Language of document : ECLI:EU:T:2024:351

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

5 juin 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale COMMUTE WITH ENTERPRISE – Marque de l’Union européenne verbale antérieure Qommute – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑500/23,

Enterprise Holdings, Inc., établie à Saint-Louis, Missouri (États-Unis), représentée par M. M. Forde, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. T. Frydendahl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Qommute, établie à Marseille (France), représentée par Me S. Sioën-Gallina, avocate,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. F. Schalin, président, I. Nõmm (rapporteur) et D. Kukovec, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Enterprise Holdings, Inc., demande l’annulation et la réformation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 1er juin 2023 (affaire R 989/2022-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 24 août 2018, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal COMMUTE WITH ENTERPRISE.

3        La marque demandée désignait les services relevant de la classe 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Services de fournisseurs de services d’application, à savoir hébergement d’un site web et d’une plate-forme en ligne pour la réservation, la facilitation et la gestion de services de covoiturage, de covoiturage par fourgonnette et de conavettage et de location de véhicules ; services de logiciels-services [SaaS] proposant des logiciels pour la réservation, la facilitation et la gestion de la réservation de services de covoiturage, de covoiturage par fourgonnette et de conavettage et de location de véhicules ; mise à disposition temporaire de logiciels non téléchargeables pour la réservation, la facilitation et la gestion de services de covoiturage, de covoiturage par fourgonnette et de conavettage et de location de véhicules ; mise à disposition d’un site web permettant aux utilisateurs de trouver des services de covoiturage, de covoiturage par fourgonnette et de conavettage existants ; fourniture de services de conseils, d’informations et d’assistance liés aux services précités ».

4        Le 19 décembre 2018, MYTECHTRIP SARL, le prédécesseur en droit de l’intervenante, Qommute, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les services mentionnés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure Qommute, déposée le 27 mars 2018 et enregistrée le 3 octobre 2018 sous le numéro 17880364, désignant, notamment, les services relevant de la classe 42 et correspondant à la description suivante : « Développement, conception, location et mise à jour de logiciels, en particulier de logiciels destinés à la gestion en temps réel de réseaux de transport public, au transport urbain de personnes, au calcul d’itinéraires de transport en commun, aux informations en matière de trafic à savoir bus, métro, tramway, train, bateau ; services de stockage de données informatisées ; hébergement et maintenance de logiciels en ligne communiquant par le biais d’une interface relative à la gestion en temps réel du réseau de transports publics à savoir bus, métro, tramway, train, bateau ; édition de logiciels destinés à la gestion en temps réel du réseau de transport public, au transport urbain de personnes, au calcul d’itinéraires de transport en commun, aux informations en matière de trafic à savoir trafic routier (bus, métro, tramway), trafic ferroviaire, trafic maritime ».

6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

7        Le 29 mars 2019, le transfert de la marque antérieure à l’intervenante a été communiqué à l’EUIPO.

8        Le 6 avril 2022, la division d’opposition a fait droit à l’opposition, au motif qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

9        Le 6 juin 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours, au motif qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, compte tenu du fait que, premièrement, les services en cause étaient identiques ou similaires à un degré élevé, deuxièmement, les signes en conflit étaient visuellement et phonétiquement similaires au moins à un degré moyen tandis qu’il était impossible de procéder à une comparaison conceptuelle, troisièmement, le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure était moyen et, quatrièmement, le niveau d’attention du public pertinent variait de moyen à supérieur à la moyenne.

 Conclusions des parties 

11      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        réformer la décision attaquée en ce sens que l’opposition devrait être renvoyée devant la division d’opposition aux fins de son réexamen ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante conjointement et solidairement aux dépens exposés par elle dans le cadre du présent recours ainsi que devant la chambre de recours.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de tenue d’une audience.

13      L’intervenante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par elle dans le cadre du présent recours ainsi que devant la chambre de recours.

 En droit

14      La requérante invoque en substance deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, le second, de la violation du principe d’impartialité.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

15      Dans le cadre du premier moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a conclu à tort, premièrement, à la similitude des services en cause, deuxièmement, à la similitude des signes en conflit et, troisièmement, à l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

16      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

17      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

18      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

19      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

20      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union européenne, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits et services en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

21      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent moyen.

