Language of document : ECLI:EU:T:2015:54

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

29 janvier 2015 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale SO WHAT DO I DO WITH MY MONEY – Marque constituée d’un slogan publicitaire – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑609/13,

Blackrock, Inc., établie à Wilmington, Delaware (États-Unis), représentée par M. S. Malynicz, barrister, Mme K. Gilbert et M. M. Blair, solicitors,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par M. I. Harrington, puis par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 11 septembre 2013 (affaire R 572/2013-4), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal SO WHAT DO I DO WITH MY MONEY comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, O. Czúcz et A. Popescu, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 22 novembre 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 5 février 2014,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 28 août 2012, la requérante, Blackrock, Inc., a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal SO WHAT DO I DO WITH MY MONEY.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 35 et 36 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 35 : « Fourniture d’informations et d’analyses en matière de données économiques de marché ; fourniture de services commerciaux et d’étude de marché à des investisseurs financiers privés et institutionnels et à des professionnels de la finance ; consultation en gestion commerciale ; analyse de marché » ;

–        classe 36 : « Services de gestion d’investissements ; services de conseils en investissements ; services de gestion des risques financiers ; services de courtage d’actions de société de placement; services de courtage de fonds communs de placement ; services d’investissement de fonds communs de placement ; services de distribution de fonds communs de placement ; gestion d’actifs financiers ; évaluation d’avoirs financiers ; services d’investissement, à savoir gestion et courtage d’actions, d’obligations, d’options, de marchandises, de contrats à terme et autres titres de placement, et investissement de fonds de tiers; services de conseils en investissements; études relatives aux placements financiers ; placement en actions ; investissement financier dans le domaine de l’immobilier ; expertise et évaluations fiscales ; gestion immobilière financière et fonds communs de placement ; services de recherche financière ; préparation de rapports financiers pour des tiers et analyse financière associée ; informations financières en matière d’opportunités de placement et d’analyse financière ; gestion d’investissements et distribution d’actions de sociétés de placement ou autres outils de placement en gestion commune, à savoir obligations adossées à des créances, obligations adossées à des emprunts, fonds communs de placement, fonds spéculatifs et fonds d’assurance à prestations variables ; services financiers en ligne, à savoir transferts de fonds d’investissement et réalisation de transactions, services de planification financière et de recherche financière ; gestion financière et planification financière ; distribution et gestion de fonds indiciels négociables en bourse ».

4        Par lettre du 28 septembre 2012, l’examinatrice a informé la requérante que le signe en cause n’était pas susceptible d’être enregistré en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

5        Le 17 janvier 2013, la requérante a présenté ses observations sur les motifs de refus de la marque demandée évoqués par l’examinatrice.

6        Par décision du 7 février 2013, l’examinatrice a maintenu ses objections initiales, en sorte qu’elle a refusé l’enregistrement de la marque demandée au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

7        Le 25 mars 2013, la requérante a formé un recours contre cette décision auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009.

8        Par décision du 11 septembre 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours de la requérante. Elle a d’abord relevé que les services visés par la demande d’enregistrement concernaient la finance ou l’investissement et étaient donc en rapport avec l’argent. Elle a considéré que le public pertinent était un public anglophone, composé de consommateurs moyens et de professionnels et que le niveau d’attention de celui-ci était relativement faible à l’égard d’indications à caractère promotionnel. Elle a, par ailleurs, noté que l’expression « so what do I do with my money » n’avait pas plusieurs significations, ne constituait pas un jeu de mots, n’était ni fantaisiste ni prégnante et ne comportait pas d’élément autrement créatif et que, dans le contexte de services en rapport avec l’argent, ladite expression était claire, facile à comprendre et conforme aux règles de la grammaire anglaise. Cette expression ne ferait que soulever une interrogation générale dans l’esprit du consommateur, invitant celui-ci à se questionner sur sa situation financière. En outre, s’agissant d’une expression qui pouvait servir de slogan publicitaire, la chambre de recours a rappelé la jurisprudence pertinente selon laquelle si l’enregistrement d’une telle expression en tant que marque n’était pas en soi exclu, celle-ci devait présenter un caractère distinctif. Pour ce faire une telle marque devait être perçue d’emblée par le public pertinent comme une indication d’origine commerciale des services visés. Or, selon la chambre de recours, tel n’était pas le cas en l’espèce. Elle a conclu dès lors que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

