Language of document : ECLI:EU:C:2021:836

ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

6 octobre 2021 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Recours en carence – Dépôt de la requête par e-Curia – Article 56 bis, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal – Non-respect du délai de dix jours – Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé »

Dans l’affaire C‑145/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 27 février 2021,

José María Castillejo Oriol, demeurant à Madrid (Espagne), représenté par Me J. Jover Padró, abogado,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Royaume d’Espagne,

Commission européenne,

parties défenderesses en première instance,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. N. Piçarra, président de chambre, M. M. Vilaras (rapporteur), président de la quatrième chambre, et M. S. Rodin, juge,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, M. José María Castillejo Oriol demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 11 février 2021, Castillejo Oriol/Espagne et Commission (T‑696/20, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2021:97), par laquelle celui-ci a rejeté son recours tendant, d’une part, à faire constater la carence de la Commission européenne en ce que celle-ci se serait abstenue à tort de donner suite à sa plainte concernant les agissements dont une société de droit espagnol aurait fait l’objet de la part des autorités financières espagnoles et, d’autre part, à obtenir réparation par la Commission, et subsidiairement par le Royaume d’Espagne, du préjudice prétendument subi du fait de cette carence.

 Le cadre juridique

 Le règlement de procédure du Tribunal

2        L’article 51 du règlement de procédure du Tribunal, intitulé « Obligation de représentation », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.       Les parties doivent être représentées par un agent ou un avocat dans les conditions prévues à l’article 19 du statut.

2.       L’avocat représentant ou assistant une partie est tenu de déposer au greffe un document de légitimation certifiant qu’il est habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord EEE. »

3        L’article 56 bis de ce règlement, intitulé « e-Curia », dispose :

« 1. Sans préjudice des cas visés à l’article 57, paragraphe 2, à l’article 72, paragraphe 4, à l’article 80, paragraphe 1, à l’article 105, paragraphes 1 et 2, à l’article 147, paragraphe 6, à l’article 148, paragraphe 9, et à l’article 178, paragraphes 2 et 3, tout acte de procédure est déposé et signifié par e-Curia.

2.       Les conditions de dépôt et de signification d’un acte de procédure par e-Curia sont précisées dans une décision arrêtée par le Tribunal. Cette décision est publiée au Journal officiel de l’Union européenne.

3.       L’utilisation d’e-Curia suppose l’ouverture d’un compte d’accès dans les conditions énoncées dans la décision visée au paragraphe 2.

4.       Si un acte de procédure est déposé par e-Curia avant que les pièces justificatives requises pour valider le compte d’accès aient été produites, ces pièces doivent parvenir en format papier au greffe du Tribunal dans un délai de dix jours à compter du dépôt de l’acte. Ce délai ne peut pas être prorogé et l’article 60 n’est pas applicable. À défaut de réception des pièces justificatives dans le délai imparti, le Tribunal déclare irrecevable l’acte de procédure déposé par e-Curia.

5.       Lorsque l’utilisation d’e-Curia s’avère techniquement impossible et sans préjudice de l’application de l’article 45, second alinéa, du statut, un acte de procédure peut être déposé ou signifié par tout moyen approprié disponible. Les démarches à accomplir dans un tel cas sont précisées dans la décision visée au paragraphe 2. »

 La décision relative au dépôt et à la signification par eCuria

4        Aux termes de l’article 8, premier alinéa, première phrase, de la décision du Tribunal, du 11 juillet 2018, relative au dépôt et à la signification d’actes de procédure par la voie de l’application e‑Curia (JO 2018, L 240, p. 72), le greffier du Tribunal établit les conditions d’utilisation d’e-Curia et veille à leur respect.

