Language of document : ECLI:EU:T:2007:296

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

20 septembre 2007 (*)

« Aides d’État – Mesures visant à promouvoir l’utilisation de matériaux d’isolation produits à partir de matières premières renouvelables – Décision déclarant les aides compatibles avec le marché commun – Procédure préliminaire d’examen – Recours en annulation – Association professionnelle – Notion d’intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE – Moyens relatifs au bien-fondé de la décision – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑254/05,

Fachvereinigung Mineralfaserindustrie eV Deutsche Gruppe der Eurima – European Insulation Manufacturers Association, établie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), représentée par Mes T. Schmidt-Kötters, D. Uwer et K. Najork, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Kreuschitz, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

soutenue par

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. M. Lumma et Mme C. Schulze-Bahr, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2005) 379 de la Commission, du 11 février 2005, relative à l’aide d’État N 260b/2004 (Allemagne – prolongation du programme visant à promouvoir l’utilisation de matériaux d’isolation produits à partir de matières premières renouvelables),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 mars 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Aux termes de l’article 87 CE :

« 1.      Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

[...]

3.      Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun :

[...]

c)      les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ;

[...] »

2        Aux termes de l’article 88 CE :

« 1.      La Commission procède avec les États membres à l’examen permanent des régimes d’aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun.

2.      Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État n’est pas compatible avec le marché commun aux termes de l’article 87, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine.

[...]

3.      La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l’article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L’État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. »

3        Le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), établit les règles de procédure applicables à l’examen des aides d’État par la Commission.

4        L’article 4, paragraphe 3, dudit règlement, prévoit que, si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE, ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun.

5        En revanche, en vertu de l’article 4, paragraphe 4, dudit règlement, si la Commission constate que ladite mesure suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’ouvrir la procédure prévue par l’article 88, paragraphe 2, CE. Cette décision doit, conformément à l’article 4, paragraphe 5, être prise dans un délai de deux mois à compter de la réception d’une notification complète.

6        Lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure prévue par l’article 88, paragraphe 2, CE, elle doit, aux termes de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, inviter l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé. À cet égard, l’article 1, sous h), du règlement n° 659/1999, prévoit que la notion de partie intéressée inclut « tout État membre et toute personne, entreprise, association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles ».

7        Le règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement n° 659/1999 (JO L 140, p. 1) (ci-après le « règlement n° 794/2004 ») énonce, en son article 4 :

« 1. Aux fins de l’article 1er, [sous] c), du règlement [...] n° 659/1999, on entend par modification d’une aide existante tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun. Toutefois, une augmentation du budget initial d’un régime d’aides existant n’excédant pas 20 % n’est pas considérée comme une modification de l’aide existante.

2. Les modifications suivantes apportées à des aides existantes sont notifiées au moyen du formulaire de notification simplifiée figurant à l’annexe II :

a) augmentation de plus de 20 % du budget d’un régime d’aides autorisé ;

b) prolongation d’un régime d’aides existant autorisé de six ans au maximum, avec ou sans augmentation budgétaire ;

c) renforcement des critères d’application d’un régime d’aides autorisé, réduction de l’intensité d’aide ou réduction des dépenses admissibles. La Commission s’efforce de statuer sur une aide notifiée au moyen du formulaire de notification simplifiée dans un délai d’un mois.

3. La procédure de notification simplifiée n’est pas utilisée pour notifier des modifications apportées à des régimes d’aides au sujet desquels les États membres n’ont pas soumis de rapports annuels conformément aux articles 5, 6 et 7, à moins que les rapports annuels se rapportant aux années au cours desquelles les aides ont été accordées ne soient soumis en même temps que la notification. »

 Faits à l’origine du recours

8        La requérante est une association regroupant des producteurs et distributeurs d’isolants produits à partir de laine minérale, dont le siège ou l’établissement principal se situe en République fédérale d’Allemagne.

9        Par lettre du 30 septembre 2002, la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission, conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE, une mesure d’aide intitulée « Directives visant à promouvoir les projets centrés sur l’utilisation de matériaux d’isolation produits à partir de matières premières renouvelables dans le cadre du programme d’introduction sur le marché dit ‘Matières premières renouvelables’, adopté par le ministère fédéral de la Protection des consommateurs, de l’Alimentation et de l’Agriculture » (« Richtlinie zur Förderung von Projekten zum Schwerpunkt ‘Einsatz von Dämmstoffen aus nachwachsenden Rohstoffen’ im Rahmen des Markteinführungsprogramms ‘Nachwachsende Rohstoffe’ des Bundesministeriums für Verbraucherschutz, Ernährung und Landwirtschaft »). Cette mesure a été enregistrée par la Commission en tant qu’aide notifiée sous le numéro N 694/2002.