 Sur le public pertinent

22      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

23      Dans l’hypothèse où les services visés par les marques en conflit s’adressent à un même public pertinent, composé à la fois du grand public et des professionnels, le public ayant le niveau d’attention le moins élevé doit être pris en considération [voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2014, Argo Group International Holdings/OHMI – Arisa Assurances (ARIS), T‑247/12, EU:T:2014:258, points 27 à 29 et jurisprudence citée].

24      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les services en cause s’adressaient au grand public ainsi qu’au public professionnel ayant un niveau d’attention qui variait de moyen à supérieur à la moyenne.

25      En outre, elle a retenu que la protection de la marque antérieure s’étendait à l’Union européenne. Toutefois, pour des raisons d’économie de procédure, elle a fondé la comparaison des signes sur la perception de la partie non anglophone de l’Union européenne, et notamment, sur la perception du public francophone et du public germanophone.

26      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir fondé son appréciation sur le public anglophone qui attribuerait une signification à la marque demandée.

27      À cet égard, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 20 ci-dessus, il suffit, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union. Par conséquent, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concentrant son examen sur les publics francophone et germanophone, de sorte que l’argumentation de la requérante relative au public anglophone ne saurait être prise en considération dans le cadre du présent recours.

28      Par conséquent, il n’y a pas lieu de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours quant au public pertinent et son niveau d’attention.

 Sur la comparaison des services en cause

29      La chambre de recours a considéré que les services en cause étaient en partie identiques et en partie similaires à un degré élevé.

30      La requérante fait valoir, en substance, que, premièrement, l’appréciation de la chambre de recours est contraire à l’article 33, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, en ce qu’elle n’était pas en mesure de procéder à la détermination de l’étendue de la protection de la marque antérieure, étant donné que la liste des services désignés par celle-ci manquait de clarté et de précision. Deuxièmement, elle reproche à la chambre de recours d’avoir interprété l’expression « en particulier » dans la liste des services désignés par la marque antérieure comme indiquant uniquement des exemples. Cette interprétation n’a, en conséquence, pas limité la portée des services compris dans cette liste et a ainsi élargi à tort, d’une part, l’étendue de ces services et, d’autre part, l’étendue de la protection accordée à la marque antérieure. Troisièmement, elle soutient que certains des services en cause ne peuvent présenter qu’un faible degré de similitude.

31      L’EUIPO et l’intervenante réfutent l’argumentation de la requérante.

32      Premièrement, en ce qui concerne la prétendue violation de l’article 33, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des éléments présentés pour la première fois devant lui [voir arrêt du 23 mars 2022, Vetpharma Animal Health/EUIPO – Deltavit (DELTATIC), T‑146/21, non publié, EU:T:2022:159, point 21 et jurisprudence citée].

33      En l’espèce, il ressort du dossier que c’est pour la première fois au stade de la procédure devant le Tribunal que la requérante a fait valoir que la liste de services désignés par la marque antérieure manquait de clarté et de précision au sens de l’article 33, paragraphe 2, du règlement 2017/1001. Il s’agit donc d’un argument nouveau que la requérante n’a pas présenté devant l’EUIPO et que ce dernier n’était pas tenu d’examiner d’office, dès lors que l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 limite son examen aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties [voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2019, MPM-Quality/EUIPO – Elton Hodinářská (MANUFACTURE PRIM 1949), T‑75/18, non publié, EU:T:2019:413, point 81]. Cet argument est ainsi irrecevable.

34      Deuxièmement, en ce qui concerne l’interprétation de l’expression « en particulier » figurant la liste de services désignés par la marque antérieure, il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence, cette expression, utilisée dans une description de services, a une simple valeur exemplative. En outre, cette expression n’exclut aucun autre service de la liste, mais se limite à indiquer une catégorie de services présentant un intérêt particulier pour une partie [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2018, Next design+produktion/EUIPO – Nanu-Nana Joachim Hoepp (nuuna), T‑533/17, non publié, EU:T:2018:698, point 64 et jurisprudence citée].

35      Ainsi, conformément à la jurisprudence citée ci-dessus, même si l’intervenante peut avoir, en l’espèce, un intérêt particulier pour les services liés aux transports publics, la catégorie « développement, conception, location et mise à jour de logiciels » ne devrait pas être considérée comme étant limitée uniquement auxdits services. Par conséquent, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir élargi l’étendue des services désignés par la marque antérieure ou, en soi, l’étendue de la protection de la marque antérieure.

