Language of document : ECLI:EU:T:2021:603

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

22 septembre 2021 (*) (1)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demandes de marques de l’Union européenne verbale COLLIBRA et figurative collibra – Marque nationale verbale antérieure Kolibri – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Droit d’être entendu – Article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001 »

Dans les affaires T‑128/20 et T‑129/20,

Collibra, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes A. Renck, I. Junkar et A. Bothe, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. H. O’Neill et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Hans Dietrich, demeurant à Starnberg (Allemagne), représenté par Me T. Träger, avocat,

ayant pour objet deux recours formés contre deux décisions de la première chambre de recours de l’EUIPO du 13 décembre 2019 (affaires R 737/2019‑1 et R 738/2019-1), relatives à deux procédures d’opposition entre M. Dietrich et Collibra,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, Z. Csehi (rapporteur) et G. De Baere, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal le 27 février 2020,

vu les mémoires en réponse de l’EUIPO déposés au greffe du Tribunal le 6 mai 2020,

vu les mémoires en réponse de l’intervenant déposés au greffe du Tribunal le 7 mai 2020,

vu la décision du 2 juillet 2020 portant jonction des affaires T‑128/20 et T‑129/20 aux fins de la phase écrite et de l’éventuelle phase orale de la procédure,

à la suite de l’audience du 11 mars 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents des litiges

1        Le 1er juin 2017, Collibra, la requérante, a présenté deux demandes d’enregistrement de marques de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        Les marques dont l’enregistrement a été demandé sont :

–        dans l’affaire T‑128/20, le signe verbal COLLIBRA ;

–        dans l’affaire T‑129/20, le signe figuratif représenté ci-après :

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3        Les produits et services pour lesquels les enregistrements ont été demandés relèvent, dans l’affaire T‑128/20, des classes 9 et 42, et dans l’affaire T‑129/20, de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciels de gouvernance de données pour l’organisation et la gestion de données internes » ;

–        classe 42 : « Conception et développement d’ordinateurs et de logiciels ; services de conseils en matière de logiciels ; installation et maintenance de logiciels ; services scientifiques et technologiques et recherche et services de design s’y rapportant, conception et développement de matériel informatique et de logiciels ; services d’analyses et de recherches industrielles dans le domaine des logiciels ; tous les services précités concernant les logiciels de gouvernance de données et de catalogue pour l’organisation et la gestion de données internes ».

4        Les deux demandes de marques ont été publiées au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2017/113, du 16 juin 2017.

5        Le 31 août 2017, M. Hans Dietrich, l’intervenant, a formé deux oppositions au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement des marques demandées pour tous les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

6        Les deux oppositions étaient fondées notamment sur la marque allemande verbale antérieure Kolibri, déposée le 1er juillet 1999 et enregistrée le 17 octobre 1999, sous le numéro 39938675, désignant des produits et des services relevant des classes 9, 16, 36, 38, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice, correspondant notamment aux produits et services suivants :

–        classe 9 : « Programmes enregistrés sur des supports de données (logiciels) pour le traitement de données et le traitement de texte ; programmes pour le traitement de données et de texte concernant des systèmes d’information immobilière, systèmes d’information géographique (SIG), gestion de biens immobiliers, gestion d’immeubles, gestion d’installations et services connexes, administration de maisons et/ou biens immobiliers, mise à disposition de parkings et parkings souterrains, y compris mise à disposition de parcs de stationnement ; programmes de traitement de données et de texte pour des administrations publiques ou municipales, programmes de traitement de données et de texte pour des administrations publiques ou municipales concernant des systèmes d’information immobilière, taxes de construction et d’aménagement, gestion de biens immobiliers, procédure de demande de permis de construire, aménagement du territoire urbain, procédure de permis de construire, données d’archives concernant les canaux et conduites d’eau, comptabilité du trésor public, enregistrement du lieu de résidence, bureau d’état civil, administration de cimetière, organisation, préparation et conduite d’élections, mise à disposition de parkings et parkings souterrains, y compris mise à disposition de parcs de stationnement » ;

–        classe 42 : « Location de programmes de traitement de données et de texte ; installation et mise à disposition de services d’assistance téléphonique et de centres d’assistance pour le traitement de données et de texte dans des administrations publiques et municipales ; installation et mise à disposition de systèmes d’information municipale ».

7        Le motif invoqué à l’appui des oppositions était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001).

8        Les 28 mars et 3 avril 2018, la requérante a demandé dans les deux affaires que soit produite la preuve de l’usage de la marque antérieure.

9        Le 21 juin 2018, l’intervenant a produit des preuves d’usages numérotées OP 1 à OP 50.

10      Le 6 février 2019, la division d’opposition a fait droit aux oppositions.

11      Le 3 avril 2019, la requérante a formé deux recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre les décisions de la division d’opposition.

12      Par décisions du 13 décembre 2019 (ci-après les « décisions attaquées »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté les recours.

13      S’agissant de la preuve d’usage, elle a confirmé les conclusions de la division d’opposition selon lesquelles un usage sérieux de la marque antérieure avait été établi, en Allemagne, pendant toute la période de référence, pour certains produits relevant de la classe 9 et certains des services compris dans la classe 42, mais pas pour, notamment, les « programmes enregistrés sur des supports de données (logiciels) pour le traitement de données et le traitement de texte » et les « programmes de traitement de données ».

14      La chambre de recours a considéré que les produits et services visés par les marques demandées s’adressaient principalement aux entreprises et aux autres organisations ou entités qui généraient une grande quantité de données dans le domaine de la gestion des terrains, des immeubles et des installations, et qui avaient besoin de stocker lesdites données, d’y accéder et de les gérer. Le niveau d’attention de ce public pertinent a été estimé supérieur à la moyenne. Elle a également souligné que le territoire pertinent était l’Allemagne.

15      La chambre de recours a considéré que les logiciels (affaires T‑128/20 et T‑129/20) et les services (affaire T‑128/20) visés par les marques demandées étaient similaires aux logiciels pour lesquels la marque antérieure était utilisée.

16      La chambre de recours a estimé que les marques en conflit étaient similaires sur le plan visuel et fortement similaires sur les plans phonétique et conceptuel.

17      La chambre de recours a confirmé le constat de la division d’opposition selon lequel il existait, pour le public pertinent composé de professionnels travaillant dans des entreprises et des organisations publiques, un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en ce qui concerne les marques en conflit, en dépit de son niveau d’attention élevé.

II.    Procédures et conclusions des parties

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenant aux dépens.

19      L’EUIPO et l’intervenant concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

20      Conformément à l’article 68 du règlement de procédure du Tribunal, plusieurs affaires ayant le même objet peuvent, à tout moment, soit d’office, soit à la demande d’une partie principale, être jointes pour cause de connexité aux fins, alternativement ou cumulativement, de la phase écrite ou de la phase orale de la procédure ou de la décision mettant fin à l’instance.

21      Eu égard aux demandes de l’EUIPO visant à la jonction des présentes affaires, les autres parties ont été entendues, à la suite de quoi les affaires ont été jointes, dans un premier temps, aux fins de la phase écrite et de l’éventuelle phase orale de la procédure, par décision du 2 juillet 2020.

22      Le Tribunal estime qu’il est approprié de joindre également les présentes affaires aux fins de la décision mettant fin à l’instance.

23      À l’appui de ses recours, la requérante fait valoir deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et le second, de la violation des droits de la défense prévus à l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001.