10      La mesure d’aide notifiée visait à promouvoir l’achat d’isolants produits à partir de matériaux renouvelables par le biais d’incitations financières en faveur d’utilisateurs finals. Cette mesure d’aide ne pouvait être accordée que pour des isolants utilisés dans des immeubles situés en République fédérale d’Allemagne.

11      La liste des isolants éligibles était établie par l’agence spécialisée pour les matières premières renouvelables (Fachagentur nachwachsende Rohstoffe e.V., ci-après la « FNR »), une association de droit privé chargée de l’exécution de l’aide par le ministère compétent. Les isolants éligibles étaient classés en deux catégories et bénéficiaient d’une subvention à l’achat non remboursable de respectivement 40 ou 30 euros par m3. La mesure notifiée était applicable jusqu’au 31 décembre 2004.

12      Le 9 juillet 2003, la Commission a décidé de ne pas soulever d’objections (ci-après la « décision initiale »), conformément à l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999. Elle a conclu que la mesure notifiée constituait une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, mais qu’elle ne suscitait pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, en raison de sa conformité avec l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 novembre 2003, enregistrée sous le n° T-375/03, la requérante a introduit un recours en annulation contre la décision initiale.

14      Par lettre du 23 décembre 2004, la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission un projet de modifications à la mesure d’aide faisant l’objet de la décision initiale, conformément à l’article 4 du règlement n° 794/2004. Ces modifications consistent, d’une part, en un prolongement de deux ans de la mesure d’aide initialement notifiée et, d’autre part, en une diminution du montant octroyé lors de l’achat d’isolants éligibles, la subvention étant ramenée à 35 euros par m3 pour ceux compris dans la catégorie 1 et à 25 euros par m3 pour ceux compris dans la catégorie 2. La Commission a enregistré cette notification sous le numéro 260b/2004.

15      Par décision C(2005)379, du 11 février 2005, relative à l’aide d’État N 260b/2004 (Allemagne – prolongation du programme visant à promouvoir l’utilisation de matériaux d’isolation produits à partir de matières premières renouvelables) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a conclu que la mesure notifiée (ci-après l’« aide en cause ») constituait une aide d’État, mais qu’elle ne suscitait pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, pour les mêmes raisons que celles retenues par la décision initiale.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 juillet 2005, la requérante a introduit le présent recours.

17      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 octobre 2005, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 21 novembre 2005, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La partie intervenante a déposé son mémoire dans les délais impartis.

18      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

19      Par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 8 mars 2006, les affaires T-375/03 et T-254/05 ont été jointes aux fins de la procédure orale, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

20      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 23 mars 2006.

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission et la partie intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, à tout le moins, comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Arguments des parties

23      La Commission, sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité au sens de l’article 114 du règlement de procédure, soutient que la requête n’est pas recevable, pour deux motifs.

24      Premièrement, la requérante ne serait pas un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, si bien qu’elle ne serait pas recevable à invoquer la défense de ses droits procéduraux. D’une part, il n’y aurait aucune circonstance particulière de nature à fonder un intérêt à agir propre à la requérante. En particulier, la requérante n’aurait été ni négociatrice de l’aide en cause, ni interlocutrice privilégiée de la Commission dans le cadre de la procédure d’examen de ladite mesure au regard des règles relatives aux aides d’État.

25      D’autre part, la Commission, invoquant l’arrêt du Tribunal du 5 juin 1996, Kahn Scheepvaart/Commission (T‑398/94, Rec. p. II‑477), soutient que les membres de la requérante ne sont pas non plus des intéressés, au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE. L’aide en cause constituant un régime général qui n’avait pas encore été mis en œuvre, les membres de la requérante n’étaient, au plus, que des concurrents potentiels des bénéficiaires de l’aide et ils ne peuvent être considérés comme des intéressés au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE.

