Language of document : ECLI:EU:T:2009:117

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

24 avril 2009 (*)

« Référé – Autorisation de mise sur le marché d’un médicament – Agent d’imagerie échocardiographique ultrasonore à finalité diagnostique (perflubutane) – Refus par l’EMEA d’octroyer une dérogation à l’obligation de soumettre un plan d’investigation pédiatrique – Demande de sursis à exécution et de mesures provisoires – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑52/09 R,

Nycomed Danmark ApS, établie à Roskilde (Danemark), représentée par Mes C. Schoonderbeek et H. Speyart van Woerden, avocats,

partie requérante,

contre

Agence européenne des médicaments (EMEA), représentée par M. V. Salvatore et Mme N. Rampal Olmedo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande visant, d’une part, au sursis à l’exécution de la décision de l’EMEA du 28 novembre 2008 portant rejet de la demande de dérogation spécifique concernant le perflubutane et, d’autre part, à l’adoption de mesures provisoires,


LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

1        La requérante, Nycomed Danmark ApS, est un fabricant et fournisseur danois de médicaments et de produits pharmaceutiques. Elle fait partie du groupe Nycomed qui opère à l’échelle mondiale et dont le siège se trouve en Suisse. Ainsi qu’il ressort de son site Internet, le chiffre d’affaires global du groupe Nycomed s’est élevé à 3,3 milliards d’euros en 2008.

2        La requérante a développé un agent d’imagerie échocardiographique ultrasonore devant être commercialisé sous la marque Imagify (ci-après l’« agent Imagify »), dont elle indique qu’il est destiné à détecter les maladies des artères coronaires (ci-après les « MAC »), c’est-à-dire des maladies chroniques caractérisées par l’obstruction des artères coronaires, chez des patients souffrant de douleurs dans la poitrine et pour lesquels il existe une suspicion d’ischémie transitoire, à savoir une diminution de l’apport sanguin à un organe provoquée par le stress ou une activité physique accrue.

3        La requérante a l’intention de demander à la Commission une autorisation communautaire de mise sur le marché (ci-après l’« ACMM ») pour l’agent Imagify.

4        Le présent litige porte sur la procédure de validation de cette demande d’ACMM, qui se déroule devant l’Agence européenne des médicaments (EMEA), et ce en amont de la procédure d’autorisation proprement dite.

 Cadre juridique

5        En vertu des articles 1er et 6 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO L 311, p. 67), telle que modifiée, aucun médicament, y compris tout produit à finalité diagnostique tel que l’agent Imagify, ne peut être mis sur le marché d’un État membre sans qu’une autorisation de mise sur le marché ait été délivrée par l’autorité compétente de cet État membre, conformément à ses dispositions, ou sans que la Commission ait délivré une ACMM conformément au règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant l’EMEA (JO L 136, p. 1), lu en combinaison avec le règlement (CE) n° 1901/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relatif aux médicaments à usage pédiatrique, modifiant le règlement (CEE) n° 1768/92, les directives 2001/20/CE et 2001/83/CE ainsi que le règlement (CE) n° 726/2004 (JO L 378, p. 1).

6        Le règlement n° 726/2004 prévoit une procédure en deux étapes pour l’octroi des ACMM : dans le cadre de la première étape de la procédure, qui est régie par les articles 5 à 9 du règlement n° 726/2004, le comité des médicaments à usage humain de l’EMEA adopte un avis sur la demande d’ACMM ; dans le cadre de la seconde étape de la procédure, qui est régie par l’article 10 du règlement n° 726/2004, la Commission adopte une décision accordant ou refusant l’ACMM.

7        S’agissant du contenu d’une demande d’ACMM, l’article 6 du règlement n° 726/2004 fait référence aux renseignements et aux documents visés, notamment, à l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83. Il résulte ainsi d’une application conjointe de l’article 6 du règlement n° 726/2004 et de l’article 8, paragraphe 3, sous e), de la directive 2001/83, qu’une demande d’ACMM doit notamment comporter l’indication thérapeutique – expression qu’il convient d’interpréter comme incluant les indications diagnostiques – au titre de laquelle l’ACMM pour le médicament concerné est demandée.

8        Il ressort des dispositions combinées de l’article 1er, point 28 bis, et de l’article 26 de la directive 2001/83 ainsi que de l’article 12 du règlement n° 726/2004, lu à la lumière du considérant 14 dudit règlement, que l’ACMM est refusée lorsque, après vérification des renseignements et des documents pertinents, il apparaît, notamment, que le rapport bénéfice/risque du médicament en cause n’est pas considéré comme favorable. À cet égard, il s’agit d’évaluer les effets thérapeutiques ou diagnostiques positifs du médicament concerné au regard des risques liés à son utilisation, c’est-à-dire tout risque pour la santé du patient ou pour la santé publique lié à la qualité, à la sécurité ou à l’efficacité du médicament et tout risque d’effets indésirables sur l’environnement (article 1er, point 28, de la directive 2001/83).

9        Le règlement n° 1901/2006, qui est également pertinent pour l’octroi des ACMM (voir point 5 ci-dessus), a pour objectif de faciliter le développement et l’accessibilité des médicaments à usage pédiatrique, d’assurer que ces médicaments pédiatriques font l’objet de recherches éthiques d’une grande qualité et qu’ils sont dûment autorisés en vue d’un usage en pédiatrie et d’améliorer les informations disponibles sur l’usage des médicaments au sein des diverses populations pédiatriques (considérant 4 du règlement n° 1901/2006).

10      Selon l’article 7 du règlement n° 1901/2006, une demande d’ACMM ne peut être validée que si elle comprend, en plus des renseignements et des documents visés à l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83, soit les résultats des études effectuées conformément à un plan d’investigation pédiatrique (ci-après le « PIP ») préalablement approuvé par l’EMEA, soit une décision de l’EMEA accordant une dérogation à l’obligation de soumettre un PIP, soit une décision de l’EMEA accordant un report de la mise en œuvre du PIP.

11      En vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 1901/2006, une dérogation est accordée s’il est établi, notamment, que le médicament concerné n’est probablement ni efficace ni sûr pour la population pédiatrique [article 11, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1901/2006] ou que « la maladie ou l’affection au traitement de laquelle le médicament […] concerné est destiné n’existe que chez les populations adultes » [article 11, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1901/2006].

12      Les articles 13 et 25 du règlement n° 1901/2006 établissent la procédure applicable en vue de l’adoption d’une décision relative à une demande de dérogation. Ainsi, dès que le comité pédiatrique institué au sein de l’EMEA adopte un avis préconisant ou non l’octroi d’une dérogation spécifique pour le produit en cause, l’EMEA transmet cet avis au demandeur, lequel peut saisir celle-ci d’une demande visant à un nouvel examen de cet avis. Après réception d’une telle demande de nouvel examen, le comité pédiatrique rend un nouvel avis confirmant ou modifiant l’avis antérieur. Le nouvel avis, qui a un caractère définitif, est dûment motivé et les raisons motivant la conclusion formulée y sont annexées. Après réception de l’avis définitif du comité pédiatrique, l’EMEA adopte une décision, qui est communiquée au demandeur par écrit avec, en annexe, l’avis définitif du comité pédiatrique.