10      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      À l’appui du recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, qui se subdivise en deux branches. Par la première branche, elle reproche à la chambre de recours d’avoir fait une mauvaise application des principes dégagés par la Cour dans l’arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI (C‑398/08 P, Rec, EU:C:2010:29). Par la seconde branche, qu’il convient de traiter en premier, elle soutient que la chambre de recours s’est livrée à une appréciation erronée du caractère distinctif de la marque demandée.

 Sur la seconde branche

12      Dans la seconde branche du moyen unique, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir constaté à tort l’absence de caractère distinctif de la marque demandée. En effet, celle-ci posséderait une prégnance du fait des termes utilisés, de leur syntaxe ainsi que de la forme interrogative très inhabituelle et serait perçue par le public pertinent comme une marque aussi bien que comme une formule promotionnelle.

13      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

14      Aux termes de l’article 4 du règlement n° 207/2009, peuvent constituer des marques communautaires tous les signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.

15      La fonction essentielle de la marque est celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne, de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix, si l’expérience s’avère positive, ou de faire un autre choix, si elle s’avère négative [arrêts du 12 juin 2007, MacLean-Fogg/OHMI (LOKTHREAD), T‑339/05, EU:T:2007:172, point 28, et du 14 juin 2007, Europig/OHMI (EUROPIG), T‑207/06, Rec, EU:T:2007:179, point 25].

16      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

17      Selon une jurisprudence constante, le caractère distinctif d’une marque au sens de cet article signifie que cette marque permet d’identifier les produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou service de ceux d’autres entreprises (arrêts du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑468/01 P à C‑472/01 P, Rec, EU:C:2004:259, point 32 ; du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C‑64/02 P, Rec, EU:C:2004:645, point 42, et Audi/OHMI, point 11 supra, EU:C:2010:29, point 33).

18      Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêts Audi/OHMI, point 11 supra, EU:C:2010:29, point 34 et jurisprudence citée, et du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, Rec, EU:C:2012:460, point 24 et jurisprudence citée).

19      S’agissant de marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques, leur enregistrement n’est pas exclu en raison d’une telle utilisation. Afin d’apprécier le caractère distinctif de telles marques, il n’y a pas lieu d’appliquer à celles-ci des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes (arrêts Audi/OHMI, point 11 supra, EU:C:2010:29, points 35 et 36, et Smart Technologies/OHMI, point 18 supra, EU:C:2012:460, point 25)

20      Si les critères relatifs à l’appréciation du caractère distinctif sont les mêmes pour les différentes catégories de marques, il peut apparaître, dans le cadre de l’application de ces critères, que la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même pour chacune de ces catégories et que, dès lors, il peut s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif des marques de certaines catégories que de celles d’autres catégories (voir arrêts Audi/OHMI, point 11 supra, EU:C:2010:29, point 37 et jurisprudence citée, et Smart Technologies/OHMI, point 18 supra, EU:C:2012:460, point 26 et jurisprudence citée).

21      De telles difficultés ne justifient pas, en tout cas, de fixer des critères spécifiques suppléant ou dérogeant au critère du caractère distinctif, pour des marques verbales constituées de slogans publicitaires (voir, en ce sens, arrêts Audi/OHMI, point 11 supra, EU:C:2010:29, point 38, et Smart Technologies/OHMI, point 18 supra, EU:C:2012:460, point 27).

22      Il ne saurait toutefois être exigé qu’un slogan publicitaire présente un « caractère de fantaisie », voire un « champ de tension conceptuelle, qui aurait pour conséquence un effet de surprise et dont on pourrait de ce fait se rappeler » pour qu’un tel slogan soit pourvu de caractère distinctif (arrêts Audi/OHMI, point 11 supra, EU:C:2010:29, point 39, et Smart Technologies/OHMI, point 18 supra, EU:C:2012:460, point 28).

