Language of document : ECLI:EU:T:2014:263

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

21 mai 2014 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché des transformateurs de puissance – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE – Accord de répartition de marché – Preuve de la distanciation de l’entente – Restriction de la concurrence – Affectation du commerce – Barrières à l’entrée – Amendes – Montant de base – Année de référence – Point 18 des lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Utilisation d’une part de marché fictive sur le marché de l’EEE »

Dans l’affaire T‑519/09,

Toshiba Corp., établie à Tokyo (Japon), représentée par Mme J. MacLennan, solicitor, Mes A. Schulz, J. Jourdan et P. Berghe, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par M. J. Bourke et Mme K. Mojzesowicz, puis par Mme Mojzesowicz et M. F. Ronkes Agerbeek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation de la décision de la Commission du 7 octobre 2009 relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.129 – Transformateurs de puissance), et, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante dans cette décision,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias, juges,

greffier : Mme T. Weiler,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 avril 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige et décision attaquée

1        Le secteur concerné en l’espèce est celui des transformateurs de puissance, des autotransformateurs et des bobines en dérivation avec une gamme de tensions supérieures ou égales à 380 kV. Un transformateur de puissance est un composant électrique essentiel dont la fonction est de réduire ou d’augmenter la tension dans un circuit électrique. Ces transformateurs sont vendus individuellement ou comme élément d’une sous-station électrique clés en main.

2        La requérante, Toshiba Corp., est une société japonaise qui a essentiellement trois domaines clés d’activités : les produits numériques, les appareils et composants électroniques et les systèmes d’infrastructure.

3        S’agissant de l’activité de la requérante dans le secteur des transformateurs de puissance pendant la période pertinente pour le présent litige, c’est-à-dire entre le 9 juin 1999 et le 15 mai 2003, il convient de distinguer deux phases : entre le 9 juin 1999 et le 30 septembre 2002, la requérante était active dans ce secteur par le biais de sa filiale Power Systems Co., plus spécifiquement, par la division « Systèmes de transport et de distribution » de cette filiale. À partir du 1er octobre 2002, l’activité de la requérante s’est faite par l’intermédiaire de TM T & D, une entreprise commune entre elle et Mitsubishi Electric (ci-après « Melco »), dans laquelle ces deux entreprises avaient réuni leur production de transformateurs de puissance. Entre le 1er octobre 2002 et le 15 mai 2003, c’était donc TM T & D qui était responsable de la production et de la vente de transformateurs de puissance.

4        Pendant la période allant de 2004 à 2008, la Commission des Communautés européennes a reçu une série de demandes successives de clémence concernant l’existence d’une entente illicite dans le secteur des transformateurs de puissance, a procédé à des inspections dans les locaux de producteurs de transformateurs de puissance et a adressé des demandes de renseignements à des entreprises, dont la requérante.

5        Le 30 septembre 2008, la Commission a décidé d’engager une procédure concernant le marché des transformateurs de puissance.

6        La communication des griefs a été adoptée le 20 novembre 2008. La requérante y a répondu le 19 janvier 2009. L’audition s’est tenue le 17 février 2009.

7        Le 7 octobre 2009, la Commission a adopté sa décision relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.129 – Transformateurs de puissance) (ci-après la « décision attaquée »), dans laquelle elle a constaté que la requérante avait enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) et lui a imposé une amende de 13,2 millions d’euros.

8        Dans cette décision, la Commission a constaté que la requérante a participé, au moins du 9 juin 1999 au 15 mai 2003, au « gentlemen’s agreement (GA) », une entente illicite couvrant l’ensemble du territoire de l’EEE, consistant en un accord conclu oralement entre les producteurs de transformateurs de puissance européens et japonais et ayant comme objet de respecter les marchés intérieurs de chacun et de s’abstenir d’y effectuer des ventes.

9        S’agissant de l’organisation du gentlemen’s agreement, tout d’abord, la Commission a retenu que les entreprises y ayant participé étaient divisées en deux groupes, l’un européen, l’autre japonais, que chaque groupe devait nommer une entreprise secrétaire et que, tout au long de l’infraction, Siemens avait fait office de secrétaire du groupe européen et Hitachi celui du groupe japonais. Elle a également constaté que l’accord de répartition de marché avait été complété par un accord visant à notifier les appels d’offres (projets) provenant du territoire de l’autre groupe et que ces projets devaient être notifiés au secrétaire de l’autre groupe afin d’être réattribués.

10      Ensuite, la Commission a retenu que, tout au long de l’infraction visée par la décision attaquée, les membres se réunissaient une à deux fois par an, les réunions s’étant déroulées en Europe et en Asie, plus précisément à Malaga (Espagne), du 9 au 11 juin 1999, à Singapour (Singapour) le 29 mai 2000, à Barcelone (Espagne) du 29 octobre au 1er novembre 2000, à Lisbonne (Portugal) du 29 au 30 mai 2001, à Tokyo (Japon) du 18 au 19 février 2002, à Vienne (Autriche) du 26 au 27 septembre 2002 et à Zurich (Suisse) du 15 au 16 mai 2003. Selon la Commission, ces réunions servaient notamment à confirmer le gentlemen’s agreement.

11      En outre, dans la décision attaquée, la Commission a distingué le gentlemen’s agreement de deux autres accords entre les entreprises concernées. D’une part, elle a mentionné l’Aero Club Agreement (AC), un accord étant déjà arrivé à son terme en 1996 mais sur lequel l’organisation de base du gentlemen’s agreement était fondée. D’autre part, la Commission a fait référence à un accord interne (ou accord commercial interne). Ce dernier accord visait à exclure qu’une personne juridique ou une division appartenant à une des entreprises participant à cet accord n’achète des transformateurs de puissance à une personne juridique ou à une division appartenant à une autre entreprise participant à cet accord mais uniquement à une division ou à une société appartenant à sa propre entreprise. L’infraction constatée et l’amende imputée par la décision attaquée ne concernent ni l’Aero Club Agreement ni l’accord interne.

12      En application de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes de 2002 (JO C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la clémence »), la Commission a accordé l’immunité d’amende à Siemens AG et Siemens Aktiengesellschaft Österreich et une réduction de 40 % de l’amende à Fuji Electronics Holdings Co., Ltd.

13      Par ailleurs, la Commission a accordé une réduction de l’amende en dehors du champ d’application de la communication sur la clémence de 18 % à Hitachi Ltd et à Areva T & D SA.

14      Ni Melco ni TM T & D n’ont été sanctionnées par la Commission pour participation au gentlemen’s agreement.

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 décembre 2009, la requérante a introduit le présent recours.

16      Le juge rapporteur étant empêché de siéger, la présente affaire a été réattribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la troisième chambre.

17      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé, d’une part, d’ouvrir la procédure orale et, d’autre part, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure au sens de l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, d’inviter la Commission à produire un document. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.

18      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 10 avril 2013.

19      Par lettre du 19 avril 2013, la requérante a demandé la réouverture de la procédure orale au motif qu’un élément avait été abordé pour la première fois pendant l’audience.

20      Par ordonnance du 8 mai 2013, le Tribunal (troisième chambre) a ordonné la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 62 du règlement de procédure.

21      Par lettre du 17 juin 2013, la requérante a soumis un document mentionné dans sa lettre du 19 avril 2013.

22      Par lettre du 4 juillet 2013, la Commission a soumis ses observations sur la lettre de la requérante du 19 avril 2013 et sur le document soumis par la requérante le 17 juin 2013.

23      Par décision du 9 juillet 2013, le Tribunal a clos de nouveau la procédure orale.

24      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne ;

–        annuler l’amende qui lui a été infligée ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la décision attaquée serait confirmée en tout ou en partie, réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        ordonner toute autre mesure qui peut se révéler nécessaire pour donner effet à l’arrêt du Tribunal.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

26      La requérante avance quatre moyens à l’appui du recours. Dans le cadre du premier moyen, elle avance que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit l’existence d’une entente illicite et sa participation à celle-ci. Par le deuxième moyen, elle fait valoir que la Commission n’a pas démontré d’effet immédiat et substantiel de l’entente sur la concurrence dans l’Union européenne, ni son influence appréciable, directe ou indirecte, actuelle ou potentielle sur la structure des échanges entre les États membres. Le troisième moyen vise les constatations de la Commission sur la durée de l’entente et la participation de la requérante à celle-ci. Le quatrième moyen porte sur des erreurs de droit et de fait concernant le calcul du montant de l’amende.

27      Il convient d’examiner d’abord les premier et troisième moyens, visant les constatations de la Commission sur l’existence et la durée de l’entente illicite, ensuite le deuxième moyen, visant ses constatations sur la restriction de la concurrence et son effet sur le commerce, avant d’examiner le quatrième moyen, visant la détermination du montant de l’amende par la Commission.

A –  Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission n’a pas démontré l’existence d’une entente illicite et la participation de la requérante à celle-ci

28      À l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a constaté que la requérante a participé au gentlemen’s agreement, une entente illicite en vertu de laquelle les producteurs européens et japonais de transformateurs de puissance s’obligeaient à ne pas se faire concurrence sur leurs marchés domestiques.

29      La requérante soutient que la Commission n’a pas démontré l’existence d’une telle entente et sa participation à celle-ci à suffisance de droit.

30      Ce moyen vise les motifs invoqués par la Commission au point 4 et au point 5.2.1.4 de la décision attaquée, où celle-ci a constaté l’existence du gentlemen’s agreement et la participation de la requérante à celui-ci. Dans ce contexte, la Commission s’est fondée, premièrement, sur les déclarations que Siemens et Fuji avaient faites dans le cadre de leurs demandes de clémence, deuxièmement, sur le fait qu’Hitachi avait confirmé ses conclusions quant à l’existence et à la portée du gentlemen’s agreement et, troisièmement, sur des éléments de preuve documentaires.

31      Le présent moyen s’articule en trois branches. En premier lieu, la requérante avance que les différents éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée ne corroborent pas l’existence d’une entente illicite ou n’ont qu’une valeur probante très réduite. En deuxième lieu, elle soutient que, en concluant à l’existence d’une entente illicite, la Commission a violé le principe in dubio pro reo. En troisième lieu, la requérante avance, au stade de la réplique, que la Commission n’a pas suffisamment expliqué certains détails du gentlemen’s agreement.

32      Avant d’examiner ces trois branches, il convient, tout d’abord, de rappeler la définition de la notion d’accord interdit au sens de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE, les exigences de preuve relatives à un tel accord ainsi que les principes régissant le contrôle juridictionnel d’une décision de la Commission constatant l’existence d’un tel accord.

1.     Sur la notion d’entente illicite, la preuve de celle-ci et le contrôle juridictionnel

33      Aux termes de l’article 81, paragraphe 1, CE, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun.

34      Pour qu’il y ait accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, point 112 ; arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T‑7/89, Rec. p. II‑1711, point 256, et du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 199). Il peut être considéré qu’un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE est conclu dès lors qu’il y a une concordance des volontés sur le principe même de la restriction de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt HFB e.a./Commission, précité, points 157 et 206).

35      Selon une jurisprudence constante, la Commission doit apporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence de faits constitutifs d’une infraction (arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58, et arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T‑44/02 OP, T‑54/02 OP, T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, Rec. p. II‑3567, point 59).

36      Ainsi, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise (arrêt de la Cour du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 20, et arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, Rec. p. II‑120, point 55). Les preuves présentées par la Commission doivent donc permettre de conclure au-delà de tout doute raisonnable à l’existence d’une infraction (arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 35 supra, points 137 et 144).

37      Quant aux moyens de preuve qui peuvent être invoqués pour établir l’infraction à l’article 81 CE, le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, point 72, et du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission, T‑112/07, Rec. p. II‑3871, point 64).

38      Les indices invoqués par la Commission dans la décision attaquée afin de prouver l’existence d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE par une entreprise doivent être appréciés non isolément, mais dans leur ensemble (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48/69, Rec. p. 619, point 68, et arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, Rec. p. II‑1333, point 185). Différents éléments de preuve peuvent se renforcer mutuellement (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 275).

39      Par ailleurs, il convient de rappeler que, en pratique, la Commission est souvent obligée de prouver l’existence d’une infraction dans des conditions peu propices à cette tâche, dans la mesure où plusieurs années ont pu s’écouler depuis l’époque des faits constitutifs de l’infraction et que plusieurs des entreprises faisant l’objet de l’enquête n’ont pas activement coopéré avec elle. S’il incombe nécessairement à la Commission d’établir qu’un accord illicite a été conclu, il serait excessif d’exiger, en outre, qu’elle apporte la preuve du mécanisme spécifique par lequel ce but devait être atteint. En effet, il serait trop aisé pour une entreprise coupable d’une infraction d’échapper à toute sanction si elle pouvait tirer argument du caractère vague des informations présentées quant au fonctionnement d’un accord illicite dans une situation dans laquelle l’existence de l’accord et son but anticoncurrentiel sont pourtant établis de manière suffisante. Les entreprises peuvent se défendre utilement dans une telle situation pour autant qu’elles ont la possibilité de commenter tous les éléments de preuve invoqués à leur charge par la Commission (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 38 supra, point 203).

40      S’agissant du contrôle juridictionnel d’une décision de la Commission, dans laquelle celle-ci constate l’existence d’une entente illicite, il est de jurisprudence constante que, lorsque le Tribunal est saisi d’un recours en annulation d’une telle décision, il doit exercer, de manière générale, un contrôle entier afin de savoir si les conditions d’application de l’article 81 CE se trouvent ou non réunies (arrêt de la Cour du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, Rec. p. 2545, point 34, et arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T‑41/96, Rec. p. II‑3383, point 62).

41      Par ailleurs, la Cour a jugé que si, dans les domaines donnant lieu à des appréciations économiques complexes, la Commission dispose d’une marge d’appréciation en matière économique, cela n’implique pas que le juge de l’Union doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique (arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, non encore publié au Recueil, point 54). En effet, le juge de l’Union doit notamment vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 35 supra, point 67).

2.     Sur la première branche du premier moyen, visant la valeur probante des éléments de preuve invoqués par la Commission

42      La requérante avance que la valeur probante des éléments de preuve invoqués par la Commission pour démontrer l’existence d’une entente illicite, à savoir les déclarations de Siemens et de Fuji, la lettre de Hitachi du 30 mars 2009 et les éléments de preuve documentaires n’est pas suffisante et que la Commission aurait dû prendre en compte les déclarations d’ABB et d’Areva, ainsi que ses propres déclarations, qui contredisent l’existence d’une entente illicite et ont une valeur probante élevée.

a)     Sur les déclarations de Siemens et de Fuji

43      Comme exposé aux paragraphes 75 à 90 et 125 à 127 de la décision attaquée, la Commission a établi l’existence du gentlemen’s agreement tel que décrit aux points 8 à 11 ci-dessus et la participation de la requérante à celui-ci en se fondant, notamment, sur les déclarations que Siemens et Fuji ont faites dans le cadre de leurs demandes de clémence.

44      La requérante ne remet pas en cause le contenu de ces déclarations, dans lesquelles Siemens et Fuji affirment qu’elle a participé audit accord. Cependant, elle remet en cause la valeur probante de ces déclarations en avançant, d’une part, qu’il s’agit de déclarations faites dans une demande de clémence et, d’autre part, que les déclarations de Fuji étaient contradictoires.

 Sur la valeur probante de déclarations faites dans une demande de clémence

45      La requérante invoque que la valeur probante des déclarations de Siemens et de Fuji est significativement réduite, en raison de la circonstance qu’elles ont été faites dans l’objectif de bénéficier du programme de clémence de la Commission et donc dans le propre intérêt de Siemens et de Fuji.

46      À cet égard, il convient de rappeler qu’aucune disposition, ni principe général du droit de l’Union, n’interdit à la Commission de se prévaloir, à l’encontre d’une entreprise, des déclarations d’autres entreprises auxquelles il est reproché d’avoir participé à l’entente. En effet, si tel n’était pas le cas, la charge de la preuve de comportements contraires à l’article 81 CE, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec sa mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions (arrêts du Tribunal JFE Engineering e.a./Commission, point 38 supra, point 192 ; du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 285, et Hitachi e.a./Commission, point 37 supra, point 67).

47      Au contraire, une valeur probante particulièrement élevée peut être reconnue aux déclarations qui, premièrement, sont fiables, deuxièmement, sont faites au nom d’une entreprise, troisièmement, proviennent d’une personne tenue par l’obligation professionnelle d’agir dans l’intérêt de cette entreprise, quatrièmement, vont à l’encontre des intérêts du déclarant, cinquièmement, proviennent d’un témoin direct des circonstances qu’elles rapportent et, sixièmement, ont été fournies par écrit, de manière délibérée et après mûre réflexion (arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 38 supra, points 205 à 210, et Hitachi e.a./Commission, point 37 supra, point 71).

