en considération les éléments suivants.

(116) Premièrement, la Commission prend acte du contexte dans lequel se situe la présente procédure : elle constitue une initiative complémentaire aux travaux des États membres, entamés dans le cadre du code de conduite afin de lutter contre la concurrence fiscale dommageable. En outre, il convient également de tenir compte des progrès accomplis par les États membres en vue d’atteindre l’objectif final d’élimination de la concurrence fiscale dommageable. Par conséquent, les distorsions de concurrence liées au maintien du régime jusqu’en 2010 doivent être mises en regard des avancées réalisées au niveau communautaire vers l’objectif de la lutte contre la concurrence fiscale dommageable.

(117) Deuxièmement, comme l’[a] indiqué [le Royaume des] Pays-Bas dans [sa] lettre du 3 octobre 2002, le nombre de bénéficiaires du régime est appelé à diminuer progressivement jusqu’en 2010. En effet, les autorités néerlandaises ont annoncé, en décembre 2002, la fermeture du régime à tout nouveau candidat. Le nombre de bénéficiaires est donc appelé à diminuer progressivement, et il est probable, puisque [le Royaume des] Pays-Bas [a] pris l’engagement de ne pas proroger le régime après 2010, que la plupart des bénéficiaires mettront à profit la durée restante de leur agrément en vue de vider les réserves déjà constituées. La Commission estime que, dans la perspective de la suppression annoncée du régime, l’activité essentielle des entreprises bénéficiaires du régime CFA concernera l’utilisation des réserves plutôt que la constitution de nouvelles réserves.

(118) Compte tenu de ces circonstances exceptionnelles, la Commission estime que les bénéficiaires du régime CFA à la date de l’ouverture de la présente procédure peuvent continuer tant à constituer de nouvelles réserves qu’à utiliser les réserves déjà existantes selon les modalités du régime CFA en vigueur, et ce jusqu’au terme des agréments qui leur ont été délivrés, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2010. »

20      Les deux premiers articles du dispositif de la décision attaquée se lisent comme suit:

« Article premier

Le régime d’aides d’État mis à exécution par [le Royaume des] Pays-Bas dans le cadre de l’article 15 [b] de la loi de 1969 relative à l’impôt sur les sociétés [...], institué par la loi du 13 décembre 1996, est incompatible avec le marché commun.

Article 2

[Le Royaume des] Pays-Bas [est] ten[u] de supprimer le régime d’aides visé à l’article 1er. Toutefois, les bénéficiaires de ce régime à la date du 11 juillet 2001 peuvent continuer à bénéficier de ses dispositions jusqu’à l’expiration des agréments de dix années qui leur ont été délivrés par l’administration fiscale néerlandaise. L’application du régime prend fin en tout état de cause au plus tard le 31 décembre 2010. »

 Faits postérieurs à la décision attaquée

21      Par lettre du 11 avril 2003, le Royaume des Pays-Bas a demandé à la Commission, notamment, de confirmer par écrit que le régime transitoire prévu à l’article 2 de la décision s’appliquait aussi aux entreprises qui, bien que ne bénéficiant pas d’une décision de l’inspecteur leur permettant d’accéder au régime CFA, avaient introduit une demande d’accès au régime CFA avant le 5 décembre 2002, date à partir de laquelle toute nouvelle demande d’agrément CFA avait été refusée, dans la mesure où ces entreprises satisfaisaient aux conditions du régime à la date du 11 juillet 2001.

22      Dans une lettre datée du 7 juillet 2003, la Commission a indiqué qu’il résultait clairement du considérant 118 de la décision attaquée ainsi que de l’article 2 du dispositif de cette décision que le régime transitoire ne s’appliquait pas à ces entreprises. Elle a également indiqué que, si les autorités néerlandaises devaient décider d’accorder un agrément CFA aux entreprises concernées, cela équivaudrait à octroyer une aide nouvelle en contradiction avec la décision attaquée.

23      Le 21 août 2003, l’administration fiscale néerlandaise a rejeté la demande CFA de la requérante au motif que la Commission avait adopté une décision négative à l’égard du régime CFA, telle que précisée dans sa lettre du 7 juillet 2003.

24      L’article 1er, section D, de la wet van 15 september 2005, houdende wijziging van de wet op de vennootschapsbelasting 1969 - vervallen van concernfinancieringsregeling (loi du 15 septembre 2005 portant modification de la loi de 1969 – suppression du régime CFA) (Stb. 2005, n° 468, ci-après la « loi du 15 septembre 2005 »), dispose, notamment, que l’article 15 b de la loi de 1969 est supprimé.

25      L’article 2 de la loi du 15 septembre 2005 énonce, en substance, que, s’agissant du contribuable soumis à l’impôt sur les sociétés qui, le 11 juillet 2001, remplissait les conditions du régime de l’article 15 b de la loi, cet article et les dispositions qui en découlent demeurent applicables. Il prévoit également que cette disposition transitoire s’applique pendant une période de dix ans à compter de la date à laquelle le contribuable pouvait constituer une réserve, sans que cette période puisse s’étendre au-delà du 31 décembre 2010.

 Procédure et conclusions des parties

26      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 octobre 2003, la requérante a introduit le présent recours en annulation.

27      Par acte déposé au greffe le 14 janvier 2004, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 29 mars 2004. Par ordonnance du Tribunal du 28 février 2005, l’exception a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.

28      Par courrier du 7 septembre 2006, la requérante a informé le Tribunal de ce que sa dénomination sociale était désormais Koninklijke Friesland Foods NV.

29      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

30      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à se prononcer sur les éventuelles incidences de l’arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, Rec. p. I‑5479, ci-après l’« arrêt Forum 187 »), sur la présente affaire. Les parties ont fait valoir leurs observations dans les délais impartis. Par ailleurs, au titre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité la Commission à produire la décision du secrétaire d’État aux Finances néerlandais du 5 décembre 2002. La Commission a déféré à cette demande.

31      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal, lors de l’audience du 30 janvier 2007.

32      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        annuler l’article 2 de la décision attaquée en ce qu’il exclut du régime transitoire qu’il prévoit les opérateurs qui, à la date du 11 juillet 2001, avaient déjà introduit auprès de l’administration fiscale néerlandaise une demande d’application du régime CFA sur laquelle il n’avait pas encore été statué à cette même date ;

–        condamner la Commission aux dépens.

33      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        à titre principal, déclarer le recours irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur la recevabilité

 Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir

 Arguments des parties

34      La Commission soutient, tout d’abord, qu’il est de jurisprudence constante qu’un opérateur économique doit justifier d’un intérêt né et actuel à l’annulation de l’acte attaqué et que, si l’intérêt dont se prévaut un requérant concerne une situation juridique future, il doit établir que l’atteinte à cette situation se révèle, d’ores et déjà, certaine (arrêt du Tribunal du 17 septembre 1992, NBV et NVB/Commission, T‑138/89, Rec. p. II‑2181, point 33). Par ailleurs, il résulterait de la jurisprudence que la recevabilité d’un recours en annulation devrait être appréciée au regard de l’intérêt à agir du requérant au moment du dépôt de la requête et ne saurait être évalué en fonction d’un événement futur et hypothétique (arrêt du Tribunal du 30 avril 1998, Cityflyer Express/Commission, T‑16/96, Rec. p. II‑757, point 30). Elle fait valoir ensuite que, dans le cas d’espèce, la requérante n’établit pas qu’elle a un intérêt légitime, né et actuel à l’annulation partielle de la décision attaquée.

35      À cet égard, en premier lieu, la Commission fait valoir qu’il n’est pas certain que la requérante satisfasse aux critères pour bénéficier du régime CFA et que, partant, son intérêt à demander l’annulation partielle de la décision attaquée n’est pas établi.

36      Au soutien de cette allégation, la Commission relève, premièrement, que les autorités néerlandaises ne sont jamais parvenues à la conclusion que la requérante satisfaisait aux conditions d’obtention de l’aide, fixées par le droit néerlandais. Ainsi, tout d’abord, rien n’indiquerait que, lors de l’entretien du 24 avril 2001 qui s’est tenu entre la requérante et l’administration fiscale, celle-ci aurait estimé que la requérante remplissait effectivement lesdites conditions. Ensuite, la lettre du 26 juillet 2001 par laquelle l’administration fiscale a transmis à la requérante la lettre de la Commission relative à l’ouverture de la procédure formelle d’examen n’indiquerait pas davantage que la requérante satisfaisait auxdites conditions. Enfin, la lettre du 21 août 2003 par laquelle l’administration fiscale a informé la requérante du rejet de la demande CFA n’indiquerait pas non plus qu’elle satisfaisait aux conditions d’accès au régime CFA.

37      Selon la Commission, le fait que l’administration fiscale a justifié le rejet de la demande CFA en renvoyant à la lettre de la Commission du 7 juillet 2003 n’indique pas que la requérante satisfaisait aux conditions d’accès au régime CFA. Cette décision attesterait uniquement que l’administration fiscale n’a pas jugé opportun d’examiner dans quelle mesure la requérante remplissait les conditions prévues à l’article 15 b de la loi de 1969.

