Language of document : ECLI:EU:T:2007:275

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

12 septembre 2007 (*)

« Clause compromissoire – Contrat conclu dans le cadre d’un programme spécifique dans le domaine des technologies de la société de l’information (projet Crossmarc) – Inexécution du contrat – Remboursement de l’avance versée par la Communauté – Garantie à première demande des obligations contractuelles – Procédure par défaut »

Dans l’affaire T‑184/06,

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par Mme L. Ström van Lier, puis par M. L. Escobar Guerrero, en qualité d’agents, assistés de Me P. Elvinger, avocat,

partie requérante,

contre

Internet Commerce Network, établie à Bagnolet (France),

Dane-Elec Memory, établie à Bagnolet,

parties défenderesses,

ayant pour objet un recours fondé sur une clause compromissoire visant à obtenir la condamnation des défenderesses à rembourser le montant de l’avance versée par la Communauté, ainsi que des intérêts de retard, à la suite de la non-exécution du contrat n° 2000-25366, conclu dans le cadre d’un programme spécifique de recherche, de développement technologique et de démonstration dans le domaine des technologies de la société de l’information (IST) (1998-2002) et concernant le projet Crossmarc (Cross-lingual Multi Agent Retail Comparison),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij et Mme I. Pelikánová, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Contrat conclu entre ICN et la Commission

1        Le 28 février 2001, la Communauté européenne, représentée par la Commission, a conclu avec plusieurs centres de recherche et sociétés, dont la société française Internet Commerce Network (ci-après « ICN »), le contrat n° 2000‑25366 (ci-après le « contrat ») dans le cadre d’un programme spécifique de recherche, de développement technologique et de démonstration dans le domaine des technologies de la société de l’information. Le contrat avait pour objet le soutien financier de la Communauté au développement d’un système de comparaison des prix des objets achetés au détail sur Internet (ci‑après le « projet Crossmarc »).

2        Selon le contrat, ICN s’engageait, en échange d’un soutien financier de la Communauté européenne à concurrence de 186 259 euros, à participer à la réalisation du projet Crossmarc, notamment en effectuant certaines prestations techniques et en contribuant à la rédaction de rapports périodiques. ICN s’est en outre engagée à présenter régulièrement des relevés de coûts.

3        Le contrat était soumis au droit luxembourgeois. La Cour de justice des Communautés européennes a été désignée comme étant exclusivement compétente pour connaître des litiges concernant la validité, l’application et l’interprétation du contrat et opposant la Commission à l’une des autres parties à ce dernier.

 Garantie consentie par Dane‑Elec Memory

4        Par une lettre de garantie datée du 1er septembre 2000 (ci-après la « garantie »), Dane-Elec Memory (ci-après « Dane‑Elec »), société française détenant la majorité du capital d’ICN, s’est portée garante de l’exécution par ICN de ses obligations stipulées par le contrat.

5        En vertu de l’article 3 de la garantie, Dane‑Elec s’est engagée irrévocablement à payer à la Commission, à première demande et à concurrence de 186 259 euros, toutes les sommes qui lui seraient dues par ICN, si cette dernière ne remplissait pas ses obligations en vertu du contrat.

6        Selon les articles 4 et 5 de la garantie, pour faire appel à cette dernière, la Commission était tenue d’adresser à Dane‑Elec une lettre recommandée indiquant qu’ICN n’avait pas rempli ses obligations contractuelles et spécifiant le montant réclamé.

7         L’article 6 de la garantie stipulait qu’elle était valable jusqu’au 60e jour après la date du paiement final effectué par la Commission en exécution du contrat ou jusqu’au 31 décembre 2003.

8        Aux termes de son article 8, la garantie et ses effets étaient régis par le droit luxembourgeois. Enfin, l’article 9 stipulait que tout litige concernant la garantie ou un paiement effectué en vertu de celle‑ci devait être porté devant les juridictions des Communautés européennes.

