Language of document : ECLI:EU:T:2000:36

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

10 février 2000 (1)

«Association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté — Règlement(CE) n° 2352/97 — Règlement (CE) n° 2494/97 — Recours en annulation —Recevabilité — Décision PTOM — Mesure de sauvegarde — Lien de causalité»

Dans les affaires jointes T-32/98 et T-41/98,

Gouvernement des Antilles néerlandaises, représenté par Mes M. M. Slotboom etP. V. F. Bos, avocats au barreau de Rotterdam, ayant élu domicile à Luxembourgen l'étude de Me M. Loesch, 11, rue Goethe,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. T. van Rijn etP. J. Kuijper, conseillers juridiques, en qualité d'agents, ayant élu domicile àLuxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique,Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume d'Espagne, représenté par Mme N. Díaz Abad, abogado del Estado, enqualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassaded'Espagne, 4-6, boulevard Emmanuel Servais,

partie intervenante,

ayant pour objet, dans l'affaire T-32/98, une demande d'annulation du règlement(CE) n° 2352/97 de la Commission, du 27 novembre 1997, instaurant des mesuresspécifiques à l'importation de riz originaire des pays et territoires d'outre-mer (JOL 326, p. 21), et, dans l'affaire T-41/98, une demande d'annulation du règlement(CE) n° 2494/97 de la Commission, du 12 décembre 1997, relatif à la délivrance decertificats d'importation de riz relevant du code NC 1006 originaire des pays etterritoires d'outre-mer, dans le cadre des mesures spécifiques instaurées par lerèglement (CE) n° 2352/97 (JO L 343, p. 17),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, K. Lenaerts et J. Azizi, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 21 septembre 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Les Pays-Bas comprennent, outre leur partie européenne, les Antilles néerlandaiseset l'île d'Aruba. Ces deux dernières entités font partie des pays et territoiresd'outre-mer (PTOM) énumérés à l'annexe IV du traité CE (devenue, aprèsmodification, annexe II) et dont l'association à la Communauté est réglée par laquatrième partie dudit traité.

Dispositions pertinentes du traité

2.
    L'article 131 du traité CE (devenu, après modification, article 182 CE) énonce dansson deuxième alinéa que «le but de l'association est la promotion dudéveloppement économique et social des [PTOM], et l'établissement de relationséconomiques étroites entre eux et la Communauté dans son ensemble».

3.
    Aux termes de l'article 132, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 183,paragraphe 1, CE), «les États membres appliquent à leurs échanges commerciauxavec les [PTOM] le régime qu'ils s'accordent entre eux en vertu du présent traité».

4.
    L'article 133, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 184,paragraphe 1, CE) prévoit que «les importations originaires des [PTOM]bénéficient à leur entrée dans les États membres de l'élimination totale des droitsde douane qui intervient progressivement entre les États membres conformémentaux dispositions du présent traité».

5.
    L'article 134 du traité CE (devenu article 185 CE) dispose, quant à lui, que, «[s]ile niveau des droits applicables aux marchandises en provenance d'un pays tiers àl'entrée dans un [PTOM] est, compte tenu de l'application des dispositions del'article 133, paragraphe 1, de nature à provoquer des détournements de trafic audétriment d'un des États membres, celui-ci peut demander à la Commission deproposer aux autres États membres les mesures nécessaires pour remédier à cettesituation».

6.
    Aux termes de l'article 136 du traité CE (devenu, après modification, article187 CE), le Conseil établit les modalités de l'association entre les PTOM et laCommunauté.

Décision PTOM, décision de révision à mi-parcours et différentes mesures adoptées en1997

7.
    En vertu de l'article 136 du traité, le Conseil a adopté, le 25 juillet 1991, la décision91/482/CEE relative à l'association des PTOM à la Communauté économiqueeuropéenne (JO L 263, p. 1, ci-après la «décision PTOM»).

8.
    Les articles 101, paragraphe 1, et 102 de la décision PTOM disposaient,respectivement, jusqu'à leur modification le 30 novembre 1997: «Les produitsoriginaires des PTOM sont admis à l'importation dans la Communauté enexemption de droits de douane et de taxes d'effet équivalent.

[...]

La Communauté n'applique pas à l'importation des produits originaires des PTOMde restrictions quantitatives ni de mesures d'effet équivalent.»

9.
    L'article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM dispose que la Commission peut,selon la procédure déterminée à l'annexe IV de ladite décision, prendre desmesures d'exception sous la forme de mesures de sauvegarde à l'égard desimportations de produits originaires des PTOM. Les articles 109, paragraphe 2, et110 de la décision PTOM traitent des conditions auxquelles doivent satisfaire cesmesures.

10.
    En vertu de son article 240, la décision PTOM est applicable pour une période dedix années à compter du 1er mars 1990. Cet article prévoit également, en sonparagraphe 3, que, avant l'expiration de la première période de cinq ans, leConseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, arrête, outre lesconcours financiers de la Communauté pour la deuxième période de cinq ans, lecas échéant, les modifications éventuelles de la décision PTOM souhaitées par lesautorités compétentes des PTOM ou proposées par la Commission sur la base desa propre expérience ou du lien avec des modifications en cours de négociationentre la Communauté et les pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique). Leséventuelles modifications ainsi arrêtées prennent la forme d'une «décision derévision à mi-parcours».

11.
    Le 24 novembre 1997, en application de l'article 240, paragraphe 3, susvisé, leConseil a adopté la décision 97/803/CE portant révision à mi-parcours de ladécision PTOM (JO L 329, p. 50, ci-après la «décision de révision à mi-parcours»).Cette décision limite les importations de riz et de sucre en provenance des PTOMdans la Communauté.

12.
    Le requérant a formé un recours en annulation à l'encontre de la décision derévision à mi-parcours devant le Tribunal (affaire T-310/97). Au titre de l'article177 du traité CE (devenu article 234 CE), le président del'Arrondissementsrechtbank 's-Gravenhage (Pays-Bas) a demandé à la Cour de seprononcer sur la validité de ladite décision (affaire C-17/98). Par ordonnance du16 novembre 1998, Antilles néerlandaises/Conseil (T-310/97, Rec. p. II-4131), leTribunal a suspendu la procédure dans l'affaire T-310/97 jusqu'au prononcé del'arrêt de la Cour dans l'affaire C-17/98.