 Les conditions d’utilisation d’eCuria

5        Le point 6 des conditions d’utilisation d’e‑Curia, établies par le greffier du Tribunal en vertu de l’article 8, paragraphe 1, première phrase, de la décision du Tribunal relative au dépôt et à la signification par e‑Curia, qui figure sous l’intitulé « l’accès à e‑Curia », est ainsi libellé :

« Au Tribunal comme à la Cour de justice, une demande d’ouverture d’un compte peut être présentée par :

–        un agent ou un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;

–        un professeur ressortissant d’un État membre dont la législation lui reconnaît le droit de plaider. »

6        Les points 8 et 9 des conditions d’utilisation d’e‑Curia, qui figurent sous l’intitulé « les modalités d’ouverture d’un compte », prévoient :

« 8. Pour bénéficier des fonctionnalités d’e-Curia, une demande d’ouverture d’un compte doit être présentée conformément aux modalités exposées ci-après.

9.       Les modalités d’ouverture d’un compte varient selon que la voie suivie par l’utilisateur est celle de la procédure normale ou celle de la procédure spécifique. La procédure normale permet d’ouvrir un compte en vue d’échanger des actes de procédure avec la Cour de justice ou le Tribunal. La procédure spécifique vise à régir une situation commandée par l’urgence et permet d’obtenir l’ouverture provisoire d’un compte en vue du dépôt d’actes de procédure devant le seul Tribunal. »

7        Le point 13 des conditions d’utilisation d’e‑Curia, relatif à « la procédure spécifique, applicable au seul Tribunal », énonce :

« Lorsqu’un représentant visé au point 6 des présentes conditions n’a pas entrepris les démarches nécessaires à l’ouverture d’un compte selon la procédure normale en temps utile avant l’expiration d’un délai imparti pour le dépôt d’un acte de procédure devant le Tribunal, il lui est possible d’ouvrir provisoirement un compte pour effectuer ce dépôt selon la procédure spécifique. Afin que l’ouverture de ce compte soit validée par le greffe du Tribunal, le représentant doit compléter en ligne le formulaire de demande d’ouverture d’un compte, l’imprimer, le dater, le signer de manière manuscrite et le faire parvenir en version papier par envoi recommandé ou par remise physique au greffe du Tribunal [Rue du Fort Niedergrünewald, L-2925 Luxembourg], accompagné des pièces justificatives nécessaires. Si la version papier du formulaire dûment complété, daté, signé de manière manuscrite et accompagné des pièces justificatives nécessaires ne parvient pas au greffe du Tribunal dans un délai de dix jours à compter du dépôt de l’acte de procédure par e-Curia, le Tribunal déclare l’acte de procédure déposé par e-Curia irrecevable. Ce délai n’est pas prorogeable et le délai de distance forfaitaire prévu à l’article 60 du règlement de procédure du Tribunal n’est pas applicable. »

 Les antécédents du litige et l’ordonnance attaquée

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal au moyen d’e-Curia le 18 novembre 2020, le requérant a introduit un recours tendant, d’une part, à faire constater la carence de la Commission, en ce que celle-ci se serait abstenue à tort de donner une suite à sa plainte, déposée le 7 avril 2020, relative au comportement des autorités espagnoles à l’égard d’une société espagnole et, d’une autre part, à obtenir réparation par la Commission, et subsidiairement par le Royaume d’Espagne, du préjudice prétendument subi du fait de cette carence.

9        Par lettre du 10 décembre 2020, le Tribunal a, d’une part, informé le requérant que les pièces justificatives requises pour valider le compte d’accès de son représentant n’étaient pas parvenues en format papier au greffe du Tribunal dans un délai de dix jours à compter de la date de dépôt de la requête, ainsi que l’exige l’article 56 bis, paragraphe 4, de son règlement de procédure, et, d’autre part, a invité le requérant à présenter ses observations éventuelles à cet égard.

10      Au point 8 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a constaté que, dans ses observations du 4 janvier 2021 déposées à la suite de cette invitation, le requérant n’avait pas invoqué ni établi, sur le fondement de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, de ce statut, l’existence d’un cas fortuit ou d’un cas de force majeure permettant de déroger à ce délai.

11      Le Tribunal en a déduit, aux points 9 et 10 de cette ordonnance, que, le dépôt de la requête par e-Curia ne satisfaisant pas aux exigences de l’article 56 bis, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, le recours devait être rejeté comme étant manifestement irrecevable.