38      Par ailleurs, s’agissant de cette décision de rejet, la Commission fait valoir que la requérante ne présente aucun élément de preuve au soutient de son allégation selon laquelle elle a exercé les voies de recours appropriées contre cette décision.

39      La Commission soutient, enfin, que la lettre du 21 août 2003 dans laquelle il est mentionné que « le ministère des Finances a présenté à la [direction générale de la] [c]oncurrence une demande tendant à pouvoir réserver une suite favorable à [quatorze] demandes en cours [dont celle de la requérante] s’il était satisfait aux conditions du régime de financement des groupes » indiquerait que les autorités fiscales néerlandaises elles-mêmes n’étaient pas certaines que la requérante satisfaisait aux conditions prévues à l’article 15 b de la loi de 1969.

40      La Commission fait valoir, deuxièmement, que la requérante elle-même n’indique pas les raisons pour lesquelles elle satisferait aux conditions d’accès au régime CFA.

41      Tout d’abord, la demande CFA se bornerait à indiquer qu’il était satisfait aux conditions légales à partir du 1er janvier 2000, sans toutefois que cette demande soit motivée plus avant ni que les données nécessaires pour apprécier s’il était effectivement satisfait aux conditions légales y figurent.

42      Ensuite, dans les observations écrites soumises par la requérante à l’administration fiscale en date du 12 avril 2001, la requérante reconnaîtrait, en substance, qu’elle ne satisfaisait pas au critère de la répartition géographique prévu à l’article 15 b, paragraphe 2, de la loi de 1969 et que, en conséquence, elle ne pouvait pas alimenter la réserve pour risques au titre de l’année 2000. Il en résulterait que, durant toute l’année 2000, la requérante ne remplissait pas les conditions pour bénéficier du régime CFA. Les allégations selon lesquelles la demande CFA devait être honorée avec effet au 1er janvier 2000 seraient donc fausses.

43      À cet égard, la Commission souligne que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ne suffit pas, pour être admis au bénéfice du régime CFA, qu’un contribuable satisfasse aux conditions prévues à l’article 15 b, paragraphe 1, de la loi de 1969. Elle soutient qu’il ne peut être accordé d’autorisation CFA que s’il est également satisfait aux conditions prévues à l’article 15 b, paragraphe 2, de la loi de 1969 lequel prévoit, notamment, le critère de la répartition géographique des revenus. La nécessité de remplir les conditions prévues à l’article 15 b, paragraphes 1 et 2, de la loi de 1969 pour accéder au régime CFA serait confirmée par un auteur de doctrine qui, selon la Commission, indique en substance que, si le critère de la répartition géographique des revenus n’est pas respecté, l’administration fiscale doit alors prendre une décision négative concernant la demande de constitution d’une réserve pour risques. Par ailleurs, cette conception serait également défendue par les autorités fiscales néerlandaises qui, en réponse à une question expresse de la Commission, auraient indiqué qu’un agrément ne serait délivré qu’à partir de l’année pour laquelle il aurait été établi que le critère de la répartition géographique, prévu à l’article 15 b, paragraphe 2, de la loi de 1969, serait rempli.

44      La Commission relève, en outre, que la thèse de la requérante selon laquelle cette dernière remplit pour l’année 2000 le critère prévu à l’article 15 b, paragraphe 2, de la loi de 1969 du fait que des créances internes au groupe au titre de redevances pourraient également être prises en compte est purement spéculative.

45      Enfin, la Commission soutient que la requérante n’établit ni n’allègue qu’elle satisfaisait aux exigences substantielles du régime CFA, selon lesquelles l’entité qui gère la réserve pour risques doit être la colonne vertébrale des activités de financement du groupe dans son ensemble et doit exercer une activité économique réelle, dirigée et exécutée à partir des Pays-Bas.

46      La Commission conclut de ce qui précède qu’il n’est pas démontré que la requérante, à la date du 11 juillet 2001 ou à tout autre moment, remplissait les conditions pour bénéficier du régime CFA.

47      En deuxième lieu, la Commission fait valoir que, à la suite de l’accord intervenu au sein du Conseil Ecofin des 26 et 27 novembre 2000, selon lequel les États membres n’admettraient plus de nouveaux venus au bénéfice de régimes d’aides dommageables après le 31 décembre 2001, il existerait un sérieux obstacle pour accorder le bénéfice du régime CFA à la requérante.

48      En troisième lieu, la Commission allègue que, après l’adoption de la loi du 15 septembre 2005, la requérante ne peut plus demander, en vertu du droit néerlandais, à être admise au bénéfice du régime CFA À cet égard, elle avance, en substance, qu’il résulte de l’exposé des motifs de la loi du 15 septembre 2005 que le régime transitoire, prévu dans cette loi, est réservé aux seuls contribuables qui ont obtenu l’agrément CFA avant le 11 juillet 2001 au plus tard ou qui, sur la base d’un engagement de l’administration fiscale, savaient, avant le 11 juillet 2001 au plus tard, qu’ils pourraient constituer une réserve au sens du régime CFA. Or, tel ne serait pas le cas de la requérante. Celle-ci ne pourrait donc plus bénéficier du régime CFA et l’issue du recours ne serait pas susceptible de lui procurer un quelconque bénéfice.

49      La Commission en conclut que, à supposer que la requérante ait eu un intérêt à agir lors de l’introduction du recours, cet intérêt aurait, en toute hypothèse, disparu avec la suppression du régime CFA postérieurement à l’introduction du recours. Certes, la recevabilité d’un recours s’apprécierait en principe en fonction de la situation qui prévaut à la date de l’introduction du recours. Toutefois, le juge communautaire amené à apprécier l’existence d’un intérêt à agir pourrait, aux fins d’une bonne administration de la justice, prendre en considération des événements ultérieurs à ladite date (arrêt de la Cour du 19 octobre 1995, Rendo e.a./Commission, C‑19/93 P, Rec. p. I‑3319, point 13 ; arrêt du Tribunal du 24 avril 2001, Torre e.a./Commission, T‑159/98, RecFP p. I‑A‑83 et II‑395, point 30, et ordonnance du Tribunal du 17 octobre 2005, First Data e.a./Commission, T‑28/02, Rec. p. II‑4119, points 35 à 38).

50      Par ailleurs, dès lors qu’il serait désormais établi que la requérante ne peut plus prétendre à bénéficier de l’aide d’État octroyée par les autorités néerlandaises en vertu du régime CFA, et cela quelle que soit l’issue de la présente procédure, les faits de la présente espèce se distingueraient des faits de la cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 22 novembre 2001, Mitteldeutsche Erdöl-Raffinerie/Commission (T‑9/98, Rec. p. II‑3367), dans lequel le Tribunal a admis l’existence d’un intérêt certain et actuel en raison du fait que la requérante dans ladite affaire remplissait les conditions prévues par le régime d’aides en cause et qu’elle aurait bénéficié de ce régime dès lors que la volonté des autorités en cause dans cette affaire ne faisait aucun doute. Cette jurisprudence ne trouverait donc pas à s’appliquer en l’espèce.

51      La requérante soutient, tout d’abord, que, si la Commission n’avait pas adopté la décision litigieuse, elle aurait pu alimenter, à partir de l’année 2000, sa réserve pour risques jusqu’à l’établissement des avis définitifs d’imposition. À cet égard, au jour du dépôt du mémoire en réplique, l’imposition définitive n’aurait toujours pas été établie pour l’exercice 2000. De plus, pour les années à venir, la requérante aurait intérêt à disposer d’ores et déjà d’une sécurité juridique quant à la question de savoir si elle peut constituer une réserve pour risques et s’il est encore économiquement censé de conserver le siège de la société de financement au Pays-Bas et de continuer à se conformer aux conditions légales du régime CFA. Par conséquent, la requérante satisferait aux exigences en matière d’intérêt à agir telles que fixées par la jurisprudence.

52      Elle conteste, ensuite, que les arguments avancés par la Commission remettent en cause son intérêt à agir en annulation de la décision attaquée.

53      À cet égard, elle fait valoir qu’elle répond aux conditions légales d’octroi de l’agrément CFA.

54      Au soutien de cette allégation elle avance, premièrement, que l’absence de reconnaissance par l’administration fiscale de ce qu’elle satisfaisait aux conditions du régime CFA est dépourvue de pertinence pour apprécier si elle satisfait ou non auxdites conditions. En effet, selon elle, le nécessaire respect du principe de confiance légitime par les autorités fiscales néerlandaises les empêche d’affirmer, à un stade préliminaire, que le demandeur remplit les conditions prévues dans la loi de 1969, sans qu’une telle affirmation revienne de facto à octroyer l’agrément CFA. Par conséquent, il ne pourrait être tiré du silence de l’administration fiscale aucune conclusion sur la question de savoir si la requérante satisfait ou non aux conditions du régime CFA.