26      Deuxièmement, la position concurrentielle de la requérante ou des membres de celle-ci sur le marché ne serait pas suffisamment affectée par l’aide en cause pour que la requérante soit considérée comme directement et individuellement concernée au sens de l’article 230, paragraphe 4, CE.

27      La Commission a souligné lors de l’audience que, en toute hypothèse, conformément à l’arrêt de la Cour du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum (C‑78/03 P, Rec. p. I‑10737), un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, ne pouvait être recevable que pour autant qu’il vise à faire respecter les droits procéduraux qu’il tire de cette disposition.

28      L’intervenante prétend que le recours n’est pas recevable, car deux des membres de la requérante auraient bénéficié de l’aide en cause et ne seraient, dès lors, pas recevables à introduire un recours à l’encontre de la décision attaquée. Cela entraînerait que le recours formé par la requérante, qui les représente, n’est pas recevable.

29      La requérante soutient que son recours est recevable. Elle fait valoir que, en sa qualité d’organisation représentant les intérêts de producteurs d’isolants réalisés à partir de matériaux minéraux, qui sont en concurrence avec les isolants bénéficiant de l’aide notifiée, elle est un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE. Elle serait, dès lors, directement et individuellement concernée, au sens de l’article 230, paragraphe 4, CE, par la décision attaquée. La circonstance que l’aide en cause soit une aide générale ne ferait pas obstacle à la recevabilité de son recours.

 Appréciation du Tribunal

 Observations liminaires

30      Il convient de rappeler, premièrement, que selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 199, 223 ; du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, Rec. p. I‑2487, point 20 ; du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑298/00 P, Rec. p. I‑4087, point 36, et Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 27 supra, point 33).

31      S’agissant d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État prévue à l’article 88 CE, doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée par le paragraphe 3 de cet article, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause et, d’autre part, la phase d’examen visée au paragraphe 2 du même article. Ce n’est que dans le cadre de celle-ci, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité CE prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (arrêts de la Cour Cook/Commission, point 30 supra, point 22 ; du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, Rec. p. I‑3203, point 16, et Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 27 supra, point 34).

32      Lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu’une aide est compatible avec le marché commun, les bénéficiaires de ces garanties de procédure ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester devant le juge communautaire cette décision (arrêts de la Cour Cook/Commission, point 30 supra, point 23 ; Matra/Commission, point 31 supra, point 17 ; du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 40, et Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 27 supra, point 35 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 mars 2004, Danske Busvognmænd/Commission, T‑157/01, Rec. p. II‑917, point 40).

33      Pour ces motifs, est recevable un recours visant à l’annulation d’une telle décision, introduit par un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, lorsque l’auteur de ce recours tend, par l’introduction de celui-ci, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 27 supra, point 35).

34      Or, les intéressés au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, qui peuvent ainsi, conformément à l’article 230, quatrième alinéa, CE, introduire des recours en annulation, sont les personnes, entreprises ou associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide, c’est-à-dire en particulier les entreprises concurrentes des bénéficiaires de cette aide et les organisations professionnelles (arrêts Commission/Sytraval et Brink’s France, point 32 supra, point 41, et Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 27 supra, point 36).

35      En revanche, si le requérant met en cause le bien-fondé de la décision d’appréciation de l’aide en tant que telle, le simple fait qu’il puisse être considéré comme un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Le requérant doit alors démontrer qu’il a un statut particulier au sens de la jurisprudence Plaumann/Commission, point 30 supra. Il en serait notamment ainsi au cas où la position sur le marché du requérant serait substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision prise sur le fondement de l’article 88, paragraphe 3, CE et constatant la compatibilité d’une aide avec le marché commun (arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 27 supra, point 37).

