Language of document : ECLI:EU:T:2023:101

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

1er mars 2023 (*)

« Union douanière – Règlement (UE) no 952/2013 – Détermination de l’origine non préférentielle de certains motocycles fabriqués par Harley-Davidson – Décision d’exécution de la Commission demandant la révocation de décisions relatives aux renseignements contraignants en matière d’origine adoptées par des autorités douanières nationales – Notion d’“ouvraisons ou transformations qui ne sont pas économiquement justifiées” – Droit d’être entendu »

Dans l’affaire T‑324/21,

Harley-Davidson Europe Ltd, établie à Oxford (Royaume-Uni),

Neovia Logistics Services International, établie à Vilvoorde (Belgique),

représentées par Mes O. van Baelen, G. Lebrun, avocats, et M. T. Lyons, KC,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes F. Clotuche-Duvieusart et M. Kocjan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé, lors des délibérations, de MM. S. Papasavvas, président, J. Svenningsen, M. Jaeger, C. Mac Eochaidh (rapporteur) et Mme T. Pynnä, juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 21 septembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par le présent recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Harley-Davidson Europe Ltd (ci-après, prise avec le groupe auquel elle appartient, « Harley-Davidson ») et Neovia Logistics Services International (ci-après « Neovia »), sollicitent l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2021/563 de la Commission, du 31 mars 2021, concernant la validité de certaines décisions relatives aux renseignements contraignants en matière d’origine (JO 2021, L 119, p. 117, ci-après la « décision attaquée »), adressée au Royaume de Belgique. Par cette décision, la Commission européenne a demandé la révocation de deux décisions en matière de renseignements contraignants en matière d’origine (ci-après les « décisions RCO »), adoptées en faveur de Neovia pour le compte de Harley-Davidson, concernant l’importation dans l’Union européenne, par le biais de la Belgique, de certaines catégories de motocycles fabriqués par Harley-Davidson en Thaïlande.

I.      Cadre juridique

2        En vertu de l’article 1er du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1, ci-après le « code des douanes »), ce règlement établit le code des douanes de l’Union fixant les règles et les procédures générales applicables aux marchandises entrant dans le territoire douanier de l’Union ou en sortant.

3        Le titre II du code des douanes, intitulé « Éléments sur la base desquels les droits à l’importation ou à l’exportation et d’autres mesures sont appliqués dans le cadre des échanges de marchandises », prévoit notamment des règles en matière de détermination de l’origine des marchandises, qui servent notamment à déterminer les droits à l’importation et les autres mesures qui s’appliquent à des marchandises données.

4        En particulier, aux termes de l’article 56, paragraphe 1, du code des douanes, figurant dans ledit titre II, les droits à l’importation ou à l’exportation dus sont fondés sur le tarif douanier commun et d’autres mesures prévues par des dispositions spécifiques de l’Union dans le cadre des échanges de marchandises sont, le cas échéant, appliquées conformément au classement tarifaire de ces marchandises.

A.      Sur l’origine des marchandises

5        Le code des douanes prévoit trois catégories de règles pour la détermination de l’origine des marchandises, à savoir des règles relatives à l’origine non préférentielle de marchandises, des règles relatives à l’origine préférentielle de marchandises et des règles servant à déterminer l’origine de marchandises particulières.

6        En particulier, l’article 59 du code des douanes prévoit que les articles 60 et 61 fixent les règles pour la détermination de l’origine non préférentielle des marchandises aux fins de l’application, premièrement, du tarif douanier commun, à l’exception des mesures visées à l’article 56, paragraphe 2, sous d) et e), deuxièmement, des mesures autres que tarifaires établies par des dispositions de l’Union spécifiques définies dans le cadre des échanges de marchandises et, troisièmement, d’autres mesures de l’Union se rapportant à l’origine des marchandises.

7        Ainsi, l’article 60 du code des douanes, relatif à l’acquisition de l’origine non préférentielle des marchandises, dispose :

« 1. Les marchandises entièrement obtenues dans un même pays ou territoire sont considérées comme originaires de ce pays ou territoire.

2. Les marchandises dans la production [desquelles] interviennent plusieurs pays ou territoires sont considérées comme originaires de celui où elles ont subi leur dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d’un produit nouveau ou correspondant à un stade de fabrication important. »

8        Selon l’article 62 du code des douanes, la Commission est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l’article 284, établissant les règles selon lesquelles on considère que des marchandises dont l’origine non préférentielle doit être déterminée aux fins de l’application des mesures de l’Union visées à l’article 59 ont été entièrement obtenues dans un même pays ou territoire ou ont subi leur dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d’un produit nouveau ou correspondant à un stade de fabrication important dans un pays ou territoire donné, conformément à l’article 60.

9        À ce titre, la Commission a adopté le règlement délégué (UE) 2015/2446 de la Commission, du 28 juillet 2015, complétant le règlement no 952/2013 au sujet des modalités de certaines dispositions du code des douanes de l’Union (JO 2015, L 343, p. 1, ci-après l’« AD-CDU »).

10      L’article 33 de l’AD-CDU apporte des précisions relatives aux ouvraisons ou transformations qui ne sont pas économiquement justifiées. Cet article dispose :

« Toute ouvraison ou toute transformation effectuée dans un autre pays ou un autre territoire est réputée ne pas être économiquement justifiée s’il est établi, sur la base des éléments de fait disponibles, que l’objectif de cette opération était d’éviter l’application des mesures visées à l’article 59 du [code des douanes, lequel concerne l’application du tarif douanier commun et des autres mesures de l’Union, tarifaires ou non, se rapportant à l’origine des marchandises importées dans l’Union].

[…] »

B.      Sur les décisions en matière d’origine

11      L’article 33 du code des douanes, relatif aux décisions en matière de renseignements contraignants, dispose :

« 1. Les autorités douanières prennent, sur demande, des décisions en matière de renseignements tarifaires contraignants (ci-après dénommées “décisions RTC”), ou des décisions [RCO].

[…]

3. Les décisions RTC ou RCO sont valables trois ans à compter de la date à laquelle la décision prend effet.

[…] »

12      L’article 19 du règlement d’exécution (UE) 2015/2447 de la Commission, du 24 novembre 2015, établissant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement no 952/2013 (JO 2015, L 343, p. 558), met en place un échange de données relatives aux décisions RCO, et énonce notamment, à son paragraphe 1, que « [l]es autorités douanières transmettent tous les trimestres à la Commission les indications utiles concernant les décisions RCO » qu’elles ont adoptées.

13      L’article 34, paragraphe 11, du code des douanes prévoit :

« La Commission peut adopter des décisions demandant aux États membres de révoquer des décisions RTC ou RCO afin de garantir un classement tarifaire ou une détermination de l’origine corrects et uniformes des marchandises. »

14      L’article 37, paragraphe 2, du code des douanes, énonce notamment que la Commission adopte les décisions demandant aux États membres de révoquer les décisions RCO par la voie d’actes d’exécution adoptés selon la procédure consultative visée à l’article 285, paragraphe 2, du code des douanes.

15      Il ressort de ces dispositions que, schématiquement, les autorités douanières nationales peuvent, à la demande d’importateurs qui souhaitent obtenir des garanties quant à l’interprétation des règles permettant de définir l’origine non préférentielle de marchandises importées dans l’Union, adopter des décisions reconnaissant officiellement l’origine géographique desdites marchandises. De plus, la Commission, qui en est informée régulièrement par ces autorités, peut, quant à elle, si elle estime a posteriori que cette détermination de l’origine par lesdites autorités douanières n’est pas correcte, leur demander de révoquer les décisions adoptées.

C.      Sur les mesures de politique commerciale

16      En vertu de l’article 5, point 36, du code des douanes, les « mesures de politique commerciale » sont les mesures non tarifaires établies, dans le cadre de la politique commerciale commune, par les dispositions de l’Union applicables au commerce international de marchandises.

17      À cet égard, le législateur de l’Union a adopté le règlement (UE) no 654/2014, du 15 mai 2014, concernant l’exercice des droits de l’Union pour l’application et le respect des règles du commerce international et modifiant le règlement (CE) no 3286/94 du Conseil arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d’assurer l’exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, en particulier celles instituées sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce (JO 2014, L 189, p. 50).

18      En vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 654/2014, lorsque des mesures sont nécessaires pour sauvegarder les intérêts de l’Union dans les cas visés à l’article 3 de ce règlement, la Commission adopte un acte d’exécution déterminant les mesures de politique commerciale appropriées.

19      Sur le fondement du règlement no 654/2014, et en particulier de son article 4, paragraphe 1, la Commission a adopté, plus particulièrement, le règlement d’exécution (UE) 2018/886, du 20 juin 2018, concernant certaines mesures de politique commerciale visant certains produits originaires des États-Unis d’Amérique, et modifiant le règlement d’exécution (UE) 2018/724 (JO 2018, L 158, p. 5).

II.    Antécédents du litige

20      En juin 2018, le gouvernement des États-Unis d’Amérique a institué des droits de douane additionnels de 25 % et de 10 % sur, respectivement, les importations d’acier et les importations d’aluminium en provenance de l’Union (ci-après les « droits de douane imposés au titre de la section 232 de la loi de 1962 sur l’expansion du commerce »), dans le but de favoriser et d’augmenter la production nationale de ces produits.

21      En réponse à l’instauration des droits de douane imposés au titre de la section 232 de la loi de 1962 sur l’expansion du commerce, la Commission a adopté, le 20 juin 2018, le règlement 2018/886, prévoyant l’application de droits de douane additionnels sur l’importation de produits originaires des États-Unis tels qu’énumérés aux annexes I et II de ce règlement.

22      Selon l’article 2, sous a), et l’annexe I du règlement 2018/886, il était prévu que les produits correspondant au code de nomenclature 8711 50 00, à savoir les « [m]otocycles […] à moteur à piston alternatif, d’une cylindrée excédant 800 cm3 », fassent, lors d’une première étape, l’objet de droits de douane additionnels d’un taux de 25 %, et ce dès le 22 juin 2018.

23      En outre, selon l’article 2, sous b), et l’annexe II du règlement 2018/886, qui visaient également les produits correspondant au code de nomenclature 8711 50 00, ces produits faisaient, lors d’une seconde étape, l’objet de droits de douane additionnels d’un taux de 25 %, à compter, en substance, du 1er juin 2021 au plus tard.

24      À la suite de la publication au Journal officiel de l’Union européenne du règlement 2018/886, Harley-Davidson, une entreprise américaine spécialisée dans la construction de motocycles, était donc informée de l’application de droits de douane additionnels, sur ses produits importés dans l’Union depuis les États-Unis, de 25 % dès le 22 juin 2018, puis de 25 % supplémentaires au plus tard à partir du 1er juin 2021, en sus du taux du droit conventionnel de 6 %, soit un taux total s’élevant, pour ses motocycles, à 31 % dès le 22 juin 2018, puis à 56 % à partir du 1er juin 2021 au plus tard.