55      Deuxièmement, la requérante soutient que la possibilité d’utiliser les avantages du régime CFA découle de la loi de 1969, combinée à un ensemble de faits, et non d’une décision de l’administration fiscale. Aux considérants 10 et 17 de la décision attaquée, la Commission elle-même confirmerait cette interprétation. Elle ajoute que la décision CFA délivrée par l’administration fiscale ne constitue pas une condition, mais uniquement un moyen de veiller à une application correcte dudit régime et, sur ce point, elle invoque le considérant 9 de la décision attaquée.

56      Selon la requérante, il résulte de sa lettre du 12 avril 2001 qu’elle remplit toutes les conditions d’admission. Ainsi, cette lettre indiquerait que l’agrément serait demandé pour deux entités dans le groupe, que le groupe en question aurait une activité internationale, que des créances seraient en cours sur des entités du groupe dans plus de quatre pays et que les opérations de financement du groupe seraient intégralement exécutées depuis les Pays-Bas.

57      Enfin, la requérante soutient que le projet de loi visant à abroger le régime CFA, devenu entre-temps la loi du 15 septembre 2005, ne vise qu’à intégrer dans la législation néerlandaise les effets de la décision attaquée. Selon la requérante, contrairement à ce que soutient la Commission, si la décision attaquée était annulée, ce projet de loi ne pourrait faire obstacle à la délivrance d’un agrément.

 Appréciation du Tribunal

58      Aux termes d’une jurisprudence bien établie, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Cet intérêt doit être né et actuel et s’apprécie au jour où le recours est formé (voir arrêt du Tribunal du 14 avril 2005, Sniace/Commission, T-141/03, Rec. p. II-1197, point 25, et la jurisprudence citée).

59      Comme le fait valoir à juste titre la requérante, s’il était fait droit à son recours et si la Commission était tenue d’adopter une décision de la teneur souhaitée, le régime transitoire prévu à l’article 2 de la décision attaquée serait applicable aux entreprises dont la demande CFA était toujours pendante à la date du 11 juillet 2001. En revanche, comme le relève à bon escient la Commission, ce n’est que dans la mesure où la requérante peut bénéficier du régime CFA ou, à tout le moins, faire examiner sa demande par les autorités néerlandaises qu’elle possède un intérêt à agir. Il convient donc d’examiner si, pour les besoins de la présente procédure, il peut être considéré que la requérante est susceptible de bénéficier du régime CFA, étant entendu que la question de savoir si elle satisfait aux conditions légales pour bénéficier du régime CFA constitue une question de droit national qu’il n’appartient pas au juge communautaire de trancher.

60      En premier lieu, les parties divergent d’opinion sur la question de savoir si la requérante satisfait aux conditions fixées à l’article 15 b de la loi de 1969.

61      À cet égard, il convient de relever que la requérante affirme remplir les conditions pour bénéficier d’un agrément CFA et étaye cette affirmation par la demande CFA, laquelle indique, de façon unilatérale, qu’il est satisfait aux conditions fixées à l’article 15 b de la loi de 1969. Par ailleurs, elle a également indiqué dans ses écritures et a souligné à l’audience qu’elle entendait, par son recours, être en mesure de bénéficier du régime CFA non seulement pour l’exercice fiscal 2000, mais également pour les exercices fiscaux ultérieurs pour lesquels un avis définitif d’imposition n’était pas encore fixé.

62      Cette allégation n’est pas utilement renversée par l’affirmation de la Commission selon laquelle les autorités néerlandaises n’ont jamais prétendu que la requérante remplissait lesdites conditions. En effet, comme le fait valoir la requérante, sans être contredite sur ce point par la Commission, en raison du principe de droit néerlandais de protection de la confiance légitime, les autorités néerlandaises ne pouvaient prendre position sur la question de savoir s’il était satisfait aux conditions du régime CFA sans préjuger l’octroi de l’agrément CFA. Il ne saurait, dès lors, être déduit du silence de l’administration fiscale néerlandaise sur cette question que la requérante ne remplissait pas les conditions fixées par la loi pour bénéficier du régime CFA.

63      Par ailleurs, contrairement à ce que la Commission soutient, à tout le moins implicitement, les termes de la lettre du 21 août 2003 selon lesquels « [l]e ministère des Finances a[vait] présenté à la [direction générale de la] [c]oncurrence une demande tendant à pouvoir réserver une suite favorable à [quatorze] demandes en cours s’il était satisfait aux conditions du régime de financement des groupes » n’indiquent aucunement que la demande de la requérante ne satisfaisait pas aux conditions fixées par la loi de 1969. Ces termes indiquent, tout au plus, que les autorités fiscales néerlandaises n’avaient pas encore tranché la question de savoir si les demandes pendantes satisfaisaient aux exigences légales. La lettre du 21 août 2003 n’est donc pas apte, elle non plus, à renverser l’allégation de la requérante selon laquelle elle satisfaisait aux exigences légales.

64      S’agissant de l’allégation de la Commission selon laquelle il ressort de la lettre de la requérante à l’administration fiscale, du 12 avril 2001, que, pour l’année 2000, la requérante ne satisfaisait pas au critère de la répartition géographique des revenus au sein du groupe d’entreprises prévu à l’article 15 b, paragraphe 2, de la loi, il convient de relever que, même à tenir cette allégation pour vraie et à supposer qu’elle soit pertinente pour déterminer si un contribuable peut obtenir l’agrément CFA – question relevant du droit national qu’il n’appartient pas au juge communautaire de trancher –, cette allégation ne porte que sur l’année 2000. En conséquence, même à admettre l’argument de la Commission selon lequel la requérante ne pourrait pas bénéficier du régime CFA pour l’année 2000, cet argument est inopérant pour les exercices fiscaux ultérieurs. Il n’est donc pas apte à établir que la requérante n’a pas d’intérêt à obtenir l’annulation postulée.

65      Enfin, en ce qui concerne l’argument de la Commission selon lequel la requérante reste en défaut d’établir qu’elle satisfait à toutes les exigences substantielles du régime CFA, il suffit de relever que la Commission, elle-même, n’avance pas la moindre allégation concrète permettant de mettre en doute l’affirmation de la requérante selon laquelle elle satisfait aux exigences du régime CFA.

66      Au vu de ce qui précède et pour les besoins de la présente procédure, il convient de rejeter le premier argument de la Commission selon lequel il n’est pas établi à suffisance de droit que la requérante satisfait aux exigences du régime CFA, dès lors que, en tout état de cause, l’intérêt de la requérante aux conséquences juridiques de l’annulation de la décision attaquée est de voir examiner sa demande par les autorités néerlandaises, quand bien même cette demande ne remplirait pas les conditions effectives d’octroi du régime CFA.

67      S’agissant, en deuxième lieu, de l’argument selon lequel l’accord intervenu au sein du Conseil Ecofin des 26 et 27 novembre 2000 constituerait un sérieux obstacle à ce que la requérante se voie octroyer le bénéfice du régime CFA, il convient de relever, tout d’abord, que la Cour a explicitement jugé que les conclusions intervenues au sein de ce Conseil exprimaient une volonté de nature politique qui ne sauraient, en raison de leur contenu, produire des effets de droit invocables devant le juge communautaire (arrêt Forum 187, point 30 supra, point 151). Partant, lesdites conclusions ne sauraient constituer un obstacle de nature juridique à ce que la requérante puisse, le cas échéant, bénéficier du régime CFA.

68      En outre, il y a lieu de relever que ce n’est qu’à partir du 5 décembre 2002 que les autorités néerlandaises ont décidé de fermer le régime CFA à toute nouvelle demande, et ce en dépit du fait que les conclusions du Conseil Ecofin des 26 et 27 novembre 2000 prévoyait que les États n’admettraient plus de nouveaux venus au bénéfice des régimes fiscaux dommageables après le 31 décembre 2001. Partant, l’affirmation de la Commission selon laquelle lesdites conclusions constituent un obstacle à ce que la requérante accède au régime CFA est privée de fondement factuel, à tout le moins pour la période antérieure au 5 décembre 2002.

69      S’agissant, en troisième et dernier lieu, de l’argument selon lequel, après l’adoption de la loi du 15 septembre 2005, la requérante ne peut plus demander, en vertu du droit néerlandais, à être admise au bénéfice du régime CFA, il convient de relever, avec la requérante, que cette loi abroge le régime CFA et prévoit un régime transitoire calqué sur le régime transitoire prévu par la disposition de la décision attaquée qui fait l’objet du présent recours.

70      Certes, la Commission a insisté lors de l’audience sur le fait qu’il résultait de l’exposé des motifs de la loi du 15 septembre 2005 que le régime transitoire prévu dans cette loi était réservé aux seuls contribuables qui avaient obtenu l’agrément CFA le 11 juillet 2001 au plus tard ou qui, sur la base d’un engagement de l’administration fiscale, savaient, le 11 juillet 2001 au plus tard, qu’ils pourraient constituer une réserve au sens du régime CFA.