48      En effet, le fait pour une personne d’avouer qu’elle a commis une infraction et d’admettre ainsi l’existence de faits qui dépassent ceux dont l’existence pouvait être déduite de manière directe de documents implique a priori, en l’absence de circonstances particulières de nature à indiquer le contraire, que cette personne a pris la résolution de dire la vérité. Ainsi, les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables (arrêts du Tribunal JFE Engineering e.a./Commission, point 38 supra, points 211 et 212, du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, Rec. p. II‑947, point 166, et Lafarge/Commission, point 36 supra, point 59).

49      Dans ce contexte, il convient de retenir que l’adoption, par la Commission, d’une décision constatant la participation d’une entreprise à une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE est susceptible d’entraîner des inconvénients pour celle-ci, même dans le cas où elle bénéficie du programme de clémence de la Commission. En effet, une telle constatation peut avoir comme conséquence, notamment des répercussions réglementaires, des actions en justice par des opérateurs privés et une atteinte à la réputation commerciale. Dès lors, il n’est pas plausible qu’une entreprise admette l’existence d’une infraction et sa propre participation à celle-ci si cette infraction n’a pas été commise.

50      Par ailleurs, bien qu’une certaine méfiance à l’égard de dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite soit généralement de mise, il n’en reste pas moins que le fait de demander à bénéficier de la communication sur la clémence en vue d’obtenir une immunité ou une réduction du montant de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés en ce qui concerne la participation des autres membres à l’entente. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la clémence (arrêts du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxydos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, point 70, et Hitachi e.a./Commission, point 37 supra, point 72).

51      Par conséquent, contrairement à ce qu’avance la requérante, le fait que les déclarations de Siemens et de Fuji aient été faites dans le cadre du programme de clémence de la Commission ne remet pas en cause leur valeur probante.

 Sur le grief tiré de la nature contradictoire des déclarations de Fuji

52      La requérante soutient que la valeur probante des déclarations de Fuji est limitée en raison de leur nature contradictoire. Dans ce contexte, elle avance que, initialement, Fuji a avancé, dans sa déclaration du 18 juillet 2007, que les membres auraient confirmé respecter le gentlemen’s agreement lors des réunions générales de l’Aéro Club, alors que, plus tard, dans sa déclaration du 25 février 2009, elle aurait concédé que, au cours de la première période, il n’aurait pas toujours été fait référence à un accord.

53      À cet égard, il convient de constater que, dans la phrase de sa déclaration du 18 juillet 2007, à laquelle la requérante fait référence, Fuji a mentionné que bien que les membres aient confirmé leur volonté de respecter le gentlemen’s agreement, aucune sanction n’avait été appliquée dans le cas où il n’était pas respecté.

54      Ensuite, il ressort de la phrase dans la déclaration de Fuji du 25 février 2009, à laquelle la requérante fait référence, que, bien qu’il n’ait peut être pas été fait régulièrement référence à l’accord pendant la première période, il aurait dû être bien compris par les membres de l’accord Aero Club que les entreprises japonaises n’allaient pas accéder à l’Europe et que les entreprises européennes n’allaient pas accéder au Japon.

55      Contrairement à ce qu’avance la requérante, les déclarations de Fuji du 18 juillet 2007 et du 25 février 2009 ne sont pas contradictoires. En effet, dans sa déclaration du 18 juillet 2007, Fuji a mis en avant qu’aucun système de sanction n’avait été mis en place en cas de non-respect de l’entente. Comme la Commission le retient à juste titre, il ne peut pas être déduit de cette déclaration que les entreprises participant à l’entente ont expressément réaffirmé leur respect pour celle-ci lors de chaque réunion. Cet élément de la déclaration de Fuji du 18 juillet 2007 n’est donc pas en contradiction avec la déclaration de Fuji du 25 février 2009, où elle a avancé qu’il n’avait pas été fait régulièrement référence au gentlemen’s agreement pendant la première période de l’entente.

56      Par ailleurs, force est de constater que les deux phrases confirment l’existence d’une concordance de volonté sur le principe même de ne pas se faire concurrence sur les marchés domestiques.

57      Par conséquent, il convient de rejeter le grief tiré de la nature contradictoire des déclarations de Fuji.

58      Dès lors, l’ensemble des griefs visant à remettre en cause la valeur probante des déclarations de Siemens et de Fuji doit être rejeté.

b)     Sur la lettre de Hitachi du 30 mars 2009

59      Au paragraphe 128 de la décision attaquée, la Commission a constaté que les déclarations de Siemens et de Fuji n’étaient pas l’unique source de preuves de l’infraction et qu’elle avait également pris en compte la lettre du 30 mars 2009 de Hitachi, rédigée à la suite de l’audition, dans laquelle cette entreprise avait accepté ses conclusions relatives à l’existence et à la portée du gentlemen’s agreement telles qu’elles avaient été exposées dans la communication des griefs.

60      La requérante fait valoir que la Commission n’a pas valablement pu déduire de cette lettre que Hitachi a confirmé l’existence d’une entente illicite. Selon elle, cette entreprise s’est limitée à indiquer qu’elle n’allait pas contester les conclusions factuelles de la Commission et qu’elle était incapable de fournir des preuves confirmant les conclusions de cette dernière.

61      À cet égard, il convient de retenir que, dans la lettre du 30 mars 2009, l’avocat représentant Hitachi a déclaré qu’elle acceptait les conclusions de la Commission relatives à l’existence et à la portée du gentlemen’s agreement telles qu’elles étaient exposées dans la communication des griefs, mais que, toutefois, elle n’était pas capable de confirmer la date à laquelle le gentlemen’s agreement avait commencé, comme elle disposait uniquement d’éléments de preuve démontrant que le gentlemen’s agreement avait été discuté après le démantèlement de l’accord Aero Club.

62      Contrairement à ce qu’avance la requérante, dans sa lettre, Hitachi ne s’est donc pas limitée à indiquer qu’elle était incapable de fournir des preuves confirmant les conclusions de la Commission. Au contraire, elle a accepté expressément les conclusions de la Commission quant à l’existence et à la portée du gentlemen’s agreement. La Commission était donc en droit de déduire de la lettre de Hitachi du 30 mars 2009 que cette entreprise acceptait ses conclusions relatives à l’existence et à la portée du gentlemen’s agreement.

c)     Sur les preuves documentaires

63      Dans la décision attaquée, la Commission s’est également fondée sur des éléments de preuve documentaires. Tout d’abord, aux paragraphes 91 à 98 de la décision attaquée, la Commission a pris en compte trois documents concernant la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002. Ensuite, au paragraphe 99 de la décision attaquée, elle a mentionné d’autres documents.

64      La requérante avance que la Commission n’a produit aucun élément de preuve documentaire corroborant les déclarations de Siemens et de Fuji. D’une part, les documents concernant la réunion de Tokyo ne seraient pas susceptibles de confirmer l’existence d’une entente illicite. D’autre part, aucun autre élément de preuve documentaire mentionné par la Commission ne serait susceptible de démontrer l’existence d’une entente illicite.

 Sur les documents concernant la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002

65      Aux paragraphes 91 à 98 de la décision attaquée, la Commission a pris en compte trois documents concernant la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002.

66      Au paragraphe 91 de la décision attaquée, elle a mentionné le projet de compte rendu de la réunion de Tokyo qui contient les éléments suivants :

« GA/Accord interne

JT a demandé aux membres s’ils disposaient de renseignements à communiquer et T3 a notifié trois projets européens.

E/J ont convenu de rester en contact et de discuter de temps en temps. »

67      Au paragraphe 92 de la décision attaquée, la Commission a mentionné la version finale de ce compte rendu de la réunion de Tokyo dont la partie pertinente se lit comme suit :

« GA/Accord interne

T3 a notifié trois projets européens.

E/J ont convenu de rester en contact et d’en discuter si nécessaire. »

68      Comme il ressort du paragraphe 82 de la décision attaquée, qui n’a pas été remis en cause par la requérante, « T3 » était le code pour Hitachi. Il peut donc être déduit des deux documents susmentionnés que Hitachi a notifié trois projets pendant la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002.

69      Toutefois, comme la Commission l’a retenu au paragraphe 93 de la décision attaquée, ces documents ne lui permettaient pas de déterminer clairement si cette notification de Hitachi concernait le « GA », qui était, selon le paragraphe 75 de la décision attaquée, l’abréviation du gentlemen’s agreement, ou l’accord interne.

70      Eu égard au fait que, dans la décision attaquée, la Commission n’a sanctionné que la participation au gentlemen’s agreement, elle a pris en compte un troisième document, à savoir la note de M. O. de Fuji sur la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002, aux paragraphes 93 à 98 de la décision attaquée.

71      Comme la Commission l’a exposé au paragraphe 94 de la décision attaquée, la partie pertinente de cette note est formulée comme suit :

« GA/Accord interne

E/J : Il a été confirmé que le GA et l’accord interne seraient respectés.

GA
Aucun projet particulier d’E/J

T3 :      A notifié les trois projets suivants.

Pays      Client […]   […]
Italie ENEL via Jerico Ass. […]   […]
Italie  ENEL […]   […]
RU      Inter Hen via Bechtel […]   […]

Les projets susmentionnés ont été pris par la filiale américaine. Il serait difficile de décliner compte tenu des relations antérieures. Il a été expliqué que, même si le prix de base allait être estimé par T3, le prix final serait incontrôlable, (il doit être au même niveau que les opérations intérieures américaines effectuées par le passé).

TB :      Il n’est pas nécessaire de s’enfermer dans le passé. Il ne paraîtrait pas étrange que le prix change pour chaque projet.

Il y a eu des discussions, mais aucune conclusion n’a été tirée. À la fin, il a été déclaré que la notification de T3 était appréciée. »

72      Aux paragraphes 95 à 98 de la décision attaquée, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle estimait que cette note confirmait l’existence d’une entente illicite. Au paragraphe 95 de la décision attaquée, elle a constaté que le passage du document situé sous le titre « GA/Accord interne » corroborait les déclarations de Siemens et de Fuji, selon lesquelles le respect du gentlemen’s agreement était régulièrement confirmé pendant les réunions. Ensuite, aux paragraphes 96 à 98 de la décision attaquée, la Commission a retenu que les autres éléments de la note confirmaient le contenu du gentlemen’s agreement tel que décrit par Siemens et Fuji.

73      La requérante avance que cette appréciation de la Commission est erronée. D’une part, il ne serait pas possible de déduire l’existence d’une entente illicite du contenu des documents susmentionnés. D’autre part, ces documents n’auraient qu’une valeur probante faible.

–       Sur le contenu des documents

74      Dans un premier temps, la requérante avance que l’existence d’une entente illicite ne peut pas être déduite du projet ou de la version finale du compte rendu de la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002 ou de la note de M. O. sur cette réunion.

75      Dans ce contexte, la requérante avance, tout d’abord, que le projet et la version finale du compte rendu de la réunion en eux-mêmes ne permettent pas d’établir l’existence d’un accord de nature anticoncurrentielle. Il ne serait pas évident que les passages de ces documents concernent le gentlemen’s agreement. En tout état de cause, au mieux, il pourrait seulement en être déduit que Hitachi a notifié qu’elle avait remporté trois projets, ce qui serait probablement de notoriété publique. La mention de projets déjà remportés par Hitachi contredirait d’ailleurs la déclaration de Fuji selon laquelle le gentlemen’s agreement était complété par un accord visant à signaler les offres provenant du territoire de l’autre groupe. Ensuite, il ne pourrait pas être déduit de la note de M. O. de Fuji qu’il y avait eu un accord, parce que cette note mentionnerait uniquement des « discussions ». Le seul fait que Hitachi ait utilisé le terme « décliner » par rapport à trois projets ne serait pas une corroboration suffisante pour justifier l’existence d’un accord de protection de marché.

76      Ces griefs doivent être rejetés.

77      D’une part, s’agissant de l’argument de la requérante, selon lequel il ne peut pas être déduit du projet ou de la version finale du compte rendu de la réunion de Tokyo qu’il existait une entente illicite entre les entreprises concernées, il convient de rappeler que tout élément de preuve sur lequel la Commission se fonde ne doit pas nécessairement démontrer en lui-même l’existence d’une telle entente. Il suffit que les éléments de preuve dans leur ensemble permettent de fonder la ferme conviction qu’une infraction de l’article 81 CE a été commise. Différents éléments de preuve peuvent donc se renforcer mutuellement (voir les points 35 à 39 ci-dessus). En l’espèce, rien ne s’oppose donc à ce que la Commission prenne en compte le projet et la version finale du compte rendu comme éléments de preuve, même si ces documents ne permettent pas en eux-mêmes de démontrer l’existence du gentlemen’s agreement.

78      D’autre part, il convient de constater que les documents susmentionnés corroborent les déclarations de Siemens et de Fuji quant à l’existence et au caractère illicite du gentlemen’s agreement.

79      Tout d’abord, ces documents corroborent les déclarations de Fuji et de Siemens quant à l’existence d’une entente dénommée gentlemen’s agreement et quant à sa confirmation pendant la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002.

80      Premièrement, le passage de la note de M. O. dans lequel, après la mention « E/J », il est précisé qu’« [i]l a été confirmé que le GA et l’accord interne seraient respectés » constitue un fort indice de l’existence d’une entente entre les entreprises participant à la réunion. Comme la Commission l’a exposé aux paragraphes 75 et 84 de la décision attaquée, le terme « GA » était l’abréviation du gentlemen’s agreement et les lettres majuscules« E » et « J » se référaient aux groupes européens et japonais.

81      Deuxièmement, la mention « GA » dans le projet et la version finale du compte rendu démontre également que le gentlemen’s agreement faisait partie des points abordés pendant la réunion de Tokyo.

82      Ensuite, les documents susmentionnés confirment les indications de Siemens et de Fuji quant à la nature illicite du gentlemen’s agreement.

83      Premièrement, comme il a été exposé au point 69 ci-dessus, il en ressort que Hitachi a notifié l’acceptation de trois projets.

84      Deuxièmement, contrairement à ce qu’avance la requérante, la Commission a établi à suffisance de droit que la notification de ces projets se référait au gentlemen’s agreement. En effet, même si le projet et la version du compte rendu de la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002 ne permettent pas en eux-mêmes de déterminer si cette notification concernait le gentlemen’s agreement ou l’accord interne, la Commission a retenu à juste titre que ce point pouvait être éclairé à l’aide de la note de M. O. de Fuji sur cette réunion. En effet, comme il a été exposé au point 71 ci-dessus, cette note contient une partie intitulée « GA/Accord interne », qui prévoit une sous-partie, intitulée « GA ». Or, la notification de Hitachi est mentionnée dans la sous-partie se référant uniquement au « GA ». Par ailleurs, il ressort de la note de M. O. que cette notification concernait des clients externes à l’entente. Il semble donc improbable qu’elle se réfère à l’accord interne, puisque cet accord ne portait que sur des appels d’offres provenant des entreprises participant au gentlemen’s agreement.

85      Troisièmement, les explications que Hitachi a données concernant l’acceptation de ces trois projets confirment que le gentlemen’s agreement était un accord de répartition de marché entre les producteurs japonais et européens en vertu duquel ils s’engageaient à ne pas se faire concurrence sur leurs marchés domestiques, comme l’avaient décrit Siemens et Fuji. En effet, il peut être déduit de la note de M. O. que Hitachi a notifié aux autres participants qu’elle avait accepté trois projets en Europe (en Italie et au Royaume-Uni) et qu’elle a dû justifier cette acceptation. Or, la justification avancée par Hitachi est très révélatrice. En effet, cette entreprise a avancé qu’il aurait été difficile de refuser ces trois projets à cause de relations antérieures avec les clients concernés et à cause du fait que le prix final n’aurait pas pu être contrôlé. Cela corrobore les déclarations de Siemens et de Fuji, selon lesquelles, quand un client situé sur le territoire d’un groupe contactait un producteur de l’autre groupe, il existait un mécanisme de notification et de réattribution des projets.

86      Contrairement à ce qu’avance la requérante, le fait que, selon la note de M. O., l’acceptation des trois projets provenant du territoire européen par Hitachi ait entraîné des discussions entre les participants, mais qu’aucune autre conséquence n’ait été tirée, ne remet pas en cause l’existence d’une entente. En effet, cet élément est seulement susceptible de démontrer que, concernant les trois projets mentionnés pendant la réunion de Tokyo, soit les autres entreprises ont accepté la justification avancée par Hitachi, soit aucune sanction ne lui a été imposée. En revanche, il n’est pas susceptible de remettre en cause la constatation de la Commission selon laquelle il existait un accord de principe de ne pas se faire concurrence sur les marchés domestiques et que, en principe, Hitachi n’était pas censée accepter des projets provenant de clients européens.