24      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 1er juin 2017, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement n° 207/2009 tel que modifié par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, modifiant le règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire, et abrogeant le règlement (CE) n°°2869/95 de la Commission relatif aux taxes à payer à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (JO 2015, L 341, p. 21) (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12 et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

25      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans les décisions attaquées, par la requérante dans l’argumentation soulevée, par l’intervenant et par l’EUIPO à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), d’une teneur identique du règlement n° 207/2009 tel que modifié.

A.      Sur la recevabilité des documents présentés pour la première fois devant le Tribunal

26      L’EUIPO souligne que l’annexe 6 des requêtes ainsi que l’annexe 9, jointe aux réponses de la requérante aux mesures d’organisation de la procédure, doivent être déclarées irrecevables au motif qu’il s’agit de documents présentés pour la première fois devant le Tribunal.

27      La requérante fait valoir dans sa prise de position sur la tenue d’une audience et à l’audience que les annexes INT 3 à INT 11 et INT 12 à INT 18 de l’intervenant sont également irrecevables, car déposées pour la première fois devant le Tribunal.

28      Il y a lieu de constater que l’annexe 6 des requêtes consiste en des extraits du registre du Deutsche Patent-und Markenamt (Office des brevets et des marques allemand) relatif à d’autres marques contenant le terme « kolibri ». Cette pièce, produite pour la première fois devant le Tribunal, ne peut être prise en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter le document visé ci-dessus sans qu’il soit nécessaire d’examiner sa force probante [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée]. Il y a donc lieu de le déclarer irrecevable, tout comme, pour les mêmes motifs, les annexes IN 3 à IN 18 de l’intervenant, ainsi que les affirmations de l’intervenant fondées sur lesdites pièces.

29      S’agissant de l’annexe 9 de la requérante, jointe à ses réponses aux questions écrites du Tribunal, il s’agit d’une expertise rédigée par un ingénieur en systèmes de traitement de l’information, destinée à l’assister dans la comparaison des produits et des services en conflit. La requérante fait valoir que ladite annexe doit être déclarée recevable, car il s’agirait de répondre à une dénaturation manifeste des faits par la chambre de recours relative à l’affirmation selon laquelle existeraient des entreprises communes de production des logiciels en comparaison, ou selon laquelle cela serait un fait notoire. Elle cite à cet égard l’arrêt du 12 septembre 2007, Koipe/OHMI – Aceites del Sur (La Española) (T‑363/04, EU:T:2007:264, points 76 et 77). Toutefois, cet argument doit être rejeté, car, à l’opposé de l’affaire citée, le document n’a pas été produit dans le cadre du premier échange de mémoires, tel que l’exige l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure, mais tardivement, avec les réponses aux questions écrites du Tribunal. Il convient donc de déclarer ladite annexe 9 irrecevable.

B.      Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

30      À titre liminaire, il convient de souligner que la requérante ne remet pas en cause l’appréciation de la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure effectuée aux points 16, 17, 27 et 35 des décisions attaquées. Dès lors, il y a lieu d’examiner le présent recours en se fondant sur le constat selon lequel la marque antérieure a été utilisée notamment pour les produits suivants :

–        classe 9 : « Programmes pour le traitement de données et de texte concernant des systèmes d’information immobilière, systèmes d’information géographique, gestion de biens immobiliers, gestion d’immeubles, gestion d’installations et services connexes, administration de maisons et/ou biens immobiliers ; programmes de traitement de données et de texte pour des administrations publiques ou municipales, programmes de traitement de données et de texte pour des administrations publiques ou municipales concernant des systèmes d’information immobilière, taxes de construction et d’aménagement, gestion de biens immobiliers, procédure de demande de permis de construire, aménagement du territoire urbain, procédure de permis de construire, données d’archives concernant les canaux et conduites d’eau, comptabilité du trésor public » ;

–        classe 42 : « Installation et mise à disposition de services d’assistance téléphonique et de centres d’assistance pour le traitement de données et de texte dans des administrations publiques et municipales ; installation et mise à disposition de systèmes d’information municipale ».

31      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

32      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en conflit proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en conflit, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

33      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

34      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en conflit [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

35      S’agissant du public des produits et des services des marques demandées, la chambre de recours a considéré, aux points 31 et 32 des décisions attaquées, qu’il était composé principalement des entreprises et d’autres organisations ou entités qui généraient une grande quantité de données dans le domaine de la gestion des terrains, des immeubles et des installations et qui avaient besoin de stocker lesdites données, d’y accéder et de les gérer. Elle a souligné que le niveau d’attention du public pertinent serait supérieur à la moyenne et que le territoire pertinent à prendre en compte était l’Allemagne étant donné que la marque antérieure était allemande. Cette définition n’est pas contestée par les parties.

36      La requérante fait valoir, en premier lieu, une erreur d’appréciation du degré de similitude des signes en conflit, en deuxième lieu, une erreur d’appréciation du degré de similitude des produits et des services en conflit, et, en troisième lieu, une erreur d’appréciation globale du risque de confusion.

37      L’EUIPO et l’intervenant contestent l’ensemble de cette argumentation.

1.      Sur la comparaison des signes

38      La requérante fait valoir des erreurs d’appréciation du degré de similitudes visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit.

39      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en conflit joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

40      Selon une jurisprudence constante, de façon générale, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [voir arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 30 et jurisprudence citée].

a)      Sur le plan visuel

41      Sur le plan visuel, la requérante fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a constaté un degré moyen de similitude entre les signes et que ce dernier serait, tout au plus, très faible. La chambre de recours méconnaîtrait, premièrement, le fait que les marques en comparaison diffèrent visuellement par leurs premières lettres « k » et « c », lesquelles ont, selon une jurisprudence constante, une grande importance ; deuxièmement, le fait que les marques demandées ont un « l » de plus qui sera noté en raison du niveau d’attention élevé du public ; troisièmement, le fait qu’elles sont plus longues que la marque antérieure ; quatrièmement, le fait que les marques diffèrent par leurs lettres finales « a » et « i » ; et, cinquièmement, le fait que ces différences seront plus facilement perçues s’agissant de signes courts comme en l’espèce.

42      Dans l’affaire T‑129/20, la requérante ajoute que la marque figurative demandée contient une police de caractères stylisée ainsi qu’un élément figuratif placé au début de la marque qui, en raison de sa position et de sa taille, ne passera pas inaperçu du public pertinent qui fait preuve d’un niveau d’attention élevé. Il serait distinctif et aurait un impact significatif sur l’impression visuelle d’ensemble.

43      La requérante se réfère aussi au fait que l’intervenant tolérerait, notamment en Allemagne, sept autres titulaires de droits enregistrés sur le signe kolibri désignant des logiciels ou des services connexes, listés dans son annexe 6.

44      L’EUIPO et l’intervenant contestent cette argumentation. L’intervenant estime irrecevable l’invocation des autres marques contenues dans l’annexe 6. L’EUIPO estime que ce dernier argument de la requérante est dénué de pertinence.

45      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’annexe 6 est irrecevable ainsi qu’il l’a été indiqué au point 28 ci-dessus. En outre, l’EUIPO affirme à juste titre que l’existence d’autres marques Kolibri en Allemagne ou le fait que d’autres marques similaires dans l’Union européenne auraient été tolérées par l’intervenant est sans pertinence aux fins de la comparaison visuelle des marques.

46      À titre principal, en l’espèce, la chambre de recours n’a pas omis la jurisprudence selon laquelle le consommateur attache normalement plus d’importance à la partie initiale des mots [arrêt du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, EU:T:2004:79, point 81].Toutefois, la chambre de recours a considéré que, sur le plan visuel, l’élément verbal des marques demandées reproduisait les mêmes suites de lettres « ol » et « ibr » que la marque antérieure, les seules différences se situant dans la première consonne « c » des marques demandées par rapport à la lettre « k » de la marque antérieure, dans la lettre supplémentaire « l » figurant au milieu des marques demandées et dans la terminaison par la lettre « a » des marques demandées au lieu de la terminaison par la lettre « i » de la marque antérieure. Elle a conclu qu’un certain degré de similitude visuelle se dégageait des cinq lettres communes aux marques en conflit, soit « o », « l », « i », « b » et « r ».