 Événements survenus après la signature du contrat

9        Après la signature du contrat, la Commission a transféré à ICN, par l’intermédiaire du coordinateur du projet Crossmarc, le montant de 55 878 euros au titre d’une avance sur la participation de la Communauté européenne audit projet.

10      En mars 2001, ICN a participé à la première rencontre des participants au projet Crossmarc, au cours de laquelle des tâches spécifiques lui ont été attribuées.

11      Le 26 juin 2001, le coordinateur du projet Crossmarc a demandé à ICN de présenter sa contribution au premier rapport trimestriel de gestion ainsi que de participer à l’accomplissement de certaines tâches techniques dans le cadre du projet. Le même jour, ICN a informé le coordinateur qu’elle rencontrait de sérieux problèmes financiers.

12      Par la suite, ICN n’a pas participé à la réalisation du projet Crossmarc.

13      Par lettre du 14 janvier 2002, la Commission a invité ICN à rembourser immédiatement l’avance de 55 878 euros au coordinateur du projet Crossmarc, motif pris de ce qu’ICN n’avait pas contribué audit projet depuis le mois de juillet 2001.

14      Par lettre recommandée du 11 décembre 2003, dont Dane‑Elec a accusé réception le 19 décembre 2003, la Commission a fait appel à la garantie, en demandant à Dane‑Elec le paiement du montant de 55 878 euros et en invoquant le non‑respect par ICN de ses obligations stipulées au contrat.

15      Dane-Elec ayant contesté son obligation d’honorer la garantie, la Commission lui a adressé le 4 mars 2004 une nouvelle lettre recommandée par laquelle elle a réitéré sa demande.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 juillet 2006, la Commission a introduit le présent recours.

17      Dane‑Elec et ICN n’ayant pas présenté de mémoire en défense dans le délai prescrit, la Commission a demandé, par écrits du 29 novembre 2006 et du 20 février 2007, à se voir adjuger ses conclusions par défaut, conformément à l’article 122, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

18      Par lettre du 18 avril 2007, le Tribunal a demandé à la Commission de communiquer certains documents et de répondre à certaines questions. La Commission a déféré à cette demande le 24 mai 2007.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, condamner Dane‑Elec à payer à la Commission le montant de 55 878 euros, augmenté des intérêts de retard, au titre de l’exécution de la garantie ;

–        à titre subsidiaire, condamner ICN à rembourser à la Commission l’avance de 55 878 euros, augmentée des intérêts de retard, au titre de l’inexécution des obligations d’ICN prévues au contrat ;

–        condamner les défenderesses aux dépens.

20      Dans sa réponse aux demandes et aux questions du Tribunal présentée le 24 mai 2007, la Commission a indiqué que sa demande subsidiaire devait être interprétée comme visant également la condamnation de Dane‑Elec.

 En droit

 Sur la demande principale

21      La demande principale de la Commission tend à la condamnation de Dane‑Elec au paiement du montant de 55 878 euros au titre de la garantie, majoré des intérêts au taux légal luxembourgeois à compter du 11 décembre 2003.

22      À cet égard, il y a lieu de constater que, bien que la requête de la Commission lui ait été régulièrement notifiée, Dane‑Elec n’a pas produit de mémoire en défense. Le Tribunal doit donc statuer par défaut, conformément à la demande en ce sens de la Commission. La recevabilité de la demande principale et le respect des formalités à son égard ne faisant aucun doute, il appartient au Tribunal, conformément à l’article 122, paragraphe 2, de son règlement de procédure, de vérifier si les conclusions de la Commission paraissent fondées.

 Sur l’obligation de Dane-Elec de payer le montant de 55 878 euros

23      La Commission soutient que, par sa lettre recommandée en date du 11 décembre 2003, dont Dane‑Elec a accusé réception le 19 décembre 2003, elle a valablement fait appel à la garantie pour le montant de 55 878 euros, correspondant à l’avance versée à ICN en vertu du contrat. Il y a dès lors lieu d’examiner si, à cette date, les conditions requises pour que la Commission puisse faire appel à la garantie étaient réunies.