71      Toutefois, il convient de relever que, comme la requérante le fait valoir sans être contredite sur ce point par la Commission, sous le régime fiscal néerlandais dont relève le régime CFA, une entreprise peut demander à être admise au bénéfice de ce dernier régime ou à se le voir appliquer pour tous les exercices fiscaux pour lesquels un avis définitif d’imposition n’est pas encore fixé. De plus, la requérante soutient sans être contredite par la Commission qu’il existe un principe de droit fiscal néerlandais selon lequel le traitement d’une telle demande doit être effectué sous l’empire du droit applicable au moment où cette demande a été introduite.

72      Il convient donc de considérer pour les besoins de la présente procédure que, si le recours était accueilli, la requérante pourrait faire valoir certaines prétentions auprès des autorités néerlandaises s’agissant du bénéfice du régime CFA ou, à tout le moins, faire examiner sa demande auprès de celles-ci, ce qui justifie d’un intérêt à l’action (voir, en ce sens, arrêt Mitteldeutsche Erdöl-Raffinerie/Commission, point 50 supra, points 34 et 38).

73      Il résulte de tout ce qui précède qu’aucun des arguments avancés par la Commission ne permet d’établir que la requérante ne possède aucun intérêt à l’annulation de la décision attaquée. La fin de non-recevoir tirée de l’absence d’un tel intérêt doit donc être rejetée.

 Sur la fin de non-recevoir tirée de l’absence de qualité pour agir

 Arguments des parties

74      La Commission soutient, en premier lieu, que, en l’absence d’intérêt né et actuel à l’annulation de la décision attaquée, la requérante n’est pas directement concernée par cette décision.

75      Elle soutient, en second lieu, que la décision attaquée ne concerne pas individuellement la requérante.

76      À cet égard, elle fait valoir, tout d’abord, qu’il est de jurisprudence constante qu’une entreprise ne saurait, en principe, attaquer une décision de la Commission interdisant un régime d’aides sectoriel si elle n’est concernée par cette décision qu’en raison de son appartenance au secteur en question et de sa qualité de bénéficiaire potentiel dudit régime. En effet, une telle décision se présenterait, à l’égard de l’entreprise requérante, comme une mesure de portée générale qui s’appliquerait à des situations déterminées objectivement et comporterait des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite (arrêt de la Cour du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission, C‑15/98 et C‑105/99, Rec. p. I‑8855, point 33, et ordonnance du Tribunal du 2 juillet 2004, Coldiretti – Federazione regionale della Sardegna et CIA/Commission, T‑9/03, non publiée au Recueil, points 33 à 38. Tel serait plus particulièrement le cas d’une décision qui interdit la prorogation d’un régime fiscal, car elle n’atteindrait la requérante qu’en raison de sa qualité objective de bénéficiaire potentiel du régime concerné, au même titre que tout autre opérateur se trouvant, actuellement ou potentiellement, dans une situation identique, ce qui ne permettrait pas d’établir l’existence d’un lien individuel (arrêt du Tribunal du 11 février 1999, Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen et Hapag-Lloyd/Commission, T‑86/96, Rec. p. II‑179, points 42 à 46).

77      Par ailleurs, il ressortirait de l’arrêt de la Cour du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission (67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, point 15), que les bénéficiaires effectifs d’un régime d’aides ne sont pas individuellement concernés par une décision de la Commission interdisant ce régime, de sorte que la requérante, qui ne serait même pas un bénéficiaire effectif du régime CFA, ne saurait a fortiori être individuellement concernée par la décision attaquée.

78      De surcroît, contrairement aux circonstances de fait de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Italie et Sardegna Lines/Commission, point 76 supra, en l’espèce, les autorités néerlandaises n’auraient jamais accordé le bénéfice du régime d’aides à la requérante et la décision attaquée n’imposerait pas la récupération des aides octroyées en vertu dudit régime, de sorte que la requérante ne saurait utilement s’appuyer sur cet arrêt pour établir que la décision attaquée la concerne individuellement.

79      En outre, la recevabilité du recours dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Mitteldeutsche Erdöl-Raffinerie/Commission, point 50 supra, reposerait sur la circonstance que la situation particulière de la requérante dans cette affaire avait donné lieu à une discussion circonstanciée entre les autorités de l’État membre concerné et la Commission. Or, dans la présente affaire, une telle discussion entre la Commission et les autorités néerlandaises à propos de la requérante n’aurait pas existé. L’arrêt Mitteldeutsche Erdöl-Raffinerie/Commission, point 50 supra, serait donc dépourvu de pertinence en l’espèce.

80      La Commission conteste encore la pertinence de l’arrêt du Tribunal du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission (T‑480/93 et T‑483/93, Rec. p. II‑2305, points 67 à 70), auquel la requérante se réfère pour établir l’existence d’un lien individuel. À ce dernier égard, la Commission fait valoir trois objections.

81      Premièrement, elle soutient que la requérante appartient à un groupe indéterminé d’entreprises, à savoir celles qui ont introduit une demande pour bénéficier du régime CFA mais qui n’ont jamais été admises au bénéfice de ce régime. Selon elle, le fait que la requérante a introduit avant le 11 juillet 2001 une demande d’application du régime CFA ne la caractérise en aucune manière par rapport aux autres opérateurs qui avaient eux aussi introduit une telle demande. Plus particulièrement, la Commission souligne, en substance, que le fait que l’on puisse déterminer le nombre et l’identité des entreprises ayant présenté avant le 11 juillet 2001 une demande CFA sur laquelle il n’avait pas encore été statué à cette date ne change rien à la circonstance que la décision ne concerne ces entreprises qu’en leur qualité objective de bénéficiaires potentiels, dès lors qu’il est de jurisprudence constante que la portée générale d’un acte n’est pas mise en cause par la possibilité de déterminer le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels il s’applique à un moment donné, tant il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en relation avec la finalité de ce dernier (voir arrêt de la Cour du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, Rec. p. 2181, point 13, et la jurisprudence citée).

82      Deuxièmement, elle allègue que, au moment où elle a adopté la décision attaquée, elle ne connaissait pas l’existence des entreprises dont la demande CFA était encore pendante.

83      Troisièmement, elle soutient, en substance, qu’elle n’était nullement tenue de prendre en compte la situation de la requérante. Ainsi, à la différence des circonstances de fait ayant donné lieu à l’arrêt Antillean Rice Mills e.a./Commission, point 80 supra, dans la présente espèce, aucune disposition spécifique n’obligerait la Commission à se renseigner sur les répercussions négatives de sa décision sur certains opérateurs. La seule obligation qui pèserait sur elle – dont elle se serait acquittée en l’espèce – découlerait de l’article 88, paragraphe 2, CE, qui imposerait à cette institution de permettre aux intéressés de présenter leurs observations, opportunité que la requérante n’aurait pas saisie, alors même qu’elle aurait été avertie en temps utile pour le faire.

84      Par ailleurs, la Commission constate que la requérante n’a pas participé à la procédure formelle d’examen, ce qui la prive de la possibilité d’invoquer la jurisprudence selon laquelle la participation active à la phase précontentieuse joue un rôle dans la recevabilité d’un recours en annulation d’une décision relative à un régime d’aides (arrêt Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen et Hapag-Lloyd/Commission, point 76 supra, point 50 ; ordonnance du Tribunal du 27 mai 2004, Deutsche Post et DHL/Commission, T‑358/02, Rec. p. II‑1565, points 34 et 35, et arrêt du Tribunal du 14 avril 2005, Sniace/Commission, T‑88/01, Rec. p. II‑1165, points 56 à 59).

85      La Commission fait encore valoir que l’exigence d’un lien individuel serait privée de tout effet utile si quiconque ayant introduit une demande d’octroi d’une aide au titre d’un régime d’aides était considéré comme individuellement concerné par une décision d’interdiction ultérieure de ce régime.

86      Enfin, en réponse à une question écrite du Tribunal sur l’éventuelle incidence de l’arrêt Forum 187, point 30 supra, sur la recevabilité du recours dans la présente affaire, la Commission soutient, en substance, que cet arrêt ne modifie pas la jurisprudence constante selon laquelle les entreprises qui ne sont que des bénéficiaires potentiels d’un régime d’aides ne sont concernés ni individuellement ni directement par une décision de la Commission déclarant ce régime incompatible avec le marché commun.

87      Selon la Commission, la situation des entreprises considérées comme recevables à agir par la Cour, dans l’arrêt Forum 187, point 30 supra, diffère significativement de celle de la requérante dans la présente affaire. À cet égard, la Commission soutient, tout d’abord, que les entreprises en question dans l’arrêt Forum 187, point 30 supra, étaient des bénéficiaires effectifs du régime institué en Belgique par l’arrêté royal nº 187, du 30 décembre 1982, concernant l’imposition des centres de coordination (ci-après le « régime BCC »). Elle fait valoir, ensuite, que ces bénéficiaires étaient affectés de manière spécifique par rapport à d’autres opérateurs économiques, dès lors que leur situation existante était modifiée par la décision finale de la Commission sur le régime BCC (ci-après la « décision finale BCC »), soit parce que la durée de leur agrément s’en trouvait raccourcie, soit parce qu’ils ne pouvaient plus obtenir de renouvellement d’agrément. Elle soutient, en outre, que les bénéficiaires qui ne pouvaient plus obtenir de renouvellement d’agrément avaient fait valoir leur confiance légitime dans ce renouvellement et elle aurait expressément examiné l’existence d’une telle confiance légitime dans la décision finale BCC. Enfin, elle souligne que, au moment de l’adoption de la décision finale BCC, la Commission était parfaitement informée de l’existence des bénéficiaires du régime en cause.