47      Il ressort de ce qui précède que la chambre de recours a effectué une application correcte, en l’espèce, de la jurisprudence citée aux points 39, 40 et 46 ci-dessus. Contrairement à ce qu’affirme la requérante, l’analyse effectuée n’omet aucune des différences visuelles signalées par la requérante. Il y a cependant lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, que ces différences visuelles, soit les trois lettres dans les marques demandées « c », « l », et « a », ne l’emportent pas sur les similitudes qui sont plus nombreuses, puisque les mêmes suites de cinq lettres au total « ol » et « ibr » sont observées dans les marques en comparaison. Le fait que l’une de ces différences visuelles concerne la première lettre des marques en conflit n’est pas suffisant, en l’espèce, pour contrebalancer la similitude visuelle d’ensemble desdites marques. En outre, visuellement, l’ajout d’un « l » après un premier « l » au milieu des mots n’attirera pas particulièrement l’attention du public pertinent, même doté d’un niveau d’attention élevé.

48      S’agissant de l’argument relatif au fait que les différences se noteraient davantage s’agissant d’un signe court, il y a lieu de le rejeter au motif que la marque antérieure contient tout de même sept lettres. En outre, si les marques demandées sont effectivement plus longues que la marque antérieure, c’est seulement d’une lettre, ce qui passera inaperçu visuellement.

49      Concernant plus spécifiquement l’affaire T‑129/20, la chambre de recours a décrit la marque figurative demandée comme composée d’une représentation formée par des lignes et des points disposés verticalement et horizontalement de manière circulaire, suivie du mot « collibra ». Elle a ajouté que, selon la jurisprudence, compte tenu de leur simplicité excessive, les représentations constituées de lignes et d’une figure géométrique de base, telle qu’un cercle, n’étaient pas susceptibles, en tant que telles, de transmettre un message dont les consommateurs pouvaient se souvenir. Elle en a conclu que la représentation formée par des lignes et des points disposés de manière circulaire était par conséquent un élément principalement décoratif et secondaire de l’élément verbal « collibra ». Elle a aussi souligné que les caractères minuscules de l’élément verbal ne lui conféraient aucun caractère distinctif. La chambre de recours a estimé que la différence introduite par la représentation circulaire ne revêtait pas une importance particulière en raison de sa simplicité relative et de sa fonction décorative, ainsi que de sa couleur, et que cet élément, bien que pris en considération, n’était pas dominant dans la perception visuelle d’ensemble de la marque figurative demandée. Elle a également rappelé la jurisprudence constante selon laquelle, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence aux produits en conflit en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque.

50      Il y a lieu de constater que cette analyse est correcte. La position et la taille de l’élément figuratif ne permettent pas, contrairement à ce que fait valoir la requérante, de le rendre plus distinctif que l’élément verbal, et ce même aux yeux d’un public au niveau d’attention élevé.

51      En outre, l’observation de la requérante dans l’affaire T‑129/20, selon laquelle la division d’opposition aurait qualifié cet élément figuratif de codominant et doté d’un pouvoir distinctif normal, doit être rejetée, dans la mesure où la chambre de recours est appelée à procéder à un nouvel examen complet du fond de l’opposition, tant en droit qu’en fait (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, points 56 et 57). Or, en l’espèce, il ressort du raisonnement rappelé au point 49 ci-dessus que la chambre de recours a infirmé lesdits constats de la division d’opposition dans la mesure où elle a constaté, à juste titre, que cet élément figuratif n’était pas dominant dans la marque figurative demandée. Quant à la police de caractère, force est de constater qu’elle n’a rien de frappant.

52      Il y a donc lieu de rejeter l’argumentation de la requérante et de confirmer le degré moyen de similitude sur le plan visuel entre les marques en conflit.

b)      Sur le plan phonétique

53      Sur le plan phonétique, la requérante fait valoir un très faible degré de similitude. La chambre de recours aurait conclu à tort qu’il n’y avait pas de différence de prononciation entre la consonne double « ll » et la consonne unique « l ». Par ailleurs, deux consonnes identiques « l » après une voyelle entraîneraient une prononciation courte en allemand de la voyelle « o ». En outre, les marques demandées se terminent par la voyelle « a ». Partant, les marques demandées se prononceraient d’une manière différente de la marque antérieure marquée par un long « o » et la voyelle « i » à la fin.

54      L’EUIPO et l’intervenant contestent cette argumentation.

55      En l’espèce, la chambre de recours a constaté, sur le plan phonétique, que, bien que la lettre « c » ne joue qu’un rôle mineur dans l’alphabet allemand, dans la mesure où la lettre « k » remplace la lettre « c » de mots étrangers équivalents, le public allemand pertinent, dès lors qu’il voit un mot commençant par la lettre « c », prononce cette dernière comme la lettre « k » d’un mot allemand. Par ailleurs, elle a observé qu’aucune différence de prononciation ne serait faite entre les deux lettres « ll » et la lettre unique « l ». Par conséquent, la chambre de recours a conclu que la prononciation des marques demandées différait de celle de la marque antérieure uniquement par la dernière lettre, soit « a », pour les marques demandées et « i » pour la marque antérieure, et que les marques en conflit présentaient une similitude élevée sur le plan phonétique.

56      Il convient d’observer que le fait que la consonne « c » sera prononcée comme la consonne « k » par le public pertinent allemand n’est pas contesté. À cet égard, le raisonnement de la chambre de recours doit être confirmé.

57      Premièrement, la contestation porte sur le fait que la chambre de recours aurait commis une erreur en affirmant que les consonnes « ll » seront prononcées de la même manière qu’un « l » simple. Toutefois la requérante n’explique pas en quoi consisterait la différence de prononciation en cause. En tout état de cause, même dans l’hypothèse où il y aurait une différence de prononciation au niveau du « l », celle-ci serait mineure et ne serait pas à même de faire aboutir la comparaison phonétique à un résultat différent.

58      Deuxièmement, la chambre de recours aurait omis de prendre en considération le fait que le doublement de la consonne « l » entraînait une prononciation courte de la voyelle « o », contrastant avec la prononciation longue dans la marque antérieure. Toutefois, ainsi que le souligne l’EUIPO, cette explication n’est pas étayée par une référence à une règle de phonétique précise. En tout état de cause, cette différence phonétique, si elle était avérée, serait minime, et sans conséquence sur la comparaison phonétique globale. Dès lors, il y a lieu de la rejeter sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de cette argumentation, contestée par l’intervenant.

59      Troisièmement, la différence phonétique constituée par les dernières lettres des signes en conflit a bien été prise en compte dans le raisonnement attaqué, mais, étant donné que le reste des signes se prononcera de la même manière, ou presque, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à un degré élevé de similitude phonétique, et non à une identité.

c)      Sur le plan conceptuel

60      Sur le plan conceptuel, la requérante fait valoir une erreur de la chambre de recours en ce qu’elle a considéré que les marques en conflit avaient un degré de similitude élevé et soutient au contraire qu’elles sont différentes.