36      Dès lors, au point 30 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu à juste titre au caractère identique des services désignés par la marque antérieure et intitulés « Développement, conception, location et mise à jour de logiciels » et des services désignés par la marque demandée et intitulés « Services de logiciels-services [SaaS] proposant des logiciels pour la réservation, la facilitation et la gestion de la réservation de services de covoiturage, de covoiturage par fourgonnette et de conavettage et de location de véhicules ; mise à disposition temporaire de logiciels non téléchargeables pour la réservation, la facilitation et la gestion de services de covoiturage, de covoiturage par fourgonnette et de conavettage et de location de véhicules ». En effet, il n’y a pas lieu de remettre en cause ces appréciations de la chambre de recours au regard du fait que la catégorie plus générale des services couverts par la marque antérieure englobe les services couverts par la marque demandée de sorte que ces services sont effectivement identiques ou doivent être considérés comme tels [voir, en ce sens, arrêts du 17 février 2017, Construlink/EUIPO – Wit-Software (GATEWIT), T‑351/14, non publié, EU:T:2017:101, point 62 et jurisprudence citée, et du 21 avril 2021, Hasbro/EUIPO – Kreativni Dogadaji (MONOPOLY), T‑663/19, EU:T:2021:211, point 105 et jurisprudence citée].

37      Troisièmement, en ce qui concerne le degré de similitude entre les services désignés par la marque antérieure et intitulés « Hébergement et maintenance de logiciels en ligne communiquant par le biais d’une interface relative à la gestion en temps réel du réseau de transports publics, à savoir bus, métro, tramway, train, bateau » et les services désignés par la marque demandée et intitulés « Services de fournisseurs de services d’application, à savoir hébergement d’un site web et d’une plate-forme en ligne pour la réservation, la facilitation et la gestion de services de covoiturage, de covoiturage par fourgonnette et de conavettage et de location de véhicules (y compris des services d’information, de conseils et d’assistance) », force est de constater que la requérante n’avance aucun argument à l’appui de son grief relatif au faible degré de similitude des services en cause. Elle se contente d’affirmer que la chambre de recours a adopté une approche « extensive » sans fournir davantage d’explications.

38      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours qui a non seulement constaté la similitude des services en cause susmentionnés, mais également la similitude entre, d’une part, les services désignés par la marque antérieure et intitulés « Location de logiciels » et « Services de stockage de données informatisées » et, d’autre part, les services désignés par la marque demandée et visés au point 37 ci-dessus, ce qui n’a d’ailleurs pas été contesté par la requérante. Ainsi, le grief en cause doit être rejeté comme non fondé.

39      À la lumière de ce qui précède, il convient de constater que la requérante n’avance aucun argument susceptible de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours portant sur la similitude des services en cause.

 Sur la comparaison des signes en conflit

40      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

41      En l’espèce, la chambre de recours a considéré qu’il existait une similitude visuelle et phonétique d’un degré moyen et qu’il était impossible de procéder à une comparaison conceptuelle entre les marques en conflit.

42      La requérante prétend, en substance, que la chambre de recours n’a pas examiné les signes en conflit dans leur ensemble et qu’elle a à tort considéré que le terme « commute » était l’élément le plus distinctif de la marque demandée.

43      L’EUIPO et l’intervenante réfutent l’argumentation de la requérante.

44      En l’espèce, avant de traiter la question de la similitude des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, il y a lieu d’examiner l’appréciation des éléments distinctifs et dominants de la marque demandée effectuée par la chambre de recours.

–       Sur les éléments distinctifs et dominants de la marque demandée

45      Quant à la marque demandée, la chambre de recours a considéré que l’élément « commute » était l’élément dominant ainsi que le plus distinctif de ladite marque, disposant d’un caractère distinctif moyen.

46      La requérante fait valoir que, contrairement à ce qui est formulé dans l’appréciation de la chambre de recours, l’élément le plus distinctif de la marque demandée n’est pas le terme « commute », mais que cette dernière est distinctive dans son ensemble.

47      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

48      Selon la jurisprudence, pour déterminer le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’apprécier l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [voir arrêt du 6 avril 2022, Moio/EUIPO – Paul Hartmann (moio.care), T‑276/21, non publié, EU:T:2022:221, point 50 et jurisprudence citée].