25      Le 25 juin 2018, Harley-Davidson a présenté à la Securities and Exchange Commission (commission des opérations de bourse, États-Unis, ci-après la « SEC »), un rapport sur formulaire 8-K (Form 8-K Current Report, ci-après le « formulaire 8-K »). Ce formulaire 8-K était destiné à informer ses actionnaires de l’application des droits de douane additionnels mentionnés au point 24 ci-dessus et de leurs conséquences sur son activité. Dans ce formulaire, Harley-Davidson a fait part de son intention de transférer la production de certains motocycles destinés au marché de l’Union des États-Unis vers ses installations internationales situées dans un autre pays, afin d’éviter les mesures en cause de la politique commerciale de l’Union.

26      Dans le formulaire 8-K, Harley-Davidson a en particulier indiqué ce qui suit :

« L’Union européenne a adopté des droits de douane sur divers produits fabriqués aux États-Unis, dont les motocycles Harley-Davidson. Ces droits, qui sont entrés en vigueur le 22 juin 2018, ont été imposés en réponse aux droits de douane que les États-Unis ont imposés sur l’acier et l’aluminium exportés de [l’Union] vers les États-Unis.

Par conséquent, les droits de douane de [l’Union] sur les motocycles Harley-Davidson exportés depuis les États-Unis sont passés de 6 % à 31 %. Harley-Davidson estime que ces droits de douane entraîneront un coût supplémentaire d’environ 2 200 dollars des États-Unis par motocycle exporté des États-Unis vers [l’Union].

[…]

Pour faire face au coût substantiel de cette charge tarifaire à long terme, Harley-Davidson va mettre en œuvre un plan visant à déplacer la production des motocycles destinés à [l’Union] des États-Unis vers ses installations internationales afin d’éviter la charge tarifaire. Harley-Davidson prévoit que l’augmentation de la production dans les usines internationales nécessitera des investissements supplémentaires et pourrait prendre au moins 9 à 18 mois avant d’être complètement achevée ».

27      À la suite de la publication du formulaire 8-K, Harley-Davidson a choisi son usine de Thaïlande comme site de production de certains de ses motocycles destinés au marché de l’Union.

28      Harley-Davidson a souhaité obtenir des assurances à propos de la détermination du pays d’origine des motocycles produits dans son usine de Thaïlande et destinés au marché de l’Union. Ainsi, Harley-Davidson et Neovia, un intermédiaire qui lui fournit des services d’assistance logistique dans le cadre de ses opérations d’importation de motocycles dans l’Union par le biais de la Belgique, ont déposé conjointement, le 25 janvier 2019, deux premières demandes formelles de décisions RCO, concernant deux familles de motocycles, auprès des autorités douanières belges. Trois autres demandes de décisions RCO, concernant trois autres familles de motocycles, ont été déposées ultérieurement.

29      Le 31 janvier 2019, les autorités belges ont participé à une réunion avec la Commission au sujet des demandes de décisions RCO concernant l’importation dans l’Union de deux familles de motocycles assemblées dans l’usine Harley-Davidson en Thaïlande. À l’issue de cette réunion, la Commission a rendu un avis informel selon lequel le critère de la justification économique, au sens de l’article 33 de l’AD-CDU, pourrait ne pas être rempli, en raison des informations figurant dans le formulaire 8-K.

30      Les autorités belges ont sollicité une discussion avec les États membres concernant l’applicabilité de l’article 33 de l’AD-CDU, discussion qui a eu lieu lors de la réunion du groupe d’experts douaniers, section « Origine », le 8 avril 2019. Lors de cette réunion, les autorités belges ont expliqué qu’il y avait eu une modification du pays d’assemblage de certains des motocycles produits par Harley-Davidson et que cette délocalisation avait eu lieu à la suite de l’instauration de droits de douane additionnels sur les marchandises originaires du précédent pays de production, à savoir les États-Unis. Le procès-verbal de cette réunion mentionne que « certains délégués ont confirmé que, sur la base des informations disponibles, l’origine [devait] être déterminée en appliquant l’article 33 de l’AD-CDU, d’autres délégués n’étaient pas de cet avis. La [Commission] estime que l’article 33 peut s’appliquer, d’autant plus que le producteur a indiqué dans des déclarations publiques que le but de la délocalisation des opérations était d’éviter l’application des mesures dans l’Union ». Malgré les demandes des autorités belges, la Commission n’a toutefois jamais rendu d’avis formel au sujet de l’applicabilité aux faits de l’espèce de l’article 33 de l’AD-CDU.

31      Le 24 juin 2019, en application de l’article 33, paragraphe 1, du code des douanes, les autorités douanières belges ont adopté deux décisions RCO, par lesquelles elles ont reconnu et certifié que certaines catégories de motocycles Harley-Davidson importés dans l’Union, correspondant aux deux familles de motocycles évoquées au point 28 ci-dessus, étaient originaires de Thaïlande. Les trois autres demandes de décisions RCO également évoquées au point 28 ci-dessus ont, ultérieurement, fait l’objet du même traitement par les autorités douanières belges.

32      Les décisions RCO en cause ont été notifiées à la Commission par les autorités douanières belges le 21 août 2019.

33      Le 5 octobre 2020, la Commission a informé les autorités belges de son intention de leur demander de révoquer les deux premières décisions RCO. Le 13 novembre 2020, les autorités belges ont répondu à la Commission qu’elles s’opposaient à une telle demande de révocation.

34      Le 22 décembre 2020, la Commission a lancé une procédure formelle en vue de l’adoption de la décision attaquée. Le 5 mars 2021, la Commission a soumis le projet de décision attaquée à toutes les délégations nationales du comité du code des douanes, section « Origine », dans le cadre de la procédure consultative et par procédure écrite. Quatre États membres ont envoyé des observations sur le projet de décision attaquée et se sont opposés à l’avis exprimé par la Commission dans ce projet.

35      Le 29 mars 2021, la Commission a adressé une note de synthèse au comité du code des douanes, section « Origine », dans laquelle elle a indiqué que les 23 États membres qui n’avaient pas pris position avaient, tacitement, marqué leur accord avec le projet de décision attaquée.

36      Le 31 mars 2021, la Commission a adopté la décision attaquée, qu’elle a notifiée au Royaume de Belgique le 6 avril 2021 et qui a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le lendemain, demandant aux autorités belges de révoquer les deux premières décisions RCO.

37      Dans la décision attaquée, la Commission a indiqué :

« (6) À la suite de la publication des mesures de politique commerciale de l’Union européenne, [Harley-Davidson] a communiqué, au moyen [du] formulaire 8-K […] présenté en juin 2018 à la [SEC], son projet de transfert de la production de certains motocycles destinés au marché de l’Union européenne des États-Unis d’Amérique vers ses installations internationales situées dans un autre pays, afin d’éviter les mesures de politique commerciale de l’Union européenne.

(7) Même si le fait d’éviter les mesures de politique commerciale ne constitue pas nécessairement le seul objectif du transfert de la production, les conditions visées à l’article 33, premier alinéa, [de l’AD-CDU] sont remplies sur la base des informations disponibles. L’ouvraison ou la transformation effectuée dans le dernier pays de production est donc réputée ne pas être économiquement justifiée. […]

(9) Étant donné que la détermination de l’origine non préférentielle des motocycles couverts par les décisions RCO visées en annexe n’est pas fondée sur la règle énoncée à l’article 33, troisième alinéa, [de l’AD-CDU], la Commission estime que cette détermination de l’origine non préférentielle est incompatible avec l’article 60, paragraphe 2, du [code des douanes], en liaison avec l’article 33 [de l’AD-CDU]. »

38      À la suite de l’adoption de la décision attaquée, les autorités belges ont, par courrier du 16 avril 2021 adressé à Neovia, informé les requérantes qu’elles révoquaient les cinq décisions RCO adoptées concernant l’importation dans l’Union des motocycles fabriqués en Thaïlande par Harley-Davidson.

III. Conclusions des parties

39      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        donner des orientations aux autorités douanières de l’Union quant aux conséquences utiles qu’elles doivent tirer de l’arrêt et à la manière dont elles doivent agir pour lui donner effet ;

–        ordonner les mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction qu’il juge appropriées ;

–        condamner la Commission aux dépens.

40      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

IV.    En droit

A.      Sur la compétence du Tribunal

41      La Commission soutient que le deuxième chef de conclusions des requérantes est irrecevable.

42      Les requérantes considèrent néanmoins qu’il pourrait être utile de donner des orientations quant à la façon d’exécuter l’arrêt.

43      À cet égard, il suffit de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union, même lorsqu’elles ont trait aux modalités d’exécution de ses arrêts (ordonnances du 22 septembre 2016, Gaki/Commission, C‑130/16 P, non publiée, EU:C:2016:731, point 14, et du 19 juillet 2016, Trajektna luka Split/Commission, T‑169/16, non publiée, EU:T:2016:441, point 13).

44      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le deuxième chef de conclusions pour cause d’incompétence.

B.      Sur le fond

45      À l’appui de leur recours, les requérantes soulèvent six moyens.

46      Le Tribunal estime opportun d’examiner le troisième moyen, puis les quatrième, premier, deuxième, cinquième et sixième moyens.

1.      Sur le troisième moyen, tiré d’un usage abusif du pouvoir de révocation en ce qu’il serait fondé sur une interprétation et une application incorrectes de l’article 33 de l’AD-CDU

47      Par le troisième moyen, les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur de droit dans l’interprétation qu’elle a faite de l’article 33 de l’AD-CDU.

48      En particulier, les requérantes font valoir que les versions antérieures de la réglementation prévoyaient que le critère de la justification économique n’était pas rempli lorsque le « seul objet » d’une opération était l’évasion, et que les différentes versions linguistiques de l’article 33 de l’AD-CDU évoquent toujours « un objectif » au singulier, ce qu’il conviendrait de comprendre à tout le moins comme un « objectif dominant unique » ou un « objectif essentiel ». Elles ajoutent que la jurisprudence de la Cour aurait confirmé que l’existence de tout autre motif pour une opération, non lié à l’évasion, était suffisante pour que le critère de la justification économique soit rempli. À cet égard, elles invoquent notamment l’arrêt du 13 décembre 1989, Brother International (C‑26/88, EU:C:1989:637), dans lequel la Cour a jugé que « le transfert de l’assemblage du pays de fabrication des composants dans un autre pays où [étaient] utilisées des usines déjà existantes ne justifi[ait] pas à lui seul la présomption selon laquelle ce transfert a[vait] eu pour seul objet de [con]tourner les dispositions applicables ». Or, selon les requérantes, la Commission ne leur a pas donné l’occasion de prouver l’existence d’autres objectifs et rien ne permettrait de savoir si la Commission a examiné les informations qu’elles avaient fournies aux autorités belges en vue d’établir que le critère de la justification économique était rempli.

49      S’agissant de ce dernier aspect, les requérantes soutiennent que la décision de Harley-Davidson de produire en Thaïlande des motocycles destinés au marché de l’Union était fondée sur un ensemble de facteurs commerciaux solides et légitimes et n’était pas une décision artificielle dont le but essentiel aurait été de contourner les droits de douane additionnels.