13      À défaut d’obtention d’une dérogation, le demandeur concerné peut soit mettre un terme à la procédure visant à l’obtention d’une ACMM, soit soumettre un projet de PIP à l’approbation de l’EMEA et, le cas échéant, demander un report. Conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 1901/2006, le PIP doit, notamment, préciser le calendrier envisagé et les mesures prévues pour l’évaluation de la qualité, de la sécurité et de l’efficacité du médicament dans tous les sous-ensembles de la population pédiatrique susceptibles d’être concernés.

14      S’agissant de la faculté de report, les articles 20 et 21 du règlement n° 1901/2006 énoncent ce qui suit :

« Article 20

1.      Au moment de présenter le [PIP …], le demandeur peut solliciter le report du commencement ou de l’achèvement d’une partie ou de la totalité des mesures figurant dans ce [PIP]. Il motive sa demande par des raisons scientifiques et techniques ou par des raisons liées à la santé publique.

En tout état de cause, un report est accordé lorsqu’il y a lieu d’effectuer des études sur l’adulte avant d’entamer des études sur la population pédiatrique ou lorsque la réalisation d’études sur la population pédiatrique prend plus de temps que la conduite d’études sur l’adulte.

[…]

Article 21

1.      Au moment d’adopter un avis favorable [sur le PIP soumis …], le comité pédiatrique, agissant […] sur requête formulée par le demandeur au titre de l’article 20, adopte un avis, si les conditions visées à l’article 20 sont remplies, en faveur du report du commencement ou de l’achèvement d’une partie ou de la totalité des mesures figurant dans le [PIP].

Tout avis favorable à un report précise les délais à respecter pour le commencement ou l’achèvement des mesures concernées.

2.      Dès que le comité pédiatrique adopte un avis favorable à un report, conformément au paragraphe 1, la procédure prévue à l’article 25 est applicable. »

 Antécédents du litige

15      Certains signes d’ischémie transitoire dans le muscle cardiaque sont les défauts de perfusion myocardique, lesquels peuvent donc être dus à une MAC. Toutefois, il est également possible que ces défauts de perfusion soient causés par d’autres maladies, telles que les anomalies cardiaques congénitales, les anomalies coronaires ou les cardiomyopathies.

16      La requérante s’est concentrée sur le développement clinique de l’agent Imagify pour le diagnostic des adultes souffrant de douleurs à la poitrine, qui pourraient être dues à une ischémie myocardique transitoire en tant que signe précoce d’une MAC. La demande d’ACMM pour l’agent Imagify, que la requérante envisage de présenter, aura donc pour objet l’indication thérapeutique suivante : « Diagnostic des maladies des artères coronaires chez les patients souffrant de douleurs à la poitrine et ayant une suspicion d’ischémie transitoire ».

17      Des études et des essais précliniques et cliniques sur le groupe spécifique de patients adultes souffrant de douleurs à la poitrine ont été réalisés par la requérante en vue de remplir les conditions applicables à l’introduction d’une demande d’ACMM pour un produit ayant l’indication mentionnée au point 16 ci-dessus. Dans le cadre des essais cliniques, l’efficacité et la sécurité de l’agent Imagify ont été comparées à celles de l’une des méthodes actuellement utilisées pour diagnostiquer une MAC.

18      Ces dernières méthodes sont des tests d’imagerie qui permettent l’examen visuel des caractéristiques de la circulation sanguine à l’intérieur du muscle cardiaque et des divers vaisseaux qui y mènent et qui en proviennent. Il s’agit essentiellement de l’angiographie, une technique invasive d’imagerie par laquelle un agent de contraste radio-opaque est injecté dans un vaisseau sanguin et dans laquelle l’imagerie est réalisée grâce à des techniques basées sur les rayons X, ce qui implique une exposition aux radiations, de l’angiographie par résonance magnétique (ARM) et de la scanographie multicoupe, qui permettent une visualisation des coronaires et, enfin, de l’imagerie nucléaire, telle que la scintigraphie myocardique (SPECT), qui est actuellement le seul test non invasif largement disponible pour la visualisation directe de la perfusion myocardique.

19      Selon la requérante, l’avantage de la technique diagnostique appliquée dans l’utilisation de l’agent Imagify par rapport aux méthodes d’imagerie décrites au point 18 ci-dessus tient au fait qu’elle est fondée sur une technique d’imagerie ultrasonore relativement inoffensive qui n’implique pas d’exposition aux radiations.

20      La requérante admet que, dans certains cas, une MAC peut déjà apparaître au sein de la population pédiatrique. Elle affirme, toutefois, que le taux de MAC est à ce point faible au sein de cette population qu’il est impossible de développer un quelconque outil de diagnostic fiable qui lui soit adapté, car il n’existe pas de population test suffisamment importante pour permettre de disposer de données cliniques fiables. Dans les cas extrêmement rares où un patient pédiatrique nécessite une évaluation diagnostique de ses artères coronaires, l’approche préconisée consisterait à utiliser l’une des modalités d’imagerie décrites au point 18 ci-dessus. Compte tenu de la disponibilité de ces modalités diagnostiques, tous les besoins diagnostiques de ces patients pédiatriques seraient satisfaits.

21      Le 3 mars 2008, la requérante a soumis à l’EMEA une demande de dérogation conformément à l’article 11, paragraphe 1, sous b), et à l’article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1901/2006 dans la perspective d’une présentation d’une demande d’ACMM pour l’agent Imagify, en indiquant que cet agent était conçu comme un agent permettant le diagnostic des MAC qui n’existent qu’au sein de la population adulte. Tout en admettant que les processus pathophysiologiques qui aboutissaient au développement de MAC commençaient dès la petite enfance, elle a fait valoir que les MAC n’existaient qu’en tant qu’affection clinique naissante, essentiellement chez les patients pédiatriques ayant une hypercholestérolémie familiale et du diabète « mellite » de type 1 et a souligné que, même dans ces deux populations de patients pédiatriques à hauts risques, les signes et symptômes cliniques, tels que les douleurs dans la poitrine, le manque de souffle et d’autres épisodes cardiovasculaires plus graves tels que l’angine de poitrine et l’infarctus du myocarde, n’apparaissaient pas avant le début de l’âge adulte.

22      Le comité pédiatrique a émis un avis préliminaire négatif le 8 mai 2008 en demandant à la requérante de proposer des modifications à sa demande de dérogation pour aborder la question du bénéfice potentiel de l’agent Imagify dans l’échocardiographie pédiatrique. Le 10 juillet 2008, la requérante a indiqué qu’elle n’avait pas l’intention de procéder à la modification demandée.

23      À la suite d’une réunion avec la requérante, le comité pédiatrique a, le 19 septembre 2008, adopté son premier avis en recommandant à l’EMEA de refuser la dérogation sollicitée. Dans ce premier avis, le comité pédiatrique a estimé que la requérante avait artificiellement restreint la portée de sa demande de dérogation au diagnostic des MAC, excluant ainsi l’utilisation de l’agent Imagify en tant qu’agent d’imagerie ultrasonore en général.

