Language of document : ECLI:EU:F:2016:130

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

15 juin 2016 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Pensions – Transfert des droits à pension nationaux – Propositions de bonification d’annuités – Acte ne faisant pas grief – Irrecevabilité du recours – Demande de statuer sans engager le débat au fond – Article 83 du règlement de procédure »

Dans l’affaire F‑61/12,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Beata Stepien, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique),

Mario Animali, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique),

représentés initialement par Mes D. de Abreu Caldas, A. Coolen, J.-N. Louis, É. Marchal et S. Orlandi, avocats, puis par Mes D. de Abreu Caldas, J.-N. Louis et S. Orlandi, avocats, ensuite par Mes J.-N. Louis et S. Orlandi, avocats, et enfin par MJ.-N. Louis, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. J. Baquero Cruz et D. Martin, en qualité d’agents, puis par MM. J. Currall et G. Gattinara, en qualité d’agents, ensuite par M. G. Gattinara, en qualité d’agent, et enfin par M. G. Gattinara et Mme F. Simonetti, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),

composé de MM. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, J. Svenningsen et J. Sant’Anna, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 11 juin 2012, Mme Beata Stepien et M. Mario Animali ont demandé l’annulation :

–        des décisions de l’autorité investie du pouvoir de nomination de la Commission européenne (ci-après l’« AIPN »), respectivement des 2 et 19 mars 2012, rejetant leurs réclamations contre les « décisions » fixant la bonification, dans le régime de pension de l’Union européenne, de leurs droits à pension acquis antérieurement dans le cadre d’un autre régime et,

–        pour autant que de besoin, des « décisions », respectivement, des 27 juillet et 5 octobre 2011, portant calcul de ladite bonification.

 Faits à l’origine du litige

 En ce qui concerne Mme Stepien

2        En application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et au vu des dispositions générales d’exécution des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut relatifs au transfert des droits à pension, adoptées par la décision C(2004) 1588 de la Commission, du 28 avril 2004, publiée aux Informations administratives n° 60‑2004 du 9 juin 2004 (ci-après les « DGE 2004 »), Mme Stepien a demandé, le 13 mai 2009, le transfert de ses droits à pension acquis avant son entrée au service de l’Union (alors les Communautés européennes).

3        Le 27 juillet 2011, l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) a soumis à la requérante une proposition de transfert de ses droits à pension sur laquelle elle a marqué son accord le 25 septembre suivant.

4        Cette proposition était le résultat d’un calcul prenant en compte les paramètres établis par la décision C(2011) 1278 de la Commission, du 3 mars 2011, relative aux dispositions générales d’exécution des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut relatifs au transfert de droits à pension, publiée aux Informations administratives n° 17‑2011 du 28 mars 2011 (ci-après les « DGE 2011 »), entretemps entrée en vigueur.

5        Le 28 novembre 2011, la requérante a néanmoins saisi l’AIPN d’une réclamation tendant à ce que celle-ci revoie la « décision du 27 juillet 2011 » et procède à un transfert de ses droits à pension sur la base des paramètres fixés par les DGE 2004. L’AIPN y a opposé une décision explicite de rejet le 2 mars 2012.

 En ce qui concerne M. Animali

6        En application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et au vu des DGE 2004, M. Animali a demandé, le 28 octobre 2009, le transfert de ses droits à pension acquis dans le cadre d’un autre régime avant son entrée au service de l’Union.

7        Le 5 octobre 2011, le PMO a soumis au requérant une proposition de transfert de ses droits à pension sur laquelle il a marqué son accord le 8 décembre suivant.

8        Cette proposition était le résultat d’un calcul prenant en compte les paramètres établis par les DGE 2011, entretemps entrées en vigueur.

9        Le 5 janvier 2012, le requérant a néanmoins saisi l’AIPN d’une réclamation tendant au retrait de la « décision du 5 octobre 2011 » et à ce que l’AIPN procède à un transfert de ses droits à pension sur la base des paramètres fixés par les DGE 2004. L’AIPN y a opposé une décision explicite de rejet le 19 mars 2012.

 Conclusions des parties

10      Les parties requérantes concluent, chacune en ce qui la concerne, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions mentionnées au point 1 de la présente ordonnance ;

–        condamner la Commission aux dépens.

11      Le 25 janvier 2016, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité qu’elle a présentée par acte séparé, en application de l’article 83, paragraphe 1, du règlement de procédure. Dans cette exception d’irrecevabilité, elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les parties requérantes aux dépens.