 Les conclusions du requérant devant la Cour

12      Le requérant demande à la Cour :

–        de constater que le pourvoi a été formé dans les délais et selon les modalités requises ;

–        d’« accueillir le pourvoi jusqu’au prononcé d’un arrêt », d’ordonner le réexamen du recours en carence dans l’affaire T‑696/20, d’annuler l’ordonnance attaquée, et

–        de « considérer comme également formé tout autre recours ou mesure tendant à apporter une solution juridique à la grave situation dans laquelle [il] se trouve ».

 Sur le pourvoi

13      En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsqu’un pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter totalement ou partiellement ce pourvoi, par voie d’ordonnance motivée.

14      Il y a lieu de faire application de cette disposition en l’espèce.

15      À l’appui de son pourvoi, le requérant soulève cinq moyens, tirés, le premier, de la violation des règles relatives à la représentation des parties, le deuxième, de l’omission du Tribunal de lui donner la possibilité de vérifier si son représentant s’est acquitté de ses obligations procédurales, le troisième, de la violation des articles 21, 24 et 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, de l’obligation de motivation et des principes d’égalité de traitement et de bonne administration, le quatrième, de la violation de la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2019, sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (JO 2019, L 305, p. 17), et, enfin, le cinquième, de l’importance des questions soulevées pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, au sens de l’article 58 bis de ce statut.

 Sur le premier moyen

 Argumentation du requérant

16      Par le premier moyen, le requérant soutient que le Tribunal a considéré à tort que son avocat n’avait pas justifié de sa qualité à le représenter. Il fait valoir que le Tribunal disposait déjà d’un document de légitimation, au sens de l’article 51, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, concernant son avocat, dès lors que ce dernier avait, par le passé, représenté d’autres parties devant la Cour et devant le Tribunal. Il précise que ce règlement de procédure ne prévoit aucune limite quant à la durée de validité de cette légitimation. Dans ces conditions, il estime que le Tribunal aurait dû considérer que ce document de légitimation avait valablement été déposé également aux fins de l’article 56 bis, paragraphe 4, dudit règlement de procédure.

17      Le requérant ajoute que son avocat avait expédié les pièces requises pour la validation de son compte e-Curia avant l’expiration du délai imparti par le Tribunal et que le retard pris par les services postaux pour acheminer ces pièces, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, ne saurait lui être imputé. Ces circonstances constitueraient un cas fortuit ou un cas de force majeure, bien qu’il ne les eût pas expressément qualifiées comme telles dans ses observations devant le Tribunal.

18      En outre, le requérant fait valoir que le Tribunal a rejeté le recours intenté par ce même avocat dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 3 février 2021, Segura del Oro Pulido/Commission (T‑701/20, non publiée, EU:T:2021:67), pour un motif différent de celui tiré du non-respect des formalités prévues à l’article 56 bis, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, alors même que les pièces justificatives requises en vertu de cette disposition n’étaient pas non plus parvenues au greffe du Tribunal en format papier dans le délai imparti. Le requérant en déduit que le rejet de son recours par l’ordonnance attaquée trouve son origine dans une « quelconque erreur technologique ou [une] duplication de comptes ». Il estime ainsi que, en omettant de lui donner les moyens de vérifier si et à quelle date les documents ont été déposés, le Tribunal a porté atteinte à ses droits de la défense.

19      Enfin, le requérant relève que, le 23 décembre 2020, son avocat a reçu un message l’informant de la validation de son compte e‑Curia. Il estime, dès lors, que le rejet de son recours résulte d’une « erreur technologique » dans l’application e‑Curia, laquelle aurait porté atteinte à ses droits.

20      L’ensemble de ces éléments témoigne, selon le requérant, de la violation, par le Tribunal, de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), lu en combinaison avec « le principe selon lequel toute souveraineté implique une responsabilité », ainsi que de l’obligation de motivation et des principes d’égalité de traitement et de bonne administration.

 Appréciation de la Cour

21      Il résulte du point 5 de l’ordonnance attaquée que l’avocat du requérant a ouvert un compte provisoire selon la procédure spécifique, au sens du point 13 des conditions d’utilisation d’e‑Curia, et a, au moyen de ce compte, déposé, le 18 novembre 2020, la requête dans l’affaire T‑696/20.