13.
    Au cours de l'année 1997, l'application de la décision PTOM a conduit laCommission à prendre certaines mesures au titre de l'article 109, susvisé,notamment dans le secteur de l'importation du riz.

14.
    Ainsi, par son règlement (CE) n° 304/97, du 17 février 1997, instaurant des mesuresde sauvegarde à l'importation de riz originaire des PTOM (JO L 51, p. 1), leConseil a adopté les premières mesures de sauvegarde limitant les importationsdans la Communauté de riz originaire des PTOM entre le 1er janvier 1997 et le 30avril 1997. Le royaume des Pays-Bas et la société Antillean Rice Mills ont introduit

un recours en annulation à l'encontre de ce règlement, respectivement, devant laCour (affaire C-110/97) et devant le Tribunal (affaire T-41/97). Par ordonnance du16 novembre 1998, Antillean Rice Mills/Conseil (T-41/97, Rec. p. II-4117), leTribunal s'est dessaisi de l'affaire T-41/97 au profit de la Cour afin que celle-cipuisse se prononcer sur les demandes en annulation.

15.
    Par son règlement (CE) n° 1036/97, du 2 juin 1997, instaurant des mesures desauvegarde à l'importation de riz originaire des PTOM (JO L 151, p. 8), le Conseila arrêté de nouvelles mesures de sauvegarde limitant les importations dans laCommunauté de riz originaire des PTOM entre le 1er mai 1997 et le 30 novembre1997. Le requérant et le royaume des Pays-Bas ont introduit un recours enannulation à l'encontre de ce règlement, respectivement, devant le Tribunal (affaireT-179/97) et devant la Cour (affaire C-301/97). Par ordonnance du 16 novembre1998, Antilles néerlandaises/Conseil et Commission (T-163/97 et T-179/97, Rec.p. II-4123), le Tribunal s'est également dessaisi de l'affaire T-179/97 au profit dela Cour.

16.
    Par son règlement (CE) n° 2352/97, du 27 novembre 1997, instaurant des mesuresspécifiques à l'importation de riz originaire des PTOM (JO L 326, p. 21), laCommission a pris une troisième série de mesures de sauvegarde imposant ladélivrance de certificats d'importation pour le riz originaire des PTOM et laconstitution d'une garantie bancaire correspondant à 50 % du montant des droitsde douane normalement applicables au volume de riz pour lequel des certificatsd'importation sont demandés. Ce règlement prévoyait en outre que, en cas dedépassement d'un volume mensuel de demandes de certificats équivalent à13 300 tonnes de riz et de risque de perturbations sensibles du marchécommunautaire, la Commission arrêterait certaines mesures à l'encontre desdemandes dépassant ce seuil de 13 300 tonnes. Il est entré en vigueur le 1erdécembre 1997.

17.
    Le 12 décembre 1997, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 2494/97,relatif à la délivrance de certificats d'importation de riz relevant du code NC 1006originaire des PTOM, dans le cadre des mesures spécifiques instaurées par lerèglement n° 2352/97 (JO L 343, p. 17). Elle a, notamment, exclu la délivrance decertificats d'importation à partir du 3 décembre 1997 et a suspendu le dépôt denouvelles demandes de certificats d'importation jusqu'au 31 décembre 1997.

18.
    Le règlement n° 2352/97 a été abrogé par l'article 14 du règlement n° 2603/97/CEde la Commission, du 16 décembre 1997, fixant les modalités d'application pourl'importation de riz originaire des États ACP ainsi que pour l'importation de rizoriginaire des PTOM (JO L 351, p. 22), en exécution de l'article 108 bis de ladécision PTOM, telle que modifiée. Le requérant a également introduit un recoursen annulation à l'encontre de ce règlement devant le Tribunal (affaire T-52/98). Parordonnance du 11 février 1999, Antilles néerlandaises/Commission (T-52/98, non

publiée au Recueil), le Tribunal a suspendu la procédure dans l'affaire T-52/98jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour dans l'affaire C-17/98.

Procédure

19.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 février 1998, le requérant aintroduit un recours visant à obtenir l'annulation du règlement n° 2352/97 (affaireT-32/98).

20.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 mars 1998, le requérant a introduitun recours visant à obtenir l'annulation du règlement n° 2494/97 (affaire T-41/98).

21.
    Par actes déposés au greffe du Tribunal les 28 mai et 11 juin 1998, le royaumed'Espagne a demandé, conformément à l'article 115 du règlement de procédure,à intervenir dans les affaires T-32/98 et T-41/98 au soutien des conclusions de laCommission. Par ordonnances du président de la quatrième chambre du Tribunaldes 1er et 10 juillet 1998, il a été fait droit à ces demandes. Les 31 juillet et 6 août1998, le royaume d'Espagne a déposé, dans les deux affaires, ses mémoires enintervention, sur lesquels les parties ont pu présenter leurs observations.

22.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrirla procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Au titredes mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement deprocédure, certaines questions écrites ont été adressées aux parties qui y ontrépondu dans le délai imparti.

23.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses auxquestions du Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée, pour les deuxaffaires, le 21 septembre 1999.

24.
    Les parties entendues sur ce point, le Tribunal décide de joindre les deux affairesaux fins de l'arrêt.

Conclusions des parties

25.
    Dans l'affaire T-32/98, le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—     annuler le règlement n° 2352/97;

—    condamner la Commission aux dépens.

26.
    Dans l'affaire T-41/98, le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—     annuler le règlement n° 2494/97;

—    condamner la Commission aux dépens.

27.
    La Commission conclut dans les affaires T-32/98 et T-41/98 à ce qu'il plaise auTribunal:

—    déclarer le recours irrecevable ou, du moins, non fondé;

—    condamner le requérant aux dépens.