88      En revanche, s’agissant de la situation de la requérante dans la présente affaire, la Commission soutient, tout d’abord, que la requérante n’a jamais été autorisée à bénéficier du régime CFA. Partant, la décision attaquée, en l’espèce, ne modifierait en aucun cas les droits qu’elle aurait pu tirer de ce régime. Ensuite, la Commission soutient qu’elle ne savait pas, au moment de l’adoption de la décision attaquée, que la requérante avait introduit une demande d’admission au bénéfice du régime CFA, car, d’une part, cette dernière n’aurait pas participé à la procédure et, d’autre part, les autorités néerlandaises n’auraient pas attiré l’attention de la Commission sur l’existence de demandes pendantes.

89      La requérante fait valoir que la question de savoir si elle est individuellement concernée par la décision attaquée doit être appréciée à la lumière de la jurisprudence selon laquelle un particulier peut être individuellement concerné par un acte dont il n’est pas le destinataire si l’auteur de cet acte avait l’obligation spécifique d’adopter l’acte en tenant compte de la situation d’un groupe restreint de personnes auquel ledit particulier appartient (arrêt de la Cour du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C‑152/88, Rec. p. I‑2477, points 11 et 13 ; arrêts du Tribunal du 27 avril 1995, CCE de la Société générale des grandes sources e.a./Commission, T‑96/92, Rec. p. II‑1213, et Antillean Rice Mills e.a./Commission, point 80 supra, points 66 et 67).

90      En l’espèce, elle appartiendrait au groupe fermé des onze contribuables dont la demande CFA, introduite avant le 11 juillet 2001, était toujours pendante au moment de l’adoption de la décision attaquée. La requérante appartiendrait donc, à l’instar de la requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Sofrimport/Commission, point 89 supra (point 11), à un cercle restreint qui ne pourrait plus être étendu après l’adoption de la décision attaquée.

91      S’agissant de l’éventuelle incidence de l’arrêt Forum 187, point 30 supra, la requérante fait valoir que, dans cet arrêt, la Cour a considéré que huit centres de coordination dont la demande de renouvellement d’agrément était pendante au moment de la décision finale BCC faisaient partie d’un cercle fermé dont les membres étaient spécialement affectés par la décision en cause, étant donné que ladite décision ne prévoyait aucun régime transitoire pour ces centres de coordination et que, en conséquence, ils ne pouvaient pas obtenir le renouvellement de leur agrément.

92      Selon la requérante, les considérations qui ont amené la Cour à admettre la recevabilité du recours contre la décision finale BCC, formé par des entreprises dont la demande de renouvellement d’agrément était pendante lors de l’adoption de cette décision, sont également pertinentes pour admettre la recevabilité de son recours dans la présente affaire. À cet égard, elle précise qu’elle fait partie du cercle fermé des entreprises dont la demande CFA était pendante au moment de la notification de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen.

 Appréciation du Tribunal

93      S’agissant, en premier lieu, de la question de savoir si la requérante est directement concernée par la décision attaquée, il suffit de relever qu’il est de jurisprudence constante que, pour concerner directement un requérant particulier, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, l’acte communautaire entrepris doit produire directement des effets sur la situation juridique de l’intéressé et sa mise en œuvre doit revêtir un caractère purement automatique et découler de la seule réglementation communautaire, sans application d’autres règles intermédiaires (arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, Rec. p. I‑2309, point 43, et arrêt du Tribunal du 13 décembre 2000, DSTV/Commission, T‑69/99, Rec. p. II‑4039, point 24).

94      En l’espèce, en vertu de l’article 2 de la décision attaquée, le Royaume des Pays-Bas est tenu, sans que celui-ci dispose de la moindre marge d’appréciation, de ne pas octroyer d’agrément aux contribuables qui, comme la requérante, ne peuvent bénéficier du régime transitoire. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la décision attaquée affecte directement la requérante (voir, en ce sens, arrêt Forum 187, point 30 supra, point 57).

95      S’agissant, en second lieu, de la question de savoir si la requérante est individuellement concernée par la décision attaquée, il convient de relever, tout d’abord, que cette décision porte sur un régime d’aides qui, à l’égard de la requérante, se présente comme une mesure de portée générale qui s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir, en ce sens, arrêt Van der Kooy e.a./Commission, point 77 supra, point 15). C’est donc à l’aune des critères applicables aux actes de portée générale qu’il convient d’examiner les arguments avancés par la requérante pour établir si elle est individuellement concernée par la décision attaquée.

96      Ainsi que l’a récemment rappelé la Cour, lorsque l’acte attaqué affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres de ce groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques (voir arrêt Forum 187, point 30 supra, point 60, et la jurisprudence citée).

97      En l’espèce, il y a lieu de relever que, à l’instar des circonstances mises en exergue par la Cour dans son arrêt Forum 187, point 30 supra, la décision attaquée n’a pas prévu de mesures transitoires en faveur des contribuables dont la demande d’agrément était pendante à la date de notification de la décision attaquée.

98      Il convient également de relever que, à la suite de la décision du secrétaire d’État aux Finances néerlandais du 5 décembre 2002, le régime CFA a été fermé à tout nouveau candidat, de sorte que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, le cercle des quatorze contribuables dont la demande d’agrément CFA était encore pendante, et auquel appartient la requérante, ne pouvait plus être étendu. Ces contribuables font donc partie d’un cercle fermé et non d’un groupe indéterminé d’entreprises, comme le soutient la Commission (point 81 supra).

99      La circonstance que, dans le cas d’espèce, les demandes d’octroi d’agrément CFA des contribuables appartenant à ce cercle fermé portent sur un premier agrément et non sur le renouvellement d’un agrément existant, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Forum 187, point 30 supra, n’est pas de nature à écarter le constat que ces contribuables sont spécialement affectés par la décision attaquée. En effet, à la suite de cette décision, lesdits contribuables ne pourront plus obtenir l’agrément CFA auquel, jusqu’alors, eux seuls pouvaient prétendre.

100    Le fait, pour les membres d’un cercle fermé, d’être spécialement affectés de la sorte par une décision sur un régime d’aides leur confère qualité pour agir à titre individuel à l’encontre d’une telle décision (arrêt Forum 187, point 30 supra, point 63). Il en résulte que la requérante est individuellement concernée par la décision attaquée.

101    Au vu de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments avancés par les parties sur la question de l’affectation individuelle de la requérante, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l’absence de qualité pour agir de la requérante.

 Conclusion générale sur la recevabilité

102    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est recevable.

 Sur le fond

103    À l’appui de son recours, la requérante avance trois moyens, dont le premier s’articule en deux branches, à savoir, premièrement, la violation du principe de protection de la confiance légitime proprement dite et, deuxièmement, l’existence d’une obligation pour la Commission de savoir qu’il existait des demandes d’agrément CFA encore pendantes à la date du 11 juillet 2001. Le deuxième moyen est tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et, le troisième, de celle de l’obligation de motivation.

 Sur le moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

 Arguments des parties

104    La requérante souligne, tout d’abord, que, au considérant 111 de la décision attaquée, la Commission indique, en substance, que les entreprises auxquelles le régime transitoire s’applique pouvaient légitimement s’attendre que le régime CFA ne soit pas une aide incompatible avec le marché commun. Selon ce même considérant, la confiance légitime de ces entreprises découlait de la décision de la Commission du 2 mai 1984 relative au régime BCC, des renvois qui étaient faits à cette décision dans le Quatorzième rapport sur la politique de concurrence et d’une réponse à une question parlementaire.

105    La requérante ajoute, en substance, qu’il résulte des considérants 114 à 118 de la décision attaquée que la Commission admet que la confiance légitime couvre aussi bien les nouvelles réserves que les réserves existantes. Ainsi, s’agissant des réserves existantes, la Commission considérerait, dans la décision attaquée, que les bénéficiaires du régime CFA peuvent invoquer une confiance légitime lors de la constitution de ces réserves, car, même si les avantages de la réserve peuvent être étalés dans le temps, ils auraient été générés par la constitution de la réserve et donc acquis sous le bénéfice de la confiance légitime. Par ailleurs, s’agissant des nouvelles réserves, la Commission soutiendrait, dans la décision attaquée, que celles-ci peuvent être constituées pendant la période transitoire eu égard au contexte dans lequel la décision s’inscrit, caractérisé par des avancées réalisées au niveau communautaire dans le cadre de la lutte contre la concurrence fiscale dommageable.

