Language of document : ECLI:EU:T:2013:455

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 septembre 2013 (*)

« Concurrence – Ententes – Marchés belge, allemand, français, italien, néerlandais et autrichien des installations sanitaires pour salles de bains – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’EEE – Coordination de hausses de prix et échange d’informations commerciales sensibles – Infraction unique – Imputabilité du comportement infractionnel – Preuve – Amendes – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Non-rétroactivité – Délai raisonnable »

Dans les affaires jointes T-373/10, T‑374/10, T-382/10 et T-402/10,

Villeroy & Boch Austria GmbH, établie à Mondsee (Autriche), représentée par Mes A. Reidlinger, S. Dethof, M. Klusmann et K. Blau-Hansen, avocats,

partie requérante dans l’affaire T-373/10,

Villeroy & Boch AG, établie à Mettlach (Allemagne), représentée par Me M. Klusmann, avocat, et M. S. Thomas, professeur,

partie requérante dans l’affaire T-374/10,

Villeroy et Boch SAS, établie à Paris (France), représentée par Mes J. Philippe, K. Blau-Hansen, avocats, et Mme A. Villette, solicitor,

partie requérante dans l’affaire T-382/10,

Villeroy & Boch – Belgium, établie à Bruxelles (Belgique) représentée par Mes O. Brouwer, J. Blockx et N. Lorjé, avocats,

partie requérante dans l’affaire T-402/10,

contre

Commission européenne, représentée, dans l’affaire T-373/10, par MM. F. Castillo de la Torre, R. Sauer et F. Ronkes Agerbeek , assistés de Mes G. van der Wal et M. van Heezik, avocats, dans l’affaire T-374/10, par Mme Antoniadis, MM. Sauer et Ronkes Agerbeek, dans l’affaire T-382/10, par MM. Castillo de la Torre, Ronkes Agerbeek et N. von Lingen, en qualité d’agents, assistés de Mes van der Wal et van Heezik, et, dans l’affaire T-402/10, par MM. Castillo de la Torre, Ronkes Agerbeek, assistés de Mes van der Wal et van Heezik,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande visant, à titre principal, à l’annulation de la décision C (2010) 4185 final de la Commission, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains), dans la mesure où elle concerne les requérantes et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant des amendes qui leur ont été infligées,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. M. van der Woude, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 mars 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par la décision C (2010) 4185 final, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission européenne a constaté l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains. Cette infraction, à laquelle 17 entreprises auraient participé, se serait déroulée au cours de différentes périodes comprises entre le 16 octobre 1992 et le 9 novembre 2004 et aurait pris la forme d’un ensemble d’accords anticoncurrentiels ou de pratiques concertées sur les territoires de la Belgique, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas et de l’Autriche (considérants 2 et 3 et article 1er de la décision attaquée).

2        Plus précisément, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que l’infraction constatée consistait, premièrement, en la coordination, par lesdits fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains, des hausses de prix annuelles et d’autres éléments de tarification, dans le cadre de réunions régulières au sein d’associations nationales professionnelles, deuxièmement, en la fixation ou la coordination des prix à l’occasion d’événements spécifiques tels que l’augmentation du coût des matières premières, l’introduction de l’euro ainsi que l’instauration de péages routiers et, troisièmement, en la divulgation et l’échange d’informations commerciales sensibles (considérants 152 à 163 de la décision attaquée). En outre, la Commission a constaté que la fixation des prix dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains suivait un cycle annuel. Dans ce cadre, les fabricants fixaient leurs barèmes de prix, qui restaient généralement en vigueur pendant un an et servaient de base aux relations commerciales avec les grossistes (considérants 152 à 163 de la décision attaquée).

3        Les produits concernés par l’entente sont les installations sanitaires pour salles de bains faisant partie de l’un des trois sous-groupes de produits suivants : les articles de robinetterie, les enceintes de douche et accessoires ainsi que les articles en céramique (ci-après les « trois sous-groupes de produits ») (considérants 5 et 6 de la décision attaquée).

4        Les requérantes, Villeroy & Boch Austria GmbH (ci-après « Villeroy & Boch Autriche »), Villeroy & Boch AG, Villeroy et Boch SAS (ci-après « Villeroy & Boch France ») et Villeroy & Boch – Belgium (ci-après « Villeroy & Boch Belgique »), opèrent dans le secteur des équipements sanitaires pour salles de bains. Villeroy & Boch détient l’intégralité du capital de Villeroy & Boch Autriche, de Villeroy & Boch France, de Villeroy & Boch Belgique, d’Ucosan BV et de ses filiales (ci-après, prises ensemble, « Ucosan ») et de Villeroy & Boch SARL (ci-après « Villeroy & Boch Luxembourg ») (considérants 51 et 1102 de la décision attaquée).

5        Le 15 juillet 2004, Masco Corp. et ses filiales, parmi lesquelles Hansgrohe AG, qui fabrique des articles de robinetterie, et Hüppe GmbH, qui fabrique des enceintes de douche, ont informé la Commission de l’existence d’une entente dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains et ont demandé à bénéficier de l’immunité d’amendes au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication de 2002 sur la coopération ») ou, à défaut, d’une réduction du montant de ces amendes. Le 2 mars 2005, la Commission a adopté une décision conditionnelle d’immunité d’amende au profit de Masco, conformément au paragraphe 8, sous a), et au paragraphe 15 de la communication de 2002 sur la coopération (considérants 126 à 128 de la décision attaquée).

6        Les 9 et 10 novembre 2004, la Commission a, en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), procédé à des inspections inopinées dans les locaux de plusieurs sociétés et associations nationales professionnelles opérant dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains (considérant 129 de la décision attaquée).

7        Les 15 et 19 novembre 2004, Grohe Beteiligungs GmbH et ses filiales (ci-après « Grohe ») ainsi qu’American Standard Inc. (ci-après « Ideal Standard ») ont, respectivement, sollicité l’immunité d’amendes au titre de la communication de 2002 sur la coopération ou, à défaut, la réduction de leur montant (considérants 131 et 132 de la décision attaquée).

8        Entre le 15 novembre 2005 et le 16 mai 2006, la Commission a adressé des demandes de renseignements, conformément à l’article 18 du règlement n° 1/2003, à plusieurs sociétés et associations opérant dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains, y compris aux requérantes (considérant 133 de la décision attaquée).

9        Les 17 et 19 janvier 2006, Roca SARL ainsi qu’Hansa Metallwerke AG et ses filiales ont respectivement demandé à bénéficier de l’immunité d’amendes au titre de la communication de 2002 sur la coopération ou, à défaut, de la réduction de leur montant. Le 20 janvier 2006, Aloys F. Dornbracht GmbH & Co. KG Armaturenfabrik a également demandé à bénéficier d’une telle immunité d’amende ou, à défaut, de la réduction de son montant.

10      Le 26 mars 2007, la Commission a adopté une communication des griefs, laquelle a été notifiée aux requérantes (considérant 139 de la décision attaquée).

11      Du 12 au 14 novembre 2007, une audition a été tenue, à laquelle les requérantes ont participé (considérant 143 de la décision attaquée).

12      Le 9 juillet 2009, la Commission a envoyé à certaines sociétés, y compris aux requérantes, une lettre d’exposé des faits, attirant leur attention sur certaines preuves sur lesquelles elle envisageait de se fonder dans le cadre de l’adoption d’une décision finale (considérants 147 et 148 de la décision attaquée).

13      Entre le 19 juin 2009 et le 8 mars 2010, la Commission a adressé des demandes d’information supplémentaires, conformément à l’article 18 du règlement n° 1/2003, à plusieurs sociétés, y compris aux requérantes (considérants 149 à 151 de la décision attaquée).

14      Le 23 juin 2010, la Commission a adopté la décision attaquée.

15      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les pratiques décrites au point 2 ci-dessus faisaient partie d’un plan global visant à restreindre la concurrence entre les destinataires de ladite décision et présentaient les caractéristiques d’une infraction unique et continue, dont le champ d’application couvrait les trois sous-groupes de produits et s’étendait au territoire de la Belgique, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas et de l’Autriche (considérants 778 et 793 de la décision attaquée) (ci-après l’« infraction constatée »). À cet égard, elle a notamment souligné le fait que lesdites pratiques avaient été conformes à un modèle récurrent qui s’était avéré être le même dans les six États membres couverts par l’enquête de la Commission (considérants 778 et 793 de la décision attaquée). Elle a également relevé l’existence d’associations nationales professionnelles concernant l’ensemble des trois sous-groupes de produits, qu’elle a nommées « organismes de coordination », d’associations nationales professionnelles comprenant des membres dont l’activité avait trait à au moins deux des trois sous-groupes de produits, qu’elle a nommées « associations multiproduits », ainsi que des associations spécialisées comprenant des membres dont l’activité portait sur l’un des trois sous-groupes de produits (considérants 796 et 798 de la décision attaquée). Enfin, elle a constaté la présence d’un groupe central d’entreprises ayant participé à l’entente dans différents États membres et dans le cadre d’organismes de coordination et d’associations multiproduits (considérants 796 et 797 de la décision attaquée).

16      Selon la Commission, les requérantes ont participé à l’infraction en cause en tant que membres des associations IndustrieForum Sanitär (ci-après l’« IFS »), qui a remplacé à partir de 2001 le Freundeskreis der deutschen Sanitärindustrie (ci-après le « DSI »), l’Arbeitskreis Baden und Duschen (ci-après l’« ABD »), qui a remplacé à partir de 2003 l’Arbeitskreis Duschabtrennungen (ci-après l’« ADA ») et le Fachverband Sanitär-Keramische Industrie (ci-après le « FSKI ») en Allemagne, l’Arbeitskreis Sanitärindustrie (ci-après l’« ASI ») en Autriche, le Vitreous China-group (ci-après le « VCG ») en Belgique, la Sanitair Fabrikanten Platform (ci-après la « SFP ») aux Pays-Bas, et l’Association française des industries de céramique sanitaire (ci-après l’« AFICS ») en France. S’agissant de l’infraction commise aux Pays-Bas, la Commission constate en substance, au considérant 1179 de la décision attaquée, que les entreprises y ayant participé ne peuvent se voir infliger une amende à ce titre pour cause de prescription.

17      Par ailleurs, la Commission s’est fondée, pour le calcul des amendes qu’elle a infligées aux entreprises visées dans la décision attaquée, sur les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) nº 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») (considérants 1174 à 1399 de la décision attaquée).

18      À l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a énuméré les entreprises sanctionnées pour une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE à compter du 1er janvier 1994, en raison de leur participation à une entente dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains en Belgique, en Allemagne, en France, en Italie, aux Pays-Bas et en Autriche pour des périodes variant entre le 16 octobre 1992 et le 9 novembre 2004. S’agissant des requérantes, la Commission a sanctionné à l’article 1er, paragraphe 1, de ladite décision, Villeroy & Boch pour sa participation à ladite infraction unique du 28 septembre 1994 au 9 novembre 2004 et ses filiales Villeroy & Boch Autriche, Villeroy & Boch Belgique et Villeroy & Boch France pour des périodes allant du 12 octobre 1994 au plus tôt au 9 novembre 2004.

19      À l’article 2, paragraphe 8, de la décision attaquée, la Commission a infligé des amendes, premièrement, à Villeroy & Boch, de 54 436 347 euros, deuxièmement, solidairement à Villeroy & Boch et à Villeroy & Boch Autriche, de 6 083 604 euros, troisièmement, solidairement à Villeroy & Boch et à Villeroy & Boch Belgique, de 2 942 608 euros, et, quatrièmement, solidairement à Villeroy & Boch et à Villeroy & Boch France, de 8 068 441 euros. Le montant total des amendes infligées aux requérantes s’élevait donc à 71 531 000 euros.

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 8 septembre 2010, Villeroy & Boch Autriche et Villeroy & Boch ont introduit un recours respectivement dans les affaires T-373/10 et T-374/10. Par requêtes déposées le 9 septembre 2010, Villeroy & Boch France et Villeroy & Boch Belgique ont respectivement introduit un recours respectivement dans les affaires T-382/10 et T-402/10.

21      Par ordonnance du président de la quatrième chambre, rendue le 5 février 2013, après que les parties ont été entendues, les affaires T‑373/10, T‑374/10, T‑382/10 et T‑402/10 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

22      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a posé des questions écrites aux parties. Ces dernières ont répondu à ces questions dans le délai imparti.

23      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 20 mars 2013.

24      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée pour autant qu’elle les concerne ;

–        à titre subsidiaire, réduire de manière substantielle le montant des amendes qui leur ont été infligées ;

–        condamner la Commission aux dépens.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

26      À titre liminaire, il convient de rappeler que le contrôle juridictionnel exercé par le juge de l’Union, s’agissant des décisions adoptées par la Commission afin de sanctionner les infractions au droit de la concurrence, repose sur le contrôle de légalité, prévu à l’article 263 TFUE, qui est complété, lorsqu’il est saisi d’une demande en ce sens, par une compétence de pleine juridiction, reconnue audit juge en vertu de l’article 31 du règlement n° 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, non encore publié au Recueil, points 53, 63 et 64). Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, le cas échéant, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou l’astreinte infligée (voir arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, KME e.a./Commission, C‑272/09 P, non encore publié au Recueil, point 103, et la jurisprudence citée ; voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, Rec. p. II-6681, point 265).

27      À la lumière de la jurisprudence exposée au point 26 ci-dessus, dans un premier temps, il y a lieu d’examiner, dans le cadre du contrôle de la légalité de la décision attaquée, les conclusions des requérantes visant à obtenir l’annulation de la décision attaquée pour autant que cette dernière les concerne et, dans un second temps, leurs conclusions visant à ce que le Tribunal exerce sa compétence de pleine juridiction pour réformer, en les réduisant de manière substantielle, le montant des amendes que la Commission leur a infligées.

1.     Sur les conclusions, soulevées à titre principal, tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

28      À l’appui des recours, les requérantes soulèvent sept moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur dans la qualification de l’entente d’infraction unique, complexe et continue. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation relative à ladite qualification. Le troisième moyen, qui se divise en six branches, est tiré de l’absence de preuves d’une infraction sur les marchés en cause. Le quatrième moyen est tiré de l’absence d’une base juridique autorisant une condamnation solidaire au paiement d’amendes. Le cinquième moyen est tiré de la prise en considération erronée de ventes non liées à l’infraction dans le cadre du calcul du montant des amendes. Le sixième moyen est tiré de l’absence d’octroi d’une réduction du montant des amendes en raison de la durée excessive de la procédure administrative. Le septième moyen est tiré d’une violation de l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 en raison de la fixation d’amendes disproportionnées.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE relatif à la qualification de l’entente d’infraction unique, complexe et continue

29      Les requérantes font valoir que la Commission a qualifié à tort l’infraction constatée d’infraction unique, complexe et continue. Elles soulèvent trois principaux griefs à cet égard.

30      La Commission s’oppose à chacun de ces griefs.

31      Par le premier grief, Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Belgique font valoir que la Commission a commis une erreur en estimant, en substance, au considérant 905 de la décision attaquée, que la qualification d’infraction unique ne leur portait pas plus préjudice que le constat de l’existence d’infractions séparées.

32      Selon la jurisprudence, la violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’accords ou de pratiques concertées qui sont isolés et doivent être sanctionnés en tant qu’infractions distinctes, mais également d’une série d’actes ou d’un comportement continu, de telle sorte que les composantes de ceux-ci peuvent, à bon droit, être considérées comme étant des éléments constitutifs d’une infraction unique (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 258, et la jurisprudence citée).

33      Il appartient à la Commission d’établir que les accords ou les pratiques concertées en cause, tout en portant sur des biens, des services ou des territoires distincts, s’inscrivent dans un plan d’ensemble mis en œuvre sciemment par les entreprises concernées en vue de la réalisation d’un objectif anticoncurrentiel unique (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 32 supra, points 258 et 260, et arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié au Recueil, point 482).

34      Des liens de complémentarité entre des accords ou des pratiques concertées constituent des indices objectifs de l’existence d’un plan d’ensemble. Il existe de tels liens lorsque lesdits accords ou lesdites pratiques visent à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et contribuent, par leur interaction, à la réalisation d’un objectif unique anticoncurrentiel. La Commission est tenue d’examiner, à cet égard, tous les éléments factuels susceptibles d’établir ou de remettre en cause ledit plan d’ensemble (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Lafarge/Commission, point 33 supra, point 482, et du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, Rec. p. II‑1255, point 92, et la jurisprudence citée).

35      Il découle de la jurisprudence exposée aux points 32 à 34 ci-dessus que la Commission doit disposer de raisons objectives pour qualifier des pratiques anticoncurrentielles d’infractions séparées ou d’infraction unique.

36      Dès lors, même s’il devait être considéré, en l’espèce, que la qualification d’infraction unique était plus préjudiciable aux requérantes que la qualification d’infractions séparées, cela ne modifierait pas, en toute hypothèse, le constat que la Commission était tenue d’opérer une telle qualification s’il existait des raisons objectives pour conclure en l’espèce à l’existence d’une infraction unique plutôt que d’infractions séparées.

37      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le premier grief comme étant inopérant.

38      Par le deuxième grief, les requérantes font valoir que la Commission ne pouvait conclure en l’espèce à l’existence d’une infraction unique. Dans ce cadre, elles soulèvent trois principaux arguments.

39      Premièrement, les requérantes font valoir que la Commission ne dispose pas de base juridique l’autorisant à constater l’existence d’une infraction unique. Or, une telle base juridique serait nécessaire en vertu du principe nulla poena sine lege consacré par l’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389), qui est applicable depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

40      À cet égard, d’abord, il y a lieu de rappeler que le principe de légalité des délits et des peines, qui fait partie des principes généraux du droit se trouvant à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres (arrêt de la Cour du 3 mai 2007, Advocaten voor de Wereld, C‑303/05, Rec. p. I‑3633, point 49), implique que les règles de l’Union définissent clairement les infractions et les peines qui les répriment. Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale (arrêt Advocaten voor de Wereld, précité, point 50). L’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux réaffirme ce principe en disposant que « nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou au droit international ».

41      Ensuite, il convient de rappeler que l’article 101, paragraphe 1, TFUE interdit les accords entre entreprises et les décisions d’associations d’entreprises, y inclus les comportements qui constituent la mise en œuvre de ces accords ou décisions, ainsi que les pratiques concertées, lorsqu’ils sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres de l’Union et qu’ils ont un objet ou un effet anticoncurrentiel. Il s’ensuit qu’une violation de cet article peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes une violation dudit article (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 81).

42      Il ressort donc de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, tel qu’il a été interprété par la jurisprudence exposée au point 41 ci-dessus, que la Commission dispose d’une base légale pour constater et sanctionner la participation d’entreprises à des actes anticoncurrentiels, peu importe qu’ils constituent des infractions séparées ou qu’ils fassent partie d’une seule et même infraction.

43      Dans ces conditions, la Commission ne saurait être considérée comme ayant violé le principe nulla poena sine lege en constatant, sur la base de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, que les requérantes ont participé à une infraction unique.

44      Le premier argument des requérantes doit donc être rejeté comme étant non fondé.

45      Deuxièmement, les requérantes estiment qu’elles ne pouvaient pas se voir imputer la responsabilité d’une infraction commise par des tiers sur des marchés sur lesquels elles n’ont jamais exercé d’activités. À cet égard, Villeroy & Boch fait également valoir que la Commission a violé le « principe de culpabilité ».

46      Il ressort de la jurisprudence que, s’agissant du constat de la participation d’une entreprise à une infraction unique, il appartient à la Commission d’établir que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement à l’objectif unique poursuivi par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite de ce même objectif ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (arrêt de la Cour du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, non encore publié au Recueil, point 42).

47      Une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de ladite infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble (arrêt Commission/Verhuizingen Coppens, point 46 supra, point 43).

48      En revanche, si une entreprise a directement pris part à un ou à plusieurs des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique, mais qu’il n’est pas établi que, par son propre comportement, elle entendait contribuer à l’ensemble des objectifs communs poursuivis par les autres participants à l’entente et qu’elle avait connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par lesdits participants dans la poursuite des mêmes objectifs ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque, la Commission n’est en droit de lui imputer la responsabilité que des comportements auxquels elle a directement participé et des comportements envisagés ou mis en œuvre par les autres participants dans la poursuite des mêmes objectifs que ceux qu’elle poursuivait et dont il est prouvé qu’elle avait connaissance ou pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque (arrêt Commission/Verhuizingen Coppens, point 46 supra, point 44).

49      À la lumière de la jurisprudence exposée aux points 46 à 48 ci-dessus, d’une part, il y a lieu de considérer, en l’espèce, que les requérantes sont sanctionnées en raison en raison des pratiques illicites qu’elles ont mises en œuvre et qui ont contribué à la réalisation d’une infraction unique couvrant, le cas échéant, des marchés de produits et des territoires sur lesquels elles ne sont pas actives. D’autre part, même à supposer que le « principe de culpabilité » invoqué par les requérantes, selon lequel une entreprise ne peut être sanctionnée que pour des actes qu’elle a commis, constitue un principe général du droit de l’Union, il y a lieu de constater que la Commission ne l’a pas violé en l’espèce, dès lors que c’est en raison de leur propre participation à l’infraction unique qu’elles ont été sanctionnées.

50      Les trois autres observations soulevées par les requérantes à cet égard selon lesquelles, d’abord, la jurisprudence allemande n’autorise plus l’imputation de la responsabilité d’actes commis par les tiers, ensuite, il n’existe pas ou plus, contrairement à ce qu’a affirmé la Cour dans son arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 41 supra, de tradition juridique commune aux États membres autorisant une telle imputation et, enfin, l’article 25 du règlement n° 1/2003 ne constitue pas une base juridique valable, ne remettent pas en cause le constat, exposé au point 49 ci-dessus, que c’est conformément à la jurisprudence exposée aux points 46 à 49 ci-dessus que les requérantes ont été sanctionnées pour la participation à l’infraction unique de l’entreprise, au sens du droit de la concurrence, à laquelle elles appartiennent et non en raison d’actes illégaux commis par des tiers.

51      Le deuxième argument des requérantes doit donc être écarté comme étant non fondé.

52      Troisièmement, les requérantes soutiennent que, même s’il doit être considéré que la Commission disposait d’une base juridique l’autorisant à constater l’existence d’une infraction unique, une telle infraction n’aurait été valablement constatée en l’espèce que si la Commission avait, conformément à la jurisprudence et au point 15 de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5), préalablement défini sur quels marchés une telle infraction avait entraîné une restriction de concurrence. Or, en l’espèce, les produits en cause dans la décision attaquée n’appartiendraient pas à un même marché de produits en raison de leur destination différente, comme la Commission l’a estimé dans une décision de contrôle des concentrations qu’elle a par ailleurs adoptée.

53      D’une part, il y a lieu de relever à cet égard que les requérantes se contentent de faire valoir, en substance, que, si la Commission avait défini les marchés de produits et géographiques pertinents, cette dernière aurait alors conclu qu’ils étaient distincts. En revanche, elles ne contestent pas les appréciations de la Commission (considérants 907 et 981 de la décision attaquée) selon lesquelles les pratiques en cause étaient susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et avaient pour objet ou pour effet de fausser le jeu de la concurrence. Or, comme le fait valoir à juste titre la Commission, l’obligation d’opérer une délimitation du marché pertinent dans une décision adoptée en application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE s’impose à la Commission uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur (voir arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 99, et la jurisprudence citée).

54      D’autre part, et en toute hypothèse, l’argument des requérantes selon lesquels les marchés de produits et géographiques couverts par l’infraction unique sont distincts, comme cela ressortirait par ailleurs d’une décision de contrôle des concentrations adoptée par la Commission, et elles ne sont actives que sur certains de ces marchés n’est pas susceptible d’invalider à lui seul le constat de la Commission que les requérantes ont participé à une infraction unique couvrant l’intégralité de ces marchés. À cet égard, il doit être rappelé que, selon la jurisprudence, une entreprise est susceptible de violer l’interdiction prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE lorsque son comportement, tel que coordonné avec celui d’autres entreprises, a pour but de restreindre la concurrence sur un marché pertinent particulier à l’intérieur du marché intérieur, sans que cela présuppose nécessairement qu’elle soit elle-même active sur ledit marché pertinent (arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, Gütermann/Commission, T‑456/05 et T‑457/05, Rec. p. II‑1443, point 53). Il ressort donc de cette jurisprudence que le fait que les requérantes ne sont pas présentes sur tous les marchés en cause ne constitue pas un motif de nature, à lui seul, à invalider la conclusion selon laquelle elles ont participé à une infraction unique couvrant l’ensemble desdits marchés.

55      Les autres arguments soulevés par les requérantes à cet égard ne sauraient infirmer les constats exposés aux points 53 et 54 ci-dessus.

56      Tout d’abord, les arguments selon lesquels, d’une part, la Commission a elle-même considéré dans sa communication visée au point 52 ci-dessus que la définition du marché pertinent permettait d’identifier le périmètre à l’intérieur duquel s’exerçait la concurrence et, d’autre part, l’identification des marchés pertinents permettait de calculer le montant des amendes auxquelles elles étaient exposées, dès lors que la Commission utilisera la valeur de leurs ventes réalisées, se rapportant directement ou indirectement à l’infraction en cause, doivent être écartés comme étant inopérants. En effet, l’absence d’une telle définition des marchés pertinents en l’espèce ne remet pas en cause, en toute hypothèse, le constat, opéré au point 53 ci-dessus, selon lequel les pratiques incriminées ont eu pour effet de fausser la concurrence et d’affecter le commerce entre États membres. Par ailleurs, il peut être ajouté que, outre le fait que, en vertu du point des 13 des lignes directrices de 2006, la Commission n’est pas tenue de délimiter précisément les marchés pertinents pour identifier les produits devant être pris en considération pour le calcul de l’amende, la question de l’éventuelle délimitation des marchés pertinents aux fins de détermination du montant de l’amende est, en toute hypothèse, sans rapport avec la qualification d’une entente en tant qu’infraction unique.