28.
    La partie intervenante conclut dans les affaires T-32/98 et T-41/98 à ce qu'il plaiseau Tribunal:

—    déclarer le recours irrecevable pour absence de qualité pour agir;

—    subsidiairement, rejeter le recours comme non fondé;

—    condamner le requérant aux dépens.

Sur la recevabilité de l'intervention

29.
    Le requérant prétend que le Tribunal ne peut pas prendre en compte lesobservations formulées par le royaume d'Espagne dans ses mémoires enintervention. Il fait valoir, à cet effet, qu'il n'existe aucun lien de droitcommunautaire entre les Antilles néerlandaises et cet État membre. En effet, leroyaume des Pays-Bas n'aurait ratifié que pour son territoire européen le traitéd'adhésion du royaume d'Espagne.

30.
    Le Tribunal relève que, certes, les ordonnances des 1er et 10 juillet 1998, parlesquelles le royaume d'Espagne a été admis à intervenir à l'appui des conclusionsde la Commission dans les affaires T-32/98 et T-41/98, ne s'opposent pas à ce qu'ilsoit procédé à un nouvel examen de la recevabilité de son intervention dans l'arrêtmettant fin à l'instance (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Shell/Commission,C-234/92 P, non encore publié au Recueil, point 25).

31.
    Toutefois, contrairement à ce que prétend le requérant, l'intervention du royaumed'Espagne dans les deux affaires est recevable. En effet, conformément à l'article37, premier alinéa, du statut CE de la Cour, applicable au Tribunal en vertu del'article 46, premier alinéa, de ce statut, les États membres ont le droit d'intervenirdans tout litige soumis au Tribunal. Le fait que le royaume des Pays-Bas n'auraitratifié que pour son territoire européen le traité d'adhésion du royaume d'Espagnen'est pas de nature à affecter l'exercice, par ce dernier, de ce droit qui lui estreconnu en vertu de sa qualité d'État membre.

Sur la recevabilité des recours

Argumentation des parties

32.
    Sans soulever formellement des exceptions d'irrecevabilité au titre de l'article 114,paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission conteste la recevabilitédes recours, pour trois motifs.

33.
    En premier lieu, la Commission fait valoir que le requérant n'est pas en droit defonder ses recours sur l'article 173, deuxième alinéa, du traité CE (devenu, aprèsmodification, article 230, deuxième alinéa, CE). Elle se réfère à l'ordonnance dela Cour du 21 mars 1997, Région wallonne/Commission (C-95/97, Rec. p. I-1787,point 6), et ajoute que la quatrième partie du traité ne reconnaît pas aux Antillesnéerlandaises des droits particuliers, ni ne leur impose des obligations particulièresqui rendraient leur position juridique comparable à celle des États membres. Leurrôle dans le processus de décision relatif aux domaines concernés par cettequatrième partie du traité ne serait pas comparable non plus à celui desinstitutions.

34.
    En deuxième lieu, la Commission estime que les recours, pour autant qu'ils sontfondés sur l'article 173, quatrième alinéa, du traité sont aussi irrecevables. D'abord,le requérant ne serait pas directement concerné par les règlements n°s 2352/97 et2494/97 (ci-après les «règlements attaqués»). En effet, les Antilles néerlandaisesne faisant pas, en tant que telles, le commerce du riz avec la Communauté, leurgouvernement ne pourrait être concerné par les règlements attaqués que dans lamesure où les entreprises du secteur du riz établies sur leur territoire seraientaffectées. Ensuite, le requérant ne serait pas non plus individuellement concernépar les règlements attaqués. La Commission relève, à cet effet, que la mention desAntilles néerlandaises à l'annexe IV du traité n'est pas déterminante. Le requérantn'appartiendrait pas non plus à un cercle fermé de sujets de droit au sens de lajurisprudence (arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62,Rec. p. 197), le nombre et l'identité des personnes auxquelles les règlementsattaqués seraient applicables n'étant pas définitivement connus au moment del'adoption de ceux-ci. Les Antilles néerlandaises ne posséderaient pas desparticularités factuelles ou juridiques telles qu'elles devraient être distinguées desautres PTOM. Chaque PTOM aurait ainsi, à tout le moins en théorie, la possibilitéde transformer du riz de la même manière que les Antilles néerlandaises. Lasituation serait différente de celle prévalant en 1993, dans laquelle seules lesAntilles néerlandaises exportaient du riz vers la Communauté, alors que, depuis1996, Montserrat se serait également mis à exporter du riz. La Commission cite,encore, un extrait de l'ordonnance du Tribunal du 16 juin 1998, ComunidadAutónoma de Cantabria/Conseil (T-238/97, Rec. p. II-2271, points 49 et 50).

35.
    Les Antilles néerlandaises seraient, en outre, explicitement mentionnées auseptième considérant du règlement n° 2352/97, uniquement pour indiquer que ladécision du ministre des Affaires économiques et des Finances de leur

gouvernement instaurant un prix minimal à l'exportation du riz ne rend passuperflue l'adoption des mesures de sauvegarde contestées. Il ne saurait s'endéduire que le requérant est individuellement concerné par ledit règlement. Demême, l'article 109 de la décision PTOM imposerait à la Commission de tenircompte des conséquences que des mesures de sauvegarde peuvent avoir pourl'économie de tous les PTOM et pas seulement pour celle des Antillesnéerlandaises. Un critère quantitatif tiré du volume de riz exporté vers laCommunauté ne satisferait pas non plus aux conditions de recevabilité dégagéespar la jurisprudence.

36.
    En troisième lieu, la Commission soutient, d'abord, que le requérant ne justifie pasd'un intérêt à agir suffisant pour introduire les présents recours en annulation envertu de l'article 173, quatrième alinéa, du traité. Elle rappelle que les Antillesnéerlandaises ne sont qu'une subdivision du royaume des Pays-Bas qui, lui, disposed'un droit de vote au sein du Conseil. Elle considère, dès lors, que, compte tenude la place occupée par les représentants du requérant au sein du gouvernementdes Pays-Bas, les Antilles néerlandaises ne sauraient être dissociées de l'Étatmembre dont elles font partie intégrante lorsque ce dernier se prononce sur unequestion concernant les PTOM.