61      Elle reconnaît que la marque antérieure fait référence à un colibri pour le public allemand.

62      Elle fait toutefois valoir une deuxième signification possible de la marque antérieure, à savoir que celle-ci consisterait en l’acronyme de l’expression allemande « Kommunale Liegenschaften, Boden – und Raumbezogenes Informationssystem » (système d’informations municipales en matière d’immobilier, de zones et d’espaces). La requérante met aussi en avant d’autres significations possibles des marques demandées, à savoir celle de « coll » renvoyant à « collaboration » et de « libra » renvoyant à « liberté » ou « livre » en latin, significations différentes de celle de la marque antérieure.

63      La requérante conteste le fait que le consommateur allemand pertinent puisse percevoir les marques demandées comme faisant allusion à un colibri et donc au même concept que la marque antérieure. Compte tenu des produits et des services visés par les marques demandées, il serait extravagant de dire que le consommateur allemand concerné pourrait penser que « collibra », terme entièrement fantaisiste, fasse référence à un colibri. La requérante considère que les marques demandées n’ont de signification apparente dans aucune des langues officielles de l’Union et ne possèdent en particulier aucune signification en allemand. La requérante souligne que la jurisprudence considère qu’il ne saurait exister de similitude conceptuelle entre une marque qui ne véhicule aucune signification apparente et une autre marque dont l’élément verbal est généralement porteur d’une véritable signification pour le public pertinent.

64      La requérante se réfère également, par analogie, aux arrêts du 5 octobre 2017, Wolf Oil/EUIPO (C‑437/16 P, non publié, EU:C:2017:737, point 46), et du 1er juin 2016, Mega Brands/EUIPO – Diset (MAGNEXT) (T‑292/12 RENV, non publié, EU:T:2016:329, point 29), qui ont respectivement considéré que les signes CHAMPION et CHEMPIOL, ainsi que MAGNET 4 et MAGNEXT étaient différents sur le plan conceptuel.

65      L’EUIPO et l’intervenant contestent cette argumentation.

66      Il convient de rappeler que des marques sont similaires sur le plan conceptuel, lorsqu’elles concordent dans leur contenu sémantique [voir arrêt du 1er octobre 2014, Lausitzer Früchteverarbeitung/OHMI – Rivella International (holzmichel), T‑263/13, non publié, EU:T:2014:845, point 62 et jurisprudence citée].

67      En l’espèce, premièrement, la chambre de recours a considéré que la marque antérieure pouvait, en allemand, faire référence à un colibri, ce qui n’est pas contesté.

68      Deuxièmement, la chambre de recours a ensuite observé que, étant donné la proximité de prononciation du mot « collibra » et du mot « kolibri », on ne saurait exclure qu’une part importante du public allemand pertinent percevra dans les marques demandées une allusion au concept du colibri. Elle en a conclu que les marques en conflit pouvaient être considérées comme fortement similaires sur le plan conceptuel pour une part non négligeable du public pertinent en Allemagne.

69      Ce raisonnement apparaît correct au regard de la jurisprudence selon laquelle, même si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’en reste pas moins que, en percevant un signe verbal, il identifiera des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou ressemblent à des mots qu’il connaît [voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T-356/02, EU:T:2004:292, point 51 ; du 13 février 2007, RESPICUR, T-256/04, EU:T:2007:46, point 57, et du 19 septembre 2012, TeamBank/OHMI – Fercredit Servizi Finanziari (f@ir Credit), T-220/11, non publié, EU:T:2012:444, point 38]. Le fait que le concept de colibri soit sans rapport avec les produits et services visés par les marques demandées est sans pertinence eu égard au fait que ces dernières ressemblent au mot allemand « kolibri », qu’une partie non négligeable du public allemand connaît.

70      Aucun des autres arguments de la requérante n’est susceptible d’infirmer ce raisonnement.

71      S’agissant de la jurisprudence invoquée selon laquelle il ne saurait exister de similitude conceptuelle entre une marque qui ne véhicule aucune signification apparente dans aucune des langues officielles de l’Union et une autre marque dont l’élément verbal est généralement porteur d’une véritable signification pour le public de l’Union [voir arrêts du 16 janvier 2008, Inter-Ikea/OHMI – Waibel (idea), T‑112/06, non publié, EU:T:2008:10, point 70 et jurisprudence citée, et du 21 janvier 2016, Laboratorios Ern/OHMI – michelle menard (Lenah.C), T‑802/14, non publié, EU:T:2016:25, point 45 et jurisprudence citée], il suffira de relever qu’elle n’est pas applicable en l’espèce dans la mesure où c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que les marques demandées évoquaient le concept d’un colibri, de même que la marque antérieure.

72      S’agissant des arrêts cités par la requérante, rappelés au point 64 ci-dessus, il y a lieu de constater qu’ils ne sont pas applicables, au motif que les signes en comparaison dans ces arrêts sont différents des signes en comparaison en l’espèce.

73      S’agissant, enfin, des arguments de la requérante selon lesquels la marque antérieure et les marques demandées pourraient avoir d’autres significations (voir point 62 ci-dessus), il y a lieu de les rejeter au motif que les significations alternatives suggérées par la requérante sont trop compliquées pour être perçues immédiatement et sans effort par le public pertinent, même doté d’un niveau d’attention supérieur à la moyenne. En tout état de cause, même à supposer que le risque de confusion n’existe que pour une partie seulement du public pertinent, à savoir celle, non négligeable, composée de consommateurs susceptibles de percevoir les signes en conflit comme renvoyant au concept de colibri, et non pour la partie du public qui percevrait la marque antérieure comme un acronyme, un tel constat serait suffisant, dans la mesure où il n’est pas nécessaire d’établir l’existence d’un risque de confusion pour la totalité du public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, Diesel/EUIPO – Sprinter megacentros del deporte (Représentation d’une ligne incurvée et coudée), T‑521/15, non publié, EU:T:2017:536, point 69 et jurisprudence citée].

74      Il y a donc lieu de relever que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur de droit en constatant un degré élevé de similitude conceptuelle entre les signes en conflit.

2.      Sur la comparaison des produits et des services

a)      Sur les produits relevant de la classe 9

75      Concernant la comparaison des logiciels en conflit, la requérante critique la conclusion de la chambre de recours, selon laquelle les logiciels pour lesquels la marque antérieure a été utilisée présentent un degré de similitude moyen avec les logiciels visés par les marques demandées.

76      En l’espèce, il y a lieu de rappeler que les logiciels en comparaison sont :

–        les « logiciels de gouvernance de données pour l’organisation et la gestion de données internes » visés par les marques demandées et,

–        les « programmes pour le traitement de données et de texte concernant des systèmes d’information immobilière, systèmes d’information géographique (SIG), gestion de biens immobiliers, gestion d’immeubles, gestion d’installations et services connexes, administration de maisons et/ou biens immobiliers ; programmes de traitement de données et de texte pour des administrations publiques ou municipales, programmes de traitement de données et de texte pour des administrations publiques ou municipales concernant des systèmes d’information immobilière, taxes de construction et d’aménagement, gestion de biens immobiliers, procédure de demande de permis de construire, aménagement du territoire urbain, procédure de permis de construire, données d’archives concernant les canaux et conduites d’eau, comptabilité du trésor public » pour lesquels la marque antérieure a été utilisée.

77      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en conflit, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

78      La requérante soutient que les logiciels en comparaison sont différents ou, tout au plus, présentent un faible degré de similitude. Elle avance des critiques relatives à l’analyse de la nature, de la destination, des utilisateurs, de la production des logiciels en comparaison. Elle ajoute qu’ils ne sont ni complémentaires ni concurrents.