57      Ensuite, l’argument selon lequel il ressort de la jurisprudence, et en particulier de l’arrêt du Tribunal du 11 décembre 2003, Adriatica di Navigazione/Commission (T‑61/99, Rec. p. II‑5349, point 32), que la Commission n’est dispensée de procéder à une délimitation précise des marchés concernés que si l’entente sanctionnée ne concerne qu’un seul produit doit être écarté comme non fondé. En effet, au point 32 dudit arrêt, le Tribunal a considéré ce qui suit :

« Il est […] souhaitable que la Commission, lorsqu’elle adopte une décision constatant la participation d’une entreprise à une infraction complexe, collective et ininterrompue, comme le sont souvent les cartels, au-delà de la vérification du respect des conditions spécifiques d’application de l’article [101], paragraphe 1, [TFUE], prenne en considération le fait que, si une telle décision doit entraîner la responsabilité personnelle de chacun de ses destinataires, c’est uniquement pour leur participation établie aux comportements collectifs sanctionnés et correctement délimités. Une telle décision étant susceptible de générer des conséquences importantes sur les relations des entreprises concernées non seulement vis-à-vis de l’administration, mais également vis-à-vis des tiers, il convient que la Commission examine le ou les marchés en cause et les identifie dans les motifs de la décision sanctionnant une infraction à l’article [101], paragraphe 1, [TFUE] de manière suffisamment précise afin de saisir les conditions de fonctionnement du marché dans lequel la concurrence se trouve faussée, tout en répondant aux besoins essentiels de sécurité juridique. »

58      Or, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, s’il ressort du point 32 de l’arrêt Adriatica di Navigazione/Commission, point 57 supra, qu’il peut être opportun que la Commission identifie les marchés concernés par une entente, d’une part, il n’en ressort pas que la définition précise des marchés visés par une infraction unique constitue une condition nécessaire à sa sanction lorsqu’il n’existe pas, comme cela ressort de la jurisprudence exposée au point 53 ci-dessus, de doutes quant à l’existence d’une affectation du commerce entre États membres et de la concurrence. D’autre part, et en toute hypothèse, il n’est pas contesté par les requérantes que, en l’espèce, la Commission a identifié avec précision dans la décision attaquée les différentes pratiques illicites auxquelles chaque destinataire de la décision attaquée a participé, y compris les leurs, de sorte que la responsabilité propre des requérantes dans l’infraction unique est suffisamment identifiable sans qu’il soit nécessaire de connaître les contours précis de chaque marché affecté par lesdites pratiques.

59      Dans ces conditions, il y a lieu d’écarter le troisième argument comme étant non fondé. Le deuxième grief doit, dès lors, être écarté comme étant, en partie, non fondé et, en partie, inopérant.

60      Par le troisième grief, premièrement, les requérantes font valoir, tant dans leurs écritures que lors de l’audience, à titre subsidiaire, qu’il ressort de la jurisprudence et notamment des arrêts du Tribunal du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission (T‑101/05 et T‑111/05, Rec. p. II‑4949, points 177 à 181), et Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, point 34 supra (point 92), que la qualification d’infraction unique requiert l’existence d’un lien de complémentarité non entre les produits en cause, mais entre les infractions concernées au regard d’un objectif anticoncurrentiel commun. Il ressortirait de ces arrêts qu’il y aurait lieu de tenir compte de toute circonstance susceptible d’établir ou de remettre en cause ce lien de complémentarité. En l’espèce, l’existence d’un simple objectif parallèle, mais non d’un objectif commun, visant à l’augmentation de prix sur plusieurs marchés n’établirait pas l’existence d’un tel lien de complémentarité.

61      À cet égard, il importe de constater que les requérantes estiment, en substance, qu’il ressort des arrêts BASF et UCB/Commission, point 60 supra, et Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, point 34 supra, qu’il n’existe d’infraction unique que si les pratiques anticoncurrentielles en cause, et non les seuls produits visés par lesdites pratiques, sont complémentaires . Or, force est de constater que l’analyse de la jurisprudence proposée par les requérantes n’est pas différente de celle retenue par la Commission. En effet, aux considérants 786 et 787 de la décision attaquée, dans lesquels la Commission a fait notamment référence à l’arrêt BASF et UCB/Commission, point 60 supra, celle-ci a considéré explicitement que « l’existence de synergies et la complémentarité entre les différentes pratiques [illégales constituaient] des indices objectifs de l’existence d’un plan global ».

62      Dans ces conditions, le premier argument des requérantes selon lequel la Commission a commis une erreur en ne prenant pas en considération la complémentarité des pratiques en cause doit être rejeté comme étant non fondé.

63      Deuxièmement, les requérantes font observer qu’aucune des appréciations faites par la Commission aux huit tirets du considérant 796 de la décision attaquée et qui sont étayées dans les considérants 797 à 852 de ladite décision n’établit un tel lien de complémentarité entre les pratiques anticoncurrentielles en cause.

64      Il ressort de la jurisprudence exposée au point 46 ci-dessus que, afin d’établir la participation d’une entreprise à une infraction unique, il appartient à la Commission de montrer que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement à l’objectif commun poursuivi par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite de ce même objectif ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque.

65      S’agissant de l’existence d’un plan global poursuivant un objectif commun dont les requérantes contestent l’existence, il convient de rappeler également que la notion d’objectif commun ne saurait être déterminée par une référence générale à la distorsion de la concurrence sur le marché concerné par l’infraction, dès lors que l’affectation de la concurrence constitue, en tant qu’objet ou effet, un élément constitutif de tout comportement relevant du champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Une telle définition de la notion d’objectif commun risquerait de priver la notion d’infraction unique et continue d’une partie de son sens, dans la mesure où elle aurait pour conséquence que plusieurs comportements concernant un secteur économique, interdits par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, devraient systématiquement être qualifiés d’éléments constitutifs d’une infraction unique (voir arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Putters International/Commission, T‑211/08, Rec. p. II‑3729, point 34, et la jurisprudence citée).

66      En l’espèce, il y a lieu de constater que la Commission s’est fondée, au considérant 796 de la décision attaquée, sur plusieurs éléments objectifs pour conclure à l’existence d’un plan global ayant un objectif unique. Dans ce cadre, elle s’est fondée, en particulier, sur le rôle central joué par les grossistes dans le circuit de distribution. Ledit circuit était de nature à conduire les fabricants des trois sous-groupes de produits à se coordonner « pour garantir l’efficacité du mécanisme » de hausses de prix mis en place, à défendre ensemble leurs intérêts et à former une position unie vis-à-vis des grossistes, « quel que soit le [sous-]groupe de produits privilégiés par chaque fabricant » (voir, à cet égard, notamment le considérant 805 de la décision attaquée).

67      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la Commission a relevé à juste titre que les pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre étaient complémentaires en ce qu’elles visaient, pour tous les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains, à coordonner leur comportement vis-à-vis des grossistes.

68      Partant, la Commission n’a pas commis d’erreur en concluant à l’existence d’un objectif unique tendant à établir une infraction unique.

69      Tout d’abord, les arguments avancés par les requérantes selon lesquels les indices relevés par la Commission, au considérant 796 de la décision attaquée, ne permettaient de conclure qu’à l’existence de pratiques anticoncurrentielles parallèles et non d’un plan commun ne sauraient convaincre. En effet, les indices relevés par ailleurs par la Commission tels que l’existence d’organismes de coordination et d’associations multiproduits (considérants 798 et 799 de la décision attaquée) ou la similitude de mise en œuvre des arrangements collusoires (considérants 808 et 809 de la décision attaquée) sont de nature à confirmer la mise en œuvre d’un objectif commun consistant pour les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains à pouvoir augmenter leurs prix proposés aux grossistes et non la seule mise en œuvre de pratiques parallèles sans lien de complémentarité. La circonstance, soulevée par les requérantes à l’audience, selon laquelle le secteur des installations sanitaires pour salles de bains est composé de sous-groupes de produits beaucoup plus nombreux que les trois sous-groupes de produits est sans influence sur le constat par la Commission, s’agissant des fabricants des trois sous-groupes de produits,de l’existence d’un objectif commun. Dès lors, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, la Commission ne s’est pas contentée de constater l’existence d’une complémentarité entre les sous-groupes de produits visés par ladite entente, mais elle a également relevé des éléments montrant la complémentarité existant entre les pratiques collusoires en cause.

70      Ensuite, les arguments soulevés par les requérantes visant à remettre en cause les autres éléments avancés par la Commission pour étayer son appréciation selon laquelle l’infraction en cause était une infraction unique, et notamment le fait qu’il n’existait pas de coïncidence temporelle des infractions en cause, n’invalident pas le constat que la Commission a conclu à bon droit à l’existence d’un objectif commun en l’espèce.

71      En effet, d’une part, il importe de relever à cet égard que la Commission n’a nullement estimé que les pratiques illicites avaient toutes été commises, pour ce qui concerne les trois sous-groupes de produits, dans tous les États membres, à compter du 27 septembre 1994, au plus tôt, jusqu’au 9 novembre 2004, mais elle a considéré que l’infraction unique s’était développée et s’était adaptée au fil du temps, en fonction des États membres et sous-groupes de produits concernés. Un tel constat ressort de l’article 1er de la décision attaquée, dans lequel la Commission a indiqué, de manière précise, les périodes durant lesquelles et les territoires sur lesquels les entreprises sanctionnées avaient participé aux différentes pratiques illicites, touchant chacun des trois sous-groupes de produits et faisant partie de l’infraction unique. D’autre part, le fait que les pratiques illicites en cause aient commencé à des dates distinctes, en fonction des États membres et des sous-groupes de produits concernés, n’invalide pas le constat qu’il existait de nombreux chevauchements matériels, géographiques et temporels entre les pratiques illicites concernant les produits en cause, comme cela ressort de l’article 1er de la décision attaquée.

72      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième grief comme étant non fondé. Dès lors, le premier moyen dans son ensemble doit être écarté comme étant, en partie, inopérant et, en partie, non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation relative à la qualification de l’entente d’infraction unique, complexe et continue

73      Les requérantes font valoir, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le premier moyen ne serait pas accueilli, que la Commission a violé l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. Dans ce cadre, elles soulèvent deux principaux griefs.

74      La Commission s’oppose aux deux griefs soulevés par la requérante.

75      Par le premier grief, les requérantes font valoir que la Commission a violé son obligation de motivation dans la mesure où elle n’a pas délimité les marchés pertinents en cause, ce qu’elle aurait dû faire conformément à l’arrêt Adriatica di Navigazione/Commission, point 57 supra (point 32).

76      À cet égard, d’une part, il y a lieu de constater d’abord que, comme il ressort de la jurisprudence citée au point 53 ci-dessus, l’obligation d’opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE s’impose à la Commission uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché intérieur. D’autre part, comme il l’a été exposé au point 58 ci-dessus, contrairement à ce que les requérantes soutiennent, il ne découle pas de l’arrêt Adriatica di Navigazione/Commission, point 57 supra (point 32) que la Commission devait en l’espèce définir les marchés pertinents touchés par les pratiques en cause. Ensuite, comme il a été relevé au point 53 ci-dessus, la Commission a indiqué, aux considérants 907 et 981 de la décision attaquée, les motifs pour lesquels elle considérait que les agissements en cause étaient susceptibles d’affecter le commerce et avaient pour objet ou pour effet de fausser le jeu de la concurrence, sans que les requérantes le contestent.

77      Dans ces conditions, le premier grief des requérantes doit être écarté comme étant non fondé.

78      Par le second grief, les requérantes font valoir, en substance, que la décision attaquée est insuffisamment motivée. En effet, ladite décision ne permettrait pas de comprendre quelle infraction est reprochée à chaque entreprise pour chaque marché et quel est le rôle de chaque entreprise dans l’infraction unique en cause.

79      À cet égard, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a, d’abord, constaté l’existence d’une infraction unique (considérants 784 à 849 de la décision attaquée), puis elle a établi les éléments lui permettant de conclure que chaque entreprise en cause avait participé à ladite infraction (considérants 850 à 879 de la décision attaquée) et, enfin, elle a répondu aux arguments soulevés par les entreprises destinataires de la communication des griefs à cet égard (considérants 880 à 905 de la décision attaquée). Ensuite, s’agissant des requérantes en particulier, la Commission a indiqué, aux considérants 861 à 863 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle considérait qu’elles remplissaient les conditions nécessaires pour conclure à leur participation à l’infraction constatée. À cet égard, elle a notamment estimé, aux considérants 861 à 863 de la décision attaquée, que les requérantes devaient nécessairement avoir eu connaissance des infractions concernant les trois sous-groupes de produits, dès lors qu’elles avaient fait partie des organismes de coordination l’ASI en Autriche, la SFP aux Pays-Bas et l’IFS ou le DSI en Allemagne, qu’elles avaient participé à des pratiques anticoncurrentielles dans cinq des six États membres concernés et qu’elles appliquaient un système centralisé des prix. Enfin, la Commission a identifié, pour chacun desdits États membres, quelles entreprises visées par la décision attaquée avaient participé aux pratiques anticoncurrentielles en cause.

80      Dans ces conditions, le second grief soulevé par les requérantes et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble doivent être écartés comme étant non fondés.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’absence de preuves d’une infraction sur les marchés en cause

81      Les requérantes font valoir qu’elles n’ont pas commis d’infraction sur les marchés de produits et géographiques en cause dans la décision attaquée. Ce moyen doit être divisé en six branches.

82      La Commission s’oppose à l’argumentation que les requérantes soulèvent dans le cadre des six branches du troisième moyen.

 Sur la première branche, tirée de l’absence d’infraction en Allemagne

83      Villeroy & Boch fait valoir qu’elle n’a commis aucune infraction en Allemagne relative aux trois sous-groupes de produits. Elle soulève trois principaux griefs à cet égard.

84      La Commission s’oppose à ces trois griefs.

–       Sur le premier grief, relatif à l’absence d’infraction en Allemagne touchant aux articles de robinetterie

85      Par le premier grief, Villeroy & Boch soutient qu’elle ne peut avoir participé à une infraction sur le marché des articles de robinetterie dès lors qu’elle n’opérait pas sur ce marché.

86      À cet égard, il suffit de constater que, comme la Commission l’a relevé au considérant 285 de la décision attaquée en réponse aux observations faites par Villeroy & Boch à la communication des griefs, c’est en raison de sa participation non pas « aux arrangements sur la coordination des prix au sein d’associations dans le secteur de[s articles de robinetterie] » en Allemagne, mais de sa participation à une infraction unique couvrant notamment ce sous-groupe de produits sur ce territoire que Villeroy & Boch a été sanctionnée à l’article 1er, paragraphe 7, point 3, de la décision attaquée pour sa participation à une entente dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains. En effet, comme il ressort du tableau D de la décision attaquée dans lequel sont énumérés les produits et les territoires à propos desquels la Commission a considéré que chaque entreprise mise en cause dans la décision attaquée avait eu un comportement anticoncurrentiel, la Commission n’a pas constaté que Villeroy & Boch avait participé à des discussions illicites en Allemagne touchant aux articles de robinetterie.

87      Dans ces conditions, le premier grief doit être écarté comme étant non fondé.

–       Sur le deuxième grief, relatif à l’absence d’infraction en Allemagne touchant aux enceintes de douche

88      Par le deuxième grief, Villeroy & Boch fait observer qu’elle n’a personnellement exercé aucune activité sur le marché des enceintes de douche en Allemagne. Elle soutient en conséquence qu’elle ne pouvait pas se voir imputer la responsabilité des prétendues activités illicites qu’Ucosan aurait commises. Premièrement, entre 1989 et le 1er novembre 1999, elle n’aurait détenu que 50 % d’Ucosan. Dès lors, elle n’aurait pas été en mesure d’exercer effectivement une influence sur Ucosan au moment des faits. Deuxièmement, après le 1er novembre 1999, date à partir de laquelle elle détenait 100 % d’Ucosan, d’une part, elle n’aurait participé qu’à 6 réunions de l’ADA ou de l’ABD, sur les 24 réunions qui s’étaient tenues. Elle n’aurait donc pas participé à une infraction continue et au « groupe central d’entreprises » identifié par la Commission. D’autre part, elle ne pourrait pas se voir imputer un éventuel comportement anticoncurrentiel d’Ucosan, dès lors que cette dernière a agi de façon autonome sur ce marché. Par ailleurs, la Commission n’aurait établi ni dans la décision attaquée ni dans ses écritures qu’elle avait participé à des pratiques anticoncurrentielles ou à des réunions ayant trait aux enceintes de douche.

89      À titre liminaire, le Tribunal relève, s’agissant des enceintes de douche, que la Commission a estimé, aux considérants 1104 et 1106 à 1111 de la décision attaquée, ce qui suit :

« 1104 [Villeroy & Boch] détient 50 % des actions d’Ucosan [qui est] active dans le domaine des enceintes de douche depuis 1989. Le 1er novembre 1999, [Villeroy & Boch] a acquis la seconde moitié des parts d’Ucosan, devenant ainsi son propriétaire exclusif. Ucosan se composait de Ucosan Holding BV, dont le siège se situait aux Pays-Bas et qui détenait notamment 100 % des actions de la filiale allemande Sanitrend Sanitär Handelsgesellschaft mbH. Cette filiale a été rebaptisée Ucosan GmbH, puis Villeroy & Boch Wellness, avant d’être finalement fusionnée avec Villeroy & Boch le 24 mars 2003. Ucosan Holding BV et Ucosan BV, sa filiale néerlandaise à 100 %, existent toujours actuellement.

[…]

1106 [Villeroy & Boch] n’a pas cherché à renverser la présomption selon laquelle elle exerçait un contrôle sur ses filiales à (presque) 100 % Villeroy & Boch [Autriche], Villeroy & Boch [Belgique], Villeroy & Boch [Luxembourg], Villeroy & Boch Nederland BV, et Villeroy & Boch [France]. Les filiales nationales n’avaient aucune autonomie en matière de fixation des prix et facturaient même une partie de leurs produits au nom de [Villeroy & Boch]. Comme pour le groupe Ucosan […] leurs actions ont été attribuées à [Villeroy & Boch] dans la communication des griefs, vu qu’elles sont détenues à 100 % par [Villeroy & Boch] depuis le 1er novembre 1999.

1107 Dans leur réponse conjointe à la communication des griefs, les entreprises destinataires n’ont pas contesté leur responsabilité pour les actions d’Ucosan. Elles ont même implicitement accepté leur responsabilité.

1108 Toutefois, dans les arguments présentés conjointement le 10 juillet 2009 dans le cadre de l[a lettre d’]exposé des faits, [Villeroy & Boch] a contesté sa responsabilité pour le comportement d’Ucosan. Elle y indique qu’avant 2003, [M. W.], détenteur de la seconde moitié des actions d’Ucosan Holding BV avant l’acquisition de la totalité du capital en 1999, était jusqu’en 2001 le seul directeur de l’entreprise. De 2001 à 2003, un deuxième directeur a été nommé, mais en cas de désaccord entre les deux, l’avis de [M. W.] prévalait toujours, conformément à un accord conclu le 16 janvier 1989.

1109 Ces arguments ne peuvent pas être acceptés. Premièrement, [Villeroy & Boch] ne tient pas compte du fait qu’elle est depuis 1999 l’unique détentrice du capital d’Ucosan Holding BV. Le fait que l’un des directeurs d’Ucosan ait prétendument détenu une partie des actions à un stade antérieur (ce qui n’est pas prouvé, vu que l’accord de 1989 présenté par [Villeroy & Boch] à l’appui de ses affirmations a été conclu entre la personne morale BEM Wientjes Beheer BV et [Villeroy & Boch], en tant qu’actionnaires d’Ucosan), ne peut servir à lui seul de base pour renverser la présomption selon laquelle [Villeroy & Boch] n’aurait pas exercé de contrôle sur sa filiale détenue à 100 %. Deuxièmement, l’accord de 1989 présenté par [Villeroy & Boch] a été conclu alors qu’Ucosan était toujours une entreprise commune entre l’entreprise BEM Wientjes Beheer BV et [Villeroy & Boch] et ne peut donc pas servir de base pour dégager [Villeroy & Boch] de sa responsabilité pour le comportement de sa filiale alors qu’elle était à l’époque l’unique actionnaire de l’entité.

1110 Ucosan BV a repris la totalité des activités de la filiale néerlandaise Villeroy & Boch Nederland BV qui a ensuite été liquidée. Ucosan était donc le successeur juridique et économique de Villeroy & Boch Nederland BV [Villeroy & Boch] peut être tenue pour responsable du comportement de Villeroy & Boch Nederland BV et de son successeur juridique et économique, Ucosan, pour toute la durée de l’infraction, étant donné qu’elle détenait 100 % des actions de Villeroy & Boch Nederland BV et de son successeur, Ucosan, et qu’elle n’a produit aucun argument ni élément de preuve permettant de renverser la présomption selon laquelle elle formait avec ces entités une seule et même entreprise.

1111 Pour toutes ces raisons, [Villeroy & Boch], Villeroy & Boch [Belgique] Villeroy & Boch [Autriche], Villeroy & Boch [France] sont destinataires de la présente décision car elles sont responsables conjointement et solidairement de leur propre comportement, ainsi que de celui de Villeroy & Boch Nederland BV et, à partir du 1er novembre 1999, de celui d’Ucosan, toutes ces entités faisant en effet partie de l’entreprise ayant commis l’infraction. »

90      Au tableau D de la décision attaquée, la Commission a conclu que Villeroy & Boch avait participé à une entente touchant les enceintes de douche à compter du 1er novembre 1999 jusqu’au 9 novembre 2004.

91      C’est à la lumière des considérants et du tableau D de la décision attaquée, exposés aux points 89 et 90 ci-dessus, qu’il convient d’examiner les trois principaux arguments que Villeroy & Boch soulève à cet égard.

92      En premier lieu, l’argument de Villeroy & Boch selon lequel la Commission ne pouvait pas lui imputer le comportement anticoncurrentiel d’Ucosan avant le 1er novembre 1999 dans la mesure où elle n’en détenait que 50 % du capital social doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, même à supposer que le libellé du considérant 1111 de la décision attaquée puisse être considéré comme étant rédigé de manière ambigüe en ce sens qu’il pourrait être compris à tort comme indiquant que la Commission entendait sanctionner Villeroy & Boch Nederland BV, il ressort en revanche sans ambiguïté des considérants 1106 et 1110 de la décision attaquée, cités au point 89 ci-dessus, ainsi que du tableau D de la décision attaquée, que la Commission n’a pris en considération la participation d’Ucosan à l’entente qu’à compter du 1er novembre 1999, date à laquelle Villeroy & Boch avait acquis l’intégralité du capital d’Ucosan, ce que la Commission confirme par ailleurs dans ses écritures. L’argument de Villeroy & Boch selon lequel il ressort du considérant 285 de la décision attaquée que la Commission a estimé à tort qu’elle avait participé à l’infraction avant 1999 doit être rejeté comme étant non fondé dès lors que la Commission ne fait que constater audit considérant que « [Villeroy & Boch] a été actif dès l’acquisition d’Ucosan et a participé aux réunions de l’[ADA/ABD] ».

93      En revanche, force est de constater que, comme le relève également Villeroy & Boch, le tableau D figurant à l’annexe 3 de la décision attaquée, qui énumère les dates de participations des entreprises aux réunions de l’ADA/ABD et qui indique que « Villeroy & Boch (Ucosan) » a participé à 6 réunions de l’ADA/ABD entre le 17 septembre 1996 et le 9 juin 1999, c’est-à-dire avant que Villeroy & Boch n’acquière Ucosan, est erroné. Toutefois, dès lors que ce tableau doit être lu à la lumière des considérants 285, 1106 et 1110 de la décision attaquée, il y a lieu de constater qu’il s’agit d’une erreur de plume de la Commission, Villeroy & Boch ne détenant l’intégralité du capital d’Ucosan qu’à compter de 1999. Cette erreur de plume n’est pas de nature à invalider l’analyse de la Commission telle qu’elle ressort des considérants 285, 1106 et 1110 de la décision attaquée et le bien-fondé de ladite décision à cet égard.

94      Le premier argument de Villeroy & Boch doit donc être rejeté.

95      En second lieu, Villeroy & Boch avance trois arguments visant à faire valoir que la Commission ne pouvait pas lui imputer le comportement anticoncurrentiel d’Ucosan après le 1er novembre 1999.

96      Premièrement, Villeroy & Boch estime que la responsabilité du comportement anticoncurrentiel d’Ucosan ne peut pas lui être imputée, puisque cette dernière a agi de façon autonome sur le marché. À cet égard, elle fait observer que le gérant-fondateur d’Ucosan s’était vu accorder par contrat la responsabilité finale des opérations et qu’il était seul responsable du marketing et de la vente.

97      Tout d’abord, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la responsabilité pour le comportement d’une filiale peut être imputée à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (arrêts de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, point 58, et du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec. I-8974, point 54). La Cour a jugé que, dans le cas spécifique où une société mère détient l’intégralité du capital social de sa filiale, ayant adopté un comportement anticoncurrentiel, d’une part, ladite société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle cette société exerce effectivement une telle influence sur sa filiale (ci-après la « présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante ») (voir, en ce sens, arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 60, et Elf Aquitaine/Commission, précité, point 56). Dès lors, il y a lieu de constater que la Commission pouvait, en l’espèce, présumer à bon droit, sur la base de la détention par Villeroy & Boch de l’intégralité du capital social d’Ucosan, qu’Ucosan et Villeroy & Boch constituaient une unité économique, à charge pour elles de renverser cette présomption en montrant qu’Ucosan agissait de manière autonome sur le marché.

98      Ensuite, il y a lieu de relever que les arguments de Villeroy & Boch visant à renverser la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante de celle-ci sur Ucosan ont été rejetés par la Commission, aux considérants 1109 et 1110 de la décision attaquée, pour des motifs que celle-ci ne critique pas devant le Tribunal. Or, comme la Commission l’a constaté à juste titre auxdits considérants, les allégations de Villeroy & Boch selon lesquelles Ucosan était dirigée par son fondateur et ce dernier s’était vu confier en 1989 la responsabilité finale des opérations d’Ucosan, à une époque où cette dernière était détenue à 50 % par son fondateur et à 50 % par Villeroy & Boch, ne permettent pas d’établir qu’Ucosan agissait de manière autonome sur le marché à compter de 1999, lorsque cette dernière était intégralement détenue par Villeroy & Boch.