106    La requérante fait encore valoir que les raisons qui justifient que les entreprises qui répondaient, à la date du 11 juillet 2001, aux conditions d’application du régime CFA pouvaient légitimement s’attendre que ce régime soit compatible avec le marché commun valent tout autant pour les entreprises qui avaient déjà obtenu une décision de l’administration fiscale que pour celles qui n’en avaient pas encore obtenu, mais qui avaient cependant déjà introduit une demande en ce sens.

107    Au vu des caractéristiques du régime CFA replacé dans le contexte général du droit fiscal néerlandais, la sécurité juridique et le principe de protection de la confiance légitime ne permettraient pas, en principe, de retirer à une entreprise le droit de demander le bénéfice du régime CFA au titre d’un exercice fiscal pour lequel l’avis définitif d’imposition n’était pas encore établi. Un tel retrait équivaudrait, en effet, à un accroissement de l’impôt sur les sociétés assorti d’un effet rétroactif.

108    S’agissant de sa position juridique au regard du régime CFA, la requérante expose qu’elle a demandé le 27 décembre 2000 à l’administration fiscale de pouvoir constituer une réserve à compter du 1er janvier 2000. Par ailleurs, à la date du 27 décembre 2000, tout comme à la date du 11 juillet 2001, elle aurait satisfait aux conditions pour pouvoir prétendre à l’agrément CFA. Elle ajoute, dans ses observations sur l’éventuelle incidence de l’arrêt Forum 187, point 30 supra, sur la présente affaire, qu’il n’appartient ni à la Commission ni au Tribunal de se prononcer sur la question de savoir si, sur la base des données factuelles, il était satisfait aux exigences posées par le droit national. Elle fait encore valoir que la présente procédure n’est pertinente que si, et dans la mesure où, sous réserve de l’approbation par le service des impôts néerlandais ou le juge national compétent, sur la base desdites données factuelles, les exigences du droit néerlandais étaient respectées.

109    La requérante en conclut que son exclusion du régime transitoire prévu à l’article 2 de la décision attaquée méconnaîtrait les aspects de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime de la législation fiscale néerlandaise.

110    En réponse à la question du Tribunal sur l’incidence éventuelle de l’arrêt Forum 187, point 30 supra, sur le fond de la présente affaire, la requérante expose, en premier lieu que, dans cet arrêt, la Cour a jugé que la Commission avait violé le principe de protection de la confiance légitime en prévoyant un régime transitoire pour les seuls centres de coordination belges dont l’agrément avait déjà été renouvelé à la date de la notification de la décision finale BCC, à l’exclusion de ceux dont la demande était encore pendante à cette même date.

111    Elle fait valoir, en deuxième lieu, qu’il ressort de l’arrêt Forum 187, point 30 supra, que la confiance légitime des centres de coordination belges dont la demande était encore pendante résulte des décisions sur le régime des centres de coordination belges adoptées par la Commission en 1984 et en 1987 ainsi que de la réponse de la Commission à une question parlementaire selon lesquelles le régime BCC ne constituait pas un régime d’aides. Ce seraient ces mêmes éléments que la Commission aurait retenus dans la décision finale BCC ainsi que dans la décision attaquée pour constater l’existence d’une confiance légitime de certaines entreprises dans le fait que ni le régime BCC ni le régime CFA ne constituaient des aides au sens de l’article 87 CE.

112    La requérante ajoute que la Cour a jugé, au point 161 de l’arrêt Forum 187, point 30 supra, que, nonobstant les développements récents susceptibles d’ébranler leur confiance dans la compatibilité du régime BCC avec le traité, les centres de coordinations belges pouvaient, en tout état de cause, s’attendre qu’une décision de la Commission revenant sur son appréciation antérieure leur accorde le temps nécessaire pour prendre effectivement en compte ce changement d’appréciation. Rien ne justifierait qu’il n’en soit pas de même pour les entreprises concernées par le régime CFA.

113    Enfin, la requérante soutient, en substance, que la circonstance que, dans le cas d’espèce, il s’agit d’une demande initiale d’agrément et non d’une demande de renouvellement d’un agrément comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Forum 187 ne remet pas en cause la pertinence de la solution retenue dans l’arrêt Forum 187, point 30 supra, s’agissant de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

114    La Commission fait valoir que, même si elle avait pu tenir compte de l’existence d’un groupe d’entreprises qui avaient introduit avant le 11 juillet 2001 une demande d’admission au bénéfice du régime CFA, sur laquelle, à cette date, l’autorité compétente ne s’était pas encore prononcée, ce qu’elle conteste à titre principal, la décision ne violerait pas le principe de protection de la confiance légitime.

115    À cet égard, la Commission soutient, premièrement, que le régime transitoire a pour but de protéger la confiance légitime et de respecter les droits acquis des bénéficiaires du régime CFA.. Partant, ce ne serait que dans la mesure où la requérante était bénéficiaire du régime en cause que la Commission aurait été tenue, lors de l’appréciation de ce régime, de prendre en compte des intérêts de la requérante.

116    Or, selon elle, les entreprises qui, à la date du 11 juillet 2001, ne disposaient pas de l’agrément CFA n’étaient pas bénéficiaires de ce régime d’aides. En effet, à cette date, elles n’auraient encore reçu aucune aide et n’auraient pas pu non plus juridiquement prétendre à son octroi dès lors qu’elles n’étaient pas en possession de l’agrément CFA. Au soutien de cette allégation, elle expose qu’il ressort de l’arrêt du Tribunal du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission (T‑109/01, Rec. p. II‑127, points 73 à 77), qu’une entreprise ne devient bénéficiaire d’un régime d’aides qu’à la suite d’un acte juridiquement contraignant par lequel l’autorité nationale compétente s’engage à accorder l’aide en cause. Il n’en irait autrement que si la possibilité de bénéficier de l’aide ne dépendait pas d’une décision de l’autorité nationale mais découlait directement du régime d’aides lui-même. Tel ne serait pas le cas en l’espèce, puisque la décision du service des impôts d’octroyer l’agrément CFA serait une condition essentielle aux fins de l’attribution d’une aide sur la base du régime CFA.

117    Par ailleurs, le prétendu effet rétroactif d’une décision portant admission au bénéfice du régime CFA ne présenterait pas d’intérêt en l’espèce, dès lors que ce ne serait qu’après la réception de l’agrément CFA que la requérante pourrait déduire les dotations affectées à la réserve pour risques de son revenu imposable. L’aide ne serait donc reçue qu’après l’admission au bénéfice du régime CFA.

118    La Commission soutient, deuxièmement, qu’il résulte de la jurisprudence que l’ouverture d’une procédure formelle d’examen en rapport avec une mesure déjà en cours d’exécution et qualifiée de nouvelle aide modifie nécessairement la situation juridique de la mesure en question. Ainsi, il aurait déjà été jugé que, jusqu’à l’adoption d’une telle décision, l’État membre concerné, les entreprises bénéficiaires et les autres opérateurs pouvaient avoir l’impression que la mesure était mise à exécution de manière régulière, en tant qu’aide existante, alors que, après l’adoption de la décision, il existerait pour le moins de sérieux doutes quant à la légalité de ladite mesure (arrêt de la Cour du 9 octobre 2001, Italie/Commission, C‑400/99, Rec. p. I‑7303, point 59 ; arrêts du Tribunal du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, Rec. p. II‑2309, point 80, et du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Guipúzcoa e.a./Commission, T‑269/99, T‑271/99 et T‑272/99, Rec. p. II‑4217, point 38).

119    Or, en l’espèce, la Commission aurait qualifié le régime CFA d’aide nouvelle non notifiée de sorte que, à la suite de l’ouverture de la procédure formelle d’examen, le 11 juillet 2001, il ne pourrait plus exister aucune confiance légitime quant à la régularité du régime CFA. Ce serait pour cette raison que la décision attaquée n’accorderait une période de transition qu’aux entreprises qui étaient déjà bénéficiaires du régime CFA avant cette date.

120    La Commission soutient, troisièmement, que la situation de la requérante dans la présente affaire n’aurait pas été différente si la décision avait octroyé une période de transition à toutes les entreprises qui, à la date de la décision finale, possédaient l’agrément CFA, puisque, à cette date, la requérante ne possédait toujours pas ledit agrément.

121    Enfin, en réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission fait valoir, en substance, que l’arrêt Forum 187, point 30 supra, porte sur une situation différente de celle de la requérante dans la présente affaire.

122    Tout d’abord, la Cour aurait conclu que la Commission avait fait naître une certaine confiance sur la base de deux séries d’éléments. D’une part, la Cour aurait tenu compte des prises de position de la Commission dans lesquelles elle déclarait que le régime BCC ne contenait aucun élément d’aide. De telles circonstances feraient défaut dans la présente espèce, de sorte qu’il ne saurait être question d’assurances précises concernant le régime CFA aptes à créer une confiance chez la requérante que ce régime était compatible avec le marché commun. D’autre part, la Cour se serait fondée sur le fait que, sous le régime BCC, le renouvellement des agréments pouvait être obtenu sans difficultés. La présente espèce serait différente, puisqu’elle ne concernerait pas une réserve déjà créée et que le système d’agrément néerlandais imposerait des conditions strictes pour bénéficier du régime CFA.