87      Quatrièmement, le passage de la note de M. O. qui, sous le titre « GA », se réfère à « [a]ucun projet particulier d’E/J » ne remet pas en cause l’existence d’un accord de répartition de marché, mais corrobore les indications de Siemens et de Fuji quant à l’existence d’un système de notification, selon lequel les membres d’un groupe devaient signaler les appels d’offre provenant de clients situés sur le territoire de l’autre groupe afin de garantir que les projets fussent attribués aux membres de l’autre groupe.

88      Contrairement à ce qu’avance la requérante, le fait que, dans la note de M. O. sur la réunion de Tokyo, sous le titre « GA », il soit d’abord mentionné « Aucun projet particulier d’E/J » et par la suite « T3 […] a notifié les trois projets suivants », ne rend pas ladite note contradictoire. En effet, comme la Commission le retient à juste titre, ces deux passages peuvent être expliqués par le déroulement de la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002. Lors de cette réunion, tout d’abord les secrétaires des groupes ont notifié que, actuellement, il n’y avait aucun appel d’offres provenant d’un client situé sur le territoire de l’autre groupe. Ensuite, Hitachi, un producteur japonais, a signalé que, par le passé, elle avait accepté des projets provenant de clients situés sur le territoire européen, ce qui a déclenché des discussions.

89      Cinquièmement, il s’ensuit que, contrairement à ce qu’avance la requérante, le fait que Hitachi ait notifié individuellement ces trois projets n’est pas en contradiction avec la description du gentlemen’s agreement (voir le point 9 ci-dessus), selon laquelle les notifications concernant le gentlemen’s agreement devaient se faire par les secrétaires des groupes. En effet, cette règle de notification ne s’appliquait qu’aux notifications survenues dans le cadre de la première étape mentionnée au point précédent.

90      Dès lors, il convient de retenir que le contenu du projet et de la version finale du compte rendu ainsi que de la note de M. O. de Fuji corroborent les déclarations de Siemens et de Fuji quant à l’existence et à la nature illicite du gentlemen’s agreement.

–       Sur la valeur probante des documents

91      Dans un second temps, la requérante remet en cause la valeur probante de la note de M. O. de Fuji sur la réunion de Tokyo.

92      En premier lieu, elle avance des griefs tirés du contenu et de la nature de cette note. Tout d’abord, elle retient que ce document n’est ni daté ni signé et qu’il ne contient aucune indication permettant de corroborer la déclaration de Fuji, selon laquelle il s’agit du rapport d’un de ses employés ayant participé à la réunion de Tokyo des 18 et 19 février, M. O., à destination de son supérieur hiérarchique. Ensuite, elle émet un doute s’agissant de la question de savoir si cette note constitue une reproduction fidèle de la contribution de Hitachi à la réunion. Par ailleurs, elle avance que la note est un document interne, ce qui amènerait inévitablement à relativiser sa valeur probante.

93      S’agissant de ces arguments, il convient de rappeler que les ententes illicites se déroulent normalement de manière clandestine, les réunions des participants se tenant secrètement et la documentation y afférant étant souvent réduite au minimum (arrêts du Tribunal JFE Engineering e.a./Commission, point 38 supra, point 203, et du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T‑314/01, Rec. p. II‑3085, point 113). Même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus d’une réunion, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, points 55 et suivants ; voir, également, arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 35 supra, points 64 et 65, et la jurisprudence citée). Par conséquent, il est suffisant que la Commission se fonde sur un faisceau d’éléments de preuves, dont les différents éléments peuvent se renforcer mutuellement (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 38 supra, point 275).

94      Ainsi, le Tribunal a déjà décidé que l’absence de date ou de signature d’un document ou le fait qu’il soit mal écrit ne lui enlève pas toute force probante, en particulier lorsque son origine, sa date probable et son contenu peuvent être déterminés avec suffisamment de certitude (arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T‑11/89, Rec. p. II‑757, point 86, et du 13 décembre 2006, FNCBV/Commission, T‑217/03 et T‑245/03, Rec. p. II‑4987, point 124).

95      Pour le cas d’espèce, il s’ensuit, tout d’abord, que le fait que la note sur la réunion de Tokyo que la Commission a mentionnée n’est pas datée et signée et n’indique pas la personne à laquelle elle a été adressée, ne lui enlève pas toute valeur probante. En ce qui concerne la date de rédaction de cette note, il peut être déduit de son contenu qu’elle doit avoir été rédigée peu après la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002. Par ailleurs, sur la base des éléments de preuve dont disposait la Commission, elle pouvait considérer qu’il s’agissait d’une note rédigée par M. O. de Fuji. En effet, s’agissant d’un rapport interne sur ladite réunion, elle doit avoir été préparée par un employé de Fuji qui y a assisté. Or, comme il ressort de l’annexe I de la décision attaquée, autant Fuji que Siemens avaient indiqué que M. O. avait participé à la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002. Dans sa déclaration du 18 juillet 2007, Fuji a confirmé une telle interprétation.

96      Ensuite, le doute émis par la requérante concernant la question de savoir si ladite note de M. O. sur la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002 contient une reproduction fidèle de la contribution de Hitachi à cette réunion n’est pas fondé. Premièrement, le fait que Hitachi a notifié trois projets pendant cette réunion est confirmé par le projet et la version finale du compte rendu de cette réunion. Deuxièmement, la note est corroborée par la déclaration de Fuji du 18 juillet 2007. Troisièmement, Hitachi a accepté les conclusions de la Commission quant à l’existence et à la portée du gentlemen’s agreement telles qu’elles sont exposées dans la communication des griefs.

97      Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante, selon lequel la nature interne d’un document amène inévitablement à relativiser sa valeur probante, il convient d’admettre que, certes, le Tribunal a retenu au point 231 de l’arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 38 supra, que le caractère interne d’un document amène inévitablement à relativiser sa valeur probante à l’égard des autres entreprises. Comme la requérante l’avance à juste titre, contrairement à un document qui a été distribué parmi les entreprises ou les personnes ayant participé à la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002, un document purement interne ne peut pas être contrôlé et corrigé par les autres participants et ne reflète donc que la vue d’une entreprise ou de la personne qui l’a rédigé. À l’égard des autres participants, il a donc une valeur probante moins élevée. Toutefois, cela n’implique pas qu’un document interne n’a aucune valeur probante. En effet, comme le Tribunal l’a également retenu au point 231 de l’arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 38 supra, rien ne s’oppose à ce que la Commission invoque un document interne comme un élément de preuve dans un faisceau d’indices.

98      Or, en l’espèce, non seulement la note de M. O. avait été rédigée in tempore non suspecto, mais son contenu est aussi corroboré par le projet et la version finale du compte rendu de la réunion de Tokyo ainsi que par les déclarations de Fuji. Par ailleurs, il convient de rappeler que, d’une part, dans la communication des griefs, la Commission a utilisé la note de M. O., qui mentionne la notification de trois projets par Hitachi, pour démontrer l’existence du gentlemen’s agreement et, d’autre part, Hitachi a accepté les conclusions de la Commission à cet égard.

99      Dès lors, les griefs tirés du contenu et de la nature de la note de M. O. de Fuji sur la réunion de Tokyo doivent être rejetés.

100    En deuxième lieu, la requérante avance que les explications dans la note de M. O. de Fuji sur la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002 sont contredites directement par les déclarations de Siemens et que l’interprétation du projet et de la version finale du compte rendu de la réunion de Tokyo fournie par Siemens est aussi crédible que celle fournie par Fuji.

101    Dans ce contexte, tout d’abord, il convient de retenir que c’est à juste titre que la requérante avance que les déclarations de Fuji et de Siemens concernant la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002 ne sont pas convergentes. En effet, Siemens avait attribué la notification de trois projets par Hitachi à l’accord interne, qui n’a pas été sanctionné dans la décision attaquée (voir le point 4.6 de la décision attaquée). Dans sa déclaration du 3 mai 2007, Siemens avait retenu que, d’après les éléments recueillis jusqu’à ce moment-là, la mention figurant au procès-verbal selon laquelle Hitachi (T3) aurait annoncé trois « projets européens » devait être comprise comme signifiant non qu’il aurait été discuté de projets concrets de transformateurs en Europe, mais comme signifiant qu’Hitachi avait annoncé que trois demandes revenant, en vertu de l’« accord interne » aux producteurs européens auraient été adressées aux entreprises du groupe japonais. Par ailleurs, selon la déclaration de l’employé de Siemens qui a participé à cette réunion, M. B., lorsqu’il avait été écrit que Hitachi (T3) avait annoncé trois « projets européens », cela ne signifiait pas, selon lui, que l’on avait discuté au sujet de projets concrets de transformateurs, mais que Hitachi avait annoncé que trois demandes concernant l’« accord interne » et relevant du domaine des producteurs européens avaient été adressées au groupe japonais.

102    À la note en bas de page n° 59 de la décision attaquée, la Commission a pris en compte cette divergence entre les déclarations de Fuji et de Siemens et a indiqué que les observations de Siemens à cet égard étaient quelque peu inexactes. Elle a donc considéré que, en ce qui concernait ce point, le témoignage de M. O. de Fuji était plus crédible que celui de M. B. de Siemens.

103    Il convient donc d’examiner si la Commission a pu valablement considérer que le témoignage de M. O. était plus crédible que celui de M. B.

104    Certes, il est vrai que M. O. et M. B. ont tous les deux assisté personnellement à la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002. Toutefois, M. O. a été capable de corroborer ses déclarations par sa note sur cette réunion, donc par un document contemporain des faits, qui est plus détaillé que le projet et la version finale du compte rendu et qui associe la notification de Hitachi au gentlemen’s agreement (voir le point 85 ci-dessus). Par ailleurs, il ressort de la note de M. O. que les trois projets notifiés concernaient des clients externes à l’entente. Il ne pouvait donc pas s’agir de projets relevant de l’accord interne (voir le point 85 ci-dessus). Enfin, il convient de rappeler, dans ce contexte, que Hitachi, donc l’entreprise qui, selon la note de M. O. a notifié les trois projets européens, a confirmé les conclusions de la Commission. Or, eu égard au fait que la note de M. O. est un élément essentiel de la motivation de la Commission, Hitachi aurait probablement remis en question le contenu de cette note, s’il était incorrect. En effet, il aurait été facile pour Hitachi de démontrer que soit les clients concernés n’étaient pas situés en Europe, soit qu’ils n’étaient pas externes à l’entente.

105    Eu égard aux considérations précédentes, la Commission a retenu à juste titre que le témoignage de M. O. était plus crédible que celui de M. B.

106    En troisième lieu, la requérante avance que l’explication de Fuji concernant la note de M. O. de Fuji sur la réunion de Tokyo est contradictoire. L’utilisation du mot « directement » dans cette explication soulèverait des questions.

107    À titre liminaire, il y a lieu de noter que ce grief ne vise pas la note de M. O., mais la note explicative de Fuji à l’égard de la note de M. O, qui était également annexée à la déclaration de cette entreprise du 18 juillet 2007. Dans cette note explicative, Fuji a déclaré qu’« aucun projet spécifique n’avait été notifié par les membres européens ou japonais, ce qui voulait dire qu’aucun des membres n’avait reçu directement des demandes de clients de l’autre région ».

108    Or, cet élément de la note n’est pas contradictoire. Il confirme l’existence d’un système de notification d’offres provenant du territoire de l’autre groupe que la Commission a mentionné dans la décision attaquée. Dans ce contexte, le mot « directement » exprime qu’aucun producteur n’avait été contacté directement par des clients situés sur le territoire de l’autre groupe.

109    Par ailleurs, comme il a été exposé au point 89 ci-dessus, il n’est pas contradictoire de constater, d’une part, qu’aucun projet spécifique n’a été notifié au moment de la réunion de Tokyo et, d’autre part, que Hitachi a mentionné trois projets qu’elle avait acceptés antérieurement.

110    Dès lors, il convient de rejeter l’ensemble des griefs que la requérante avance à l’égard de l’appréciation, par la Commission, du projet et de la version finale du compte rendu de la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002 ainsi qu’à l’égard de la note de M. O. de Fuji sur cette réunion.

 Sur les autres documents

111    La requérante fait également valoir que, contrairement à ce que la Commission a constaté au paragraphe 99 de la décision attaquée, l’existence d’une entente illicite n’est corroborée par aucune autre preuve documentaire.

112    Dans ce contexte, il convient de retenir, à titre liminaire, que, au paragraphe 99 de la décision attaquée, la Commission a constaté que le terme « GA » apparaissait dans d’autres documents, à savoir :

–        le projet d’ordre du jour du 12 septembre 2002 pour la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002 ;

–        le compte rendu de la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002 ;

–        la note interne de M. M. de Fuji sur la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002 ;

–        la note interne de M. K. de Hitachi, du 21 mai 2002, consécutive à la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002 ;

–        le projet d’ordre du jour du 12 mai 2003 pour la réunion de Zurich des 15 et 16 mai 2003 ;

–        et l’avant-projet d’ordre du jour pour la réunion de Zurich des 15 et 16 mai 2003.

113    Au paragraphe 130 de la décision attaquée, la Commission a constaté qu’il ressortait des documents susmentionnés que l’adhésion au gentlemen’s agreement avait été confirmée périodiquement et que des noms de code avaient été utilisés afin de cacher des contacts anticoncurrentiels.

114    Par ailleurs, au paragraphe 131 de la décision attaquée, elle a retenu que le fait que ces documents ne définissaient pas le terme « GA » ne s’opposait pas à ce qu’elle pût les prendre en compte. Il serait fort peu probable que les documents relevant d’une entente secrète et utilisant des noms de code pour ne pas dévoiler les noms de ses membres mentionnent de façon claire et précise le gentlemen’s agreement.

115    S’agissant de cette partie de la motivation de la Commission, la requérante avance, en substance, quatre griefs.

116    En premier lieu, la requérante soutient que l’ensemble des documents susmentionnés fait uniquement référence à un « GA », mais qu’il n’est pas possible d’en déduire le contenu de ce « GA », et, encore moins, qu’il s’agissait d’un accord de répartition de marché entre des producteurs européens et japonais de transformateurs de puissance.

117    À cet égard, il convient de rappeler que, en raison de la nature illicite des ententes, la documentation y afférant est souvent réduite au minimum et que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus d’une réunion, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses. Il ne saurait donc être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contact entre les opérateurs concernés. Par conséquent, il est suffisant que la Commission se base sur un faisceau d’indices dont les différents éléments peuvent se renforcer mutuellement (voir points 38 et 39 ci-dessus).

118    Il s’ensuit que le seul fait que les éléments de preuve documentaires mentionnés au paragraphe 99 de la décision attaquée ne définissent pas le terme « GA » ou qu’ils ne permettent pas, de manière isolée, d’établir l’objet anticoncurrentiel du gentlemen’s agreement ne s’oppose pas à ce qu’ils soient pris en compte par la Commission comme éléments d’un faisceau d’indices.

119    Or, en l’espèce, la signification du terme « GA » et les modalités de fonctionnement de l’entente illicite dénommée gentlemen’s agreement avaient été établies par les déclarations de Siemens et de Fuji, par les trois documents concernant la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002, qui les corroborent, ainsi que par la confirmation de Hitachi. La Commission pouvait donc considérer à juste titre que la mention du terme « GA » dans les documents cités au point 112 ci-dessus confirmait que le gentlemen’s agreement avait été l’objet des réunions auxquelles ces documents se référaient.

120    Par ailleurs, la requérante ne fournit pas d’explication alternative satisfaisante qui serait susceptible d’expliquer la signification du terme « GA ». Certes, elle avance que les preuves documentaires mentionnées par la Commission pourraient faire allusion à un système de notification concernant des offres déjà remportées par les entreprises concernées et qui aurait eu comme objectif d’évoquer les évolutions du marché. Toutefois, une telle interprétation est contredite par le contenu de certains de ces documents. Ainsi, il ressort de la note interne de M. M. de Fuji sur la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002 que les participants y ont « confirmé le GA » et de la note interne de M. K. de Hitachi du 21 mai 2002 qu’ils ont retenu le « respect du GA (E/J) ». Or, la requérante n’expose pas pourquoi un système de notification tel qu’elle le décrit devrait être « confirmé » ou « respecté ».

121    En deuxième lieu, la requérante avance que, en ce qui concerne la note de M. M. de Fuji concernant la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002, la Commission n’a pas expliqué ce que, dans le passage « reconfirmation que GA = Gr », le terme « Gr » pourrait signifier.

122    Ce grief doit être rejeté. Tout d’abord, il y a lieu de préciser que la Commission a expliqué le passage en cause, à savoir, dans son entièreté, « reconfirmation que GA = Gr à Gr, accord commercial interne = bilatéral », dans la note en bas de page n° 71 de la décision attaquée. Dans celle-ci, elle a exposé que ledit passage concernait les différents systèmes de notification des demandes d’offres (projets) relevant soit du gentlemen’s agreement (GA), soit de l’accord interne. Selon cette explication, les projets relevant du gentlemen’s agreement devaient être notifiés « de groupe à groupe », c’est-à-dire par les secrétaires des groupes européens et japonais, comme l’indiquait la note, puisque les secrétaires étaient les points de contact entre les deux groupes.

