Language of document : ECLI:EU:T:2007:264

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

12 septembre 2007 (*)

« Marque communautaire − Demande de marque communautaire figurative La Española − Opposition du titulaire des marques nationales figuratives et communautaires Carbonell − Rejet de l’opposition − Éléments dominants − Similitude − Risque de confusion − Pouvoir de réformation »

Dans l’affaire T‑363/04,

Koipe Corporación, SL, établie à San Sebastián (Espagne), représentée par MM. Fernández de Béthencourt, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme J. García Murillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Aceites del Sur, SA, établie à Séville (Espagne), représentée par MC. L. Fernández-Palacios et R. Jiménez Díaz, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 11 mai 2004 (affaire R 1109/2000-4), relative à une procédure d’opposition entre Koipe Corporación, SL et Aceites del Sur, SA,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et V. Ciucă, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 mars 2007,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1) dispose :

« 1. Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement :

[...]

b)      lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire [sur] lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. »

2        L’article 8, paragraphe 2, de ce même règlement prévoit :

« Aux fins du paragraphe 1, on entend par ‘marques antérieures’ :

a)       les marques dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire, compte tenu, le cas échéant, du droit de priorité invoqué à l’appui de ces marques, et qui appartiennent aux catégories suivantes :

i)       les marques communautaires ;

ii)       les marques enregistrées dans un État membre ou, pour ce qui concerne la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, auprès du Bureau Benelux des marques […] »

3        L’article 8, paragraphe 5, de ce même règlement indique :

« Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, elle jouit d’une renommée dans la Communauté et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice. »

4        L’article 55, paragraphe 3, dudit règlement indique :

« La demande en déchéance ou en nullité est irrecevable si une demande ayant le même objet et la même cause a été tranchée entre les mêmes parties par une juridiction d’un État membre et que cette décision a acquis l’autorité de la chose jugée. »

  Antécédents du litige

5        Le 23 avril 1996, Aceites del Sur, SA a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement n° 40/94.

6        La marque dont l’enregistrement a été demandé (ci-après la « marque demandée » ou la « marque La Española ») est le signe figuratif représenté ci-dessous :

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7        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci-après l’« arrangement de Nice ») et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes en conserve, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes, œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés de café ; farines et préparations faites de céréales, pains, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde ; sauces (condiments) ; épices, glaces à rafraîchir ».

8        Le 23 novembre 1998, la demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires nº 89/98.

9        Le 19 février 1999, La Española Alimentaria Alcoyana, SA, a formé une opposition à l’enregistrement de la marque demandée (ci-après la « première opposition » ou la « première procédure d’opposition »). La première opposition visait tous les produits désignés dans la demande de marque communautaire.

10      Le motif invoqué à l’appui de cette opposition était le risque de confusion visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, entre la marque demandée et une marque figurative antérieure appartenant à La Española Alimentaria Alcoyana, composée d’un élément figuratif ainsi que de l’élément verbal « la española » et protégée par l’enregistrement communautaire nº 15909, et l’enregistrement espagnol nº 1816147. La marque communautaire nº 15909 a été enregistrée pour certains produits relevant de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice, au nombre desquels ne figuraient pas les huiles et les graisses comestibles. La marque communautaire nº 15909 a été aussi enregistrée, tout comme la marque espagnole nº 1816147, pour plusieurs produits relevant de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice.

11      Le 23 février 1999, l’entreprise Aceites Carbonell, devenue Koipe Corporation, SL, a formé une opposition à l’enregistrement de la marque demandée dirigée contre l’ensemble des produits désignés dans celle-ci. Le motif invoqué à l’appui de cette opposition était le risque de confusion visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), à l’article 8, paragraphe 2, sous c), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, entre la marque demandée et la marque figurative antérieure de la requérante, Carbonell (ci-après la « marque antérieure » ou la « marque Carbonell »), représentée ci-après :

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12      Comme preuves de l’existence de la marque antérieure, la requérante a invoqué les enregistrements espagnols nos 994364, 1238745, 1698613, 28270, 252783, 994365, l’enregistrement communautaire n° 338681, les enregistrements internationaux nos 244428 et 528639, ainsi que des enregistrements nationaux irlandais, danois, suédois et au Royaume-Uni. Après avoir examiné les pièces produites destinées à prouver l’existence et la validité des droits invoqués, la division d’opposition de l’OHMI a estimé que la requérante n’était parvenue à démontrer l’existence que des quatre enregistrements suivants :

–        enregistrement espagnol n° 994364, du 20 octobre 1982, pour de l’« huile pure d’olive », relevant de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice ;

–        enregistrement espagnol n° 1238745, du 20 juin 1988, pour de l’« huile d’olive », relevant de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice ;

–        enregistrement espagnol n° 1698613, du 5 janvier 1994, pour de l’« huile d’olive », relevant de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice ;

–        enregistrement communautaire n° 338681, du 24 janvier 2000, pour de l’« huile d’olive », relevant de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice.

13      L’intervenante a, ultérieurement, par lettre du 29 septembre 1999 adressée à l’OHMI, restreint la liste des produits pour lesquels l’enregistrement était demandé aux produits suivants :

–        classe 29 : « huiles et graisses comestibles » ;

–        classe 30 : « sauce mayonnaise et vinaigre ».

14      La marque demandée a fait l’objet d’un refus d’enregistrement, dans le cadre de la première procédure d’opposition, pour les produits relevant de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice, en vertu de la décision de la division d’opposition n° 259/2000, du 22 février 2000. Dans cette décision, la division d’opposition a, néanmoins, rejeté l’opposition de La Española Alimentaria Alcoyana en ce qui concernait les produits relevant de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice. Cette décision a été confirmée par la quatrième chambre de recours de l’OHMI dans la décision R 326/2000-4, du 17 février de 2003. De ce fait, la demande de marque communautaire de l’intervenante se rapporte uniquement aux produits relevant de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice.

15      L’opposition du 23 février 1999 a été rejetée par la division d’opposition de l’OHMI dans la décision nº 2084/2000, du 21 septembre 2000, au motif que les signes en cause produisaient une impression visuelle globalement différente, étaient totalement dépourvus d’éléments similaires sur le plan phonétique et que le lien conceptuel lié à la nature et à l’origine agricole des produits était faible, ce qui excluait tout risque de confusion entre les marques en conflit.