79      L’EUIPO et l’intervenant contestent cette argumentation.

1)      Sur la nature des logiciels

80      La requérante critique la chambre de recours d’être automatiquement parvenue à une conclusion de similitude en se fondant uniquement sur le fait que tous les produits étaient liés aux logiciels, en violation des directives relatives aux marques et aux dessins et modèles de l’EUIPO.

81      Il ressort toutefois du raisonnement de la chambre de recours qu’elle ne s’est pas limitée à la nature des produits dans la mesure où elle a affirmé, au point 41 des décisions attaquées, que le public pertinent des produits en conflit, la nature et la destination des logiciels pouvaient coïncider, de même que les entreprises de conception et de développement des logiciels en conflit. Il y a donc lieu de rejeter cet argument.

2)      Sur la destination des logiciels

82      La requérante fait valoir que la destination des logiciels en conflit est très différente, ainsi que la division d’opposition l’aurait elle-même affirmé. La destination des logiciels visés par les marques demandées serait d’assurer la gouvernance des données internes, dont le principal objectif serait de permettre aux personnes au sein d’une organisation de chercher, de localiser et de vérifier la fiabilité de données internes, tout en garantissant la conformité réglementaire. Si les logiciels de la marque antérieure, d’après les preuves d’usage, peuvent permettre de consulter des données, ce qui constituerait une caractéristique ordinaire de la majorité des logiciels selon la requérante, leur destination serait d’automatiser et d’assister les transactions immobilières, et notamment la rédaction de documents en matière immobilière et la gestion des permis de construire et des installations.

83      En outre, la requérante conteste le point 39 des décisions attaquées, selon lequel le document OP 17 de l’intervenant démontrerait que les logiciels de la marque antérieure permettent également aux utilisateurs d’effectuer des tâches de gouvernance de données, en l’occurrence la « création d’une carte personnalisée de [leurs] éléments de données clés ». Les pièces du dossier et ledit document ne le corroboreraient pas. La chambre de recours se serait contentée de reproduire une allégation non démontrée de l’intervenant.

84      À titre liminaire, l’intervenant soulève l’irrecevabilité de l’argument de la requérante selon lequel les logiciels pour lesquels la marque antérieure a été utilisée seraient simplement destinés à l’automatisation de tâches et à la rédaction de documents.

85      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 188 du règlement de procédure, les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. En effet, il appartient au Tribunal, dans le cadre du présent litige, de contrôler la légalité des décisions des chambres de recours. Par conséquent, le contrôle exercé par le Tribunal ne peut aller au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du 6 juin 2013, Kastenholz/OHMI – Qwatchme (Cadrans de montre), T‑68/11, EU:T:2013:298, point 25 et jurisprudence citée]. De même, la requérante n’a pas le pouvoir de modifier devant le Tribunal les termes du litige, tels qu’ils résultaient des prétentions et des allégations avancées par elle-même et par l’intervenant (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 43).

86      Certes, il ressort de l’examen du dossier que l’argument mentionné ci-dessus n’a pas été soulevé tel quel devant la chambre de recours. Cela étant, contrairement à ce que prétend l’intervenant, l’argument soulevé par la requérante n’a pas pour objet de réexaminer les circonstances de fait du litige à la lumière des explications factuelles présentées pour la première fois devant le Tribunal, mais constitue un développement de son argumentation initiale lors de la procédure administrative, tendant à établir une différence de destinations des logiciels en comparaison au motif que, d’une part, les logiciels de la marque antérieure sont des logiciels très spécifiques utilisés dans un domaine spécifique d’activité, en particulier dans le cadre de transactions immobilières, de la gestion de construction et de parcelles, les permis de construire et autres secteurs de la construction et de la propriété immobilière, et, d’autre part, les logiciels des marques demandées sont des logiciels hautement spécialisés pour l’organisation et la gouvernance des données internes. Il y a donc lieu de considérer cet argument comme recevable (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 40).

87      S’agissant de la définition d’une création de carte personnalisée de données clés, dont la recevabilité est également contestée, il convient également de la déclarer recevable au motif qu’elle constitue un développement de l’argumentation initiale devant la chambre de recours, qui donnait déjà une définition de ladite carte. En outre, dans la requête, la requérante se contente de répondre à un point de raisonnement de la chambre de recours consacré à ladite notion, ce qui ne saurait lui être reproché.

88      À titre principal, il y a lieu d’examiner le bien-fondé des arguments relatifs à la comparaison de destination des logiciels.

89      En premier lieu, il convient de rejeter l’affirmation de la requérante selon laquelle les logiciels de la marque antérieure serviraient uniquement à la rédaction de documents et à l’automatisation de tâches, dans la mesure où il ressort de l’analyse de la preuve d’usage, par ailleurs non contestée, que lesdits logiciels ont pour destination non seulement le « traitement de texte », mais aussi le « traitement de données », qui peut recouvrir une réalité plus vaste que la simple rédaction de documents ou l’automatisation de tâches.

90      En deuxième lieu, au point 40 des décisions attaquées, la chambre de recours a affirmé que la « nécessité de mettre en œuvre des politiques liées aux données, de maintenir l’intégrité et la fiabilité des données ainsi que de veiller au respect des normes réglementaires » était tout aussi pertinente en ce qui concernait les transactions immobilières de type acquisition, vente, droits de superficie, contrats de concession, que l’administration d’immeubles, comme le bail et la location de biens, la gestion d’immeubles et d’installations. Elle a considéré que les entités du secteur public, comme toute organisation privée, devaient mettre en œuvre des « politiques liées aux données, maintenir l’intégrité des données et veiller au respect des normes réglementaires » en ce qui concerne les demandes de permis de construire et l’administration et la gestion des installations.

91      Audit point 40 des décisions attaquées, la chambre de recours n’a pas effectué une comparaison des destinations des logiciels en conflit, ni expliqué en quoi les logiciels couverts par la marque antérieure répondaient aux mêmes objectifs que les logiciels de gouvernance de données, contrairement à ce qu’affirme l’EUIPO. En revanche, la chambre de recours y a défini implicitement la gouvernance de données comme « [la mise en œuvre] de politiques liées aux données, [le maintien] de l’intégrité et de la fiabilité des données [ainsi que le respect] des normes réglementaires », définition que les parties ne contestent pas.

92      En troisième lieu, il convient d’observer que la seule comparaison des destinations des logiciels en conflit par la chambre de recours est effectuée au point 39 des décisions attaquées, qui se lit comme suit :

« L’organisation et la gestion de données internes décrites dans la spécification de[s] marque[s] demandée[s] sont également des caractéristiques des logiciels [de l’intervenant]. À titre d’exemple, le logiciel de demande de permis de construire de l’[intervenant] (OP 17) permet à une organisation de créer une carte personnalisée de ses éléments de données clés : circulation de fichiers, services spécialisés, tâches individuelles et répartition des tâches. »

93      C’est donc au seul point 39 des décisions attaquées que la chambre de recours a estimé, en substance, que le « traitement de données » et le « traitement de texte » effectués par les logiciels de la marque antérieure impliquaient les mêmes caractéristiques d’« organisation et [de] gestion de données internes » que les « logiciels de gouvernance de données pour l’organisation et la gestion de données internes » visés par les marques demandées. C’est en cela, et uniquement au point 39 des décisions attaquées, que la chambre de recours a constaté un recoupement des logiciels, fondé sur l’existence de caractéristiques communes des logiciels en conflit, à savoir qu’ils permettaient tous d’organiser et de gérer des données internes. À cet égard, il y a lieu de noter que c’est à tort que l’intervenant fait valoir que la requérante aurait admis des recoupements entre les logiciels en comparaison durant la procédure administrative. En effet, les observations auxquelles l’intervenant fait référence, qui auraient admis de tels recoupements, sont en réalité issues de ses propres écritures, et non de celles de la requérante.