99      Dans ces conditions, l’argument de Villeroy & Boch selon lequel la Commission ne pouvait pas lui imputer le comportement anticoncurrentiel d’Ucosan doit être rejeté comme étant non fondé.

100    Deuxièmement, Villeroy & Boch soutient qu’elle n’a pas participé, seule ou par le biais d’Ucosan, à des réunions consistant en une coordination régulière des hausses de prix.

101    À cet égard, il convient, à titre liminaire, de rappeler que la Commission a constaté, aux considérants 173, 174 et 176 de la décision attaquée, ce qui suit :

« 173 Des arrangements similaires ont été mis en place par les fabricants d’enceintes de douche, principalement dans le cadre de [l’ADA/ABD]. Le dossier de la Commission contient des éléments prouvant que les fabricants d’enceintes de douche coordonnaient leurs futures hausses de prix (et d’autres éléments de tarification tels que les remises) de manière systématique et soutenue depuis au moins 1994. Selon les affirmations faites par Masco dans le cadre de sa demande de [réduction d’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération] en ce qui concerne spécifiquement les enceintes de douche, les membres discutaient de leurs prévisions de hausse de prix entre mai et juillet de chaque année (avant d’en faire part à leurs clients à l’automne). Les concurrents proposaient une hausse de prix spécifique et/ou une hausse de prix minimum ou une fourchette de hausses de prix, sur laquelle tout le monde se mettait d’accord. Les concurrents étant conscients de la nature illégale de leur comportement, ces éléments ne figuraient pas dans le compte rendu officiel des réunions. Les participants se mettaient aussi d’accord sur des questions telles que la date à laquelle les annonces de hausses de prix devaient être envoyées aux clients et la détermination de l’entreprise qui le ferait en premier. Pendant la préparation des prix en interne, les concurrents se téléphonaient parfois pour discuter des hausses de prix qu’ils entendaient appliquer.

174 Les arrangements de coordination des prix entre les fabricants d’enceintes de douche étaient particulièrement intensifs. Les membres de l’ADA/ABD avaient tissé des liens très étroits entre eux. Par exemple, pour résoudre les problèmes de malhonnêteté occasionnelle entre les membres, le groupe avait mis en place des mesures visant à rétablir la confiance, comme, par exemple, un week-end à Vienne avec les femmes des représentants des sociétés membres. Le groupe utilisait même parfois le nom de code ‘sang de Vienne’ (référence au concept des ‘frères de sang’) pour indiquer que, si certains membres ne respectaient pas un accord, ils devaient en informer les autres membres et être totalement honnêtes à ce sujet. En ce qui concerne le contrôle de la mise en œuvre des hausses de prix, les participants s’envoyaient mutuellement les annonces à leurs adresses personnelles et non professionnelles. Ce mécanisme était complété par des contacts bilatéraux intensifs entre les concurrents. Par exemple, si le représentant commercial d’un fabricant d’enceintes de douche concurrent offrait un prix largement inférieur à celui de Masco, Masco appelait l’entreprise concernée par téléphone pour lui demander pourquoi le prix était si bas. D’après les estimations de Masco, ces contacts avaient lieu jusqu’à dix fois par an.

[…]

176 Enfin, des discussions sur la tarification avaient également lieu au niveau de la [DSI/IFS] […]. Ces discussions concernaient les politiques générales de tarification ou certains problèmes de tarification susceptibles d’intéresser tous les fabricants (par exemple, coordination du calendrier de mise en place des barèmes de prix). »

102    Villeroy & Boch conteste avoir participé à la plupart des réunions de l’ADA/ABD. D’une part, il convient de relever à cet égard que la Commission n’a constaté la participation de Villeroy & Boch ou d’Ucosan qu’à sept réunions de l’ADA/ABD identifiées dans l’annexe 3 de la décision attaquée et qui se sont tenues entre le 9 juin 1999, soit quelques mois avant le 1er novembre 1999, date à laquelle Villeroy & Boch a acquis l’intégralité du capital d’Ucosan et, le 9 novembre 2004, date à laquelle la Commission a mis en œuvre ses inspections. Les sept réunions auxquelles Ucosan aurait participé se seraient tenues les 9 juin 1999, 24 mai 2000, 30 mai 2001, 15 mai 2002, 16 mai et 7 novembre 2003 ainsi que 4 juin 2004, comme cela ressort du tableau à l’annexe 3 de la décision attaquée. D’autre part, la Commission met en lumière dans ses écritures le fait qu’elle a également constaté, au considérant 176 de la décision attaquée, l’existence de discussions illicites au sein de DSI/IFS touchant aux trois sous-groupes de produits, dont les enceintes de douche, auxquelles Villeroy & Boch avait participé. Les réunions de la DSI/IFS auxquelles Villeroy & Boch aurait participé sont énumérées à l’annexe 1 de la décision attaquée et se seraient tenues, à partir de 1998, les 10 novembre 1998, 10 février et 5 octobre 2000, 24 avril, 23 mai et 14 novembre 2001, 11 avril, 30 avril et 4 juillet 2002, 9 avril 2003 et 20 juillet 2004.

103    Dans la mesure où il est constant que, comme la Commission l’a relevé notamment aux considérants 157 et 158 de la décision attaquée, les prix dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains suivaient un cycle annuel, il convient de rechercher si la Commission a établi à suffisance de droit la participation de Villeroy & Boch ou d’Ucosan à des discussions illicites aux réunions soit de l’ADA/ABD soit de DSI/IFS pour les cinq années couvrant la période allant du 1er novembre 1999 jusqu’au 9 novembre 2004. En effet, cette période est celle à propos de laquelle la Commission a conclu, au tableau D de la décision attaquée, à la participation de Villeroy & Boch à une infraction, en raison de ses propres agissements ou de ceux de sa filiale Ucosan.

104    À cet égard, il importe de constater à titre liminaire que, comme il ressort des considérants 173 et 174 de la décision attaquée, afin d’établir l’existence d’une entente concernant les enceintes de douche, la Commission s’est fondée, en plus de preuves écrites examinées aux points 105 et suivants ci-après, sur les déclarations orales de Masco selon lesquelles des discussions visant une coordination des hausses de prix touchant aux enceintes de douche se déroulaient au sein d’ADA/ABD. Or, à cet égard, contrairement à l’argument de Villeroy & Boch selon lequel les déclarations de Masco ne peuvent pas servir de preuve en raison du principe testis unus, testis nullus (un seul témoin, pas de témoin), il ressort de la jurisprudence que, lorsque le témoignage d’une entreprise ayant demandé à bénéficier d’une réduction totale ou partielle d’amendes est contestée, ledit témoignage doit être étayé par d’autres éléments de preuve afin d’établir à suffisance de droit l’existence et la portée de l’arrangement commun (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Enso-Gutzeit/Commission, T‑337/94, Rec. p. II‑1571, point 91, et arrêt Groupe Danone/Commission, point 53 supra, point 285). C’est donc à la lumière de ces déclarations de Masco et des preuves matérielles avancées par la Commission et examinées ci-après qu’il convient de rechercher si la Commission a établi à suffisance de droit la preuve de la participation de Villeroy & Boch ou d’Ucosan à des discussions anticoncurrentielles touchant aux enceintes de douche en Allemagne du 1er novembre 1999 au 9 novembre 2004.

105    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch ou d’Ucosan à des pratiques anticoncurrentielles touchant aux enceintes de douche à compter du 1er novembre 1999, il convient de rechercher si Commission disposait de preuves de nature à établir la participation d’Ucosan au sein de l’ADA/ABD ou de Villeroy & Boch au sein de DSI/IFS avant ou à compter de cette date.

106    À cet égard, il importe de relever que la Commission indique, au considérant 197 de la décision attaquée et à l’annexe 1 de ladite décision, qu’Ucosan a participé à l’assemblée générale de l’ADA/ABD du 9 juin 1999, durant laquelle, comme l’établissent les notes de Masco, aucun des fabricants d’enceintes de douches présents n’a souhaité diminuer le prix d’un produit déterminé au-dessous d’un prix minimum de 460 marks allemands (DEM). D’une part, force est de constater que les requérantes n’avancent aucun argument visant à contester le constat de la Commission que les deux représentants d’Ucosan ont paraphé la fiche de présence à cette réunion. D’autre part, les arguments de Villeroy & Boch selon lesquels, en substance, ces accords n’ont pas été respectés ou que la déclaration orale faite par Masco dans le cadre de sa demande tendant à bénéficier d’une réduction d’amende ne faisait pas mention de la présence de Villeroy & Boch doivent être rejetés comme inopérants. En effet, ces arguments ne remettent pas en cause le constat de la Commission qu’Ucosan a participé à des discussions de fixation de prix lors de cette réunion et que les effets de ces discussions se sont déployés à compter de cette date pour l’année suivante.

107    Partant, la Commission a imputé à juste titre à Villeroy & Boch, pour la période débutant le 1er novembre 1999, la responsabilité des pratiques anticoncurrentielles auxquelles Ucosan participait au sein de l’ADA/ABD depuis à tout le moins le 9 juin 1999. Dans ces conditions, il est sans objet de rechercher si Villeroy & Boch a participé à des discussions illicites au sein de la DSI /IFS en 1999.

108    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch ou d’Ucosan à des pratiques anticoncurrentielles touchant aux enceintes de douche en 2000, la Commission fait état, au considérant 203 de la décision attaquée et dans ses écritures, d’une réunion de la DSI/IFS qui s’est tenue le 5 octobre 2000.

109    Comme il ressort du considérant 203 de la décision attaquée, la Commission s’appuie à cet égard non seulement sur une note de Hansgrohe indiquant que les membres de l’ADA/ABD ont prévu une hausse de prix de 7,5 %, mais également sur le témoignage de Masco corroborant de telles discussions. D’une part, l’argument de Villeroy & Boch selon lequel aucun document n’établit sa présence à cette réunion doit être rejeté comme étant non fondé en fait. En effet, comme le fait observer la Commission, il ressort des notes de Hansgrohe touchant à cette réunion que Villeroy & Boch est la seule à avoir connu une augmentation de son chiffre d’affaires. D’autre part, pour autant que Villeroy & Boch affirme que la seule déclaration de Masco constitue une preuve insuffisante, il y a lieu également de rejeter cet argument, puisque cette appréciation de la Commission repose également sur des notes de Hansgrohe contemporaines à l’infraction.

110    Dans ces conditions, la Commission a établi à suffisance de droit la participation de Villeroy & Boch à des discussions illicites en 2000 au sein du DSI/IFS. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner si, comme Villeroy & Boch le conteste, Ucosan a également participé en 2000 à des discussions illicites au sein de l’ADA/ABD.

111    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch ou d’Ucosan à des pratiques anticoncurrentielles touchant aux enceintes de douche en 2001, il n’est pas contesté par celle-ci que, comme la Commission l’a estimé, au considérant 635 de la décision attaquée, lors de la réunion du DSI/IFS du 14 novembre 2001 à laquelle elle a participé, les membres de cette association ont conclu à l’échec de leurs tentatives de s’accorder sur des modalités uniformes concernant le calendrier des hausses de prix lié à l’introduction de l’euro dont ils avaient commencé à discuter lors de la réunion du 5 octobre 2000. La teneur illicite de cette discussion concernant les hausses de prix auxquelles les membres du DSI/IFS ont participé le 14 novembre 2001 est établie par la lettre du 29 juin 2001 adressée par DSI/IFS à Ideal Standard et par une note interne d’Ideal Standard, dont il ressort en substance que, s’agissant de l’« adaptation des prix à l’introduction de l’euro pour 2002 », « les membres du DSI/IFS [avaient] aussi l’intention d’appliquer le plan suivant [consistant notamment] en une annonce de la hausse des prix en euros pour le 31 juillet 2001, différenciée en fonction des groupes de marchandises et de produits ».

112    Dans ces conditions, la Commission a établi à suffisance de droit la participation de Villeroy & Boch à des discussions illicites en 2001 au sein de DSI/IFS. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner si, comme Villeroy & Boch le conteste, Ucosan a également participé en 2001 à des discussions illicites au sein de l’ADA/ABD.

113    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch ou d’Ucosan à des pratiques anticoncurrentielles touchant aux enceintes de douche en 2002, d’une part, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, s’il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I‑1307, point 127 et du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, Rec. p. II‑2707, points 43 et 72), chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, ci-après l’« arrêt PVC II », points 768 à 778, en particulier point 777, confirmé sur cette question précise par la Cour, sur pourvoi, dans son arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, points 513 à 523).

114    D’autre part, compte tenu du caractère notoire de l’interdiction des accords anticoncurrentiels, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contact entre les opérateurs concernés. Les éléments fragmentaires et épars dont elle peut disposer doivent, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes. L’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel peut donc être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 32 supra, points 55 à 57, et arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T‑44/02 OP, T‑54/02 OP, T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, Rec. p. II‑3567, points 64 et 65).

115    Par ailleurs, il découle de la jurisprudence que, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, la Commission se fonde, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (voir arrêts du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T‑43/92, Rec. p. II‑441, point 79, et du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, point 51, et la jurisprudence citée).

116    En l’espèce, il ressort des notes de Hansgrohe relatives aux discussions de membres du DSI/IFS qui se sont tenues lors de la réunion du 11 avril 2002 et à laquelle Villeroy & Boch a participé que les nouveaux prix, qui entreraient en vigueur pour l’année 2003 concernant les enceintes de douche, seraient envoyés à leurs clients en octobre 2002. Cette discussion, comme l’indique la Commission au considérant 217 de la décision attaquée, confirme la teneur d’une réunion du comité directeur de l’AGSI, à laquelle Villeroy & Boch n’a pas participé et durant laquelle, comme cela ressort de notes manuscrites, certains fabricants d’enceintes de douche s’étaient mis d’accord pour mettre en œuvre de nouveaux prix à compter du 1er janvier 2003. À cet égard, il convient de relever que, même à supposer que, comme Villeroy & Boch le fait valoir, des discussions touchant aux conséquences de l’introduction de l’euro sur le calendrier des augmentations de prix n’aient pas constitué , à elles seules, une infraction au droit de la concurrence dans la mesure où elles n’établissent pas que les membres du DSI/IFS coordonnaient leurs hausses de prix, il n’en demeure pas moins, en toute hypothèse, que ces discussions établissent que Villeroy & Boch et ses concurrents n’ont pas cessé entre 2001 et 2003, comme cela ressort du point 111 ci-dessus et du point 118 ci-après, de se communiquer des informations commerciales sensibles.

117    Dans ces conditions, la Commission a établi à suffisance de droit que, à tout le moins en 2002, Villeroy & Boch n’avait pas interrompu sa participation aux pratiques illicites au sein du DSI/IFS qui s’étaient tenues en 2001 et qui s’étaient poursuivies en 2003. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner si, comme Villeroy & Boch le conteste, Ucosan a également participé en 2002 à des discussions illicites au sein d’ADA/ABD.

118    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch ou d’Ucosan à des pratiques anticoncurrentielles touchant aux enceintes de douche en 2003, la Commission a relevé, au considérant 228 de la décision attaquée, que les entreprises présentes durant la réunion de l’ADA/ABD du 7 novembre 2003, dont Villeroy & Boch faisait partie, avaient participé à des discussions illicites touchant aux hausses de prix. Or, comme il ressort du point 4 du procès-verbal de cette réunion, Villeroy & Boch a annoncé une hausse de prix de 2,5 %, entrant en vigueur dès le 1er janvier 2004. L’affirmation de Villeroy & Boch à cet égard selon laquelle il n’existe pas de preuves de sa participation à cette réunion de l’ADA/ABD du 7 novembre 2003 est contredite par la fiche de présence à cette réunion signée par son représentant.

119    Dans ces conditions, la Commission a établi à suffisance de droit que, en 2003, Villeroy & Boch avait participé à des discussions illicites au sein de l’ADA ou de l’ABD. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner si, comme Villeroy & Boch le conteste, Ucosan a également participé en 2003 à des discussions illicites au sein du DSI/IFS en 2003.

120    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch ou d’Ucosan à des pratiques anticoncurrentielles touchant aux enceintes de douche en 2004, il est vrai que, comme Villeroy & Boch le fait valoir en substance, il ne ressort d’aucun des éléments présentés par la Commission touchant aux deux réunions auxquelles elle a participé, au sein de l’ADA/ABD le 4 juin 2004 et, au sein du DSI/IFS, le 20 juillet 2004, que les membres de ces associations aient coordonné leurs hausses de prix.

121    Toutefois, d’une part, il ressort du compte rendu manuscrit de la réunion du DSI/IFS qui s’est tenue le 20 juillet 2004 que, comme la Commission l’a relevé en substance au considérant 238 de la décision attaquée, les membres de cet organisme de coordination, dont Villeroy & Boch fait partie, s’étaient échangé des informations commerciales détaillées, société par société, relatives à l’évolution de leurs chiffres d’affaires en Allemagne et à leurs exportations ainsi qu’en ce qui concerne leurs prévisions de croissance. En effet, il ressort dudit compte rendu, par exemple, s’agissant de Villeroy & Boch, que son chiffre d’affaires avait augmenté de 5,5 %, que les exportations étaient en hausse et que ses prévisions étaient de 5 % de hausse de son chiffre d’affaires en Allemagne. Ces échanges d’informations concernaient donc des informations commerciales sensibles de nature à réduire l’incertitude quant au comportement futur des concurrents sur le marché.

122    D’autre part, et en toute hypothèse, il ressort d’un courrier de l’ADA/ABD du 19 mai 2004 adressé à ses membres, mentionné au considérant 237 de la décision attaquée et dont Villeroy & Boch ne conteste pas la teneur, que « l’échange d’informations sur le chiffre d’affaires et sur les volumes de vente dans le secteur des enceintes de douche, échange qui se pratique depuis de nombreuses années, permettait aux différentes entreprises membres de l’ancienne ADA de savoir, très rapidement, comment leur propre part de marché avait évolué par rapport à leurs homologues ».

123    Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient Villeroy & Boch, la Commission pouvait à bon droit constater que ces échanges d’informations confidentielles étaient anticoncurrentiels non seulement en raison du fait qu’ils venaient au soutien de la coordination de hausses de prix qui avait été décidée en 2003 pour l’année 2004, mais également en raison du fait qu’ils enfreignaient les règles de concurrence dès lors qu’ils donnaient des indications sur chacun des concurrents de nature à leur permettre d’anticiper avec une plus grande certitude leur comportement commercial futur sur le marché.

124    À la lumière des constats opérés aux points 88 à 123 ci-dessus, il y a lieu de constater que la Commission a conclu à bon droit que Villeroy & Boch avait participé à des pratiques anticoncurrentielles en Allemagne relatives aux enceintes de douche du 1er novembre 1999 au 9 novembre 2004.

125    Le second grief de la première branche doit donc être écarté comme étant non fondé.

–       Sur le troisième grief, relatif à l’absence d’infraction en Allemagne touchant aux articles en céramique

126    Par le troisième grief, Villeroy & Boch fait valoir, en substance, que la Commission n’a pas prouvé sa participation à des pratiques anticoncurrentielles touchant aux articles en céramique en Allemagne. Elle conteste les constats opérés par la Commission à cet égard dans la décision attaquée et dans ses écritures.

127    À titre liminaire, il y a lieu de relever que Villeroy & Boch prend acte dans la réplique du constat de la Commission dans ses écritures que cette dernière a commis une erreur de plume dans la référence d’un document auquel il est fait mention au considérant 175 de la décision attaquée et auquel elle ne conteste pas avoir eu accès. Dans ces conditions, l’argument soulevé dans la requête selon lequel Villeroy & Boch n’a pas eu accès à certaines déclarations orales auxquelles il est fait référence audit considérant doit être rejeté.

128    Tout d’abord, pour autant que Villeroy & Boch conteste sa participation à des pratiques anticoncurrentielles touchant aux articles en céramique ayant débuté avant le 7 juillet 2000, ses arguments doivent être rejetés comme étant inopérants. En effet, si la Commission a constaté, au considérant 286 de la décision attaquée, la tenue de discussions anticoncurrentielles pour la période allant de septembre 1994 à novembre 2004, elle n’a en revanche sanctionné Villeroy & Boch pour sa participation auxdites pratiques qu’à compter du 7 juillet 2000 jusqu’au 9 novembre 2004, comme cela ressort sans ambiguïté du considérant 285 de la décision attaquée et du tableau D de ladite décision.

129    Ensuite, s’agissant de la participation de Villeroy & Boch à des réunions touchant aux articles en céramique en Allemagne, il y a lieu de relever que la Commission a indiqué qu’elle avait participé, d’une part, à neuf réunions du DSI/IFS entre le 5 octobre 2000 et le 20 juillet 2004 (voir annexe 1 de la décision attaquée) et, d’autre part, aux sept réunions de l’association spécialisée d’articles en céramique FSKI à compter des 7 et 8 juillet 2000 jusqu’aux 4 et 5 juillet 2003 (voir annexe 4 de la décision attaquée).

130    Dans la mesure où il est constant que, comme il a été relevé au point 103 ci-dessus, les prix dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains suivaient un cycle annuel, il convient de rechercher si la Commission a établi à suffisance de droit la participation de Villeroy & Boch à des discussions illicites au cours d’une réunion soit du DSI/IFS soit du FSKI pour chacune des cinq années couvrant la période allant des 7 et 8 juillet 2000 au 9 novembre 2004, date à laquelle la Commission a réalisé ses inspections inopinées.

131    S’agissant de la première réunion du FSKI des 7 et 8 juillet 2000, à propos de laquelle la Commission a considéré que Villeroy & Boch avait participé à des discussions illicites concernant les articles en céramique en Allemagne, Villeroy & Boch conteste que des discussions illicites s’y soient tenues.

132    Comme cela a été indiqué au considérant 200 de la décision attaquée, il ressort du procès-verbal, établi par Ideal Standard, de la réunion du FSKI qui s’est tenue le 12 juillet 2000, réunissant les représentants allemands des principaux fabricants d’articles en céramique en Allemagne, que, selon un représentant de Duravit AG, « le marché français [avait] annoncé une hausse de prix inhabituelle par le biais d’une majoration de 3 % » et cela aurait dû « maintenir la hausse de prix habituelle de 4 % ».

133    À cet égard, Villeroy & Boch fait valoir que le procès-verbal de la réunion du FSKI du 12 juillet 2000 ne permet pas de prouver l’infraction en Allemagne et que la Commission ne peut pas s’appuyer sur une seule preuve sans violer le principe testis unus, testis nullus.

134    En l’espèce, d’une part, il y a lieu de constater que, contrairement à ce qu’affirme Villeroy & Boch, le procès-verbal de la réunion du FSKI du 12 juillet 2000 permet d’établir sans équivoque possible que, lors de la discussion qui a réuni les représentants allemands des fabricants d’articles en céramique au sein du FSKI, les membres de cette association ont évoqué une hausse future de prix de 4 %. Comme le fait valoir la Commission et contrairement à ce que soutient Villeroy & Boch, il ressort également sans ambigüité dudit procès-verbal que la référence au marché français faite durant cette réunion n’avait qu’un but comparatif, la discussion en cause touchant des hausses de prix en Allemagne.

135    D’autre part, il y a lieu de relever que ce procès-verbal de la réunion du FSKI du 12 juillet 2000, dont il n’est pas contesté qu’il est contemporain à ladite réunion, est à lui seul suffisant pour établir la preuve de discussions concernant des hausses de prix futures illicites. En effet, ce document constitue une preuve directe des faits litigieux et le seul fait qu’il a été établi par Ideal Standard, qui a demandé une réduction d’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération, est insuffisant pour remettre en cause sa crédibilité. À cet égard, il importe de relever également que Villeroy & Boch ne conteste pas l’observation de la Commission selon laquelle il ressort des considérants de la décision attaquée qu’une hausse proche de 4 % était usuelle dans le secteur, ce qui tend à renforcer la crédibilité du procès-verbal en cause.

136    Par ailleurs, pour autant que Villeroy & Boch soutient qu’elle n’a personnellement participé à aucun accord illicite dans la mesure où ce procès-verbal n’indique pas que les participants à cette réunion se seraient accordés sur quoi que ce soit avec elle, il convient de rejeter cet argument comme étant non fondé. En effet, la seule présence de Villeroy & Boch à une réunion où les hausses de prix futures des articles en céramique ont été discutées entre des concurrents suffit à établir sa participation à une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

137    Dans ces conditions, la Commission a établi à suffisance de droit que, en 2000, Villeroy & Boch avait participé à des discussions illicites touchant aux articles en céramique au sein du FSKI lors des réunions des 7 et 8 juillet 2000. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner si, comme Villeroy & Boch le conteste, elle a également participé en 2000 à des discussions illicites au sein du DSI/IFS.

138    S’agissant de la réunion du FSKI du 13 juillet 2001 à laquelle Villeroy & Boch a participé, la Commission a constaté, au considérant 215 de la décision attaquée, que, durant cette réunion, les participants s’étaient notamment mis d’accord pour fixer un taux de remise uniforme de 50 % pour les produits présentés dans les expositions des grossistes et que, s’agissant des articles en céramique, « des prix planchers [devaient] être fixés ». Il ressort de la note en bas de page n° 183 de la décision attaquée que, pour établir ce fait, la Commission s’est appuyée sur des documents collectés lors de ses inspections.

139    À cet égard, force est de constater que Villeroy & Boch n’avance ni argument ni preuve que la Commission a commis une erreur quant aux discussions illicites qui se seraient tenues lors de cette réunion dès lors qu’elle se contente de faire observer qu’« elle [n’avait] connaissance d’aucun accord relatif aux remises accordées à des fins d’exposition et aux indications afférentes à des hausses de prix qui sont évoqués dans cette note ». L’argument de Villeroy & Boch relatif à la réunion du FSKI du 13 juillet 2001 doit donc être rejeté.

140    Dans ces conditions, la Commission a établi à suffisance de droit que, en 2001, Villeroy & Boch avait participé à des discussions illicites touchant aux articles en céramique au sein du FSKI lors de la réunion du 13 juillet 2001. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner si, comme Villeroy & Boch le conteste, elle a également participé à des discussions illicites au sein de DSI/IFS cette année-là.

141    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch à des discussions illicites en 2002 concernant les articles en céramique en Allemagne, tout d’abord, d’une part, il y a lieu de constater que, s’il ressort de l’annexe 4 de la décision attaquée qu’elle a participé aux deux réunions de DSI/IFS des 23 janvier et 5 juillet 2002, la Commission n’a pas indiqué dans ladite décision que des discussions illicites se seraient tenues lors de ces réunions.