16      Le 19 janvier 2001, la requérante a introduit un recours devant l’OHMI contre la décision de la division d’opposition. Le 11 mai 2004, la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours en adoptant la décision R 1109/2000-4 (ci-après la « décision attaquée »). Elle a confirmé que l’impression visuelle produite par ces signes était globalement différente. Elle a, en effet, observé que les éléments figuratifs, composés essentiellement par l’image d’une personne assise dans une oliveraie, ne possédaient qu’un caractère distinctif faible pour de l’huile d’olive, ce qui avait pour conséquence de donner aux éléments verbaux « la española » et « carbonell » une importance primordiale. S’agissant de la comparaison des signes sur le plan phonétique et conceptuel, elle a constaté que la requérante n’avait pas démenti l’absence totale de coïncidence des éléments verbaux, ni la faiblesse du lien conceptuel entre les signes en conflit. Enfin, elle a reconnu que la division d’opposition aurait dû se prononcer sur la notoriété des marques antérieures. Elle a estimé, cependant, que cette appréciation ainsi que l’examen de la documentation produite devant la chambre de recours pour démontrer ladite notoriété n’étaient pas strictement nécessaires, puisque l’une des conditions préalables pour l’appréciation d’un risque de confusion avec une marque renommée ou notoire, à savoir l’existence d’une similitude entre les signes, n’était pas remplie.

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête reçue au greffe du Tribunal le 31 août 2004, la requérante a introduit le présent recours.

18      Par lettre du 8 novembre 2004, adressée au Tribunal, la requérante a demandé à verser au dossier une attestation de la chambre de commerce d’Espagne en Belgique et au Luxembourg concernant le caractère notoire de la marque Carbonell. Cette attestation avait été envoyée à la requérante après la présentation du recours, même si elle l’avait demandée avant cette date. Le Tribunal a fait droit à cette demande par décision du 17 novembre 2004.

19      Le 1er mars 2005, l’OHMI a déposé son mémoire en réponse. Le 17 janvier 2005, l’intervenante a déposé son mémoire en intervention. Par lettre déposée le 10 mai 2005, la requérante a demandé l’autorisation de déposer un mémoire en réplique, ce qui lui a été refusé par le Tribunal par décision du 23 mai 2005.

20      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

21      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 14 mars 2007.

22      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        déclarer la nullité de la marque demandée ou, le cas échéant, ordonner le rejet de la demande de marque communautaire ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens de la présente procédure et aux frais exposés au titre de la procédure engagée devant la quatrième chambre de recours.

23      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

24      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours et confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

25      Lors de l’audience, l’intervenante a renoncé à sa demande de faire comparaître son représentant personnel, ainsi qu’à son exception d’irrecevabilité concernant la qualité d’avocat du représentant de la requérante.

 Sur la recevabilité

 Sur la recevabilité de la demande tendant à ce que le Tribunal déclare la nullité de la marque demandée ou, le cas échéant, ordonne son rejet

 Arguments des parties

26      L’OHMI estime que le deuxième chef de conclusions de la requérante tendant à demander au Tribunal de déclarer la nullité de la marque La Española ou, le cas échéant, d’ordonner le rejet de la demande de marque communautaire est irrecevable, puisqu’il n’appartient pas au Tribunal d’adresser à l’OHMI une injonction et qu’il incombe à ce dernier de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Institut fur Lernsysteme/OHMI – Educational Services (ELS), T‑388/00, Rec. p. II‑4301, point 19].

 Appréciation du Tribunal

27      Le deuxième chef de conclusions de la requérante se divise en deux parties. Dans la première partie, la requérante demande que soit déclarée nulle la marque La Española. Dans la seconde partie, elle demande que soit ordonné le rejet de l’enregistrement de ladite marque.

28      En ce qui concerne la demande de nullité de la marque La Española, il convient de rappeler que l’article 62, paragraphe 3, du règlement nº 40/94 prévoit que les décisions des chambres de recours ne prennent effet, si un recours devant le juge communautaire a été introduit, qu’à compter du rejet de celui-ci. Partant, comme l’OHMI l’indique à juste titre, la marque demandée n’a pas encore été enregistrée et ne peut être annulée. Dès lors, la première partie du deuxième chef de conclusions de la requérante est sans objet.

29      En ce qui concerne la seconde partie dudit chef de conclusions, la requérante demande, en substance, au Tribunal d’adopter la décision que, selon elle, l’OHMI aurait dû prendre, à savoir une décision constatant que les conditions d’opposition sont remplies, de sorte que l’OHMI l’exécuterait en refusant l’enregistrement de la marque demandée.

30      Partant, la requérante demande la réformation de la décision attaquée, tel qu’elle est prévue à l’article 63, paragraphe 3, du règlement nº 40/94. En effet, cette demande ne consiste pas à solliciter du Tribunal qu’il condamne l’OHMI à une quelconque obligation de faire ou de ne pas faire, ce qui constituerait une injonction adressée à ce dernier. Elle vise, au contraire, à ce que le Tribunal décide, au même titre que la chambre de recours, si la marque demandée peut être enregistrée au regard de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Une telle décision figure parmi les mesures qui peuvent être prises par le Tribunal au titre de son pouvoir de réformation [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, Rec. p. II‑2787, point 19 ; et du 4 octobre 2006, Freixenet/OHMI (Forme d’une bouteille émerisée blanche), T‑190/04, non publié au Recueil, point 17].

31      Il s’ensuit que la seconde partie du deuxième chef de conclusions de la requérante est recevable.

 Sur l’étendue du mandat du représentant de la requérante

 Argument des parties

32      L’intervenante fait observer que le mandat conféré à l’avocat de la requérante ne lui permet pas de représenter cette dernière devant le Tribunal. Selon l’intervenante, la procuration notariée déposée par la requérante en faveur de M. J. Munguía Arsuaga, habilite ce dernier à représenter la requérante devant les juridictions espagnoles, et non devant la juridiction communautaire. Partant, le mandat conféré à MM. Fernández de Béthencourt, l’avocat qui a signé la requête au nom et pour le compte de la requérante, par M. Munguía Arsuaga, dépasserait les pouvoirs dont ce dernier était investi.

 Appréciation du Tribunal

33      L’article 44, paragraphe 5, sous b), du règlement de procédure du Tribunal exige que, lorsque la requérante est une personne morale de droit privé, elle joigne à sa requête la preuve que le mandat donné à l’avocat a été régulièrement établi par un représentant qualifié à cet effet.

34      Or, il ressort des procurations notariées du 16 août 2004 en faveur du représentant qualifié de la requérante, M. Munguía Arsuaga, que ce dernier avait le pouvoir de représenter lui-même la requérante ou de mandater des avocats à cet égard, « dans la sphère tant nationale que supranationale », ce qui comprend la représentation devant le Tribunal. Dès lors, il est surprenant que l’intervenante soutienne la thèse selon laquelle le mandat conféré à MFernández de Béthencourt par M. Munguía Arsuaga dépasse les pouvoirs dont ce dernier était investi. Cette thèse est, de façon évidente et manifeste, contraire aux faits.