50      Les requérantes comparent également la notion d’« évitement », au sens de l’article 33 de l’AD-CDU, avec les notions d’« évasion », d’« abus », de « manipulation » et de « contournement », telles que précisées par la jurisprudence. Ainsi, en renvoyant à différents arrêts de la Cour dans lesquels ces notions ont été abordées et précisées, en particulier en droit fiscal ou en droit antidumping, les requérantes font valoir que, même si la fabrication par Harley-Davidson, en Thaïlande, de motocycles destinés à l’Union visait principalement à éviter les droits de douane additionnels, il convenait de vérifier s’il n’existait aucun autre objectif commercial légitime sous-tendant les opérations de délocalisation, ce que n’aurait pas fait la Commission. En procédant aussi par analogie, les requérantes rappellent que la Cour a confirmé à plusieurs reprises que, sur le marché de l’Union, un opérateur disposait d’une grande liberté et était, par exemple, autorisé à structurer son activité de manière à limiter sa dette fiscale.

51      Ainsi, les requérantes estiment que la manière dont la Commission a appliqué l’article 33 de l’AD-CDU aurait modifié le critère de la justification économique et aurait transformé un critère, originellement objectif, en un critère subjectif. Selon les requérantes, l’interprétation faite par la Commission modifierait l’objet de l’article 60, paragraphe 2, du code des douanes, avec comme conséquence qu’il conviendrait non plus d’établir l’origine sur la base d’éléments objectifs, à savoir la nature de l’opération effectuée, mais sur la base d’éléments subjectifs, à savoir le raisonnement ou les motivations du producteur. Or, l’appréciation de « l’objectif » d’une opération de délocalisation devrait reposer sur une analyse objective des éléments et du contexte de l’opération elle-même, analyse que la Commission n’aurait pas menée.

52      La Commission conteste cette argumentation.

53      En l’espèce, il convient de vérifier si la Commission, en adoptant la décision attaquée sur le fondement de l’article 33 de l’AD-CDU, a commis une erreur de droit en estimant que l’opération de délocalisation, en Thaïlande, de la fabrication de certaines catégories de motocycles Harley-Davidson destinés au marché de l’Union ne pouvait pas être qualifiée d’« économiquement justifiée », dès lors qu’elle visait, selon cette institution, à éviter les mesures de politique commerciale de l’Union adoptées, à partir de 2018, à l’encontre des produits originaires des États-Unis.

54      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, pour interpréter des dispositions du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celles-ci, mais également de leur contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie. La genèse d’une disposition du droit de l’Union peut également révéler des éléments pertinents pour son interprétation (voir arrêt du 2 septembre 2021, CRCAM, C‑337/20, EU:C:2021:671, point 31 et jurisprudence citée).

55      Aux termes de l’article 60, paragraphe 2, du code des douanes (voir point 7 ci-dessus), pour qu’un pays ou un territoire soit considéré comme le lieu d’origine de marchandises, aux fins de l’application des mesures de l’Union se rapportant à l’origine des marchandises importées, il faut notamment que la dernière ouvraison ou transformation substantielle soit effectuée dans ce lieu et qu’elle soit « économiquement justifiée ».

56      L’article 33 de l’AD-CDU, intitulé « Ouvraisons ou transformations qui ne sont pas économiquement justifiées », précise, à son premier alinéa, que « [t]oute ouvraison ou toute transformation effectuée dans un autre pays ou un autre territoire est réputée ne pas être économiquement justifiée s’il est établi, sur la base des éléments de fait disponibles, que l’objectif de cette opération était d’éviter l’application des mesures » de l’Union se rapportant à l’origine des marchandises.

57      Ainsi, tout d’abord, il découle du libellé de l’article 33 de l’AD-CDU, notamment de l’emploi du terme « réputée » dans ce dernier article, que, dans certaines circonstances, à savoir lorsque l’objectif d’une opération donnée était d’éviter l’application des mesures visées à l’article 59 du code des douanes, la Commission et les autorités douanières de l’Union doivent considérer que la condition liée à la justification économique ne saurait être remplie.

58      Ensuite, s’agissant précisément de l’emploi de l’expression « l’objectif de cette opération était d’éviter » à l’article 33 de l’AD-CDU, le Tribunal estime que l’utilisation de la notion d’« objectif » au singulier doit être comprise, dans des situations dans lesquelles la réalisation d’une opération de délocalisation donnée aurait poursuivi plusieurs objectifs, comme renvoyant à l’idée d’un « objectif principal » ou « dominant ». Partant, il se peut que cet objectif ne soit pas le seul, mais il faut qu’il soit déterminant dans le choix de délocaliser la production dans un autre pays ou territoire.

59      Or il ressort de l’article 33 de l’AD-CDU, et notamment de la référence aux « mesures visées à l’article 59 » du code des douanes, lu à la lumière du considérant 21 de l’AD-CDU et du projet consolidé d’acte délégué présenté par la Commission avant l’adoption de l’AD-CDU, que l’article 33 de l’AD-CDU s’applique lorsque l’Union a adopté des mesures de politique commerciale. Ces mesures de politique commerciale peuvent consister en des mesures tarifaires telles que celles adoptées en l’espèce, à savoir des droits de douane additionnels visant certaines marchandises originaires des États-Unis institués par le règlement 2018/886 en application de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 654/2014.

60      Ainsi, l’article 33 de l’AD-CDU vise à assurer la pleine mise en œuvre des mesures de politique commerciale de l’Union en empêchant, pour les marchandises visées par de telles mesures, l’acquisition d’une nouvelle origine lorsque l’objectif principal ou dominant d’une opération, telle qu’un transfert de production dans un autre pays ou territoire, était d’éviter l’application desdites mesures.

61      Enfin, l’emploi de l’expression « sur la base des éléments de fait disponibles » à l’article 33 de l’AD-CDU fait référence aux éléments factuels dont dispose l’autorité chargée de vérifier si l’objectif d’une opération de délocalisation était d’éviter l’application des mesures de l’Union se rapportant à l’origine des marchandises.

62      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’interpréter l’article 33 de l’AD-CDU en ce sens que si, sur la base des éléments de fait disponibles, il apparaît que l’objectif principal ou dominant d’une opération de délocalisation était d’éviter l’application de mesures de politique commerciale de l’Union, alors il convient de considérer cette opération comme ne pouvant pas, par principe, être économiquement justifiée.

63      Partant, il appartient à l’opérateur économique concerné de rapporter la preuve que l’objectif principal ou dominant d’une opération de délocalisation n’était pas, au moment où la décision concernant celle-ci est intervenue, d’éviter l’application de mesures de politique commerciale de l’Union. Or, une telle preuve se distingue de la recherche a posteriori d’une justification économique ou de la rationalité économique de cette opération de délocalisation. En effet, si la preuve que l’objectif principal ou dominant d’une opération de délocalisation n’était pas d’éviter l’application de mesures de politique commerciale pouvait être rapportée par la simple démonstration de l’existence d’une justification économique, cela priverait de tout effet utile l’article 33 de l’AD-CDU.

64      En l’espèce, il ressort du dossier que les éléments de fait disponibles, au sens de l’article 33 de l’AD-CDU, sont les allégations énoncées par Harley-Davidson dans le formulaire 8-K, reproduites au point 26 ci-dessus, et les éléments communiqués par les requérantes aux autorités douanières belges au soutien de leurs demandes de décisions RCO.

65      S’agissant des éléments communiqués aux autorités douanières belges, les requérantes indiquent avoir fourni, à l’automne 2018, une synthèse des diverses raisons pour lesquelles la production en Thaïlande était selon elles « économiquement justifiée », synthèse qu’elles ont complétée le 26 mars 2019, soit neuf mois après la publication du formulaire 8-K, par des explications supplémentaires.

66      Il ressort de l’analyse de ces documents, produits en annexe au présent recours, que ceux-ci ont été élaborés par les requérantes dans le cadre de leurs échanges avec les autorités douanières belges en vue d’obtenir des décisions RCO reconnaissant l’origine thaïlandaise des motocycles fabriqués par Harley-Davidson et destinés au marché de l’Union. Ces échanges ont débuté en septembre 2018, soit plusieurs mois après la publication du formulaire 8-K annonçant publiquement l’opération de délocalisation en cause. Ces documents, qui ne sont ni antérieurs ni contemporains au formulaire 8-K, et qui ont été élaborés dans l’unique objectif de faire reconnaître par les autorités douanières belges l’origine thaïlandaise des motocycles fabriqués par Harley-Davidson, ne permettent pas de tirer de conclusion déterminante quant à la réalité d’une décision de délocalisation en Thaïlande de la fabrication des motocycles destinés au marché de l’Union qui aurait préexisté à l’instauration des droits de douane additionnels (voir point 21 ci-dessus) ou qui procéderait d’un raisonnement économique parfaitement rationnel et étranger à l’instauration desdits droits de douane additionnels.

67      Il s’ensuit que, sur la base des éléments de fait disponibles, à savoir les propres allégations de Harley-Davidson figurant dans le formulaire 8-K, c’est pour « faire face au coût substantiel de [la] charge tarifaire [induite par l’instauration des droits de douane additionnels] à long terme [que] Harley-Davidson [a mis] en œuvre un plan visant à déplacer la production de motocycles destinés à [l’Union] des États-Unis vers ses installations internationales ». Ainsi, il apparaît, à la lecture du formulaire 8-K, que l’instauration des droits de douane additionnels a été le fait générateur de l’annonce de la décision de délocalisation en cause. Les requérantes ont d’ailleurs reconnu lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, que l’entrée en vigueur desdits droits de douane additionnels avait « accéléré » la prise de décision de délocaliser en Thaïlande la production destinée au marché de l’Union.

68      En outre, les requérantes ne sont pas parvenues, ni dans les éléments issus de leurs échanges avec les autorités douanières belges, ni dans les écritures déposées dans le cadre de la présente procédure, ni en réponse aux questions du Tribunal lors de l’audience, à démontrer que la décision de délocaliser en Thaïlande la production des motocycles Harley-Davidson destinés au marché de l’Union était antérieure à l’entrée en vigueur du règlement 2018/886 ou faisait partie d’une stratégie globale visant spécifiquement à réduire les coûts de production des motocycles destinés au marché de l’Union par une délocalisation en Asie de cette production. Tout au plus les requérantes se sont-elles contentées d’allégations vagues et abstraites selon lesquelles Harley-Davidson poursuivait, depuis plusieurs années, une stratégie visant à accroître sa présence commerciale en dehors des États-Unis, allégations qu’elles ont étayées par la production de documents destinés à la SEC, desquels il ressort seulement, sans plus de précisions, que la croissance internationale faisait en substance partie d’une stratégie globale à long terme de l’entreprise.