22      Il s’ensuit que, conformément à l’article 56 bis, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal ainsi qu’au point 13 des conditions d’utilisation d’e‑Curia, afin que le compte provisoire de l’avocat du requérant soit validé, le formulaire de demande d’ouverture d’un compte e‑Curia, daté et signé de manière manuscrite par cet avocat et accompagné des pièces justificatives requises, devait parvenir en format papier au greffe du Tribunal dans un délai de dix jours à compter du dépôt de la requête dans l’affaire T‑696/20, à savoir au plus tard le 30 novembre 2020.

23      Tel n’ayant pas été le cas, ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 6 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté le recours comme étant irrecevable, en application de l’article 56 bis, paragraphe 4, de son règlement de procédure, après avoir invité le requérant à présenter ses observations et constaté que celui-ci n’avait, dans les observations qu’il a ensuite déposées, ni invoqué ni même établi l’existence d’un cas fortuit ou d’un cas de force majeure, susceptible de justifier qu’il soit dérogé au délai prévu à cette dernière disposition.

24      Dans le cadre de son premier moyen, le requérant fait valoir, en premier lieu, que le Tribunal disposait d’un document de légitimation concernant son avocat, déposé à l’occasion d’une autre affaire devant le Tribunal, dans laquelle cet avocat représentait l’une des parties à l’affaire.

25      Cet argument doit être écarté comme étant manifestement inopérant. En effet, à supposer que, à l’appui de sa demande d’ouverture d’un compte e‑Curia, un avocat puisse se prévaloir d’un document de légitimation déjà déposé devant le Tribunal à l’occasion d’une autre affaire, cet avocat doit, en tout état de cause, faire parvenir au greffe du Tribunal, par remise physique ou par voie postale, le formulaire de demande d’ouverture d’un tel compte, signé de manière manuscrite, dans le délai de dix jours prévu à cet effet à l’article 56 bis, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal.

26      Or, il est constant que le formulaire de demande d’ouverture d’un compte e‑Curia, signé de manière manuscrite par l’avocat du requérant, n’était pas parvenu au greffe du Tribunal dans le délai de dix jours à compter du dépôt de la requête dans l’affaire T‑696/20. Partant, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en ce qu’il a considéré que les pièces requises pour la validation du compte provisoire de l’avocat du requérant n’étaient pas parvenues au greffe du Tribunal avant l’expiration du délai prévu à cet effet à l’article 56 bis, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal.

27      En deuxième lieu, le requérant fait valoir que le dépôt tardif, au greffe du Tribunal, des pièces justificatives requises pour la validation de son compte e‑Curia était dû au retard pris par les services postaux en raison de la pandémie de Covid‑19.

28      Or, il y a lieu de constater que, dans ses observations déposées à l’invitation du Tribunal, lesquelles figurent dans le dossier de première instance transmis à la Cour conformément à l’article 167, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, le requérant n’a pas fait valoir que le dépassement du délai de dix jours prévu à l’article 56 bis, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal résultait du retard de l’acheminement du courrier, en raison de la pandémie de Covid‑19, ce qui serait constitutif d’un cas fortuit ou d’un cas de force majeure.

29      En effet, le requérant n’a aucunement évoqué un quelconque retard dans l’acheminement du courrier que son avocat avait envoyé au greffe du Tribunal et s’est borné à invoquer la validation du compte e‑Curia de son avocat, intervenue le 23 décembre 2020.

30      À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence de la Cour, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges (arrêt du 8 novembre 2016, BSH/EUIPO, C‑43/15 P, EU:C:2016:837, point 43 et jurisprudence citée).

31      Or, l’argumentation du requérant tirée d’un prétendu retard dans l’acheminement du courrier envoyé par son avocat au greffe du Tribunal en raison de la pandémie de Covid‑19 constitue un moyen nouveau, non soulevé devant le Tribunal, lequel, en application de la jurisprudence citée au point précédent de la présente ordonnance, doit être écarté comme étant manifestement irrecevable.