94      Il y a lieu de confirmer que le « traitement de données » en matière immobilière couvert par la marque antérieure requiert des caractéristiques d’organisation et de gestion des données internes, présentes également dans les logiciels des marques demandées. À cet égard, l’EUIPO et l’intervenant soulignent à juste titre que les logiciels de « gestion d’installations » ou « d’administration de maisons et/ou biens immobiliers » de la marque antérieure génèrent un volume important de données et intègrent certaines fonctionnalités d’organisation et de gestion de ces données, fonctionnalités qu’ils partagent avec les logiciels dits de gouvernance de données.

95      L’existence d’un recoupement entre les destinations desdits logiciels est la raison pour laquelle la chambre de recours a uniquement constaté un degré de similitude moyen en termes de destination, et non élevé.

96      En outre, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la division d’opposition avait affirmé que la destination des logiciels était très différente. En effet, cette dernière a indiqué que, bien que leurs destinations spécifiques ne soient pas les mêmes (their specific purpose of use is not the same), ils étaient tous utilisés, en général, pour du traitement de données (data processing), et, en outre, que leur méthode d’usage (à travers un ordinateur) était la même. Il ressort donc également de ces décisions un recoupement des destinations des logiciels, en ce qu’ils permettent tous de faire du traitement de données.

97      En quatrième lieu, s’agissant du document OP 17, dont l’interprétation est contestée, il s’agit d’un prospectus relatif au logiciel de demandes de permis de construire de l’intervenant, décrivant les objectifs, fonctions et interfaces dudit logiciel.

98      Au point 39 des décisions attaquées, rappelé au point 92 ci-dessus, la chambre de recours a estimé que ce document démontrait, à titre d’exemple, que le logiciel de demande de permis de construire de l’intervenant permettait à une organisation de créer une « carte personnalisée de ses éléments de données clés », telles que la circulation des fichiers, les services spécialisés, les tâches individuelles et la répartition des tâches. Or, d’après la requérante, cette analyse serait erronée.

99      La requérante explique que la création d’une carte personnalisée serait un processus clé par lequel un logiciel de gouvernance de données crée l’index des données d’une organisation. Dans son exposé des motifs de recours, la requérante avait également expliqué qu’une « carte personnalisée de l’ensemble [des] éléments de données clés », identifiait, premièrement, où les données étaient stockées (quelles applications et bases de données), deuxièmement, les individus dans l’organisation qui avaient les droits d’accès à ces données, et, troisièmement, quels individus contrôlaient la qualité et la précision desdites données (qualifiés de « data steward »).

100    Premièrement, il y a lieu d’observer, ainsi que le reconnaît lui-même l’EUIPO, que la chambre s’est contentée, au point 39 des décisions attaquées, de reproduire les allégations de l’intervenant telles que contenues dans ses observations finales devant la chambre de recours du 2 août 2019, alors que ledit document ne mentionne pas la création d’une carte personnalisée de données clés.

101    Deuxièmement, il ressort du détail du document OP 17 que les fonctionnalités du logiciel de demande de permis de construire couvert par la marque antérieure ne correspondent pas, ni individuellement ni globalement, à la création d’une carte ou d’un index personnalisé de l’ensemble des données clés d’une organisation.

102    Toutefois, l’affirmation au point 39 des décisions attaquées selon laquelle le logiciel de demande de permis de construire de l’intervenant, permet à une organisation de créer une carte personnalisée de ses éléments de données clés n’a été utilisée qu’à titre d’exemple et à titre surabondant. Le fait qu’elle soit erronée n’est donc pas susceptible d’avoir une influence sur la validité du raisonnement de la chambre de recours. Dès lors, il y a lieu de constater que les arguments visant l’interprétation erronée de cette annexe OP 17, même dans l’hypothèse où ils sont corrects, demeurent inopérants.

103    En conclusion, il y a lieu de rejeter l’ensemble des arguments de la requérante concernant le degré de similarité des destinations des logiciels en conflit.

3)      Sur les utilisateurs des logiciels

104    La requérante estime que, même si les deux types de produits peuvent être utilisés par une même organisation, à savoir une municipalité ou une entreprise privée, ils seraient choisis, achetés et utilisés par des professionnels spécialisés différents, avec des rôles différents au sein de leur organisation, par exemple un analyste de données ou « data officer », d’une part, et un gestionnaire d’installations ou d’immobilier, d’autre part. À cet égard, elle soutient que les professionnels qui choisissent l’un ou l’autre logiciel ne coïncident pas.

105    En l’espèce, la chambre de recours a constaté au point 41 des décisions attaquées, que, ainsi que la division d’opposition l’avait jugé à juste titre dans ses décisions, le public pertinent des produits en conflit pouvait coïncider. Il y a lieu de relever que, devant la division d’opposition et la chambre de recours, la requérante avait fait valoir que les logiciels en conflit visaient différents groupes d’utilisateurs, au motif que les logiciels visés par les marques demandées n’étaient destinés qu’à de grandes entreprises ayant de gros volumes de données et à la recherche de solutions de gouvernance de données, tandis que ceux de la marque antérieure s’adressaient principalement à des administrations publiques, des municipalités, des villes, des localités publiques, qui recherchaient des logiciels à des fins spécifiques relatives au secteur de l’immobilier ou de la construction. La division d’opposition et la chambre de recours ont rejeté cet argument et considéré que le public pertinent se recoupait en ce que les logiciels des marques demandées pouvaient être utilisés par toute entité disposant de données internes, que ce soit une entreprise d’une certaine taille ou une administration ou une entité publique, alors que les logiciels pour lesquels la marque antérieure était utilisée pouvaient être utilisés non seulement par des autorités municipales ou publiques, mais aussi par des entreprises privées (décisions de la division d’opposition, p. 9 et décisions attaquées, points 36 à 38).

106    Force est de constater que ni les décisions de la division d’opposition, ni les décisions attaquées, ne prennent position sur l’argument résumé au point 104 ci-dessus, étant donné que celui-ci n’a pas été formulé tel quel devant elles. Certes, dans son exposé des motifs de recours, la requérante avait indiqué que ses logiciels étaient achetés par un « chief data officer », c’est-à-dire par un acheteur professionnel responsable de la gestion des données d’une organisation, mais uniquement aux fins de demander à la chambre de recours d’évaluer la similitude des marques à travers la perception d’un professionnel au niveau d’attention élevé.

107    Il y a donc lieu de déclarer cette argumentation, qui se révèle être présentée pour la première fois devant le Tribunal, irrecevable, en application de la jurisprudence citée au point 85 ci-dessus.

4)      Sur les entreprises de production des logiciels

108    La requérante conteste la motivation et le bien-fondé du constat, au point 41 des décisions attaquées, selon lequel les « mêmes entreprises pourraient s’occuper de la conception et du développement des logiciels de gouvernance de données et des programmes de traitement de données utilisés dans la gestion de biens immobiliers et d’installations ». La requérante considère que chaque logiciel extrêmement spécialisé ayant une destination très différente et nécessitant des connaissances de base spécifiques, il est peu probable qu’une même entreprise produise les deux types de logiciels. La requérante souligne que l’intervenant n’a jamais produit de preuves faisant état de son entrée sur le marché de la gouvernance des données ou de l’existence d’une entreprise qui fabrique les deux types de logiciels en conflit dans la présente affaire.

109    Il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte. Cette obligation a pour objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision (voir, en ce sens, arrêt du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, EU:C:2004:649, points 63 à 65 et jurisprudence citée).