69      Les requérantes n’ont produit aucun document, tel que des copies de décisions du conseil d’administration de Harley-Davidson, démontrant que la décision spécifique de délocaliser en Thaïlande la production de motocycles destinés au marché de l’Union était antérieure à l’instauration des droits de douane additionnels en cause. Au contraire, il ressort de l’un des documents produits par les requérantes, mentionné au point 68 ci-dessus, daté du 28 février 2019 et destiné à la SEC, que la production de motocycles au sein de l’usine de Thaïlande n’avait commencé qu’au cours de l’année 2018 et que cette production était, à tout le moins jusqu’au 31 décembre 2018, destinée exclusivement à certains marchés asiatiques, et non pas au marché de l’Union.

70      En tout état de cause, il ne peut qu’être constaté que, en indiquant uniquement, dans le formulaire 8-K, qu’elle souhaitait, en délocalisant sa production, « éviter la charge tarifaire » résultant de l’entrée en vigueur des droits de douane additionnels, Harley-Davidson avait pour objectif principal ou dominant d’éviter l’application de ces mesures de politique commerciale. Il ressort clairement de l’objet et du contenu du formulaire 8-K que celui-ci, daté du 25 juin 2018, a été publié en réaction immédiate à la publication du règlement 2018/886, seulement cinq jours après ladite publication et trois jours après son entrée en vigueur. Le Tribunal constate qu’il existe une coïncidence temporelle entre l’entrée en vigueur du règlement 2018/886 et l’annonce de l’opération de délocalisation en cause. Or, une telle coïncidence temporelle est de nature, selon la jurisprudence, à justifier la présomption selon laquelle une opération de délocalisation a pour but d’éviter l’application de mesures de politique commerciale (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 1989, Brother International, C‑26/88, EU:C:1989:637, point 29).

71      Il ressort également de la jurisprudence que, par conséquent, en présence d’une telle coïncidence temporelle, il appartient à l’opérateur économique concerné d’apporter la preuve d’un motif raisonnable, autre que celui d’échapper aux conséquences découlant des dispositions en cause, pour la réalisation des opérations de fabrication dans le pays où la production a été délocalisée (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 1989, Brother International, C‑26/88, EU:C:1989:637, point 29). Or, ainsi que cela a été relevé aux points 65 à 68 ci-dessus, les requérantes ne sont pas parvenues à rapporter la preuve d’un motif raisonnable, antérieur ou contemporain à l’annonce de la décision de délocalisation en Thaïlande, tendant à accréditer l’allégation selon laquelle cette délocalisation aurait pu avoir une justification autre que celle d’échapper aux conséquences de l’instauration des droits de douane additionnels.

72      Il apparaît donc que l’instauration des droits de douane additionnels a été le fait générateur de la décision de délocalisation en cause révélée par la publication du formulaire 8-K et que, eu égard au contexte, cette décision procédait bien, à tout le moins à titre principal ou dominant, de la volonté d’échapper à la charge financière induite par ces droits.

73      Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis d’erreur en concluant que l’objectif principal de cette délocalisation était d’éviter la mesure de politique commerciale que constituent les droits de douane additionnels.

74      Par conséquent, l’ensemble de l’argumentation des requérantes afférente à l’existence d’une justification économique de l’opération de délocalisation en cause est inopérante dans la mesure où une telle justification n’avait pas à être recherchée par la Commission en l’espèce. Il en va de même de l’argumentation des requérantes concernant la réalité et le caractère substantiel des opérations de production en Thaïlande.

75      Quant à l’argumentation des requérantes selon laquelle la Commission aurait transformé un critère originellement objectif en un critère subjectif, il suffit de relever que le constat, dans la décision attaquée, selon lequel l’opération de délocalisation en Thaïlande avait été réalisée afin, à tout le moins principalement, d’éviter l’application de mesures de politique commerciale de l’Union est un constat reposant sur des éléments de preuve objectifs. À cet égard, dans le cadre de son examen du comportement de Harley-Davidson aux fins d’identifier un éventuel contournement desdites mesures de politique commerciale, la Commission était en effet tenue de se fonder sur l’ensemble des éléments de fait pertinents et disponibles. Dans ce contexte, la Commission a pu être amenée à apprécier la stratégie poursuivie par cette entreprise. Dans ce cadre, la Commission était fondée à évoquer des facteurs de nature subjective, à savoir les mobiles qui sous-tendaient la stratégie en question, dans la mesure où ces facteurs ressortaient clairement, sans aucune ambiguïté et objectivement, du formulaire 8-K. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’existence d’une intention de contourner les mesures de politique commerciale en cause pouvait constituer l’une des circonstances factuelles objectives susceptibles d’être prises en compte aux fins de la détermination d’un tel contournement.

76      Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen est écarté.

2.      Sur le quatrième moyen, tiré de l’illégalité de l’article 33 de l’AD-CDU

77      Dans le cadre du quatrième moyen, les requérantes font valoir que l’article 33 de l’AD-CDU serait illégal en ce qu’il dépasserait le cadre d’une législation pouvant être adoptée par la voie d’un acte délégué en vertu de l’article 290 TFUE et en ce qu’il violerait les principes de sécurité juridique et de proportionnalité.

a)      Sur la première branche du quatrième moyen, tirée d’une violation de l’article 290 TFUE

78      Les requérantes soutiennent que, quelle que soit l’interprétation à donner à l’article 33 de l’AD-CDU, cette disposition dépasse les limites d’une législation déléguée. À cet égard, elles font en substance valoir que le critère de la « justification économique » ne peut pas être considéré comme un critère fournissant plus de précisions sur la façon dont une disposition substantielle devrait être appliquée, mais qu’il s’agit au contraire d’une règle fondamentale en matière de détermination de l’origine. En tant que telle, la règle figurant à l’article 33 de l’AD-CDU devrait figurer dans le droit primaire, aux côtés de l’article 60, paragraphe 2, du code des douanes, qui contient la règle générale permettant de déterminer l’origine des marchandises transformées dans plus d’un pays.

79      La Commission conteste cette argumentation.

80      La possibilité de déléguer des pouvoirs prévue à l’article 290 TFUE vise à permettre au législateur de se concentrer sur les éléments essentiels d’une législation ainsi que sur les éléments non essentiels sur lesquels il estime opportun de légiférer, tout en confiant à la Commission la tâche de « compléter » certains éléments non essentiels de l’acte législatif adopté ou encore de « modifier » de tels éléments dans le cadre d’une délégation conférée à celle-ci (voir arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 58 et jurisprudence citée).

81      Il s’ensuit que les règles essentielles de la matière concernée doivent être arrêtées dans la réglementation de base et ne peuvent faire l’objet d’une délégation (voir arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 59 et jurisprudence citée).

82      Il ressort de la jurisprudence que les éléments essentiels d’une réglementation de base sont ceux dont l’adoption nécessite d’effectuer des choix politiques relevant des responsabilités propres du législateur de l’Union (voir arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 61 et jurisprudence citée).

83      L’identification des éléments d’une matière qui doivent être qualifiés d’essentiels doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel et impose de prendre en compte les caractéristiques et les particularités du domaine concerné (voir arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 62 et jurisprudence citée).

84      En l’espèce, l’article 60 du code des douanes prévoit des règles pour la détermination de l’origine non préférentielle des marchandises, lesquelles règles varient selon que les marchandises ont été obtenues dans un même pays ou territoire, ou que leur production a impliqué plusieurs pays ou territoires. Ces deux catégories de règles sont établies, respectivement, au paragraphe 1 et au paragraphe 2 de cet article 60.

85      Le cas d’espèce concerne uniquement la seconde catégorie de règles.

86      En outre, s’agissant de cette seconde catégorie de règles, la Commission a adopté l’article 33 de l’AD-CDU en application de l’habilitation prévue par l’article 62 du code des douanes, lu conjointement avec l’article 284 du code des douanes. Ainsi, cet article 62 habilite cette institution à adopter des actes délégués en vue d’établir, en substance, les règles de mise en œuvre des conditions prévues par l’article 60, paragraphe 2, du code des douanes.

87      Il en découle que, au regard de l’économie générale du code des douanes, la condition relative à la justification économique, examinée en l’espèce, est prévue par le code des douanes lui-même et constitue uniquement l’une des conditions prévues par l’une des règles en matière d’acquisition de l’origine non préférentielle.

88      Dans ce contexte, s’agissant de l’étendue de la délégation conférée à la Commission à l’article 62 du code des douanes, en habilitant la Commission à « établir » des règles, cette disposition autorise la Commission à « compléter » le code des douanes, au sens de l’article 290 TFUE. Ainsi, si la Commission n’est pas autorisée par cet article à modifier les éléments déjà arrêtés dans le code des douanes, elle est en revanche autorisée par lui à compléter le code des douanes en développant des éléments qui n’ont pas été définis par le législateur, tout en restant tenue de respecter les dispositions arrêtées par le code des douanes.

89      Ainsi, à supposer même que les règles pour la détermination de l’origine constituent des éléments essentiels du code des douanes, l’article 33 de l’AD-CDU vise seulement à compléter, en y apportant un certain nombre de précisions, l’article 60 du code des douanes. Dès lors, il ne saurait être considéré que cet article 33 dépasserait les limites de la délégation conférée à la Commission par l’article 62 du code des douanes ou qu’elle modifierait une règle essentielle du code des douanes.

90      De plus, en ce que l’article 33 de l’AD-CDU vise uniquement à assurer, ainsi qu’il ressort du considérant 21 de l’AD-CDU, l’application effective des mesures de politique commerciale instaurées au titre d’autres dispositions du droit de l’Union, il convient de considérer que l’adoption de cet article n’a pas impliqué, en tant que telle, d’effectuer des choix politiques relevant des responsabilités propres du législateur de l’Union.

91      Il résulte de ce qui précède que la première branche du quatrième moyen doit être écartée.

b)      Sur la seconde branche du quatrième moyen, tirée d’une violation des principes de sécurité juridique et de proportionnalité

92      Les requérantes font valoir que l’introduction d’une modification aussi substantielle du critère juridique de la « justification économique » par le biais d’un acte délégué est incompatible avec les principes généraux du droit de l’Union, en particulier ceux de la sécurité juridique et de la proportionnalité.

93      À cet égard, elles soutiennent qu’en retenant, à l’article 33 de l’AD-CDU, qu’une multiplicité de raisons peut être prise en considération pour évaluer la justification économique d’une opération de délocalisation, la Commission aurait introduit dans ce critère une forme de subjectivité incompatible avec le caractère objectif du règlement de base. Elles allèguent également que la Commission n’avait aucune raison d’étendre et de modifier le critère, tel qu’il avait été défini dans le droit primaire ou la jurisprudence.

94      La Commission réfute ces allégations.

95      Le Tribunal observe que l’argumentation des requérantes repose sur le postulat selon lequel l’article 33 de l’AD-CDU prévoirait qu’une multiplicité de raisons peut être prise en considération aux fins de la détermination de l’existence d’une « justification économique » et que l’évaluation de l’importance respective de ces différentes raisons relèverait du seul pouvoir discrétionnaire de la Commission. Or, ce postulat procède d’une interprétation erronée de l’article 33 de l’AD-CDU.