23      En outre, le simple fait qu’une marque soit perçue par le public concerné comme une formule promotionnelle et que, eu égard à son caractère élogieux, elle pourrait en principe être reprise par d’autres entreprises n’est pas en tant que tel suffisant pour conclure que cette marque est dépourvue de caractère distinctif (arrêts Audi/OHMI, point 11 supra, EU:C:2010:29, point 44, et Smart Technologies/OHMI, point 18 supra, EU:C:2012:460, point 29).

24      En effet, la connotation élogieuse d’une marque verbale n’exclut pas que celle-ci soit néanmoins apte à garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services qu’elle désigne. Ainsi, une telle marque peut concomitamment être perçue par le public concerné comme une formule promotionnelle et une indication de l’origine commerciale des produits ou des services. Il en découle que, pour autant que ce public perçoit la marque comme une indication de cette origine, le fait qu’elle soit simultanément, voire même en premier lieu, appréhendée comme une formule promotionnelle est sans incidence sur son caractère distinctif (arrêts Audi/OHMI, point 11 supra, EU:C:2010:29, point 45, et Smart Technologies/OHMI, point 18 supra, EU:C:2012:460, point 30).

25      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, comme le soutient la requérante, la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 en concluant que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

26      En premier lieu, s’agissant de la détermination du public pertinent, il convient de relever qu’il résulte du point 19 de la décision attaquée que le public pertinent est constitué à la fois de consommateurs moyens et de professionnels, tels que les entreprises commerciales exerçant dans les domaines de la finance et de l’investissement, et que, dans la mesure où la marque demandée est composée de termes anglais, son caractère distinctif doit être évalué au regard du public anglophone. Il convient de confirmer cette définition du public pertinent, qui n’est d’ailleurs pas contestée par la requérante.

27      Par ailleurs, il y a lieu de souligner, ainsi que le rappelle la chambre de recours au point 21 de la décision attaquée sans être contredite par la requérante, que le niveau d’attention du public pertinent peut être relativement faible à l’égard d’indications à caractère promotionnel, qu’il s’agisse du consommateur final moyen [voir, en ce sens, arrêts du 17 novembre 2009, Apollo Group/OHMI (THINKING AHEAD), T‑473/08, EU:T:2009:442, point 33, et du 25 mars 2014, Deutsche Bank/OHMI (Passion to Perform), T‑291/12, EU:T:2014:155, point 32] ou d’un public plus attentif de spécialistes ou de consommateurs avisés [voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2002, Sykes Enterprises/OHMI (REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS), T‑130/01, Rec, EU:T:2002:301, point 24 ; du 3 juillet 2003, Best Buy Concepts/OHMI (BEST BUY), T‑122/01, Rec, EU:T:2003:183, point 25, et du 15 septembre 2005, Citicorp/OHMI (LIVE RICHLY), T‑320/03, Rec, EU:T:2005:325, point 74]. Ces constatations sont valables même si les services visés par la demande d’enregistrement sont des services financiers et monétaires (voir, en ce sens, arrêts LIVE RICHLY, précité, EU:T:2005:325, points 73 et 74, et Passion to Perform, précité, EU:T:2014:155, point 33).

28      En second lieu, il convient de déterminer si la chambre de recours a correctement analysé la signification de la marque demandée pour conclure à son absence de caractère distinctif par rapport aux services revendiqués et par rapport à la perception qu’en a le public pertinent.

29      S’agissant de signes verbaux composés, tel que celui en cause en l’espèce, il résulte d’une jurisprudence constante que l’appréciation du caractère distinctif de tels signes ne peut se limiter à une analyse de chacun de leurs termes ou de leurs éléments, considérés isolément, mais doit, en tout état de cause, se fonder sur la perception globale de ces signes par le public pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, Rec, EU:C:2008:261, point 41 et jurisprudence citée). Cela ne saurait toutefois impliquer qu’il n’y aurait pas lieu de procéder, dans un premier temps, à un examen de chacun des différents éléments constitutifs de la marque en cause. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée [arrêts du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, Rec, EU:C:2007:635, point 82 ; du 8 février 2011, Paroc/OHMI (INSULATE FOR LIFE), T‑157/08, Rec, EU:T:2011:33, point 50, et du 6 juin 2013, Delphi Technologies/OHMI (INNOVATION FOR THE REAL WORLD), T‑515/11, EU:T:2013:300, point 29].