24      Par lettre du 20 octobre 2008, la requérante a présenté une demande motivée visant à un nouvel examen du premier avis. Dans cette demande, elle a souligné qu’il appartenait au demandeur de définir la portée de l’indication du médicament faisant l’objet de la demande d’ACMM et que le comité pédiatrique n’avait pas le pouvoir d’exiger une modification de celle-ci pour inclure des informations sur l’usage pédiatrique du produit concerné relativement à des indications autres que celles requises dans la demande d’ACMM.

25      Le 3 novembre 2008, la requérante a reçu un projet d’avis définitif du comité pédiatrique se prononçant contre l’octroi d’une dérogation. Après avoir rappelé que l’agent Imagify était conçu pour identifier les défauts de perfusion myocardique, le comité pédiatrique a indiqué que cette affection pouvait être à l’origine de différentes maladies sous‑jacentes qui entraînaient toutes de tels défauts de perfusion. Il a ajouté que, si la MAC était la cause la plus fréquente de défauts de perfusion myocardique chez les adultes, ces défauts pouvaient également être provoqués par des maladies existant chez les enfants. Dans ce projet d’avis définitif, le comité pédiatrique a, notamment, proposé à la requérante d’introduire une demande de report au titre des articles 20 et 21 du règlement n° 1901/2006.

26      Par lettre du 6 novembre 2008, la requérante a contesté cette évaluation du comité pédiatrique. Le 14 novembre 2008, ce dernier a adopté son avis définitif, dans lequel il se prononce contre l’octroi d’une dérogation. Par lettre du 19 novembre 2008, la requérante a invité l’EMEA à reconsidérer cet avis.

27      Par décision du 28 novembre 2008, l’EMEA a rejeté la demande de dérogation spécifique concernant le perflubutane, introduite par la requérante (ci-après la « décision attaquée »). En ce qui concerne la motivation de la décision attaquée, l’EMEA fait sien le raisonnement du comité pédiatrique en se référant à l’avis définitif de ce dernier du 14 novembre 2008, lequel renvoie, à son tour, au rapport de synthèse qui lui est annexé. Ce rapport de synthèse, qui est substantiellement identique au projet d’avis définitif mentionné au point 25 ci-dessus, se compose en substance de deux parties, dont la première correspond au premier avis du comité pédiatrique (voir point 23 ci-dessus), tandis que la seconde est consacrée au réexamen de ce premier avis.

28      Ainsi, l’EMEA indique que l’échocardiographie réalisée avec du perflubutane est proposée par la requérante comme étant une méthode destinée à révéler les anomalies de perfusion myocardique. Or, l’EMEA précise que les causes possibles de ces anomalies peuvent résider dans différentes maladies cardiaques qui existent tant chez les adultes que chez les enfants. Elle ajoute que, parmi ces anomalies, se trouveraient non seulement l’athérosclérose coronaire, mais aussi des défauts cardiaques congénitaux, des anomalies coronaires, des cardiomyopathies, des problèmes coronaires consécutifs à une intervention chirurgicale pour des défauts cardiaques congénitaux et des problèmes coronaires acquis faisant suite à une vascularite telle que le syndrome de Kawasaki. Étant donné que les anomalies de perfusion myocardique existent effectivement dans la population pédiatrique, une dérogation ne saurait être accordée au motif que l’une des maladies sous-jacentes, à savoir une MAC, n’existe pas chez l’enfant. En effet, l’affection que l’agent Imagify est destiné à examiner concernerait celle des anomalies de perfusion myocardique et non une MAC ou une autre maladie sous‑jacente.

29      L’EMEA estime que la demande de dérogation doit traiter la question de l’affection et non celle de l’indication envisagée, dans la mesure où cette dernière peut être limitée pour des raisons commerciales ou autres. L’affection de troubles de perfusion myocardique existant chez l’enfant, il serait probable que l’agent Imagify, s’il est bénéfique pour les adultes comme le prétend la requérante, sera tôt ou tard appliqué en pédiatrie. En effet, un certain nombre de patients pédiatriques présentant des troubles de perfusion myocardique pourraient bénéficier de cette technique et éviter ainsi des techniques plus invasives.

30      L’EMEA considère que le diagnostic de perfusion myocardique est l’objectif visé, même si la requérante a choisi de le démontrer chez des patients atteints d’une maladie de l’artère coronaire. Elle précise que, si l’objectif stratégique de la requérante est ainsi d’obtenir une ACMM uniquement pour l’indication spécifique du diagnostic des MAC chez l’adulte, car il s’agit de la cause la plus fréquente d’anomalie de perfusion myocardique chez l’adulte, il ne lui appartient pas de se prononcer sur le caractère acceptable de cette stratégie. Selon l’EMEA, son différend avec la requérante tient essentiellement au fait que l’agent Imagify n’est pas destiné au traitement d’une affection ou d’une maladie, mais qu’il est conçu comme un outil diagnostique ayant une application potentiellement plus large qu’un traitement ciblé. L’EMEA suggère à la requérante de solliciter un report, pour ne pas retarder l’autorisation du produit pour les adultes, jusqu’à ce que l’expérience en termes d’efficacité et de sécurité de l’agent Imagify soit plus importante.

31      La décision attaquée a été notifiée à la requérante le 2 décembre 2008.

 Procédure et conclusions des parties

32      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 février 2009, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de la décision attaquée au motif que cette dernière, d’une part, est fondée sur une application erronée de l’expression « maladie ou affection au traitement de laquelle le médicament [...] est destiné » au sens de l’article 11, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1901/2006 en ce qu’elle ne tient pas compte de l’indication thérapeutique décrite dans la demande d’ACMM et que les défauts de perfusion myocardique ne sont ni une maladie ni une affection, mais un signe commun à diverses maladies et, d’autre part, constitue une tentative par l’EMEA de détourner les pouvoirs que lui confère le règlement n° 1901/2006 afin d’atteindre un objectif qui n’est pas envisagé par ce règlement, à savoir l’obligation de proposer un PIP pour des indications qui ne sont pas couvertes par la demande d’ACMM.

33      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de la décision attaquée ;

–        ordonner à l’EMEA d’engager à titre provisoire la procédure prévue par le règlement nº 726/2004 pour la délivrance d’une ACMM pour l’agent Imagify, et

–        si la procédure de délivrance devait aboutir à un avis de l’EMEA au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement nº 726/2004 avant qu’un arrêt ne soit rendu au principal, suspendre la procédure devant elle en attendant la procédure au fond et, le cas échéant, l’octroi d’une dérogation, ou

–        si cette procédure d’octroi n’a pas abouti à un tel avis avant qu’un arrêt ne soit rendu au principal, mettre fin à la procédure d’octroi si le recours principal en annulation est rejeté ou suspendre la procédure d’octroi dont elle est saisie en attendant qu’une dérogation soit accordée si le recours au principal est accueilli ;

–        ordonner toute autre mesure provisoire considérée comme appropriée ;

–        ordonner ces mesures dans l’attente de l’adoption d’une ordonnance qui mettra fin à la présente procédure de référé, conformément à l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal ;

–        condamner l’EMEA aux dépens.

34      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 18 février 2009, la requérante a introduit une demande de procédure accélérée, au titre de l’article 76 bis du règlement de procédure.