96      En effet, ainsi que cela a été établi aux points 54 à 63 ci-dessus, l’article 33 de l’AD-CDU prévoit qu’il suffit que « l’objectif », c’est-à-dire l’objectif principal ou dominant, d’une opération de délocalisation soit d’éviter l’application de mesures de politique commerciale de l’Union pour qu’il puisse être considéré que cette opération de délocalisation n’est pas économiquement justifiée au sens de la réglementation applicable.

97      Par conséquent, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’article 33 de l’AD-CDU ne prévoit pas la mise en balance ou la prise en considération d’une « multiplicité de raisons » aux fins de la détermination de l’existence d’une « justification économique », mais prévoit seulement qu’une telle justification ne peut, par principe, pas exister en présence d’une stratégie visant principalement à éviter l’application de mesures de politique commerciale de l’Union.

98      Il s’ensuit que l’argumentation des requérantes doit être écartée.

99      Il résulte de ce qui précède que la seconde branche du quatrième moyen, ainsi que, partant, le quatrième moyen dans son ensemble, doivent être écartés.

3.      Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et de la procédure consultative préalable à l’adoption de la décision attaquée

100    Dans le cadre du premier moyen, les requérantes font valoir, d’une part, que la Commission a violé les formes substantielles en ce que la décision attaquée ne contiendrait pas de motivation ou contiendrait une motivation insuffisante et, d’autre part, que la Commission n’aurait pas respecté la procédure consultative préalable à l’adoption de la décision attaquée.

a)      Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation

101    Les requérantes soutiennent que la décision attaquée ne leur indique ni ce que la Commission pense des opérations d’assemblage réalisées en Thaïlande, ni ce que la Commission pense des raisons qui ont poussé Harley-Davidson à fabriquer ses produits en Thaïlande, ni la manière dont la Commission a appliqué le critère de la justification économique, de sorte que le Tribunal ne serait pas en mesure d’exercer son contrôle.

102    Les requérantes allèguent également que la décision attaquée ne contient pas d’explications quant aux raisons pour lesquelles la position de la Commission est différente de celle des autorités douanières belges et que le raisonnement exposé au considérant 7 de ladite décision ne constitue rien de plus qu’une déclaration péremptoire. Elles font valoir à cet égard que, compte tenu de la technicité de la matière, des investissements considérables en jeu et en raison du caractère inédit d’une décision telle que la décision attaquée, l’exposé d’un raisonnement clair s’avérait particulièrement important.

103    La Commission réfute ces allégations.

104    Il ressort d’une jurisprudence constante que la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et vérifier si la décision est ou non bien fondée et, d’autre part, à permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 43 et jurisprudence citée).

105    En l’espèce, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée et selon les termes reproduits au point 37 ci-dessus, le motif pour lequel certaines catégories de motocycles fabriqués par Harley-Davidson et importés dans l’Union depuis la Thaïlande ne pouvaient être considérées comme ayant ce pays pour origine, à savoir le fait que cette fabrication en Thaïlande n’était pas économiquement justifiée, en ce qu’elle visait principalement à éviter les mesures de politique commerciale de l’Union adoptées, à partir de 2018, à l’encontre des produits originaires des États-Unis.

106    De plus, au considérant 9 de la décision attaquée, la Commission a reproché aux autorités douanières belges de ne pas avoir correctement fait application de l’article 33 de l’AD-CDU, puisqu’elles avaient retenu, dans les deux décisions RCO, la Thaïlande comme lieu d’origine des motocycles en cause.

107    Ainsi, la décision attaquée comporte une motivation suffisante à ce titre en mentionnant les raisons pour lesquelles la Commission a considéré que les autorités douanières belges avaient adopté des décisions RCO qui n’étaient pas en conformité avec la législation douanière de l’Union.

108    En outre, il peut être observé que certains des arguments des requérantes énoncés au point 102 ci-dessus se confondent avec la critique du bien-fondé de la décision attaquée. Or, l’obligation de motiver des décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation. La motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels elle repose. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non sa motivation, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 181 et jurisprudence citée).

109    Il s’ensuit qu’il convient d’écarter la première branche du premier moyen.

b)      Sur la seconde branche du premier moyen, tirée du non-respect de la procédure consultative préalable à l’adoption de la décision attaquée

110    Les requérantes font valoir que la Commission était tenue de consulter le comité consultatif compétent avant d’adopter la décision attaquée et que la seule consultation dudit comité par la voie d’une procédure écrite était, en l’espèce, insuffisante, et ce d’autant plus que la Commission n’aurait communiqué aucun élément de contexte factuel et juridique en vue de permettre aux membres du comité de se forger une opinion. En outre, selon les requérantes, la circonstance selon laquelle, dans le cadre de la consultation menée par procédure écrite, quatre États membres se sont manifestés pour s’opposer au projet de décision attaquée aurait dû conduire la Commission à « tenir le plus grand compte » de ces observations, au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement (UE) no 182/2011 du Parlement Européen et du Conseil, du 16 février 2011, établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission (JO 2011, L 55, p. 13).

111    La Commission conteste ces allégations.

112    Il ressort de l’article 285 du code des douanes que le comité du code des douanes est un comité au sens du règlement no 182/2011. En outre, il découle de l’article 37, paragraphe 2, deuxième et troisième alinéas, du code des douanes, lu conjointement avec l’article 285, paragraphes 2 et 6, dudit code, que les décisions, telles que la décision attaquée, demandant aux États membres de révoquer des décisions RCO sont adoptées selon la procédure consultative visée à l’article 4 du règlement no 182/2011.

113    L’article 4 du règlement no 182/2011, intitulé « Procédure consultative », dispose :

« 1. Lorsque la procédure consultative s’applique, le comité émet son avis, le cas échéant en procédant à un vote. Si le comité procède à un vote, l’avis est émis à la majorité simple des membres qui le composent.

2. La Commission décide du projet d’acte d’exécution à adopter, en tenant le plus grand compte des conclusions se dégageant des débats au sein du comité et de l’avis émis. »

114    S’agissant du grief tiré du recours à une procédure conduite par la voie écrite en l’espèce, aucune disposition du règlement no 182/2011 n’interdit à la Commission de conduire une procédure consultative selon cette modalité particulière. Au contraire, il est expressément prévu, à l’article 3, paragraphe 5, du règlement no 182/2011, que l’avis d’un comité, dans le cadre d’une procédure consultative, peut être obtenu au moyen d’une procédure écrite.

115    S’agissant du grief tiré de ce que le comité consultatif n’aurait pas bénéficié d’éléments factuels et juridiques suffisants lorsqu’il a examiné le projet de décision attaquée, il convient de relever que les requérantes n’ont pas étayé ce grief et que, en tout état de cause, les États membres, concernés au premier chef, n’ont émis aucune critique sur ce point, de sorte qu’il n’existe pas d’élément permettant de conclure que les délégations n’avaient pas pu adopter leurs positions en connaissance de cause. Partant, ce grief doit être écarté.

116    En ce qui concerne la prise en compte des observations formulées par les États membres qui se seraient manifestés pour s’opposer au projet de décision, il y a lieu de relever que l’exigence, prévue à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 182/2011, ne présente pas de caractère contraignant. Ainsi, la Commission, qui conserve une marge d’appréciation, n’est pas liée par l’avis émis par le comité ni, a fortiori, par les opinions divergentes minoritaires émises par certains de ses membres.

117    En effet, la formule « en tenant le plus grand compte » de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 182/2011 met en exergue le caractère non contraignant des conclusions se dégageant des débats au sein du comité, y compris des opinions émises par certains de ses membres seulement, et de l’avis in fine émis par ledit comité. Si de telles conclusions ou opinions étaient contraignantes, il ne suffirait pas pour la Commission d’en tenir le plus grand compte, au risque de dénaturer les termes et le but de l’article 4 du règlement no 182/2011, mais il lui reviendrait de s’y conformer (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 9 juillet 2019, VodafoneZiggo Group/Commission, T‑660/18, EU:T:2019:546, point 44). Ce constat est conforté par une comparaison avec la procédure d’examen, prévue par l’article 5 de ce règlement, étant donné que, ainsi qu’il ressort de son considérant 11, cette dernière procédure doit permettre de garantir que les actes d’exécution ne peuvent pas être adoptés par la Commission s’ils ne sont pas conformes à l’avis du comité compétent. Cela signifie que l’avis du comité compétent n’est pas contraignant pour la Commission si, comme en l’espèce, la procédure consultative s’applique.

118    Cependant, ainsi que les requérantes le relèvent à bon droit, il a déjà été reconnu par la jurisprudence que l’obligation de tenir « le plus grand compte » imposait une obligation de motivation en ce sens que la Commission devait pouvoir expliquer des divergences au regard des conclusions se dégageant des débats au sein du comité et de l’avis émis (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 9 juillet 2019, VodafoneZiggo Group/Commission, T‑660/18, EU:T:2019:546, point 47).

119    À cet égard, il convient d’observer que la décision attaquée a été adoptée au terme de la procédure administrative décrite aux points 34 et 35 ci-dessus. En particulier, la Commission a soumis le projet de décision attaquée aux délégations du comité saisi le 5 mars 2021 et quatre États membres ont envoyé des observations s’opposant à la position retenue par la Commission dans ce projet.

120    Il ressort de la note de synthèse adressée par la Commission au comité du code des douanes, section « Origine », le 29 mars 2021 (voir point 34 ci-dessus), que 23 États membres n’avaient pas pris position sur le projet de décision attaquée. Ainsi, une large majorité des délégations avaient, tacitement, marqué leur accord avec ledit projet de décision attaquée, en application de l’article 3, paragraphe 5, du règlement no 182/2011, de sorte que l’avis émis par le comité sur le projet de décision attaquée pouvait être regardé comme un avis favorable, à l’égard duquel la Commission n’a donc pas eu de divergence à expliquer.

121    Il ressort du procès-verbal de la réunion du groupe d’experts douaniers, section « Origine », du 20 avril 2021, que, sur les quatre délégations ayant manifesté leur opposition au projet de décision attaquée, au moins trois ont fait part de préoccupations précises et détaillées.

122    En particulier, ces délégations ont émis des réserves relatives à la question de l’absence d’examen, dans le projet de décision attaquée, de la rationalité économique globale de l’opération de délocalisation et à la question de savoir s’il fallait comprendre la notion d’« objectif », au sens de l’article 33 de l’AD-CDU, comme renvoyant à un but unique ou à une finalité exclusive et non pas seulement comme renvoyant à un objectif parmi d’autres.

123    Ainsi, ces réserves sont susceptibles de relever de la notion de « conclusions se dégageant des débats au sein du comité », au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 182/2011, dont il revenait à la Commission de tenir « le plus grand compte », au sens de cette même disposition.

124    Toutefois, il ressort du considérant 7 de la décision attaquée que, « [m]ême si le fait d’éviter les mesures de politique commerciale ne constitue pas nécessairement le seul objectif du transfert de la production, les conditions visées à l’article 33, premier alinéa, [de l’AD-CDU] sont remplies sur la base des informations disponibles ».