35      Il s’ensuit que la présente fin de non-recevoir doit être rejetée.

 Sur l’application du principe de la force de la chose jugée

 Argument des parties

36      L’intervenante considère que l’exception de la chose jugée prévue à l’article 55, paragraphe 3, du règlement nº 40/94, selon laquelle une demande en déchéance ou en nullité est irrecevable si une demande ayant le même objet et la même cause a été tranchée entre les mêmes parties par une juridiction d’un État membre et que cette décision a acquis l’autorité de la chose jugée, est applicable en l’espèce.

37      L’intervenante estime qu’un arrêt du 7 juillet 1997 d’une juridiction espagnole, à savoir, l’Audiencia Provincial de Sevilla (audience provinciale de Séville, Espagne), doit être considéré comme ayant autorité de chose jugée, au sens de l’article 55, paragraphe 3, du règlement nº 40/94, étant donné qu’il concerne les mêmes parties, le même objet et la même cause que ceux de la présente affaire. En effet, l’arrêt en question concernerait un litige entre la requérante et l’intervenante dans lequel la requérante aurait essayé de priver l’intervenante de l’usage d’une marque espagnole identique à la marque La Española sur le fondement de l’interdiction des actes d’imitation prévue par la ley nº 3/1991, de 10 de enero, de competencia desleal (loi espagnole n° 3/91, du 10 janvier 1991, sur la concurrence déloyale) (BOE n° 10, du 11 janvier 1991, p. 959). L’arrêt en question aurait conclu à la compatibilité des deux marques en conflit, en donnant tort à la requérante. Cet arrêt serait devenu définitif lors du rejet, par ordonnance du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) du 16 février 1999, du pourvoi formé par la requérante. Partant, l’intervenante conclut à l’irrecevabilité du présent recours.

38      La requérante et l’OHMI ont fait valoir, lors de l’audience, que l’article 55 du règlement nº 40/94 ne s’appliquait pas en l’espèce parce qu’il n’y avait pas d’identité de cause ni d’objet entre la présente affaire et celle à l’origine de l’arrêt de l’Audiencia Provincial de Séville.

 Appréciation du Tribunal

39      Aux termes d’une jurisprudence constante, le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêts du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 47, et du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 70].

40      Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement n° 40/94, tel qu’interprété par le juge communautaire, et non sur la base d’une jurisprudence nationale [arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, point 53, du 4 novembre 2003, Díaz/OHMI – Granjas Castelló (CASTILLO), T‑85/02, Rec. p. II‑4835, point 37, et du 13 juillet 2004, AVEX/OHMI − Ahlers (a), T‑115/02, Rec. p. II‑2907, point 30].

41      Le principe d’autonomie du régime communautaire est applicable a fortiori dans des situations comme celle de l’espèce, l’arrêt de l’Audiencia Provincial de Séville n’étant pas fondé sur des règles analogues à celles du règlement nº 40/94, mais sur une loi relative à la concurrence déloyale.

42      Il importe de relever également que l’article 55, paragraphe 3, du règlement nº 40/94 constitue une exception au principe susvisé. Or, cette disposition prévoit uniquement que l’OHMI doit considérer comme étant irrecevable une demande en déchéance ou en nullité introduite contre une marque communautaire déjà enregistrée lorsqu’une demande ayant le même objet, c’est-à-dire la nullité ou la déchéance de ladite marque communautaire, et la même cause a été tranchée entre les mêmes parties par une juridiction nationale et que cette décision a acquis l’autorité de la chose jugée.

43      Dès lors, cette disposition ne saurait avoir aucune incidence sur la recevabilité du présent recours, qui ne constitue pas une demande en déchéance ou en nullité et n’a pas été introduit devant l’OHMI, mais devant le Tribunal.

44      Enfin, il y a lieu de relever, à titre surabondant, que, contrairement à ce que soutient l’intervenante, l’affaire tranchée par l’Audiencia Provincial de Séville dans l’arrêt du 7 juillet 1997 n’a pas la même cause ni le même objet que ceux de la présente affaire. S’agissant de la cause, l’affaire concernait une violation de la loi espagnole sur la concurrence déloyale, alors que, dans la présente affaire, il s’agit d’une question relative au règlement nº 40/94. S’agissant de l’objet de ladite affaire, il convient de relever que l’arrêt de l’Audiencia Provincial de Séville était essentiellement fondé sur un arrêt du Tribunal Supremo du 10 juin 1987 qui n’avait pas constaté la compatibilité de la marque Carbonell avec la marque demandée. Pour autant, cet arrêt du Tribunal Supremoconcernait uniquement la question de la compatibilité d’une marque de l’intervenante, présentant une grande similitude avec la marque demandée, avec la marque La Española, appartenant à la requérante, enregistrée pour des « produits de charcuterie », relevant de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice. Partant, aucune identité d’objet ne peut être constatée, les marques en cause étant différentes de celles en conflit dans le cadre de la présente affaire.

45      La présente fin de non-recevoir doit donc être rejetée.

 Sur le fond

46      La requérante invoque deux moyens d’annulation, tirés de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, d’une part, et de l’obligation d’examiner les preuves de la renommée de la marque antérieure, d’autre part.

 Observations liminaires

47      Il existe un différend entre les parties quant aux enregistrements qui doivent être pris en compte afin d’apprécier l’existence du droit d’opposition revendiqué par la requérante. Celle-ci estime qu’il s’agit non seulement des enregistrements, espagnols et communautaire, qui ont été pris en compte par la division d’opposition et par la chambre de recours, mais, aussi, des autres enregistrements qu’elle a invoqués. L’OHMI et l’intervenante contestent cette thèse et rétorquent que la date de dépôt de l’enregistrement communautaire n° 338681 de la requérante étant postérieure à celle de la marque communautaire demandée, la chambre de recours n’aurait pas dû le prendre en considération.

48      Le Tribunal estime, toutefois, que cette question est sans pertinence en l’espèce. En effet, la décision attaquée est essentiellement fondée sur l’absence de similitude entre l’élément figuratif de la marque Carbonell et celui de la marque demandée. Or, l’élément figuratif de la marque Carbonell est identique dans tous les enregistrements invoqués par la requérante, tant dans ceux pris en compte par la chambre de recours que dans ceux qu’elle a exclus.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

49      La requérante estime que la décision attaquée viole l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en ne tenant compte ni du fait que les marques en conflit sont globalement similaires à première vue et, donc, de nature à créer une confusion sur le marché, ni du fait que les produits faisant l’objet de la demande d’enregistrement sont identiques aux produits désignés par la marque antérieure.