30      En l’occurrence, le signe demandé est composé de huit mots communs de langue anglaise, à savoir les mots « so », « what », « do », « I », « do », « with », « my » et « money ». Ainsi, comme l’a indiqué à bon droit la chambre de recours, au point 8 de la décision attaquée, le signe verbal SO WHAT DO I DO WITH MY MONEY, considéré dans son ensemble, peut être facilement appréhendé par le public pertinent, compte tenu des termes communs en anglais qui le composent et du domaine de services visés par la marque demandée.

31      En effet, la combinaison de termes communs en anglais en un seul signe, qui est conforme aux règles de la grammaire anglaise, véhicule un message clair et non équivoque, immédiatement perceptible et qui ne nécessite aucun effort d’interprétation de la part d’un consommateur anglophone (voir, en ce sens, arrêt Passion to Perform, point 27 supra, EU:T:2014:155, point 41). Ainsi, l’expression « so what do I do with my money » conduit le locuteur à s’interroger sur ce qu’il doit faire de ses ressources financières et de ses biens. En l’espèce, le consommateur moyen des services visés par la demande d’enregistrement, normalement informé, raisonnablement attentif et avisé, à la lecture ou à l’écoute de ladite expression se demandera s’il emploie efficacement son argent. Dès lors, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en relevant, au point 12 de la décision attaquée, que la question inhérente à la marque demandée soulève une préoccupation générale selon laquelle ledit consommateur devrait s’interroger sur sa situation financière, ce qui constitue le point de départ de toute réflexion d’un consommateur envisageant de solliciter les conseils d’un expert financier ou de confier ses transactions financières à l’un des prestataires desdits services.

32      À cet égard, il convient encore d’observer que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la chambre de recours n’a pas introduit, dans son analyse du caractère distinctif du signe, des concepts qui ne seraient pas présents dans l’expression « so what do I do with my money », tels que la réflexion du consommateur, le fait qu’il s’agisse d’une demande du consommateur adressée au prestataire et la compétence de ce dernier. En effet, premièrement, il convient de rappeler que la réflexion du public pertinent est par définition contenue dans la marque demandée, la requérante affirmant elle-même dans sa requête que « celle-ci prend la forme d’une question posée par le consommateur ». Deuxièmement, ce n’est pas à tort que la chambre de recours a considéré, de manière incidente, s’agissant de l’aptitude de la marque demandée à servir d’indication de l’origine commerciale des services visés par la demande d’enregistrement, que ladite expression ne soulevait qu’une demande d’ordre général pour lesdits services de la part du public pertinent. Troisièmement, il convient de relever que, au point 15 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est bornée à préciser que cette expression était élogieuse et promotionnelle, ce que la requérante ne conteste d’ailleurs pas, en ce que l’expression en cause impliquait l’idée que le prestataire de ces services l’utilisant prétendait être un partenaire compétent en matière financière et apte à répondre aux interrogations du consommateur venant le consulter. Les arguments de la requérante à cet égard doivent dès lors être rejetés.

33      De surcroît, l’expression constituant la marque demandée est univoque et ne présente aucune profondeur sémantique particulière qui empêcherait le public pertinent de faire un lien direct avec les services revendiqués (voir, en ce sens, arrêt INNOVATION FOR THE REAL WORLD, point 29 supra, EU:T:2013:300, point 40). À l’instar de ce que relève la chambre de recours, il convient de souligner que c’est précisément lorsque le public se posera la question « que dois-je faire de mon argent » (what do I do with my money) qu’il aura besoin de consulter un professionnel de l’investissement. À cet égard, il y a lieu de confirmer la constatation de la chambre de recours selon laquelle tous les services visés par la demande d’enregistrement concernent l’argent. La marque demandée constitue donc une formule banale compte tenu de la nature desdits services.