125    Ce faisant, la Commission a implicitement mais nécessairement répondu à la question de savoir s’il fallait comprendre la notion d’« objectif », au sens de l’article 33 de l’AD-CDU, comme renvoyant à un objectif parmi d’autres, en considérant que cet objectif pouvait donc cohabiter avec d’autres objectifs. En outre, elle a également implicitement mais nécessairement considéré à bon droit qu’il n’était pas requis, après avoir établi que l’objectif principal ou dominant d’une opération de délocalisation était d’éviter l’application de mesures de politique commerciale de l’Union, de prendre position sur la question de la rationalité économique globale de l’opération de délocalisation en cause.

126    Il résulte de ce qui précède que la seconde branche du premier moyen ainsi que, partant, le premier moyen dans son ensemble doivent être écartés.

4.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

127    Les requérantes soutiennent que la décision attaquée est fondée sur une erreur manifeste d’appréciation des faits pertinents en ce que la Commission n’aurait pas tenu compte de l’ensemble des éléments de contexte et en ce que le contexte, le contenu et l’objet du formulaire 8-K n’auraient pas été correctement appréciés.

a)      Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de l’absence d’analyse de l’ensemble des faits pertinents

128    Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation, dans la mesure où elle n’a pas examiné l’ensemble des faits pertinents, et notamment la date à laquelle la décision de Harley-Davidson de transférer certaines opérations de fabrication en Thaïlande avait été adoptée, les raisons commerciales et économiques qui sous-tendaient cette décision ainsi que la nature des processus et des opérations réalisés en Thaïlande.

129    La Commission conteste cette argumentation.

130    Il y a lieu de relever que l’argumentation des requérantes concerne la question de savoir si la Commission a commis une erreur de droit dans l’application qu’elle a faite de l’article 33 de l’AD-CDU en ne procédant pas à la recherche de la justification économique de la délocalisation en cause. Or, cette question a déjà été examinée dans le cadre de l’analyse du troisième moyen.

131    À cet égard, il ressort de l’analyse menée aux points 54 à 63 ci-dessus que, dans la mesure où la Commission a constaté, à juste titre, sur la base des éléments à sa disposition, que l’objectif principal de l’opération de délocalisation en Thaïlande de la production de motocycles Harley-Davidson destinés au marché de l’Union était d’éviter l’application des mesures de politique commerciale instaurées par le règlement 2018/886, elle pouvait alors valablement conclure, dans le cadre de l’application qu’elle avait faite de l’article 33 de l’AD-CDU, que cette opération n’était pas économiquement justifiée sans qu’il soit besoin d’examiner les faits se rattachant aux éventuels autres objectifs de l’opération de délocalisation.

132    Il s’ensuit que la première branche du deuxième moyen est écartée.

b)      Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation du contexte, du contenu et de l’objet du formulaire 8-K

133    Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir tenu compte du contexte dans lequel le formulaire 8-K a été rendu public. À cet égard, les requérantes soutiennent que la Commission a accordé trop d’importance à la formule selon laquelle la délocalisation en cause devait permettre d’« éviter la charge tarifaire » induite par les droits de douane additionnels, alors que d’autres éléments venaient justifier cette délocalisation. Ainsi, les requérantes considèrent que la Commission a attribué une valeur probante absolue à une déclaration unique, sans prendre en considération le contexte dans lequel cette déclaration avait été effectuée ou le public auquel elle s’adressait et qu’elle avait pour objectif de rassurer, à l’exclusion de toute autre preuve. Enfin, les requérantes font valoir que, même si l’un des facteurs motivant la délocalisation était d’éviter l’application des droits de douane additionnels, la Commission n’a pas mis en balance cet objectif avec d’autres objectifs poursuivis par la délocalisation en cause.

134    La Commission réfute ces allégations.

135    En l’espèce, ainsi que cela ressort des faits exposés aux points 24 et 25 ci-dessus, en réaction à l’entrée en vigueur du règlement 2018/886, Harley-Davidson a présenté à la SEC, le 25 juin 2018, le formulaire 8-K destiné à informer ses actionnaires de l’application, depuis le 22 juin 2018, de droits de douane additionnels sur ses produits importés dans l’Union depuis les États-Unis. Dans ce formulaire, Harley-Davidson a également fait part de son intention de transférer la production de certains motocycles destinés au marché de l’Union des États-Unis vers ses installations internationales, afin d’éviter les mesures de politique commerciale de l’Union en cause.

136    En particulier, le formulaire 8-K contient la formulation suivante : « [p]our faire face au coût substantiel de cette charge tarifaire à long terme, Harley-Davidson va mettre en œuvre un plan visant à déplacer la production de motocycles destinés à l’[Union] des États-Unis vers ses installations internationales afin d’éviter la charge tarifaire ».

137    Il s’ensuit qu’au moins un des facteurs ayant motivé la délocalisation en cause était d’éviter l’application des droits de douane additionnels, ce que ne contestent pas les requérantes. En outre, il a été établi, aux points 64 à 72 ci-dessus, que cette volonté d’éviter l’application des droits de douane additionnels avait été l’objectif principal ou dominant de la décision de délocalisation en cause.

138    Par conséquent, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a affirmé, dans la décision attaquée, que c’était « [à] la suite de la publication des mesures de politique commerciale de l’Union [que Harley-Davidson] a[vait] communiqué, au moyen [du] formulaire 8-K […] présenté en juin 2018 à la [SEC], son projet de transfert de la production de certains motocycles destinés au marché de l’Union […] des États-Unis […] vers ses installations internationales situées dans un autre pays, afin d’éviter les mesures de politique commerciale de l’Union […] », tout en relevant que « […] le fait d’éviter les mesures de politique commerciale [en cause] ne constitu[ait] pas nécessairement le seul objectif du transfert de la production […] ».

139    S’agissant de la question de savoir si d’autres facteurs auraient dû être pris en compte par la Commission, tels que des éléments de contexte, l’objet du formulaire 8-K ou encore les autres objectifs poursuivis par la délocalisation en cause, il y a lieu d’observer qu’elle concerne la question de savoir si la Commission a commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 33 de l’AD-CDU en fondant sa conclusion sur le constat que l’objectif dominant de cette délocalisation était d’éviter l’application des droits de douane additionnels, laquelle a déjà été examinée et rejetée dans le cadre de l’analyse du troisième moyen et de la première branche du présent moyen.

140    Il résulte de ce qui précède que la seconde branche du deuxième moyen ainsi que, partant, le deuxième moyen dans son ensemble doivent être écartés.

5.      Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de principes généraux du droit de l’Union et de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

141    Dans le cadre du cinquième moyen, les requérantes font valoir que la décision attaquée viole les principes de sécurité juridique et de confiance légitime, les principes de non-discrimination et de proportionnalité, le droit à une bonne administration, la liberté d’entreprise et le droit de propriété.

a)      Sur la première branche du cinquième moyen, tirée de la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime

142    Les requérantes font valoir que la décision attaquée n’était pas prévisible, pas plus que son application et ses effets, notamment à l’égard des autorités belges, comme le montrerait le fait que ces dernières ont révoqué les cinq décisions RCO qui avaient été accordées aux requérantes, et pas seulement les deux décisions RCO indiquées dans la décision attaquée. En outre, elles soutiennent que le fait que la Commission n’a pas révoqué les décisions RCO au moment où elles ont été accordées constitue un comportement qui a créé une confiance légitime et rappellent que la Cour a déjà jugé qu’un délai de deux ans entre la publication d’une décision incorrecte et la tentative de correction de la Commission était déraisonnable. Elles allèguent également que le guide de la Commission sur les informations contraignantes en matière d’origine indique que la révocation d’une décision RCO est soumise aux conditions de l’article 22, paragraphe 6, du code des douanes relatives au droit d’être entendu, de sorte qu’elles pouvaient s’attendre légitimement à ce que la Commission les contacte dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée. Enfin, les requérantes soutiennent qu’il n’existait pas d’intérêt public impérieux qui aurait dû prévaloir sur leurs intérêts privés.

143    La Commission conteste cette argumentation.

144    Les décisions RCO, prises en application de l’article 33 du code des douanes, sont des décisions par lesquelles des autorités douanières nationales certifient, en réponse à des demandes d’importateurs qui souhaitent obtenir des garanties quant à l’interprétation des règles permettant de définir l’origine d’une marchandise importée, l’origine géographique de certains produits importés dans l’Union. Le renseignement contraignant de l’origine a pour objectif de donner à l’opérateur économique toute sécurité lorsqu’un doute subsiste sur l’origine géographique d’une marchandise importée dans l’Union, le protégeant ainsi à l’égard de toute modification ultérieure de la position prise par les autorités douanières nationales pendant une durée déterminée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 29 janvier 1998, Lopex Export, C‑315/96, EU:C:1998:31, point 28). Toutefois, un tel renseignement n’a pas pour objectif et ne saurait avoir pour effet de garantir définitivement à l’opérateur que l’origine géographique à laquelle il se réfère ne sera pas par la suite modifiée, notamment en raison de la révocation, à la demande de la Commission, de la décision RCO obtenue, pour le motif prévu à l’article 34, paragraphe 11, du code des douanes, à savoir la nécessité de garantir une détermination de l’origine correcte des marchandises.

145    En outre, la Cour a déjà jugé que le principe de protection de la confiance légitime ne pouvait être invoqué à l’encontre d’une disposition précise d’un texte de droit de l’Union, de sorte que le comportement d’une autorité nationale chargée d’appliquer le droit de l’Union, qui est en contradiction avec ce dernier, ne saurait fonder, à l’égard d’un opérateur économique, une confiance légitime à bénéficier d’un traitement contraire au droit de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2011, Sony Supply Chain Solutions (Europe), C‑153/10, EU:C:2011:224, point 47 et jurisprudence citée].

146    Or, en l’espèce, il ressort de l’analyse du troisième moyen que l’article 33 de l’AD-CDU réglemente avec suffisamment de précision la condition afférente au caractère économiquement justifié de l’ouvraison ou de la transformation. En outre, il ressort des termes de l’article 60, paragraphe 2, du code des douanes que cette disposition réglemente avec suffisamment de précision les autres conditions à respecter pour la détermination de l’origine d’une marchandise importée dans l’Union.

147    Il s’ensuit que les autorités douanières belges chargées d’appliquer le droit de l’Union ont, en adoptant les décisions RCO, eu un comportement en contradiction avec le droit de l’Union et que ce comportement n’a pas pu créer une confiance légitime à l’égard des requérantes.

148    S’agissant de la question du délai qui s’est écoulé entre la date à laquelle la Commission a pris connaissance de l’existence des décisions RCO en cause et celle à laquelle elle a demandé aux autorités douanières belges leur révocation, question qui relève en réalité de la troisième branche du présent moyen, elle sera abordée dans le cadre de l’examen de ladite branche, tirée de la violation du droit à une bonne administration.