24       À cet égard, la Commission soutient que la garantie doit être interprétée comme une garantie à première demande, abstraite et autonome, de sorte que les seules conditions requises pour qu’elle puisse faire appel à la garantie étaient celles liées, d’une part, à sa durée et, d’autre part, à la forme et au contenu de l’appel en garantie, stipulées par les articles 4 à 7 de la garantie. Dane‑Elec était donc tenue, selon elle, au paiement du montant réclamé indépendamment de la question du respect par ICN de ses obligations stipulées au contrat.

25      Or, tout d’abord, il convient d’observer que, si l’article 3 de la garantie stipule effectivement une obligation irrévocable de Dane‑Elec de payer, à première demande, les montants dus par ICN à la Commission en vertu du contrat, cette obligation est néanmoins expressément soumise à la condition du non‑respect par ICN des ses obligations stipulées au contrat.

26      Cela étant, il ressort des éléments du dossier que, alors que la Commission a payé à ICN une avance de 55 878 euros en vertu du contrat, ICN a arrêté depuis le mois de juin 2001 toute participation au projet Crossmarc. Ainsi, elle n’a pas effectué de prestations techniques, elle n’a pas contribué à la rédaction de rapports périodiques et elle n’a pas présenté de relevés de coûts dans le cadre dudit projet. Il s’ensuit que, à la date de la réception par Dane‑Elec de la lettre de la Commission, le 19 décembre 2003, ICN ne respectait plus les obligations stipulées au contrat et que, par conséquent, la condition prévue par l’article 3 de la garantie était remplie.

27      Ensuite, quant à la durée de l’engagement de Dane‑Elec, l’article 6 de la garantie stipulait que cette dernière était valable jusqu’au 60e jour après la date du paiement final effectué par la Commission en exécution du contrat ou jusqu’au 31 décembre 2003. Or, le paiement final n’ayant pas eu lieu à l’égard d’ICN en raison du retrait de cette dernière du projet Crossmarc, la Commission pouvait, dans ces circonstances, faire appel à la garantie jusqu’au 31 décembre 2003. Il s’ensuit que la lettre du 11 décembre 2003, dont Dane‑Elec a accusé réception le 19 décembre 2003, a bien été présentée avant l’expiration de la garantie.

28      En ce qui concerne, enfin, la forme et le contenu de l’appel en garantie, selon les articles 4 et 5 de la garantie, Dane‑Elec était tenue d’honorer la garantie sur présentation d’une lettre recommandée de la Commission indiquant qu’ICN n’avait pas respecté ses obligations stipulées par le contrat et spécifiant le montant réclamé. Or, la lettre de la Commission en date du 11 décembre 2003 répond bien à ces exigences.

29      Étant donné que toutes les conditions stipulées par la garantie ont été respectées, il y a lieu de conclure que, en adressant à Dane‑Elec la lettre recommandée du 11 décembre 2003, la Commission a valablement fait appel à la garantie pour le montant de 55 878 euros. Dans la mesure où Dane‑Elec n’a pas respecté son obligation découlant de la garantie, il y a lieu de la condamner à payer ledit montant à la Commission.

 Sur les intérêts

30      La Commission demande encore la condamnation de Dane‑Elec au paiement des intérêts sur le montant de 55 878 euros.

31      À cet égard, il convient d’observer que, selon l’article 1153 du code civil luxembourgeois, lorsque le débiteur est en retard dans l’exécution d’une obligation se bornant au paiement d’une somme, il peut être condamné au paiement des intérêts fixés par la loi et qui courent à partir du jour de la sommation de payer, excepté dans les cas où la loi les fait courir de plein droit.