50      En ce qui concerne la similitude des produits visés par les marques en conflit, la requérante indique, premièrement, que la chambre de recours a commis une erreur en concluant, au point 17 de la décision attaquée, que ces produits étaient en partie identiques (huiles et graisses comestibles), en partie très similaires [sel, moutarde, vinaigre, sauces (condiments), épices] et, pour le reste des produits, distincts. Elle fait valoir que, au vu, d’une part, de la restriction de la liste des produits faite par l’intervenante dans sa lettre du 29 septembre 1999, ainsi que, d’autre part, du fait que l’enregistrement de la marque La Española a été refusé pour les produits de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice, les produits pour lesquels l’enregistrement est demandé sont identiques à ceux commercialisés sous sa marque antérieure, puisque l’huile d’olive (classe 29 au sens de l’arrangement de Nice) couverte par la marque Carbonell figure parmi les « huiles et graisses comestibles » visées par la demande de marque communautaire. La requérante fait valoir que, en conséquence, il doit être fait application de la jurisprudence selon laquelle, dans l’appréciation globale du risque de confusion, une similitude moindre entre les signes peut être compensée par une identité des produits désignés par ces marques (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et du 22 juin 2000, Marca Mode, C‑425/98, Rec. p. I‑4861, point 40).

51      La requérante estime, deuxièmement, que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation sur l’analyse visuelle des marques en conflit en considérant que l’élément figuratif était faiblement distinctif et en accordant une plus grande importance à l’élément verbal. Selon la requérante, la chambre de recours aurait dû davantage centrer son examen comparatif sur les similitudes que présentent les éléments figuratifs, qui constituent les composants dominants des marques en conflit.

52      Ainsi, la requérante fait valoir que l’utilisation d’un dessin tel que celui de la marque antérieure n’est pas nécessaire ni courante pour la commercialisation de l’huile d’olive. À la différence de la représentation d’oliviers ou d’olives, l’image d’une femme, au premier plan, vêtue de manière apparemment traditionnelle n’est pas commune. À cet égard, elle joint une attestation notariée authentifiant un dossier photographique sur des marques d’huiles d’olive commercialisées sur le territoire espagnol et détenant ensemble 95 % des parts de ce marché, dont il ressort qu’aucune étiquette apposée sur ces produits ne représente une femme, à l’exception des marques en conflit.

53      La requérante relève que, en revanche, la dénomination « la española » n’a aucun caractère distinctif. Elle souligne que les mots « España » et « española » sont couramment utilisés et que leur signification est familière, même pour ceux qui ne connaissent pas la langue espagnole. Pour les pays qui ne sont pas de langue espagnole, la dénomination « la española » serait perçue comme étant descriptive de l’origine géographique des produits.

54      La requérante indique également que la chambre de recours n’a pas tenu compte du fait que le consommateur moyen percevait la marque comme un tout et ne se livrait pas à un examen de ses différents détails. Elle souligne que le consommateur achète ses produits, dans la plupart des cas, en grande surface, où ce produit est disposé sur des rayonnages, directement à la portée du public qui n’a pas à le demander oralement. La requérante considère que le consommateur perd peu de temps entre ses achats successifs qui interviennent dans différents endroits du magasin. Dans ces conditions, l’acte d’achat présenterait un caractère massif, irréfléchi et inconscient, accru par le fait que les produits sont stockés au même endroit, ce qui augmenterait le risque de confusion. Le consommateur serait en effet davantage guidé par une impression que par une comparaison directe des différentes marques. Il serait généralement moins attentif que le consommateur spécialisé. La requérante en déduit que l’impact visuel de l’étiquette sur laquelle est inscrite la marque est déterminant dans le choix du produit.

55      La requérante énumère, troisièmement, seize correspondances entre la marque antérieure et la marque demandée.

56      La requérante observe que ces coïncidences entre les deux dessins induisent une impression globale très similaire sur le plan visuel. Par conséquent, même si le consommateur moyen était capable d’appréhender certaines différences entre les deux signes, le risque d’établir un lien entre les deux marques serait réel.

57      La requérante indique, quatrièmement, que, au vu de la similitude des signes en conflit, le public peut penser que la marque demandée est une simple variation de la marque Carbonell. Elle observe que, selon la jurisprudence, il est possible qu’une entreprise utilise des sous-marques, dérivant d’une marque principale et partageant avec elle un élément dominant commun, pour distinguer ses différentes lignes de production [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 février 2004, Koubi/OHMI – Flabesa (CONFORTFLEX), T‑10/03, Rec. p. II‑719, point 61]. À cet égard, la requérante précise qu’elle commercialise différentes gammes d’huile d’olive, identifiées par un même dessin, mais différenciées par des appellations différentes, comme « carbonell », « fontana », « finoliva », « sotoliva » et « mezquita ».

58      La requérante observe, enfin, que l’image qu’elle utilise est essentielle à Carbonell, car elle permet au consommateur d’identifier automatiquement l’origine de ses produits, sans qu’il soit même nécessaire d’inscrire la dénomination « carbonell ».

59      L’OHMI admet que la chambre de recours a commis une erreur en ne tenant pas compte de la limitation de la liste des produits faisant l’objet de la demande d’enregistrement. Il reconnaît que l’huile d’olive (produit couvert par la marque antérieure) est un produit identique aux huiles et aux graisses comestibles faisant l’objet de la demande d’enregistrement, lorsque ces dernières concernent l’huile d’olive. Cependant, l’OHMI et l’intervenante considèrent qu’une telle erreur n’a pas eu d’incidence fondamentale sur la décision attaquée, étant donné que cette dernière fonde le refus de l’opposition sur l’absence de similitude entre les marques en conflit et non sur le fait que les produits en cause n’étaient ni identiques ni similaires. L’intervenante ajoute qu’il convient de n’attacher aucune conséquence au fait que la décision attaquée mentionne les autres produits, dès lors que la division d’opposition comme la chambre de recours ont toujours reconnu que les produits étaient en partie identiques.

60      L’OHMI confirme l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit produisent une impression visuelle différente.

61      L’OHMI et l’intervenante estiment qu’il convient d’appliquer au présent litige la jurisprudence selon laquelle l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants (arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 25). L’OHMI estime que les appréciations de la division d’opposition sur l’impression d’ensemble que confèrent les signes en conflit auprès du consommateur, lesquelles ont été reprises par la chambre de recours, sont conformes à la jurisprudence. En effet, elles prendraient en considération le fait que ces éléments figuratifs peuvent être associés au produit et, ce faisant, avoir une influence moindre sur la perception du signe.