32      En troisième lieu, l’argument du requérant selon lequel le Tribunal s’est fondé à tort sur la violation de l’article 56 bis, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal pour déclarer l’irrecevabilité du recours dans l’affaire T‑696/20, dès lors qu’il s’est fondé sur un autre motif pour déclarer irrecevable le recours introduit dans l’affaire T‑701/20 par le même avocat, pendant la même période, doit également être écarté comme étant manifestement non fondé.

33      Il suffit de relever, à cet égard, que le fait qu’un recours a été rejeté comme irrecevable pour un motif déterminé ne signifie nullement qu’il n’existait pas d’autres motifs d’irrecevabilité qui auraient pu également justifier son rejet.

34      En quatrième lieu, est également manifestement non fondé l’argument du requérant, que ce dernier avait également avancé dans ses observations déposées devant le Tribunal, selon lequel, le 23 décembre 2020, son avocat a reçu un message l’informant de la validation de son compte e‑Curia.

35      En effet, la validation du compte e‑Curia de l’avocat du requérant, dont celui-ci a été informé le 23 décembre 2020, permettait seulement à cet avocat d’utiliser ledit compte à partir de cette dernière date et ne saurait valider rétroactivement le dépôt de la requête dans l’affaire T‑696/20, effectué le 18 novembre 2020, une telle validation rétroactive n’étant nullement prévue à l’article 56 bis, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal.

36      En dernier lieu, dans la mesure où le requérant soutient, en substance, que le rejet de son recours méconnaît l’article 47 de la Charte, il convient de relever que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, cet article n’a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives aux délais de procédure prévues par la réglementation de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 29 novembre 2017, Società agricola Taboga Leandro e Fidenato Giorgio/Parlement et Conseil, C‑467/17 P, non publiée, EU:C:2017:916, points 27 à 30 ainsi que jurisprudence citée).

37      Ainsi, le droit à une protection juridictionnelle effective en vertu de l’article 47 de la Charte n’est nullement affecté par l’application stricte de ces règles (arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 14 ; ordonnances du 21 septembre 2012, Noscira/OHMI, C‑69/12 P, non publiée, EU:C:2012:589, point 34, et du 2 octobre 2014, Page Protective Services/SEAE, C‑501/13 P, non publiée, EU:C:2014:2259, point 39 ainsi que jurisprudence citée).

38      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation du requérant

39      Par le deuxième moyen, le requérant soutient que le Tribunal a méconnu le droit à une protection juridictionnelle effective, consacré à l’article 47 de la Charte, en ce qui concerne, en particulier, l’accès à l’information et l’interdiction de discrimination, ainsi qu’aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration. Il estime que, bien que l’article 51, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal lui impose d’être représenté par un avocat, le Tribunal lui a refusé à tort l’accès à l’application e-Curia, alors qu’un tel accès lui aurait permis de s’assurer du respect, par son représentant, des exigences résultant du règlement de procédure du Tribunal.

40      Il ajoute que, à l’instar de ce qui est prévu, d’une part, à l’article 54 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, s’agissant du dépôt par erreur, au greffe de la Cour, d’une requête ou d’un autre acte de procédure destiné au Tribunal ou inversement et, d’autre part, à l’article 56 bis, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, s’agissant des cas où l’utilisation d’e‑Curia s’avère techniquement impossible, le Tribunal, afin de respecter le droit à une protection juridictionnelle effective, aurait dû accepter et excuser toute « erreur conceptuelle ou d’interprétation » éventuellement commise par son avocat, laquelle serait à l’origine du dépôt tardif des documents nécessaires à la validation du compte e‑Curia de ce dernier.

 Appréciation de la Cour

41      Il y a lieu de rappeler que l’article 56 bis, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal prévoit, de manière claire, que le non-respect du délai prévu pour la production des pièces justificatives requises pour valider le compte d’accès à e-Curia emporte le rejet, pour motif d’irrecevabilité, de l’acte de procédure déposé. Dès lors que le requérant n’a pas respecté le délai qui lui avait été imparti à cette fin, c’est à bon droit que le Tribunal a déclaré son recours manifestement irrecevable.