142    D’autre part, il ressort de l’annexe 1 de la décision attaquée que Villeroy & Boch a participé en 2002 à trois réunions du DSI/IFS, à savoir aux deux réunions des 11 et 30 avril 2002 ainsi qu’à celle du 4 juillet 2002, mais non à celle du 20 novembre 2002, ce que la Commission a confirmé en réponse aux mesures d’organisation de la procédure que le Tribunal lui a adressées. Or, s’agissant des trois réunions auxquelles Villeroy & Boch a participé, la Commission relève uniquement, au considérant 217 de la décision attaquée, que la hausse de prix de 2003 touchant aux trois sous-groupes de produits a été discutée lors de la réunion du 11 avril 2002. Il ne ressort toutefois pas du procès-verbal de la réunion du DSI/IFS et des notes manuscrites établies par le représentant de Hansgrohe relatifs à cette réunion du 11 avril 2002, auxquels la Commission renvoie à la note en bas de page n° 189 de ladite décision, que les échanges en question aient concerné spécifiquement les articles en céramique.

143    À la lumière des constatations exposées aux points 141 et 142 ci-dessus et de la jurisprudence citée aux points 113 à 115 ci-dessus, il y a lieu de considérer que, s’il n’existe pas de preuves directes de la tenue de réunions illicites en 2002 durant lesquelles les fabricants d’articles en céramique ont coordonné leurs hausses de prix, d’une part, il n’en demeure pas moins que, compte tenu de la participation de Villeroy & Boch à des discussions illicites en 2001 concernant les hausses de prix des articles en céramique pour l’année 2002, les effets anticoncurrentiels desdites discussions se sont déployés au cours de l’année 2002 (voir points 138 à 140 ci-dessus). D’autre part, force est de constater que, compte tenu de la tenue des discussions illicites qui se sont tenues l’année précédente (voir point 140 ci-dessus) et l’année suivante (voir point 144 à 146 ci-après) au sein de la même association entre les mêmes participants, la Commission pouvait valablement considérer que Villeroy & Boch n’avait pas, en l’absence de toute distanciation publique aux discussions illicites qui se sont tenues, interrompu sa participation aux pratiques illicites pour l’année 2002.

144    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch à des discussions illicites en 2003, la Commission a constaté, à l’annexe 5 de la décision attaquée, la participation de celle-ci aux réunions du FSKI du 17 janvier ainsi que des 4 et 5 juillet 2003. À cet égard, la Commission a relevé, aux considérants 753 et 754 de la décision attaquée, sans que Villeroy & Boch le conteste, que, selon le procès-verbal de cette dernière réunion, les fabricants d’articles en céramique s’étaient accordés pour que l’augmentation des coûts de péages routiers ne soit pas supportée par les seuls fabricants d’articles en céramique, mais pour qu’ils soient répercutés sur leurs clients. En outre, il ressort dudit compte rendu, dont Villeroy & Boch ne conteste pas la crédibilité, qu’une telle augmentation, qui, selon lesdits fabricants, équivaudrait à un pourcentage compris entre 0,2 et 0,4 % de leurs chiffres d’affaires, devrait être faite avec précaution.

145    Les arguments de Villeroy & Boch relatifs à l’affirmation selon laquelle l’augmentation des coûts de péages entraîne une hausse des prix est une « lapalissade économique » et selon lesquels le ministère des Transports allemand a déclaré sur Internet que cette augmentation serait répercutée sur les consommateurs ne permettent pas de conclure que la Commission a commis une erreur en considérant que de telles discussions étaient illicites. En effet, la pratique consistant pour des concurrents à se mettre d’accord sur la répercussion de la hausse de leurs coûts constitue une pratique anticoncurrentielle, que celle-ci puisse être anticipée ou non comme une réaction commerciale prévisible en cas de hausse des coûts de matière première ou de distribution. En outre, de tels échanges suppriment le degré d’incertitude entre les concurrents quant à la question de savoir si ces coûts seront absorbés ou répercutés, partiellement ou intégralement, sur leurs clients et sont équivalents à une coordination de hausse de prix d’un montant équivalent au surcoût répercuté aux clients des fabricants de céramiques.

146    Dans ces conditions, la Commission a établi à suffisance de droit que, en 2003, Villeroy & Boch avait participé à des discussions illicites touchant aux articles en céramique au sein du FSKI les 17 janvier, 4 et 5 juillet 2003. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner si, comme Villeroy & Boch le conteste, elle a également participé en 2003 à des discussions illicites au sein du DSI ou de l’IFS.

147    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch à des discussions illicites touchant aux articles en céramique en 2004 en Allemagne, il ne ressort pas des éléments présentés par la Commission relatifs à la réunion du DSI/IFS à laquelle Villeroy & Boch a participé et qui s’est tenue le 20 juillet 2004 que les membres de cet organisme de coordination aient coordonné leurs hausses de prix.

148    Toutefois, comme il a été constaté au point 121 ci-dessus, il ressort du compte rendu manuscrit de la réunion du DSI/IFS qui s’est tenue le 20 juillet 2004 que, comme la Commission l’a relevé en substance au considérant 238 de la décision attaquée, les membres de cet organisme de coordination, dont Villeroy & Boch fait partie, se sont échangé des informations commerciales détaillées, société par société, relatives à l’évolution de leurs chiffres d’affaires en Allemagne et à leurs exportations ainsi qu’en ce qui concerne leurs prévisions de croissance. En effet, il ressort dudit compte rendu, par exemple, s’agissant de Villeroy & Boch, que son chiffre d’affaires a augmenté de 5,5 %, que les exportations sont en hausse et que ses prévisions sont de 5 % de hausse de son chiffre d’affaires en Allemagne. L’argument de Villeroy & Boch à cet égard selon lequel, en substance, ces échanges ne constitueraient pas un échange illicite d’informations doit être rejeté comme étant non fondé.

149    Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient Villeroy & Boch, la Commission pouvait à bon droit constater que ces échanges d’informations confidentielles étaient anticoncurrentiels non seulement en raison du fait qu’ils venaient au soutien de la coordination de hausses de prix qui avait été décidée en 2003 pour l’année 2004, mais également en raison du fait que ces échanges étaient constitutifs d’infractions aux règles de concurrence. En effet, ces échanges étaient de nature à permettre à Villeroy & Boch et à ses concurrents d’anticiper avec une plus grande certitude leur comportement commercial futur respectif sur le marché.

150    Partant, à la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que Villeroy & Boch avait participé à des discussions anticoncurrentielles concernant les articles en céramique en Allemagne couvrant la période allant des 7 et 8 juillet 2000 au 9 novembre 2004, date à laquelle la Commission a réalisé ses inspections.

151    Il ressort donc des points 124 à 150 ci-dessus que le troisième grief de la première branche du troisième moyen et, partant, la première branche du troisième moyen, soulevés par Villeroy & Boch, doivent être rejetés comme étant non fondés.

 Sur la deuxième branche, tirée de l’absence d’infraction en Autriche

152    Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche soutiennent que la Commission a considéré à tort qu’elles avaient participé à une entente sur le marché autrichien. La deuxième branche peut être divisée en deux principaux griefs.

153    La Commission s’oppose à cette argumentation.

–       Sur le premier grief, relatif à l’imputation à Villeroy & Boch du comportement de Villeroy & Boch Autriche

154    Villeroy & Boch fait valoir qu’elle ne peut pas être considérée comme responsable de l’infraction commise par Villeroy & Boch Autriche. Selon elle, la jurisprudence des juridictions européennes relative à l’imputation à une société mère du comportement anticoncurrentiel d’une filiale intégralement détenue est contraire aux principes de légalité des délits et des peines et à la présomption d’innocence, reconnus par la charte des droits fondamentaux qui est entrée en vigueur avec l’adoption du traité de Lisbonne, ainsi qu’au principe selon lequel les restrictions aux droits et libertés reconnus par ladite charte doivent être prévues par la loi, et pas seulement par une pratique de l’administration ou la jurisprudence. La présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante équivaudrait à une présomption de culpabilité. La jurisprudence des juridictions européennes devrait donc évoluer à cet égard.

155    Il y a lieu de rappeler que, comme il ressort de la jurisprudence exposée au point 97 ci-dessus, la responsabilité du comportement d’une filiale peut être imputée à la société mère qui la détient intégralement notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. À cet égard, la Cour a précisé que, dans le cas particulier où une société mère détient l’intégralité du capital social de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence.

156    De plus, la Cour a dit pour droit que la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante vise notamment à ménager un équilibre entre l’importance, d’une part, de l’objectif consistant à réprimer les comportements contraires aux règles de la concurrence, en particulier à l’article 101 TFUE, et d’en prévenir le renouvellement et, d’autre part, des exigences de certains principes généraux du droit de l’Union tels que, notamment, les principes de présomption d’innocence, de personnalité des peines et de sécurité juridique ainsi que les droits de la défense, y compris le principe d’égalité des armes. C’est notamment pour cette raison qu’elle est réfragable (arrêt Elf Aquitaine/Commission, point 97 supra, point 59).

157    En outre, le principe de légalité des peines exige que la loi définisse clairement les infractions et les peines qui les répriment. Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale (arrêt de la Cour 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission, C‑266/06 P, non publié au Recueil, point 39). Ce principe est réaffirmé à l’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux.

158    Enfin, le principe de respect de la présomption d’innocence implique que toute personne accusée est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Elle s’oppose ainsi à tout constat formel et même à toute allusion ayant pour objet la responsabilité d’une personne accusée d’une infraction donnée dans une décision mettant fin à l’action, sans que cette personne ait pu bénéficier de toutes les garanties inhérentes à l’exercice des droits de la défense dans le cadre d’une procédure suivant son cours normal et aboutissant à une décision sur le bien-fondé de la contestation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, T‑474/04, Rec. p. II‑4225, point 76). Ce principe est réaffirmé à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux.

159    En l’espèce, il convient de relever que la Commission a constaté, d’abord, au considérant 1101 de la décision attaquée, que Villeroy & Boch avait détenu l’intégralité du capital de Villeroy & Boch Autriche pendant toute la durée de l’infraction constatée et, ensuite, au considérant 1106 de la même décision, que Villeroy & Boch n’avait « pas cherché à renverser la présomption selon laquelle [celle-ci] exerçait un contrôle sur ses filiales », qu’elle détenait intégralement ou presque, qui n’avaient aucune autonomie en matière de fixation des prix et facturaient même une partie de produits au nom de celle-ci et que cette dernière ne contestait pas ces constats.

160    Dans ces conditions, d’une part, il y a lieu de relever que, dans la mesure où c’est conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 que la Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises qui commettent notamment une infraction aux dispositions de l’article 101 TFUE, elle n’a pas violé le principe de légalité en imputant à Villeroy & Boch le comportement anticoncurrentiel de sa filiale Villeroy & Boch Autriche, dès lors qu’elles constituent une entreprise unique. L’argument de Villeroy & Boch selon lequel la notion d’entreprise unique n’est pas de nature à expliquer l’imputation du comportement anticoncurrentiel d’une filiale à sa société mère doit donc être écarté comme étant non fondé.

161    D’autre part, Villeroy & Boch n’a pas avancé durant la procédure administrative d’éléments visant à infirmer la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante alors même qu’elle disposait de la faculté de le faire en réponse à la communication des griefs et durant l’audition administrative. Dès lors, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas enfreint la présomption d’innocence en imputant à Villeroy & Boch le comportement de Villeroy & Boch Autriche.

162    Les autres arguments de Villeroy & Boch à cet égard ne sauraient prospérer.

163    Tout d’abord, contrairement à ce que soutient Villeroy & Boch, le fait que la charte des droits fondamentaux consacre les principes de légalité des délits et des peines ainsi que la présomption d’innocence est sans influence sur le fait qu’il s’agit de principes généraux du droit qui étaient déjà applicables avant l’entrée en vigueur de ladite charte, comme cela ressort de la jurisprudence citée aux points 156 et 157 ci-dessus. Pour cette raison, la seule entrée en vigueur de cette charte n’est pas de nature à remettre en cause l’interprétation faite par les juridictions de l’Union desdits principes.

164    Ensuite, l’argument de Villeroy & Boch selon lequel la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante pose une présomption de culpabilité qui est contraire au principe in dubio pro reo, selon lequel le doute doit profiter à l’accusé, doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante présume qu’une société mère qui détient l’intégralité du capital de sa filiale exerce une influence déterminante sur sa filiale et non une présomption que l’une ou l’autre ont commis une infraction.

165    Partant, le premier grief de la deuxième branche du troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

–       Sur le deuxième grief, relatif à l’absence de preuves d’une infraction en Autriche

166    Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche font valoir que la Commission n’a pas prouvé leur participation à une infraction en Autriche. Elles soulèvent trois principaux griefs à cet égard.

167    La Commission s’oppose à cette argumentation.

168    En premier lieu, s’agissant d’une infraction touchant aux articles de robinetterie en Autriche, Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche contestent leur participation à toute discussion illicite touchant à ce sous-groupe de produits, qui rassemble des produits qu’elles ne fabriquent pas. Il y a lieu de rejeter cet argument comme étant non fondé pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 86 ci-dessus. En effet, c’est en raison de la participation de Villeroy & Boch Autriche non pas aux arrangements sur la coordination des prix au sein d’associations dans le secteur des articles de robinetterie en Autriche, mais à une infraction unique couvrant notamment ce sous-groupe de produits sur ce territoire que Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche ont été sanctionnées, notamment à l’article 1er, paragraphe 7, point 3, de la décision attaquée. Comme il ressort du tableau D de la décision attaquée dans lequel sont énumérés les sous-groupes de produits et les territoires à propos desquels la Commission a considéré que chaque entreprise mise en cause dans la décision attaquée avait eu un comportement anticoncurrentiel, la Commission n’a pas constaté que Villeroy & Boch avait participé à des discussions illicites en Autriche touchant aux articles de robinetterie.

169    En deuxième lieu, s’agissant d’une infraction touchant aux enceintes de douche en Autriche, Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche renvoient aux arguments développés dans le cadre du deuxième grief de la première branche du troisième moyen (voir point 88 ci-dessus), selon lesquels elles ne peuvent pas se voir imputer la responsabilité des actes illicites commis par Ucosan.

170    À cet égard, d’une part, il y a lieu de relever que, comme il a été constaté au point 92 ci-dessus, la Commission a imputé non pas à Villeroy & Boch Autriche, mais à Villeroy & Boch le comportement anticoncurrentiel d’Ucosan qui était intégralement détenue par Villeroy & Boch après le 1er novembre 1999. D’autre part, comme il a été constaté aux points 96 à 99 ci-dessus, dès lors qu’il n’est pas contesté que Villeroy & Boch détenait l’intégralité du capital social d’Ucosan pendant toute la durée de l’infraction en cause et qu’elle n’a avancé ni argument ni preuve visant à renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante qui en découlait, la Commission pouvait à bon droit imputer à Villeroy & Boch le comportement anticoncurrentiel d’Ucosan à compter du 1er novembre 1999.

171    L’argument de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Autriche doit donc être écarté comme étant non fondé.

172    En troisième lieu, s’agissant d’une entente touchant aux articles en céramique en Autriche, Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche contestent leur participation, ainsi que celle d’Ucosan, à une infraction sur ce marché. La Commission n’aurait rapporté aucune preuve de discussions illicites portant sur des informations commerciales sensibles concernant leurs prix futurs. Par ailleurs, la Commission se contredirait dans la décision attaquée dans la mesure où la prétendue infraction ne pourrait pas être considérée comme ayant duré dix ans, dès lors qu’elle indique que les réunions illicites auraient débuté le 16 novembre 1995 et se seraient terminées le 22 janvier 2004. Enfin, elles font observer que, pour la période comprise entre le 15 octobre 1997 et le 5 mai 1999, aucune pratique illicite ne leur est reprochée.

173    À titre liminaire, il convient de constater que, dans la mesure où il est constant que, comme la Commission l’a relevé notamment au considérant 293 de la décision attaquée, les prix dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains en Autriche suivaient un cycle annuel, il convient de rechercher si la Commission a établi à suffisance de droit la participation de Villeroy & Boch Autriche à une entente touchant aux trois sous-groupes de produits en raison de sa participation aux réunions de l’ASI du 12 octobre 1994 au 9 novembre 2004. En effet, cette période est celle à propos de laquelle la Commission a conclu, au tableau D de la décision attaquée, à la participation de Villeroy & Boch Autriche à une entente.

174    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch Autriche à des discussions illicites touchant aux articles en céramique en Autriche en 1994, la Commission constate, à l’annexe 5 de la décision attaquée, que celle-ci a participé notamment les 12 octobre et 29 novembre 1994 à deux réunions de l’ASI.

175    Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche font valoir que la Commission n’établit pas que les discussions lors des réunions de l’ASI des 12 octobre et 29 novembre 1994 ont concerné les articles en céramique.

176    À cet égard, il y a lieu de relever, d’abord, que Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche ne soulèvent aucun argument visant à contester les constats de la Commission, figurant au considérant 300 de la décision attaquée, que, lors de la réunion de l’ASI du 12 octobre 1994, il a été pris acte que les participants avaient considéré, « au sujet de l’alignement des prix entre l’Autriche et l’Allemagne, qu’aucune correction brutale des remises ne devait être effectuée ». En outre, la Commission a relevé, au considérant 301 de ladite décision, que, lors de la réunion de l’ASI du 29 novembre 1994, « il [avait] été indiqué que les nouveaux barèmes de prix devraient être appliqués le 1er janvier ou le 1er avril 1995 ». Par ailleurs, le constat que les discussions, lors de la réunion de l’ASI du 12 octobre 1994, ont concerné les prix des articles en céramique se trouve conforté par le fait que le point 2 du compte rendu de ladite réunion renvoie à des annexes relatives à « la structure des prix bruts – céramique ».

177    Dans ces conditions, d’une part, il y a lieu de rejeter l’argument de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Autriche selon lequel la Commission n’a pas établi que les discussions en cause concernaient les articles en céramique. D’autre part, comme la Commission l’a constaté, les discussions en cause touchaient directement aux prix et aux remises futurs pouvant être accordés pour ce sous-groupe de produits.

178    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch Autriche à des discussions illicites touchant aux articles en céramique en Autriche en 1995, il ressort de l’annexe 5 de la décision attaquée que Villeroy & Boch Autriche a participé à cinq réunions de l’ASI, les 2 mars, 30 mai, 1er septembre, 6 et 16 novembre 1995.

179    D’abord, Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche soutiennent que les articles en céramique n’ont pas fait l’objet de discussions lors des réunions de l’ASI des 2 mars, 30 mai et 1er septembre 1995. Ensuite, elles estiment qu’il ne peut être déduit de la réunion de l’ASI du 16 novembre 1995 que Villeroy & Boch Autriche a activement participé à la coordination des prix en Autriche, le compte rendu de cette réunion ne faisant état que des dates de modification des prix, mais non de leur coordination. Enfin, elles font observer que la Commission reconnaît n’avoir pu considérer Villeroy & Boch Autriche comme n’ayant participé à une entente qu’à compter de cette dernière réunion.

180    À cet égard, il y a lieu de constater, s’agissant de la seule réunion de l’ASI du 16 novembre 1995, qu’il ressort du compte rendu de cette réunion, qui est partiellement reproduit au considérant 304 de la décision attaquée, que les participants à cette réunion, dont Villeroy & Boch Autriche, se sont explicitement mis d’accord sur un nouveau barème des prix par sous-groupes de produits, dont celui des articles en céramique, et sur le principe d’octroi de remises ne devant pas excéder 3 à 5 %. S’agissant plus particulièrement des articles en céramique, il ressort notamment dudit compte rendu que Villeroy & Boch et deux autres membres de l’ASI s’étaient accordés pour que leur nouveau tarif entre en vigueur le 1er avril.

181    Les arguments de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Autriche à cet égard ne sauraient infirmer le constat exposé au point 180 ci-dessus.

182    Tout d’abord, l’argument selon lequel la Commission a considéré à tort que Villeroy & Boch Autriche avait participé « de manière active » à une coordination de prix doit être écarté comme étant inopérant. En effet, même à supposer que Villeroy & Boch ne puisse être considérée comme ayant participé « de manière active » à une coordination de hausses de prix, cela ne remettrait pas en cause la participation même de Villeroy & Boch Autriche à des discussions illicites concernant les prix futurs.

183    Ensuite, l’argument selon lequel, en substance, la Commission ne pouvait pas conclure à la participation de Villeroy & Boch Autriche à une infraction au seul motif qu’elle était présente lors de cette réunion de l’ASI du 16 novembre 1995 doit être rejeté comme étant non fondé. La preuve que Villeroy & Boch Autriche était présente à une réunion durant laquelle des discussions illicites se sont tenues suffit à établir sa participation à l’infraction. En l’espèce, le seul fait qu’elle ait reçu des informations commerciales sensibles relatives à ses concurrents était de nature à influencer son comportement sur le marché.

184    En outre, l’argument selon lequel il ne ressort pas clairement du compte rendu mentionné au point 180 ci-dessus que les remises en question touchaient les articles en céramique doit être rejeté comme étant non fondé, dès lors qu’il ressort dudit compte rendu que les discussions touchaient « chaque [sous-]groupe de produits » même si ces « remises […] [différaient] selon le [sous-]groupe de produits ».

185    À la lumière des constatations relatives à la réunion de l’ASI du 16 novembre 1995 qui précèdent, il y a lieu de relever que, même si les discussions tenues lors des autres réunions de l’ASI durant l’année 1995 n’avaient pas un objet anticoncurrentiel, cela serait sans influence sur le constat de la participation de Villeroy & Boch Autriche en 1995 à des discussions anticoncurrentielles. L’argumentation de Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche à cet égard doit donc être écartée comme étant non fondée.

186    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch Autriche à des discussions illicites touchant aux articles en céramique en Autriche en 1996, la Commission a relevé, à l’annexe 5 de la décision attaquée, que Villeroy & Boch Autriche avait participé à cinq réunions de l’ASI, les 11 et 23 avril, 13 juin, 1er août et 5 novembre 1996.

187    Au considérant 307 de la décision attaquée, la Commission constate que, lors de la réunion de l’ASI du 23 avril 1996, les participants se sont mis d’accord sur un facteur multiplicateur de 1,25 pour les barèmes de prix spécialisés qui devaient être parvenus aux grossistes au plus tard le 6 mai de l’année 1996. Elle explique que ces facteurs multiplicateurs concernaient les prix facturés par les plombiers aux consommateurs finaux et que cela signifiait que le plombier devait facturer au consommateur final un prix équivalant à 125 % du prix qu’il avait lui-même payé pour le produit.

188    À cet égard, Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche soutiennent qu’il ne ressort pas du compte rendu sur lequel la Commission s’appuie que Villeroy & Boch Autriche a participé à cette réunion et que, comme elles l’ont fait valoir durant la procédure administrative, les installateurs ont exigé certaines majorations.

189    Il y a lieu de constater qu’il ressort sans ambiguïté des procès-verbaux des réunions de l’ASI des 23 avril et 1er août 1996, d’une part, que le représentant de Villeroy & Boch Autriche était présent auxdites réunions et, d’autre part, que les participants ont discuté et approuvé l’adoption d’un facteur multiplicateur de 1,25. Comme le relève la Commission, Villeroy & Boch a elle-même reconnu en réponse à la lettre d’exposé des faits qui lui a été notifiée que, lors de la réunion du 23 avril 1996, « la majoration de la marge sur les prix bruts des fabricants afin de fixer les prix recommandés pour les consommateurs finaux dans ces barèmes de prix de l’industrie » avait été discutée. L’argument de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Autriche selon lequel cette discussion a été organisée à la demande des grossistes ne modifie pas le constat qu’un accord entre les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains, y compris d’articles en céramique, visant à ce que les prix de revente des grossistes aux plombiers soient fixés selon le facteur multiplicateur de 1,25, avait pour objet de fausser la concurrence entre lesdits fabricants.

190    À la lumière des constatations relatives à la réunion de l’ASI du 23 avril 1996 qui précèdent, il y a lieu de relever que, même à supposer que les discussions tenues lors des autres réunions qui s’étaient déroulées n’aient pas eu un objet anticoncurrentiel, cela serait sans influence sur le constat de la participation de Villeroy & Boch Autriche en 1996 à des discussions illicites. L’argumentation de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Autriche à cet égard doit donc être écartée comme étant non fondée.

191    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch Autriche à des discussions illicites touchant aux articles en céramique en Autriche en 1997, la Commission a relevé, à l’annexe 5 de la décision attaquée, que celle-ci avait participé à des réunions de l’ASI les 16 avril, 19 juin, 11 septembre et 15 octobre 1997.

192    Au considérant 313 de la décision attaquée, la Commission indique que, lors de la réunion de l’ASI du 15 octobre 1997, les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains ont affirmé que le facteur multiplicateur resterait en vigueur à la suite des demandes des plombiers qui souhaitaient qu’il soit recalculé.

193    S’agissant de la réunion de l’ASI du 15 octobre 1997, Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche font observer que, d’une part, la Commission n’a pas établi leur présence à ladite réunion et, d’autre part, la Commission se réfère au facteur multiplicateur, mais sans motiver son grief.

194    D’une part, force est de constater à cet égard que Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche ne contestent pas la teneur des discussions lors de cette réunion. D’autre part, dans la mesure où la Commission a indiqué (considérants 295 ou 307 de la décision attaquée) que le facteur multiplicateur visait à fixer le prix facturé par l’installateur au consommateur final, la lecture combinée dudit considérant avec celle du considérant 313 de la décision attaquée constitue une motivation suffisante pour que Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche puissent comprendre la décision attaquée et se défendre et pour que le Tribunal puisse exercer son contrôle.

195    Par ailleurs, pour autant que Villeroy & Boch fasse valoir qu’elle n’a pas participé à la réunion de l’ASI du 15 octobre 1997, il y a lieu de constater qu’il ressort sans ambiguïté du procès-verbal de cette réunion que le représentant de Villeroy & Boch Autriche y était présent. Dans ces conditions, c’est à bon droit que la Commission a tenu Villeroy & Boch pour responsable de l’infraction commise par sa filiale.