36      Il y a lieu de relever, deuxièmement, que les recours formés par des associations sont recevables, selon la jurisprudence, dans trois situations, à savoir lorsqu’elles représentent les intérêts de requérants qui, eux, seraient recevables à agir (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Greenpeace Council e.a./Commission, C‑321/95 P, Rec. p. I‑1651, points 14 et 29), ou lorsqu’elles sont individualisées en raison de l’affectation de leurs intérêts propres en tant qu’association, notamment parce que leur position de négociatrice a été affectée par l’acte dont l’annulation est demandée (ordonnances du Tribunal du 30 septembre 1997, Federolio/Commission, T‑122/96, Rec. p. II‑1559, point 61 ; du 23 novembre 1999, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, T‑173/98, Rec. p. II‑3357, points 47 à 50 et 53, et du 8 septembre 2005, ASAJA e.a./Conseil, T‑295/04 à T‑297/04, Rec. p. II‑3151, point 50 ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85, 70/85, Rec. p. 219, points 21 à 24 ; du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec. p. I‑1125, point 28 à 30, et du 23 mai 2000, Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission, C‑106/98 P, Rec. p. I‑3659, point 42), ou encore lorsqu’une disposition légale leur reconnaît expressément une série de facultés à caractère procédural (ordonnances du Tribunal Federolio/Commission, précitée, point 61, et du 28 juin 2005, FederDoc e.a./Commission, T‑170/04, Rec. p. II‑2503, point 49).

37      En l’espèce, la requérante soutient qu’elle dispose d’un intérêt propre à introduire le présent recours en raison de l’affectation de sa position de négociatrice. Par ailleurs, elle affirme qu’elle représente les intérêts d’entreprises qui seraient recevables à agir.

 Sur l’affectation individuelle de la requérante

38      La requérante se prévaut des arrêts Van der Kooy e.a./Commission, point 36 supra, et CIRFS e.a./Commission, point 36 supra (points 28 à 30), et soutient que, si la Commission avait entamé la deuxième phase d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE pour apprécier la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun, elle aurait eu un rôle particulier de négociatrice susceptible d’être de nature à l’individualiser.

39      Force est de constater que la requérante ne peut, en l’espèce, être considérée comme négociatrice au sens de la jurisprudence précitée, qui ne se réfère qu’à la participation d’une partie intéressée à la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. En effet, la décision attaquée étant intervenue sur le fondement de l’article 88, paragraphe 3, la requérante n’a pas participé à une procédure d’examen prévue au paragraphe 2 de cet article. Par ailleurs, elle n’a, à aucun moment, même durant la procédure préliminaire d’examen conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE, été l’interlocuteur de la Commission. Enfin, la seule circonstance que, dans l’hypothèse de l’ouverture de la procédure conformément à l’article 88, paragraphe 2, CE, la requérante aurait pu éventuellement et de sa propre initiative apporter des éléments d’informations utiles n’est pas suffisante pour l’individualiser au sens de l’article 230, alinéa 4, CE.

40      Il convient dès lors de conclure que la requérante n’a pas d’intérêt propre à agir contre le bien-fondé de la décision d’appréciation de l’aide en cause en tant que telle. Dans la mesure où l’argument de la requérante vise à soutenir qu’elle a un intérêt propre à agir en vue de sauvegarder les droits procéduraux qu’elle tire de l’article 88, paragraphe 2, CE, le Tribunal estime opportun d’examiner cet argument conjointement avec sa qualité pour agir dérivée, à ce titre, de la situation de ses membres.

 Sur l’affectation individuelle des membres de la requérante

41      La requérante prétend qu’elle représente des membres qui sont directement et individuellement concernés par la décision attaquée pour deux raisons. D’une part, ses membres auraient la qualité d’intéressés au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE. D’autre part, la position concurrentielle de ses membres serait affectée.

42      S’agissant, en premier lieu, de l’affectation de la position concurrentielle de certains membres de la requérante, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle si un requérant met en cause le bien-fondé de la décision d’appréciation de l’aide en tant que telle, il doit alors démontrer qu’il a un statut particulier au sens de la jurisprudence Plaumann/Commission, point 30 supra. Il en serait notamment ainsi au cas où la position concurrentielle serait substantiellement affectée par l’aide en cause (arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 27 supra, point 37).

43      En l’espèce, l’aide en cause vise à promouvoir l’utilisation d’isolants fabriqués à base de matériaux renouvelables et, partant, a pour effet d’augmenter les parts de marché de ces isolants au détriment des parts de marché des isolants fabriqués à base de matériaux minéraux. Ainsi, l’aide en cause est de nature à affecter la situation concurrentielle des membres de la requérante.