123    Ensuite, la Cour aurait conclu que la confiance suscitée par la Commission était légitime aux termes d’une analyse qui ne serait pas pertinente dans la présente espèce. En effet, la Cour conclurait à la nécessité d’une période transitoire pour certains centres de coordination au vu, d’une part, de la circonstance que les centres de coordination agréés disposaient d’un agrément valable pendant dix ans et, d’autre part, que, en raison de l’appréciation antérieure de la Commission sur le régime BCC, les centres de coordination belges pouvaient s’attendre qu’elle leur accorde le temps nécessaire pour prendre effectivement en compte ce changement d’appréciation. Selon la Commission, en l’espèce, aucune de ces circonstances ne se rencontrerait en l’espèce pour la simple raison que la requérante n’a jamais obtenu d’agrément et qu’elle n’a donc besoin d’aucune période transitoire. De plus, la requérante ne prouverait ni même n’alléguerait qu’elle avait procédé à des investissements importants ou qu’elle avait pris des engagements à long terme. Il ne serait donc pas nécessaire de lui accorder un délai de transition.

124    De plus, l’arrêt Forum 187, point 30 supra, porterait sur une aide existante à l’encontre de laquelle la Commission n’avait précédemment formulé aucune objection. Dans ce cas, l’octroi d’une période transitoire à certains bénéficiaires pourrait se justifier. En revanche, la présente espèce porterait sur une aide nouvelle et il résulterait de la jurisprudence que l’adoption d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen par la Commission devrait faire naître dans l’esprit des entreprises bénéficiaires et des autres opérateurs économiques à tout le moins un doute important sur la légalité de cette mesure, qui devrait conduire l’État membre à en suspendre le versement (arrêt Italie/Commission, point 118 supra, point 59). Dès lors, après la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, et a fortiori au moment de l’adoption de la décision attaquée, la requérante ne pourrait plus avoir nourri une confiance légitime imposant à la Commission de prévoir des mesures transitoires en faveur d’entreprises qui ne détenaient pas encore l’agrément CFA – valable, en principe, pendant dix ans – leur permettant de bénéficier du régime CFA.

 Appréciation du Tribunal

125     Il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence bien établie, le principe de protection de la confiance légitime vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du seul droit communautaire (voir arrêt de la Cour du 18 mai 2000, Rombi et Arkopharma, C‑107/97, Rec. p. I‑3367, point 66, et la jurisprudence citée). Le principe en cause est donc indifférent aux situations juridiques qui relèvent exclusivement du droit national. Partant, la circonstance que la requérante n’a jamais été autorisée par les autorités néerlandaises à bénéficier du régime CFA, telle que relevée par la Commission (point 88 supra), est sans pertinence pour apprécier l’existence d’une confiance légitime de la requérante dans la compatibilité du régime CFA avec le droit communautaire.

126     Il s’ensuit que la question de savoir si la requérante est ou non bénéficiaire du régime CFA ou celle de savoir si elle remplit les conditions pour bénéficier de ce régime est dépourvue de pertinence pour apprécier si elle est en droit de se prévaloir du principe en cause. Dans ces conditions, il n’apparaît pas nécessaire d’examiner les arguments des parties relatifs à la définition de la notion de bénéficiaire du régime CFA.

127    Le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend, comme la Cour l’a récemment rappelé, à tout justiciable chez qui une institution communautaire a fait naître des espérances fondées sur la base d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies. Toutefois, le caractère légitime de cette confiance commande qu’un opérateur économique prudent et avisé puisse raisonnablement se fier au maintien de la situation résultant de l’acte ou du comportement de l’institution en cause. Par ailleurs, un intérêt public péremptoire peut s’opposer à la protection que confère le principe en cause (voir arrêt Forum 187, point 30 supra, points 147 et 148, et la jurisprudence citée). C’est donc à l’aune de ces trois critères qu’il convient d’examiner si la requérante est fondée à invoquer le bénéfice du principe de protection de la confiance légitime.

128    S’agissant, en premier lieu, de l’existence d’une confiance, la Commission conteste que celle dont la requérante se prévaut puisse reposer sur des assurances précises que le régime CFA était compatible avec le marché commun, dès lors que, à l’inverse de son comportement à l’égard du régime BCC, la Commission n’aurait jamais adopté de décision sur la compatibilité du régime CFA avec ledit marché.

129    Cette prise de position est diamétralement opposée à celle qui figure explicitement aux considérants 111 et 112 de la décision attaquée, dont il résulte que les prises de position répétées de la Commission sur le régime BCC, analogue au régime CFA, attestent l’existence d’une confiance légitime en ce que ledit régime est conforme au droit communautaire.

130    Interrogée à l’audience sur cette apparente contradiction, la Commission n’a pas avancé la moindre raison pour laquelle il y aurait désormais lieu de considérer que les considérants 111 et 112 de la décision attaquée sont erronés et que, par voie de conséquence, la deuxième phrase de l’article 2 du dispositif de la décision attaquée prévoyant un régime transitoire serait privée de soutien. De même la Commission n’a pas indiqué qu’elle entendait retirer sa décision en ce qui concernait les considérants 111 et 112 et la deuxième phrase de l’article 2 du dispositif de la décision attaquée.

131    Dans ces circonstances, en vertu du principe selon lequel les actes des institutions communautaires jouissent d’une présomption de légalité aussi longtemps qu’ils n’ont pas été retirés ou annulés (arrêt de la Cour du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, Rec. p. I‑2555, point 48), il convient de considérer que, pour les raisons avancées aux considérants 111 et 112 de la décision attaquée dont ni la requérante ni la Commission ne contestent la validité, le comportement de la Commission à l’égard du régime BCC a créé une confiance dans le fait que le régime CFA ne constituait pas une aide prohibée.

132    S’agissant, en deuxième lieu, du caractère légitime de cette confiance et notamment de l’argumentation de la Commission concernant les conséquences de l’ouverture de la procédure formelle d’examen à cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que, malgré les effets autonomes définitifs d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen à l’égard d’une mesure considérée comme une aide nouvelle, il n’en demeure pas moins que la qualification de la mesure d’aide n’est que provisoire. En effet, il résulte de l’article 13 du règlement nº 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), qu’une procédure formelle d’examen à l’égard d’une mesure mise à exécution est close par voie de décision au titre de l’article 7 de ce même règlement. Or, parmi les décisions que la Commission peut adopter en vertu de l’article 7 du règlement n° 659/1999 figure, notamment, celle par laquelle cette institution constate que la mesure ne constitue pas une aide (voir, par analogie, ordonnance du Tribunal du 2 juin 2003, Forum 187/Commission, T‑276/02, Rec. p. II‑2075, point 44).

133    Certes l’ouverture de la procédure formelle d’examen indique que la Commission éprouve de sérieux doutes sur la compatibilité du régime en cause, à supposer qu’il contienne des aides, avec les règles du traité sur les aides d’État. Toutefois, ces doutes sérieux n’emportent aucune qualification définitive dudit régime. En effet, sauf à priver la procédure formelle d’examen de toute utilité, la décision d’ouverture d’une telle procédure ne saurait être considérée comme indiquant la position que la Commission entend retenir quant à la qualification de la mesure en cause dans sa décision finale.

134    Il en va d’autant moins ainsi que, au vu des circonstances particulières de la présente espèce, telles qu’elles sont exposées dans la décision attaquée (voir point 18 ci-dessus) et ainsi que le relève la requérante, la Commission a invité les autorités néerlandaises à communiquer une copie de la notification de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen aux bénéficiaires potentiels de l’aide en vue de recueillir les observations des parties concernées sur une éventuelle confiance légitime qui s’opposerait à la récupération des sommes versées dans l’hypothèse ou celles-ci seraient des aides incompatibles avec le marché commun.

135    Par conséquent, indépendamment du caractère définitif des effets juridiques autonomes qu’engendre l’ouverture de la procédure formelle d’examen à l’égard du régime CFA, cette ouverture ne saurait être censée préjuger, en l’espèce, la qualification retenue par la Commission à l’égard de ce régime dans sa décision finale. Partant, sur la seule base de la décision du 11 juillet 2001, un opérateur prudent et avisé n’était pas en mesure de prévoir l’adoption de la décision attaquée. La décision du 11 juillet 2001 ne saurait donc, en tant que telle, s’opposer à ce que la requérante invoque le bénéfice du principe de protection de sa confiance légitime.

136    Cependant, il convient de relever que, à supposer même que la décision du 11 juillet 2001 ait été susceptible d’ébranler la confiance de la requérante dans la compatibilité du régime CFA avec les règles du traité, la requérante pouvait, en tout état de cause, s’attendre que la décision attaquée, revenant sur l’appréciation que la Commission avait antérieurement portée sur le régime BCC, lui laisse le temps nécessaire de prendre effectivement en compte ce changement d’appréciation (arrêt Forum 187, point 30 supra, point 161).