35      Dans ses observations écrites sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 27 février 2009, l’EMEA conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

36      Après le dépôt par l’EMEA de ses observations, la requérante a, par mémoire du 6 mars 2009, présenté une réplique. Par mémoire du 17 mars 2009, l’EMEA a pris position sur cette réplique et a répondu à des questions écrites du président du Tribunal. Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 2 avril 2009, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a demandé à intervenir au soutien des conclusions de l’EMEA.

 En droit

37      En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

38      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient édictés et sortent leurs effets dès avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes en référé doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

39      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

40      Enfin, il importe de souligner que l’article 242 CE pose le principe du caractère non suspensif des recours (ordonnance du président de la Cour du 25 juillet 2000, Pays-Bas/Parlement et Conseil, C‑377/98 R, Rec. p. I‑6229, point 44, et ordonnance du président du Tribunal du 28 juin 2000, Cho Yang Shipping/Commission, T‑191/98 R II, Rec. p. II‑2551, point 42). Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires.

41      Eu égard aux éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de toutes les informations nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

42      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition de l’urgence est remplie.

 Arguments des parties

43      La requérante fait valoir qu’elle subira un préjudice grave et irréparable en l’absence des mesures provisoires demandées. En effet, l’introduction de l’agent Imagify sur le marché serait retardée pendant toute la période au cours de laquelle la dérogation sollicitée ne serait pas accordée. Pendant cette période, la requérante subirait un manque à gagner et une perte de bénéfices sur les ventes de l’agent Imagify.

44      La requérante ajoute que ce retard signifie aussi qu’elle perdra une partie de la période effective de protection des brevets accordés pour l’agent Imagify. En effet, la période de protection de 20 années conférée à l’agent Imagify aurait commencé le 27 février 1997 avec le dépôt de la première demande de brevet et prendrait donc fin le 27 février 2017. La requérante ne pourrait pas bénéficier des avantages découlant de cette protection avant d’obtenir l’ACMM. La période de protection du brevet pourrait certes être étendue au-delà de la période de 20 ans par l’octroi d’un certificat complémentaire de protection, mais la période effective résultant du refus de la dérogation demandée serait toujours plus courte que celle que la requérante aurait obtenue si la dérogation avait été accordée.

45      La requérante soutient que tout retard dans le lancement d’un produit protégé par des brevets aura un impact considérable sur le chiffre d’affaires relatif au cycle de vie de ce produit. L’entrée tardive du produit sur le marché retarderait les ventes, le chiffre d’affaires potentiel ne devant pas être calculé sur la base de la première année au cours de laquelle les ventes sont peu élevées, mais sur la base de celle précédant la perte d’exclusivité, lorsque les ventes du produit sont les plus élevées. En outre, la modification de l’ordre d’arrivée de l’agent Imagify sur le marché par rapport à d’autres produits aurait un impact important sur sa position au sein du marché si elle arrive sur le marché en tant que fabricant du deuxième produit d’imagerie des défauts de perfusion par ultrason mis sur le marché au lieu d’être le fabricant du premier produit de ce type mis sur le marché, comme ce serait envisagé actuellement.

46      S’agissant du caractère irréparable du préjudice invoqué, la requérante admet que l’article 72, paragraphe 2, du règlement nº 726/2004 fixe un régime de responsabilité non contractuelle pour l’EMEA, analogue à celui que prévoient les articles 235 CE et 288 CE pour les institutions communautaires. Elle estime, toutefois, que la perte de chiffre d’affaires et de bénéfices ainsi que le raccourcissement de la période de protection de son brevet ne peuvent pas être compensés, du point de vue économique, par l’octroi de dommages et intérêts. En effet, le droit à la réparation du préjudice subi serait subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché à l’institution communautaire concernée, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué.

47      Or, même si le Tribunal faisait droit au recours principal en annulation et déclarait donc illégale la décision attaquée, il incomberait alors à la requérante de démontrer, selon une jurisprudence constante (arrêt de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, points 41 à 43), que l’EMEA a méconnu de manière manifeste et grave les limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation en refusant la dérogation demandée. Compte tenu de l’étendue de ce pouvoir, la réparation ultérieure du préjudice subi s’avérerait, pour le moins, incertaine. En outre, si la requérante introduisait un recours en dommages et intérêts contre l’EMEA, elle aurait des difficultés considérables à chiffrer le préjudice subi dans la mesure où celui-ci dépendrait des implications financières qui auraient caractérisé la situation inverse, dans l’hypothèse où la dérogation ainsi que l’ACMM consécutive auraient été accordées.

48      La requérante en conclut que, même si elle parvenait à compenser ses pertes financières en introduisant un recours en dommages et intérêts contre l’EMEA, le préjudice serait toujours grave et irréparable, parce que sa position sur le marché concerné aurait été affectée de façon irrémédiable. En effet, tous les marchés de produits pharmaceutiques seraient des marchés d’innovation. La concurrence sur des marchés d’innovation tels que celui en cause ne serait pas caractérisée par une compétition statique autour des parts de marché, mais par une compétition dynamique pour des positions auxquelles de nouveaux produits innovants permettraient d’accéder. Le temps jouerait donc un rôle essentiel en ce qu’un nouveau médicament serait introduit sur le marché dès qu’il aurait été développé.

49      À cet égard, la requérante précise que, si, au cours de la procédure au fond, une autre société pharmaceutique se voyait accorder une ACMM pour un produit pharmaceutique relatif à un agent d’imagerie échocardiographique ultrasonore, elle acquerrait entre-temps pour ce produit concurrent une part de marché qu’elle n’aurait pas acquise en présence de l’agent Imagify. Dès lors, la requérante ne serait pas en mesure de couvrir ses frais de développement et serait donc exposée à un préjudice sérieux et immédiat dont les effets ne pourraient être compensés par la perspective d’une indemnité future d’un montant indéterminé.

50      Selon la requérante, le marché pharmaceutique est également caractérisé par la complexité technique des produits ainsi que par le niveau élevé d’investissements nécessaires pour le développement des produits. Par conséquent, la concurrence sur ce marché jouerait lors de l’introduction de nouveaux produits ou d’innovations sur le marché. Par la suite, compte tenu des droits de propriété intellectuelle et du fait que le produit du titulaire de l’ACMM deviendrait le produit préféré sur ce marché, les produits concurrents auraient de sérieuses difficultés à entrer sur le marché et à s’y faire une place importante. Il lui serait donc essentiel de lancer l’agent Imagify sur le marché, de s’y faire une place et de défendre sa position, car tout retard dans le traitement de sa demande d’ACMM nuirait à sa présence commerciale sur le marché pharmaceutique.

51      En effet, le marché des produits de diagnostic cardiaque évoluerait actuellement vers des méthodes plus coûteuses, telles que la résonance magnétique et le scanner. Plus l’agent Imagify entrerait tardivement sur le marché, plus ces autres méthodes auraient été introduites dans les centres, lesquels seraient donc devenus dépendants de ces technologies concurrentes, ce qui les rendrait plus réticents à utiliser une imagerie de perfusion qui réduirait à néant la valeur des investissements consacrés à d’autres techniques.