196    À la lumière des constatations relatives à la réunion de l’ASI du 15 octobre 1997 qui précèdent, il y a lieu de relever que, même à supposer que les discussions tenues lors des autres réunions de l’ASI qui s’étaient déroulées en 1997 n’aient pas eu un objet anticoncurrentiel, cela serait sans influence sur le constat de la participation de Villeroy & Boch Autriche à des discussions illicites cette année-là. L’argumentation de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Autriche à cet égard doit donc être écartée comme étant non fondée.

197    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch Autriche à des discussions illicites touchant aux articles en céramique en Autriche en 1998, la Commission a relevé, à l’annexe 5 de la décision attaquée, que Villeroy & Boch Autriche avait participé à deux réunions, les 30 avril et 18 juin 1998, sur les sept réunions de l’ASI qui se sont tenues cette année.

198    La Commission n’a pas abordé les réunions de l’ASI des 30 avril et 18 juin 1998 dans la décision attaquée, mais, s’agissant de l’année 1998, a indiqué, au considérant 314 de ladite décision, que, selon la demande de Masco tendant à bénéficier d’une réduction d’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération, certains fabricants de céramique « [avaient] échangé leurs prévisions de hausse de prix entre 1998 au moins et 2000 », ce que des éléments de preuve en sa possession établissaient. Elle a également indiqué que, le 30 janvier 1998, Laufen avait informé Masco qu’elle augmenterait ses prix de 4,9 %.

199    En l’espèce, il convient de constater d’abord que, comme le fait valoir Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche, la Commission n’avance ni dans la décision attaquée ni dans ses écritures aucun argument ou aucune preuve permettant de constater que des discussions anticoncurrentielles s’étaient tenues au sein des réunions de l’ASI des 30 avril et 18 juin 1998 auxquelles Villeroy & Boch Autriche a participé en 1998 sur un total de sept réunions organisées cette année-là.

200    Les différents éléments avancés par la Commission dans la décision attaquée et dans ses écritures ne sauraient infirmer le constat exposé au point 199 ci-dessus.

201    Tout d’abord, l’argument selon lequel Laufen a informé Masco lors d’une confirmation téléphonique qu’elle augmenterait ses prix de 4,9 % ne permet pas de conclure que Villeroy & Boch Autriche a participé à cet échange d’informations.

202    Ensuite, comme le font observer en substance Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche, la déclaration orale de Masco selon laquelle les fabricants d’articles en céramique, dont Villeroy & Boch Autriche fait partie, ont échangé leurs prévisions de hausse de prix entre 1998 au moins et 2000 ne permet pas d’établir à suffisance de droit sa participation à une infraction. Cette déclaration orale de Masco, qui est le bénéficiaire de l’immunité d’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération, n’est pas corroborée par d’autres éléments de preuve. En outre, la Commission se fonde sur des déclarations orales de Masco qui font état « d’échanges d’informations » sans plus de précisions sur leur caractère anticoncurrentiel.

203    Toutefois, à la lumière des constatations qui précèdent et de la jurisprudence exposée aux points 113 à 115 ci-dessus, il y a lieu de considérer que, s’il n’existe pas de preuves directes de la tenue de réunions en 1998 durant lesquelles les fabricants de céramique ont coordonné leurs hausses de prix en Autriche, il n’en demeure pas moins que, comme la Commission le fait observer, dans la mesure où, d’une part, les fabricants de céramiques se sont mis d’accord le 15 octobre 1997 pour que le facteur multiplicateur applicable reste en vigueur en 1998 (voir points 194 à 196 ci-dessus) et, d’autre part, les cycles de prix étaient annuels, les effets anticoncurrentiels de cette réunion se sont déployés en 1998. En outre, force est de constater que, compte tenu des discussions illicites au sein de l’ASI qui se sont tenues de 1994 à 1997 (voir points 174 à 194 ci-dessus) et en 1999 (voir points 205 à 208 ci-après) au sein de la même association entre les mêmes participants, la Commission pouvait considérer que Villeroy & Boch n’avait pas, en l’absence de toute distanciation publique par rapport aux discussions illicites qui se sont tenues, interrompu sa participation aux pratiques illicites pour l’année 1998, ce que Masco a, à tout le moins, confirmé, dans ses déclarations orales tendant à bénéficier d’une réduction d’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération.

204    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Commission pouvait considérer à bon droit que Villeroy & Boch Autriche n’avait pas cessé de participer à des discussions anticoncurrentielles au sein de l’ASI en 1998.

205    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch Autriche à des discussions illicites touchant aux articles en céramique en Autriche en 1999, la Commission a relevé, à l’annexe 5 de la décision attaquée, la participation de celle-ci à cinq réunions de l’ASI, les 8 avril, 24 juin, 26 août, 6 septembre et 11 octobre 1999, sur les dix réunions de l’ASI qui ont eu lieu cette année-là.

206    Au considérant 314 de la décision attaquée, la Commission a constaté, que, lors de la réunion de l’ASI du 6 septembre 1999, les participants, dont Villeroy & Boch Autriche faisait partie, avaient coordonné leurs hausses de prix prévues pour 2000 en termes de pourcentages ou d’échelles de pourcentages, la date d’introduction des barèmes de prix ainsi que des prix applicables à certains articles en céramique. Elle s’appuie à cet égard sur un compte rendu manuscrit de ladite réunion établi par le représentant d’Ideal Standard.

207    L’argument de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Autriche selon lequel la Commission ne peut, en vertu du principe testis unus, testis nullus, s’appuyer sur le compte rendu émanant d’Ideal Standard doit être rejeté comme étant non fondé. À cet égard, il y a lieu de relever que ce document constitue une preuve contemporaine des faits et le seul fait qu’il a été établi par Ideal Standard, qui a demandé une réduction d’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération, est insuffisant à lui seul pour remettre en cause sa crédibilité.

208    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les preuves rapportées par la Commission établissent à suffisance de droit la teneur des discussions illicites qui se sont tenues lors de la réunion de l’ASI du 6 septembre 1999. Partant, il convient de rejeter comme étant non fondée l’argumentation de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Autriche selon laquelle la Commission n’a pas établi à suffisance de droit la participation de Villeroy & Boch Autriche à des discussions illicites en 1999.

209    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch Autriche à des discussions illicites touchant aux articles en céramique en Autriche en 2000, la Commission a constaté, à l’annexe 5 de la décision attaquée, la participation de Villeroy & Boch Autriche à trois réunions de l’ASI, les 4 février, 5 juillet ainsi que 12 et 13 octobre 2000, sur un total de dix réunions de l’ASI qui se sont tenues cette année-là.

210    Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche estiment qu’aucun échange d’informations illicites n’a eu lieu lors des réunions de l’ASI qui se sont tenues en 2000. 

211    Tout d’abord, il y a lieu de relever que, comme le font observer à juste titre Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche, la Commission n’a pas constaté, aux considérants 314 à 325 de la décision attaquée, que des échanges illicites d’informations avaient eu lieu lors des réunions des 4 février, 5 juillet ainsi que 12 et 13 octobre 2000 auxquelles Villeroy & Boch Autriche avait participé.

212    Ensuite, même à supposer que les procès-verbaux des réunions de l’ASI qui se sont tenues en 2000 et auxquelles Villeroy & Boch Autriche n’a pas participé fassent état d’échanges d’informations illicites, comme le considère la Commission dans la décision attaquée (considérants 317 à 321 de la décision attaquée), le fait que lesdits procès-verbaux devaient en principe être envoyés à l’ensemble des membres de l’ASI ne permet pas, contrairement à ce qu’affirme la Commission, d’établir à lui seul que Villeroy & Boch Autriche en a effectivement pris connaissance. À cet égard, il importe de relever que la Commission n’établit pas dans la décision attaquée que Villeroy & Boch Autriche a été en possession de ces procès-verbaux alors même qu’elle aurait pu rapporter, dans le cadre des inspections qu’elle a menées et de demandes de renseignements qu’elle pouvait adresser, la preuve que lesdits documents avaient été effectivement envoyés par l’ASI à Villeroy & Boch ou reçus par cette dernière.

213    Enfin, s’agissant de la réunion de l’ASI des 12 et 13 octobre 2000, la Commission a relevé, au considérant 321 de la décision attaquée, que des entreprises regroupant les trois sous-groupes de produits avaient discuté de leurs futures hausses de prix pour 2001. Cependant, ni audit considérant ni dans sa réponse aux questions posées par le Tribunal dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, la Commission n’apporte de preuve directe que les discussions illicites en cause touchaient les articles en céramique.

214    Toutefois, et sans préjudice de ce qui précède, d’une part, il y a lieu de relever que les effets des discussions illicites, qui se sont tenues en 1999 (voir points 205 à 208 ci-dessus), se sont déployés durant l’année 2000. D’autre part, il y a lieu de considérer que la Commission pouvait estimer, sur la base des indices dont elle disposait, que Villeroy & Boch n’avait pas, compte tenu de la réunion de l’ASI des 12 et 13 octobre 2000, interrompu sa participation à des discussions illicites concernant les hausses de prix pour les articles en céramique. En effet, d’abord, il est vrai que, comme le fait observer la Commission, le compte rendu de cette réunion de l’ASI ne mentionne pas que les pourcentages de hausses de prix discutés ne concerneraient pas les articles en céramique. Tel que rédigé, ledit compte rendu peut, au contraire, être interprété comme concernant les prix dans l’ensemble des sous-groupes de produits discutés au sein de l’ASI. Ensuite, force est de constater que, comme le fait observer la Commission, certaines entreprises, telle qu’Ideal Standard, présentes à cette réunion fabriquaient également des articles en céramique et ont communiqué également leurs hausses futures de prix. Enfin, le fait qu’Ideal Standard a indiqué dans sa demande de réduction d’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération que Villeroy & Boch aurait annoncé le 23 juillet 2000 qu’elle quittait le groupe au sein de l’ASI qui traitait des articles en céramique ne remet pas en cause, d’une part, le constat que les discussions illicites auxquelles elle a participé en 2000 ont déployé leurs effets en 2001 et, d’autre part, qu’elle a participé à des discussions illicites lors de la réunion de l’ASI des 12 et 13 octobre 2000.

215    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch Autriche à des discussions illicites touchant aux articles en céramique en Autriche en 2001, la Commission a relevé, à l’annexe 5 de la décision attaquée, que celle-ci avait participé à deux des quatre réunions de l’ASI, à savoir celles des 21 juin et 21 septembre 2001.

216    S’agissant de la réunion du 21 juin 2001 de l’ASI à laquelle Villeroy & Boch Autriche a participé, d’une part, la Commission a relevé, au considérant 322 de la décision attaquée, que les grossistes devraient recevoir les barèmes de prix au 1er octobre 2001. D’autre part, elle a indiqué, au considérant 652 de la décision attaquée, que, dans le contexte des discussions relatives à l’introduction de l’euro, les participants de l’ASI s’étaient mis d’accord pour que la hausse des prix ne se fasse pas le 1er avril, comme les années précédentes, mais qu’elle se fasse le 1er janvier 2002. Elle s’appuie à cet égard sur les déclarations de Masco faites dans le cadre de sa demande tendant à bénéficier d’une réduction d’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération et sur le compte rendu de ladite réunion. Par ailleurs, la Commission précise que cette réunion faisait directement suite aux réunions de l’ASI des 23 novembre 2000 et 2 mars 2001 durant lesquelles les membres de l’ASI avaient évoqué les hausses de prix de 5 à 7 % à compter du 1er janvier 2002.

217    Pour autant que Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche fassent valoir que des discussions relatives à l’introduction de l’euro n’enfreignent pas les règles de la concurrence, il y a lieu de rejeter cet argument comme étant non fondé. En effet, comme la Commission l’a relevé aux considérants 652 et 658 de la décision attaquée, la décision de fixer leurs hausses de prix au 1er janvier 2002 en liaison avec l’introduction de l’euro atteste de la coordination annuelle des prix entre les membres de l’ASI.

218    Dans ces conditions, il convient de rejeter comme étant non fondée l’argumentation de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Autriche selon laquelle la Commission n’a pas établi à suffisance de droit la participation de Villeroy & Boch Autriche à des discussions illicites en 2001.

219    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch Autriche à des discussions illicites touchant aux articles en céramique en Autriche en 2002, la Commission a relevé, à l’annexe 5 de la décision attaquée, que Villeroy & Boch Autriche avait participé à six des huit réunions de l’ASI, à savoir celles des 28 février, 26 avril, 21 juin, 11 septembre, 19 septembre et 7 novembre 2002.

220    Il y a lieu de constater que, s’agissant des six réunions de l’ASI auxquelles Villeroy & Boch Autriche a participé, la Commission n’apporte de précisions que concernant les discussions tenues lors des réunions des 19 septembre et 7 novembre 2002. En effet, au considérant 327 de la décision attaquée, la Commission indique que, lors de la réunion du 19 septembre 2002, la décision d’augmenter les prix a été adoptée à une grande majorité. Au considérant 328 de la même décision, la Commission précise qu’une proposition des grossistes a été discutée visant à augmenter de 1, 5 % les prix au moyen d’une majoration liée aux coûts de 1,5 % et à répartir le bénéfice à égalité entre les grossistes et les fabricants au cours du premier trimestre de 2003.

221    À cet égard, il y a lieu de constater que, si, comme le font valoir à juste titre Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche, la Commission n’établit pas que les participants à la réunion de l’ASI du 19 septembre 2002 ont échangé leurs hausses de prix, elle démontre en revanche que, en discutant d’une hausse des prix bruts de 1,5 % lors de la réunion du 7 novembre 2002, Villeroy & Boch Autriche a participé à une discussion visant à coordonner leurs hausses de prix. L’argument de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Autriche selon lequel l’appréciation de la Commission est vague doit donc être rejeté comme étant non fondé. Par ailleurs, leur argument selon lequel l’accord évoqué n’a pas été mis en œuvre doit également être rejeté dès lors que, comme il ressort du compte rendu de cette réunion, les membres de l’ASI n’ont pas refusé une telle augmentation, mais l’ont envisagée comme « l’une des solutions possibles ». En toute hypothèse, quand bien même cette hausse n’aurait pas été mise en œuvre, cela serait sans influence sur le constat de la participation de Villeroy & Boch Autriche à des discussions anticoncurrentielles.

222    Dans ces conditions, il convient de rejeter comme étant non fondée l’argumentation de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Autriche selon laquelle la Commission n’a pas établi à suffisance de droit la participation de Villeroy & Boch Autriche à des discussions illicites en 2002, compte tenu des discussions tenues à la réunion de l’ASI du 7 novembre 2002.

223    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch Autriche à des discussions illicites touchant aux articles en céramique en Autriche en 2003, la Commission a relevé, à l’annexe 5 de la décision attaquée, que Villeroy & Boch Autriche avait participé à trois des réunions de l’ASI qui se sont tenues les 23 janvier, 26 juin et 25 septembre 2003.

224    Eu égard à la réunion de l’ASI du 25 septembre 2003, la Commission a estimé, au considérant 337 de la décision attaquée, que, s’agissant des remises et de la marge bénéficiaire des fabricants et des grossistes, « le compte rendu de la[dite] réunion [indiquait] qu’un compromis [avait] été trouvé avec les grossistes en vue de la diminution des prix de 12 % maximum en une seule fois et qu’apparemment ce compromis [était] valable uniquement pour les articles en céramique et l[es articles de] robinetterie ». La Commission a ajouté, audit considérant, que « les grossistes [avaient] toutefois décidé de ne pas appliquer la diminution des prix bruts à ce moment-là ». Elle a également précisé que « l’ASI en [avait] donc conclu que le niveau des prix actuel devait être maintenu, mais que des ajustements devraient être envisagés à l’avenir ».

225    Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Autriche font valoir à cet égard que la Commission n’a fait état d’aucune indication de prix concrets. Toutefois, dans la mesure où Villeroy & Boch Autriche s’est accordée avec ses concurrents et les grossistes sur les remises maximales à accorder à leurs clients, à savoir les plombiers, un tel accord atteste, comme le relève la Commission, de la « nature détaillée des discussions sur les prix », dès lors que ces discussions ont conduit à une harmonisation des remises maximales et, partant, ont contribué à la hausse des prix.

226    Dans ces conditions, la Commission a établi à suffisance de droit la participation de Villeroy & Boch Autriche à des discussions illicites lors de la réunion de l’ASI du 25 septembre 2003. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner si d’autres discussions illicites se seraient tenues lors des autres réunions de l’ASI en 2003.

227    S’agissant de la participation de Villeroy & Boch Autriche à des discussions illicites touchant aux articles en céramique en Autriche en 2004, la Commission a constaté, à l’annexe 5 de la décision attaquée, que celle-ci avait participé à une seule des six réunions de l’ASI, à savoir celle du 15 septembre 2004. Toutefois, la Commission a indiqué, au considérant 339 de la décision attaquée, que des discussions illicites s’étaient tenues lors de la réunion de l’ASI du 22 janvier 2004 durant lesquelles les fabricants d’articles en céramique avaient prévu la hausse de prix annuelle suivante pour le 1er avril 2004.

228    Toutefois, il convient de relever qu’il ressort du compte rendu de la réunion de l’ASI du 22 janvier 2004, dont la Commission a établi qu’il avait été adressé à Villeroy & Boch Autriche, que la hausse de prix décidée était confirmée pour le 1er avril 2004. Dès lors, force est de constater que Villeroy & Boch Autriche a été tenue informée par ce compte rendu de la décision de ses concurrents quant au pourcentage et à la date de la hausse de prix envisagée, à savoir le 1er avril 2004.

229    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la Commission a établi à suffisance de droit que Villeroy & Boch Autriche avait participé à des discussions anticoncurrentielles pour l’année 2004, dont les effets s’étaient déployés jusqu’à ce qu’elle procède à des inspections le 9 novembre 2004.

230    La deuxième branche du troisième moyen doit donc être écartée comme étant non fondée.

 Sur la troisième branche du troisième moyen, tirée de l’absence d’infraction en Italie

231    Villeroy & Boch fait valoir que l’article 1er de la décision attaquée est illégal pour autant que la Commission l’a sanctionnée pour sa participation à une infraction en Italie. Le fait qu’elle ait un seul client en Italie serait insuffisant pour la tenir pour responsable de la réalisation d’une infraction sur ce territoire.

232    La Commission s’oppose à cette argumentation.

233    À cet égard, d’une part, il convient de constater qu’il ressort de l’article 1er de la décision attaquée que la Commission n’a pas constaté que Villeroy & Boch avait mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles en Italie, mais qu’elle avait participé à une infraction unique qui couvre notamment ce territoire. D’autre part, force est de relever que Villeroy & Boch n’avance aucun argument visant à contester le fait qu’elle avait connaissance de la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles sur ce territoire et qui faisaient partie du plan global décrit au point 66 ci-dessus.

234    Dans ces conditions, la troisième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la quatrième branche du troisième moyen, tirée de l’absence d’infraction en Belgique

235    Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Belgique font valoir que la Commission n’a pas établi qu’elles avaient participé à une infraction en Belgique. Elles soulèvent deux principaux griefs à cet égard.

236    La Commission s’oppose à ces deux griefs.

237    Par le premier grief, Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Belgique font valoir que ni elles ni Villeroy & Boch Luxembourg ne peuvent être tenues pour responsables d’une infraction en Belgique. D’une part, l’exposé des motifs dans la décision attaquée ne permettrait pas de déterminer si ce sont les comportements de Villeroy & Boch Belgique ou ceux de Villeroy & Boch Luxembourg qui sont incriminés pour la période qui débute à la fin de 2002. D’autre part, Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Belgique insistent sur le fait que Villeroy & Boch Belgique ne distribuait plus d’articles en céramique à partir de janvier 2003, cette activité ayant été transférée à Villeroy & Boch Luxembourg à compter de cette date.

238    Il convient de relever que la Commission a exposé, aux considérants 1102 et 1106 de la décision attaquée, que Villeroy & Boch Belgique, qui était détenue intégralement par Villeroy & Boch, avait distribué des articles en céramique jusqu’en 2002. Par la suite, Villeroy & Boch Luxembourg, dont le capital social était intégralement détenu par Villeroy & Boch, aurait poursuivi la distribution des articles en céramique au sein du groupe. Elle a également relevé que Villeroy & Boch contrôlait ces deux filiales et qu’elle n’avait pas renversé la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante. Elle a ajouté, dans la note en bas de page n° 1543 de la décision attaquée, que, même si Villeroy & Boch Luxembourg avait repris les activités de Villeroy & Boch Belgique, le même employé était resté la « personne de contact » pour l’entente. Enfin, dans ladite note en bas de page, elle a précisé que Villeroy & Boch Belgique était destinataire de la décision attaquée, dans la mesure où celle-ci existait toujours en tant qu’entité juridique. Par ailleurs, il ressort du tableau B de la décision attaquée et du considérant 1155 de ladite décision que la Commission n’a sanctionné que Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Belgique pour une infraction relative aux céramiques en Belgique. En revanche, la décision attaquée n’a pas été adressée à Villeroy & Boch Luxembourg.

239    Il ressort donc des constatations exposées au point 238 ci-dessus que la Commission a considéré que Villeroy & Boch Belgique avait participé à l’infraction en cause, compte tenu de la participation de son employé aux réunions illicites. La Commission confirme cette analyse dans ses écritures en indiquant que, s’il est vrai que la distribution d’articles en céramique a été assumée par Villeroy & Boch Luxembourg à compter du 1er janvier 2003, il ressort toutefois des éléments de preuve dont elle dispose que M. Z., qui était employé par Villeroy & Boch Belgique, a continué de participer à des réunions du VCG après 2002.

240    S’agissant du premier argument de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Belgique selon lequel la Commission n’a pas motivé la décision attaquée à suffisance de droit dans la mesure où la base sur laquelle Villeroy & Boch Belgique a été sanctionnée, ne ressort pas clairement de ladite décision, il convient d’abord de constater que, quand bien même la Commission n’expose sa motivation à cet égard que de manière succincte dans la décision attaquée, il ressort toutefois suffisamment clairement de la note en bas de page n° 1543 et des considérants 1102 et 1106 de ladite décision qu’elle a considéré que Villeroy & Boch Belgique avait continué, après le 1er janvier 2003, à participer à l’entente au sein du VCG, compte tenu de la présence de son employé aux réunions illicites du VCG, et que la responsabilité de cette infraction pouvait être imputée à Villeroy & Boch également dans la mesure où cette dernière en détenait l’intégralité du capital.

241    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter l’argument de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Belgique selon lequel la Commission a manqué à son obligation de motivation à cet égard.

242    S’agissant du second argument de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Belgique, selon lequel la Commission a commis une erreur en considérant qu’elle pouvait imputer la responsabilité de l’infraction à Villeroy & Boch Belgique alors même que cette dernière avait cessé toute activité touchant aux articles en céramique à compter de 2003, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, une entreprise est susceptible de violer l’interdiction prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE lorsque son comportement, tel que coordonné avec celui d’autres entreprises, a pour but de restreindre la concurrence sur un marché pertinent particulier à l’intérieur du marché commun, sans que cela présuppose nécessairement qu’elle soit elle-même active sur ledit marché pertinent (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission, T‑99/04, Rec. p. II‑1501, point 122, et Gütermann/Commission, point 54 supra, point 53).

243    En l’espèce, force est de constater que Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Belgique ne contestent pas que M. Z., qui était employé par Villeroy & Boch Belgique, participait aux réunions du VCG avant et après le 1er janvier 2003. Villeroy & Boch Belgique n’a pas non plus allégué que la participation de M. Z. à des discussions illicites après le 1er janvier 2003 se serait faite à son insu, contre sa volonté ou pour le compte d’une société tierce. Dans ces circonstances, le seul fait que Villeroy & Boch Belgique n’était plus active dans le secteur des articles en céramique n’invalide pas le constat que son employé continuait à participer à des discussions illicites au sein du VCG pour le compte de Villeroy & Boch Belgique.

244    À cet égard, il importe de rappeler que, comme l’a fait observer à juste titre la Commission en réponse aux questions que le Tribunal lui a posées lors de l’audience, l’application de l’article 23, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1/2003, qui autorise la Commission à infliger aux entreprises et associations d’entreprises des amendes lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles ont commis des infractions, ne suppose pas une action ou même une connaissance des associés ou des gérants principaux de l’entreprise concernée, mais l’action d’une personne qui est autorisée à agir pour le compte de l’entreprise (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 97). En l’espèce, la participation ininterrompue de M. Z. aux activités illicites du VCG avant et après le 1er janvier 2003 pour le compte de Villeroy & Boch Belgique établit donc la participation de cette dernière à l’infraction.

245    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la Commission n’a commis aucune erreur en sanctionnant Villeroy & Boch Belgique et en imputant à Villeroy & Boch la responsabilité de l’infraction que Villeroy & Boch Belgique a commise.

246    Les autres arguments soulevés par Villeroy & Boch et par Villeroy & Boch Belgique à cet égard ne sauraient prospérer.

247    Tout d’abord, l’argument selon lequel une entreprise ne peut être tenue pour responsable des actes commis par son successeur en droit doit être écarté comme étant inopérant. En effet, comme il a été exposé au point 240 ci-dessus, c’est en raison de la participation de Villeroy & Boch Belgique à l’infraction commise, telle que cette participation est établie par la présence de son employé à des réunions anticoncurrentielles, que la Commission a sanctionné Villeroy & Boch et non en raison du fait que Villeroy & Boch Belgique était le prédécesseur juridique de Villeroy & Boch Luxembourg.

248    Ensuite, l’argument selon lequel il ressort de l’arrêt de la Cour du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, Rec. p. I‑4529, point 51), qu’il ne peut être présumé qu’un échange d’informations restreint la concurrence que si les entreprises qui participent à cet échange continuent à opérer sur le marché et, partant, que l’imputation à Villeroy & Boch de la responsabilité de l’infraction commise n’aurait été possible que si Villeroy & Boch Belgique était restée sur le marché des articles en céramique doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, au point 51 de cet arrêt, la Cour a jugé en particulier qu’« il y [avait] lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire, qu’il [incombait] aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui [demeuraient] actives sur le marché [tenaient] compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché », mais non que le participant à un échange anticoncurrentiel d’informations devait demeurer sur le marché en cause pour que la pratique en question constitue une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Par ailleurs, dans la mesure où l’employé de Villeroy & Boch Belgique continuait à participer aux pratiques illicites après que les activités de Villeroy & Boch Belgique ont été transférées à Villeroy & Boch Luxembourg, une telle circonstance établit que Villeroy & Boch Belgique continuait à participer activement à l’infraction dans son intérêt propre ainsi que dans celui de l’entreprise, au sens du droit de la concurrence, dont elle faisait partie.