62      L’OHMI admet que l’image d’une femme assise, revêtue d’un costume traditionnel, peut être distinctive pour les produits en cause. Cependant, il considère que, dans le cas d’espèce, les éléments figuratifs communs aux deux signes en conflit n’ont pas de force distinctive particulière. À cet égard, il soutient qu’un seul concurrent ne peut s’approprier en exclusivité la représentation d’un fond champêtre avec des oliviers (ainsi que la combinaison des couleurs utilisées pour ce fond), étant donné qu’elle est intimement liée au produit qu’elle désigne (l’huile d’olive) et à son origine. De même, l’idée de représenter une femme ne pourrait être susceptible d’appropriation. L’intervenante indique, pour sa part, que les éléments figuratifs communs aux marques en conflit concernent des objets génériques ou des catégories générales d’objets qui ont une faible capacité distinctive.

63      L’intervenante critique la valeur probante de l’acte notarié produit par la requérante afin de démontrer qu’aucune marque d’huile d’olive commercialisée sur le territoire espagnol ne représente une femme. À titre de contre-exemples, elle cite d’autres marques qui utilisent l’image d’une femme vêtue d’une robe à volants ou d’un costume de gitane et joint différents documents à cet égard.

64      L’OHMI estime, en l’espèce, que l’élément verbal des signes en cause joue un rôle très important dans l’impression visuelle qu’ils produisent et qu’il est manifeste que les éléments « la española » et « carbonell » sont visuellement très différents.

65      Si l’OHMI admet que l’expression « la española » est peu distinctive en soi, il conteste qu’il est inutile d’en tenir compte lors de la comparaison des signes en conflit, ainsi que le soutient la requérante. Selon l’OHMI, il convient ainsi de prendre en considération le fait que, en présence de marques complexes formées à partir d’éléments figuratifs et verbal, ce dernier revêt généralement une importance capitale, car il est plus facilement gardé en mémoire par le consommateur et est moins ambigu s’agissant de l’identification de la marque et de la communication à des tiers. L’intervenante précise, pour sa part, que le caractère généralement prédominant de l’élément verbal est dû au fait que le consommateur identifie les marques complexes par leur nom, surtout lorsque le consommateur en fait la demande oralement, et parce que l’élément figuratif est, dans certains cas, inutile, comme dans le cadre de la publicité radiophonique.

66      L’intervenante confirme l’analyse selon laquelle les dénominations « la española » et « carbonell » sont prépondérantes. S’agissant de la première, elle ajoute que cette prépondérance est accentuée par la notoriété de la marque La Española.

67      L’OHMI, appuyé par l’intervenante, constate qu’il existe entre les signes en cause des différences importantes d’aspect général de la femme dessinée, tant par sa position, ses vêtements et les traits de son visage, que par le fait que, dans la demande de marque communautaire, la femme tient un broc dans les mains, tandis que la marque Carbonell la représente les bras levés et se tenant à une branche d’olivier. De même, il observe que, dans la marque antérieure, la femme est assise sur un muret sur lequel se trouvent deux bidons dans un emballage et une présentation traditionnels, tandis que le dessin de la marque demandée ne fait pas apparaître l’objet sur lequel la femme est assise.

68      Enfin, sur le plan conceptuel, l’OHMI indique que le consommateur percevra le terme « carbonell » comme un nom de famille, tandis que l’élément figuratif provoquera chez lui une association avec l’origine naturelle et traditionnelle du produit. S’agissant de la marque demandée, tant l’élément figuratif proprement dit que l’appellation « la española » devraient produire, dans l’esprit du public, une association évidente avec l’origine naturelle et géographique du produit. L’OHMI en déduit qu’il existe entre les signes en cause un lien qui peut être défini comme une référence à l’origine naturelle des produits. Il précise qu’un tel lien est simplement lié aux caractéristiques ou à la qualité des produits et non à l’origine commerciale de ceux-ci.

69      L’OHMI en conclut que la chambre de recours n’a commis aucune erreur lors de son appréciation de la comparaison des signes qui l’a conduit à constater que ces derniers n’étaient ni identiques ni similaires et que, dès lors, il n’existait aucun risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, point b), du règlement n° 40/94 (arrêt de la Cour du 12 octobre 2004, Vedial/OHMI, C‑106/03 P, Rec. p. I‑9573, points 53 et 54). L’OHMI ajoute que, pour la même raison, le principe d’interdépendance entre les facteurs n’est pas applicable au litige.

 Appréciation du Tribunal

70      Il convient de relever, d’emblée, que, dans la décision attaquée, la chambre de recours constate (point 17) que les produits couverts par la marque Carbonell et ceux visés par la marque demandée étaient pour une partie identiques (huiles et graisses comestibles, relevant de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice), pour une autre partie très similaires [sel, moutarde, vinaigre, sauces (condiments) ; épices, produits relevant de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice] et, en ce qui concernait le reste des produits, distincts.

71      Néanmoins, tel que l’a fait valoir à juste titre la requérante et comme l’OHMI ainsi que l’intervenante l’ont admis lors de l’audience, dans la décision attaquée, la chambre de recours aurait dû se limiter à conclure à l’identité des produits visés par la marque Carbonell avec ceux visés par la marque demandée, lorsque ces derniers concernent l’huile d’olive et à la très grande similitude entre les produits visés par la marque Carbonell et ceux visés par la marque demandée, lorsque ces derniers concernent les autres graisses comestibles. Cette conclusion s’impose, en effet, à la suite, d’une part, de la restriction de la liste des produits faite dans la lettre de l’intervenante du 29 septembre 1999 et, d’autre part, de la décision adoptée par la division d’opposition du 22 février 2000 dans le cadre de la première procédure d’opposition dans laquelle cette dernière refuse l’enregistrement de la marque La Española, pour les produits relevant de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice, confirmée par la décision du 17 février 2003 de la quatrième chambre de recours.

72      Dans ces conditions, le Tribunal considère que c’est à tort que la chambre de recours n’a pas tenu compte de la jurisprudence en vertu de laquelle, dans l’appréciation globale du risque de confusion, une similitude moindre entre les signes peut être compensée par un degré élevé de similitude entre les produits (arrêts Canon, précité, point 17, et Marca Mode, précité, point 40).