34      La requérante prétend ensuite que, dans la décision de l’examinatrice, cette dernière avait constaté l’existence d’une pluralité de significations de la marque demandée et que, dans la décision attaquée, la chambre de recours aurait dû se fonder sur cette constatation pour conclure à l’existence d’un caractère distinctif. Cet argument procède d’une lecture erronée de la décision de l’examinatrice. En effet, cette dernière n’a fait que citer l’arrêt LIVE RICHLY, point 27 supra (EU:T:2005:325, point 84) pour motiver sa décision. Or, cet arrêt rappelait, notamment, que l’existence d’une pluralité de significations ne suffisait pas en soi à conférer un caractère distinctif à un slogan promotionnel. Dès lors, même si l’examinatrice avait reconnu que la marque demandée avait une pluralité de significations, cela n’aurait pas été suffisant, en soi, pour lui conférer un caractère distinctif. L’argument de la requérante ne saurait donc être accueilli.

35      En tout état de cause, bien qu’il existe une continuité fonctionnelle entre les différentes unités de l’OHMI [arrêt du 6 novembre 2007, SAEME/OHMI – Racke (REVIAN's), T‑407/05, Rec, EU:T:2007:329, point 49], il ressort de la jurisprudence que la chambre de recours n’est pas, aux termes de l’article 64, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, limitée par le raisonnement de l’unité de l’OHMI statuant en première instance [arrêt du 16 février 2000, Procter & Gamble/OHMI (Forme d’un savon), T‑122/99, Rec, EU:T:2000:39, point 27]. Elle peut donc procéder à un nouvel examen complet du fond de la demande d’enregistrement, tant en droit qu’en fait, c’est à dire, en l’occurrence, se prononcer elle-même sur la demande d’enregistrement, en la rejetant ou en la déclarant fondée, confirmant ou infirmant en cela la décision attaquée [voir arrêt du 3 juillet 2013, Airbus/OHMI (NEO), T‑236/12, Rec, EU:T:2013:343, point 21 et jurisprudence citée, et arrêt REVIAN’s, précité, EU:T:2007:329, point 51 et jurisprudence citée].

36      En outre, le fait que le terme anglais « I » puisse, ainsi que le prétend la requérante, être utilisé par tout un chacun, ne saurait conférer à l’expression constituant la marque demandée des acceptions multiples. En effet, comme l’a souligné à juste titre la chambre de recours, au point 11 de la décision attaquée, le fait que la même phrase puisse être utilisée par différentes personnes ne signifie pas que celle‑ci possède à chaque fois une acception différente. Par ailleurs, la requérante n’a pas étayé son allégation selon laquelle le message a une connotation différente selon qu’il est perçu par un investisseur institutionnel, un gestionnaire ou un particulier. S’agissants des termes anglais « what » et « do », qui ont également, selon la requérante, de multiples significations, il suffit de relever, à l’instar de l’OHMI, que celle-ci n’a pas indiqué quels seraient ces autres significations possibles de ladite expression dans son ensemble ni les éventuels messages que cette expression serait dès lors susceptible de véhiculer.

37      S’agissant de la structure grammaticale de la marque demandée, le fait que celle-ci soit formulée sous forme de question, et plus particulièrement sous forme d’une question émanant d’un consommateur, ne saurait, en l’espèce, contrebalancer le caractère banal de la formule, compte tenu de la nature des services visés par la demande d’enregistrement. En outre, il convient de constater que la forme interrogative de la marque demandée, qui par ailleurs ne contient pas de point d’interrogation, ne suffît pas, contrairement à ce que prétend la requérante, à lui conférer un caractère distinctif [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 2 juillet 2008, Ashoka/OHMI (DREAM IT, DO IT!), T‑186/07, EU:T:2008:244, point 27].

38      Il convient de relever, au surplus, et contrairement à ce que soutient la requérante, que l’utilisation du terme anglais « so », qui signifie « donc », figurant au début du slogan en cause, bien qu’impliquant l’occurrence d’un évènement antérieur, ne suggère pas pour autant le déclenchement d’un processus cognitif chez le public pertinent pour interpréter ledit slogan. À l’instar de ce que soutient l’OHMI, l’inclusion de ce terme reflète simplement un temps de réflexion dudit public avant une prise de décision importante, à savoir investir ou non son argent. Dès lors, l’utilisation dudit terme n’est pas susceptible de remettre en cause la signification totalement claire de l’expression en cause, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 9 de la décision attaquée. Il en résulte que la marque SO WHAT DO I DO WITH MY MONEY ne possède pas de structure grammaticale inhabituelle qui pourrait lui conférer un caractère distinctif.