249    À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier grief comme étant, en partie, non fondé et, en partie, inopérant.

250    Par le second grief, Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Belgique font valoir que ni elles ni Villeroy & Boch Luxembourg n’ont participé à une infraction sur le marché belge des articles en céramique. La Commission n’aurait pas fourni la preuve de leur participation à une coordination systématique et régulière des prix sur ce marché ou à des discussions illicites. Elle ferait reposer à tort ses conclusions sur des déclarations faites dans le cadre de la communication de 2002 sur la coopération et manquerait de produire des preuves matérielles de l’infraction. À cet égard, Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Belgique estiment que les preuves provenant d’une seule source ne peuvent pas être considérées comme suffisantes en vertu du principe testis unus testis nullus. En l’espèce, les déclarations d’Ideal Standard auraient été les seules à jouer un rôle déterminant dans l’administration de la preuve de la Commission.

251    En premier lieu, il y a lieu d’écarter comme étant inopérants les arguments de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Belgique selon lesquels c’est à juste titre que la Commission a considéré que Villeroy & Boch Belgique n’avait pas participé à des réunions illicites au sein des associations Home Comfort Team et Amicale du sanitaire ou à des réunions bilatérales. En effet, il ressort sans ambigüité de la décision attaquée que la Commission n’a opéré aucun constat de participation de Villeroy & Boch Belgique au sein de ces associations ou dans le cadre de relations bilatérales.

252    En second lieu, Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Belgique soutiennent que cette dernière n’a participé à aucune discussion illicite lors des réunions du VCG.

253    À cet égard, il importe de relever que la Commission a constaté, à l’annexe 10 de la décision attaquée, que Villeroy & Boch Belgique avait participé à huit des neuf réunions du VCG organisées entre le 28 août 2001 et le 13 septembre 2004. Au considérant 505 de la décision attaquée, elle a indiqué que, « d’après [Ideal Standard], les participants s’entretenaient généralement de l’évolution de leurs volumes de vente, de leurs conditions de vente et des modalités de paiement » et que, « au cours des réunions qui avaient lieu vers la fin de l’année, ils discutaient des hausses de prix (en pourcentage) que chaque fabricant envisageait d’appliquer l’année suivante pour les produits ‘de base’, ‘économiques’ et de luxe, ainsi que du calendrier de ces hausses ». Elle a également relevé qu’Ideal Standard expliquait que les fabricants s’étaient mis d’accord pour ne pas mentionner les discussions sur les prix et les hausses de prix dans les comptes rendus des réunions du VCG.

254    À titre liminaire, il y a lieu de constater que, si la Commission relève, à l’annexe 10 de la décision attaquée, que Villeroy & Boch Belgique a participé à huit des neuf réunions du VCG, elle n’expose dans la décision attaquée la teneur que de certaines de ces neuf réunions. Toutefois, elle fait état de discussions illicites au sein du VCG pour chaque année de 2001 à 2004 pour laquelle elle a conclu à une infraction. Dans ces conditions, les arguments de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Belgique visant à contester la participation de cette dernière à des discussions illicites lors de réunions au sujet desquelles la Commission n’expose aucun détail dans le corps de la décision attaquée, par exemple au regard des réunions du 29 janvier et du 13 mai 2002, devraient être rejetés comme étant inopérants si la Commission a par ailleurs constaté à bon droit que des discussions illicites avaient eu lieu lors d’une réunion au moins chaque année entre 2001 et 2004. Il convient donc d’examiner si la Commission n’a pas commis d’erreur en constatant l’existence de discussions illicites qui se seraient tenues au moins une fois par an durant ladite période et auxquelles Villeroy & Boch Belgique aurait participé.

255    S’agissant de l’année 2001, et de la première réunion du VCG du 30 octobre 2001 en particulier, Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Belgique contestent les preuves rapportées par la Commission au motif que cette dernière « n’invoque qu’une seule source à l’appui de ses accusations », à savoir les déclarations orales faites par Ideal Standard dans le cadre de sa demande tendant à bénéficier d’une immunité d’amende en vertu de la communication de 2002 sur la coopération.

256    Au considérant 507 de la décision attaquée, la Commission a constaté notamment, en s’appuyant sur des notes manuscrites d’un employé d’Ideal Standard ayant participé à la réunion du VCG du 30 octobre 2001, qu’Ideal Standard ainsi que quatre autres entreprises, dont Villeroy & Boch Belgique, s’étaient communiqué le pourcentage précis de remises qu’elles comptaient accorder pour un paiement par leurs clients dans les dix jours.

257    D’abord, à cet égard, il convient de rappeler d’une part, qu’il ressort de la jurisprudence, que le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration de la preuve (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, point 72). D’autre part, aucun principe du droit de l’Union ne s’oppose à ce que la Commission, pour conclure à l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, se fonde sur une seule pièce, pourvu que la valeur probante de celle-ci ne fasse pas de doute et que, à elle seule, ladite pièce établisse de manière certaine l’existence de l’infraction. Ensuite, comme la Commission le fait observer à juste titre, l’exigence de preuves confirmatives n’existe que pour la déclaration orale faite dans le cadre d’une demande de réduction d’amende lorsque ladite déclaration est contestée par d’autres parties (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 219, et du 24 mars 2011, IBP et International Building Products France/Commission, T‑384/06, Rec. p. II‑1177, point 69).

258    En l’espèce, d’abord, il convient de relever que la Commission a considéré à juste titre que les discussions décrites au considérant 507 de la décision attaquée, consistant pour les membres du VCG à se communiquer leurs taux et leurs conditions en s’informant des pourcentages de remises en cas de paiement à dix jours notamment, constituent un échange illicite d’informations commerciales sensibles relatives aux conditions de vente des produits en cause. Ces échanges sont de nature à influer sur le comportement des concurrents sur le marché. Ensuite, ni Villeroy & Boch ni Villeroy & Boch Belgique n’avancent d’arguments et de preuves de nature à remettre en cause la teneur de la déclaration orale d’Ideal Standard et les notes manuscrites contemporaines de son employé sur lesquelles la Commission s’appuie dans la décision attaquée. Enfin, il importe de souligner que, contrairement à ce que Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Belgique soutiennent, le fait que lesdites preuves proviennent d’Ideal Standard, qui a demandé et obtenu une réduction d’amendes au titre de la communication de 2002 sur la coopération, ne suffit pas à lui seul pour remettre en cause leur crédibilité.

259    Les autres arguments de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Belgique ne sauraient infirmer cette conclusion.

260    Tout d’abord, l’argument selon lequel la seule déclaration orale d’Ideal Standard joue un rôle déterminant en l’espèce pour prouver les discussions illicites doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, il ressort clairement des notes manuscrites, dont la teneur est exposée au considérant 507 de la décision attaquée, que les membres du VCG tels que Villeroy & Boch Belgique se sont échangés des informations précises en termes de pourcentages quant aux remises qu’ils comptaient accorder. Cette déclaration orale et ces notes permettaient, prises ensemble, d’établir à suffisance de droit le caractère illicite des discussions en cause.

261    Ensuite, pour autant que Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Belgique soutiennent qu’il n’y a pas eu de « comportement concerté effectif sur le marché » au sens où les participants se seraient mis d’accord, il y a lieu de rejeter cet argument comme étant non fondé. En effet, dès lors que les membres du VCG se sont échangés des informations relatives aux pourcentages de remises qu’ils comptaient offrir pour l’avenir, de tels échanges concernaient des informations commerciales sensibles de nature à influer sur leur comportement commercial sur le marché. De tels échanges sont interdits par l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

262    La Commission n’a donc commis aucune erreur en concluant que Villeroy & Boch Belgique avait participé à des discussions anticoncurrentielles lors de la première réunion du VCG du 30 octobre 2001.

263    S’agissant de l’année 2002 et de la réunion du VCG du 17 septembre 2002 en particulier, la Commission a relevé, au considérant 509 de la décision attaquée, que la convocation à cette réunion faisait mention des « hausses de prix 2003 » parmi les points à l’ordre du jour et que les membres du VCG s’étaient mis d’accord sur les hausses de prix à appliquer à compter du 1er janvier 2003 durant ladite réunion. Elle s’est appuyée sur des notes manuscrites d’un employé de Masco qui indiquaient les pourcentages de hausses prévues pour les produits économiques, de luxe et de base.

264    Tout d’abord, pour autant que Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Belgique soutiennent que la Commission ne pouvait pas se fonder sur des informations provenant uniquement du bénéficiaire d’une réduction d’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération, il y a lieu de rejeter cet argument pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 257 ci-dessus. En effet, elles n’avancent ni argument ni indice montrant que les déclarations d’Ideal Standard ainsi que les notes contemporaines établies par cette dernière ne seraient pas crédibles. À cet égard, doit être rejetée comme étant non fondé l’observation de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Belgique selon laquelle il ressort de la déclaration orale de l’employé d’Ideal Standard que les membres de l’entente ne parlaient pas d’augmentation de prix. En effet, si Ideal Standard indique dans cette déclaration que ce n’étaient pas les augmentations possibles de prix qui étaient discutées deux à trois fois par an, mais plutôt les données générales telles que les conditions de paiement, elle indique toutefois également dans la même déclaration que les discussions de fin d’année concernaient les augmentations de prix en termes de pourcentage pour l’année suivante.

265    Ensuite, doit être rejeté comme étant non fondé l’argument de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Belgique selon lequel il ressort de l’arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 41 supra (point 124), et de l’arrêt T-Mobile Netherlands e.a., point 248 supra (point 51), qu’une concertation qui ne débouche pas sur une adaptation du comportement sur le marché ne constitue pas une infraction.

266    D’une part, la jurisprudence invoquée par Villeroy & Boch et par Villeroy & Boch Belgique ne vient pas au soutien de leur argumentation à cet égard. En effet, au point 124 de l’arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 41 supra, la Cour a dit pour droit que, si la notion même de pratique concertée présupposait un comportement des entreprises participantes sur le marché, elle n’impliquait pas nécessairement que ce comportement produise l’effet concret de restreindre, d’empêcher ou de fausser la concurrence. Au point 51 de l’arrêt T-Mobile Netherlands e.a., point 248 supra, la Cour a dit pour droit qu’il y avait lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombait aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeuraient actives sur le marché tenaient compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché.

267    D’autre part, il importe de relever que Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Belgique se contentent d’affirmer que cette dernière fixait de manière autonome les prix qu’elle facturait à ses clients sans avancer toutefois d’éléments de preuve à l’appui de cette allégation.

268    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Belgique n’ont pas établi que la Commission avait commis une erreur en considérant que Villeroy & Boch Belgique avait participé en 2002 à une infraction au sein du VCG.

269    S’agissant de l’année 2003, et de la réunion du VCG des 28 et 29 avril 2003 en particulier, la Commission a relevé, d’une part, au considérant 511 de la décision attaquée, que les discussions avaient porté sur les pourcentages de « hausses de prix déjà appliquées (ou prêtes à être appliquées) », et, d’autre part, au considérant 512 de ladite décision, sur les pourcentages de « bonus de fin d’année qui seraient octroyés aux grossistes ».

270    À cet égard, Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Belgique soutiennent que les preuves avancées par la Commission montrent qu’il n’y a pas eu de pratiques concertées. Selon elles, lesdites preuves ne mettent en évidence que le fait que « tous les producteurs ont appliqué des hausses de prix différentes ».

271    Toutefois, cet argument de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Belgique doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, l’absence de fixation d’un pourcentage unique d’octroi de bonus aux grossistes ne permet pas d’exclure que la concurrence ait été faussée en conséquence de l’échange d’informations en question.

272    Par ailleurs, d’une part, le fait que Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Belgique n’ont pas participé à la réunion du VCG du 8 septembre 2003 est sans influence sur le constat de la Commission que les discussions qui s’étaient tenues les 28 et 29 avril 2003 au sein du VCG étaient de nature anticoncurrentielle. D’autre part, le fait qu’il ait existé une période de près d’un an et demi entre la réunion du VCG des 28 et 29 avril 2003 et la réunion du VCG du 13 septembre 2004 durant laquelle Villeroy & Boch n’a pas participé aux « infractions alléguées ou n’en a pas pris l’initiative » ne permet pas de conclure, comme le suggèrent Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Belgique, que la participation à cette infraction a été discontinue, dès lors que les discussions en cause touchaient aux prix applicables pendant toute l’année 2003 et couvraient également les bonus octroyés aux grossistes en fin d’année 2003.

273    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la Commission a établi à suffisance de droit que Villeroy & Boch Belgique avait participé en 2003 à une infraction au sein du VCG.

274    S’agissant de l’année 2004, et de la réunion du VCG du 13 septembre 2004 en particulier, la Commission a estimé, au considérant 514 de la décision attaquée, que les participants avaient discuté de leurs prévisions de hausses de prix pour 2005. Elle s’est appuyée à cet égard notamment sur des déclarations orales et des notes manuscrites d’Ideal Standard indiquant des fourchettes de hausses de prix ainsi que sur un courriel de Sphinx confirmant des hausses de prix.

275    Villeroy & Boch et Villeroy & Boch Belgique font valoir que la Commission ne pouvait pas valablement se fonder sur des preuves fournies exclusivement par une entreprise ayant bénéficié d’une réduction d’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération. Cet argument doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, le fait que des preuves ne proviennent que d’une seule entreprise ayant demandé à bénéficier d’une réduction d’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération n’exclut pas que la Commission puisse valablement s’appuyer sur lesdites preuves pour constater une infraction.

276    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur en estimant que Villeroy & Boch Belgique avait participé à une infraction concernant les articles en céramique en Belgique au moins jusqu’au 9 novembre 2004, date à laquelle elle a procédé à des inspections inopinées.

277    Les arguments de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch Belgique visant à faire valoir qu’il n’est pas établi que cette dernière avait participé à d’autres réunions du VCG ou que, durant ces réunions, des discussions illicites avaient eu lieu ou encore que d’autres échanges d’informations confidentielles se seraient déroulés doivent être rejetés comme étant inopérants, dès lors qu’ils ne modifient pas le constat opéré au point 276 ci-dessus.

278    À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le second grief de la quatrième branche du troisième moyen et, partant, la quatrième branche du troisième moyen dans son ensemble.

 Sur la cinquième branche du troisième moyen, tirée de l’absence d’infraction en France

279    Dans le cadre de la cinquième branche du troisième moyen, Villeroy & Boch et Villeroy & Boch France soutiennent qu’aucune infraction n’a été commise en France. Elles soulèvent trois principaux griefs à cet égard.

280    La Commission s’oppose à chacun de ces griefs.

281    Par le premier grief, Villeroy & Boch et Villeroy & Boch France font valoir que, à l’instar de l’infraction qui leur est reprochée pour la Belgique, elles n’ont pas vendu d’articles de robinetterie en France et elles n’ont réalisé qu’un très faible volume de ventes dans le secteur des enceintes de douche sur ce territoire.

282    À cet égard, il suffit de relever que la Commission n’a pas constaté dans la décision attaquée que Villeroy & Boch France avait participé à une entente touchant aux articles de robinetterie et aux enceintes de douche en France, mais qu’elle avait participé à une infraction unique couvrant ces produits sur ce territoire et que Villeroy & Boch, qui détenait l’intégralité du capital social de celle-ci, avait participé à ladite infraction. Dans ces conditions, et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 86 ci-dessus, le grief de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch France doit être écarté comme étant non fondé.

283    Par le deuxième grief, Villeroy & Boch et Villeroy & Boch France considèrent que Villeroy & Boch ne peut se voir imputer le comportement anticoncurrentiel de Villeroy & Boch France. Elles renvoient aux arguments développés dans le cadre de la première branche du troisième moyen, visant à faire valoir que la notion juridique d’unité économique viole la charte des droits fondamentaux.

284    Ce deuxième grief doit être écarté comme étant non fondé. En effet, dès lors que Villeroy & Boch n’avance ni argument ni preuve qu’elle n’exerçait pas une influence déterminante sur Villeroy & Boch France, dont elle détenait intégralement le capital social, c’est conformément à la jurisprudence exposée aux points 97 et 98 ci-dessus que la Commission pouvait imputer à Villeroy & Boch le comportement anticoncurrentiel de Villeroy & Boch France.

285    Par le troisième grief, Villeroy & Boch et Villeroy & Boch France font valoir que, s’il est vrai que Villeroy & Boch a exercé en France, par l’intermédiaire de Villeroy & Boch France, une activité de production et de distribution d’articles en céramique, et que cette dernière a été membre de l’AFICS, la Commission n’a toutefois pas apporté d’éléments de preuve établissant que Villeroy & Boch France avait participé à des accords sur les prix.

286    À cet égard, il importe d’indiquer à titre liminaire que la Commission a constaté, au tableau B de la décision attaquée, que Villeroy & Boch France avait participé à une infraction du 25 février au 9 novembre 2004. Au considérant 556 de ladite décision, la Commission a indiqué qu’elle ne disposait de preuves permettant d’établir la participation des membres de l’AFICS à des discussions de coordination de prix qu’à compter de la réunion de l’AFICS du 25 février 2004. Au considérant 572 de ladite décision, la Commission a mentionné que, selon Ideal Standard, les participants à ladite réunion étaient convenus que leurs prix minimaux étaient trop bas et qu’il convenait de les relever, notamment en augmentant de 3 % leurs prix catalogues. Au considérant 573 de la décision attaquée, la Commission a précisé que ces informations avaient été corroborées par Roca. Au considérant 574 de ladite décision, la Commission a constaté que les participants avaient échangé des informations confidentielles sur les prix et les ventes après cette réunion.

287    Premièrement, s’agissant de l’argument de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch France selon lequel la Commission n’a apporté aucune preuve attestant la participation de Villeroy & Boch France aux trois réunions de l’AFICS qui se seraient tenues en 2004 (voir annexe 11 de la décision attaquée), il y a lieu de le rejeter comme étant non fondé. En effet, comme il ressort des considérants 572 et 573 de la décision attaquée, la Commission s’est appuyée sur les déclarations d’Ideal Standard et de Roca pour établir la participation de Villeroy & Boch France à ces réunions.

288    Deuxièmement, doivent être écartés comme étant non fondés les arguments de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch France selon lesquels la Commission n’a pas établi à suffisance de droit la preuve des discussions illicites lors de la réunion de l’AFICS du 25 février 2004, dès lors qu’elle s’est fondée sur des déclarations orales faites a posteriori, vagues et contradictoires, ce que la Commission reconnaîtrait par ailleurs dans la décision attaquée.

289    En effet, s’il ressort de la jurisprudence que la déclaration d’un bénéficiaire d’une réduction totale ou partielle d’amendes qui est contestée par une partie doit être corroborée (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 257 supra, point 219), rien ne s’oppose à ce qu’une telle corroboration puisse résulter du témoignage d’une autre entreprise ayant participé à l’entente, quand bien même cette dernière aurait également bénéficié d’une réduction d’amendes. Cette corroboration vient également confirmer la tenue de discussions sur les prix minimaux, ces discussions étant mentionnées dans le compte rendu de la réunion de l’AFICS du 25 février 2004.

290    En l’espèce, il y a lieu de constater que la déclaration de Roca est plus vague que celle d’Ideal Standard, dans la mesure où elle indique uniquement que ces discussions ont eu lieu entre « 2002 et 2004 », et est plus nuancée que celle d’Ideal Standard, pour autant que Roca énonce que les participants ont envisagé deux solutions, l’une visant à augmenter les prix minimaux pour les produits de 3 % et l’autre visant à appliquer un prix plancher. Cela ne remet toutefois pas en cause le constat que le témoignage de Roca confirme en substance la période, le lieu, les participants et l’objet des discussions illicites en cause, comme en fait état un point sur l’ordre du jour. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la déclaration d’Ideal Standard, telle que corroborée par celle de Roca, établit à suffisance de droit la tenue des discussions illicites en cause.

291    Les autres arguments soulevés par Villeroy & Boch et par Villeroy & Boch France ne sauraient infirmer ce constat.

292    Tout d’abord, l’argument selon lequel Villeroy & Boch France n’avait pas un intérêt à participer à un tel accord doit être rejeté comme étant inopérant. En effet, le seul fait constaté par la Commission que Villeroy & Boch France commercialisait un faible volume de produits bas de gamme n’est pas de nature à infirmer les déclarations d’Ideal Standard et de Roca selon lesquelles Villeroy & Boch France a participé à des discussions illicites concernant lesdits produits.

293    Ensuite, pour autant que Villeroy & Boch et Villeroy & Boch France estiment qu’il ne découle pas notamment de la déclaration faite par Duravit dans le cadre de sa demande de réduction d’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération que des discussions illicites s’étaient tenues le 25 février 2004, force est de constater que, même si la Commission ne s’appuie pas sur ladite déclaration dans la décision attaquée, il n’en demeure pas moins que, contrairement à ce qu’affirment Villeroy & Boch et Villeroy & Boch France, Duravit a également confirmé la déclaration d’Ideal Standard quant à la teneur des discussions illicites qui se sont « probablement » tenues le 25 février 2004.

294    Enfin, pour autant que Villeroy & Boch et Villeroy & Boch France soutiennent que la Commission n’a pas établi que les effets des discussions illicites tenues lors de la réunion du 25 février 2004 s’étaient déployés jusqu’au 9 novembre 2004, il convient de constater que, comme la Commission le relève, Villeroy & Boch France a, elle-même, indiqué à la Commission, en réponse à une demande de cette dernière concernant son processus d’augmentation des prix, que les augmentations de prix étaient annuelles. Dans ces conditions, l’argument selon lequel la Commission n’a pas établi que l’entente avait duré au moins jusqu’au 9 novembre 2004 doit être rejeté comme étant non fondé.

295    Dès lors que les déclarations d’Ideal Standard et de Roca suffisent à constater l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la question de savoir si, comme le soutiennent Villeroy & Boch et Villeroy & Boch France, les discussions relatives aux autres informations échangées entre les membres de l’entente étaient également de nature anticoncurrentielle. En effet, même si cela n’était pas le cas, cela serait sans influence sur le constat d’une infraction résultant de la participation à la réunion de l’AFICS du 25 février 2004.

296    À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la Commission n’a commis aucune erreur en constatant la participation de Villeroy & Boch et de Villeroy & Boch France à des discussions illicites sur le marché français des articles en céramique. La cinquième branche du troisième moyen doit donc être écartée comme étant non fondée.

 Sur la sixième branche du troisième moyen, tirée de l’absence d’infraction aux Pays-Bas

297    Villeroy & Boch soutient qu’elle n’a pas participé à une infraction aux Pays-Bas. Elle soulève quatre principaux griefs à cet égard.

298    La Commission s’oppose à chacun de ces griefs.

299    À titre liminaire, il importe de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a estimé, aux considérants 593 à 595 de la décision attaquée, que les membres de la SFP avaient participé à un échange illicite d’informations relatives à leurs prix pour l’année suivante. Elle a considéré disposer de preuves d’une infraction à compter de la réunion de la SFP du 28 septembre 1994 et cette infraction aurait perduré jusqu’en décembre 1999. Selon elle, les hausses envisagées étaient exprimées en fourchettes de pourcentages, une fourchette de 4 à 7 % signifiant une augmentation de 4 % pour les produits bas de gamme et de 7 % pour les produits haut de gamme. Les échanges au sein de la SFP auraient concerné les trois sous-groupes de produits. En outre, aux considérants 596 à 601 de ladite décision, elle a fait état de cinq réunions au cours desquelles des discussions illicites au sein de la SFP avaient eu lieu, à savoir les réunions des 28 septembre et 30 novembre 1994, 26 novembre 1996, 13 mai 1998 et 20 janvier 1999.

300    S’agissant du premier grief soulevé par Villeroy & Boch, celle-ci fait valoir que la Commission ne disposait pas d’un intérêt légitime, au sens de la jurisprudence, à constater l’existence de pratiques illicites sur le territoire des Pays-Bas, dès lors que, comme la Commission l’a relevé, aucune amende ne pouvait lui être infligée à cet égard en raison de la prescription.

301    Il importe de relever que, au considérant 1179 de la décision attaquée, la Commission a estimé que, « étant donné que [la décision attaquée avait été] adoptée après le 31 décembre 2009, l’infraction [était] prescrite dans la mesure où elle se [rapportait] aux réunions du cartel aux Pays-Bas dans le cadre de la SFP », mais qu’« il [existait] un intérêt légitime à constater cette partie de l’infraction, étant donné [que ladite infraction faisait] partie d’une infraction globale plus étendue, et que cela [permettait] ainsi d’expliquer le champ d’application réel et l’uniformité du comportement anticoncurrentiel ».

302    À cet égard, d’une part, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, lorsque la Commission y a un intérêt légitime, elle peut constater qu’une infraction a été commise dans le passé. D’autre part, selon la jurisprudence, le fait que la Commission n’ait plus le pouvoir d’infliger des amendes aux auteurs d’une infraction du fait de l’écoulement du délai de prescription visé à l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 ne fait pas en soi obstacle à l’adoption d’une décision constatant que cette infraction révolue a été commise (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02 et T‑23/02, Rec. p. II‑4065, point 131).

303    Il appartient toutefois à la Commission de démontrer, dans les circonstances de chaque cas d’espèce, son intérêt légitime à sanctionner une infraction à laquelle l’entreprise concernée a déjà mis fin et pour laquelle il est interdit de lui infliger une amende en raison de la prescription (voir, en ce sens, arrêt Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, point 302 supra, points 137 à 139, et la jurisprudence citée ; arrêt Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, point 158 supra, point 72).