 En droit

 Sur la décision du Tribunal de statuer sans engager le débat au fond et sans procédure orale

12      En vertu de l’article 83, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure, si une partie demande que le Tribunal statue sur l’irrecevabilité, l’incompétence ou sur un incident, sans engager le débat au fond, le président fixe un délai à l’autre partie pour présenter par écrit ses conclusions et arguments de fait et de droit sur cette demande, la suite de la procédure étant orale, sauf décision contraire du Tribunal. Par ailleurs, en application du paragraphe 3 du même article, le Tribunal statue par voie d’ordonnance motivée et dans les meilleurs délais sur la demande ou joint l’examen de celle-ci au fond, si des circonstances particulières le justifient.

13      Il s’ensuit qu’aucune obligation de tenir une audience ne pèse sur le Tribunal et, d’autre part, que celui-ci apprécie souverainement s’il convient de statuer immédiatement sur l’exception d’irrecevabilité ou de la joindre au fond (voir, en ce qui concerne l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 2 mai 1991, ordonnance du 21 novembre 2005, SNF/Commission, C‑482/04 P, non publiée, EU:C:2005:706, points 29 et 30).

14      En l’espèce, les parties requérantes ayant déposé, conformément à l’article 83, paragraphe 2, du règlement de procédure, des observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour statuer sur cette exception d’irrecevabilité sans engager la procédure orale.

 Sur l’objet du recours

15      Il convient de rappeler que des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (arrêt du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8).

16      En l’occurrence, les décisions de rejet des réclamations, en date respectivement des 2 et 19 mars 2012, ne font que confirmer les propositions de bonification d’annuités du 27 juillet 2011, pour ce qui concerne Mme Stepien, et du 5 octobre 2011, pour ce qui concerne M. Animali. Le recours doit donc être regardé comme dirigé contre ces seules propositions de bonification d’annuités.

 Sur l’exception d’irrecevabilité

17      En se fondant notamment sur les arrêts du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji (T‑104/14 P, EU:T:2015:776), et Teughels/Commission (T‑131/14 P, EU:T:2015:778), dans l’attente desquels la procédure dans la présente affaire avait été suspendue, la Commission soutient que le recours est irrecevable, car dirigé contre des propositions de bonification d’annuités, lesquelles ne seraient pas des actes faisant grief.

18      Force est de constater que, dans les arrêts précités, le Tribunal de l’Union européenne a considéré qu’une proposition de bonification d’annuités ne produit pas d’effets juridiques obligatoires affectant directement et immédiatement la situation juridique de son destinataire, en modifiant, de façon caractérisée, sa situation juridique. Partant, le Tribunal de l’Union européenne a jugé qu’une telle proposition ne constitue pas un acte faisant grief, au sens de l’article 91, paragraphe 1, du statut (arrêts du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji, T‑104/14 P, EU:T:2015:776, point 62, et Teughels/Commission, T‑131/14 P, EU:T:2015:778, point 58).

19      Par ailleurs, dans l’arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji (T‑104/14 P, EU:T:2015:776), le Tribunal de l’Union européenne a jugé, aux points 110 et 120 et suivants, qu’il convenait d’interpréter les conclusions en annulation du recours devant le Tribunal, en ce qu’il avait été introduit par M. Verile, comme tendant à l’annulation de la décision finale portant reconnaissance à son égard d’une bonification d’annuités de pension résultant de droits à pension acquis antérieurement dans le cadre d’un autre régime. Cela, d’une part, parce qu’il était constant entre les parties que M. Verile avait donné son consentement à la poursuite de la procédure de transfert de ses droits à pension acquis antérieurement à son entrée en service, en marquant son accord sur la proposition qui lui avait été soumise, et, d’autre part, parce que cette décision finale avait été adoptée avant l’introduction du recours devant le Tribunal. Par conséquent, le Tribunal de l’Union européenne a jugé que le recours de M. Verile, lequel devait être interprété comme étant dirigé contre la décision finale portant reconnaissance de bonification d’annuités, était recevable. Dans le même arrêt, le Tribunal de l’Union européenne a, en revanche, jugé, aux points 116 à 119, que le recours introduit par Mme Gjergji ne pouvait être requalifié en recours dirigé contre la décision finale portant reconnaissance à son égard d’une bonification d’annuités de pension résultant de droits à pension acquis antérieurement dans le cadre d’un autre régime dans la mesure où cette décision finale devait nécessairement être considérée comme adoptée après la date d’introduction du recours devant le Tribunal. Par conséquent, le Tribunal de l’Union européenne a jugé que le recours de celle-ci devait être rejeté comme irrecevable.