39      S’agissant, plus particulièrement, de la nature prétendument rhétorique et ouverte de la question inhérente au slogan en cause, il suffit de relever, à l’instar de l’OHMI, que l’éventuelle multiplicité ou même l’absence de réponse à ladite question n’a pas d’incidence sur la compréhension qu’en aura le consommateur.

40      Enfin, il importe de souligner que le fait que la marque demandée n’ait pas déjà été utilisée par des tiers signifie simplement qu’il n’y a pas d’identité avec une marque antérieure, ce qui, en tout état de cause, ne serait pertinent que dans le cadre d’une procédure d’opposition au titre de l’article 8 du règlement n° 207/2009.

41      La chambre de recours a donc, à juste titre, estimé que la marque SO WHAT DO I DO WITH MY MONEY était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

42      Il s’ensuit que la deuxième branche du moyen doit être rejetée.

 Sur la première branche

43      Par la première branche du moyen unique, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir méconnu le critère dégagé par l’arrêt Audi/OHMI, point 11 supra (EU:C:2010:29), selon lequel un slogan publicitaire pourrait avoir une double fonction en étant à la fois une formule promotionnelle et une indication d’origine commerciale, et de s’être fondée sur un critère, tiré d’arrêts obsolètes, selon lequel il suffisait que la marque soit perçue comme promotionnelle par le public concerné.

44      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

45      En premier lieu, il doit être observé que la chambre de recours a d’abord analysé le caractère distinctif de la marquée demandée, aux points 8 à 14 de la décision attaquée, en constatant que celle-ci se limitait, sans que le public pertinent ait besoin de faire des efforts pour l’interpréter, à un concept concernant l’utilisation de l’argent qui était étroitement lié aux services visés par la demande d’enregistrement et que ladite marque n’était donc « pas apte à distinguer un prestataire quelconque des très nombreux prestataires de services dans le secteur en question, c’est-à-dire à servir d’indicateur d’une origine commerciale ». Ce n’est qu’au point 15 de la décision attaquée que la chambre de recours a relevé que la marque demandée était également élogieuse et promotionnelle. Elle a ensuite poursuivi son analyse du caractère distinctif et a conclu, au point 24 de la décision attaquée, que « l’expression demandée, prise dans son ensemble, ne permettr[ait] pas au public ciblé de différencier les services visés par la demande compris dans les classes 35 et 36 par rapport à leur origine commerciale ».

46      Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétend la requérante, la chambre de recours a effectué une analyse approfondie de l’aptitude de l’expression « so what do I do with my money » à indiquer au consommateur l’origine commerciale des services en cause, avant de procéder à l’examen de la question de savoir si cette expression était une formule purement promotionnelle et élogieuse. Ce faisant, elle a également précisé, démontrant ainsi une exacte compréhension de l’arrêt Audi/OHMI, point 11 supra (EU:C:2010:29), que les critères d’appréciation des marques telles que celle en cause n’étaient « ni plus stricts, ni plus souples » que ceux applicables aux autres catégories de marques. Ainsi, elle n’a aucunement exclu que des signes puissent en principe être appréhendés à la fois comme des messages promotionnels et comme des indications de l’origine commerciale et, elle ne s’est donc pas, contrairement à ce que prétend la requérante, basée sur le critère, tiré de la jurisprudence antérieure à l’arrêt Audi/OHMI, point 11 supra (EU:C:2010:29), selon lequel il suffirait que la marque soit perçue comme promotionnelle pour en écarter le caractère distinctif.

47      Dès lors, dans la décision attaquée, la marque demandée n’a pas été rejetée au seul motif qu’elle serait perçue comme promotionnelle. En effet, la chambre de recours n’a pas rejeté la demande de marque au motif que le signe constituait un slogan promotionnel, mais au motif que, au-delà de son sens promotionnel, il ne présentait aucun élément permettant au public pertinent de la percevoir comme une indication d’origine commerciale des services en cause.