37.
    Ensuite, la Commission relève que le royaume des Pays-Bas dispose d'un droit derecours autonome en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité et que,contrairement aux règlements n°s 304/97 et 1036/97, les règlements attaqués n'ontpas fait l'objet, de la part de celui-ci, d'un recours en annulation (voir ci-dessuspoints 14 et 15).

38.
    Enfin, la Commission fait remarquer que, afin de défendre les intérêts des PTOM,une procédure de recours spéciale a été instituée auprès du Conseil pour les Étatsmembres dont ces PTOM dépendent (article 1er, paragraphe 5, de l'annexe IV dela décision PTOM). La décision PTOM confierait donc la défense des intérêts desPTOM à ces États membres.

39.
    Dans sa duplique, la Commission expose qu'il n'est pas souhaitable de reconnaîtreun intérêt à agir au requérant, dans la mesure où cela reviendrait à admettre quecelui-ci puisse remettre en cause devant le juge communautaire la mise en balancedes intérêts qui a été effectuée par les organes compétents du royaume des Pays-Bas et qui, dans cette matière, ne doit l'être que par ceux-ci. Le Tribunal auraitconfirmé cette analyse dans son ordonnance Comunidad Autónoma deCantabria/Conseil, précitée. La situation, en revanche, aurait été différente dansl'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal du 30 avril 1998, VlaamsGewest/Commission (T-214/95, Rec. p. II-717), en ce que la décision attaquée dela Commission portait sur une aide relevant de la seule compétence d'une entitéfédérée du royaume de Belgique. En l'espèce, la Commission souligne que lesdifférentes entités composant les Pays-Bas n'ont aucune compétence propre decette nature en ce qui concerne le régime commercial des PTOM.

40.
    Le royaume d'Espagne conclut également à l'irrecevabilité des recours, en faisantobserver que le requérant n'a pas qualité pour agir en l'occurrence. Il soutient,notamment, que le requérant n'est pas directement concerné par les règlementsattaqués, puisque des mesures d'application de ces règlements devraient encoreêtre prises.

41.
    Le requérant réfute tous les arguments présentés par la Commission et fait valoirque ses recours sont recevables en vertu des dispositions prévues par l'article 173du traité, tant au deuxième qu'au quatrième alinéa.

Appréciation du Tribunal

42.
    S'agissant, d'abord, de la recevabilité des recours pour autant qu'ils sont fondés surl'article 173, deuxième alinéa, du traité, il y a lieu de rappeler que, en applicationde l'article 3 de la décision 88/591/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes(JO L 319, p. 1), telle que modifiée, le Tribunal est compétent pour connaître, enpremière instance, des recours en annulation qui relèvent du quatrième alinéa del'article 173 du traité. En revanche, seule la Cour est compétente pour connaîtredes recours introduits, au titre de l'article 173, deuxième alinéa, du traité, par unÉtat membre, le Conseil ou la Commission. Dès lors, si le requérant estimaitpouvoir se fonder sur cette dernière disposition du traité pour demanderl'annulation des règlements attaqués, il lui aurait appartenu d'introduire ses recoursdevant cette juridiction.

43.
    En tout état de cause, il ressort de l'économie générale des traités que la notiond'État membre, au sens des dispositions institutionnelles et, en particulier, de cellesportant sur les recours juridictionnels, vise les seules autorités gouvernementalesdes États membres des Communautés européennes et ne saurait être élargie auxgouvernements de régions ou de communautés autonomes, quelle que soitl'étendue des compétences qui leur sont reconnues (arrêt VlaamsGewest/Commission, précité, point 28, ordonnance Comunidad Autónoma deCantabria/Conseil, précitée, point 42 et la jurisprudence citée, et ordonnance duTribunal du 23 octobre 1998, Regione Puglia/Commission et Espagne, T-609/97,Rec. p. II-4051, point 16). Le requérant n'est donc pas recevable à agir enapplication de l'article 173, deuxième alinéa, du traité.

44.
    S'agissant, ensuite, de la recevabilité des recours pour autant qu'ils sont fondés surl'article 173, quatrième alinéa, du traité, il y a lieu de rappeler, liminairement, queles dispositions du traité concernant le droit d'agir des justiciables ne sauraient êtreinterprétées restrictivement (voir, notamment, arrêt Plaumann/Commission, précité,p. 222, et arrêt du Tribunal du 11 juillet 1996, Métropole télévisione.a./Commission, T-528/93, T-542/93, T-543/93 et T-546/93, Rec. p. II-649, point60).

45.
    Il est constant que les Antilles néerlandaises sont une entité autonome jouissant dela personnalité juridique en vertu du droit néerlandais. Or, une composanteterritoriale d'un État membre, jouissant de la personnalité juridique en vertu dudroit interne, peut, en principe, introduire un recours en annulation en vertu del'article 173, quatrième alinéa, du traité, aux termes duquel toute personnephysique ou morale peut former un recours contre les décisions dont elle est ledestinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l'apparence d'unrèglement ou d'une décision adressée à une autre personne, la concernentdirectement et individuellement (ordonnance Comunidad Autónoma deCantabria/Conseil, précitée, point 43).

46.
    Les règlements attaqués n'étant pas des décisions adressées au requérant, au sensde l'article 173, quatrième alinéa, du traité, il y a lieu de vérifier s'ils constituent desactes de portée générale ou s'il faut les considérer comme des décisions prises sousl'apparence d'un règlement. Pour déterminer la portée générale ou non d'un acte,il y a lieu d'apprécier sa nature et les effets juridiques qu'il vise à produire ou qu'ilproduit effectivement (arrêt de la Cour du 6 octobre 1982, Alusuisse/Conseil etCommission, 307/81, Rec. p. 3463, point 8).