149    S’agissant, enfin, de l’allégation des requérantes selon laquelle elles pouvaient légitimement s’attendre à ce que la Commission les contacte avant d’adopter la décision attaquée, il suffit de constater, pour l’écarter, que, dans le cadre de la première branche du cinquième moyen, cette allégation est fondée sur une interprétation de l’article 22, paragraphe 6, du code des douanes, lequel concerne uniquement la procédure à suivre par les autorités douanières nationales, et non la procédure à suivre par la Commission.

150    Il résulte de ce qui précède que la première branche du cinquième moyen doit être écartée.

b)      Sur la deuxième branche du cinquième moyen, tirée de la violation des principes de non-discrimination et de proportionnalité

151    Les requérantes soutiennent qu’il ressort des déclarations de l’ancien président de la Commission, mais aussi de la commissaire au commerce de l’époque, que Harley-Davidson a été spécifiquement visée, aux côtés d’autres marques américaines, pour faire l’objet des droits de rétorsion en cause en vue de faire pression sur certains responsables politiques américains en particulier, et non pas sur le fondement de critères objectifs. Elles ajoutent que l’effet de la décision attaquée a été disproportionné au regard du but recherché et qu’il existait d’autres solutions moins contraignantes ou qu’elles auraient pu bénéficier de garanties, par exemple être averties du fait que la Commission prévoyait de réexaminer l’interprétation du critère de l’article 33 de l’AD-CDU effectuée par les autorités belges, tout en leur donnant la possibilité de présenter des observations.

152    La Commission réfute ces allégations.

153    Le Tribunal observe que, en ce qu’elles allèguent, en substance, avoir fait l’objet d’un traitement discriminatoire, dès lors que Harley-Davidson a été spécifiquement visée par des déclarations publiques de hauts responsables de l’Union, aux côtés d’autres marques américaines, pour faire l’objet des droits de rétorsion en cause, les requérantes dépassent le cadre du présent litige.

154    En effet, cette critique des requérantes ne porte pas en réalité sur la décision attaquée, mais vise directement le règlement 2018/886 qui a instauré les droits de douane additionnels et qui, selon elles, aurait injustement désigné Harley-Davidson. En outre, et en tout état de cause, le règlement 2018/886 ne vise pas nommément Harley-Davidson, mais vise notamment les produits correspondant au code de nomenclature 8711 50 00, à savoir les « [m]otocycles […] à moteur à piston alternatif, d’une cylindrée excédant 800 cm3 ». Or, si une telle catégorie de produits correspond effectivement aux motocycles fabriqués par Harley-Davidson, il ne saurait pour autant être exclu que les motocycles fabriqués par d’autres entreprises implantées aux États-Unis puissent également relever de cette catégorie définie de façon objective, sans référence à une marque en particulier, ce que les requérantes ont confirmé lors de l’audience en désignant un autre fabricant américain.

155    Quant à la question de la proportionnalité et du caractère discriminatoire de la décision attaquée, il suffit de relever que, par ladite décision, la Commission s’est limitée à demander à des autorités douanières nationales de révoquer des décisions RCO, du fait que ces décisions n’avaient pas été adoptées en conformité avec le droit de l’Union. D’une part, une demande de mise en conformité avec la réglementation applicable n’est pas disproportionnée. D’autre part, les requérantes n’établissent ni même n’allèguent que la Commission aurait renoncé à demander à des autorités nationales de modifier des décisions RCO concernant un autre producteur de produits correspondant au code de nomenclature 8711 50 00. Par ailleurs, rien n’indique que la Commission n’aurait pas agi exactement de la même manière en présence d’autres décisions RCO non conformes au droit de l’Union.

156    Il s’ensuit que la deuxième branche du cinquième moyen doit être écartée.

c)      Sur la troisième branche du cinquième moyen, tirée de la violation du droit à une bonne administration et du droit d’être entendu

157    Les requérantes font valoir que la Commission n’a pas appliqué son processus décisionnel de manière impartiale et que la décision attaquée ne peut avoir qu’une origine politique. Elles reprochent également à la Commission de ne pas avoir adopté la décision attaquée dans un délai raisonnable et de ne pas avoir communiqué avec elles, même par l’intermédiaire des autorités belges, avant d’adopter ladite décision. À cet égard, les requérantes rappellent que le droit d’être entendu est un principe général du droit de l’Union dont tout opérateur commercial doit bénéficier, quel que soit le contenu de la réglementation applicable.

158    La Commission conteste cette argumentation.

159    Aux termes de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, toute personne a le droit, notamment, de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union. Cette exigence d’impartialité recouvre l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée qui est chargée de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 155 et jurisprudence citée).

160    En l’espèce, il est vrai qu’il ressort des propos tenus en mars 2018 par l’ancien président de la Commission, tels que rapportés dans la presse, que « des taxes [additionnelles devaient être] appliquées sur les motos Harley-Davidson, sur les jeans Levi’s, sur le Bourbon ». Toutefois, les requérantes ne sauraient déduire de ces seules allégations spontanées que la Commission aurait violé l’exigence d’impartialité. Tout d’abord, la Commission s’est bornée, par la décision attaquée, adoptée en mars 2021, à demander aux autorités douanières belges, dans le cadre de son contrôle a posteriori des décisions RCO adoptées par les autorités douanières nationales, de révoquer les décisions RCO en cause, dès lors que celles-ci étaient considérées par la Commission, à bon droit, comme contraires au droit de l’Union. En effet, la Commission a, sur le fondement de l’article 33 de l’AD-CDU, adopté la décision attaquée dans le seul but de garantir une détermination de l’origine correcte des motocycles fabriqués par Harley-Davidson, de sorte qu’elle ne saurait se voir reprocher le défaut d’impartialité formulé par les requérantes. En outre, et en tout état de cause, les requérantes ne font valoir aucun élément lié à l’adoption de la décision attaquée, autre que des considérations générales et abstraites tenant à une prétendue volonté politique d’instaurer les droits de douane additionnels en cause, pour démontrer l’absence d’objectivité et d’impartialité de la Commission.

161    À cet égard, il convient également de rappeler que l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux dispose que le droit à une bonne administration comporte le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre. Le droit d’être entendu fait partie des droits de la défense, lequel constitue un principe général du droit de l’Union qui trouve à s’appliquer, même en l’absence d’une réglementation spécifique à ce sujet. Ce principe exige que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue au sujet des éléments retenus à leur charge pour fonder ces décisions (voir arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission, C‑650/19 P, EU:C:2021:879, point 122 et jurisprudence citée).

162    Il ressort en outre de la jurisprudence que, pour qu’une violation du droit d’être entendu puisse conduire à l’annulation de l’acte en cause, il doit exister une possibilité que la procédure administrative ait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2022, Zhejiang Jiuli Hi-Tech Metals/Commission, C‑718/20 P, EU:C:2022:362, point 49). Ainsi, il incombe à la partie requérante de rapporter la preuve, en présentant des éléments concrets ou à tout le moins des arguments ou des indices suffisamment fiables et précis, que la décision de la Commission aurait pu être différente, permettant ainsi de caractériser concrètement une atteinte aux droits de la défense (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, EU:C:2006:433, point 98).

163    Enfin, l’observation d’un délai raisonnable dans la conduite d’une procédure administrative constitue un principe général du droit de l’Union. En outre, l’exigence fondamentale de sécurité juridique, qui s’oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l’exercice de ses pouvoirs, conduit le juge à examiner si le déroulement de la procédure administrative révèle l’existence d’une action excessivement tardive de la part de cette institution (voir arrêt du 22 avril 2016, France/Commission, T‑56/06 RENV II, EU:T:2016:228, point 44 et jurisprudence citée).

164    Le caractère raisonnable du délai de la procédure doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire, telles que la complexité de celle-ci et le comportement des parties (voir arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, point 82 et jurisprudence citée).

165    C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner la troisième branche du cinquième moyen.

1)      Sur la violation du droit d’être entendu

166    S’agissant de la violation du droit d’être entendu, il est constant entre les parties que la Commission n’a pas mis les requérantes en mesure de faire valoir des observations dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée, laquelle, en enjoignant aux autorités belges de révoquer les deux premières décisions RCO en cause, et en l’absence de possibilité pour ces dernières de ne pas se conformer à cette injonction, constitue une mesure individuelle prise à l’encontre des requérantes, qui les affecte défavorablement. L’argument de la Commission selon lequel la procédure d’adoption de la décision attaquée prévoit seulement un échange bilatéral entre la Commission et l’État membre concerné ne peut prospérer, eu égard à la circonstance, rappelée au point 161 ci-dessus, selon laquelle ce droit s’applique même en l’absence de réglementation spécifique. En outre, la circonstance selon laquelle les requérantes ont pu ou auraient pu faire valoir leurs observations auprès des autorités douanières belges à la fois avant l’adoption des décisions RCO en cause mais aussi, d’après la Commission, entre l’adoption de la décision attaquée et celle de la décision de révocation effective desdites décisions RCO n’est pas de nature à permettre de considérer que la Commission aurait respecté l’obligation, qui s’imposait à elle, d’entendre les requérantes avant l’adoption de la décision attaquée.

167    Toutefois, cette irrégularité ne saurait en l’espèce conduire à l’annulation de la décision attaquée que dans la mesure où il existe une possibilité que, du fait de cette irrégularité, la procédure administrative ait pu aboutir à un résultat différent, portant ainsi concrètement atteinte aux droits de la défense.

168    Or, en se limitant, dans la décision attaquée, à demander aux autorités douanières belges, dans le cadre de son contrôle a posteriori des décisions RCO adoptées par les autorités douanières nationales, de révoquer des décisions RCO faisant une application incorrecte de l’article 33 de l’AD-CDU, la Commission a seulement fait usage de la compétence, qui lui est conférée par l’article 34, paragraphe 11, du code des douanes, pour demander à un État membre de révoquer des décisions RCO afin de garantir une détermination correcte et uniforme de l’origine des marchandises.

169    La décision attaquée contient une interprétation et une application d’une règle de droit de l’Union, à savoir l’article 33 de l’AD-CDU, dont il a été jugé, aux points 53 à 73 ci-dessus, qu’elles n’étaient entachées d’aucune erreur. Ainsi, à supposer même que les requérantes aient pu faire valoir des observations dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée, l’interprétation et l’application de l’article 33 de l’AD-CDU faites dans cette dernière par la Commission n’auraient pu être différentes. Or ce n’est qu’en raison de divergences quant à l’interprétation de l’article 33 de l’AD-CDU, mises en lumière par la lecture des échanges intervenus entre les autorités belges et la Commission, produits par cette dernière en réponse à une mesure d’organisation de la procédure du 30 juin 2022, que les solutions respectivement retenues quant à l’application de cet article aux faits de la présente affaire n’ont pas été les mêmes.

170    En tout état de cause, ainsi que cela a déjà été relevé aux points 65 et 66 ci-dessus, les requérantes n’ont pas produit devant le Tribunal d’éléments concrets susceptibles de démontrer que la délocalisation en cause aurait été justifiée principalement en raison de considérations étrangères à l’instauration des droits de douane additionnels alors que la charge de la preuve leur incombe, comme cela est rappelé au point 162 ci-dessus.