52      La requérante souligne encore la nécessité des mesures provisoires demandées en ce sens qu’une demande d’approbation d’un PIP, au titre de l’article 15 du règlement n° 1901/2006, accompagnée d’une demande de report, au titre de l’article 20 de ce règlement, ne serait pas une option pour elle.

53      En effet, en présentant une demande d’approbation d’un PIP, la requérante devrait préciser, conformément au paragraphe 2 de l’article 15 du règlement n° 1901/2006, le calendrier envisagé et les mesures prévues pour évaluer la qualité, la sécurité et l’efficacité de l’agent Imagify dans les sous-catégories de la population pédiatrique susceptibles d’être concernées. Selon la requérante, de telles mesures seraient contraires à l’éthique dès lors qu’elles prévoiraient l’expérimentation sur des mineurs de l’agent Imagify comme agent de diagnostic pour tous les types de défauts de perfusion myocardique, alors que l’agent Imagify n’a été testé sur des adultes que pour diagnostiquer des MAC chez des patients ayant une suspicion d’ischémie myocardique transitoire, et ce en violation de l’article 4, sous e), de la directive 2001/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 avril 2001, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’application de bonnes pratiques cliniques dans la conduite d’essais cliniques de médicaments à usage humain (JO L 121, p. 34).

54      En outre, s’il était accordé, le report devrait toujours préciser les délais à respecter pour le commencement ou l’achèvement des mesures concernées, conformément aux dispositions de l’article 21, paragraphe 1, du règlement n° 1901/2006. La requérante devrait donc en tout état de cause mener, à un moment donné, les essais pédiatriques prévus par le PIP. Or, cela signifierait que des « études irréparables et intrinsèquement risquées [seraient] effectuées sur des adultes et des mineurs ».

55      L’EMEA fait valoir que la condition relative à l’urgence n’est pas remplie en l’espèce, la requérante n’ayant pas établi, à suffisance de droit, que le préjudice invoqué est suffisamment prévisible, grave et irréparable.

56      En effet, la requérante ne connaîtrait actuellement aucun préjudice et le préjudice allégué serait plutôt causé par le retard d’une future mise sur le marché. Toutefois, il ne serait absolument pas certain que la procédure d’ACMM débouche sur un résultat favorable pour la requérante. Dans l’éventualité où la décision attaquée serait annulée lors de la procédure au principal, il serait toujours nécessaire qu’une dérogation soit accordée ultérieurement et, surtout, que la requérante se voie accorder une ACMM.

57      Par ailleurs, la requérante resterait en défaut de démontrer sa position sur le marché concerné, à savoir sa position actuelle et estimée dans l’hypothèse où elle recevrait une ACMM pour l’agent Imagify, soit après l’adoption des mesures provisoires demandées, soit après la fin du litige au principal, et de présenter une estimation de la perte du chiffre d’affaires et du bénéfice qui serait causée par l’impossibilité de vendre l’agent Imagify, notamment par une référence à des études de pénétration du marché, des informations sur les patients cibles et les produits alternatifs disponibles sur le marché. Elle n’aurait fourni aucune preuve précise permettant d’évaluer dans quelle mesure sa position serait affectée si une autre société pharmaceutique pénétrait le marché avec un produit concurrent et obtenait des parts de marché qu’elle n’aurait pas obtenues si l’agent Imagify avait reçu son ACMM préalablement, notamment une identification d’un tel concurrent et d’éventuels produits concurrents, et l’impact estimé en termes de parts de marché. Les affirmations avancées par la requérante resteraient donc hypothétiques, ce qui ne satisferait pas à la condition de prévisibilité du préjudice allégué avec le degré de probabilité nécessaire.

58      À supposer même que la requérante ait démontré qu’elle perdrait une partie importante de ses parts de marché si sa demande en référé était rejetée, elle n’aurait pas prouvé l’impact d’une telle perte de parts de marché sur ses activités dans le cadre du groupe auquel elle appartient.

 Appréciation du juge des référés

59      Le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires. C’est à cette dernière partie qu’il appartient d’établir qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au principal sans avoir à subir un préjudice de cette nature (voir ordonnances du président du Tribunal du 15 novembre 2001, Duales System Deutschland/Commission, T‑151/01 R, Rec. p. II‑3295, point 187 ; du 20 septembre 2005, Deloitte Business Advisory/Commission, T‑195/05 R, Rec. p. II‑3485, point 124, et du 25 avril 2008, Vakakis/Commission, T‑41/08 R, non publiée au Recueil, point 52, et la jurisprudence citée), ce qui suppose qu’elle fournisse des indications concrètes permettant au juge des référés d’apprécier les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées (ordonnance du président de la Cour du 22 janvier 1988, Top Hit Holzvertrieb/Commission, 378/87 R, Rec. p. 161, point 18 ; ordonnances du président du Tribunal du 18 octobre 2001, Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/Commission, T‑196/01 R, Rec. p. II‑3107, point 32, et du 3 juillet 2000, Carotti/Cour des comptes, T‑163/00 R, RecFP p. I‑A‑133 et II‑607, point 8 ; ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 16 juillet 1999, Hortiplant/Commission, T‑143/99 R, Rec. p. II‑2451, point 18).

60      En outre, le préjudice allégué doit être certain ou, à tout le moins, établi avec une probabilité suffisante, étant précisé que la partie requérante demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective de ce préjudice. Un préjudice de nature purement hypothétique, en ce qu’il est fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains, ne saurait justifier l’octroi des mesures provisoires [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67 ; ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Le Canne/Commission, T‑241/00 R, Rec. p. II‑37, point 37, et du 19 décembre 2001, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 R et T‑207/01 R, Rec. p. II‑3915, point 101].

61      Par ailleurs, les éléments destinés à établir l’imminence d’un préjudice grave et irréparable doivent figurer dans la demande en référé. En effet, il est de jurisprudence bien établie qu’une demande en référé doit permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir du texte même de la demande en référé (ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R, Rec. p. II‑15, point 34 ; du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission, T‑306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 52, et du 23 mai 2005, Dimos Ano Liosion e.a./Commission, T‑85/05 R, Rec. p. II‑1721, point 37).

62      Il s’ensuit qu’une demande en référé ne saurait être utilement complétée, en vue de remédier à des déficiences, par un mémoire postérieur, déposé par la partie requérante, le cas échéant, en réponse aux observations de la partie adverse. L’ouverture d’une telle possibilité de « rattrapage » serait incompatible non seulement avec la célérité requise en matière de référé, mais aussi, et surtout, avec l’esprit de l’article 109 du règlement de procédure en vertu duquel, en cas de rejet d’une demande en référé, la partie requérante ne peut présenter une autre demande que si cette dernière est « fondée sur des faits nouveaux ».

63      En l’espèce, la requérante soutient que le préjudice subi en l’absence des mesures provisoires demandées sera causé par le retard dans l’introduction de l’agent Imagify sur le marché et par la perte d’une partie correspondante de la période de protection de ses brevets. Elle souligne l’impact important de ce retard sur sa position au sein du marché des produits de diagnostic cardiaque et la nécessité pour elle d’introduire l’agent Imagify sur ce marché comme le premier produit d’imagerie par ultrason, afin d’éviter qu’une autre entreprise pharmaceutique prenne les devants et obtienne une ACMM pour un produit concurrent, et acquière ainsi une part de marché qu’elle ne pourrait acquérir en présence de l’agent Imagify sur le marché.