42      En effet, l’application stricte des réglementations de l’Union en matière de délais de procédure répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (arrêt du 19 juin 2019, RF/Commission, C‑660/17 P, EU:C:2019:509, point 57, et ordonnance du 3 juillet 2014, Allemagne/Commission, C‑102/13 P, non publiée, EU:C:2014:2054, point 44 ainsi que jurisprudence citée). Le fait que, dans des cas de figure différents, les éventuelles erreurs commises par le représentant d’une partie n’emportent pas l’irrecevabilité de l’acte de procédure concerné est dépourvu de pertinence et ne saurait justifier une conclusion différente.

43      S’agissant de l’argumentation du requérant tirée de la prétendue impossibilité de contrôler personnellement le respect, par son avocat, des exigences prévues pour la validation d’un compte e‑Curia, il y a lieu de rappeler que, ainsi que le requérant le reconnaît lui-même, il ressort de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 51, paragraphe 1, du règlement du Tribunal qu’un particulier tel le requérant doit être représenté devant le Tribunal par un avocat.

44      Dans la mesure où le requérant invoque l’article 47 de la Charte, il convient de relever qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour ainsi que de celle de la Cour européenne des droits de l’homme que le droit d’accès à un tribunal n’est pas un droit absolu et qu’il peut comporter des restrictions proportionnées qui poursuivent un but légitime et ne portent pas atteinte à ce droit dans sa substance même (arrêt du 30 juin 2016, Toma et Biroul Executorului Judecătoresc Horaţiu-Vasile Cruduleci, C‑205/15, EU:C:2016:499, point 44 ainsi que jurisprudence citée).

45      En l’occurrence, le requérant n’a fourni, en tout état de cause, aucun élément permettant de considérer ni que son accès aux juridictions de l’Union a été entravé de manière disproportionnée en raison de l’obligation, instituée par l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, de se faire représenter par un avocat qui, pour le dépôt des pièces de procédure devant le Tribunal, devait obligatoirement utiliser le système e‑Curia ni qu’une telle obligation porterait atteinte au droit à une protection juridictionnelle effective dans sa substance (voir, par analogie, ordonnance du 6 avril 2017, PITEE/Commission, C‑464/16 P, non publiée, EU:C:2017:291, point 32).

46      En outre, la préparation, la surveillance et la vérification des pièces de procédure à déposer au greffe relèvent de la responsabilité du représentant de chaque partie (ordonnance du 21 septembre 2012, Noscira/OHMI, C‑69/12 P, non publiée, EU:C:2012:589, point 40), ce représentant engageant sa responsabilité personnelle à l’égard de son client en cas d’erreur.

47      Accorder à une partie le droit, envisagé par le requérant dans son argumentation, d’accéder elle-même à e‑Curia, afin de contrôler le respect, par son avocat, des exigences procédurales, irait à l’encontre de l’obligation d’être représenté par un avocat.

48      En tout état de cause, au regard de la jurisprudence citée au point 44 de la présente ordonnance, il ne saurait être considéré que l’omission de prévoir un tel droit d’accès porte une atteinte disproportionnée à la substance même du droit à une protection juridictionnelle effective, consacré à l’article 47 de la Charte.

49      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation du requérant

50      Par le troisième moyen, le requérant soutient que le Tribunal, en déclarant l’irrecevabilité du recours formé devant lui, a violé les articles 21, 24 et 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’« obligation d’une motivation correcte » ainsi que les principes d’égalité de traitement et de bonne administration. Selon le requérant, son recours satisfaisait à toutes les conditions de recevabilité prévues à l’article 21 de ce statut. En outre, l’article 24 dudit statut aurait pu permettre au Tribunal de prendre acte du retard de réception des pièces justificatives pour la validation du compte e‑Curia du représentant du requérant. Enfin, le Tribunal n’aurait pas tenu compte de l’existence d’un cas fortuit ou d’un cas de force majeure, au sens de l’article 45 du même statut. Contrairement à ce qu’aurait considéré le Tribunal, cet article n’exigerait pas que le requérant invoque lui-même l’existence d’un cas fortuit ou d’un cas de force majeure.