110    En l’espèce, la motivation dudit point 41 des décisions attaquées est certes succincte, mais suffisante pour permettre à la requérante de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre ses droits et au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité des décisions attaquées.

111    S’agissant du fond, il y a lieu de constater, ainsi que le relèvent l’intervenant et l’EUIPO, que la requérante conteste pour la première fois devant le Tribunal le fait que les entreprises de production de produits en comparaison puissent être les mêmes, alors que ce constat figurait déjà dans les décisions de la division d’opposition. Dès lors, l’argumentation résumée au point 108 ci-dessus doit être déclarée irrecevable au regard de la jurisprudence citée au point 85 ci-dessus.

5)      Sur la complémentarité et la concurrence entre les logiciels

112    La requérante conteste également la complémentarité et la relation de concurrence entre les logiciels en conflit.

113    Il suffira de constater que ces arguments sont inopérants dans la mesure où la chambre de recours n’a constaté ni une relation de complémentarité ni une relation de concurrence entre les produits et services en cause. Dès lors, il convient de les rejeter.

114    Quant à l’affirmation de la requérante selon laquelle d’autres facteurs de comparaison pourraient être utilisés tels que les canaux de distribution, il convient de la rejeter, car elle n’est pas étayée.

115    Par conséquent, étant donné que la nature, le public et la destination des logiciels peuvent coïncider ainsi que les entreprises de conception et de développement, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à une similitude moyenne des logiciels en comparaison.

b)      Sur les services relevant de la classe42

116    La requérante fait valoir que la chambre de recours se contente d’affirmer, sans le motiver, que les services visés par la marque verbale demandée pourraient être proposés par les mêmes entreprises qui conçoivent les types de logiciel pour lesquels la marque antérieure est utilisée. En outre, cette circonstance, par ailleurs contestée, serait insuffisante pour conclure à une similitude entre lesdits services et produits. En réalité, ces services seraient différents des logiciels couverts par la marque antérieure ou, tout au plus, très faiblement similaires.

117    L’EUIPO et l’intervenant contestent cette argumentation.

118    À titre liminaire, il y a lieu de rejeter l’affirmation de l’EUIPO selon laquelle la chambre de recours aurait entériné le raisonnement de la division d’opposition en ce qui concerne la comparaison entre les services de la marque verbale demandée et les services de la marque antérieure. En effet, il ressort du point 41 de la décision attaquée en cause que la chambre de recours a entériné le raisonnement de la division d’opposition uniquement en ce qui concerne le public pertinent des logiciels en comparaison, et qu’elle a ensuite, dans le cadre de son nouvel examen complet du fond de l’opposition, tant en droit qu’en fait, comparé les services de la marque verbale demandée avec les logiciels de la marque antérieure, les considérant comme similaires.

119    En l’espèce, au point 41 de la décision attaquée dans l’affaire T‑128/20, la chambre de recours a indiqué que les « mêmes entreprises pourraient s’occuper de la conception et du développement des logiciels de gouvernance de données et des programmes de traitement de données utilisés dans la gestion de biens immobiliers et d’installations et assurer la maintenance et les conseils après-vente, y compris des services scientifiques, technologiques et de recherche ». Elle en a conclu que les services de la marque verbale demandée étaient similaires aux logiciels de la marque antérieure.

120    En premier lieu, s’il est effectivement très succinct, le raisonnement est compréhensible et permet à la requérante de connaître les justifications du constat de similitude entre les logiciels de la marque antérieure et les services visés par la marque verbale demandée, et au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité de ce raisonnement.

121    En second lieu, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a indiqué que les logiciels de gestion de biens immobiliers et d’installations de la marque antérieure et les logiciels de gouvernance de données visés par la marque verbale demandée pouvaient être conçus et développés par les mêmes entreprises. Il convient de constater que, dans le domaine informatique, les fabricants de logiciels fourniront aussi couramment des services liés aux logiciels. En outre, ainsi que l’observe l’EUIPO, en l’espèce les utilisateurs finaux et les fabricants des produits et des services en conflit coïncident. Les arguments de la requérante à cet égard ayant déjà été rejetés, c’est à bon droit, que la chambre de recours a pu conclure que les services visés par la marque verbale demandée, qui concernaient tous les logiciels de gouvernance de données et de catalogue pour l’organisation et la gestion de données internes, étaient similaires aux logiciels de la marque antérieure. En outre, ce raisonnement est suffisant aux fins d’établir une similitude, contrairement à ce qu’allègue la requérante.

3.      Sur le risque de confusion

122    La requérante fait valoir que, compte tenu des erreurs critiquées dans le cadre de l’appréciation du degré de similitude entre les signes, d’une part, et entre les produits ou entre les services et produits, d’autre part, la chambre de recours n’a pas correctement apprécié le risque de confusion de manière globale. La requérante fait notamment valoir que la dissemblance conceptuelle entre les signes en conflit est de nature à neutraliser les similitudes visuelles et phonétiques.

123    Elle fait aussi valoir que les différences visuelles sont plus importantes quant à la comparaison phonétique, étant donné que le consommateur se déterminera après un examen minutieux, notamment sur la base de catalogues ou d’Internet.

124    Par ailleurs, elle estime que la chambre de recours aurait dû prendre en considération le fait que le public pertinent faisait preuve d’un degré d’attention élevé, ou plus élevé que la moyenne, compte tenu, d’une part, du fait qu’il était uniquement composé de professionnels, et, d’autre part, de la nature des produits et des services en conflit, de leur prix et de leur caractère technologique.

125    L’EUIPO et l’intervenant contestent cette argumentation.

126    L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

127    En l’espèce, la chambre de recours a considéré dans les deux affaires, en substance, premièrement, qu’il existait un degré moyen de similitude entre les marques en conflit sur le plan visuel et un degré élevé de similitude sur les plans phonétique et conceptuel, deuxièmement, que les produits et services visés par les marques en conflit présentaient un degré moyen de similitude, troisièmement, que la marque antérieure possédait un caractère distinctif intrinsèque pour les produits et services du domaine informatique. Elle a ajouté, en substance, que, compte tenu de ces coïncidences, une part non négligeable du public pertinent percevra dans les marques demandées et la marque antérieure la même allusion au concept du colibri. Elle en a conclu qu’il existait, pour le public pertinent composé de professionnels travaillant dans des entreprises et des organisations publiques, un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n°207/2009 en dépit du niveau d’attention élevé dudit public.

128    Dans l’affaire T‑129/20, la chambre de recours a ajouté que, compte tenu de ce qui précédait, l’élément figuratif simple de forme circulaire de la marque demandée n’excluait pas qu’une partie importante du public pertinent puisse croire que la marque figurative demandée soit une autre marque de l’intervenant, désignant une ligne de produits destinée, par exemple, à un public non germanophone ; par conséquent cet élément ne suffisait pas à dissiper un risque de confusion, même dans l’esprit d’un public professionnel très attentif.

129    En premier lieu, contrairement à ce que fait valoir l’intervenant, la jurisprudence citée au point 30 des décisions attaquées est une jurisprudence générale qui a été rappelée juste avant de constater, au point 31 des décisions attaquées, que le public n’était composé, en l’espèce, que de professionnels.

130    En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreurs d’appréciation en ce qui concerne, d’une part, la comparaison des signes, et, d’autre part, la comparaison des produits et des services. Dès lors, les arguments de la requérante rappelés au point 122 ci-dessus doivent être rejetés, y compris ceux relatifs à une prétendue dissemblance conceptuelle.

131    En troisième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel les différences visuelles sont plus importantes quant à la comparaison phonétique, rappelé au point 123 ci-dessus, il y a lieu de relever qu’il est inopérant dans la mesure où les signes sont visuellement similaires et non différents.