123    En troisième lieu, la requérante avance, en substance, que le contenu de la note interne de M. K. de Hitachi, du 21 mai 2002, consécutive à la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002 ne corrobore pas l’existence d’un accord de répartition de marché. Tout d’abord, la mention des « projets GA » ne serait guère compatible avec l’existence d’un accord de protection de marché. Ensuite, les mentions « particulièrement J » pour les trois à quatre dernières années, et « particulièrement en E » pour des discussions futures ne seraient pas conformes à l’idée que le terme « GA » désignerait un accord de protection du marché national. Enfin, ce document ferait référence à des analyses de marché.

124    À titre liminaire, il convient de rappeler que la partie pertinente de la note de M. K. est formulée comme suit :

« Statut actuel de l’AC

[…]

2. Situation actuelle

Discussion pendant ces 3 à 4 ans

Analyse de marché (recherche d’un marché) → projets GA (particulièrement J) → Discussions sur Accords commerciaux internes (particulièrement E) → introduction d’intégration (E/J) → Comment gérer le commerce Internet → Discussion de marché, analyse (compréhension des tendances)

Sujets entérinés

Respect du GA (E/J) et contact des Accords commerciaux internes et détermination (chaque membre)

Point de discussion future

Ce point serait sur les projets GA (particulièrement en E) et accords commerciaux internes. »

125    Quant aux arguments avancés par la requérante, il convient de constater, tout d’abord, que la mention de « projets GA » dans la note de M. K. ne contredit pas l’existence d’un accord de répartition de marché. En effet, comme il a été exposé ci-dessus (voir notamment points 87 et 88 ci-dessus), l’accord de répartition de marché était complété par un système de notification d’appels d’offres, c’est-à-dire de « projets », provenant du territoire de l’autre groupe.

126    Ensuite, contrairement à ce qu’avance la requérante, il ne peut pas être déduit du contenu de cette note que l’accord s’était concentré sur des projets au Japon pour les trois à quatre années passées et que les participants voulaient se concentrer sur des projets en Europe dans le futur.

127    Premièrement, dans la mesure où cette note mentionne des discussions ayant eu lieu au cours des trois à quatre dernières années avant sa rédaction, force est de constater qu’elle fait référence à des « projets GA (particulièrement J) ». Or, eu égard au fait que la lettre majuscule « J » était un code pour le groupe japonais (voir le paragraphe 84 de la décision attaquée), il ne peut pas être exclu que ce passage vise des discussions sur le comportement des membres du groupe japonais en ce qui concerne le gentlemen’s agreement et non des discussions concernant des projets sur le territoire japonais. Dans ce contexte, il convient de rappeler que la note de M. K. du 21 mai 2002 a été rédigée seulement trois mois après la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002, pendant laquelle Hitachi, un producteur japonais, a informé les autres participants qu’il a accepté des appels d’offres provenant de clients européens, ce qui a mené à des discussions entre les participants.

128    Deuxièmement, même s’il devait être admis qu’il est possible de déduire de cette note que les discussions au cours des trois à quatre années avant sa rédaction ont porté en particulier sur des projets au Japon, cela n’est pas susceptible de remettre en cause l’existence et la nature illicite du gentlemen’s agreement établies sur la base des déclarations de Siemens et de Fuji, des trois documents concernant la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002 et de la confirmation d’Hitachi.

129    Enfin, contrairement à ce qu’avance la requérante, il ne peut pas être déduit de la note de M. K. que le gentlemen’s agreement n’était qu’une analyse de marché. Certes, cette note mentionne non seulement le gentlemen’s agreement, mais également des analyses de marché. Toutefois, il ne peut pas en être déduit que le gentlemen’s agreement se limitait à une analyse de marché. En effet, d’une part, il convient de constater que l’analyse de marché et le gentlemen’s agreement sont mentionnés sur une liste comprenant des sujets de nature différente tels que l’accord interne, le commerce sur Internet et l’« introduction d’intégration ». D’autre part, une lecture selon laquelle il s’agissait d’éléments distincts est corroborée non seulement par les déclarations de Siemens et de Fuji, mais aussi par le projet d’ordre du jour pour la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002 qui traitait le gentlemen’s agreement et l’analyse de marché comme des points distincts.

130    Dès lors, les griefs visant l’appréciation que la Commission a faite de la note de M. K. de Hitachi, du 21 mai 2002, consécutive à la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002 doivent être rejetés.

131    En quatrième lieu, s’agissant de l’avant-projet et du projet d’ordre du jour de la réunion de Zurich des 15 et 16 mai 2003 et du projet d’ordre du jour de cette réunion, la requérante fait valoir, en substance, que la mention du terme « GA » sous le titre « Coopération possible » ainsi que la mention de discussions futures dans ces deux documents démontrent que le gentlemen’s agreement n’était pas un accord existant. Par ailleurs, le compte rendu de cette réunion démontrerait que le gentlemen’s agreement n’aurait pas été discuté pendant cette réunion.

132    Ce grief doit également être rejeté.

133    Tout d’abord, en ce qui concerne l’avant-projet d’ordre du jour de la réunion de Zurich des 15 et 16 mai 2003, il convient de rappeler que la partie pertinente de ce document est formulée comme suit :

« Coopération possible

Habituellement, nous confirmons deux choses. L’une est la notification au SEC en accord du GA […] »

134    Force est donc de constater que, même si le gentlemen’s agreement est mentionné sous un titre dénommé « Coopération possible », il ressort des phrases sous ce titre, notamment de l’utilisation du mot « habituellement », que le « GA », donc le gentlemen’s agreement, n’était pas un projet envisagé uniquement pour le futur.

135    Ensuite, si dans l’avant-projet et le projet d’ordre du jour de cette réunion le gentlemen’s agreement est uniquement mentionné comme coopération « possible », cela ne remet aucunement en cause les constatations de la Commission quant à l’existence du gentlemen’s agreement. En effet, comme il ressort des éléments du dossier, notamment du compte rendu de la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002, de la note interne de M. M. de Fuji sur cette réunion et de la déclaration de Fuji du 18 juillet 2007, pendant la réunion de Vienne, la requérante avait informé les autres entreprises que Melco et elle formeraient une entreprise commune et que la question d’une participation aux futures réunions n’était encore pas tranchée. Par ailleurs, il ressort du compte rendu de la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002 que l’utilité des futures réunions dépendait de la future participation de la requérante. Eu égard à ces circonstances, l’utilisation de l’expression « coopération possible » est, certes, susceptible d’exprimer un doute concernant la continuation du gentlemen’s agreement dans le futur, mais n’est pas susceptible de remettre en cause son existence dans le passé.

136    Enfin, dans la mesure où la requérante avance que le compte rendu du 16 mai 2003 de la réunion de Zurich démontre que le gentlemen’s agreement n’a pas fait l’objet d’une discussion lors de la réunion, il convient de constater que ce grief est inopérant dans le cadre du premier moyen, qui vise à remettre en cause l’existence même du gentlemen’s agreement. En effet, il n’est pas susceptible de remettre en cause l’existence même du gentlemen’s agreement, mais uniquement sa durée. Il convient donc d’examiner cet argument dans le cadre du troisième moyen, qui porte sur la durée de l’infraction.

137    Dès lors, les griefs visant à remettre en cause la valeur probante des éléments de preuve documentaires invoqués par la Commission doivent être rejetés.

d)     Sur le contenu et la valeur probante des déclarations d’Areva, d’ABB et de la requérante

138    La requérante avance que les déclarations de Siemens et de Fuji sont directement contredites par les déclarations d’Areva, d’ABB et par ses propres déclarations, qui ont, selon elle, la même valeur probante que celles de Siemens et de Fuji.

 Sur les déclarations d’Areva

139    La requérante invoque les déclarations de M. T., un employé d’Areva, lors d’une réunion entre Areva et la Commission du 29 mars 2007, telles qu’elles ont été résumées par Areva dans un document daté du 13 avril 2007.

140    Or, contrairement à ce qu’avance la requérante, il ne ressort pas de ce document que M. T. a nié l’existence d’un accord de répartition de marché. En effet, en réaction à la question de la Commission, qui avait demandé si l’application de la règle du marché domestique (Japon-UE) faisait également partie de l’« Aero Club (AC) », il s’est limité à constater que cela était difficile à dire. Ensuite, il a déclaré que, ainsi, les Européens n’auraient jamais clairement admis qu’ils ne se sentaient pas capables de faire concurrence au Japon, que la même chose s’appliquerait aux Japonais en Europe et que, bien que ce sujet n’ait jamais été discuté, il y aurait eu d’une certaine façon une sorte d’accord pour que l’on ne s’attaquât pas sur le territoire domestique. M. T. a donc admis l’existence d’une « sorte d’accord ». Par ailleurs, il convient de constater que les doutes émis par M. T. dans ce contexte semblent viser la question de savoir si des producteurs japonais étaient capables de faire concurrence aux producteurs européens en Europe et non celle de l’existence d’une entente.

141    Ensuite, dans la mesure où la requérante mentionne que M. T. avait déclaré que l’on n’était jamais parvenu à un accord sur ces points, il convient de constater qu’il ressort du contexte de cette phrase qu’elle concerne l’accord interne et non le gentlemen’s agreement.

142    Enfin, dans la mesure où la requérante invoque que M. T. d’Areva n’a pas pu expliquer le terme « GA » et a déclaré qu’il ne pensait pas que le gentlemen’s agreement signifiait nécessairement quelque chose dans ce contexte, cette déclaration n’est guère crédible. Eu égard au fait que, d’une part, comme il ressort du paragraphe 99 de la décision attaquée, le terme « GA » apparaît notamment dans le projet d’ordre du jour de la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002 ainsi que dans le projet de compte rendu et dans le compte rendu final de cette réunion, ainsi que dans le projet d’ordre du jour de la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002 et dans le compte rendu de cette réunion, et que, d’autre part, M. T. a participé à ces deux réunions (voir l’annexe I de la décision attaquée), le Tribunal estime qu’il n’est pas crédible qu’il ne puisse pas se rappeler de la signification du terme.

143    Contrairement à ce qu’avance la requérante, les déclarations de M. T. d’Areva ne sont donc pas susceptibles de remettre en cause les déclarations de Siemens et de Fuji.

 Sur les déclarations d’ABB

144    Dans la mesure où la requérante invoque la réponse d’ABB du 12 septembre 2007 à la suite de la demande d’informations de la Commission, il convient de constater que, dans cette déclaration, ABB a, certes, nié l’existence du « gentlemen’s agreement » ou d’un « GA ».

145    Cependant, tout d’abord, il convient de rejeter l’argument de la requérante, selon lequel la déclaration d’ABB devrait être considérée comme particulièrement crédible en raison du fait que cette entreprise avait formulé une demande de clémence à la date de la déclaration susmentionnée. Il est vrai que la jurisprudence considère qu’il est improbable qu’une entreprise admette l’existence d’une infraction tout en dissimulant l’existence d’une infraction similaire (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 38 supra, point 214). Toutefois, ABB n’était pas dans une telle situation. En effet, si, le 2 février 2005, ABB a formulé une demande de clémence concernant une entente dénommée Aero Club, cette demande de clémence n’avait pas pour objet une infraction au droit de la concurrence de l’Union, les territoires des États membres de l’Union et de l’EEE étant à l’époque exclus de cette entente (voir la note en bas de page n° 30 de la décision attaquée). Par conséquent, ABB ne peut pas être considérée comme ayant admis l’existence d’une infraction au droit de la concurrence de l’Union, comme cela était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt JFE Engineering e.a/Commission, point 38 supra.

146    Ensuite, au vu des éléments de preuve documentaires susmentionnés, cette déclaration d’ABB, qui est fondée sur le témoignage de son employé, M. N., n’est guère crédible. En effet, il convient de constater qu’ABB a nié l’existence autant du gentlemen’s agreement que de l’accord interne, alors que, d’une part, le terme « GA » et l’expression « accord interne » apparaissent dans le projet d’ordre du jour de la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002, et dans le compte rendu de cette réunion, ainsi que dans le projet d’ordre du jour de la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002 et le compte rendu de cette réunion, et que, d’autre part, M. N., a participé à ces réunions (annexe I de la décision attaquée). Or, ni M. N. ni ABB n’ont fourni une explication alternative satisfaisante concernant ces notions.

147    Dès lors, la déclaration d’ABB du 12 septembre 2007 n’est pas crédible.

 Sur les déclarations de la requérante

148    Troisièmement, la requérante avance que ses employés, MM. I., A. et U., qui auraient assisté à certaines des réunions visées dans la décision attaquée, nient l’existence du gentlemen’s agreement ou de tout accord de protection du marché national et n’ont pas de souvenir que le terme « GA » ait eu une définition précise.

149    Dans ce contexte, il convient de rappeler que, s’ils sont crédibles, les témoignages de personnes ayant assisté aux réunions visées par la Commission ont une valeur probante particulièrement élevée en raison du fait que ces personnes ont une connaissance directe des faits (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 38 supra, point 298).

150    Toutefois, en l’espèce, premièrement, force est de constater, que les témoignages des employés de la requérante ont été recueillis à un moment où celle-ci savait déjà que la Commission commençait à soupçonner l’existence d’une infraction en matière d’entente et avait mis en garde les entreprises concernées. Cette circonstance limite leur valeur probante (arrêts du Tribunal du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑59/02, Rec. p. II‑3627, points 277 et 290, et Lafarge/Commission, point 36 supra, point 379).

151    Deuxièmement, il convient de prendre en compte le fait que la requérante n’avait pas formulé de demande de clémence et n’avait donc aucun intérêt à admettre l’existence d’une entente illicite.

152    Troisièmement, les déclarations des MM. I., A. et U. ne paraissent guère crédibles. En effet, force est de constater que, d’une part, le terme « GA » apparaît notamment dans le projet d’ordre du jour de la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002 et le compte rendu de cette réunion, ainsi que dans le projet d’ordre du jour de la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002 et le compte rendu de cette réunion, et que, d’autre part, alors que ces employés ont tous participé à la réunion de Vienne, MM. I. et U. ont également participé à la réunion de Tokyo (Annexe I de la décision attaquée). Il n’est guère probable qu’ils ne puissent pas expliquer la signification du terme « GA ».

153    Partant, il convient de retenir que, contrairement à ce qu’avance la requérante, les déclarations d’Areva, d’ABB et ses propres déclarations ne sont pas susceptibles de remettre en cause l’existence du gentlemen’s agreement.

154    Dès lors, l’ensemble des griefs visant la valeur probante des éléments de preuve invoqués par la Commission doit être rejeté.

3.     Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de la violation du principe in dubio pro reo

155    La requérante remet en cause l’appréciation globale des éléments de preuve à laquelle la Commission a procédé aux paragraphes 125 à 132 de la décision attaquée. Elle estime qu’il existe un doute raisonnable quant à l’existence d’un accord de répartition de marché. Il serait tout aussi probable que les producteurs de transformateurs de puissance se soient réunis pour se notifier ou se communiquer les uns aux autres les offres principales qu’ils avaient remportées et pour évoquer les évolutions du marché.

156    Dans ce contexte, il convient de rappeler que l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction (arrêts Dresdner Bank e.a./Commission, point 35 supra, point 60, et Hitachi e.a./Commission, point 37 supra, point 58).

157    En effet, dans le cadre du contrôle juridictionnel d’une décision de la Commission infligeant une amende pour une violation de l’article 81 CE ou de l’article 82 CE, eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, il est nécessaire de tenir compte du principe de la présomption d’innocence, tel qu’il résulte notamment de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, lequel fait partie des droits fondamentaux qui constituent des principes généraux du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts Dresdner Bank e.a./Commission, point 35 supra, point 61, et Hitachi e.a./Commission, point 37 supra, point 59).

158    Toutefois, la présomption d’innocence et le principe in dubio pro reo n’exigent pas que chacune des preuves apportées par la Commission doive nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 35 supra, point 63).

159    En l’espèce, il convient donc d’examiner si les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est établie permettent de fonder la ferme conviction qu’une infraction à l’article 81 CE a été commise et de conclure au-delà de tout doute raisonnable à son existence.

160    Dans ce contexte, premièrement, il convient de retenir que les constatations de la Commission quant à l’existence et à la nature illicite du gentlemen’s agreement peuvent se fonder sur les déclarations de Siemens et de Fuji. Comme la Commission l’a retenu à juste titre au paragraphe 126 de la décision attaquée, ces déclarations étaient basées sur des entretiens avec les employés qui ont participé directement aux réunions de l’entente et ont été des témoins directs des situations décrites. Par ailleurs, Siemens était le secrétaire du groupe européen (paragraphe 81 de la décision attaquée) et devait donc être particulièrement bien informée. Les déclarations de Siemens et de Fuji se recoupent en ce qui concerne les caractéristiques générales et de nombreux détails de l’entente. Certes, il existe certaines divergences. Toutefois, ces divergences peuvent être expliquées par le fait qu’il s’agit d’événements qui ont eu lieu plusieurs années auparavant. En substance, les déclarations de Siemens et de Fuji se corroborent mutuellement.