304    En l’espèce, force est de constater que la Commission disposait d’un intérêt légitime, au sens de la jurisprudence citée au point 303 ci-dessus, à constater la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles sur le territoire des Pays-Bas. En effet, afin de renforcer son constat qu’une infraction unique avait été commise, tel qu’exposé au point 79 ci-dessus, la Commission avait un intérêt légitime à constater l’ensemble des pratiques illicites auxquelles des entreprises telles que Villeroy & Boch, Duscholux GmbH & Co KG et Grohe (considérants 20 et 58 de la décision attaquée), qu’elle a considérées comme faisant partie du « groupe central d’entreprises » ayant mise en œuvre ladite infraction (considérant 796, premier tiret, de la décision attaquée), auraient participé, y compris celles desdites pratiques pour lesquelles la Commission a considéré qu’il était interdit d’infliger une amende en raison de la prescription.

305    Il y a lieu de rejeter à cet égard comme étant non fondés les arguments de Villeroy & Boch selon lesquels, d’une part, la Commission pouvait établir l’existence d’une infraction unique sur la base des pratiques illicites qui s’étaient déroulées dans d’autres États membres sans constater la mise en œuvre de pratiques illicites aux Pays-Bas et, d’autre part, lesdites pratiques qui se seraient déroulées aux Pays-Bas suivaient, en toute hypothèse, le même modus operandi, à savoir la tenue de discussions au cours des réunions organisées par les associations professionnelles, que dans les autres États membres. En effet, même si la Commission avait pu constater en l’espèce, compte tenu des comportements illicites qui s’étaient déroulés dans autres États membres que les Pays-Bays, l’existence d’une infraction unique, il n’en demeure pas moins que le constat de pratiques anticoncurrentielles aux Pays-Bas est de nature à étayer sa conclusion à cet égard, ne serait-ce qu’en confirmant, comme les requérantes le soutiennent, que les pratiques anticoncurrentielles étaient similaires dans l’ensemble des États couverts par l’infraction unique.

306    Dans ces conditions, le premier grief de Villeroy & Boch doit être rejeté sans qu’il soit nécessaire d’examiner si, comme la Commission l’a fait valoir par ailleurs à l’audience en réponse aux questions du Tribunal et contrairement à ce qu’elle a estimé, au considérant 1179 de la décision attaquée, elle n’était pas tenue d’établir son intérêt légitime, dès lors que les pratiques illicites mises en œuvre aux Pays-Bas faisaient partie de l’infraction unique pour laquelle elle pouvait infliger une amende en l’absence de prescription.

307    S’agissant du troisième grief de Villeroy & Boch, celle-ci soutient que ni Villeroy & Boch Nederland, ni Ucosan, que la Commission n’a pas sanctionnées aux articles 1er et 2 de la décision attaquée, ni elle n’ont participé à une infraction aux Pays-Bas touchant aux trois sous-groupes de produits.

308    En l’espèce, d’une part, il importe de souligner à titre préalable que, dans la note en bas de page n° 846 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle s’était fondée exclusivement sur la participation directe de Villeroy & Boch pour constater l’infraction durant cette période, et non de celle d’Ucosan, dès lors que Villeroy & Boch ne disposait que de 50 % du capital social d’Ucosan jusqu’en novembre 1999. D’autre part, si la Commission a indiqué, au considérant 617 de la décision attaquée, que Villeroy & Boch avait été un participant régulier à compter de 1994 au moins jusqu’à 2009 aux réunions de la SFP, elle ne spécifie toutefois pas si Villeroy & Boch était présente aux discussions concernant les hausses de prix lors des réunions de la SFP des 28 septembre 1994, 26 novembre 1996 et 20 janvier 1999 dont elle expose la teneur dans la décision attaquée.

309    C’est donc au regard des réunions de la SFP des 28 septembre 1994, 26 novembre 1996 et 20 janvier 1999 qu’il convient de rechercher si la Commission a établi à suffisance de droit la participation directe de Villeroy & Boch, et non celle d’Ucosan, à une infraction aux Pays-Bas touchant aux trois sous-groupes de produits.

310    S’agissant, premièrement, de la réunion de la SFP du 28 septembre 1994, il convient de relever d’abord qu’il existe une contradiction de motifs dans la décision attaquée à cet égard. En effet, alors que la Commission a indiqué au considérant 617 de la décision attaquée que Villeroy & Boch avait participé à la réunion de la SFP du 28 septembre 1994, il n’a pas été fait mention de cette participation dans le tableau de l’annexe 13 de la décision attaquée.

311    Ensuite, il y a lieu de relever que, au considérant 596 de la décision attaquée, la Commission a renvoyé au compte rendu de la réunion de la SFP du 28 septembre 1994 et à une déclaration orale faite par Ideal Standard dans le cadre de sa demande de réduction d’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération, pour établir que les participants avaient décidé de hausser leurs prix à la suite de la hausse des coûts des matières premières. D’une part, force est de constater que, si, sur ledit compte rendu, figure la liste des personnes présentes, il ne ressort pas dudit document qu’une personne a représenté Villeroy & Boch lors de cette réunion. La Commission n’a par ailleurs indiqué ni dans la décision attaquée ni dans ses écritures quel était le représentant de Villeroy & Boch qui avait participé à cette réunion . À cet égard, il importe de relever que, si la Commission a indiqué dans ses écritures, sans que Villeroy & Boch le conteste, que M. T. l’avait représentée à la réunion de la SFP du 26 novembre 1996, l’absence de cette personne a été mentionnée sur le compte rendu de la réunion de la SFP du 28 septembre 1994. D’autre part, comme la Commission l’a relevé au considérant 596 de la décision attaquée, si ce compte rendu mentionne que des discussions ont touché aux hausses de prix, aucun élément permettant de considérer que Villeroy & Boch a participé à cette réunion n’y figure.

312    Enfin, d’une part, il convient de constater que la Commission a manqué de fournir au Tribunal, à l’appui de ses allégations, les déclarations orales d’Ideal Standard sur lesquelles elle s’est fondée pour conclure, dans la note en bas de page n° 847 de la décision attaquée, que Villeroy & Boch, et non Ucosan, avait participé à la réunion de la SFP du 28 septembre 1994. D’autre part, et en toute hypothèse, il y a lieu de constater que, quand bien même Ideal Standard aurait, dans ses déclarations orales, mentionné que Villeroy & Boch avait participé à ladite réunion, cette seule déclaration est insuffisante pour établir la preuve de la participation de Villeroy & Boch à cette réunion dans la mesure où cette dernière conteste y avoir participé et que le compte rendu de ladite réunion indiquait que son représentant n’avait pas été présent. En effet, comme il a été exposé à cet égard au point 257 ci-dessus, la déclaration orale d’une entreprise ayant demandé une réduction d’amende doit être corroborée si elle est contestée.

313    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit que Villeroy & Boch avait participé à la réunion de la SFP du 28 septembre 1994.

314    S’agissant, deuxièmement, de la réunion de la SFP du 26 novembre 1996, il convient de relever d’abord que le tableau de l’annexe 13 de la décision attaquée indique que Villeroy & Boch a participé à cette réunion. Au considérant 598 de la décision attaquée, la Commission a fait observer que le procès-verbal de cette réunion indiquait que plusieurs fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains augmenteraient leurs prix dans une fourchette allant de 2 à 6 %, à compter de janvier 1997. La Commission s’est appuyée à cet égard sur, d’une part, les déclarations orales d’Ideal Standard et, d’autre part, le procès-verbal de ladite réunion duquel il ressort explicitement sous le titre « Tour de tables » que l’un des participants avait indiqué que différents fabricants augmenteraient leurs prix à partir de janvier 1997 approximativement de 2 à 6 % et que des augmentations de prix devraient être effectuées plus tard dans l’année.

315    L’argument de Villeroy & Boch selon lequel il ne ressort pas du procès-verbal de la réunion de la SFP du 26 novembre 1996 que son représentant s’était exprimé sur d’éventuels projets d’augmentation de prix ne modifie toutefois pas le constat qu’elle a participé à des discussions relatives aux hausses de prix de nature à affecter la concurrence sur les marchés en cause.

316    Il découle des constats qui précèdent que la Commission a établi à suffisance de droit que les discussions lors de la réunion de la SFP du 26 novembre 1996, à laquelle Villeroy & Boch avait participé, étaient anticoncurrentielles.

317    S’agissant, troisièmement, de la réunion de la SFP du 20 janvier 1999, la Commission a relevé, au considérant 600 de la décision attaquée, que les participants à cette réunion, dont Villeroy & Boch faisait partie, avaient indiqué leurs futures hausses de prix à compter du 1er avril 1999. Elle a ajouté que le compte rendu de cette réunion ne mentionnait pas de discussions sur les prix, ce qui s’expliquait par le fait que lesdits participants connaissaient l’illégalité des discussions en cause, mais précisait que des notes manuscrites rédigées par Hansgrohe indiquaient le pourcentage d’augmentation desdits prix pour Villeroy & Boch de 2,5 %, pour Grohe de 3 %, pour Hansa de 3,6 % ou encore pour Ucosan de 4 %, à compter du 1er avril 1994.

318    Il y a lieu de rejeter à cet égard comme étant non fondé l’argument de Villeroy & Boch selon lequel les notes de Hansgrohe ne constituaient pas la preuve d’une infraction, dès lors que ces notes, dont il est constant qu’elles ont été collectées lors des inspections inopinées menées par la Commission, correspondent à la structure et à une partie de la teneur du procès-verbal également établi par Hansgrohe.

319    À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la Commission a établi que Villeroy & Boch avait participé à des pratiques anticoncurrentielles aux Pays-Bas lors des réunions de la SFP du 26 novembre 1996 et du 20 janvier 1999. Dans la mesure toutefois où il est constant que les cycles de prix étaient annuels, il ne saurait être considéré que les effets des discussions anticoncurrentielles de la réunion du 26 novembre 1996 ont perduré au-delà de 1997. Dans ces conditions, la Commission n’a pas établi la participation de Villeroy & Boch à une infraction pour l’année 1998. Dès lors, les pratiques illicites auxquelles Villeroy & Boch a participé doivent être considérées comme ayant duré, d’une part, du 26 novembre 1996 jusqu’en décembre 1997 et, d’autre part, du 20 janvier 1999 jusqu’en décembre 1999, qui constitue la date retenue par la Commission comme étant celle de la fin de l’infraction commise par Villeroy & Boch aux Pays-Bas.

320    Par ailleurs, il convient de rejeter les arguments de Villeroy & Boch selon lesquels elle ne peut être sanctionnée pour une infraction unique concernant, d’une part, les enceintes de douche qu’Ucosan fabriquait lors de la période incriminée et, d’autre part, des articles de robinetterie qu’elle ne produisait pas. En effet, dès lors qu’il est constant que la SFP était une organisation dans laquelle les trois sous-groupes de produits faisaient l’objet de discussions entre des fabricants desdits sous-groupes, la Commission pouvait constater à bon droit que Villeroy & Boch avait participé à une infraction unique couvrant ces sous-groupes de produits durant les périodes visées au point 319 ci-dessus.

321    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le troisième moyen doit être accueilli partiellement pour autant que la Commission n’a pas établi que Villeroy & Boch avait participé à l’infraction unique aux Pays-Bas du 28 septembre 1994 au 1er décembre 1999 couvrant les trois sous-groupes de produits. En effet, Villeroy & Boch ne pouvait être sanctionnée pour une telle infraction que pour les périodes allant, d’une part, du 26 novembre 1996 au 1er décembre 1997 et, d’autre part, du 20 janvier au 1er décembre 1999, qui constitue la date retenue par la Commission comme étant celle de la fin de l’infraction commise par Villeroy & Boch aux Pays-Bas. Le troisième moyen doit être rejeté pour le surplus.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’absence de base juridique autorisant une condamnation solidaire au paiement d’amendes

322    Les requérantes font valoir que la Commission ne disposait d’aucune base juridique lui permettant de les condamner à des amendes solidaires. De telles condamnations violeraient, d’une part, le principe de légalité des délits et des peines ainsi que celui de proportionnalité des peines qui sont consacrés par la charte des droits fondamentaux ainsi que l’article 23 du règlement n° 1/2003 et, d’autre part, le principe de primauté du droit de l’Union. L’existence d’une unité économique ne permettrait pas de considérer comme solidairement responsables une société mère et ses filiales. Il appartiendrait à la Commission, lorsque celle-ci constate l’existence d’une unité économique, d’apprécier au cas par cas la gravité de la culpabilité de la filiale et de sa société mère de sorte qu’elles se voient infliger des amendes séparées. Par ailleurs, elles font valoir, à l’instar de la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 3 mars 2011, Siemens et VA Tech Transmission & Distribution/Commission (T‑122/07 à T‑124/07, Rec. p. II‑793), que les amendes qui leur ont été infligées à titre solidaire sont illégales dans la mesure où la Commission a manqué d’indiquer quels montants elles devaient chacune supporter.

323    La Commission s’oppose à cette argumentation.

324    Selon la jurisprudence, lorsque plusieurs personnes peuvent être tenues pour personnellement responsables de la participation à une infraction d’une seule et même entreprise, au sens du droit de la concurrence, elles doivent être considérées comme solidairement responsables de ladite infraction (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6/73 et 7/73, Rec. p. 223, point 41, et du 16 novembre 2000, Metsä-Serla e.a./Commission, C‑294/98 P, Rec. p. I‑10065, points 33 et 34 ; arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Metsä-Serla e.a./Commission, T‑339/94 à T‑342/94, Rec. p. II‑1727, points 42 à 44).

325    L’unité du comportement de l’entreprise sur le marché justifie, aux fins de l’application du droit de la concurrence, que les sociétés ou, plus généralement, les sujets de droit qui peuvent en être tenus pour personnellement responsables soient obligés solidairement (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, Geigy/Commission, 52/69, Rec. p. 787, point 45, et du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 62). La solidarité pour le paiement des amendes infligées au titre d’une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, en ce qu’elle concourt à garantir le recouvrement effectif desdites amendes, participe à l’objectif de dissuasion qui est généralement poursuivi par le droit de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, points 172 et 173, et du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission, C‑289/04 P, Rec. p. I‑5859, point 61), et ce dans le respect du principe ne bis in idem, principe fondamental du droit de l’Union, également consacré par l’article 4 du protocole n° 7 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, qui interdit, pour une même infraction au droit de la concurrence, de sanctionner plus d’une fois un même comportement d’entreprise sur le marché à travers les sujets de droit qui peuvent en être tenus pour personnellement responsables (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 32 supra, point 338 ; arrêt PVC II, point 113 supra, points 95 à 99, et arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, FNCBV/Commission, T‑217/03 et T‑245/03, Rec. p. II‑4987, point 340).

326    Le fait que les responsabilités personnelles encourues par plusieurs sociétés en raison de la participation d’une même entreprise à une infraction ne sont pas identiques ne fait pas obstacle à ce qu’elles se voient infliger une amende à payer solidairement, dès lors que la solidarité pour le paiement de l’amende ne couvre que la période d’infraction durant laquelle celles-ci formaient une unité économique et constituaient donc une entreprise, au sens du droit de la concurrence.

327    La solidarité apparaît ainsi comme une conséquence normale de l’imputation de responsabilité du comportement d’une société à une autre, en particulier lorsque ces deux sociétés constituent une même entreprise (arrêt du Tribunal du 31 mars 2009, ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, T‑405/06, Rec. p. II‑771, point 117).

328    À la lumière de la jurisprudence citée aux points 323 à 326 ci-dessus, il importe de souligner que la solidarité entre sociétés pour le paiement des amendes dues en raison d’une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE est un effet juridique qui découle, de plein droit, des dispositions matérielles de ces articles.

329    Il y a donc lieu de rejeter comme étant non fondés les arguments des requérantes selon lesquels la Commission a violé, en l’espèce, le principe de légalité et l’article 23 du règlement n° 1/2003 en infligeant une amende solidairement aux requérantes.

330    Les autres arguments des requérantes ne sauraient prospérer.

331    Premièrement, il convient de rejeter l’argument selon lequel la Commission a violé le principe de proportionnalité. En effet, les requérantes n’invoquent aucun argument expliquant les raisons pour lesquelles elles considèrent que les amendes infligées à Villeroy & Boch sont excessives. Cet argument doit donc être rejeté comme étant irrecevable au regard de l’article 44 du règlement de procédure.

332    Deuxièmement, il y a lieu d’écarter comme étant non fondé l’argument selon lequel, en substance, les amendes infligées à titre solidaire aux requérantes sont illégales dans la mesure où la Commission a manqué d’indiquer dans quelles proportions elles devaient se répartir la charge du paiement desdites amendes. À cet égard, il y a lieu de constater que, au point 158 de l’arrêt Siemens et VA Tech Transmission & Distribution/Commission, point 322 supra, le Tribunal a constaté que, faute d’indication contraire dans la décision par laquelle la Commission inflige une amende à payer solidairement à plusieurs sociétés en raison du comportement infractionnel de l’entreprise à laquelle elles appartiennent, ces sociétés encourent une responsabilité égale et doivent contribuer à parts égales au paiement de l’amende infligée en raison de cette infraction. Dès lors, les amendes dont Villeroy & Boch doit s’acquitter solidairement avec, respectivement, Villeroy & Boch Autriche, Villeroy & Boch Belgique et Villeroy & Boch France sont conformes à la jurisprudence.

333    Troisièmement, il y a lieu de rejeter comme étant non fondé l’argument des requérantes selon lequel la Commission a violé le principe de primauté du droit de l’Union dans la mesure où le montant de l’amende que devait supporter chaque société faisant partie d’une unité économique devait résulter de manière définitive et univoque de la seule décision de la Commission et non de l’application des règles nationales. En effet, comme il ressort de l’analyse du Tribunal mentionnée au point 332 ci-dessus, la répartition entre les codébiteurs des montants d’une amende devant être supportées solidairement par eux découle explicitement ou implicitement de la décision de la Commission qui leur inflige ladite amende.

334    Le quatrième moyen doit, dès lors, être écarté comme étant non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré de l’inclusion de ventes non liées à l’infraction dans le calcul du montant de l’amende

335    Les requérantes font valoir, à titre subsidiaire, que, même s’il doit être considéré qu’elles ont commis une infraction et qu’il est justifié qu’elles soient condamnées à une amende, les amendes qui leur ont été infligées devraient être réduites. Selon elles, la Commission aurait pris en considération à tort des ventes qui seraient sans rapport avec l’infraction.

336    Le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 prévoit que, « en vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE ».

337    Dans la décision attaquée, la Commission a estimé que le chiffre d’affaires à prendre en considération dans le cadre de la détermination des amendes à infliger aux sociétés concernées était lié à l’ensemble de leurs ventes réalisées auprès des grossistes qui revendaient ensuite leurs produits aux consommateurs finaux, soit directement soit par le biais d’installateurs (considérants 1203 et 1207 de la décision attaquée). Toutefois, elle a exclu du chiffre d’affaires à prendre en considération, premièrement, les produits vendus aux grossistes que ces derniers vendaient sous leurs propres marques (considérant 1203 de la décision attaquée), deuxièmement, les ventes faites aux magasins de bricolage sans passer par les grossistes (considérant 1205 de la décision attaquée) et, troisièmement, les ventes réalisées aux consommateurs finaux dans le cadre de projets spécifiques tels que l’équipement d’hôpitaux ou d’hôtels sans passer par les grossistes (considérant 1206 de la décision attaquée). Elle a indiqué à cet égard que, si elle disposait de preuves que des discussions illicites avaient touché ces trois dernières activités, elle considérait toutefois que l’infraction concernait essentiellement les ventes faites par les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains aux grossistes (voir considérant 1206 de la décision attaquée).

338    Les requérantes estiment que, aux fins du calcul du montant de l’amende, la Commission pouvait uniquement prendre en considération le chiffre d’affaires résultant des ventes de produits commercialisés sous certaines marques aux grossistes selon le barème des prix bruts dans le cadre de la distribution « en trois étapes » aux grossistes, aux installateurs et aux consommateurs. En effet, selon elles, certaines ventes, dont certaines liées aux produits commercialisés sous leurs marques secondaires, telles que les marques Saval, Gustavsberg et Voltane, au même titre que les ventes liées à des produits commercialisés sous les marques propres des grossistes, ne pouvaient pas être prises en considération, dès lors que lesdites ventes n’étaient pas comprises dans le barème des prix bruts.

339    Premièrement, s’agissant des marques secondaires des requérantes, il convient de constater d’emblée que ces dernières n’avancent aucun argument permettant d’infirmer les constats de la Commission, figurant, par exemple, aux considérants 509 et 511 de la décision attaquée, que les participants aux réunions du VCG du 17 septembre 2002 ou des 28 et 29 avril 2003 ont évoqué des hausses de prix futures concernant les produits commercialisés sous les marques Saval et Alfudi. La Commission était donc, conformément au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, en droit de prendre en considération les ventes liées aux produits commercialisés sous les marques secondaires des requérantes dans le cadre du calcul du montant de l’amende. Le fait que la Commission a décidé, en revanche, de ne pas prendre en considération les ventes liées aux produits commercialisés sous les « marques propres des grossistes » est sans influence sur le constat selon lequel elle était en droit de prendre en considération les ventes touchant aux marques secondaires des requérantes.

340    Deuxièmement, l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’aurait dû prendre en considération que les ventes aux grossistes en fonction des barèmes de prix bruts ne saurait convaincre.

341    En effet, comme la Commission le fait observer dans ses écritures, il ressort du dossier que les participants à l’infraction constatée ont, lors de certaines de leurs discussions, prévu des hausses de prix pour l’ensemble de leurs ventes, que ces dernières soient réalisées ou non sur la base des barèmes de prix bruts. Il en va ainsi, comme la Commission le fait observer, de la décision prise au cours de la réunion du FSKI du 17 janvier 2003 visant à répercuter les coûts du péage sur l’ensemble de leurs prix sans distinction.

342    En toute hypothèse, pour autant que les requérantes soutiennent que la coordination des prix en cause ne concernait que les ventes de produits aux grossistes selon les barèmes de prix bruts dans le cadre de la distribution « en trois étapes », et non les ventes aux grossistes selon d’autres barèmes, force est de constater qu’elles n’établissent pas que la coordination de prix de vente aux grossistes selon lesdits barèmes de prix bruts était sans aucune influence sur la fixation des autres barèmes de prix. Or, comme le fait observer la Commission dans ses écritures sans que les requérantes avancent d’argument ou de preuve contraires, les barèmes de prix bruts appliqués aux ventes de produits aux grossistes faisant l’objet d’une coordination étaient de nature à servir de barème de référence aux fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains lorsque ces derniers vendaient aux grossistes leurs produits qui n’étaient pas destinés au circuit de distribution en trois étapes.

343    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que c’est conformément au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 que la Commission a pris en considération les ventes de produits aux grossistes dans leur ensemble, dès lors que lesdites ventes étaient toutes affectées directement ou indirectement par l’infraction en cause. L’argument avancé par les requérantes selon lequel la Commission ne dispose pas d’un large pouvoir d’appréciation dans le chiffre d’affaires à prendre en considération doit être écarté dès lors que la Commission n’a commis aucune erreur d’appréciation à cet égard.

344    Partant, le cinquième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe du délai raisonnable

345    Les requérantes font valoir que la Commission aurait dû leur octroyer une réduction d’amende en raison de la durée excessive de la procédure administrative devant la Commission. Le droit à une procédure raisonnable aurait été consacré dans la jurisprudence et par l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux. En l’espèce, l’ensemble de la procédure aurait duré plus de six ans à compter de la réception de la demande tendant à bénéficier d’une réduction d’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération déposée par Masco le 15 juillet 2004. Elles font également observer qu’une durée de 31 mois s’est écoulée entre l’audition et l’adoption de la décision attaquée. Un examen comparatif des délais avec ceux dans d’autres décisions de la Commission ou des arrêts du Tribunal montrerait que le délai en l’espèce serait excessif, ce que la conseiller-auditeur au sein de la Commission aurait également estimé. Une réduction de 8 à 43 % du montant de l’amende serait justifiée et correspondrait à une somme oscillant entre 8 et 31 millions euros.

346    La Commission s’oppose à l’argumentation des requérantes.

347    Selon une jurisprudence constante, l’observation d’un délai raisonnable dans la conduite de la procédure administrative en matière de politique de la concurrence constitue un principe général du droit de l’Union, dont les juridictions de l’Union assurent le respect (voir arrêt de la Cour du 19 décembre 2012, Heineken Nederland et Heineken/Commission, C‑452/11 P, non publié au Recueil, point 98, et la jurisprudence citée).

348    Le principe de délai raisonnable d’une procédure administrative a été réaffirmé par l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, en vertu duquel « toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union ».

349    Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que la violation du principe du délai raisonnable est susceptible d’entraîner deux types de conséquences juridiques. D’une part, lorsque la violation du délai raisonnable a eu une incidence sur l’issue de la procédure, une telle violation est de nature à entraîner l’annulation de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, Technische Unie/Commission, C‑113/04 P, Rec. p. I‑8831, point 48, et la jurisprudence citée).

350    D’autre part, lorsque la violation du délai raisonnable est sans incidence sur l’issue de la procédure, une telle violation peut conduire le Tribunal, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, à redresser de manière adéquate la violation résultant du dépassement du délai raisonnable de la procédure administrative en réduisant, le cas échéant, le montant de l’amende infligée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, Rec. p. II‑3355, points 429 et 434).

351    Par ailleurs, le caractère raisonnable du délai de procédure doit s’apprécier en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, de la conduite des parties au cours de la procédure, de l’enjeu de l’affaire pour les différentes entreprises intéressées et de son degré de complexité (voir, en ce sens, arrêt PVC II, point 113 supra, point 126).

352    En outre, il y a lieu d’examiner la durée, d’une part, de la première phase de la procédure, qui s’est déroulée entre la signification des inspections et la réception de la communication des griefs et, d’autre part, de la seconde phase de la procédure, qui s’est déroulée entre la réception de la communication des griefs et l’adoption de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt Heineken Nederland et Heineken/Commission, point 350 supra, points 290 et 293, et arrêt PVC II, point 113 supra, point 124).

353    En l’espèce, s’agissant de la première phase de la procédure administrative, il y a lieu de constater que celle-ci a duré deux ans et cinq mois. Ce délai correspond à la période écoulée entre le 9 novembre 2004, à savoir le jour où se sont déroulées les inspections de la Commission, et le 26 mars 2007, à savoir le jour de l’adoption de la communication des griefs.