137    À cet égard, il convient de relever que le délai qui s’est écoulé entre la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle, soit le 31 octobre 2001, et la décision attaquée du 17 février 2003 a été insuffisant pour permettre à la requérante de prendre en considération l’incidence d’une décision éventuelle mettant fin au régime en cause. En effet, la circonstance non contestée que la requérante a pris les dispositions qu’elle estime nécessaires pour se conformer aux conditions légales du régime CFA (voir point 51 supra), implique la mise en place de mesures comptables et de décisions financières et économiques qui ne peuvent être modifiées dans un délai de moins de quinze mois.

138    Dès lors, la requérante était fondée à placer une confiance légitime dans l’octroi d’une période transitoire raisonnable pour pouvoir s’adapter aux conséquences découlant de la décision attaquée (arrêt Forum 187, point 30 supra, point 163).

139    S’agissant, en troisième lieu, de la mise en balance de l’intérêt de la requérante fondé sur une confiance légitime, d’une part, et d’un éventuel intérêt communautaire d’ordre public, d’autre part, il suffit de relever que, dans la décision attaquée, la Commission admet que les bénéficiaires effectifs du régime CFA peuvent invoquer la protection de la confiance légitime pour obtenir un régime transitoire leur permettant de continuer à bénéficier du régime CFA jusqu’en 2010, tant en utilisant les réserves existantes qu’en en constituant de nouvelles. Dans ces circonstances, il convient de considérer qu’aucun intérêt communautaire péremptoire ne s’oppose à ce que la requérante invoque utilement le principe de protection de la confiance légitime reconnu par le droit communautaire (voir, en ce sens, arrêt Forum 187, point 30 supra, point 165).

140    Il convient donc d’accueillir le moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

141    En ce qui concerne la seconde branche du présent moyen, tirée de ce que la Commission serait obligée de savoir qu’il existait des demandes d’agrément CFA encore pendantes à la date du 11 juillet 2001, il suffit de constater que celle-ci est dénuée de pertinence. En effet, la question de savoir si l’institution communautaire en cause était effectivement au courant de la situation de l’opérateur qui entend invoquer la protection de la confiance légitime est étrangère aux conditions dans lesquelles ledit principe trouve à s’appliquer.

142    En outre, eu égard à la fonction du principe de protection de la confiance légitime, qui, comme cela résulte de la jurisprudence, vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire (arrêt de la Cour du 15 février 1996, Duff e.a. C‑63/93, Rec. p. I‑569, point 20), l’applicabilité de ce principe ne saurait dépendre de la question de savoir si l’institution qui est revenue sur son appréciation antérieure est concrètement informée de toutes les situations et relations juridiques dont la prévisibilité est affectée par son changement d’attitude.

143    Partant, sans qu’il soit besoin d’examiner plus avant les arguments des parties, il convient d’écarter la question de la connaissance effective, par la Commission, de la situation concrète de la requérante à la date du 11 juillet 2001 comme étant sans incidence sur l’appréciation du présent moyen.

 Sur le moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

 Arguments des parties

144    La requérante fait valoir, en substance, que la décision attaquée enfreint le principe d’égalité de traitement dans la mesure où l’article 2 de cette décision traite différemment les entreprises selon que, à la date du 11 juillet 2001, leur demande d’agrément CFA avait ou non déjà fait l’objet d’une décision. Or, la situation des entreprises appartenant au groupe restreint de celles qui répondaient, le 11 juillet 2001, aux conditions d’application du régime CFA mais dont les demandes d’agrément CFA étaient pendantes ne différerait sous aucun aspect pertinent, s’agissant de la confiance légitime, de celle des entreprises appartenant au groupe restreint des entreprises qui répondaient également à ces conditions à la date du 11 juillet 2001 mais auxquelles l’administration avait déjà accordé l’agrément CFA. Ainsi, les considérations sur lesquelles, dans la décision attaquée, la Commission fonde la nécessité d’un régime transitoire vaudraient tout autant pour les entreprises dont les demandes d’admission au régime CFA étaient encore pendantes à la date du 11 juillet 2001 que pour celles qui, à cette même date, avaient déjà obtenu une décision favorable de l’administration fiscale.

145    En traitant différemment les entreprises qui avaient déposé avant le 11 juillet 2001 une demande d’application du régime CFA sur laquelle il n’avait pas encore été statué – ou les entreprises qui avaient encore le 11 juillet 2001 des exercices fiscaux « en cours » pour lesquels la législation interne permettait encore d’obtenir le bénéfice du régime CFA – et les entreprises qui avaient déjà été admises au régime CFA le 11 juillet 2001, la Commission violerait le principe d’égalité de traitement. Cette inégalité de traitement impliquerait que la première catégorie serait totalement privée du bénéfice du principe de sécurité juridique et du principe de confiance légitime, alors que la seconde catégorie serait pleinement protégée par ces mêmes principes. De surcroît, la Commission ne donnerait aucune justification à cette inégalité de traitement et il n’y aurait pas la moindre justification objective à donner au vu des règles communautaires et nationales en cause.

146    Plus particulièrement, compte tenu de l’économie de la législation fiscale interne de base et de la pratique décisionnelle de la Commission, reflétée dans la décision 2001/168/CECA de la Commission, du 31 octobre 2000, relative aux lois espagnoles sur l’impôt sur les sociétés (JO 2001, L 60, p. 57), dont il ressortirait que la confiance légitime dans la compatibilité d’une mesure étatique subsiste jusqu’au moment ou la Commission clôt la procédure formelle d’examen, il n’y aurait pas de justification à ce que les entreprises comme la requérante soient privées du bénéfice des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, accordé aux entreprises en possession de l’agrément CFA.

147    La Commission soutient que la décision attaquée ne viole pas le principe d’égalité de traitement, car la situation des entreprises qui avaient obtenu, à la date du 11 juillet 2001, l’agrément CFA serait différente de celle des entreprises qui, à cette date, avaient seulement introduit une demande d’agrément CFA. Le premier groupe aurait le droit de participer au régime CFA, ce qui ne serait pas le cas du second groupe. Elle ne serait donc pas tenue de traiter de manière identique ces deux groupes différents.

148    Elle ajoute que, dans l’arrêt Forum 187, point 30 supra, la Cour a tout d’abord rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle le principe général d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée. Elle aurait, ensuite, constaté que les centres de coordination belges dont l’agrément avait expiré concomitamment à la notification de la décision attaquée en cause dans l’affaire Forum 187 ou peu de temps après celle-ci ont fait l’objet de la part de la Commission d’un traitement inégal par rapport aux centres de coordination dont l’agrément avait été renouvelé pour la dernière fois en 2001 et en 2002. Ainsi, l’échéance du bénéfice du régime BCC interviendrait le 31 décembre 2010 pour les seconds, tandis qu’aucune période transitoire ne serait prévue pour les premiers. Selon la Commission, il en irait différemment dans la présente espèce, puisque la requérante, qui n’a jamais obtenu l’agrément CFA, ne serait pas dans une situation comparable à celle d’une entreprise disposant d’un tel agrément et dont la période de bénéfice du régime CFA a été écourtée. La situation de la requérante ne serait donc pas comparable à celle d’une entreprise disposant déjà de l’agrément CFA et dont la période de bénéfice du régime CFA a été écourtée.

 Appréciation du Tribunal

149    Compte tenu des conclusions formulées aux points 138 à 140 ci-dessus, la décision attaquée conduit à traiter différemment des contribuables qui pouvaient, tous, placer une confiance légitime dans l’octroi d’une période transitoire raisonnable.

150    Il s’ensuit que, en ne prévoyant pas de mesures transitoires en ce qui concerne les contribuables dont la demande était toujours pendante au moment de la notification de la décision attaquée, la Commission a violé le principe général d’égalité de traitement.

 Conclusion générale sur le fond

151    Il résulte de ce qui précède, plus particulièrement des conclusions intermédiaires tirées aux points 140 et 150 ci-dessus, qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle exclut du régime transitoire qu’elle prévoit les opérateurs qui, à la date du 11 juillet 2001, avaient introduit auprès de l’administration fiscale néerlandaise une demande d’application du régime d’aides en cause sur laquelle il n’avait pas encore été statué.

152    Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation.

 Sur les dépens

153    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’article 2 de la décision 2003/515/CE de la Commission, du 17 février 2003, concernant le régime d’aides mis à exécution par les Pays-Bas pour les activités de financement internationales, est annulé en ce qu’il exclut du régime transitoire qu’il prévoit les opérateurs qui, à la date du 11 juillet 2001, avaient introduit auprès de l’administration fiscale néerlandaise une demande d’application du régime d’aides en cause sur laquelle il n’avait pas encore été statué à cette même date.

2)      La Commission supportera l’ensemble des dépens.

Pirrung

Meij

Pelikánová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 septembre 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. Pirrung

Table des matières



* Langue de procédure : le néerlandais.