64      Or, le préjudice causé par un tel retard dans la mise sur le marché du produit en cause, loin de pouvoir être qualifié de certain ou, à tout le moins, de suffisamment probable, a un caractère purement hypothétique en ce qu’il suppose la survenance d’événements futurs et incertains, au sens de la jurisprudence citée au point 60 ci-dessus. En effet, l’introduction de ce produit sur le marché ne peut nullement être tenue pour acquise, mais dépend de l’octroi, par la Commission, d’une ACMM, dont la requérante indique expressément qu’elle « va [la] demander » (point 5 de la demande en référé) après avoir passé avec succès la procédure de validation pendante devant l’EMEA. S’agissant de cette future procédure d’autorisation devant la Commission, la requérante n’a pas allégué et encore moins établi qu’elle aboutirait à l’octroi de l’ACMM, en ce sens que l’octroi de cette dernière ne constituerait qu’une simple formalité.

65      En outre, la requérante s’est abstenue de préciser, dans la demande en référé, la probabilité du risque concret qu’elle soit dépassée, dans la course à la mise sur le marché, par une autre entreprise pharmaceutique qui parviendrait à commercialiser son produit concurrent avant que l’agent Imagify puisse être vendu. Elle s’est contentée de décrire abstraitement les particularités du marché des produits de diagnostic cardiaque sur lequel règnerait une concurrence dynamique, sans identifier les entreprises concurrentes qui auraient initié la procédure d’obtention de l’ACMM nécessaire pour un ou plusieurs produits susceptibles d’être substitués à l’agent Imagify.

66      Il est vrai que, dans sa réplique du 6 mars 2009, la requérante a mentionné quelques entreprises, produits et techniques qui seraient susceptibles d’entrer en concurrence avec elle et son agent Imagify. Cependant, ces informations auraient dû être exposées dans le texte même de la demande en référé (voir points 61 et 62 ci-dessus) et la requérante n’a pas établi qu’elle était empêchée de le faire. En tout état de cause, ces nouvelles informations sont trop vagues pour pouvoir démontrer que la requérante serait exposée à un risque concurrentiel concret si la demande en référé était rejetée, l’entrée sur le marché des produits prétendument concurrents étant purement hypothétique.

67      S’agissant de la nature du préjudice invoqué, la requérante fait valoir que, pendant la période durant laquelle la mise sur le marché de l’agent Imagify est retardée, elle risquera de subir un manque à gagner et une perte de bénéfices sur les ventes de l’agent Imagify ainsi qu’une réduction de la période effective de protection des brevets accordés pour ce produit, tout retard dans le lancement d’un produit protégé par des brevets ayant un impact considérable sur le chiffre d’affaires réalisé avec ce produit.

68      Ainsi, la requérante invoque un préjudice qui doit être considéré comme étant d’ordre purement financier, en ce qu’il consiste en la perte des revenus susceptibles d’être tirés des futures ventes d’un produit protégé par des brevets.

69      Il est vrai que la requérante semble s’opposer à la nature purement financière du préjudice invoqué, en faisant valoir qu’elle aurait des difficultés considérables à chiffrer ce préjudice dans un recours en indemnité et que ce préjudice resterait grave et irréparable même si les pertes financières subies étaient compensées dans le cadre d’un recours en indemnité, du fait que sa position sur le marché concerné aurait été affectée de façon irrémédiable. Toutefois, loin d’établir l’impossibilité objective de chiffrer le préjudice invoqué, la requérante se borne à alléguer des difficultés à cet égard, lesquelles ne l’ont d’ailleurs pas empêchée de présenter, dans les annexes à sa réplique du 6 mars 2009 et donc tardivement (voir points 61 et 62 ci-dessus) des estimations chiffrées qui y sont relatives. Il s’avère donc que la requérante, en alléguant de telles difficultés, vise plutôt à démontrer le caractère irréparable du préjudice, dû à la prétendue incertitude d’une réparation dans le cadre d’un recours en indemnité (voir points 71 à 73 ci-après). Quant à l’affectation alléguée de sa future position sur le marché en cause, elle ne saurait être qualifiée, en soi, de préjudice non financier. En effet, une part de marché se traduit, à l’évidence, en des termes financiers, son détenteur ne pouvant en bénéficier que dans la mesure où elle lui procure des revenus.

70      Or, il est de jurisprudence bien établie qu’un préjudice d’ordre purement financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut normalement faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [ordonnance du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, point 113 ; ordonnance du président du Tribunal du 27 août 2008, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 R, non publiée au Recueil, point 33].

71      En l’espèce, la requérante a expressément admis le principe d’une compensation pécuniaire en application du régime de responsabilité non contractuelle instauré par l’article 72, paragraphe 2, du règlement nº 726/2004, à l’instar des articles 235 CE et 288 CE, tout en estimant que la réparation ultérieure du préjudice subi s’avérerait, pour le moins, incertaine en l’espèce, étant donné qu’il lui serait très difficile de chiffrer le préjudice subi et d’établir que l’EMEA, qui dispose d’un large pouvoir d’appréciation en la matière, a méconnu les limites de ce pouvoir de manière manifeste et grave en refusant la dérogation demandée (voir points 46 et 47 ci-dessus). Au soutien de cette thèse, la requérante s’est référée à l’ordonnance du président du Tribunal du 1er août 2001, Euroalliages e.a./Commission (T‑132/01 R, Rec. p. II‑2307, point 74).

72      À cet égard, force est de constater que l’ordonnance Euroalliages e.a./Commission, point 71 supra, a été annulée, sur pourvoi, par l’ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 2001, Commission/Euroalliages e.a. [C‑404/01 P(R), Rec. p. I‑10367, points 70 à 75]. Dans cette ordonnance, le président de la Cour, après avoir rappelé la jurisprudence en matière de référé relative à la possibilité d’obtenir une compensation pécuniaire dans le cadre d’un recours en indemnité, a relevé que la Cour n’avait jamais examiné, dans cette jurisprudence, les probabilités concrètes de succès d’un éventuel recours en dommages et intérêts qui pourrait être intenté à la suite d’une éventuelle annulation de l’acte attaqué. Le président de la Cour a exclu que l’incertitude liée à la réparation d’un préjudice pécuniaire dans le cadre d’un tel recours puisse être considérée, en elle-même, comme une circonstance de nature à établir le caractère irréparable du préjudice, étant donné que, au stade du référé, la possibilité d’obtenir ultérieurement réparation d’un préjudice pécuniaire dans le cadre d’un recours en dommages et intérêts est nécessairement incertaine. Or, la procédure en référé n’a pas pour objet de se substituer à un recours en dommages et intérêts pour éliminer cette incertitude. Enfin, le président de la Cour a relevé que cette conclusion n’était pas affectée par le lien entre le large pouvoir d’appréciation éventuellement reconnu à l’institution défenderesse et l’incertitude du succès de l’éventuel recours en dommages et intérêts, puisque, si ce critère était systématiquement appliqué, le caractère irréparable du préjudice serait fonction des caractéristiques de l’acte attaqué, et non des circonstances propres au requérant.