161    Deuxièmement, comme il a été exposé ci-dessus (points 63 à 137 ci-dessus) les déclarations de Siemens et de Fuji ont été corroborées par des éléments de preuve documentaires, notamment par la note de M. O. de Fuji sur la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002, mais aussi par les documents mentionnés au point 112 ci-dessus. Bien que ces documents aient un caractère fragmentaire, force est de constater qu’ils confirment la description du gentlemen’s agreement donnée par Siemens et par Fuji non seulement en ce qui concerne les principes de base, mais également en ce qui concerne des points de détail de cette entente. Une grande partie de ces documents ont été rédigés en liaison immédiate avec les faits, par des témoins directs de ces faits, à un moment où les entreprises concernées ne se doutaient pas encore d’une investigation de la Commission, ce qui renforce leur valeur probante. En outre, il ne s’agit pas seulement de documents qui ont été soumis par Siemens et par Fuji au support de leur demande de clémence, mais également de documents que la Commission a pu collecter lors de ses inspections dans les locaux des entreprises mentionnés au point 4 ci-dessus. Ces éléments de preuve documentaires ont donc une forte valeur probante.

162    Troisièmement, il convient de retenir que, dans sa lettre du 30 mars 2009, donc après la communication des griefs et l’audition, Hitachi a accepté les conclusions de la Commission quant à l’existence et à la portée du gentlemen’s agreement tel que décrit dans la communication des griefs. Certes, il est vrai que cette acceptation de Hitachi reste succincte. Toutefois, elle n’est pas sans importance, car Hitachi était particulièrement bien placée pour avancer une explication alternative des éléments de preuve présentés par la Commission. En effet, d’une part, Hitachi était le secrétaire du groupe japonais (paragraphe 81 de la décision attaquée) et devait donc être particulièrement bien informée et, d’autre part, des éléments substantiels des griefs qui lui avaient été communiqués par la Commission la concernaient directement, comme la notification de trois projets provenant de clients européens qui avaient été discutés pendant la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002. Hitachi aurait donc dû être capable de démontrer que les conclusions de la Commission étaient erronées.

163    Quatrièmement et à titre surabondant, il y a lieu de constater que, comme il a été exposé par la Commission aux paragraphes 82 à 84 de la décision attaquée et comme il est confirmé par les éléments de preuve documentaires, des codes secrets ont été utilisés pour désigner les entreprises participant aux réunions concernant le gentlemen’s agreement. Cela constitue un indice supplémentaire du caractère illicite des réunions, même si les noms des personnes physiques qui y ont assisté n’ont pas tous été rendus anonymes.

164    Cinquièmement, il convient de constater que l’explication alternative proposée par la requérante afin d’expliquer les réunions régulières entre les producteurs de transformateurs de puissance n’est guère convaincante. En effet, il n’est guère probable que ces réunions n’aient eu qu’une « nature sociale » ou que les entreprises participantes se soient limitées à notifier ou à communiquer les unes aux autres les offres principales qu’elles avaient remportées afin d’évoquer les évolutions du marché. Comme il a été exposé ci-dessus (points 138 à 153 ci-dessus), les déclarations d’entreprises et les témoignages que la requérante invoque soit ne confirment pas l’explication alternative proposée par elle, soit ne sont pas crédibles. Ils ne fournissent, notamment, aucune explication satisfaisante pour la mention du terme « GA » dans les éléments de preuve documentaires avancés par la Commission et n’expliquent pas pourquoi ce qui correspondait au terme « GA » devait être régulièrement « confirmé » ou « respecté » par les participants auxdites réunions. Par ailleurs, cette hypothèse est contredite par le fait qu’Hitachi a dû se justifier pendant la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002 pour avoir accepté trois projets provenant de clients situés en Europe. Enfin, il ne semble guère probable que, lors de réunions de nature uniquement sociale, les entreprises participantes aient pris soin d’utiliser des codes secrets pour se désigner mutuellement.

165    Partant, le Tribunal estime que les éléments de preuve présentés par la Commission permettent de former une ferme conviction sur l’existence et la nature illicite du gentlemen’s agreement et qu’il n’existe pas de doute raisonnable à cet égard.

4.     Sur la troisième branche du premier moyen, avancée dans le cadre de la réplique

166    Dans le cadre de la réplique, la requérante avance pour la première fois que la Commission n’a pas expliqué certains détails du gentlemen’s agreement, notamment comment les entreprises sont convenues du contenu précis du gentlemen’s agreement, comment les informations auraient été collectées par les secrétaires du groupe, comment les prix pour les devis sur le territoire de l’autre groupe auraient été fixés et quelle était la signification exacte du terme « Europe ». À cet égard, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs, il convient de rappeler qu’il n’est pas nécessaire que la Commission apporte la preuve de tous les détails d’un accord illicite au sens de l’article 81 CE (voir la jurisprudence mentionnée au point 39 ci-dessus). Or, le Tribunal estime que les éléments de preuve présentés par la Commission permettent à eux seuls de former une ferme conviction sur l’existence et la nature illicite du gentlemen’s agreement.

167    Dès lors, sous réserve du point 136 ci-dessus, le premier moyen doit être rejeté dans son entièreté.

B –  Sur le troisième moyen, visant les constatations de la Commission sur la durée de l’infraction et la participation de la requérante à celle-ci

168    Dans le cadre du troisième moyen, la requérante avance que la Commission n’a pas démontré que l’entente illicite a duré du 9 juin 1999 au 15 mai 2003 et qu’elle y a participé pendant toute cette période.

169    Ce moyen s’articule en deux branches. Dans un premier temps, la requérante avance que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit l’existence du gentlemen’s agreement et sa participation à celui-ci avant la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002. Dans un second temps, elle soutient que la Commission n’a pas démontré sa participation au gentlemen’s agreement pour la phase postérieure à la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002.

1.     Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’une erreur concernant la date du début de l’infraction

170    La première branche du troisième moyen vise le paragraphe 75 de la décision attaquée, où la Commission a déterminé le 9 juin 1999 comme date de début de l’infraction.

171    Cette branche s’articule en trois griefs. En premier lieu, la requérante avance que la Commission n’a pas suffisamment motivé le choix de cette date. En deuxième lieu, elle soutient que la Commission n’a pas démontré qu’un de ses employés a participé à la réunion de Malaga du 9 au 11 juin 1999. En troisième lieu, elle allègue que la Commission n’a pas démontré la nature anticoncurrentielle des réunions précédant la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002.

a)     Sur le choix de la réunion de Malaga du 9 au 11 juin 1999 comme début de l’infraction

172    La requérante avance que la décision attaquée ne contient aucune justification quant au choix de la réunion de Malaga du 9 au 11 juin 1999.

173    Ce grief, qui vise une insuffisance de la motivation de la décision attaquée, doit être rejeté.

174    En effet, comme la Commission le retient à juste titre, il ressort des paragraphes 75, 87 et 216 à 218 ainsi que de l’annexe I de la décision attaquée que la Commission a choisi la date de la réunion de Malaga comme date du début de l’infraction, parce qu’elle constituait, selon elle, la première réunion à laquelle tous les destinataires de la décision attaquée avaient assisté.

b)     Sur la participation de la requérante à la réunion de Malaga

175    La requérante avance que la Commission n’a pas démontré sa participation à la réunion de Malaga. La Commission se serait fondée uniquement sur des déclarations imprécises de deux entreprises. Or, il serait extrêmement facile pour une entreprise de se tromper sur la question de savoir qui était présent à une réunion donnée, aucune preuve documentaire n’ayant établi l’identité des participants à cette réunion. Elle-même ne serait pas parvenue à identifier lesquels de ses employés auraient assisté à cette réunion.

176    À cet égard, il convient de rappeler qu’il incombe à la Commission d’établir non seulement l’existence, mais aussi la durée d’une infraction de l’article 81 CE (arrêts du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T‑43/92, Rec. p. II‑441, point 79, et du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, Rec. p. II‑2707, point 188). À cet égard, la décision attaquée doit également satisfaire aux exigences mentionnées aux points 35 à 39 ci-dessus.

177    À l’annexe I de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’un représentant du bureau de Londres (Royaume-Uni) de la requérante a assisté à la réunion de Malaga. Tout d’abord, la Commission s’est fondée sur la déclaration de Fuji du 1er août 2007, selon laquelle un représentant du bureau de Londres était présent à la réunion de Malaga du 9 au 11 juin 1999 (annexe I de la décision attaquée). Cette déclaration de Fuji est fondée sur des entretiens avec ses anciens employés qui ont participé à cette réunion. Ensuite, la Commission s’est fondée sur la déclaration d’ABB du 23 mars 2007, selon laquelle la requérante a participé à cette réunion (annexe I de la décision attaquée). Cette déclaration est fondée sur un entretien avec M. N., un employé d’ABB qui a participé à la réunion de Malaga.

178    Contrairement à ce qu’avance la requérante, ces éléments de preuve représentent un faisceau d’indices suffisant pour démontrer que la requérante a participé à la réunion de Malaga du 9 au 11 juin 1999.

179    Certes, la Commission ne fonde sa constatation sur aucun élément de preuve documentaire. Toutefois, elle peut se fonder non seulement sur la déclaration de Fuji, qui a profité de son programme de clémence, mais également sur la déclaration d’ABB qui a nié l’existence du gentlemen’s agreement et n’a pas bénéficié de son programme de clémence. Dans ce contexte, il convient également de rappeler que, en l’espèce, la Commission est obligée de prouver l’existence d’une entente illicite ayant eu lieu plusieurs années auparavant et que la requérante n’a pas activement coopéré avec elle. Il serait trop aisé pour une entreprise coupable d’une infraction d’échapper à toute sanction si elle pouvait tirer argument du caractère vague des informations présentées par rapport au fonctionnement d’un accord illicite dans une situation dans laquelle l’existence de l’accord et son but anticoncurrentiel sont pourtant établis de manière suffisante (voir le point 39 ci-dessus).

180    S’agissant de l’argument de la requérante, selon lequel il pourrait s’agir de l’erreur d’une entreprise, il convient de noter que les déclarations de Fuji et d’ABB sont corroborées par les indications fournies par Siemens. En effet, dans sa réponse du 23 février 2007 à la suite de la demande d’informations de la Commission et dans sa déclaration du 3 mai 2007, Siemens a également mentionné M. U. comme représentant régulier de la requérante pendant les réunions. Or, il ne ressort pas de ces indications que la requérante n’a pas participé à toutes les réunions. Dès lors, il aurait dû s’agir de l’erreur de deux entreprises (Fuji et ABB), ainsi que d’une indication inexacte d’une troisième entreprise, ce qui ne semble guère probable.

181    Par ailleurs, eu égard aux circonstances de l’espèce, la requérante ne peut pas se limiter à avancer qu’elle n’a pas pu identifier la personne ayant participé à la réunion de Malaga. En effet, dans ce contexte, il convient de rappeler que la Commission a indiqué à l’annexe 2 de la décision attaquée que les employés de la requérante, MM. U., A. et I., l’avaient représentée pendant les réunions. S’agissant, plus spécifiquement, de M. U., la requérante ne conteste pas sa participation aux réunions de Singapour du 29 mai 2000, de Barcelone du 29 octobre au 1er novembre 2000, de Tokyo des 18 et 19 février 2002 et de Vienne des 26 et 27 septembre 2002. Dans sa réponse du 23 février 2007 à la suite de la demande d’informations de la Commission et dans sa déclaration du 3 mai 2007, Siemens a également mentionné M. U. comme représentant régulier de la requérante pendant les réunions. Par ailleurs, dans sa réponse à la communication des griefs du 19 janvier 2009, la requérante indique elle-même que M. U. a été expatrié à Londres de 1997 à 2002 en tant que « Managing Director Toshiba International (Europe) », soit pour une période au cours de laquelle la réunion de Malaga a eu lieu. Enfin, il ne peut pas être déduit du témoignage de M. U. du 9 janvier 2009 qu’il n’a pas participé à la réunion de Malaga. En effet, dans ce témoignage, il se limite à indiquer qu’il se rappelle de la réunion de Barcelone du 29 octobre 2000 et nie avoir participé à la réunion de Zurich des 15 et 16 mai 2003. Eu égard à ces éléments du dossier, l’affirmation de la requérante, selon laquelle elle n’a pas pu identifier la personne ayant participé à la réunion de Malaga, reste trop générale et pas assez circonstanciée pour remettre en cause les éléments de preuve sur lesquels s’est fondée la Commission.

182    Dès lors, il convient de constater que la Commission a démontré à suffisance de droit que la requérante a participé à la réunion de Malaga.

c)     Sur l’objet anticoncurrentiel des réunions précédant la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002

183    La requérante remet en cause la décision attaquée en tant que la Commission y a constaté que les réunions ayant précédé la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002, à savoir les réunions de Malaga du 9 au 11 juin 1999, la réunion de Singapour du 29 mai 2000, la réunion de Barcelone du 29 octobre au 1er novembre 2000 et la réunion de Lisbonne du 29 au 30 mai 2001, avaient un objet anticoncurrentiel.

184    À cet égard, il convient de retenir, tout d’abord, que la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence de faits constitutifs d’une infraction (voir le point 35 ci-dessus). Dès lors, il ne suffit pas qu’elle établisse la participation de la requérante aux réunions. Encore faut-il qu’elle démontre le caractère anticoncurrentiel de celles-ci (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, points 154 et 155, et arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Coats Holdings et Coats/Commission, T‑36/05, non publié au Recueil, point 96).

185    Aux paragraphes 86 et 87 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, pendant les réunions qui sont mentionnées dans ses annexes I et II (dont font partie les réunions susmentionnées), les participants ont confirmé périodiquement le gentlemen’s agreement. À cet égard, elle s’est fondée, notamment, sur les déclarations de Siemens et de Fuji, qu’elle a mentionnées aux paragraphes 88 et 89 de la décision attaquée, ainsi que sur la note interne de M. K. de Hitachi du 21 mai 2002, consécutive à la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002, qu’elle a mentionnée au paragraphe 99 de la décision attaquée. Au paragraphe 133 de la décision attaquée, elle a retenu que les déclarations d’entreprises et les éléments de preuve documentaires susmentionnés constituaient un faisceau d’indices suffisant pour démontrer que le gentlemen’s agreement avait débuté au plus tard avec la réunion de Malaga du 9 au 11 juin 1999.

186    La requérante avance que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit le caractère anticoncurrentiel des réunions de Malaga du 9 au 11 juin 1999, de Singapour du 29 mai 2000, de Barcelone du 29 octobre au 1er novembre 2000 et de Lisbonne du 29 au 30 mai 2001. La Commission se serait fondée uniquement sur les déclarations générales de Siemens et de Fuji selon lesquelles le gentlemen’s agreement aurait été confirmé à chaque réunion. Or, ces déclarations auraient été contredites par ABB, Areva, Hitachi et par elle-même. Par conséquent, la Commission aurait dû corroborer les déclarations de Siemens et de Fuji par des preuves documentaires contemporaines, ce qu’elle n’aurait pas fait. Le seul document que la Commission aurait invoqué à cet égard serait la note de M. K. de Hitachi du 21 mai 2002. Or, elle ne pourrait pas se fonder sur cette note qui n’étayerait pas l’existence d’un gentlemen’s agreement avant sa rédaction, mais, tout au plus, l’existence d’un accord à la date de sa rédaction.

187    S’agissant de ces griefs, il convient de retenir que la Commission s’est fondée, tout d’abord, sur les déclarations de Siemens du 3 mai 2007 et sur celles de Fuji du 18 juillet 2007, dont il résulte que le gentlemen’s agreement avait été réaffirmé au début de chaque réunion. Certes, la déclaration de Fuji reste quelque peu générale. Toutefois, la déclaration de Siemens est assez détaillée. Elle est fondée sur le témoignage de M. B., qui a assisté aux réunions concernées, ce qui renforce sa valeur probante.

188    Ensuite, la Commission s’est fondée sur la note de M. K. de Hitachi, dont la partie pertinente a été exposée au point 124 ci-dessus.

189    À cet égard, premièrement, il convient de retenir que, contrairement à ce qu’avance la requérante, le contenu de cette note corrobore les déclarations de Siemens et de Fuji, selon lesquelles le gentlemen’s agreement existait déjà au moment de la réunion de Malaga du 9 au 11 juin 1999. En effet, cette note, qui date du 21 mai 2002 et dresse un bilan du « Statut actuel de l’AC », indique, sous le titre « Discussions pendant ces trois à quatre ans », les « projets GA (spécialement J) ». Par ailleurs, sous le titre « Sujets entérinés », cette note mentionne « Respect du GA (E/J) », et, sous le titre « Point de discussion future » notamment les « GA (spécialement en E) ».