47.
    En l'espèce, il ressort, certes, du préambule du règlement n° 2352/97 que laCommission a pris en compte, au moment de l'adoption de cet acte, l'attitude durequérant et, notamment, la fixation d'un prix minimal à l'exportation par cedernier. De même, tant dans ses écrits que lors de l'audience, la Commission n'apas contesté avoir, au moment de l'adoption des règlements attaqués, euconnaissance du fait que la majeure partie des importations de riz originaire desPTOM provenait des Antilles néerlandaises. Toutefois, force est de constater quela Commission n'a pas adopté de décisions visant les seules importations de rizayant une telle provenance. En effet, la Commission a pris des mesures de portéegénérale, indistinctement applicables à l'importation de riz originaire de tous lesPTOM.

48.
    Par conséquent, les règlements attaqués ont, par leur nature, une portée généraleet ne constituent pas des décisions au sens de l'article 189 du traité CE (devenuarticle 249 CE).

49.
    Il importe cependant d'examiner si, malgré la portée générale des règlementsattaqués, le requérant peut néanmoins être considéré comme directement etindividuellement concerné par ceux-ci. En effet, la portée générale d'un acten'exclut pas, pour autant, qu'il puisse concerner directement et individuellementcertaines personnes physiques ou morales (voir arrêt de la Cour du 18 mai 1994,Codorniu/Conseil, C-309/89, Rec. p. I-1853, point 19; arrêts du Tribunal du 14septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission, T-480/93 et T-483/93, Rec.p. II-2305, point 66, et du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkense.a./Commission, T-481/93 et T-484/93, Rec. p. II-2941, point 50).

50.
    S'agissant, d'abord, du point de savoir si le requérant est individuellement concernépar les règlements attaqués, il y a lieu de rappeler que pour qu'une personnephysique ou morale puisse être considérée comme individuellement concernée parun acte de portée générale adopté par une institution communautaire, il fautqu'elle soit atteinte, par l'acte en cause, en raison de certaines qualités qui lui sontparticulières ou d'une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autrepersonne (arrêts Plaumann/Commission, précité, p. 223, et Codorniu/Conseil,précité, point 20; arrêts du Tribunal du 27 avril 1995, CCE de Vittele.a./Commission, T-12/93, Rec. p. II-1247, point 36, et du 17 juin 1998,UEAPME/Conseil, T-135/96, Rec. p. II-2335, point 69, et ordonnance du Tribunaldu 30 septembre 1997, Federolio/Commission, T-122/96, Rec. p. II-1559, point 59).

51.
    A cet égard, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, le faitque la Commission ait l'obligation, en vertu de dispositions spécifiques, de tenircompte des conséquences de l'acte qu'elle envisage d'adopter sur la situation decertains particuliers est de nature à individualiser ces derniers (arrêts de la Courdu 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec. p. 207, du 26 juin1990, Sofrimport/Commission, C-152/88, Rec. p. I-2477; arrêt Tribunal AntilleanRice Mills e.a./Commission, précité, point 67, et arrêt de la Cour du 11 février1999, Antillean Rice Mills e.a./Commission, C-390/95 P, Rec. p. I-769, points 25 à30).

52.
    En l'espèce, le règlement n° 2352/97 et, en tant que mesure d'exécution de celui-ci,le règlement n° 2494/97 ont été adoptés sur la base de l'article 109 de la décisionPTOM qui prévoit, dans son paragraphe 1, que la Commission est, sous certainesconditions, autorisée à prendre des mesures de sauvegarde.

53.
    L'article 109 susvisé énonce, dans son paragraphe 2, que, «pour l'application duparagraphe 1, doivent être choisies par priorité les mesures qui apportent leminimum de perturbations au fonctionnement de l'association et de laCommunauté. Ces mesures ne doivent pas avoir une portée dépassant cellestrictement indispensable pour remédier aux difficultés qui se sont manifestées».

54.
    Il résulte de cette disposition que, lorsque la Commission envisage de prendre desmesures de sauvegarde sur la base de l'article 109, paragraphe 1, de la décisionPTOM, elle est tenue de prendre en considération les répercussions négatives quesa décision risque d'avoir sur l'économie du pays ou du territoire d'outre-merconcerné ainsi que pour les entreprises intéressées (arrêt du 11 février 1999,Antillean Rice Mills e.a./Commission, précité, point 28, et arrêt du 14 septembre1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission, précité, point 70).

55.
    Or, le requérant figure parmi les PTOM nommément cités à l'annexe IV du traitéauxquels s'appliquent les dispositions de la quatrième partie du traité concernantl'association des PTOM. En vertu de l'article 109, paragraphe 2, de la décisionPTOM, la Commission était donc obligée de tenir compte, au moment del'adoption des règlements attaqués, de la situation particulière du requérant,

d'autant plus qu'il était prévisible que les répercussions négatives des mesuresprises seraient ressenties principalement sur le territoire de ce dernier. En effet, aumoment de l'adoption des règlements attaqués, la Commission avait connaissance,comme elle l'a reconnu d'ailleurs aussi bien dans ses écrits qu'à l'audience, du faitque la majeure partie des importations dans la Communauté de riz originaire desPTOM provenait des Antilles néerlandaises.

56.
    Le requérant bénéficiant ainsi d'une protection spécifique au titre du droitcommunautaire au moment de l'adoption par la Commission des règlementsattaqués est atteint par ceux-ci en raison d'une situation de fait qui le caractérisepar rapport à toute autre personne (arrêts Plaumann/Commission, précité, p. 223,Piraiki-Patraiki, précité, points 28 à 31, et du 11 février 1999, Antillean Rice Millse.a./Commission, précité, point 28). Par conséquent, le requérant estindividuellement concerné par les règlements attaqués au sens de l'article 173,quatrième alinéa, du traité.