49      Si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’en demeure pas moins que, en percevant un signe verbal, il décompose celui-ci en des éléments verbaux qui, pour lui, ont une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connait [voir arrêt du 17 janvier 2024, Ona Investigación/EUIPO – Formdiet (BIOPÔLE), T‑61/23, non publié, EU:T:2024:10, point 36 et jurisprudence citée].

50      Premièrement, s’agissant de l’élément dominant de la marque demandée, la chambre de recours a considéré que l’élément « commute » constituait l’élément dominant de ladite marque. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette appréciation qui apparaît conforme aux éléments du dossier de l’affaire et qui, au demeurant, n’est pas contestée par la requérante.

51      Deuxièmement, la chambre de recours a considéré à juste titre que le terme « commute » était l’élément le plus distinctif de la marque demandée, compte tenu du fait qu’il n’avait pas de signification pour le public pertinent germanophone ou francophone, étant donné qu’il s’agissait d’un mot anglais qui n’appartenait pas au vocabulaire anglais de base. En revanche, elle a estimé que les termes « with » et « enterprise » faisaient partie du vocabulaire anglais de base et étaient ainsi susceptibles d’être compris par le public pertinent. En outre, elle a précisé que le terme « enterprise » serait compris par le public pertinent comme faisant allusion à une société, à un projet ou à une entreprise, étant donné que le terme français « entreprise » existait et que le terme « die Entreprise » était également utilisé en allemand comme synonyme d’un projet ou d’une entreprise.

52      Force est de constater que la requérante n’avance aucun argument concret allant à l’encontre de l’appréciation de la chambre de recours. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de remettre en cause cette appréciation, qui est d’ailleurs exempte d’erreur, et il convient de considérer que le terme « commute » constitue l’élément dominant et le plus distinctif de la marque demandée.

–       Sur la similitude visuelle

53      La chambre de recours a constaté qu’il existait une similitude visuelle à tout le moins moyenne des signes en conflit, compte tenu du fait que les parties initiales desdits signes étaient très similaires.

54      La requérante soutient que les signes en conflit sont visuellement différents, parce que le public pertinent percevra une différence visuelle frappante et inhérente à la première lettre du terme « qommute » par rapport au terme « commute ».

55      L’EUIPO et l’intervenante réfutent l’argumentation de la requérante.

56      La chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient une similitude d’un degré à tout le moins moyen, étant donné qu’ils coïncidaient par la séquence des lettres « o », « m », « m », « u », « t » et « e » et que les premières lettres « q » et « c », écrites en majuscules, étaient de forme ronde et produisaient également un effet visuel comparable.

57      Il y a lieu de rappeler que, s’agissant d’une marque verbale, la protection qui découle de l’enregistrement d’une telle marque porte sur le mot indiqué dans la demande d’enregistrement et non sur les aspects graphiques ou stylistiques particuliers que cette marque pourrait éventuellement revêtir. Ainsi, il est sans pertinence de comparer les lettres « q » et « c » dans leur forme majuscule [voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2015, Soprema/OHMI – Sopro Bauchemie (SOPRAPUR), T‑763/14, non publié, EU:T:2015:883, point 56 et jurisprudence citée].

58      En outre, le Tribunal a déjà jugé que la présence de la lettre « c » au lieu de la lettre « q » pouvait présenter une certaine différence dans un signe [voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2010, 4care/OHMI – Laboratorios Diafarm (Acumed), T‑575/08, non publié, EU:T:2010:359, point 41]. Toutefois, force est de constater qu’une telle différence ne saurait constituer une différence frappante et neutraliser les similitudes existantes entre des signes en conflit dont les éléments distinctifs et dominants se recoupent largement. Or, en l’espèce, compte tenu de la présence des éléments supplémentaires « with » et « enterprise » dans la marque demandée et de la différence entre les premières lettres des signes en conflit, ces derniers ne présentent qu’une similitude d’un degré moyen sur le plan visuel.

–       Sur la similitude phonétique

59      La chambre de recours a constaté que les signes en conflit présentaient, à tout le moins, une similitude moyenne sur le plan phonétique, étant donné que, d’une part, la prononciation des parties initiales desdits signes était quasiment identique et que, d’autre part, l’élément « with enterprise » ne serait probablement pas prononcé par les consommateurs.