32      En l’espèce, la Commission soutient que la lettre du 11 décembre 2003, par laquelle elle a fait appel à la garantie, était une sommation de payer. Il convient d’observer cependant que ladite lettre, par laquelle la Commission a invité Dane‑Elec à lui payer sans délai le montant de 55 878 euros en vertu de la garantie, constitue le fait générateur de l’obligation de payer de Dane‑Elec. Dès lors, antérieurement à la réception de la lettre, l’obligation de payer n’existait pas encore, ce qui exclut que la lettre du 11 décembre 2003 puisse être considérée comme une sommation de payer s’y rapportant.

33      La lettre recommandée du 4 mars 2004, par laquelle la Commission a réitéré sa demande adressée à Dane‑Elec visant le paiement du montant de 55 878 euros, constitue en revanche une sommation de payer valable. En effet, au moment de la réception de cette lettre, l’obligation de Dane‑Elec de payer ledit montant existait déjà et, Dane‑Elec n’ayant pas effectué de paiement sans délai comme le lui avait réclamé la Commission, était exigible. Il convient d’en conclure que la Commission a droit au paiement des intérêts à compter du jour de la réception de sa lettre du 4 mars 2004.

34      À cet égard, il importe encore de relever que la Commission n’a présenté au Tribunal aucun élément permettant de déterminer la date exacte de la réception par Dane‑Elec de la lettre du 4 mars 2004. Cependant, dans une lettre annexée à la requête et datée du 16 mars 2004, Dane‑Elec se réfère à la lettre de la Commission du 4 mars 2004. Il s’ensuit que la réception de cette dernière lettre, et donc de la sommation de payer, a eu lieu au plus tard le 16 mars 2004. Dans ces circonstances, il y a lieu de condamner Dane‑Elec au paiement des intérêts au taux légal luxembourgeois sur le montant de 55 878 euros à compter de cette dernière date.

35      Le taux applicable a été déterminé par règlements grand‑ducaux à 4,75 % l’an pour les années 2004 (règlements grand-ducaux du 19 janvier 2004, Mém. A 2004, p. 172, et du 5 juillet 2004, Mém. A 2004, p. 1948) et 2005 (règlement grand‑ducal du 7 avril 2005, Mém. A 2005, p. 861), à 5 % l’an pour l’année 2006 (règlement grand-ducal du 5 juin 2006, Mém. A 2006, p. 1822) et à 5,25 % l’an pour l’année 2007 (règlement grand-ducal du 22 décembre 2006, Mém. A 2006, p. 4623).

36      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de condamner Dane-Elec au paiement des intérêts sur le montant de 55 878 euros au taux de 4,75 % l’an à compter du 16 mars 2004 jusqu’au 31 décembre 2005, au taux de 5 % l’an à compter du 1er janvier jusqu’au 31 décembre 2006 et au taux de 5,25 % l’an à compter du 1er janvier 2007 jusqu’au paiement complet de la dette.

 Sur la demande subsidiaire

37      Dane-Elec étant condamnée au paiement de la somme de 55 878 euros majorée des intérêts au taux légal luxembourgeois conformément à la demande principale de la Commission, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire, tendant à la condamnation d’ICN et de Dane‑Elec pour inexécution de leurs obligations contractuelles.

38      Par conséquent, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande formée contre ICN.

 Sur les dépens

39      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Dane‑Elec ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

40      Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non‑lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal estime qu’il y a lieu de condamner ICN à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Dane-Elec Memory est condamnée à payer à la Commission des Communautés européennes la somme de 55 878 euros due en principal, majorée des intérêts :

–        au taux de 4,75 % l’an à compter du 16 mars 2004 jusqu’au 31 décembre 2005,

–         au taux de 5 % l’an à compter du 1er janvier jusqu’au 31 décembre 2006,

–        au taux de 5,25 % l’an à compter du 1er janvier 2007 jusqu’au paiement complet de la dette.

2)      Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande formée contre Internet Commerce Network.

3)      Dane-Elec Memory supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.

4)      Internet Commerce Network supportera ses propres dépens.



Pirrung

Meij

Pelikánová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 septembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Pirrung


* Langue de procédure : le français.