 Appréciation de la Cour

51      En premier lieu, il convient de relever que, quand bien même la requête déposée par l’avocat du requérant au greffe du Tribunal au moyen d’e‑Curia satisferait à toutes les exigences relatives à son contenu, posées à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cela ne signifie pas que le Tribunal aurait dû déclarer le recours du requérant recevable, alors même que les exigences pour la validation du compte e–Curia de l’avocat du requérant, telles qu’elles ressortent de l’article 56 bis du règlement de procédure du Tribunal, n’auraient pas été respectées.

52      De même, il ne ressort pas davantage de l’article 24, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne – disposition qui est applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, de ce statut et prévoit que la Cour, ou le Tribunal, peut demander aux parties de produire tous documents et de fournir toutes informations estimés désirables et, en cas de refus, en prend acte – que le Tribunal disposait de la faculté de déclarer recevable la requête déposée par l’avocat du requérant, en dépit du non-respect des exigences posées par l’article 56 bis du règlement de procédure du Tribunal.

53      En deuxième lieu, ainsi qu’il a été constaté aux points 28 et 29 de la présente ordonnance, le requérant n’a invoqué, dans ses observations déposées devant le Tribunal, à l’invitation de ce dernier, aucune circonstance susceptible de justifier l’application, à son égard, de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, relatif aux cas fortuits ou aux cas de force majeure. Par conséquent, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit, en ce qu’il n’a pas fait application de cette disposition au requérant.

54      En troisième lieu, il convient de constater que le requérant n’expose pas les motifs pour lesquels il y aurait lieu de considérer que le Tribunal a méconnu l’« obligation de motivation correcte » qui lui incomberait ou les principes d’égalité de traitement et de bonne administration, de telle sorte que cette partie de son argumentation doit être écartée comme étant manifestement irrecevable.

55      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être écarté comme étant, en partie, manifestement non fondé et, en partie, manifestement irrecevable.

 Sur les quatrième et cinquième moyens

 Argumentation du requérant

56      Par le quatrième moyen, le requérant soutient que le Tribunal a violé la directive 2019/1937, notamment son article 11, relatif à l’obligation d’assurer un suivi des signalements, son article 19, relatif à l’interdiction de représailles, son article 20, relatif aux mesures de soutien aux auteurs de signalement, et son article 22, relatif aux mesures de protections des personnes concernées.

57      Par le cinquième moyen, le requérant fait valoir que, les questions soulevées dans le pourvoi étant importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la Cour doit accueillir le pourvoi et annuler l’ordonnance attaquée. Le requérant indique, plus spécifiquement, que le pourvoi concerne la « violation systématique de droits absolus par un État membre, dénoncée dans le recours en carence », la « violation systématique de l’État de droit dans un État membre affectant des centaines de citoyens » et la « violation du principe en vertu duquel toute souveraineté implique une responsabilité et à tout droit correspond un devoir ».

 Appréciation de la Cour

58      Il résulte de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169 du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de la décision dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Selon une jurisprudence constante de la Cour, ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui ne comporte pas une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entachée cette décision (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, point 127 ainsi que ordonnance du 19 mars 2019, Shindler e.a./Conseil, C‑755/18 P, non publiée, EU:C:2019:221, point 22 ainsi que jurisprudence citée).

59      Or, en l’espèce, par les quatrième et cinquième moyens, le requérant se borne à invoquer, respectivement, la violation de certaines dispositions de la directive 2019/1937 ainsi que la prétendue importance des questions soulevées dans son recours devant le Tribunal, sans préciser ni la nature du lien entre ses allégations et le rejet, par le Tribunal, de son recours pour non-respect du délai prévu à l’article 56 bis, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal ni, en définitive, l’erreur de droit dont l’ordonnance attaquée serait entachée.

60      Dans ces conditions, les quatrième et cinquième moyens du pourvoi doivent être écartés comme étant manifestement irrecevables.

61      Dès lors, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié aux parties défenderesses en première instance et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que le requérant supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

2)      M. José María Castillejo Oriol supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.