60      La requérante soutient que les signes en conflit sont différents sur le plan phonétique étant donné que la marque demandée contient deux mots supplémentaires par rapport à la marque antérieure et que ces mots font partie de l’élément le plus distinctif de ladite marque.

61      L’EUIPO et l’intervenante réfutent l’argumentation de la requérante.

62      À l’instar de la chambre de recours, il convient de constater que les parties initiales des signes en conflit sont quasiment identiques sur le plan phonétique. Dès lors, même si le public pertinent prononce les éléments supplémentaires non distinctifs de la marque demandée, les signes en conflit présentent néanmoins une similitude phonétique moyenne, compte tenu du fait que leurs parties initiales, qui constituent par ailleurs les éléments dominants et les plus distinctifs desdits signes, se chevauchent.

–       Sur la similitude conceptuelle

63      La chambre de recours a conclu qu’il n’était pas possible d’effectuer une comparaison conceptuelle entre les signes en conflit, étant donné que lesdits signes dans leur ensemble étaient dépourvus de signification claire pour le public pertinent.

64      Bien que la requérante ne conteste pas explicitement l’appréciation de la similitude conceptuelle de la chambre de recours en ce qui concerne les publics germanophone et francophone, elle reproche à la chambre de recours d’avoir attribué à la marque demandée des significations différentes dans les autres langues sans considérer que la marque demandée était exprimée, dans son ensemble, en anglais.

65      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

66      À l’instar du raisonnement figurant aux points 24 à 28 ci-dessus, il y a lieu de rappeler que, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant les publics francophone et germanophone comme constituant le public pertinent en l’espèce. Dès lors, contrairement à ce que prétend la requérante, il n’y a pas lieu de prendre en compte la perception du public anglophone.

67      Par conséquent, il n’y a pas lieu de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours sur la similitude conceptuelle en ce qui concerne le public francophone et germanophone, qui n’est d’ailleurs pas contestée par la requérante.

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

68      Au point 58 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que la marque antérieure possédait un caractère distinctif « normal » pour le public pertinent, ce qui doit être compris, selon la jurisprudence, comme correspondant à un degré moyen de caractère distinctif [voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2023, Pinar Kuruyemiş Gida Ve Ihtiyaç Maddeleri Sanayi Ticaret/EUIPO – Yadex International (pinar KURUYEMIŞ), T‑147/22, non publié, EU:T:2023:213, point 82 et jurisprudence citée].

69      Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette appréciation, qui apparaît conforme aux éléments du dossier de l’affaire et qui, au demeurant, n’est pas contestée par la requérante.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

70      La chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion, compte tenu du fait que, premièrement, les services en cause étaient identiques ou très similaires, deuxièmement, la marque antérieure était presque identique à la partie initiale de la marque demandée, à savoir l’élément dominant et le plus distinctif de celle-ci, troisièmement, le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure était moyen, et quatrièmement, le public pertinent disposait d’un niveau d’attention supérieur à la moyenne pour certains des services en cause.

71      La requérante soutient que, en l’absence de similitude entre les signes en conflit, le risque de confusion aurait dû être écarté. Même s’il existe une similitude de faible degré entre lesdits signes, cela ne permet pas de conclure à l’existence d’un risque de confusion, en particulier compte tenu du fait que le niveau d’attention du public pertinent s’est avéré moyen ou supérieur à la moyenne.

72      L’EUIPO et l’intervenante réfutent l’argumentation de la requérante.

73      Quant à l’argument de la requérante selon lequel une similitude entre les signes en conflit ne permet pas de conclure à un risque de confusion entre lesdits signes lorsque le niveau d’attention du public pertinent est moyen ou supérieur à la moyenne, il y a lieu de rappeler que, si les services visés par les deux marques en conflit s’adressent à un même public pertinent, composé à la fois du grand public et de professionnels, le public ayant le niveau d’attention le moins élevé doit être pris en considération (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2014, ARIS, T‑247/12, EU:T:2014:258, points 27 à 29 et jurisprudence citée).

74      En l’espèce, étant donné que les services en cause s’adressent au grand public ainsi qu’au public professionnel ayant un niveau d’attention variant entre moyen et supérieur à la moyenne, le public ayant le niveau d’attention moyen doit être pris en considération.