44      En l’espèce, il est constant que, jusqu’à la mi-février 2004, les aides versées représenteraient un montant total compris entre 984 780 et 1 313 040 euros, de sorte que, jusqu’à la mi-février 2004, chacune des treize entreprises inscrites sur la liste établie par la FNR aurait reçu en moyenne une aide d’environ 100 000 euros au maximum. Pour cette période, l’aide en cause aurait dès lors porté sur un volume total de 32 826 m3 de matériaux isolants, ce qui représente une portion extrêmement faible du marché pertinent, dès lors que, en 2001, 29 millions de m3 d’isolants auraient été utilisés en Allemagne. En d’autres termes, l’aide en cause n’aurait affecté que 0,1 % du marché pertinent. Elle n’est dès lors pas de nature à affecter substantiellement la position concurrentielle des membres de la requérante. Il en résulte que la requérante n’est pas recevable à former un recours en annulation concernant le bien-fondé de la décision attaquée, en vertu de la jurisprudence issue de l’arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum (point 27 supra, point 37). Néanmoins, il résulte de cette affectation de la position concurrentielle des membres de la requérante, que ceux-ci ont la qualité d’intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE.

45      À cet égard, ne saurait prospérer l’argument de la Commission selon lequel il résulterait de l’arrêt Kahn Scheepvaart/Commission, point 25 supra, que, en l’absence d’une mise en exécution de l’aide en cause, la requérante ne peut pas être considérée comme un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, et, partant, bénéficier des conditions de recevabilité retenue par la jurisprudence illustrée par les arrêts Cook/Commission, point 30 supra, et Matra/Commission, point 31 supra.

46      Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer de manière générale sur la question de savoir si et dans quelles conditions, dans le cas d’un régime d’aide général, un requérant est en mesure de faire valoir, aux fins de démontrer la recevabilité de son recours, la violation des droits procéduraux conférés par l’article 88, paragraphe 2, CE (arrêts Cook/Commission, point 30 supra, point 23 ; Matra/Commission, point 31 supra, point 17, et Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 27 supra, points 35 et 36), il suffit de constater, en l’espèce, qu’il découle de l’objet du régime d’aide en cause, qui est de favoriser les isolants produits à partir de matériaux renouvelables de manière à les rendre plus compétitifs que les matériaux isolants produits à partir d’autres matériaux, il est évident que ce sont les producteurs de ces derniers produits qui seront essentiellement affectés dans leur position concurrentielle par l’adoption de la décision attaquée et que cette affectation est certaine et non potentielle dès l’adoption de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 septembre 1998, Waterleiding Maatschappij/Commission, T‑188/95, Rec. p. II‑3713, point 80).

47      En conséquence, l’affectation de la position concurrentielle de certains des membres de la requérante est suffisante pour conclure que celle-ci est recevable à agir pour la défense des droits procéduraux de certains de ses membres. Il n’est dès lors plus nécessaire d’examiner l’intérêt propre à agir de la requérante. Ensuite, il convient de vérifier si, par son recours, la requérante entend effectivement défendre les droits procéduraux résultant, pour certains de ses membres, de l’article 88, paragraphe 2, CE.

48      Il convient de rappeler à cet égard que le Tribunal doit interpréter les moyens d’un requérant par leur substance plutôt que par leur qualification (arrêt de la Cour du 15 décembre 1961, Fives Lille Cail e.a./Haute Autorité, 19/60, 21/60, 2/61 et 3/61, Rec. p. 561). Ainsi peut-il examiner des arguments de fond avancés par un requérant afin de vérifier s’ils apportent aussi des éléments à l’appui d’un moyen, formé par le requérant, soutenant expressément l’existence de doutes qui auraient justifié l’ouverture de la procédure visée à l’article 88, paragraphe 2, CE (arrêt du Tribunal du 13 janvier 2004, Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission, T‑158/99, Rec. p. II‑1, points 141, 148, 155, 161 et 167). Cependant, il n’appartient pas au Tribunal d’interpréter le recours d’un requérant mettant en cause exclusivement le bien-fondé d’une décision d’appréciation de l’aide en tant que telle comme visant en réalité à sauvegarder les droits procéduraux que le requérant tire de l’article 88, paragraphe 2, CE, lorsque le requérant n’a pas expressément formé un moyen poursuivant cette fin. Dans une telle hypothèse, l’interprétation du moyen conduirait à une requalification de l’objet du recours (voir, en ce sens, arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 27 supra, points 44 et 47). À tout le moins le Tribunal doit-il se fonder à cette fin sur des éléments présentés par le requérant et qui permettent de conclure que le requérant vise en substance la sauvegarde de ses droits procéduraux.