190    Bien qu’il ne ressorte pas explicitement de cette note que le gentlemen’s agreement a été respecté pendant les trois à quatre années précédant sa rédaction, cet élément peut être déduit de l’ensemble des indications contenues dans ladite note. En effet, le fait que des « projets GA », donc des projets relevant du gentlemen’s agreement, aient été discutés pendant les trois à quatre ans précédant la rédaction de la note indique que le gentlemen’s agreement existait déjà pendant cette période.

191    Dans ce contexte, la requérante avance que le passage de la note de M. K. sur lequel la Commission s’est fondée n’est pas susceptible d’établir la situation avant la rédaction de cette note, puisqu’il fait clairement référence à la « situation actuelle ». Ainsi, les « sujets entérinés » auxquels il serait fait référence pourraient n’être qu’un reflet de la situation actuelle en mai 2002. La mention des « projets GA » sous le titre « Discussion pendant les trois à quatre ans » ferait seulement référence à des tendances générales.

192    Or, la lecture que la requérante fait de cette note n’entraîne pas la conviction. Dans ce contexte, il convient de retenir, tout d’abord, que, dans la note, il est fait référence non seulement aux « projets GA » mais également au « respect du GA » et que la lecture proposée par la requérante ne prend pas en compte cette distinction. Ensuite, selon la lecture proposée par la requérante, il existerait une contradiction interne dans la note de M. K. Si l’indication des « projets GA » sous le titre « Discussion pendant les trois à quatre ans » se référait à la négociation du gentlemen’s agreement lui-même, il semble contradictoire d’indiquer le « respect du GA » sous le titre « Sujets entérinés » tout en remettant cette qualification en cause en indiquant les « projets GA » sous le titre « Point de discussion future ». En revanche, la lecture proposée par la Commission corrobore l’existence d’un accord concernant les appels d’offres (projets).

193    Dès lors, la Commission a retenu à juste titre que la note de M. K. de Hitachi du 21 mai 2002 confirmait que le gentlemen’s agreement avait été confirmé pendant les réunions ayant eu lieu les trois à quatre années précédant la rédaction de la note, donc au moins à partir de mai 1999.

194    Deuxièmement, en ce qui concerne la valeur probante de cette note, il convient de retenir, d’une part, que M. K. a rédigé cette note à un moment où l’entente était toujours active et où il ne se doutait pas d’une investigation de la Commission. Ainsi, même si la note n’était pas concomitante aux réunions de Malaga du 9 au 11 juin 1999, de Singapour du 29 mai 2000, de Barcelone du 29 octobre au 1er novembre 2000 et de Lisbonne du 29 au 30 mai 2001, la date de sa rédaction lui confère une valeur probante non négligeable. Cette valeur probante est renforcée par les circonstances que la note contient des informations auto-incriminantes pour Hitachi (voir le point 48 ci-dessus) et que Hitachi était le secrétaire du groupe japonais et que, pour cette raison, M. K. était donc particulièrement bien placé pour apprécier la durée du gentlemen’s agreement.

195    Ensuite, s’agissant de l’argument de la requérante tiré du caractère interne de cette note, il convient de rappeler que, comme il a été exposé au point 97 ci-dessus, rien se s’oppose à ce qu’un document interne puisse être pris en compte comme élément de preuve d’un faisceau plus large d’éléments de preuve concordants.

196    Dès lors, il convient de retenir que, contrairement à ce qu’avance la requérante, la note de M. K. du 21 mai 2002, qui avait une valeur probante élevée, corroborait les déclarations de Siemens et de Fuji concernant la durée du gentlemen’s agreement.

197    Partant, le faisceau d’indices consistant en des déclarations de Siemens et de Fuji ainsi qu’en la note de M. K. de Hitachi du 21 mai 2002 permet de fonder la ferme conviction que les réunions de Malaga du 9 au 11 juin 1999, de Singapour du 29 mai 2000, de Barcelone du 29 octobre au 1er novembre 2000 et de Lisbonne du 29 au 30 mai 2001 portaient sur le gentlemen’s agreement et avaient donc un objet anticoncurrentiel.

198    Cette constatation n’est pas remise en cause par les griefs de la requérante tirés de l’existence de contradictions entre différents éléments de preuve.

199    Tout d’abord, dans la mesure où la requérante avance que Hitachi a contredit les déclarations de Siemens et de Fuji et a nié l’existence du gentlemen’s agreement, il suffit de renvoyer aux points 59 à 62 ci-dessus.

200    Ensuite, la requérante avance que, en tant que secrétaire du groupe, Hitachi aurait dû être en mesure de donner des informations sur le fonctionnement du gentlemen’s agreement. À cet égard, il convient de retenir que, dans sa lettre du 30 mars 2009, Hitachi a uniquement déclaré ne pas être capable de confirmer la date du début du gentlemen’s agreement. La note de M. K. est d’ailleurs un document provenant d’Hitachi qui corrobore justement les déclarations de Siemens et de Fuji. De toute manière, en tant que secrétaire du groupe japonais, Hitachi aurait dû être capable de démontrer que les réunions de Malaga, de Singapour, de Barcelone et de Lisbonne n’avaient pas d’objet anticoncurrentiel. Or, force est de constater qu’elle a accepté les conclusions de la Commission, selon lesquelles ces réunions avaient un objet anticoncurrentiel.

201    En outre, dans la mesure où la requérante avance, de manière générale et non circonstanciée, qu’ABB et Areva ont contredit les déclarations de Siemens et de Fuji, il convient de constater que la requérante n’expose pas en quoi ces entreprises ont mis en cause spécifiquement la date du début de l’infraction. Ces arguments peuvent donc être rejetés en renvoyant aux points 139 à 147 ci-dessus.

202    Par conséquent, il convient de rejeter le troisième grief de la première branche du troisième moyen, et, partant, la première branche du troisième moyen dans son ensemble.

2.     Sur la seconde branche du troisième moyen, visant la fin de l’infraction

203    La seconde branche du troisième moyen vise la constatation de la Commission au paragraphe 79 de la décision attaquée, selon laquelle la requérante a participé à la réunion des 15 et 16 mai 2003 à Zurich. La requérante estime que sa participation au gentlemen’s agreement a pris fin avec la réunion de septembre 2002 à Vienne.

204    Cette branche s’articule en trois griefs. En premier lieu, la requérante avance que, pendant la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002, elle s’est distanciée publiquement du gentlemen’s agreement. En deuxième lieu, elle soutient qu’elle n’a pas participé à la réunion de Zurich des 15 et 16 mai 2003. En troisième lieu, elle avance que cette réunion n’a pas eu d’objet anticoncurrentiel.

a)     Sur la distanciation du gentlemen’s agreement pendant la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002

205    La requérante avance qu’elle s’est distanciée publiquement du gentlemen’s agreement pendant la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002 et qu’elle a donc mis fin à une éventuelle infraction de l’article 81 CE. Selon elle, les participants à la réunion de Vienne auraient compris qu’elle ne participerait plus aux réunions suivantes.

206    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, dès lors qu’une entreprise participe, même sans y prendre une part active, à des réunions entre entreprises ayant un objet anticoncurrentiel et qu’elle ne se distancie pas publiquement du contenu de celles-ci, donnant ainsi à penser aux autres participants qu’elle participe à l’entente résultant desdites réunions et qu’elle s’y conformera, il peut être considéré qu’elle participe à l’entente en question (arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T‑12/89, Rec. p. II‑907, point 98 ; du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 1353 ; JFE Engineering e.a./Commission, point 38 supra, point 327, et Bolloré e.a./Commission, point 48 supra, point 196).

207    Il convient donc d’examiner s’il ressort des éléments de preuve invoqués par la requérante, à savoir du compte rendu de la réunion de Vienne, de la note interne de M. M. de Fuji sur ladite réunion et de la note explicative de Fuji sur cette réunion du 18 juillet 2007, qu’elle s’est distanciée publiquement du gentlemen’s agreement pendant la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002.

208    Certes, il ressort de ces documents que, pendant la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002, la requérante a annoncé que, en raison du fait qu’elle formerait l’entreprise commune TM T & D avec Melco, sa participation aux futures réunions devait encore être décidée. Il peut aussi être déduit de la note interne de M. M. de Fuji et de la note explicative de Fuji sur cette réunion que la requérante avait exclu de participer aux futures réunions à titre individuel et du compte rendu de la réunion de Vienne que les entreprises participant à ladite réunion estimaient qu’il n’y aurait plus d’intérêt à maintenir le gentlemen’s agreement sans la participation de la requérante.

209    Partant, lesdits documents sont susceptibles de démontrer, d’une part, que, pendant la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002, il existait des doutes concernant la future participation de la requérante au gentlemen’s agreement et concernant la continuation de celui-ci et, d’autre part, qu’une future réunion devait avoir lieu, au cours de laquelle cette question devait être discutée.

210    Cependant, il ne peut pas en être déduit que la requérante s’était déjà distanciée du gentlemen’s agreement au cours de la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002.

211    En effet, force est de constater qu’il ressort également des documents invoqués par la requérante que, après son annonce que la participation de TM T & D aux futures réunions devait encore être décidée et que sa participation en dépendrait, les entreprises participant à cette réunion ont quand même confirmé le gentlemen’s agreement et les règles de notification des projets relevant de cette entente.

212    Dans ce contexte, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence mentionnée au point 206 ci-dessus, il suffit pour qu’il y ait participation à une entente qu’une entreprise donne à penser aux autres participants qu’elle souscrivait au résultat des réunions et qu’elle s’y conformerait.

213    Or, bien qu’il puisse être déduit des documents mentionnés qu’il planait un doute sur la future participation de la requérante et sur la continuation du gentlemen’s agreement, il ne peut pas en être déduit que la requérante se soit déjà distanciée définitivement au cours de la réunion de Vienne. La confirmation des règles sur la notification des projets indique clairement que les entreprises participant à la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002 ont voulu prolonger provisoirement le gentlemen’s agreement jusqu’à la prochaine réunion. En effet, ces règles n’auraient plus eu d’intérêt en l’absence du gentlemen’s agreement.

214    Dès lors, il convient de retenir que, au cours de la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002, la requérante ne s’est pas distanciée publiquement au sens de la jurisprudence susmentionnée. Il convient donc de rejeter le premier grief de la seconde branche du troisième moyen.

b)     Sur la participation de la requérante au gentlemen’s agreement jusqu’à la réunion de Zurich des 15 et 16 mai 2003

215    La requérante avance que la Commission a commis une erreur en constatant au paragraphe 79 de la décision attaquée qu’elle a participé au gentlemen’s agreement jusqu’à la réunion de Zurich.

216    Dans ce passage de la décision attaquée, la Commission a constaté que, lors de la réunion de Zurich des 15 et 16 mai 2003, tous les destinataires de la décision attaquée se sont réunis et ont marqué la fin de l’infraction. S’agissant de la requérante, la Commission a indiqué à l’annexe II de la décision attaquée que, pendant cette réunion, elle a été représentée par M. R.

217    La requérante avance que la Commission a commis une erreur en considérant, dans l’annexe I de la décision attaquée, que M. R l’a représentée pendant la réunion de Zurich des 15 et 16 mai 2003. Il aurait été un employé de Melco qui aurait uniquement représenté TM T & D, l’entreprise commune avec Melco. Par ailleurs, contrairement à Fuji et à Hitachi, qui auraient continué à participer aux réunions même après l’établissement d’une entreprise commune entre elles, elle aurait cessé de participer aux réunions à compter de la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002. La Commission n’aurait pas démontré que M. R. devait être considéré comme agissant pour elle. La requérante avance également que, en tout état de cause, la réunion de Zurich des 15 et 16 mai 2003 n’avait pas d’objet anticoncurrentiel.

218    Ces griefs doivent être rejetés comme inopérants.

219    En effet, même à supposer qu’ils soient fondés, cela ne serait pas susceptible de remettre en cause la constatation de la Commission, selon laquelle la requérante a participé au gentlemen’s agreement jusqu’au 15 mai 2003.

220    Comme il a été exposé aux points 205 à 214 ci-dessus, la requérante ne s’est pas distanciée du gentlemen’s agreement pendant la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002. Au contraire, au cours de cette réunion, il avait été convenu entre les participants de discuter au cours de la réunion suivante, c’est-à-dire au cours de la réunion de Zurich des 15 et 16 mai 2003, de la future participation de la requérante au gentlemen’s agreement. Dans ces conditions, même dans l’hypothèse où la requérante n’aurait pas participé à la réunion de Zurich et où cette réunion n’aurait pas eu d’objet anticoncurrentiel, il convient de considérer que, en l’absence de distanciation publique de celui-ci, la requérante a participé au gentlemen’s agreement jusqu’à ladite réunion.

221    Dans ce contexte, la requérante ne peut pas invoquer avec succès qu’elle a cessé de participer au gentlemen’s agreement au moment de l’établissement de l’entreprise commune TM T & D, c’est-à-dire à partir du 1er octobre 2002. En effet, même après cette date, la requérante devait toujours être considérée comme participant à cette entente, puisqu’elle ne s’était pas distanciée publiquement de celle-ci et n’avait pas informé les autres participants que TM T & D n’y participerait pas. Or, en application de la jurisprudence mentionnée au point 206 ci-dessus, il suffit que la requérante ait donné à penser aux autres participants qu’elle ou TM T & D participait toujours au gentlemen’s agreement, qui, au cours de la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002, avait été confirmé provisoirement jusqu’à la prochaine réunion, c’est-à-dire la réunion de Zurich des 15 et 16 mai 2003.

222    Par conséquent, la Commission a pu constater, à juste titre, que la requérante a participé à l’entente jusqu’au 15 mai 2003.

223    Dès lors, il convient de rejeter l’argument avancé dans le cadre de la première branche du premier moyen, mentionné au point 136 ci-dessus, ainsi que les deuxième et troisième griefs de la seconde branche du troisième moyen, et, par conséquent, les premier et troisième moyens dans leur ensemble.

C –  Sur le deuxième moyen, tiré de ce que la Commission n’a pas établi la restriction de la concurrence et l’affectation du commerce

224    Le deuxième moyen vise les constatations de la Commission, selon lesquelles le gentlemen’s agreement a restreint le jeu de la concurrence dans l’EEE et a eu un effet sur le commerce entre les États membres et entre parties contractantes à l’accord EEE. En substance, la requérante avance que la Commission n’a pas établi que ces conditions de l’article 81 CE étaient réunies. Elle n’aurait pas suffisamment pris en compte le fait que des barrières insurmontables s’opposaient à l’entrée des producteurs japonais sur le marché européen.

1.     Sur la restriction de la concurrence

225    S’agissant de la restriction de la concurrence, la Commission a constaté, aux paragraphes 163 et 164 de la décision attaquée, que le gentlemen’s agreement était une restriction par objet. Aux paragraphes 165 à 169 de la décision attaquée, elle a pris en compte l’objection avancée par certaines entreprises concernées, selon laquelle les producteurs japonais et européens n’étaient pas des concurrents en raison de barrières insurmontables à l’entrée sur le marché. Dans ce contexte, tout d’abord, elle a rappelé que, eu égard à l’objet anticoncurrentiel du gentlemen’s agreement, elle n’était pas obligée de démontrer des effets anticoncurrentiels (paragraphe 166 de la décision attaquée). Ensuite, elle a retenu que, en tout état de cause, elle avait démontré que le gentlemen’s agreement avait été mis en œuvre et que les producteurs japonais s’étaient abstenus de vendre des transformateurs de puissance en Europe (paragraphe 167 de la décision attaquée). Enfin, elle a exposé les raisons pour lesquelles les barrières à l’entrée sur le marché n’étaient pas insurmontables, à savoir, d’une part, que l’entreprise coréenne Hyundai était récemment entrée sur le marché européen, et, d’autre part, que les producteurs japonais avaient enregistré des ventes considérables aux États-Unis et que les entreprises concernées n’avaient produit aucune preuve démontrant que les barrières à l’entrée sur le marché américain étaient très différentes de celles à l’entrée sur le marché européen (paragraphe 168 de la décision attaquée).

226    La requérante avance que, eu égard à l’existence de ces barrières à l’entrée, l’examen auquel la Commission a procédé n’était pas suffisant. Elle n’aurait pas procédé à une appréciation économique.

227    À cet égard, il convient de rappeler que l’article 81, paragraphe 1, CE interdit les ententes ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence. Dès lors qu’une entente a pour objet de restreindre la concurrence, il n’est donc pas nécessaire de démontrer qu’elle a eu des effets concrets (arrêts de la Cour du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C‑209/07, Rec. p. I‑8637, point 16, et du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, Rec. p. I‑4529, point 43).