73      Il découle de cette ordonnance du président de la Cour que la seule possibilité de former un recours en indemnité suffit à attester du caractère en principe réparable d’un préjudice financier. Dans le cadre de la présente procédure de référé, il n’y a dès lors pas lieu de tenir compte de l’incertitude du succès de l’éventuel recours en indemnité que la requérante pourrait former si la décision attaquée était annulée pour établir le caractère réparable ou non du préjudice financier invoqué.

74      Il s’ensuit que ce préjudice ne saurait revêtir en l’espèce un caractère irréparable que si la requérante se trouvait, en l’absence des mesures provisoires demandées, dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de l’arrêt mettant fin à la procédure au principal (ordonnance Melli Bank/Conseil, point 70 supra, point 34).

75      Or, la requérante n’a pas affirmé, et encore moins établi, que tel serait le cas si sa demande en référé était rejetée.

76      Il convient d’ajouter que, dans ce contexte, la jurisprudence a également tenu compte du fait que, en l’absence de la mesure provisoire sollicitée, les parts de marché du requérant seraient modifiées de manière irrémédiable (ordonnances du président du Tribunal du 30 juin 1999, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99 R, Rec. p. II‑1961, point 138, et du 11 avril 2003, Solvay Pharmaceuticals/Conseil, T‑392/02 R, Rec. p. II‑1825, point 107). Toutefois, ce cas de figure ne saurait être mis sur un pied d’égalité avec celui du risque de la disparition du marché et justifier l’adoption de la mesure provisoire demandée que si la modification irrémédiable des parts de marché présente aussi un caractère grave, ce qui implique que la part de marché risquant d’être irrémédiablement perdue doive être suffisamment importante (ordonnance Melli Bank/Conseil, point 70 supra, point 35 ; voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 16 janvier 2004, Arizona Chemical e.a./Commission, T-369/03 R, Rec. p. II-205, points 83 et 84).

77      À cet égard, il s’agit d’apprécier si le préjudice allégué peut être qualifié de grave au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de l’entreprise requérante ainsi que des caractéristiques du groupe auquel elle appartient [voir ordonnance du président de la Cour du 15 avril 1998, Camar/Commission et Conseil, C‑43/98 P(R), Rec. p. I‑1815, point 36, et la jurisprudence citée, et ordonnance du président du Tribunal du 4 décembre 2007, Cheminova e.a./Commission, T‑326/07 R, Rec. p. II‑4877, point 102].

78      Cette approche repose sur l’idée que les intérêts objectifs de l’entreprise concernée ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des personnes qui la contrôlent. Le caractère grave et irréparable du dommage allégué doit donc être apprécié également par rapport à la situation financière des personnes qui contrôlent l’entreprise. Cette coïncidence des intérêts justifie en particulier que l’intérêt de l’entreprise concernée à survivre ne soit pas apprécié indépendamment de l’intérêt que ceux qui la contrôlent portent à sa pérennité (ordonnance Melli Bank/Conseil, point 70 supra, point 38).

79      En l’espèce, il y a lieu de rappeler que la part de marché que la requérante craint de perdre en l’absence des mesures provisoires sollicitées n’a pas encore été constituée, mais dépend de la survenance d’événements futurs et incertains, à savoir l’octroi d’une ACMM, étant précisé qu’elle n’a pas encore introduit la demande qui y est relative (voir point 64 ci-dessus). Par conséquent, il n’est pas certain, ni suffisamment probable, que l’agent Imagify puisse un jour être mis sur le marché et que la part de marché concernée soit jamais acquise par la requérante. S’agissant d’un préjudice purement hypothétique, il ne saurait donc être pris en considération dans le présent contexte.

80      Par ailleurs, la requérante n’a fourni à aucun stade de la procédure d’éléments permettant d’apprécier les caractéristiques financières du groupe Nycomed auquel elle appartient, ni d’ailleurs aucun élément fiable de nature à démontrer que d’autres sociétés membres de ce groupe n’auraient pas intérêt à la soutenir financièrement, alors que de telles précisions auraient dû être exposées dans le texte de la demande en référé (voir point 61 ci-dessus). En conséquence, le juge des référés est dans l’impossibilité d’examiner concrètement la gravité du préjudice allégué par la requérante en mettant en relation ce préjudice avec le chiffre d’affaires total du groupe Nycomed qui s’est élevé à 3,3 milliards d’euros en 2008, ainsi qu’il ressort de sources Internet publiquement accessibles (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 26 février 2007, Sumitomo Chemical Agro Europe/Commission, T‑416/06 R, non publiée au Recueil, points 71 et 72, et Melli Bank/Conseil, point 70 supra, point 44).

81      Il résulte de ce qui précède que la requérante n’est pas parvenue à établir que le préjudice invoqué peut être considéré comme grave et irréparable.

82      Enfin, il est de jurisprudence bien établie (voir ordonnance du président du Tribunal du 15 juillet 2008, CLL Centres de langues/Commission, T‑202/08 R, non publiée au Recueil, point 73, et la jurisprudence citée) que l’urgence à ordonner une mesure provisoire doit résulter des effets produits par l’acte litigieux et non d’un manque de diligence du demandeur de ladite mesure. En effet, il incombe à ce dernier, au risque de devoir supporter lui-même le préjudice comme faisant partie des « risques de l’entreprise », de faire preuve d’une diligence raisonnable pour en limiter l’étendue.

83      En l’espèce, il y a lieu de rappeler que, au cours de la procédure devant l’EMEA, la requérante a été informée, dès le 8 mai 2008, de la réticence du comité pédiatrique à se prononcer en faveur de la demande de dérogation (voir point 22 ci-dessus). Cette réticence a été confirmée par les prises de position officielles successives dudit comité, du 19 septembre ainsi que des 3 et 14 novembre 2008, qui recommandaient le refus de la dérogation demandée (voir points 23 à 26 ci-dessus). C’est dans le projet d’avis définitif du 3 novembre 2008 (voir point 25 ci-dessus) que le comité pédiatrique s’est prononcé contre l’octroi d’une dérogation, en soulignant que l’agent Imagify était conçu pour identifier les défauts de perfusion myocardique, que cette affection pouvait être à l’origine de différentes maladies sous‑jacentes qui entraînaient toutes de tels défauts de perfusion et que ces défauts pouvaient également être provoqués par des maladies existant chez les enfants. Il indique que le différend avec la requérante tient essentiellement au fait que l’agent Imagify n’est pas destiné au traitement d’une affection ou d’une maladie, mais qu’il est conçu comme un outil diagnostique qui a une application potentiellement plus large qu’un traitement ciblé et il propose, à la requérante, d’introduire une demande de report au titre des articles 20 et 21 du règlement n° 1901/2006.