75      À l’instar du raisonnement figurant aux points 53 à 62 ci-dessus, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a conclu à juste titre que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur les plans visuel et phonétique, et non un degré faible de similitude comme le prétend la requérante. Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que le public pertinent dispose d’un niveau d’attention moyen, n’est pas en mesure de contrebalancer le degré moyen de similitude entre les signes en conflit ou, par conséquent, d’éviter l’existence d’un risque de confusion. Tel est d’autant moins le cas en considérant que, en l’espèce, les services en cause sont identiques ou très similaires.

76      Dès lors, la requérante n’a présenté aucun argument susceptible de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours concluant à l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement 2017/1001.

77      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le second moyen, tiré de la violation du principe d’impartialité

78      La requérante soutient que la chambre de recours n’a pas été impartiale dans son examen du motif relatif de refus tiré de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, puisqu’elle a fondé sa décision entièrement sur une décision antérieure, à savoir sur la décision du 1er juin 2023 dans l’affaire R 1015/2022-5, portant sur la procédure d’opposition entre la requérante et l’intervenante.

79      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

80      Il convient de rappeler que, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’EUIPO doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens. Toutefois, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité. En outre, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 74 à 77).

81      En l’espèce, il y a lieu de constater que les signes en question dans les affaires R 1015/2022‑5 et R 989/2022-5 devant l’EUIPO étaient identiques. Dès lors, il est tout à fait logique que l’appréciation de la chambre de recours portant sur la similitude desdits signes soit uniforme.

82      Certes, les services et produits désignés par les marques en conflit sont différents, à l’exception des services désignés par la marque antérieure relevant de la classe 42. À ce titre, en l’espèce, la chambre de recours a procédé à la comparaison des services et à la détermination du public pertinent en tenant compte uniquement des services désignés par les marques en cause dans la présente affaire. Par ailleurs, l’analyse des deux décisions de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 1er juin 2023 dans les affaires R 1015/2022‑5 et R 989/2022-5 montre que les parties dédiées à l’appréciation du public pertinent et à la comparaison des produits et des services ne se chevauchent pas. Toutefois, force est de constater que dans les deux décisions, la chambre de recours est parvenue à une conclusion quasiment identique quant au public pertinent et à la similitude des services et des produits en cause. En particulier, la chambre de recours a considéré dans lesdites décisions que, premièrement, le public pertinent comprenait le grand public ainsi que le public professionnel, dont le niveau d’attention variait de moyen à supérieur à la moyenne, et que, deuxièmement, les services et produits en cause étaient en partie identiques et en partie similaires à un degré moyen ou très similaires.

83      Par conséquent, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur quand elle a procédé à une appréciation quasiment identique dans les deux décisions en question en ce qui concerne non seulement la similitude des signes en conflit, mais également l’appréciation globale du risque de confusion.

84      Étant donné que la chambre de recours a procédé à un examen distinct pour la détermination du public pertinent et pour la comparaison des produits et services désignés par les marques en conflit, aucun élément du dossier ne permet d’établir que la chambre de recours n’a pas effectué un examen strict et complet de chaque cas concret qui lui était soumis ou qu’elle a fait preuve d’une quelconque partialité.

85      À cet égard, sans qu’il soit besoin de statuer sur l’éventuelle irrecevabilité du présent moyen, telle que soulevée par l’EUIPO, ce dernier ne peut qu’être rejeté comme étant non fondé.

86      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, aucun des moyens invoqués par la requérante au soutien de ses conclusions ne devant être accueilli, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

87      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

88      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière. À cet égard, si l’intervenante a conclu à la condamnation de la requérante aux dépens exposés par elle aux fins de la procédure devant la chambre de recours, il suffit de constater que, dès lors que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le dispositif de cette dernière qui continue à régler les dépens exposés dans la procédure de recours devant l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, Cole Haan/EUIPO – Samsøe & Samsøe Holding (Ø), T–399/20, EU:T:2021:442, point 64 et jurisprudence citée]. En revanche, l’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’en cas de tenue d’une audience, il convient, en l’absence d’organisation d’une audience, de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Enterprise Holdings, Inc. supportera ses propres dépens ainsi que ceux de Qommute.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Schalin

Nõmm

Kukovec

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 juin 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.