228    Aux paragraphes 163 et 164 de la décision attaquée, la Commission a retenu à juste titre que, en tant qu’accord de répartition de marché, le gentlemen’s agreement devait être qualifié de restriction par objet. Par conséquent, c’est à bon droit qu’elle a constaté, au paragraphe 166 de la décision attaquée, qu’elle n’était pas obligée de démontrer qu’il avait eu des effets anticoncurrentiels.

229    La requérante avance, toutefois, que, en dépit de sa nature, le gentlemen’s agreement n’était pas susceptible de restreindre la concurrence au sein de l’EEE de manière suffisamment appréciable en raison du fait que, sur le marché européen, les producteurs japonais n’étaient pas des concurrents des producteurs européens.

230    Certes, dans ce contexte il convient de rappeler que la question de savoir si le gentlemen’s agreement a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence doit être examinée non seulement à la lumière du contenu de l’accord, mais aussi du contexte économique dans lequel il s’inscrit (arrêt Beef Industry Development Society et Barry Brothers, point 227 supra, point 16). Cependant, il convient également de rappeler que l’article 81 CE protège non seulement la concurrence effective, mais aussi la concurrence potentielle entre entreprises. Par conséquent, un accord comme le gentlemen’s agreement, qui vise à protéger les producteurs européens sur leur territoire d’une concurrence réelle ou potentielle provenant des producteurs japonais, est susceptible de restreindre la concurrence, à moins qu’il n’existe des barrières insurmontables à l’entrée sur le marché européen qui excluent toute concurrence potentielle de la part des producteurs japonais. En l’espèce, la Commission pouvait donc se limiter à démontrer que les barrières à l’entrée sur le marché européen n’étaient pas insurmontables.

231    En premier lieu, il convient de retenir que l’existence même du gentlemen’s agreement constitue un fort indice pour l’existence d’une relation concurrentielle entre les producteurs japonais et européens. En effet, comme la Commission le retient à juste titre, il n’est guère probable qu’ils aient conclu un accord de répartition de marché, s’ils ne s’étaient pas considérés au moins comme des concurrents potentiels. L’acceptation du gentlemen’s agreement constitue donc un argument mettant sérieusement en cause la plausibilité de la thèse défendue par la requérante, selon laquelle les barrières à l’entrée sur le marché européen étaient insurmontables.

232    En second lieu, il convient de noter que, au paragraphe 167 de la décision attaquée, la Commission a renvoyé à ses paragraphes 91 à 98 où elle a établi qu’Hitachi avait accepté des projets provenant de clients situés en Europe. Cet exemple, auquel la Commission a fait référence dans la décision attaquée, contrairement à ce qu’avance la requérante, démontre que les barrières à l’entrée n’étaient pas insurmontables pour un producteur japonais et que, en ce qui concerne des projets en Europe, les producteurs japonais et européens n’étaient pas uniquement des concurrents potentiels, mais des concurrents effectifs.

233    À cet égard, la requérante avance que, dans sa réponse à la demande d’informations du 28 février 2008 et au cours de l’audition, Hitachi a avancé qu’elle n’avait pas vendu de transformateurs de puissance dans l’Union ou l’EEE pendant la période allant de 2001 à 2003. Or, dans ce contexte, il convient de rappeler que, postérieurement, dans sa lettre du 30 mars 2009, Hitachi est revenue sur ces affirmations et a déclaré qu’elle acceptait les conclusions de la Commission relatives à l’existence et à la portée du gentlemen’s agreement telles qu’elles étaient exposées dans la communication des griefs (points 59 à 62 ci-dessus).

234    Enfin, aucun des autres arguments avancés par la requérante n’est susceptible de remettre en cause la conclusion que les barrières à l’entrée n’étaient pas insurmontables. En effet, ni l’argument tiré des barrières à l’entrée sur le marché européen, ni celui tiré du fait que Melco et la requérante n’avaient pas réalisé de ventes en Europe, ni celui tiré des déclarations d’ABB, d’Areva et de Siemens n’est susceptible d’expliquer pourquoi, en dépit de ces barrières, Hitachi a pu vendre des transformateurs de puissance à des clients européens.

235    Dès lors, la Commission a retenu à juste titre que le gentlemen’s agreement avait pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE.

236    S’agissant des griefs de la requérante visant le bien-fondé des arguments subsidiaires que la Commission a avancés au paragraphe 168 de la décision attaquée, il convient de les rejeter comme inopérants. En effet, même à supposer qu’ils soient fondés, ils ne seraient pas susceptibles de remettre en cause la conclusion que la Commission a établi à suffisance de droit que le gentlemen’s agreement avait pour objet de restreindre la concurrence.

2.     Sur l’affectation du commerce

237    Quant à l’affectation du commerce entre États membres et entre parties contractantes à l’accord EEE, la Commission a constaté, aux paragraphes 171 à 174 de la décision attaquée, qu’il suffisait que les accords fussent de nature à pouvoir avoir pour effet d’affecter sensiblement ces échanges. Au paragraphe 172 de la décision attaquée, elle a rappelé que l’activité des transformateurs de puissance se caractérisait par des volumes d’échanges importants entre États membres, ainsi qu’entre parties contractantes de l’accord EEE. Au paragraphe 173 de la décision attaquée, elle a retenu que l’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE ne visait pas uniquement les cas dans lesquels des marchandises étaient transportées physiquement d’un pays à un autre et qu’il n’était pas nécessaire de démontrer que chaque participant de l’entente illicite avait affecté le commerce entre États membres. Au paragraphe 174 de la décision attaquée, elle a constaté que, en l’espèce, l’existence d’un accord de répartition de marché devait avoir eu comme conséquence de détourner automatiquement les courants d’échanges de l’orientation qu’ils auraient autrement connue.

238    En l’espèce, la requérante ne remet pas en question l’existence d’un commerce entre les États membres et entre parties contractantes à l’accord EEE. En revanche, elle avance que la Commission n’a pas examiné à suffisance de droit si le commerce entre États membres a été affecté par le gentlemen’s agreement.

239    À cet égard, il convient de retenir, à titre liminaire, que, pour être susceptible d’affecter le commerce entre États membres, une décision, un accord ou une pratique doivent, sur la base d’un ensemble d’éléments de fait et de droit, permettre d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’ils puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, et cela de manière à faire craindre qu’ils puissent entraver la réalisation d’un marché unique entre États membres. Il faut, en outre, que cette influence ne soit pas insignifiante (arrêts de la Cour du 28 avril 1998, Javico, C‑306/96, Rec. p. I‑1983, point 16 ; du 21 janvier 1999, Bagnasco e.a., C‑215/96 et C‑216/96, Rec. p. I‑135, point 47, et du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, Rec. p. I‑829, point 90).

240    Affecte donc le commerce toute entente susceptible de mettre en cause la liberté du commerce entre États membres dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs d’un marché unique entre les États membres, notamment en cloisonnant les marchés nationaux ou en modifiant la structure de la concurrence sur le marché commun (arrêts de la Cour du 31 mai 1979, Hugin Kassaregister et Hugin Cash Registers/Commission, 22/78, Rec. p. 1869, point 17 ; du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, C‑475/99, Rec. p. I‑8089, point 47, et du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, point 239 supra, point 89).

241    En l’espèce, la Commission a constaté à juste titre que le gentlemen’s agreement était susceptible d’avoir un effet sur la structure de la concurrence dans l’EEE. En effet, un accord de répartition de marché qui vise à protéger les producteurs européens des producteurs japonais a pour effet ou est du moins susceptible d’avoir pour effet de détourner les courants d’échanges de l’orientation qu’ils auraient autrement connue (arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 172).

242    Aucun des arguments avancés par la requérante n’est susceptible de remettre ce constat en cause.

243    Premièrement, dans la mesure où la requérante avance que le gentlemen’s agreement ne peut pas avoir eu de conséquences sur la structure de la concurrence sur le marché commun en raison de barrières insurmontables à l’entrée sur ce marché, il convient de rejeter cet argument en renvoyant aux points 225 à 235 ci-dessus.

244    Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante tiré du fait qu’un transport de transformateurs de puissance du Japon en Europe n’a pas eu lieu et n’aurait pas été économiquement viable, il convient de confirmer le motif retenu par la Commission selon lequel l’application de l’article 81 CE ne se limite pas aux cas où il y a un transfert physique de marchandises d’un pays tiers à l’Union ou à l’EEE.

245    Dès lors, la Commission a considéré à juste titre que le gentlemen’s agreement était susceptible d’affecter le commerce entre États membres et parties contractantes à l’accord EEE au sens de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE.

246    Par conséquent, il convient de rejeter le deuxième moyen dans son entièreté.

D –  Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs concernant la fixation du montant de l’amende

247    Par le quatrième moyen, la requérante avance que la Commission a commis des erreurs concernant la fixation du montant de l’amende, plus spécifiquement, en ce qui concerne le montant de base.

248    Ce moyen s’articule en deux branches. Par la première branche, la requérante fait grief à la Commission d’avoir choisi l’année 2001 comme période de référence au sens du point 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices 2006 »). Par la seconde branche, elle avance que la Commission n’aurait pas dû lui attribuer une valeur de ventes fictives dans l’EEE sur la base de sa part du marché mondial.

249    Dans ce contexte, il convient de constater que la requérante ne conclut pas uniquement à l’annulation de l’amende, mais aussi, subsidiairement, à la réduction du montant de celle-ci. Le cas échéant, il convient donc d’examiner le quatrième moyen non seulement en tant que moyen visant l’annulation de la décision attaquée, mais aussi en tant que moyen visant la réformation de celle-ci par le Tribunal dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction conformément à l’article 31 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), interprété à la lumière de l’article 261 TFUE.

1.     Sur la première branche du quatrième moyen, visant le choix de l’année 2001 comme période de référence

250    La requérante fait grief à la Commission de s’être écartée du principe prévu au point 13 des lignes directrices 2006, selon lequel elle utilise normalement les ventes réalisées par l’entreprise durant la dernière année complète de l’infraction comme période de référence.

251    Aux paragraphes 227 et 228 de la décision attaquée, la Commission a motivé cette décision en constatant que le point 13 des lignes directrices 2006 lui permettait de s’écarter de ce principe et que, en l’espèce, la valeur des ventes réalisées par les producteurs japonais pendant la dernière année complète de l’infraction, à savoir l’année 2002, était faussée en raison de la création d’entreprises communes entre la requérante et Melco (TM T & D) et entre Hitachi et Fuji (JAEPS). Pour cette raison, elle a décidé de choisir l’année 2001 comme période de référence.

252    La requérante avance que, en procédant ainsi, la Commission a violé le principe de sécurité juridique et le principe d’égalité de traitement.

a)     Sur le principe de sécurité juridique

253    La requérante soutient que la Commission a violé le principe de sécurité juridique en choisissant l’année 2001 au lieu de l’année 2002 comme période de référence. Elle n’aurait pas justifié de manière adéquate la dérogation au principe prévu au point 13 des lignes directrices 2006.

254    À cet égard, tout d’abord, il convient de rappeler que, dès lors que la Commission décide d’appliquer au cas d’espèce la méthode énoncée dans les lignes directrices, elle est tenue, eu égard à l’engagement contracté lors de la publication de celle-ci, de s’y conformer lors du calcul du montant des amendes, sauf à expliciter spécifiquement les motifs qui justifient, le cas échéant, de s’en écarter sur un point précis. En effet, les lignes directrices déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 211 et 213).

255    Ensuite, il convient de rappeler qu’il ressort du point 13 des lignes directrices 2006 que la Commission utilise normalement les ventes réalisées par l’entreprise durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction. Comme il ressort du mot « normalement », la Commission ne s’est pas imposé à prendre en compte systématiquement la valeur des ventes de la dernière année de la participation.

256    En l’espèce, l’année 2002 était la dernière année complète de la participation de la requérante au gentlemen’s agreement. Or, dans la décision attaquée, la Commission a choisi l’année 2001 comme période de référence. Dans ce contexte, elle a expliqué que la valeur des ventes pour l’année 2002 était faussée en raison de la formation des entreprises communes entre la requérante et Melco (TM T & D) et entre Hitachi et Fuji (JAEPS).

257    La requérante avance que la création des entreprises communes pendant l’année 2002 ne justifiait pas de ne pas prendre en compte les ventes réalisées en cette année. Cette circonstance aurait été dépourvue de pertinence, la Commission ayant disposé de toutes les données nécessaires. Notamment, en ce qui concerne les ventes réalisées par l’entreprise commune, elle aurait pu prendre en compte les ventes des transformateurs de puissance qui étaient produits dans l’usine qu’elle aurait apportée à cette entreprise commune.

258    Ce grief doit être rejeté. La Commission a constaté à juste titre que la formation de TM T & D entre la requérante et Melco, dans laquelle ces deux entreprises avaient transféré leurs activités respectives relatives aux transformateurs de puissance à TM T & D, était susceptible de fausser la valeur des ventes.

259    En effet, dans le cas d’espèce, la Commission n’aurait pas pu attribuer l’ensemble des ventes réalisées par TM T & D à la requérante. Or, d’une part, contrairement à ce qu’avance la requérante, la détermination de la part des ventes d’une entreprise commune n’est pas aisée. Ainsi, l’approche proposée par la requérante, qui consiste à attribuer à chaque société mère les ventes des biens produits dans l’usine qu’elle a apportée à l’entreprise commune, ne reflète pas nécessairement la réalité économique de manière adéquate. En effet, dans le cadre d’une entreprise commune qui est responsable de la production et de la vente, il ne peut pas être exclu que les biens produits dans l’usine d’une société mère soient vendus grâce au réseau commercial et aux clients de l’autre société mère. Par ailleurs, la décision de l’entreprise commune de produire les biens dans une usine plutôt que dans l’autre peut dépendre d’une multitude de facteurs et il n’est pas sûr que cette usine ait produit les biens en l’absence de l’entreprise commune. D’autre part, la position d’une entreprise commune sur le marché ne correspond pas nécessairement à une addition des positions dont disposaient ses sociétés mères sur le marché.

260    Dès lors, la Commission a pu considérer à juste titre que la valeur des ventes pendant l’année 2002 était faussée par l’existence de TM T & D et de JAEPS. Par conséquent, elle n’a pas violé le principe de sécurité juridique en s’écartant de la méthode normale prévue au point 13 des lignes directrices 2006 et en choisissant non l’année 2002, mais l’année 2001, comme période de référence.

b)     Sur le principe d’égalité de traitement

261    La requérante avance également que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement en s’écartant de sa propre pratique et en traitant deux situations similaires de manière différente. Dans sa décision du 1er octobre 2008 (affaire COMP/39.181 – Cires de bougie) (ci-après la « décision cires de bougies »), la Commission se serait fondée sur la valeur des ventes d’une entreprise pour une année, alors même qu’elle avait créé une entreprise commune pendant celle-ci.

262    À cet égard, il suffit de constater que, contrairement à ce qu’avance la requérante, le cas d’espèce n’est pas comparable aux cas visés par les considérants 639 et 637 de la décision cires de bougies.

263    D’une part, contrairement à ce qu’avance la requérante, il ne ressort pas du considérant 639 de la décision cires de bougies que la Commission a pris en compte la dernière année complète de la participation d’une entreprise à l’infraction, alors que cette entreprise avait établi une entreprise commune avec une autre entreprise pendant l’année en cause. En effet, à ce considérant, la Commission n’a pas pris en compte les ventes de l’année 2002, année pendant laquelle l’entreprise commune avait été établie, mais uniquement les ventes des années 1999 à 2001. Par conséquent, le problème de l’attribution de la valeur des ventes réalisées par une entreprise commune ne se posait pas dans cette affaire.

264    D’autre part, dans la mesure où la requérante fait référence au considérant 637 de ladite décision, il convient de retenir que ce point ne porte pas sur l’établissement d’une entreprise commune, mais sur l’acquisition d’une filiale, qui n’était pas active dans le secteur concerné. Ainsi, le problème de répartition de la valeur des ventes réalisées par une entreprise commune ne se posait pas dans cette affaire, et, en tout état de cause, la valeur des ventes réalisées par cette filiale n’avait aucun impact sur le montant de base, parce que ses ventes n’étaient pas des ventes en relation avec l’infraction.

265    Dès lors, il convient également de rejeter le grief tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement.

266    Par conséquent, il convient de rejeter l’ensemble de la première branche du quatrième moyen, dans la mesure où il vise l’annulation de la décision attaquée. Au demeurant, sous l’angle de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal considère que, pour les raisons susmentionnées, il était adéquat de choisir l’année 2001 comme période de référence.

2.     Sur la seconde branche du quatrième moyen, visant la méthodologie utilisée pour déterminer le montant fictif des ventes de la requérante dans l’EEE

267    En second lieu, la requérante vise le point 8.3.2 de la décision attaquée, dans lequel la Commission a déterminé la valeur fictive des ventes concernées de la requérante dans l’EEE afin de déterminer le montant de base de l’amende.