73      Néanmoins, dans la décision attaquée, la chambre de recours a conclu qu’il n’existait aucune similitude entre les marques en conflit, étant donné que leurs éléments figuratifs possédaient un caractère distinctif faible pour l’huile d’olive et que la comparaison de leurs éléments verbaux, qui étaient complètement différents, acquérait donc une importance primordiale. C’est pourquoi, sans appliquer la jurisprudence susvisée, la chambre de recours a constaté que tout risque de confusion entre les marques en conflit était exclu.

74      Le Tribunal examinera successivement les conclusions relatives au faible caractère distinctif des éléments figuratifs, au caractère dominant des éléments verbaux et à la similitude et au risque de confusion entre les marques en conflit.

–       Sur le caractère distinctif des éléments figuratifs

75      Au point 18 de la décision attaquée, la chambre de recours se limite à relever, pour étayer sa conclusion relative au faible caractère distinctif des éléments figuratifs des marques en conflit, qu’ils consistent essentiellement en une personne assise dans un cadre champêtre et, plus précisément, dans une oliveraie. Il convient de lire cette analyse laconique en ce sens que la chambre de recours fait sienne l’analyse de la division d’opposition aux termes de laquelle les éléments figuratifs des marques en conflit auraient un caractère distinctif moindre, puisqu’ils seraient usuels dans le secteur de l’huile d’olive (point 9, deuxième tiret, de la décision attaquée).

76      Or, dans la décision attaquée, la chambre de recours n’a fourni aucune précision quant aux raisons pour lesquelles elle considérait que la représentation litigieuse était usuelle dans le secteur de l’huile d’olive et elle n’a cité aucune marque, autre que celles en conflit, comportant un élément figuratif semblable à celui de ces dernières.

77      En revanche, il ressort de l’attestation notariée authentifiant un dossier photographique contenant les marques d’huile d’olive commercialisées sur le territoire espagnol et détenant ensemble 95 % des parts de ce marché fournie par la requérante qu’aucune de ces marques n’utilise la représentation d’une femme, à l’exception des marques en conflit. Ni l’OHMI ni l’intervenante n’ont mis en cause la véracité de ce document. L’OHMI a cependant, lors de l’audience, contesté sa recevabilité au motif qu’il n’aurait pas été présenté au stade de la procédure administrative. Or, le document a été produit avec la requête tel que l’exige l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure et prétend, précisément, démontrer que l’analyse, opérée dans la décision attaquée, relative au caractère usuel des éléments figuratifs en question est incorrecte. Il est, partant, recevable.

78      L’argument de l’intervenante, tiré du fait que d’autres marques espagnoles d’huile d’olive utilisent l’image d’une femme, et selon lequel la représentation en question ne serait pas inhabituelle parmi les marques espagnoles d’huile d’olive ne saurait prospérer. En effet, il ressort de l’examen de ces marques que la représentation de la femme qu’elles utilisent est très différente de celle des marques en conflit. En outre, ces marques sont très peu représentatives du marché espagnol de l’huile d’olive. Aucune de ces marques n’apparaît dans le seul document fourni au Tribunal qui montre la diffusion des diverses marques d’huile d’olive en Espagne, à savoir le rapport de la société d’études de marché AC Nielsen Company SL du 18 août 2004, dont la véracité n’a été contestée par aucune des parties.

79      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que c’est à tort que la chambre de recours a, dans la décision attaquée, estimé que l’élément figuratif des marques en conflit était usuel sur le marché espagnol de l’huile d’olive.

80      Cependant, l’OHMI considère que la raison pour laquelle la chambre de recours a conclu au faible caractère distinctif des éléments figuratifs des marques en conflit n’était pas l’existence de marques similaires sur ce marché, mais le même motif pour lequel elle avait conclu à l’existence d’un lien conceptuel faible entre les marques en conflit à savoir, que leurs éléments figuratifs étaient liés à la nature et à l’origine agricole des produits visés (point 9, quatrième tiret, de la décision attaquée). En conséquence, le consommateur moyen ne verrait pas dans ces éléments une indication de l’origine commerciale desdits produits, mais une allusion à son élaboration naturelle et traditionnelle.

81      À supposer que la décision attaquée puisse être interprétée dans le sens indiqué par l’OHMI, le Tribunal ne saurait retenir l’argument de ce dernier.

82      En premier lieu, s’il est loisible de considérer que la représentation d’une oliveraie fait référence à un élément inéluctablement lié à l’huile d’olive, on ne saurait arriver à la même conclusion en ce qui concerne la représentation d’une personne assise. L’OHMI lui-même reconnaît, dans son mémoire en réponse (point 50), que l’image d’une femme assise, en costume traditionnel, peut être distinctive pour les produits en cause. Or, le Tribunal estime qu’il n’y a aucune raison de conclure que l’image d’une femme assise fait référence, aux yeux du consommateur moyen, à l’origine naturelle et traditionnelle du produit plutôt qu’à son origine commerciale.

83      L’OHMI soutient, toutefois, qu’un seul concurrent ne peut s’approprier l’exclusivité de la représentation d’une femme. Or, la question de savoir si les éléments qu’une marque vise doivent pouvoir être librement utilisés par d’autres concurrents ne relève pas de l’examen du caractère distinctif de l’élément figuratif d’une marque (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, Rec. p. I‑8317, point 36). La seule question pertinente dans le cadre de cet examen est celle de savoir si le signe analysé est distinctif ou non, question à laquelle, en ce qui concerne la femme assise, l’OHMI a déjà répondu par l’affirmative.

84      À cet égard, il convient de préciser que la requérante n’entend pas s’approprier, dans l’abstrait, toute représentation d’une oliveraie ni toute représentation d’une femme. Elle prétend à l’exclusivité sur une représentation concrète, qui fait partie de sa marque, de la combinaison de ces deux éléments. Ainsi, la requérante ne s’oppose pas à l’utilisation par l’intervenante de la représentation d’une femme dans sa marque, mais à l’utilisation d’une représentation qu’elle estime excessivement semblable à la sienne.

85      En deuxième lieu, il convient de relever que, s’agissant de l’élément figuratif d’une marque, l’examen de son caractère distinctif peut être réalisé, en partie, pour chacun de ses termes ou de ses composants, pris séparément, mais doit, en tout état de cause, dépendre d’un examen de l’ensemble qu’ils forment. En effet, la seule circonstance que chacun de ces composants, pris séparément, est dépourvu de caractère distinctif n’exclut pas que la combinaison qu’ils forment puisse présenter un caractère distinctif (voir, par analogie, arrêt SAT.1/OHMI, précité, point 28, et la jurisprudence citée).