57.
    Certes, comme le souligne la Commission, il ne suffit pas pour admettre qu'unecollectivité régionale d'un État membre est individuellement concernée par un actecommunautaire que celle-ci démontre que l'application, ou la mise en oeuvre, del'acte est susceptible d'affecter les conditions socio-économiques sur son territoire(voir ordonnances Comunidad Autónoma de Cantabria/Conseil, précitée, points 49et 50, et Regione Puglia/Commission et Espagne, précitée, points 21 et 22).Toutefois, en l'espèce, le requérant est individuellement concerné par lesrèglements attaqués en ce que la Commission, lorsqu'elle envisageait d'adopterceux-ci, était obligée de tenir compte spécifiquement de la situation du requérant,en vertu de l'article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM.

58.
    En ce qui concerne, ensuite, l'intérêt du requérant à agir en vue d'obtenirl'annulation des règlements attaqués, il ne saurait être exclu au seul motif que leroyaume des Pays-Bas dispose d'un droit de recours autonome en vertu de l'article173, deuxième alinéa, du traité. A cet égard, il y a lieu de signaler que, dansd'autres matières, la coexistence de l'intérêt à agir d'un État membre et de celuide l'une de ses entités à l'encontre d'un même acte n'a pas conduit le Tribunal àconsidérer que l'intérêt à agir de l'entité n'était pas suffisant pour justifier larecevabilité d'un recours en annulation introduit sur la base de l'article 173,quatrième alinéa, du traité (voir arrêts du Tribunal Vlaams Gewest/Commission,précité, point 30, et du 15 décembre 1999, Freistaat Sachsen etVolkswagen/Commission, T-132/96 et T-143/96, non encore publié au Recueil, point92). Le fait que le royaume des Pays-Bas aurait pu introduire, en vertu de l'article1er, paragraphe 5, de l'annexe IV de la décision PTOM, la procédure de recoursspéciale auprès du Conseil contre les règlements attaqués n'est pas non plus denature à affecter l'intérêt du requérant à agir en l'espèce.

59.
    De même, l'argument de la Commission selon lequel la mise en balance effectuéepar un État membre des intérêts des différentes régions qui le composent,

antérieurement à la définition d'une position de cet État membre au sein duConseil, ne saurait être mise en cause par une région particulière devant le jugecommunautaire doit aussi être rejeté. Il suffit de constater, à cet effet, que lesrèglements attaqués ont été pris par la Commission et non par le Conseil. Or, laCommission exerce ses fonctions en pleine indépendance des États membres dansl'intérêt général de la Communauté.

60.
    S'agissant, enfin, du point de savoir si le requérant est directement concerné parles règlement attaqués, il doit être constaté que le règlement n° 2352/97 contientune réglementation complète ne laissant place à aucune appréciation de la part desautorités des États membres. En effet, pour le riz originaire des PTOM, il règle,de manière contraignante, le mécanisme de demande et de délivrance descertificats d'importation et habilite, en outre, la Commission à suspendre leurdélivrance en cas de dépassement d'un quota qu'il détermine et de perturbationssensibles du marché. Le requérant est donc directement concerné par le règlementn° 2352/97 (voir arrêts de la Cour du 13 mai 1971, International Fruit Companye.a./Commission, 41/70 à 44/70, Rec. p. 411, points 23 à 28, et du 23 avril 1986, LesVerts/Parlement, 294/83, Rec. p. 1339, point 31).

61.
    Le requérant est aussi directement concerné par le règlement n° 2494/97 dès lorsque ce règlement exclut la délivrance de certificats d'importation pour le rizrelevant du code NC 1006 et originaire des PTOM pour les demandes présentéesà partir du 3 décembre 1997 et suspend jusqu'au 31 décembre 1997 le dépôt denouvelles demandes de certificats d'importation pour le riz ayant une telle origine.

62.
    Il résulte de tout ce qui précède que les présents recours doivent être déclarésrecevables.

Sur le fond

63.
    Le requérant invoque dix moyens à l'appui de son recours dans l'affaire T-32/98.Le premier est tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir. Le deuxième estpris d'une erreur dans le choix de la base juridique du règlement n° 2352/97. Letroisième est tiré de la violation du principe de sécurité juridique et le quatrièmede la violation de l'article 133, paragraphe 1, du traité. Le cinquième est pris de laviolation des articles 132, paragraphe 1, et 134 du traité, ainsi que de l'article 102de la décision PTOM et de l'article 19 de l'annexe II de la décision PTOM. Lesixième moyen est tiré de la violation de l'article 7, paragraphe 5, de l'accord surles sauvegardes et de l'article XIII:2(c) du GATT (accord général sur les tarifsdouaniers et le commerce) de 1994, ainsi que de l'article 228, paragraphe 7, dutraité CE (devenu, après modification, article 300, paragraphe 7, CE). Le septièmemoyen est pris de la violation de l'article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM.Le huitième moyen est pris de la violation de l'article 109, paragraphe 2, de ladécision PTOM. Le neuvième moyen est pris de la violation de l'article 190 du

traité CE (devenu article 253 CE) et le dixième de la violation des formessubstantielles.

64.
    Dans l'affaire T-41/98, le requérant demande l'annulation du règlement n° 2494/97en excipant de l'illégalité du règlement n° 2352/97, sur le fondement des mêmesmoyens que ceux invoqués dans le cadre de l'affaire T-32/98.

65.
    Il convient d'examiner d'abord le moyen tiré d'une violation de l'article 109,paragraphe 1, de la décision PTOM.

Argumentation des parties

66.
    Le requérant soutient, en premier lieu, que l'article 109, paragraphe 1, de ladécision PTOM ne permet pas à la Commission de prendre des mesures desauvegarde en raison du volume des importations originaires des PTOM. Lerequérant se réfère, à cet effet, à l'article 132, paragraphe 1, du traité et souligneque les États membres ne sont pas autorisés à prendre des mesures de sauvegarderestreignant les échanges entre eux en raison du volume des importations enprovenance d'autres États membres. En deuxième lieu, le requérant relève que, àsupposer même que la Commission soit en droit de se prévaloir du volume desimportations en provenance des PTOM pour adopter des mesures de sauvegarde,en l'espèce, elle n'est pas en mesure de démontrer qu'il existait un risque que laquantité de riz importée des PTOM soit telle qu'elle cause une perturbation dumarché communautaire. En troisième lieu, le requérant soutient qu'une telleperturbation ne pouvait pas découler du volume des importations de riz enprovenance des PTOM, en raison du prix minimal à l'exportation qu'il avaitinstauré pour le riz originaire des Antilles néerlandaises.