48      L’argumentation de la requérante selon laquelle, en substance, le raisonnement développé par la Cour dans l’arrêt Audi/OHMI, point 11 supra (EU:C:2010:29), devrait conduire le Tribunal à constater l’erreur commise par la chambre de recours dans la compréhension du critère adéquat à appliquer pour l’appréciation du caractère distinctif et à annuler, par conséquent, la décision attaquée, ne saurait être retenue. En effet, au point 47 dudit arrêt, la Cour a relevé que la marque VORSPRUNG DURCH TECHNIK, qui signifiait « avance par la technique », disposait d’un caractère distinctif pour le public concerné dès lors qu’elle pouvait « avoir plusieurs significations, constituer un jeu de mots ou être perçue comme fantaisiste, surprenante et inattendue, et par là même être mémorisable ». Or, contrairement aux prétentions de la requérante, à la différence de la marque VORSPRUNG DURCH TECHNIK, la marque demandée, qui ne permet pas en l’espèce d’identifier l’origine commerciale des services qu’elle vise, ne présente aucun caractère distinctif, comme il a été relevé aux points 30 à 41 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt INNOVATION FOR THE REAL WORLD, point 29 supra, EU:T:2013:300, point 54 et jurisprudence citée).

49      En deuxième lieu, il y a lieu d’observer que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en se référant au point 31 de l’arrêt du 13 avril 2011, Smart Technologies/OHMI (WIR MACHEN DAS BESONDERE EINFACH) (T‑523/09, EU:T:2011:175), plutôt qu’à l’arrêt Smart Technologies/OHMI, point 18 supra (EU:C:2012:460). En effet, force est de constater que, dans ce dernier arrêt, tout en rejetant le pourvoi dans son ensemble, la Cour a précisé, d’une part, que les constatations effectuées par le Tribunal au point 31 de l’arrêt attaqué ne révélaient pas une méconnaissance des principes établis par la Cour dans l’arrêt Audi/OHMI, point 11 supra (EU:C:2010:29), et, d’autre part, que, même si la formulation dudit point 31 se distinguait de celle du point 45 de l’arrêt Audi/OHMI, point 11 supra (EU:C:2010:29), le Tribunal y avait conclu à bon droit que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif, car elle n’était pas perçue par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services visés (arrêt Smart Technologies/OHMI, point 18 supra, EU:C:2012:460, points 32 et 33). La référence faite à l’arrêt WIR MACHEN DAS BESONDERE EINFACH, précité (EU:T:2011:175), dans la décision attaquée n’entache dès lors pas la légalité de celle-ci.

50      En troisième lieu, s’agissant du point 18 de la décision attaquée, dans lequel, selon la requérante, la chambre de recours a évoqué un prétendu test consistant à se demander si un consommateur, voyant le slogan constituant la marque demandée, penserait que cela constitue une référence à un fournisseur de services ayant la même dénomination, il convient de relever, à l’instar de l’OHMI, que cette assertion constitue une remarque incidente et non, comme le prétend la requérante, l’application d’un critère juridique inadéquat.

51      En tout état de cause, cette assertion, qui, lue dans son contexte, ne vise qu’à réitérer l’idée selon laquelle le slogan en cause ne saurait indiquer l’origine commerciale des services visés par la demande d’enregistrement, constitue un motif surabondant de la décision attaquée. Or, il ressort de la jurisprudence qu’un motif, même dans l’hypothèse où il s’avérerait erroné, ne saurait justifier l’annulation de l’acte qui en est entaché s’il revêt un caractère surabondant et s’il existe d’autres motifs qui suffisent à fonder cet acte [voir arrêt du 30 avril 2013, Boehringer Ingelheim International/OHMI (RELY-ABLE), T‑640/11, EU:T:2013:225, point 27 et jurisprudence citée].

52      Il résulte de ce qui précède que la première branche du moyen doit, également, être rejetée comme non fondée.

53      Le recours doit être ainsi rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

54      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclus en ce sens.

55      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter les dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Blackrock, Inc. est condamnée aux dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 janvier 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.