86      Or, l’OHMI et l’intervenante réalisent une appréciation du caractère distinctif de l’élément figuratif des marques en conflit en se fondant sur une analyse séparée de chacun de ses composants − notamment la représentation d’une oliveraie et celle d’une femme assise, ainsi que des éléments accessoires des marques en conflit, tels que l’encadrement rouge et les espaces réservés aux parties dénominatives ainsi que leurs formes − sans tenir compte de ce que certains composants, dépourvus isolément de caractère distinctif, peuvent, une fois combinés, présenter un tel caractère.

87      Il découle de ce qui précède que c’est à tort que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a conclu au faible caractère distinctif des éléments figuratifs des marques en conflit.

–       Sur le caractère dominant des parties verbales

88      Au point 18 de la décision attaquée, la chambre de recours précise que la comparaison de l’élément verbal des marques en conflit acquiert en l’espèce une importance primordiale au vu du faible caractère distinctif des éléments figuratifs desdites marques, même si l’élément verbal de la marque La Española n’est que faiblement distinctif per se.

89      Le Tribunal considère que l’appréciation de la chambre de recours est erronée.

90      En premier lieu, le Tribunal a jugé que c’était à tort que, dans la décision attaquée, la chambre de recours concluait au faible caractère distinctif des éléments figuratifs des marques en conflit. Partant, la comparaison des éléments verbaux ne peut pas se faire sur le fondement de cette appréciation.

91      En deuxième lieu, la jurisprudence a établi que, dans des situations où l’élément verbal d’une marque complexe détenait une place équivalente par rapport à l’élément figuratif, ce dernier ne pouvait pas être considéré, sur le plan visuel, comme subsidiaire par rapport à l’autre composant du signe (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Vedial/OHMI – France Distribution (HUBERT), T‑110/01, Rec. p. II‑5275, point 53). Cela doit s’appliquer a fortiori à des situations où l’élément figuratif détient une place beaucoup plus importante, en termes de surface, que l’élément verbal.

92      En troisième lieu, le Tribunal considère que l’élément verbal « la española » n’a qu’un très faible caractère distinctif. Ce mot est communément utilisé en Espagne et est perçu comme étant descriptif de l’origine géographique des produits. En effet, ainsi qu’il ressort d’un arrêt du Tribunal Supremo du 10 juin 1987, versé au dossier par l’intervenante, l’élément verbal « la española » est présent dans près de 100 marques en Espagne, dont plus de douze relèvent de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice. L’intervenante elle-même, dans le cadre de la première procédure d’opposition, avait fait valoir, devant la division d’opposition (voir décision n° 259/2000 de la division d’opposition, du 22 février 2000, page 3, dernier alinéa, et page 5, dernier alinéa) et devant la chambre de recours (voir décision R 326/2000-4 de la quatrième chambre de recours de l’OHMI, du 17 février 2003, page 4, troisième et quatrième alinéas), que le terme « la española » était devenu un terme habituel dans le langage commun, qu’il était faiblement distinctif, et qu’il constituait une référence commune dans le secteur.

93      L’OHMI lui-même a soutenu, dans d’autres procédures d’opposition, une position contraire à celle qu’il soutient dans le cadre de la présente procédure. Ainsi, la division d’opposition, dans sa décision nº 259/2000, du 22 février 2000 (page 6, cinquième alinéa), confirmée par la quatrième chambre de recours (décision R 326/2000-4, du 17 février 2003), dans le cadre de la première procédure d’opposition et dans la décision nº 843/2000, du 27 avril 2000 (page 6, quatrième alinéa), a conclu que l’expression « la española », n’avait qu’une faible force distinctive, parce qu’elle constituait une dénomination courante dans le secteur alimentaire, et impliquait une référence à l’origine géographique des produits. De même, et contrairement à ce qui est soutenu dans la présente affaire, la division d’opposition a conclu, dans sa décision du 22 février 2000, que l’élément commun aux deux marques étant faiblement distinctif, l’attention du consommateur ne serait pas attirée par le terme « la española », mais par l’élément figuratif de la marque demandée.

–       Sur la similitude des marques et le risque de confusion

94      La chambre de recours considère que l’impression visuelle globale produite par les marques en cause est différente et, en conséquence, leur appréciation globale ne fait ressortir aucune similitude entre elles, ce qui exclurait tout risque de confusion.

95      Il importe de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour relative à l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 40, p. 1), dont le contenu normatif est, en substance, identique à celui de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, que le risque de confusion est constitué par le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement (arrêts Canon, précité, point 29, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 17). Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion dans l’esprit du public doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêts SABEL, précité, point 22 ; Canon, précité, point 16, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 18).

96      Cette appréciation implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, la similitude des marques et celle des produits ou services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques et inversement (arrêts Canon, précité, point 17, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 19).

97      Or, il ressort également du principe d’interdépendance entre les facteurs qu’un degré élevé de similitude entre les marques se voit renforcé par un degré élevé de similitude entre les produits visés ou, a fortiori, par l’identité de ces derniers.

98      Il convient également de rappeler que, selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 30, et du 7 septembre 2006, L & D/OHMI – Sämann (Aire Limpio), T‑168/04, non encore publié au Recueil, point 91].

99      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte, en particulier, de leurs éléments distinctifs et dominants, ainsi que du fait que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêts SABEL, précité, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25).

100    S’agissant du plan visuel, le Tribunal constate que les deux marques en conflit ont une vaste pluralité d’éléments en commun, à savoir :

–        elles comportent une étiquette rectangulaire, verticale et régulière, de taille identique et comprenant une frange rouge aux pointes rondes à la périphérie ;

–        elles comportent le dessin d’une femme assise en premier plan, dans l’axe vertical de l’étiquette, dont les vêtements ont des tons similaires, vêtues toutes les deux d’une jupe, d’une chemise blanches et d’un châle rouge aux bords déchirés ;

–        les deux femmes représentées ont les cheveux attachés, avec une fleur derrière l’oreille droite et un peigne d’ornement ;

–        les deux femmes représentées ont les bras nus, la tête orientée vers leur gauche et sont assises sur un mur de ton ocre ;

–        il y a une branche d’olivier au premier plan, près de la tête des deux femmes représentées ;

–        il y a un espace pour inclure le nom du produit dans la bande supérieure, qui a une forme courbe vers l’extérieur de l’étiquette et convexe vers l’intérieur ;

–        la dénomination de la marque figure, dans un encadrement blanc, sur fond rouge, placé dans la partie inférieure de l’étiquette ;

–        la forme de cet encadrement est plate vers la partie inférieure de l’étiquette et convexe vers l’intérieur de celle-ci ;

–        la dénomination de la marque figure en lettres blanches de la même taille, sur le fond rouge de l’encadrement ;

–        une oliveraie représentée dans la même gamme de couleurs, dont l’horizon occupe une partie équivalente, est représentée derrière la femme.