67.
    La Commission rétorque, d'abord, que le premier argument du requérant reposesur une interprétation inexacte de l'article 132, paragraphe 1, du traité. Cettedisposition ne contiendrait pas une règle de droit inconditionnelle, mais énonceraitsimplement l'un des objectifs poursuivis par la coopération entre les PTOM et laCommunauté. Le requérant ne pourrait donc valablement invoquer cet article pourdénier à la Commission le droit d'adopter des mesures sur la base de l'article 109de la décision PTOM en raison du volume des importations de produits originairesdes PTOM.

68.
    En deuxième lieu, la Commission souligne que l'augmentation des quantités de rizimportées des PTOM à partir de la campagne 1995/1996 a été plus forte que celledu volume total des importations de riz dans la Communauté. La part desimportations en provenance des PTOM aurait augmenté depuis la campagne1994/1995, jusqu'à ce que les premières mesures de sauvegarde soient adoptées audébut de l'année 1997.

69.
    La Commission déclare que les statistiques de la Communauté montrent que levolume total des importations de riz originaire des PTOM s'est élevé à162 541 tonnes de riz blanchi pour la campagne 1996/1997, et non à 65 000 tonnescomme le prétend le requérant. L'augmentation des importations de riz enprovenance des PTOM aurait ainsi exposé les prix du riz paddy communautaire àde très fortes pressions, nécessitant des achats à l'intervention et même desexportations avec restitutions de riz indica communautaire sur un marché pourtantstructurellement déficitaire. Les mesures de sauvegarde auraient, en fait, pu arrêteret infléchir la tendance à la baisse constatée sur le marché communautaire.

70.
    La Commission souligne encore qu'elle n'a pas à démontrer l'existence d'un liende causalité entre la menace de perturbation du marché communautaire du riz etl'importation de riz originaire des PTOM. Il suffirait qu'il existe un certain rapportentre les deux phénomènes. Or, il serait indéniable que les importations enprovenance de pays tiers ont une influence sur ce marché.

71.
    En troisième lieu, la Commission rétorque que, si le riz originaire des PTOM quiest exporté vers la Communauté est essentiellement d'origine antillaise, il n'en restepas moins qu'il ne provient pas exclusivement des Antilles néerlandaises. LaCommission soutient qu'elle était tenue de fixer une limite pour tous les PTOM etqu'elle ne pouvait donc prendre une mesure distincte pour les seules Antillesnéerlandaises.

72.
    La partie intervenante expose que, au moment où le règlement n° 2352/97 a étéadopté, les importations de riz originaire des PTOM provoquaient de gravesperturbations sur le marché communautaire. Elle cite, notamment, desinterventions de députés et de membres de la Commission au Parlement européen,qui font apparaître l'importante augmentation de ces importations depuis 1995. Lapartie intervenante fournit également des indications sur le prix du riz indica enéquivalent décortiqué produit sur son territoire, qui traduisent une baisse de ce prixentre janvier 1997 et février 1998. Elle rappelle aussi le large pouvoird'appréciation reconnu à la Commission en cette matière.

Appréciation du Tribunal

73.
    Il doit d'abord être rappelé que le règlement n° 2352/97 a été adopté sur la basede l'article 109 de la décision PTOM.

74.
    Aux termes de l'article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM, la Commissionpeut prendre ou autoriser les «mesures de sauvegarde nécessaires» soit «sil'application de la [décision PTOM qui prévoit en principe le libre accès à laCommunauté des produits originaires des PTOM] entraîne des perturbations gravesdans un secteur d'activité économique de la Communauté ou d'un ou de plusieursÉtats membres ou compromet leur stabilité financière extérieure», soit «si des

difficultés surgissent, qui risquent d'entraîner la détérioration d'un secteur d'activitéde la Communauté ou d'une région de celle-ci».

75.
    A l'audience, la Commission a déclaré que le libellé de la première phrase dudeuxième considérant du règlement n° 2352/97 donne l'impression que celui-cirentre dans le premier cas de figure envisagé à l'article 109, paragraphe 1, de ladécision PTOM.

76.
    Il doit être constaté que, effectivement, il ressort de ce passage du règlementn° 2352/97 que la Commission a adopté la mesure litigieuse dans ce cadre. Lapremière phrase du deuxième considérant du préambule du règlement n° 2352/97énonce en effet: «L'importation de riz originaire des PTOM sans limite dequantités risque de perturber de manière grave le marché communautaire du riz.»

77.
    Or, la Cour a précisé dans son arrêt du 11 février 1999, Antillean Rice Millse.a./Commission précité, que «dans le premier cas de figure évoqué dans l'article[109, paragraphe 1, de la décision PTOM], à savoir lorsque l'application de ladécision PTOM entraîne des perturbations graves dans un secteur d'activitééconomique de la Communauté ou d'un ou de plusieurs États membres oucompromet leur stabilité financière extérieure, l'existence d'un lien de causalité doitêtre établie parce que les mesures de sauvegarde doivent avoir pour objet d'aplanirou d'atténuer les difficultés survenues dans le secteur considéré» (point 47).

78.
    Dès lors, même si la Commission jouit d'un large pouvoir d'appréciation nonseulement quant à l'existence des conditions justifiant l'adoption de mesures desauvegarde, mais également quant au principe de l'adoption de telles mesures(arrêts du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission, précité,point 122, et du 11 février 1999, Antillean Rice Mills e.a./Commission, précité,point 48), il n'en reste pas moins que, en l'espèce, il lui incombait, pour pouvoirinstaurer les mesures arrêtées dans le règlement n° 2352/97, d'établir l'existenced'un lien de causalité entre l'application de la décision PTOM et la survenance desperturbations du marché communautaire.