84      Dans cette situation, la requérante, si elle entendait réellement réduire au strict minimum tout retard dans la mise sur le marché de l’agent Imagify, aurait pu présenter, en opérateur économique prudent et averti, une demande de report, telle que suggérée par le comité pédiatrique, accompagnée d’une demande d’approbation d’un PIP. Le dossier relatif à ces demandes aurait pu être utilement préparé dès le mois de mai 2008 et les demandes auraient dû être déposées auprès de l’EMEA au plus tard après la réception par la requérante de la décision attaquée, soit au début du mois de décembre 2008. À cette occasion, la requérante aurait pu indiquer que ces demandes n’avaient été introduites que par précaution et qu’elle se réservait le droit de saisir le Tribunal d’un recours visant à l’annulation du refus de la dérogation sollicitée et, en cas d’annulation de la décision attaquée, d’un recours en indemnité en vue de récupérer auprès de l’EMEA les coûts inutilement exposés.

85      En effet, premièrement, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le fumus boni juris, il convient de relever que la requérante devait être consciente de ce que la motivation fournie par le comité pédiatrique (voir point 25 ci-dessus) et reprise par l’EMEA dans la décision attaquée (voir points 27 à 30) ne pouvait d’emblée être considérée comme totalement aberrante. Par ailleurs, la requérante a, elle-même, décrit l’agent Imagify comme étant un « produit d’imagerie des défauts de perfusion par ultrason » et déclaré que le marché concerné était celui « des agents et des technologies utilisés pour l’imagerie de la perfusion myocardique ». Le fait de se concentrer sur la seule demande de dérogation représente un choix effectué par la requérante dans le cadre de sa politique commerciale, dont elle doit assumer le risque économique.

86      Deuxièmement, la requérante n’a fourni aucun élément permettant de considérer qu’elle aurait été financièrement incapable de supporter les coûts afférents à une demande de report, accompagnée d’une demande d’approbation d’un PIP, et à la mise en œuvre des essais pédiatriques prévus par le PIP.

87      Troisièmement, la requérante n’est pas parvenue à établir que la réglementation pertinente l’empêchait de procéder, en l’espèce, par voie de demande de report et d’approbation d’un PIP. Elle s’est contentée d’affirmer qu’elle ne pourrait pas présenter un PIP susceptible d’être approuvé par l’EMEA et que, même en cas de report, elle serait obligée de procéder ultérieurement aux essais pédiatriques prévus par le PIP, ce qui signifierait que des « études irréparables et intrinsèquement risquées auront été effectuées sur des adultes et des mineurs ».

88      Il s’agit là de pures affirmations non étayées qui semblent, d’ailleurs, contredites par le fait que l’EMEA a explicitement, et en connaissance des particularités du cas présenté par la requérante, proposé à cette dernière d’introduire une demande de report, accompagnée d’une demande d’approbation d’un PIP. Quant aux prétendus risques pour les mineurs, il suffit de rappeler que la requérante a fondé sa demande de dérogation uniquement sur l’article 11, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1901/2006, alors qu’elle n’a pas mentionné l’article 11, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, qui vise l’hypothèse d’un médicament n’étant pas sûr pour la population pédiatrique (voir points 11 et 21 ci-dessus). Elle ne saurait donc, sans fournir la moindre précision à cet égard, utilement invoquer des dangers pour les mineurs dans le présent contexte.

89      La requérante fait encore valoir que les essais pédiatriques prévus par un PIP seraient contraires à l’éthique, du fait que l’agent Imagify n’a été testé que sur des adultes et que l’article 4, sous e), de la directive 2001/20 interdit de pratiquer des essais sur des mineurs, à moins que les mêmes essais aient déjà été conduits dans une population adulte. Dans ce contexte, la requérante se réfère aussi aux principes éthiques figurant dans la déclaration d’Helsinki, visée à l’article 3, second alinéa, de la directive 2005/28/CE de la Commission, du 8 avril 2005, fixant des principes et des lignes directrices détaillées relatifs à l’application de bonnes pratiques cliniques en ce qui concerne les médicaments expérimentaux à usage humain, ainsi que les exigences pour l’octroi de l’autorisation de fabriquer ou d’importer ces médicaments (JO L 91, p. 13).

90      Ce faisant, d’une part, la requérante se limite à renvoyer au texte de l’article 4, sous e), de la directive 2001/20. Cette disposition permet, toutefois, l’exécution d’essais cliniques sur des mineurs, notamment, s’il s’agit de valider des données obtenues dans des essais cliniques sur des personnes capables de donner leur consentement éclairé « ou par d’autres méthodes de recherche ». Or, la requérante n’a pas allégué, et encore moins établi, qu’il était exclu de considérer les essais cliniques pratiqués sur des adultes, comme ceux qui ont été menés pour tester l’agent Imagify, comme étant de telles « autres méthodes de recherche ». D’autre part, son simple renvoi au texte de l’article 3, second alinéa, de la directive 2005/28, aux termes duquel « [l]es essais cliniques sont menés dans le respect de la déclaration d’Helsinki sur les principes éthiques applicables aux recherches médicales sur des sujets humains, adoptée par l’assemblée générale de l’Association médicale mondiale (1996) », n’est, en l’absence d’autres précisions factuelles ou juridiques, a priori d’aucune utilité pour sa thèse selon laquelle le dépôt d’un projet de PIP accompagné d’une demande de report ne serait pas une option pour elle.

91      En ce qui concerne l’argument tiré du caractère non éthique des essais pédiatriques prévus par un PIP, il y a lieu, à ce stade, de constater à nouveau la nature vague et non étayée de cette affirmation. En outre, l’EMEA, l’instance publique compétente en la matière, a proposé à la requérante de présenter une demande de report, accompagnée du dépôt d’un projet de PIP. Il s’ensuit nécessairement que cette instance ne considère pas que la réalisation d’essais cliniques pédiatriques serait contraire aux principes éthiques dans le cas de la requérante.

92      Il s’ensuit que la présentation par la requérante d’une demande de report accompagnée d’un projet de PIP aurait pu être susceptible d’avoir pour effet de réduire sensiblement le délai de lancement de la procédure d’octroi ou de refus d’une ACMM pour l’agent Imagify. À cet égard, ainsi que l’EMEA l’a, par ailleurs, indiqué, dans le cas présent, s’agissant d’un médicament susceptible d’être utilisé à la fois par des populations adultes et pédiatriques, si le comité pédiatrique avait accordé un report des études – la requérante n’ayant pas établi les raisons pour lesquelles un tel report n’aurait pas pu être accordé –, il n’aurait en principe pas été nécessaire pour celle-ci d’effectuer les études pédiatriques avant l’évaluation de l’ACMM pour l’indication adulte et, encore moins, avant la présentation de la demande d’ACMM.

93      Il résulte de ce qui précède que la situation à l’origine de la présente demande en référé est le résultat d’un libre choix que la requérante a fait dans le cadre de la mise en œuvre de sa stratégie commerciale. Le préjudice allégué ne saurait donc justifier l’urgence à ordonner les mesures provisoires demandées.

94      En conséquence, la présente demande en référé doit être rejetée pour défaut d’urgence, sans qu’il soit besoin d’examiner, d’une part, si elle est recevable – ce que l’EMEA conteste en soutenant que les mesures provisoires sollicitées vont au-delà de ce que la requérante peut obtenir dans la procédure au principal et au-delà de la fin de cette procédure – et, d’autre part, si les autres conditions d’octroi des mesures provisoires sollicitées, notamment celle de l’existence d’un fumus boni juris, sont remplies. Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire de statuer sur la demande en intervention du Royaume-Uni.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 24 avril 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.