2)      Sur la violation du principe de délai raisonnable

171    S’agissant de la prétendue inobservation d’un délai raisonnable dans le cadre de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, il convient d’emblée de relever que l’article 34, paragraphe 11, du code des douanes, qui autorise la Commission à demander à un État membre de révoquer des décisions RCO afin de garantir une détermination correcte et uniforme de l’origine des marchandises, ne prévoit, ainsi que la Commission le relève d’ailleurs à juste titre, aucun délai, même indicatif, pour l’examen, par cette dernière, des décisions RCO qui lui sont notifiées, en application de l’article 19 du règlement 2015/2447 (voir point 12 ci-dessus).

172    Cependant, la seule circonstance selon laquelle la Commission n’est soumise à aucun délai pour demander à un État membre de révoquer des décisions RCO ne fait pas obstacle à ce que le juge de l’Union vérifie si cette institution n’a pas observé un délai raisonnable.

173    En l’espèce, il y a lieu de constater que les décisions RCO en cause ont été notifiées à la Commission par les autorités douanières belges le 21 août 2019 et que la Commission a, le 5 octobre 2020, pris contact avec ces autorités pour leur faire part de son intention de leur demander de révoquer lesdites décisions.

174    À la suite d’un échange avec les autorités belges, dans le cadre duquel ces dernières ont formulé des observations par courrier électronique du 13 novembre 2020, la Commission a, dès le 22 décembre 2020, lancé une procédure en vue de l’adoption de la décision attaquée, qui l’a conduite à interroger différentes directions générales. Le 5 mars 2021, la Commission a soumis le projet de décision attaquée à toutes les délégations du comité du code des douanes, section « Origine », dans le cadre de la procédure consultative et par procédure écrite. Le 29 mars 2021, la Commission a adressé une note de synthèse au comité du code des douanes, section « Origine », avant d’adopter, le 31 mars 2021, la décision attaquée.

175    Ainsi, s’il s’est certes écoulé un peu plus de treize mois entre la notification, par les autorités douanières belges, des décisions RCO en cause et la première prise de contact de la Commission avec ces dernières au sujet d’une éventuelle demande de révocation de ces décisions, il ne saurait pour autant être considéré que le délai de seize mois qui s’est écoulé entre ladite notification et l’ouverture de la procédure formelle interne en vue de l’adoption de la décision attaquée est excessif, dans des circonstances telles que celles de l’espèce qui, au surplus, étaient caractérisées par le caractère inédit de l’usage, par la Commission, de la compétence, qui lui est conférée par l’article 34, paragraphe 11, du code des douanes, pour demander à un État membre de révoquer des décisions RCO afin de garantir une détermination correcte et uniforme de l’origine des marchandises.

176    En outre, il doit être observé que la Commission a, par la suite, adopté la décision attaquée au terme d’une procédure administrative qui a duré moins de quatre mois, au cours de laquelle de nombreuses parties institutionnelles ont dû être consultées et ont pu formuler des observations, ce qui témoigne d’une certaine célérité.

177    Il s’ensuit qu’il y a lieu d’écarter la troisième branche du cinquième moyen.

d)      Sur la quatrième branche du cinquième moyen, tirée de la violation de la liberté d’entreprise et du droit de propriété

178    Les requérantes allèguent que la Commission a interprété l’article 33 de l’AD-CDU d’une manière telle qu’elle prive les opérateurs commerciaux du choix légitime du lieu d’implantation de leurs activités, ce qui violerait leur liberté d’entreprise et leur droit de propriété. Or, selon les requérantes, toute ingérence de la Commission dans les décisions commerciales prises par les entreprises ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre un objectif légitime et, bien que le contrôle du régime commercial et douanier de l’Union constitue un objectif légitime, il doit cependant être poursuivi dans des limites strictes pour ne pas constituer une ingérence arbitraire à des fins politiques.

179    La Commission réfute ces allégations.

180    À cet égard, il convient de rappeler que, aux points 41 à 46 de son arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich (C‑283/11, EU:C:2013:28), la Cour a rappelé que la protection conférée par l’article 16 de la charte des droits fondamentaux comporte la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale, la liberté contractuelle et la concurrence libre. En outre, conformément à la jurisprudence de la Cour, la liberté d’entreprise ne constitue pas une prérogative absolue, mais doit être prise en considération au regard de sa fonction dans la société. Sur le fondement de cette jurisprudence et eu égard au libellé de l’article 16 de la charte des droits fondamentaux, qui se distingue de celui des autres libertés fondamentales consacrées au titre II de celle-ci tout en étant proche de celui de certaines dispositions du titre IV de cette même charte des droits fondamentaux, la liberté d’entreprise peut être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique.

181    En vertu de l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et des conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. Par ailleurs, l’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général.

182    Étant donné que les droits garantis par l’article 16 et l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux ne sont pas absolus, leur exercice peut être soumis à des limitations justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. Conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, toute limitation de l’exercice des droits et des libertés consacrés par la charte des droits fondamentaux doit être prévue par la loi, respecter leur contenu essentiel et, dans le respect du principe de proportionnalité, être nécessaire et répondre effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui.

183    En l’espèce, les requérantes ne précisent pas les éléments de fait pouvant étayer les allégations qu’elles formulent dans le cadre de la présente branche et qui seraient de nature à démontrer que la décision attaquée aurait limité de manière disproportionnée leur droit de propriété ou leur liberté d’entreprise.

184    Au surplus, d’une part, une éventuelle limitation de ces droits fondamentaux, à la supposer même établie, ne serait pas la conséquence de la décision attaquée. En réalité, une telle limitation, à la supposer établie, trouverait son origine dans le règlement 2018/886, qui a instauré les droits de douane additionnels. Or, ainsi que cela ressort du dossier, les requérantes n’ont pas mis en cause la légalité dudit règlement dans le cadre du présent recours. D’autre part, il convient également de considérer que, dès lors qu’il n’a pas été établi que la décision attaquée ferait obstacle à ce que les requérantes commercialisent, dans l’Union, des motocycles fabriqués par Harley-Davidson, cette décision n’entrave pas de manière disproportionnée la jouissance, par les requérantes, de leur droit d’exercer des activités économiques sur le marché de l’Union, ni l’exercice de leur droit de propriété dans la production et la commercialisation des motocycles en cause.

185    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter la quatrième branche du cinquième moyen ainsi que, partant, le cinquième moyen dans son ensemble.

6.      Sur le sixième moyen, tiré d’un abus de pouvoir de la Commission à des fins politiques

186    Les requérantes soutiennent que le moment auquel la décision attaquée a été adoptée montrerait très clairement que le comportement de la Commission était motivé par des considérations politiques. Elles prétendent ainsi que la Commission a abusé de son pouvoir, qui lui permet de veiller à ce que l’origine de marchandises importées dans l’Union soit déterminée de manière correcte en demandant à des autorités douanières nationales de révoquer des décisions RCO, exclusivement ou principalement à des fins autres que celles pour lesquelles il a été conféré, compromettant ainsi l’objectif de ce pouvoir, qui est de garantir des « conditions de concurrence égales » correctes et harmonisées pour les opérateurs économiques.

187    La Commission conteste ces allégations.

188    Le Tribunal observe que, sous couvert d’un prétendu « abus de pouvoir », les requérantes, par leurs allégations, font en réalité valoir, dans le cadre de ce sixième moyen, un détournement de pouvoir de la part de la Commission. En effet, par leur argumentation, les requérantes font en substance valoir que la décision attaquée constituerait une mesure déguisée de politique commerciale, visant à faire pression sur le gouvernement des États-Unis afin qu’il renonce aux droits de douane imposés au titre de la section 232 de la loi de 1962 sur l’expansion du commerce.

189    Il ressort d’une jurisprudence constante qu’un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but, exclusif ou, à tout le moins, déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (voir arrêt du 20 mars 2019, Foshan Lihua Ceramic/Commission, T‑310/16, EU:T:2019:170, point 176 et jurisprudence citée).

190    Or, les requérantes n’ont apporté aucun élément concret, autre que des allégations vagues et abstraites, de nature à établir que la Commission aurait adopté ladite décision à des fins autres que celles excipées, à savoir garantir la détermination correcte et uniforme de l’origine des marchandises importées dans l’Union. Si les requérantes ont produit des articles de presse, dont certains sont, au demeurant, postérieurs à l’adoption de la décision attaquée, force est de constater que ces articles ne concernent ni la décision attaquée ni des décisions similaires. En outre, ces articles font plutôt état d’une inquiétude de la part de la Commission concernant une éventuelle escalade du différend opposant l’Union aux États-Unis dans le contexte de l’imminente entrée en vigueur des droits de douane additionnels prévus à l’annexe II du règlement 2018/886.

191    Partant, en se limitant à alléguer que la décision attaquée aurait été adoptée à des « fins politiques », les requérantes procèdent par pure affirmation.

192    Ainsi, aucun élément ne fait apparaître d’indice propre à accréditer l’idée que la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée aurait été engagée dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des objectifs autres que celui évoqué au point 190 ci-dessus.

193    Il s’ensuit que le sixième moyen doit être écarté.

194    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les conclusions en annulation de la décision attaquée doivent être rejetées.

C.      Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction

195    La Commission soutient que le troisième chef de conclusions des requérantes par lequel celles-ci demandent au Tribunal d’ordonner les mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction qu’il juge appropriées est devenu sans objet, étant donné que les documents auxquels les requérantes font allusion ont été rendus publics en réponse à leur demande en ce sens présentée sur le fondement du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).

196    Les requérantes estiment que le Tribunal pourrait cependant juger utile de demander à la Commission de produire de plus amples éléments de preuve, les documents rendus publics par cette dernière ne permettant pas d’étayer à suffisance ses allégations.

197    S’agissant de l’appréciation des demandes de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction soumises par une partie à un litige, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (voir arrêt du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 77 et jurisprudence citée).

198    En l’espèce, les requérantes n’indiquent pas avec précision les motifs de nature à justifier cette demande de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction, comme cela est exigé par l’article 88, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

199    En tout état de cause, il y a lieu de relever que les éléments figurant dans le dossier sont suffisants pour permettre au Tribunal de se prononcer, celui-ci ayant pu utilement statuer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d’instance et au vu des documents déposés par les parties.

200    Partant, la demande de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction doit être rejetée.

201    Il s’ensuit que le recours est rejeté dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du document produit par la Commission, en vue de la tenue de l’audience de plaidoiries, comportant la transcription d’une conférence téléphonique qui s’est tenue le 24 juillet 2018 entre Harley-Davidson et des représentants de ses actionnaires.

 Sur les dépens

202    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

203    Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Harley-Davidson Europe Ltd et Neovia Logistics Services International sont condamnées aux dépens.

Papasavvas

Svenningsen

Jaeger

Mac Eochaidh

 

      Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er mars 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.