101    Le Tribunal considère que la similitude des éléments figuratifs en cause, tant sur le plan chromatique que sur celui du dessin, est plus importante que les petites différences, qui n’apparaissent, en fait, qu’après un examen minutieux et exhaustif.

102    S’agissant du point de vue conceptuel, le Tribunal constate que, dans la décision attaquée, la chambre de recours elle-même (points 9 et 19) considère qu’il existe entre les marques en conflit un lien conceptuel, bien que faible, lié à la nature et à l’origine des produits protégés.

103    Le Tribunal estime que l’ensemble des éléments communs aux deux marques en cause produit une impression visuelle globale d’une grande similitude, puisque la marque La Española reproduit avec une grande précision l’essentiel du message et l’impression visuelle transmis par la marque Carbonell : la femme vêtue en robe typique, assise d’une certaine manière, près d’une branche d’olivier, sur un fond d’oliveraie, l’ensemble comportant une disposition presque identique des espaces, des couleurs, des endroits où les dénominations sont inscrites et de la façon dans laquelle cette inscription est achevée.

104    Le Tribunal considère que cette impression globale similaire crée, chez le consommateur, de façon inévitable, un risque de confusion entre les marques en conflit.

105    Ce risque de confusion ne se voit pas diminué par l’existence de l’élément verbal différent, puisque, comme il a été jugé antérieurement, l’élément verbal de la marque demandée a un très faible caractère distinctif, étant donné qu’il fait référence à l’origine géographique du produit.

106    En effet, il convient de rappeler, en premier lieu, que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques et qu’il doit se fier à l’image imparfaite qu’il en a gardée en mémoire (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 26). Cette circonstance renforce le poids des éléments particulièrement visibles et simples à appréhender des marques en cause tels que, en l’espèce, les éléments figuratifs des marques en conflit (voir, en ce sens, arrêt CONFORFLEX, précité, point 45).

107    Il importe de noter, en deuxième lieu, que la perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion (arrêts SABEL, précité, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25). Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, mais son niveau d’attention est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou services en cause (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 26).

108    Or, l’huile d’olive étant un produit de consommation très courante en Espagne, le niveau d’attention du consommateur moyen à l’égard de son aspect extérieur est peu élevé [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 janvier 2007, Georgia-Pacific/OHMI (Motif gaufré), T‑283/04, non publié au Recueil, point 41].

109    En troisième lieu, il convient de tenir compte du fait que, tel que le reconnaît la chambre de recours dans la décision attaquée, l’huile d’olive s’achète la plupart du temps dans des grandes surfaces ou des établissements où les produits des différentes marques sont alignés sur des rayons. Dans ce type de lieu de vente, comme le soutient la requérante, le consommateur perd peu de temps entre ses achats successifs, qui interviennent dans différents endroits du magasin, et ne demande pas oralement les différents produits qu’il cherche, mais se dirige lui-même vers les rayons où se trouvent ces produits, ce qui a pour conséquence que les différences entre les marques en conflit sur le plan phonétique sont dépourvues de toute pertinence pour distinguer les produits. Dans ces conditions, le consommateur est davantage guidé par une impression que par une comparaison directe des différentes marques et souvent ne procède pas à une lecture de toutes les indications portées sur chaque récipient d’huile d’olive. Dans la plupart des cas, il se limite à prendre une bouteille dont l’étiquette lui produit l’impact visuel de la marque qu’il recherche. Dans ces circonstances, c’est l’élément figuratif des marques en conflit qui acquiert une importance accrue, contrairement à ce qui a été retenu dans la décision attaquée, ce qui augmente le risque de confusion entre les deux marques en cause.

110    Il convient de noter, en ce sens, que, lorsque les marques en conflit sont examinées à la distance et à la vitesse auxquelles le consommateur, dans une grande surface commerciale, réalise la sélection des produits qu’il cherche, les différences entre les signes en conflit sont plus difficiles à distinguer et les similitudes plus apparentes, puisque le consommateur moyen perçoit la marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails.

111    Enfin, il convient de tenir compte de la circonstance selon laquelle, au vu de la similitude des signes en conflit et du fait que l’élément verbal de la marque demandée est faiblement distinctif, le consommateur peut percevoir la marque demandée comme une sous-marque liée à la marque Carbonell désignant une huile d’olive d’une qualité différente à celle objet de ladite marque (voir, en ce sens, arrêt CONFORTFLEX, précité, point 61). En effet, comme il ressort du dossier, la marque Carbonell, qui est présente en Espagne depuis 1904 est identifiée à l’huile d’olive sur le marché espagnol et l’image qu’elle utilise identifie automatiquement ladite marque.

112    Au vu de ce qui précède, force est de constater que c’est à tort que la chambre de recours a conclu que toute possibilité de confusion entre les marques en conflit était exclue (point 24). Il résulte, au contraire, de l’ensemble des constatations du Tribunal qu’il existe un risque de confusion entre lesdites marques.

113    En conséquence, le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, doit être accueilli.

114    Partant, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner le second moyen, il y a lieu, conformément à l’article 63, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, de réformer la décision attaquée en ce sens que le recours formé par la requérante auprès de la chambre de recours est fondé et, par conséquent, qu’il doit être fait droit à l’opposition.

 Sur les dépens

115    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 136, paragraphe 2, de ce règlement, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme des dépens récupérables. L’OHMI et l’intervenante ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, y compris les frais indispensables exposés par la requérante aux fins de la procédure devant la chambre de recours, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 11 mai 2004 (affaire R 1109/2000-4) est réformée en ce sens que le recours formé par la requérante auprès de la chambre de recours est fondé et, par conséquent, qu’il doit être fait droit à l’opposition.

2)      L’OHMI et l’intervenante sont condamnés aux dépens.


Cooke

García-Valdecasas

Ciucă

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 septembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. D. Cooke

Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

Sur la recevabilité

Sur la recevabilité de la demande tendant à ce que le Tribunal déclare la nullité de la marque demandée ou, le cas échéant, ordonne son rejet

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur l’étendue du mandat du représentant de la requérante

Argument des parties

Appréciation du Tribunal

Sur l’application du principe de la force de la chose jugée

Argument des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le fond

Observations liminaires

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

– Sur le caractère distinctif des éléments figuratifs

– Sur le caractère dominant des parties verbales

– Sur la similitude des marques et le risque de confusion

Sur les dépens



* Langue de procédure : l’espagnol.