132    En quatrième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la chambre de recours aurait dû prendre en considération le fait que le public pertinent faisait preuve d’un niveau d’attention élevé, ou plus élevé que la moyenne, compte tenu, d’une part, du fait qu’il était uniquement composé de professionnels, et, d’autre part, de la nature des produits et des services en conflit, de leur prix et de leur caractère technologique, il suffira de relever que la chambre de recours s’est référée à la jurisprudence selon laquelle le fait que ce public sera plus attentif à l’identité du producteur ou du fournisseur du produit ou du service qu’il souhaite se procurer ne signifie pas, en revanche, qu’il examinera dans le moindre détail la marque à laquelle il sera confronté, ou qu’il la comparera minutieusement à une autre marque et que, même pour un public faisant preuve d’un niveau d’attention élevé, il n’en demeure pas moins que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il en a gardé en mémoire [arrêt du 3 juin 2015, Pensa Pharma/OHMI – Ferring et Farmaceutisk Laboratorium Ferring (PENSA PHARMA et pensa), T‑544/12 et T‑546/12, non publié, EU:T:2015:355, point 152].

133    Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté qu’il existait un risque de confusion.

134    Il ressort de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son intégralité.

C.      Sur le second moyen, tiré de la violation des droits de la défense au titre de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001

135    La requérante relève que l’une des principales allégations qui a conduit la chambre de recours à constater une similitude entre les produits et services en conflit est celle selon laquelle le logiciel de la marque antérieure permettrait à une organisation de créer une carte personnalisée de ses éléments de données clés. Or, pour parvenir à cette conclusion, la chambre de recours s’est exclusivement fondée sur des informations contenues dans la pièce OP 17 qui n’a pas été produite dans la langue de procédure par l’intervenant. La requérante considère que, bien que l’article 10, paragraphe 6, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), confère à l’EUIPO le pouvoir discrétionnaire de décider si la traduction d’un document établissant l’usage est nécessaire, pour assurer l’égalité des armes dans les procédures d’opposition, ce pouvoir discrétionnaire ne peut être toutefois exercé que lorsque le document étayant les allégations en question contient des informations claires qui ne nécessitent pas d’examiner dans le détail le document en langue étrangère. Tel serait le cas, par exemple, des pièces non traduites qui sont suffisamment explicites ou dont le contenu ne présente aucune difficulté de compréhension. Or, la requérante soutient que tel n’est pas le cas des informations figurant dans le document OP 17 en langue allemande. Elle conclut que, en se fondant sur le document OP 17 en langue allemande, la chambre de recours aurait violé l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, en ce qu’elle a adopté une décision fondée sur des éléments de preuve sur lesquels la requérante n’a pas eu la possibilité de présenter des observations, et que c’est au demeurant la raison pour laquelle la chambre de recours a interprété de façon erronée cet élément de preuve.

136    L’EUIPO et l’intervenant contestent cette argumentation.

137    Conformément à l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. Cette disposition consacre, dans le cadre du droit des marques de l’Union européenne, le principe général de protection des droits de la défense. En vertu de ce principe général du droit de l’Union, toute personne à qui une décision d’une autorité publique fait grief doit avoir été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue avant l’adoption de ladite décision. Le droit d’être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de ladite décision, mais non à la position finale que l’autorité publique entend adopter [voir, en ce sens, arrêts du 17 décembre 2010, Storck/OHMI (Forme d’une souris en chocolat), T‑13/09, non publié, EU:T:2010:552, point 52 et jurisprudence citée, et du 1er juin 2016, Grupo Bimbo/EUIPO (Forme d’une barre avec quatre cercles), T‑240/15, non publié, EU:T:2016:327, point 61 et jurisprudence citée].

138    En outre, il découle de la jurisprudence que les droits de la défense ne sont violés du fait d’une irrégularité procédurale que dans la mesure où celle-ci a eu une incidence concrète sur la possibilité pour les entreprises mises en conflit de se défendre. Ainsi, le non-respect des règles en vigueur ayant pour finalité de protéger les droits de la défense n’est susceptible de vicier la procédure administrative que s’il est établi que celle-ci aurait pu aboutir à un résultat différent en son absence (voir arrêt du 17 décembre 2010, Forme d’une souris en chocolat, T‑13/09, non publié, EU:T:2010:552, point 53 et jurisprudence citée).

139    L’article 10, paragraphe 6, du règlement 2018/625 dispose, à propos des preuves de l’usage : « [l]orsque les preuves produites par l’opposant ne sont pas rédigées dans la langue de la procédure d’opposition, l’[EUIPO] peut inviter l’opposant à présenter une traduction dans cette langue conformément à l’article 24 du règlement d’exécution (UE) 2018/626 ».

140    L’article 24 du règlement (UE) 2018/626 de la Commission, du 5 mars 2018, établissant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement 2017/1001 (JO 2018, L 104, p. 37), dispose que, « sauf disposition contraire dans le présent règlement ou dans le règlement délégué (UE) 2018/625, les pièces justificatives devant être utilisées dans la procédure écrite devant l’[EUIPO] peuvent être déposées dans toute langue officielle de l’Union » et que, «[l]orsque la langue de ces documents n’est pas la langue de la procédure, telle que déterminée conformément à' l’article 146 du règlement (UE) 2017/1001, l’[EUIPO] peut, de sa propre initiative ou sur demande motivée de l’autre partie, exiger qu’une traduction soit produite, dans un délai fixé par elle, dans cette langue ».

141    En l’espèce, la chambre de recours a considéré, au point 39 des décisions attaquées, qu’il ressortait de l’annexe OP 17, à titre d’exemple, que le logiciel de demande de permis de construire de l’intervenant permettait à une organisation de créer une carte personnalisée de ses éléments de données clés, à savoir la circulation de fichiers, les services spécialisés, les tâches individuelles et la répartition des tâches.

142    Certes, comme l’affirme à juste titre la requérante, il est, en principe, nécessaire qu’elle puisse comprendre la teneur des preuves de l’usage produites par l’intervenant. Toutefois, afin de pouvoir effectivement exercer ses droits de la défense à l’égard desdites preuves, il n’est pas requis que la requérante soit en mesure de bien saisir tous leurs détails. Il suffit, à cet égard, qu’une personne possédant une connaissance de la langue de la procédure devant l’EUIPO soit à même d’identifier et de comprendre les éléments pertinents des documents [voir, par analogie, arrêt du 24 janvier 2017, Rath/EUIPO – Portela & Ca. (Diacor), T‑258/08, non publié, EU:T:2017:22, point 21].

143    Or, en l’espèce, la chambre de recours a repris, au point 39 des décisions attaquées, l’analyse et la description de ladite pièce telle que formulée dans les observations de l’intervenant du 2 août 2019, rédigées en anglais, langue de procédure. Dès lors, la requérante était à même de comprendre la teneur de la pièce OP 17 et pouvait utilement faire entendre son point de vue. En outre, elle n’a pas demandé de traduction de la pièce en cause.

144    En tout état de cause, ainsi que le souligne l’EUIPO, ladite pièce n’a été utilisée qu’à titre d’exemple, et à titre surabondant, et le non-respect des droits de la défense n’est donc pas susceptible de vicier la procédure administrative, étant donné qu’il n’est pas établi que celle-ci aurait pu aboutir à un résultat différent en son absence.

145    Il y a donc lieu de rejeter le second moyen, et, partant, les recours dans leur intégralité.

IV.    Sur les dépens

146    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T128/20 et T129/20 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2)      Les recours sont rejetés.

3)      Collibra est condamnée aux dépens.

Collins

Csehi

De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.