79.
    Or, force est de constater qu'il ne ressort pas du règlement n° 2352/97 que laCommission a établi l'existence d'un tel lien. Ainsi, dans le préambule, il n'estnullement expliqué comment et dans quelle mesure l'application de la décisionPTOM, garantissant l'«importation de riz originaire des PTOM sans limite dequantités» (voir ci-dessus point 76), provoquait des perturbations graves du marchécommunautaire du riz de sorte que l'adoption du règlement n° 2352/97 s'imposaiten vue d'aplanir ou d'atténuer les difficultés constatées.

80.
    Il est vrai que, au moment où le règlement n° 2352/97 a été adopté, le 27novembre 1997, le règlement n° 1036/97, qui limitait les importations de riz enprovenance des PTOM (voir ci-dessus point 15), venait à échéance et la décisionde révision à mi-parcours, qui a les mêmes effets (voir ci-dessus point 11), n'était

pas encore entrée en vigueur. Par l'adoption des règlements attaqués, laCommission a donc voulu contrôler et limiter les importations de riz originaire desPTOM entre l'expiration du règlement n° 1036/97 et l'entrée en vigueur de ladécision de révision à mi-parcours.

81.
    Toutefois, au lieu d'examiner concrètement quels pouvaient être les effets del'application de la décision PTOM sur le marché communautaire du riz, laCommission a simplement présumé que cette application, en l'absence de mesuresprotectrices limitant les importations de riz en provenance des PTOM, allaitnécessairement perturber de manière grave ce marché.

82.
    Ainsi, il est constant que la Commission n'a pas vérifié si le prix du riz importé desPTOM était d'un niveau inférieur à celui du riz communautaire. En effet, laCommission reconnaît, dans sa réponse à une question écrite du Tribunal du 14juin 1999, ne jamais avoir «établi de comparaison entre le prix du riz importé desPTOM et le prix du riz communautaire». Elle explique que son opinion, selonlaquelle il fallait prendre la mesure contestée, «n'était pas fondée sur l'éventuelprix à l'exportation plus bas du riz [...], mais sur la menace d'une importation dequantités illimitées (voir deuxième considérant du règlement n° 2352/97)». Or, s'ils'était avéré, comme le prétend le requérant, que le riz importé des PTOM étaitcommercialisé à un prix supérieur à celui du riz communautaire, il n'aurait pas pufaire l'objet, au sein de la Communauté, d'une demande d'un niveau tel que lesquantités importées auraient pu entraîner des perturbations graves sur le marchécommunautaire après l'expiration du règlement n° 1036/97.

83.
    Toutefois, la menace d'une importation de quantités illimitées de produitsoriginaires des PTOM résulte directement de l'application des dispositions de laquatrième partie du traité et de la décision PTOM, qui prévoient que les échangesavec les PTOM sont, en principe, mis sur le même pied que les échanges entreÉtats membres (voir ci-dessus points 2 à 8). Si une telle menace, qui est toujoursimminente en l'absence de mesures de sauvegarde, suffisait à démontrer l'existenced'un lien de causalité entre l'application de la décision PTOM et d'éventuellesperturbations subies par un secteur d'activité économique de la Communauté etdonc à justifier l'adoption de mesures en vertu de l'article 109, paragraphe 1, dela décision PTOM, les objectifs poursuivis par les dispositions de la quatrièmepartie du traité et la décision PTOM seraient anéantis.

84.
    Il y a donc lieu de conclure que, contrairement aux exigences de l'article 109,paragraphe 1, de la décision PTOM, la Commission n'a pas établi l'existence d'unlien de causalité entre le volume des importations en provenance des PTOMdécoulant de l'application de la décision PTOM et d'éventuelles perturbationsgraves qui auraient été constatées sur le marché communautaire du riz. Cetteomission procède d'une erreur de droit en ce que la Commission a encore souligné,dans son mémoire en défense dans les deux affaires, qu'elle n'avait pas à établirl'existence d'un tel lien.

85.
    Le moyen tiré d'une violation de l'article 109, paragraphe 1, de la décision PTOMest donc fondé.

86.
    Il n'appartient pas au Tribunal, dans le cadre du contentieux de l'annulation, de sesubstituer à la Commission et d'évaluer, sur la base des éléments du dossier, si,effectivement, au moment de l'adoption du règlement n° 2352/97, il existait un liende causalité entre l'application de la décision PTOM et les perturbations qu'auraitsubies le marché communautaire du riz à cette époque (voir, en ce sens, arrêt duTribunal du 22 octobre 1996, SNCF et British Railways/Commission, T-79/95 etT-80/95, Rec. p. II-1491, point 64).

87.
    Sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le bien-fondé des autres moyensinvoqués par le requérant, le règlement n° 2352/97 doit donc être annulé. Par voiede conséquence, le règlement n° 2494/97, qui est fondé sur le règlement n° 2352/97,est également entaché d'illégalité et doit aussi être annulé.

Sur les dépens

88.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal,toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. LaCommission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés parle requérant, conformément aux conclusions en ce sens de celui-ci.

89.
    En vertu de l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, le royaumed'Espagne, partie intervenant au soutien des conclusions de la Commission,supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)    Les affaires T-32/98 et T-41/98 sont jointes aux fins de l'arrêt.

2)    Le règlement (CE) n° 2352/97 de la Commission, du 27 novembre 1997,instaurant des mesures spécifiques à l'importation de riz originaire despays et territoires d'outre-mer, est annulé.

3)    Le règlement (CE) n° 2494/97 de la Commission, du 12 décembre 1997,relatif à la délivrance de certificats d'importation de riz relevant du codeNC 1006 originaire des pays et territoires d'outre-mer, dans le cadre des

mesures spécifiques instaurées par le règlement (CE) n° 2352/97, estannulé.

4)    La Commission supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés parle gouvernement des Antilles néerlandaises dans les deux affaires.

5)    La partie intervenante supportera ses propres dépens dans les deux affaires.

Jaeger
Lenaerts
Azizi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 février 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts


1: Langue de procédure: le néerlandais.