268    Aux paragraphes 231 à 236 de la décision attaquée, la Commission a décidé de ne pas prendre en compte le montant réel des ventes concernées des producteurs japonais à l’intérieur de l’EEE. Dans ce contexte, elle a retenu que le gentlemen’s agreement était un accord de répartition de marché. Par conséquent, si elle retenait uniquement les ventes de la requérante pour l’EEE pour la détermination du montant de base de l’amende, l’amende de la requérante serait nulle. Ce résultat ne reflèterait pas de manière adéquate le poids des producteurs japonais dans l’infraction et les récompenserait pour s’être conformés au gentlemen’s agreement. Pour ces raisons, la Commission a décidé de suivre la méthodologie prévue au point 18 des lignes directrices 2006, selon laquelle, dans un cas où l’entente concerne un marché plus grand que l’EEE, elle peut estimer les parts de marchés des entreprises sur ce marché et les appliquer aux ventes agrégées à l’intérieur de l’EEE. La Commission a justifié cette décision en invoquant qu’elle visait à appliquer une approche équilibrée et non arbitraire, à assurer la dissuasion et qu’elle prenait en compte le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction, ainsi que l’impact réel exercé par chaque comportement individuel des entreprises sur le libre jeu de la concurrence. Les participants au gentlemen’s agreement auraient, de propos délibéré, renoncé à l’un des paramètres les plus importants du libre jeu de la concurrence, à savoir l’acquisition de parts de marché. Comme il s’agissait de producteurs mondiaux, leur participation aurait eu comme résultat que leur potentiel n’aurait pas été utilisé au profit du marché de l’EEE. Enfin, la Commission a fait référence au point 37 des lignes directrices 2006, selon lequel elle est autorisée à s’écarter de la méthodologie générale pour la fixation des montants des amendes, lorsque les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif le justifient.

269    La requérante invoque, à titre principal, que la Commission n’a pas respecté les lignes directrices 2006 et, à titre subsidiaire, que la méthodologie prévue dans les lignes directrices 2006 n’est pas conforme au principe de proportionnalité et n’est pas appropriée.

a)     Sur le grief tiré de la méconnaissance des lignes directrices 2006

270    La requérante soutient que la Commission a mal interprété le point 18 des lignes directrices 2006. Le secteur géographique concerné par l’entente serait tout au plus l’EEE et le Japon. Le fait que les destinataires de la décision attaquée soient des opérateurs mondiaux serait dénué de pertinence pour l’application de ce point 18. Selon la requérante, la Commission aurait donc dû évaluer la valeur totale des ventes de transformateurs de puissance effectuées par elle en Europe et au Japon au lieu de prendre en compte ses ventes sur le marché mondial, ce qui a abouti à une amende disproportionnée beaucoup plus élevée.

271    À cet égard, il convient de retenir que, dans la mesure où la requérante soutient que la Commission n’a pas respecté les lignes directrices 2006, elle invoque, en substance, une violation du principe de sécurité juridique. Il convient donc d’examiner si la Commission s’est écartée sans justification des lignes directrices 2006.

272    Dans ce contexte, il y a lieu de constater que, selon le point 13 des lignes directrices 2006, la Commission utilise en principe la valeur des ventes réalisées par l’entreprise en relation avec l’infraction, dans le secteur géographie concerné à l’intérieur de l’EEE. Le point 18 des lignes directrices 2006 prévoit toutefois une exception à ce principe. Il est formulé comme suit :

« Lorsque l’étendue géographique d’une infraction dépasse le territoire de l’[EEE] (par exemple dans le cas de cartels mondiaux), les ventes concernées de l’entreprise à l’intérieur de l’EEE peuvent ne pas refléter de manière adéquate le poids de chaque entreprise dans l’infraction. Tel peut en particulier être le cas d’accords mondiaux de répartition de marché.

Dans de telles circonstances, en vue de refléter tout à la fois la dimension agrégée des ventes concernées dans l’EEE et le poids relatif de chaque entreprise dans l’infraction, la Commission peut estimer la valeur totale des ventes des biens ou services en relation avec l’infraction dans le secteur géographique (plus vaste que l’EEE) concerné, déterminer la part des ventes de chaque entreprise participant à l’infraction sur ce marché et appliquer cette part aux ventes agrégées de ces mêmes entreprises à l’intérieur de l’EEE. Le résultat sera utilisé à titre de valeur des ventes aux fins de la détermination du montant de base de l’amende. »

273    Or, force est de constater que l’approche que la Commission a suivie en l’espèce correspond exactement à la méthodologie prévue au point 18 des lignes directrices 2006.

274    En premier lieu, il convient de retenir que le point 18 des lignes directrices 2006 est applicable en l’espèce. Contrairement à ce qu’avance la requérante, les barrières à l’entrée sur le marché de l’EEE ne s’opposent pas à l’applicabilité de ce point des lignes directrices 2006. En effet, il vise justement un cas comme le cas présent, où des opérateurs mondiaux décident de ne pas se faire concurrence dans l’EEE et dans l’Union, où les barrières à l’entrée sur le marché européen ne sont pas insurmontables (voir les points 225 à 236 ci-dessus) et où la valeur des ventes dans l’EEE d’une entreprise qui a renoncé à gagner des parts de marché dans l’EEE ne reflète pas de manière adéquate le poids de son infraction.

275    En deuxième lieu, en prenant en compte la part de marché mondiale de la requérante pour déterminer sa part de marché (fictive) dans l’EEE, la Commission a également suivi la méthodologie prévue au point 18 des lignes directrices 2006. Le point 18 desdites lignes directrices prévoit que, pour déterminer la part de marché d’une entreprise dans l’EEE, la Commission peut estimer la valeur totale des ventes en relation avec l’infraction dans le secteur géographique concerné. Contrairement à ce qu’avance la requérante, en l’espèce, le secteur géographique concerné ne se constitue pas uniquement de l’EEE et du Japon. En effet, dans la mesure où le point 18 des lignes directrices 2006 mentionne le secteur géographiquement concerné, il fait référence au marché géographique en cause au sens de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5). Or, en l’espèce, la Commission ayant constaté, au paragraphe 236 de la décision attaquée, que le gentlemen’s agreement avait pour résultat que le potentiel concurrentiel mondial des entreprises concernées n’avait pas été utilisé au profit du marché de l’EEE, elle n’a pas méconnu le point 18 des lignes directrices 2006 en déterminant la part de marché fictive de la requérante dans l’EEE en se fondant sur sa part de marché fictive au niveau mondial.

276    Par ailleurs, l’approche défendue par la requérante, selon laquelle seules les ventes dans l’EEE et celles au Japon doivent être prises en compte parce que seules celles-ci seraient concernées par le gentlemen’s agreement, est manifestement contraire à l’objectif poursuivi par le point 18 des lignes directrices 2006. En effet, ce point vise à déterminer le poids de chaque entreprise dans l’infraction en déterminant des valeurs de ventes fictives dans l’EEE. Dans ce contexte, la Commission se fonde sur la présomption selon laquelle, en l’absence de l’accord de répartition de marché, en vertu duquel les producteurs japonais ont renoncé à faire concurrence aux producteurs européens en Europe, les parts de marché des producteurs japonais seraient équivalentes à leurs parts de marché sur le marché mondial. Il s’ensuit que, en l’espèce, il convient de prendre en compte non seulement les ventes dans l’EEE et au Japon, mais aussi l’ensemble des ventes mondiales des entreprises en cause.

277    En troisième lieu, la requérante avance que la Commission n’était pas en droit de postuler qu’elle ait pu se tailler une part de marché égale à sa part du marché mondial sur le marché de l’EEE, mais aurait dû prendre en compte les barrières à l’entrée sur le marché européen. Dans la mesure où ce grief vise une méconnaissance du point 18 des lignes directrices, il doit également être rejeté. En effet, ledit point prévoit justement une telle méthodologie.

278    Dès lors, le grief tiré d’une violation du principe de sécurité juridique en raison de la méconnaissance des lignes directrices 2006 doit être rejeté.

b)     Sur la proportionnalité et le caractère approprié de la méthode prévue au point 18 des lignes directrices 2006

279    La requérante avance que l’application de la méthodologie prévue au point 18 des lignes directrices au cas d’espèce, où il existait des barrières à l’entrée très élevées sur le marché européen, est contraire au principe de proportionnalité ou, du moins, inappropriée. Lors de la détermination du montant de l’amende, la Commission devrait prendre en considération l’impact concret de l’infraction. Or, dans le cas d’espèce, la méthodologie prévue au point 18 des lignes directrices serait excessivement abstraite. Dès lors, le montant de l’amende serait disproportionné et contraire à l’article 49 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

280    Il convient donc d’examiner si les requérantes se sont vu infliger une amende dont le montant reflète correctement la gravité et la durée de l’infraction en cause, de sorte que lesdites amendes revêtent un caractère proportionné par rapport aux critères prévus à l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 et est conforme à l’article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux.

281    Tout d’abord, le Tribunal estime que, en l’espèce, la requérante ayant participé à un accord de partage de marché visant à restreindre l’accès des producteurs japonais à l’EEE, la Commission a considéré à juste titre qu’il ne serait pas approprié d’appliquer une méthodologie qui se fonde sur ses ventes réelles dans l’EEE. En effet, comme la Commission l’a retenu, cela reviendrait à ne pas sanctionner la requérante à hauteur de sa participation au gentlemen’s agreement.

282    Ensuite, le Tribunal considère que, eu égard à la nature de l’infraction en cause, une méthodologie qui prend en compte les parts du marché mondial est adéquate pour refléter le poids de l’infraction.

283    Comme le Tribunal l’a déjà constaté, s’agissant d’un accord de partage de marché entre des entreprises qui se font concurrence au niveau mondial, les parts du marché mondial donnent la représentation la plus adaptée de la capacité desdites entreprises à nuire gravement aux autres opérateurs sur le marché européen et fournissent une indication de leur contribution à l’efficacité de l’entente dans son ensemble ou, à l’inverse, de l’instabilité qui aurait régné au sein de l’entente si elles n’y avaient pas participé (arrêts du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, point 198, et du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 186).

284    En effet, eu égard au caractère extrêmement nocif d’un accord de répartition de marché, qui constitue une des violations les plus graves de l’article 81 CE, il est justifié d’imposer des sanctions suffisamment dissuasives à l’égard de producteurs non européens qui s’engagent à ne pas faire concurrence aux producteurs européens sur leur territoire.

285    Contrairement à ce qu’avance la requérante, il n’est pas nécessaire, en l’espèce, d’examiner davantage de quelle part de marché elle aurait disposée dans l’EEE en l’absence du gentlemen’s agreement.

286    Premièrement, il convient de retenir que, en participant à un accord de répartition de marché, qui avait comme objectif de restreindre l’accès des producteurs japonais à l’EEE, la requérante a elle-même contribué à une situation dans laquelle ses ventes réelles dans l’EEE ne peuvent pas être utilisées comme élément reflétant son poids relatif dans l’infraction.

287    Deuxièmement, le grief de la requérante selon lequel la méthodologie prévue au point 18 des lignes directrices n’est pas conforme à la jurisprudence, parce qu’elle se limite à une simple présomption, doit être rejeté.

288    Contrairement à ce qu’avance la requérante, la méthodologie prévue au point 18 des lignes directrices 2006 ne se limite pas à une simple présomption. En effet, d’une part, comme il a été exposé ci-dessus, dans un cas comme le cas d’espèce, les parts de marché mondial donnent la représentation la plus adaptée de la capacité de l’entreprise à nuire gravement aux autres opérateurs sur le marché européen et fournissent une indication de leur contribution à l’efficacité de l’entente dans son ensemble ou, à l’inverse, de l’instabilité qui aurait régné dans l’entente si elles n’y avaient pas participé (voir la jurisprudence mentionnée au point 283 ci-dessus). D’autre part, il convient de retenir qu’une approche qui prend en compte les parts du marché mondial de la requérante prend en compte, même si ce n’est que de manière agrégée, les éventuelles barrières à l’entrée pouvant exister dans les différents segments géographiques du marché mondial.

289    Quant aux points 82 et 83 de l’arrêt de la Cour du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission (C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415), que la requérante invoque à l’appui de son argumentation, il convient de constater que ces points ne concernent pas l’application des lignes directrices 2006, mais celle des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3), qui prévoyaient une méthodologie différente pour la détermination du montant de base. Par conséquent, cette jurisprudence n’est guère transposable à la fixation du montant de base en application des lignes directrices 2006.

290    Troisièmement, contrairement à ce qu’avancent les requérantes, il n’est pas nécessaire d’examiner les effets économiques de l’absence du gentlemen’s agreement en utilisant les outils dont la Commission se sert en matière de fusions. En effet, il n’est pas évident qu’un tel pronostic serait susceptible de refléter le poids de la requérante dans l’infraction de manière plus adéquate que la méthodologie prévue au point 18 des lignes directrices 2006.

291    Partant, il convient de retenir que la méthodologie prévue au point 18 des lignes directrices est conforme à l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 et n’est pas contraire à l’article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux.

292    Au demeurant, sous l’angle de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal considère que, pour les raisons susmentionnées, l’application de la méthodologie prévue par le point 18 des lignes directrices est appropriée en l’espèce.

293    Dès lors, il convient de rejeter la seconde branche du quatrième moyen, et, en conséquence, le quatrième moyen dans son ensemble.

294    Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation dans leur intégralité.

295    Par ailleurs, en ce qui concerne la demande, présentée à titre subsidiaire, tendant à la réformation du montant de l’amende imposée à la requérante, eu égard notamment aux considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu, dans l’exercice du pouvoir de pleine juridiction du Tribunal, de faire droit à cette demande.

296    Enfin, tous les moyens devant être rejetés, il convient également de rejeter le chef de conclusions visant à faire ordonner toute autre mesure qui pourrait se révéler nécessaire pour donner effet à l’arrêt du Tribunal, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur sa recevabilité.

 Sur les dépens

297    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé et la Commission ayant conclu en ce sens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

298    Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Toshiba Corp. est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 mai 2014.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige et décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

A –  Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission n’a pas démontré l’existence d’une entente illicite et la participation de la requérante à celle-ci

1.  Sur la notion d’entente illicite, la preuve de celle-ci et le contrôle juridictionnel

2.  Sur la première branche du premier moyen, visant la valeur probante des éléments de preuve invoqués par la Commission

a)  Sur les déclarations de Siemens et de Fuji

Sur la valeur probante de déclarations faites dans une demande de clémence

Sur le grief tiré de la nature contradictoire des déclarations de Fuji

b)  Sur la lettre de Hitachi du 30 mars 2009

c)  Sur les preuves documentaires

Sur les documents concernant la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002

–  Sur le contenu des documents

–  Sur la valeur probante des documents

Sur les autres documents

d)  Sur le contenu et la valeur probante des déclarations d’Areva, d’ABB et de la requérante

Sur les déclarations d’Areva

Sur les déclarations d’ABB

Sur les déclarations de la requérante

3.  Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de la violation du principe in dubio pro reo

4.  Sur la troisième branche du premier moyen, avancée dans le cadre de la réplique

B –  Sur le troisième moyen, visant les constatations de la Commission sur la durée de l’infraction et la participation de la requérante à celle-ci

1.  Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’une erreur concernant la date du début de l’infraction

a)  Sur le choix de la réunion de Malaga du 9 au 11 juin 1999 comme début de l’infraction

b)  Sur la participation de la requérante à la réunion de Malaga

c)  Sur l’objet anticoncurrentiel des réunions précédant la réunion de Tokyo des 18 et 19 février 2002

2.  Sur la seconde branche du troisième moyen, visant la fin de l’infraction

a)  Sur la distanciation du gentlemen’s agreement pendant la réunion de Vienne des 26 et 27 septembre 2002

b)  Sur la participation de la requérante au gentlemen’s agreement jusqu’à la réunion de Zurich des 15 et 16 mai 2003

C –  Sur le deuxième moyen, tiré de ce que la Commission n’a pas établi la restriction de la concurrence et l’affectation du commerce

1.  Sur la restriction de la concurrence

2.  Sur l’affectation du commerce

D –  Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs concernant la fixation du montant de l’amende

1.  Sur la première branche du quatrième moyen, visant le choix de l’année 2001 comme période de référence

a)  Sur le principe de sécurité juridique

b)  Sur le principe d’égalité de traitement

2.  Sur la seconde branche du quatrième moyen, visant la méthodologie utilisée pour déterminer le montant fictif des ventes de la requérante dans l’EEE

a)  Sur le grief tiré de la méconnaissance des lignes directrices 2006

b)  Sur la proportionnalité et le caractère approprié de la méthode prévue au point 18 des lignes directrices 2006

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.