20      En l’espèce, il ressort d’une mesure d’organisation de la procédure adressée aux parties par le Tribunal que la décision finale portant reconnaissance d’une bonification d’annuités de pension résultant de droits à pension acquis antérieurement dans le cadre d’un autre régime par M. Animali a été adoptée le 15 octobre 2012, soit après l’introduction du recours. Par conséquent, le recours, en tant qu’il a été introduit par M. Animali, ne peut être requalifié en recours dirigé contre cette décision finale et doit être jugé irrecevable, car dirigé contre un acte ne faisant pas grief.

21      Il ressort en revanche de la mesure d’organisation de la procédure mentionnée au point précédent que la décision finale portant reconnaissance d’une bonification d’annuités de pension résultant de droits à pension acquis antérieurement dans le cadre d’un autre régime par Mme Stepien a été adoptée le 3 février 2012, soit avant l’introduction du recours. Au vu de l’arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji (T‑104/14 P, EU:T:2015:776), le recours, en tant qu’il a été introduit par Mme Stepien, devrait donc pouvoir être requalifié en recours dirigé contre cette décision finale et être par conséquent jugé recevable.

22      Force est toutefois d’observer que, dans le cadre d’un recours collectif introduit postérieurement au présent recours, en l’occurrence le 4 octobre 2012, et enregistré sous la référence F‑112/12, Mme Stepien a demandé l’annulation de la décision finale du 3 février 2012 portant reconnaissance d’une bonification d’annuités de pension résultant de droits à pension qu’elle avait acquis antérieurement dans le cadre d’un autre régime. Dans ces conditions, requalifier le présent recours dirigé contre la proposition de bonification d’annuités du 27 juillet 2011 en recours dirigé contre la décision finale du 3 février 2012 serait inutile et, en méconnaissance d’une bonne administration de la justice, court-circuiterait l’examen même du recours F‑112/12 susmentionné, dont l’objet, pour ce qui concerne Mme Stepien, est précisément cette décision finale. Au demeurant, celle-ci n’a demandé la requalification du présent recours ni dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité ni dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure que le Tribunal lui avait adressée.

23      Par conséquent, dès lors qu’il vise l’annulation d’un acte ne faisant pas grief, le recours, en tant qu’il a été introduit par Mme Stepien, doit également être jugé irrecevable.

 Sur les dépens

24      Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. En outre, selon l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, une partie gagnante peut être condamnée à supporter ses propres dépens et à prendre en charge partiellement ou totalement les dépens exposés par l’autre partie si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

25      Il résulte des motifs énoncés dans la présente ordonnance que les parties requérantes ont succombé en leur recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que les parties requérantes soient condamnées aux dépens.

26      Les parties requérantes font néanmoins valoir, dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, que, dans l’hypothèse où le recours serait jugé irrecevable, ce qui est le cas en l’espèce, le Tribunal devrait constater qu’elles ont « été induit[es] en erreur par les conditions fixées de transfert de [leurs] droits dans [les] proposition[s] de bonification qu’[elles ont] acceptée[s] ». Cependant, le Tribunal ne voit pas en quoi les conditions de transfert des droits à pension fixées dans les propositions de bonification respectives des 27 juillet et 5 octobre 2011 ont pu induire les parties requérantes en erreur quant à la recevabilité de leur recours. À supposer même qu’il faille comprendre leur allégation comme visant non pas lesdites conditions de transfert des droits à pension, mais le déroulement de la procédure suivie, force serait de constater que ne justifie pas l’application de l’article 102, paragraphe 1 ou 2, du règlement de procédure la circonstance que le Tribunal a jugé, dans ses arrêts du 11 décembre 2013, Verile et Gjergji/Commission (F‑130/11, EU:F:2013:195), et Teughels/Commission (F‑117/11, EU:F:2013:196), d’ailleurs postérieurs à l’introduction du présent recours, qu’un recours contre des propositions de bonification était recevable, alors que le Tribunal de l’Union européenne a, sur pourvoi, jugé le contraire dans ses arrêts du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji (T‑104/14 P, EU:T:2015:776), et Teughels/Commission (T‑131/14 P, EU:T:2015:778).

27      Par conséquent, les parties requérantes doivent supporter leurs propres dépens et être condamnées à supporter les dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Beata Stepien et M. Mario Animali supportent leurs propres dépens et sont condamnés à supporter les dépens exposés par la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 15 juin 2016.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.