49      Le premier moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE. Le deuxième moyen est tiré de la nullité de la décision attaquée, en raison de la nullité de la décision initiale lors de l’adoption de laquelle la Commission aurait été confrontée à des difficultés sérieuses qui justifiaient l’ouverture de la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE et le quatrième moyen est tiré de la violation des principes de non-discrimination et de proportionnalité. Il convient de commencer par l’examen du deuxième moyen.

50      Dans le cadre du développement de son deuxième moyen, la requérante rappelle que, si, dans le cadre de la procédure d’examen préliminaire d’aides notifiées, la Commission estime qu’un projet d’aide n’est pas compatible avec le marché commun, elle est obligée d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. La Commission ne disposerait d’aucune marge d’appréciation quant à l’existence de difficultés sérieuses.

51      Il ressort de la requête que le grief tiré de l’absence de l’ouverture de la procédure visée à l’article 88, paragraphe 2, CE, est uniquement relatif à la décision initiale et non à la décision attaquée. Le deuxième moyen se limite à soutenir que la décision attaquée est illégale en raison du fait que la décision initiale l’est également. En conséquence, la requérante ne soutient pas, par ce moyen, que les droits procéduraux qu’elle tirait de l’article 88, paragraphe 2, CE, ont été violés à l’occasion de l’adoption de la décision attaquée. En d’autres termes, la requérante soutient qu’une condition de fond de la décision attaquée, en l’espèce, selon la requérante, la validité de la décision initiale, fait défaut de telle façon que la décision attaquée est illégale.

52      Il s’ensuit que le deuxième moyen est irrecevable.

53      Par le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, la requérante soutient que la décision attaquée repose sur des constatations factuelles insuffisantes. D’une part, la Commission n’aurait pas pu considérer que les aides notifiées, qui sont des aides au fonctionnement, sont compatibles avec l’article 87 CE. En effet, les aides au fonctionnement seraient en principe interdites, et les exceptions résulteraient de l’encadrement. Or, cet encadrement ne serait pas applicable en l’espèce. La Commission ne pourrait pas non plus réaliser une application par analogie de cet encadrement et apprécier directement la compatibilité de l’aide en cause avec l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. D’autre part, il ne serait pas possible de conclure que les isolants produits à partir de matériaux renouvelables présentent des avantages évidents pour l’environnement par rapport aux isolants produits à partir de laine minérale.

54      Par le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité, la requérante soutient que la décision attaquée ainsi que la décision initiale désavantagent sans raison objectivement justifiée les isolants produits à partir de matériaux traditionnels, violant ainsi le principe de proportionnalité et l’interdiction de discrimination et les principes fondamentaux du droit communautaire.

55      Enfin, par le premier moyen, tiré de la violation de l’article 253 CE, la requérante soutient que, pour être valablement motivée, une décision doit contenir toutes les considérations de fait et de droit qui ont contribué à la prise de décision de façon à permettre aux intéressés de comprendre les motifs de la décision et de pouvoir protéger leur droit par un contrôle juridictionnel effectif. En particulier, la motivation devrait, lorsqu’il est question d’apprécier l’existence d’une atteinte à la concurrence, contenir une description de l’entreprise concernée et de ses concurrents, l’importance du marché communautaire en cause ainsi que les exportations de l’entreprise.

56      Il en résulte qu’aucun des moyens formés par la requérante n’invoque une violation des droits procéduraux résultant de l’article 88, paragraphe 2, CE, pour la requérante. Or, lorsque les moyens d’un requérant ne visent pas à sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de l’article 88, paragraphe 2, CE, la circonstance que le requérant soit un intéressé au sens de cette disposition ne saurait suffire pour admettre qu’il est individuellement concerné au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE (arrêts du Tribunal du 22 octobre 1996, Skibsværftsforeningen e.a./Commission, T‑266/94, Rec. p. II‑1399, point 45, et Waterleiding Maatschappij/Commission, point 46 supra, point 54).

57      Le recours formé par la requérante est dès lors irrecevable dans son intégralité.

 Sur les dépens

58      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la défenderesse.

59      Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Fachvereinigung Mineralfaserindustrie eV Deutsche Gruppe der Eurima – European Insulation Manufacturers Association est condamnée à supporter ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par la Commission.

3)      La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

Jaeger

Azizi

Cremona

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 septembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’allemand.