354    À cet égard, d’abord, force est de considérer que ce délai de deux ans et cinq mois n’est pas déraisonnable eu égard au très grand nombre d’informations collectées, premièrement, lors des inspections menées par la Commission dans cinq États membres, auprès de 25 sociétés et de 5 associations professionnelles (considérant 129 de la décision attaquée), deuxièmement, dans le cadre des six demandes de réduction d’amendes déposées au titre de la communication de 2002 sur la coopération dont la Commission n’a toutefois considéré qu’elles n’apportaient une valeur ajoutée significative que pour trois d’entre elles, et troisièmement, dans le cadre du très grand nombre de demandes d’information envoyées par la Commission et auxquelles les destinataires ont répondu.

355    Ensuite, force est de constater que la première phase de la procédure n’a fait l’objet d’aucune durée d’inactivité prolongée. En effet, premièrement, il est constant que la Commission a mené des inspections dans cinq États membres et plusieurs sociétés les 9 et 10 novembre 2004 (considérant 129 de la décision attaquée). Deuxièmement, les 15 et 19 novembre 2004, elle a reçu des demandes de réduction d’amendes au titre de la communication de 2002 sur la coopération de Grohe et de Masco (considérants 131 et 132 de la décision attaquée). Troisièmement, elle a envoyé des lettres de demande d’information entre novembre 2005 et mai 2006 (considérant 133 de la décision attaquée). Quatrièmement, elle a reçu, outre la demande d’immunité déposée par Masco au titre de ladite communication, cinq demandes de réduction d’amendes au titre de cette communication (considérants 135 à 137 de la décision attaquée). Cinquièmement, elle a adopté une communication des griefs le 26 mars 2007.

356    Dans ces conditions, la durée de la première phase de la procédure ne saurait être considérée comme excessive en l’espèce.

357    S’agissant de la seconde phase de la procédure, il convient de rappeler d’abord que, selon la jurisprudence, les entreprises ont un intérêt spécifique à ce que cette seconde étape de la procédure soit conduite avec une diligence particulière dès lors que, par l’adoption de la communication des griefs, la Commission manifeste sa volonté de procéder à une décision de constatation d’infraction et ce n’est qu’à compter de la réception de la communication des griefs qu’une entreprise peut prendre connaissance de l’objet de la procédure qui est engagée contre elle et des comportements qui lui sont reprochés par la Commission (arrêt PVC II, point 113 supra, point 132).

358    En l’espèce, s’agissant de la seconde phase de la procédure administrative, il y a lieu de constater que celle-ci a duré trois ans et trois mois. Cette durée correspond à la période écoulée entre le 26 mars 2007, à savoir le jour de l’adoption de la communication des griefs, et le 23 juin 2010, à savoir le jour de l’adoption de la décision attaquée.

359    Premièrement, il convient de relever que, durant cette période, la Commission n’est pas restée inactive, dès lors que, après l’adoption de la communication des griefs le 26 mars 2007, elle a tenu une audition du 12 au 14 novembre 2007 (considérants 139 et 143 de la décision attaquée), qu’elle a adressé des demandes d’information entre avril et novembre 2008 à de très nombreuses sociétés (considérants 144 et 145 de la décision attaquée), qu’elle a établi une lettre de faits le 9 juillet 2009 (considérant 147 de la décision attaquée), qu’elle a envoyé des demandes d’informations supplémentaires entre juin 2009 et mars 2010 (considérants 149 à 151 de la décision attaquée) et qu’elle a adopté la décision attaquée le 23 juin 2010.

360    Deuxièmement, d’une part, il importe de relever que les actes d’enquête de la Commission ont été espacés par de courtes périodes. D’autre part, les requérantes ne contestent pas l’affirmation de la Commission selon laquelle l’enquête a abouti à un dossier administratif de plus de 170 000 pages, concernant 70 sociétés et 10 associations professionnelles pour des infractions concernant trois différents sous-groupes de produits sur six territoires de l’Union. Dans ces conditions, la durée de la seconde phase de la procédure ne saurait être considérée comme excessive en l’espèce. 

361    À la lumière de l’ensemble des constatations opérées aux points 353 à 360 ci-dessus, il y a lieu de considérer que chacune des deux phases de la procédure administrative ainsi que ladite procédure prise dans son ensemble n’ont pas été d’une durée déraisonnable eu égard aux circonstances de l’espèce.

362    Les deux autres arguments des requérantes ne sauraient prospérer.

363    Tout d’abord, il convient de rejeter l’argument selon lequel la Commission ne peut pas faire supporter aux requérantes son choix de procéder à une enquête pour une infraction unique plutôt que plusieurs infractions séparées, prolongeant ainsi la durée de la procédure. En effet, dès lors que la Commission disposait d’indices permettant de soupçonner l’existence d’une infraction unique couvrant plusieurs territoires et sous-groupes de produits, elle n’a commis aucune faute en procédant à une enquête unique couvrant l’ensemble des territoires et sous-groupes de produits en cause.

364    Ensuite, l’affirmation des requérantes selon laquelle le conseiller-auditeur a considéré que la procédure administrative avait été d’une durée excessive en l’espèce doit être écartée comme étant non fondée. À cet égard, il ressort du rapport du conseiller-auditeur que celui-ci a estimé ce qui suit :

« [En] tout état de cause, la question [restait] ouverte de savoir si le temps qu’[avait] mis la Commission à adopter la présente décision [avait] violé le principe du délai raisonnable dès lors qu’il n’[existait] aucun indice que ce temps [avait] entravé l’exercice réel des droits de la défense. À mon sens, le projet de décision ne [concernait] que des griefs au sujet desquels tous les participants à la procédure [avaient] pu présenter leurs observations. [J’étais] d’avis que le droit d’être entendu de tous les participants à la procédure [avait] été respecté en l’espèce. »

365    Par ailleurs, l’analyse formulée par le conseiller-auditeur reprise au point 364 ci-dessus n’est pas, en toute hypothèse, de nature à remettre en cause le constat, exposé au point 361 ci-dessus, que la Commission n’a pas, au regard des circonstances spécifiques de l’espèce, enfreint le principe du délai raisonnable.

366    À la lumière des considérations qui précèdent, le sixième moyen doit être écarté.

 Sur le septième moyen, tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 en raison de la fixation d’amendes disproportionnées

367    Les requérantes font valoir que les amendes qui leur ont été infligées sont disproportionnées. Ce moyen se divise en deux branches.

368    La Commission s’oppose à cette argumentation.

 Sur la première branche du septième moyen, relative à l’application des lignes directrices de 2006 aux faits de l’espèce

369    Les requérantes contestent l’application des lignes directrices de 2006 aux faits de l’espèce. Selon elles, l’application desdites lignes directrices violerait le principe de non-rétroactivité des lois pénales consacré par la charte des droits fondamentaux, puisqu’elles n’étaient pas applicables au moment des faits.

370    La Commission s’oppose à cette argumentation.

371    À cet égard, premièrement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe de non‑rétroactivité des dispositions pénales, tel qu’il figure à l’article 49 de la charte des droits fondamentaux et a été consacré, notamment, par l’article 7 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dont le juge de l’Union assure le respect, permet de s’opposer à l’application rétroactive de la nouvelle interprétation d’une norme établissant une infraction, lorsque le résultat de cette interprétation n’était pas raisonnablement prévisible au moment où l’infraction a été commise (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, Rec. p. I‑1331, points 87 à 89, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, non publié au Recueil, point 120).

372    Deuxièmement, selon une jurisprudence tout aussi constante, nonobstant les dispositions de l’article 23, paragraphe 5, du règlement n° 1/2003, dont il ressort que les décisions infligeant des amendes pour violation du droit de la concurrence n’ont pas un caractère pénal, la Commission est tenue de respecter le principe de non-rétroactivité dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions en application des règles de concurrence du traité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 202, et arrêt Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, point 371 supra, point 122). Tel est notamment le cas lorsque la Commission décide de modifier une politique répressive, en l’occurrence sa politique générale de la concurrence en matière d’amendes. En effet, une telle modification, en particulier si elle est opérée par l’adoption de règles de conduite telles que les lignes directrices, peut avoir des incidences au regard du principe de non-rétroactivité (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 222).

373    Troisièmement, afin de contrôler le respect du principe de non-rétroactivité, il a été jugé qu’il y avait lieu de vérifier si la modification en cause était raisonnablement prévisible à l’époque où les infractions concernées ont été commises (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 372 supra, point 224). La portée de la notion de prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s’agit, du domaine qu’il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires. La prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé. Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d’eux qu’ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu’il comporte (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 372 supra, point 219).

374    À ce sujet, il convient de rappeler que l’application efficace des règles de concurrence telles qu’elles découlent des dispositions du règlement n° 1/2003 exige que la Commission puisse, dans les limites du plafond fixé par l’article 23, paragraphe 2, dudit règlement, à tout moment élever le niveau des amendes si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique de concurrence. Il en découle que les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende ne sauraient acquérir une confiance légitime ni dans le fait que la Commission ne dépassera pas le niveau des amendes pratiqué antérieurement ni dans une méthode de calcul de ces dernières, mais, au contraire, que lesdites entreprises doivent tenir compte de la possibilité que, à tout moment, la Commission décide d’élever le niveau du montant des amendes par rapport à celui appliqué dans le passé, soit en procédant à un relèvement du niveau du montant des amendes en prononçant des amendes dans des décisions individuelles, soit par l’application, à des cas d’espèce, de règles de conduite ayant une portée générale telles que des lignes directrices (arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 372 supra, points 227 à 230, et Groupe Danone/Commission, point 371 supra, points 90 et 91).

375    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les lignes directrices de 2006 et, en particulier, la nouvelle méthode de calcul des amendes qu’elles comportent, à supposer qu’elle ait eu un effet aggravant, par rapport à celle prévue par les lignes directrices de 1998, quant au niveau des amendes infligées, étaient raisonnablement prévisibles pour des entreprises telles que les requérantes à l’époque où l’infraction constatée a été commise et que, en appliquant les lignes directrices de 2006 dans la décision attaquée à une infraction commise avant leur adoption, la Commission n’a pas violé le principe de non-rétroactivité (voir, en ce sens, arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 372 supra, points 231 et 232, et de la Cour du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429, point 25).

376    Il y a lieu d’écarter comme non fondé l’argument des requérantes selon lequel les faits de l’espèce se différenciaient de ceux de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 372 supra, dans la mesure où, dans cette affaire, les entreprises ne pouvaient pas acquérir de confiance légitime quant au montant de l’amende encourue, compte tenu de l’absence, avant 1998, de lignes directrices relatives au calcul du montant des amendes. En effet, l’absence, avant 1998, de lignes directrices relatives au calcul du montant des amendes est sans influence sur le fait que la Commission dispose du droit, à tout moment, de modifier sa méthode de calcul des amendes dans les limites du seuil de 10 % afin d’adapter ses sanctions aux besoins de sa politique de concurrence et que les entreprises ne sauraient en conséquence acquérir aucune confiance légitime que la Commission n’opérera pas une telle modification.

377    Il y a donc lieu de rejeter la première branche du septième moyen comme étant non fondée.

 Sur la seconde branche du septième moyen, relative au caractère disproportionné des amendes

378    Les requérantes soutiennent que, si l’application des lignes directrices de 2006 aux faits de l’espèce devait être considérée comme licite, il y aurait alors lieu de réduire les amendes qui leur ont été infligées. Selon elles, lesdites amendes ne sont pas proportionnées à l’infraction constatée et à ses effets sur le marché. Elles soulèvent deux principaux griefs à cet égard.

379    La Commission s’oppose à chacun de ces griefs.

380    Par le premier grief, les requérantes estiment que la Commission a commis une erreur d’appréciation en fixant à 15 % de leur chiffre d’affaires les coefficients prévus, d’une part, aux paragraphes 21 à 23 des lignes directrices de 2006 (ci-après le « coefficient ‘gravité de l’infraction’ ») et, d’autre part, au paragraphe 25 des lignes directrices de 2006 (ci-après le « coefficient ‘montant additionnel’ »). En effet, selon elles, leur rôle dans l’infraction était limité par rapport à celui d’autres entreprises telles qu’Ideal Standard ou Roca.

381    À cet égard, il convient de rappeler que les paragraphes 19 à 24 des lignes directrices de 2006 relatives à la détermination du montant de base de l’amende prévoient ce qui suit :

« 19 Le montant de base de l’amende sera lié à une proportion de la valeur des ventes, déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction.

20 L’appréciation de la gravité sera faite au cas par cas pour chaque type d’infraction, tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce.

21 En règle générale, la proportion de la valeur des ventes prise en compte sera fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %.

22 Afin de décider si la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné devrait être au bas ou au haut de cette échelle, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction.

23 Les accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, qui sont généralement secrets, comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves. Au titre de la politique de la concurrence, ils doivent être sévèrement sanctionnés. Par conséquent, la proportion des ventes prise en compte pour de telles infractions sera généralement retenue en haut de l’échelle.

24 Afin de prendre pleinement en compte la durée de la participation de chaque entreprise à l’infraction, le montant déterminé en fonction de la valeur des ventes (voir les [paragraphes] 20 à 23 ci-dessus) sera multiplié par le nombre d’années de participation à l'infraction […] »

382    Par ailleurs, le paragraphe 25 des lignes directrices de 2006 prévoit, s’agissant du coefficient « montant additionnel », ce qui suit :

« En outre, indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme comprise entre 15 % et 25 % de la valeur des ventes telle que définie [au point I A des lignes directrices de 2006], afin de dissuader les entreprises de même participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production. La Commission peut également appliquer un tel montant additionnel dans le cas d’autres infractions. En vue de décider la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte dans un cas donné, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, en particulier ceux identifiés [au paragraphe 22 desdites lignes directrices]. »

383    Après avoir rappelé au considérant 1195 de la décision attaquée le mode de détermination du montant de base de l’amende, la Commission a estimé, au considérant 1211 de ladite décision, que la coordination horizontale de prix était, en raison de sa nature même, une des restrictions de concurrence les plus nocives et que l’infraction était une infraction unique, continue et complexe couvrant six États membres et touchant trois sous-groupes de produits. Pour cette raison, elle estime que les coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » de 15 % doivent être retenus.

384    En l’espèce, il y a lieu de constater que, d’une part, compte tenu de la nature particulièrement grave de l’infraction, consistant en la mise en œuvre d’une entente et, d’autre part, de la portée de ladite entente, qui couvrait six territoires et trois sous-groupes de produits, c’est conformément aux dispositions des paragraphes 21 à 23 et 25 des lignes directrices de 2006 que la Commission a arrêté un coefficient de 15 % au titre des coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel ». En effet, le Tribunal est d’avis que la proportion retenue en l’espèce, à savoir 15 %, correspond à un minimum au regard de la nature de l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Team Relocations/Commission, T‑204/08 et T‑212/08, Rec. p. II‑3569, points 94, 100 et 118).

385    L’argument des requérantes à cet égard selon lequel elles ont joué un rôle limité dans l’infraction doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, dans la mesure où elles ont participé au « groupe central d’entreprises » ayant mis en œuvre l’infraction constatée, elles ne sauraient être considérées comme ayant joué un rôle limité dans ladite infraction.

386    Dans ces conditions, le premier grief des requérantes doit être rejeté comme étant non fondé.

387    Par le second grief, les requérantes estiment, en substance, que les amendes qui leur ont été infligées sont également disproportionnées dans l’absolu. La sanction maximale de 10 % du chiffre d’affaires, prévue par le règlement n° 1/2003, ne saurait être imposée dans des cas de gravité moyenne ou, comme en l’espèce, de moindre importance. Pour cette raison, les lignes directrices de 2006, ainsi que les constatations qui reposeraient sur lesdites lignes directrices, seraient disproportionnées. Le principe nulla poena sine lege consacré par la charte des droits fondamentaux exigerait ainsi une fixation par la loi de l’intensité de la peine.

388    Il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, seul le montant final de l’amende infligée doit respecter la limite maximale de 10 % du chiffre d’affaires visée à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003 et que cette disposition n’interdit pas à la Commission de parvenir, au cours des différentes étapes du calcul du montant de l’amende, à un montant intermédiaire supérieur à cette limite, pour autant que le montant final de l’amende n’excède pas ladite limite (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 372 supra, points 277 et 278, et du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, Rec. p. I‑5977, point 82).

389    Ainsi, s’il s’avère que, au terme du calcul, le montant final de l’amende doit être réduit à concurrence du montant dépassant ladite limite supérieure, le fait que certains facteurs tels que la gravité et la durée de l’infraction ne se répercutent pas de façon effective sur le montant de l’amende infligée n’est qu’une simple conséquence de l’application de cette limite supérieure audit montant final (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 372 supra, point 279).

390    En effet, ladite limite supérieure vise à éviter que ne soient infligées des amendes dont il est prévisible que les entreprises, au vu de leur taille, telle que déterminée par leur chiffre d’affaires global, fût-ce de façon approximative et imparfaite, ne seront pas en mesure de s’acquitter (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 372 supra, point 280).

391    Il s’agit donc d’une limite, uniformément applicable à toutes les entreprises et articulée en fonction de la taille de chacune d’elles, visant à éviter des amendes d’un niveau excessif et disproportionné. Cette limite supérieure a ainsi un objectif distinct et autonome par rapport à celui des critères de gravité et de durée de l’infraction (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 372 supra, points 281 et 282).

392    Ladite limite a comme seule conséquence possible que le montant de l’amende calculé sur la base de ces critères est réduit jusqu’au niveau maximal autorisé. Son application implique que l’entreprise concernée ne paie pas l’amende qui, en principe, serait due au titre d’une appréciation fondée sur lesdits critères (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 372 supra, point 283).

393    Il résulte de la jurisprudence citée aux points 388 à 392 ci-dessus que, en infligeant des amendes aux requérantes équivalentes à 10 % du chiffre d’affaires de Villeroy & Boch (voir considérant 1264 de la décision attaquée), la Commission n’a violé ni le principe de proportionnalité ni le principe nulla poena sine lege. En effet, ces amendes, qui sont nettement inférieures aux montants auxquels les requérantes étaient exposées en raison de la durée et de la gravité de l’infraction à laquelle elles avaient participé, ne constituent pas des amendes maximales, mais une réduction de leurs amendes jusqu’au niveau maximal légal.

394    À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second grief et, partant, le septième moyen dans son ensemble.

395    De l’ensemble des considérations qui précèdent, d’une part, il résulte que le premier chef de conclusions dans l’affaire T‑374/10, tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée, doit être accueilli pour autant qu’il est constaté à l’article 1er, paragraphe 1, de ladite décision que Villeroy & Boch a participé à une entente dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains en Belgique, en Allemagne, en France, en Italie, aux Pays-Bas et en Autriche avant le 12 octobre 1994. En effet, la Commission n’a pas établi que Villeroy & Boch avait participé à ladite infraction unique avant cette date (voir points 176, 177 et 321 ci-dessus). Cette annulation partielle de l’article 1er, paragraphe 1, de ladite décision est toutefois sans conséquence sur le calcul du montant de l’amende infligée à Villeroy & Boch à l’article 2, paragraphe 8, de ladite décision. En effet, aux fins dudit calcul, la Commission n’a pris en considération sa participation à une infraction qu’à compter du 12 octobre 1994, comme cela ressort clairement du tableau D de la décision attaquée. Le premier chef de conclusions doit être rejeté pour le surplus s’agissant de ce recours.

396    D’autre part, s’agissant des recours introduits par Villeroy & Boch Autriche, Villeroy & Boch France et Villeroy & Boch Belgique dans les affaires T-373/10, T-382/10 et T-402/10, le premier chef de conclusions, soulevé à titre principal et tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée, doit être rejeté dans son intégralité.

2.     Sur les conclusions, soulevées à titre subsidiaire, tendant à la réduction du montant des amendes infligées aux requérantes

397    D’une part, il importe de rappeler d’emblée que, selon la jurisprudence, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal doit effectuer sa propre appréciation, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce et en respectant les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt Romana Tabacchi/Commission, point 26 supra, points 179 et 280) ou encore le principe d’égalité de traitement (arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 187).

398    D’autre part, l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office. Dès lors, à l’exception des moyens d’ordre public que le juge de l’Union est tenu de soulever d’office, telle l’absence ou l’insuffisance de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (voir, en ce sens, arrêt Chalkor/Commission, point 26 supra, point 64).

399    En l’espèce, premièrement, force est de constater que, à l’appui de leur second chef de conclusions, tendant à la réduction du montant des amendes qui leur ont été infligées (voir point 24 ci-dessus), les requérantes n’avancent aucun argument spécifique autre que ceux soulevés dans le cadre de ses conclusions en annulation de la décision attaquée et qui ont été examinés ci-dessus par le Tribunal dans ledit cadre.

400    Deuxièmement, pour autant que le deuxième grief du septième moyen des requérantes (voir point 378 ci-dessus), selon lequel, en substance, les amendes qui leur ont été infligées sont également disproportionnées dans l’absolu, puisse être compris comme venant au soutien du second chef de conclusions des requérantes, il ne saurait emporter la conviction. En effet, les requérantes ont participé à une infraction unique couvrant six territoires de l’Union et trois sous-groupes de produits durant une période s’étalant sur près de dix années. Dans ces conditions, un montant total des amendes infligées aux requérantes équivalant à 10 % du chiffre d’affaires de Villeroy & Boch ne saurait être considéré comme inapproprié.

401    Compte tenu des constats opérés aux points 399 et 400 ci-dessus, d’une part, le Tribunal estime, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, qu’aucun des éléments dont les requérantes se prévalent à un quelconque titre dans la présente affaire, ni aucun motif d’ordre public, ne justifie qu’il fasse usage dudit pouvoir pour réduire le montant des amendes fixé par la Commission. D’autre part, il considère, compte tenu de l’ensemble des éléments avancés devant lui, que les amendes dont les montants sont repris au point 19 ci-dessus constituent, au regard de la durée et de la gravité de l’infraction à laquelle les requérantes ont participé, une sanction permettant de réprimer, de manière proportionnée et dissuasive, leur comportement anticoncurrentiel.

402    Le second chef de conclusions des requérantes, présentées à titre subsidiaire et tendant à la réduction du montant des amendes qui leur ont été infligées, doit dès lors être rejeté comme étant non fondé.

403    À la lumière des constatations exposées aux points 396 et 402 ci-dessus, d’une part, les recours dans les affaires T-373/10, T-382/10 et T‑402/10 doivent être rejetés dans leur ensemble. D’autre part, le recours dans l’affaire T-374/10 doit être accueilli pour autant qu’il est demandé l’annulation de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée dans la mesure où il est constaté que Villeroy & Boch a participé à une entente dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains en Belgique, en Allemagne, en France, en Italie, aux Pays-Bas et en Autriche avant le 12 octobre 1994. Le recours dans l’affaire T-374/10 doit être rejeté pour le surplus.

 Sur les dépens

404    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En application du paragraphe 3, premier alinéa, de la même disposition, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent sur un ou plusieurs chefs.

405    En l’espèce, premièrement, Villeroy & Boch Austria, Villeroy & Boch France et Villeroy & Boch Belgique dans les affaires T-373/10, T‑382/10 et T‑402/10 ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

406    Deuxièmement, le recours dans l’affaire T-374/10 ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que Villeroy & Boch supportera sept huitièmes de ses dépens et sept huitièmes des dépens exposés par la Commission, cette dernière supportant un huitième de ses propres dépens et un huitième des dépens exposés par Villeroy & Boch.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Dans les affaires T-373/10, T-382/10 et T‑402/10, les recours sont rejetés.

2)      Dans l’affaire T-374/10, l’article 1er, paragraphe 7, de la décision C (2010) 4185 final de la Commission, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains), est annulé pour autant qu’il y est constaté que Villeroy & Boch AG a participé à une entente dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains en Belgique, en Allemagne, en France, en Italie, aux Pays-Bas et en Autriche avant le 12 octobre 1994. 

3)      Dans l’affaire T-374/10, le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Villeroy & Boch Austria GmbH, Villeroy et Boch SAS et Villeroy & Boch – Belgium supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne dans les affaires T‑373/10, T‑382/10 et T‑402/10.

5)      Villeroy & Boch AG supportera sept huitième de ses dépens et sept huitième des dépens exposés par la Commission dans l’affaire T‑374/10.

6)      La Commission supportera un huitième de ses propres dépens et un huitième des dépens exposés par Villeroy & Boch AG dans l’affaire T‑374/10.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur les conclusions, soulevées à titre principal, tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE relatif à la qualification de l’entente d’infraction unique, complexe et continue

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation relative à la qualification de l’entente d’infraction unique, complexe et continue

Sur le troisième moyen, tiré de l’absence de preuves d’une infraction sur les marchés en cause

Sur la première branche, tirée de l’absence d’infraction en Allemagne

–  Sur le premier grief, relatif à l’absence d’infraction en Allemagne touchant aux articles de robinetterie

–  Sur le deuxième grief, relatif à l’absence d’infraction en Allemagne touchant aux enceintes de douche

–  Sur le troisième grief, relatif à l’absence d’infraction en Allemagne touchant aux articles en céramique

Sur la deuxième branche, tirée de l’absence d’infraction en Autriche

–  Sur le premier grief, relatif à l’imputation à Villeroy & Boch du comportement de Villeroy & Boch Autriche

–  Sur le deuxième grief, relatif à l’absence de preuves d’une infraction en Autriche

Sur la troisième branche du troisième moyen, tirée de l’absence d’infraction en Italie

Sur la quatrième branche du troisième moyen, tirée de l’absence d’infraction en Belgique

Sur la cinquième branche du troisième moyen, tirée de l’absence d’infraction en France

Sur la sixième branche du troisième moyen, tirée de l’absence d’infraction aux Pays-Bas

Sur le quatrième moyen, tiré de l’absence de base juridique autorisant une condamnation solidaire au paiement d’amendes

Sur le cinquième moyen, tiré de l’inclusion de ventes non liées à l’infraction dans le calcul du montant de l’amende

Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe du délai raisonnable

Sur le septième moyen, tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 en raison de la fixation d’amendes disproportionnées

Sur la première branche du septième moyen, relative à l’application des lignes directrices de 2006 aux faits de l’espèce

Sur la seconde branche du septième moyen, relative au caractère disproportionné des amendes

2.  Sur les conclusions, soulevées à titre subsidiaire, tendant à la réduction du montant des amendes infligées aux requérantes

Sur les dépens


* Langues de procédure : l’allemand, le français et le néerlandais.