Language of document : ECLI:EU:T:2023:588

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

27 septembre 2023 (*)

« Clause compromissoire – Septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) – Convention de subvention – Projet “Compound Semiconductors for 3D integration” – Remboursement des sommes versées – Paiement de dommages et intérêts – Rapport d’enquête de l’OLAF – Notes de débit – Coûts éligibles – Réalité des coûts – Fiabilité des relevés de temps – Preuves alternatives – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑765/21,

Fundación Imdea Materiales, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes P. Suárez Fernández, J. Salinas Casado et Z. Marcos Vaquero, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Estrada de Solà et J. Baquero Cruz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. L. Truchot (rapporteur), président, M. Sampol Pucurull et Mme T. Perišin, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 272 TFUE, la requérante, Fundación Imdea Materiales, demande, en substance, premièrement, qu’il soit constaté que la Commission européenne, en ne lui ayant pas communiqué, par la lettre du 18 mars 2021 dans laquelle elle a énoncé les conclusions du rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), décrit l’évaluation qu’elle avait réalisée sur la base de celles-ci et précisé les mesures qu’elle envisageait d’adopter en conséquence (ci-après la « lettre d’information préalable »), les documents lui permettant de « disposer d’une procédure équitable et conforme aux principes de commutativité et d’équivalence des prestations contractuelles », a violé l’article II.22.5 des conditions générales du septième programme-cadre de l’Union européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) (ci-après les « conditions générales ») et qu’il soit enjoint à celle-ci de reprendre la procédure de recouvrement des sommes versées au stade de la transmission de ses observations et de lui octroyer l’accès au dossier d’enquête et à une version confidentielle du rapport de l’OLAF comprenant ses annexes et, deuxièmement, que soit constaté le caractère infondé des deux mesures mentionnées dans la lettre du 8 octobre 2021, dans laquelle la Commission a conclu que la requérante n’avait pas fourni d’informations de nature à modifier l’appréciation formulée dans la lettre d’information préalable (ci-après la « lettre de confirmation »), et, à titre subsidiaire, qu’il soit procédé à un nouveau calcul du montant de la première créance et que la seconde créance soit déclarée infondée.

I.      Antécédents du litige

A.      Sur la requérante et sur la convention de subvention

2        La requérante est une fondation de droit espagnol établie à Madrid (Espagne).

3        Le 18 décembre 2006, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté la décision no 1982/2006/CE, relative au septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) (JO 2006, L 412, p. 1, ci-après le « septième programme-cadre »). Ce programme-cadre est le principal instrument de l’Union européenne en matière de financement de la recherche. Il couvre la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2013.

4        En vertu du septième programme-cadre, le 22 novembre 2013, la Commission a conclu avec IBM Research GmbH, en tant que bénéficiaire et coordinatrice d’un consortium de participants, la convention de subvention no 619325 (ci-après la « convention de subvention ») en vue de financer le projet « Compound Semiconductors for 3D integration », également dénommé « Compose3 » (ci-après le « projet litigieux »). Celui-ci avait pour objectif le développement d’innovations technologiques pour les semi-conducteurs. La requérante est l’un des bénéficiaires de la subvention mentionnés à l’article 1er de la convention de subvention. Le projet litigieux a été exécuté entre le 1er novembre 2013 et le 30 avril 2017.

5        La requérante est intervenue dans le cadre du projet litigieux entre le 1er janvier 2014 et le 30 septembre 2016.

6        Afin de bénéficier de la prise en charge d’une partie des coûts éligibles supposés avoir été engagés pour la réalisation du projet litigieux, selon les modalités prévues notamment à l’article II.16.1, premier alinéa, et à l’article II.18.1 des conditions générales, elle a déclaré des dépenses correspondant au travail des deux chercheurs qu’elle employait en vue de l’exécution dudit projet (ci-après les « deux chercheurs ») et des dépenses en lien avec ce travail pour un montant de 185 394 euros. En vertu de la convention de subvention, la requérante a perçu une subvention d’un montant total de 139 045 euros.

B.      Sur l’enquête de l’OLAF

7        Le 17 janvier 2018, l’OLAF a ouvert l’enquête OC/2017/1092/A 2 au sujet de fraudes et d’irrégularités qui auraient été commises lors de l’exécution par la requérante de projets de recherche financés par l’Union, en particulier du projet litigieux.

8        Les 8 à 10 avril 2019, l’OLAF a réalisé un contrôle sur place dans les locaux de la requérante sur le fondement de l’article 3 du règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1).

9        Par une lettre du 12 mai 2020, l’OLAF a transmis à la requérante un résumé des faits au sens du règlement no 883/2013 et l’a invitée à lui communiquer ses observations sur ceux-ci. Celle-ci les lui a transmises le 29 juin 2020.

10      Par une lettre du 27 juillet 2020, l’OLAF a transmis à la requérante un second résumé des faits et l’a invitée à lui communiquer de nouvelles observations. Celle-ci s’est exécutée une seconde fois par un courrier du 17 août 2020.

11      Le 22 octobre 2020, l’OLAF a adopté son rapport final (ci-après le « rapport de l’OLAF »). Celui-ci concluait que les relevés de temps des deux chercheurs ne respectaient pas les exigences prévues par la convention de subvention et qu’aucune preuve convaincante n’avait été fournie quant à la réalité de la participation des deux chercheurs. En outre, un troisième chercheur aurait participé au projet sans que son temps de travail soit déclaré en raison de l’incompatibilité de cette participation avec son implication dans un autre projet dont le financement, par l’Union, lui imposait une participation à plein temps.

12      Par la lettre d’information préalable, la Commission a conclu à la violation des articles II.14 et II.15 des conditions générales. Ladite violation était causée, selon la Commission, par l’absence de fiabilité du système d’enregistrement du temps de travail de la requérante, lequel ne permettait donc pas de justifier de la réalité des coûts déclarés, et par l’absence d’éléments de preuve alternatifs permettant de démontrer la réalité et la quantification horaire du travail effectué dans le cadre du projet litigieux. Les mesures envisagées par la Commission étaient le recouvrement des sommes correspondant à deux créances, à savoir une créance d’un montant de 135 738 euros relative au remboursement des frais directs de personnel et des frais indirects liés (ci-après la « première créance »), ainsi qu’une créance d’un montant de 13 573,80 euros relative au versement de dommages et intérêts par la requérante (ci-après la « seconde créance »). Une version du rapport de l’OLAF comportant un certain nombre de données occultées était annexée à ladite lettre. La requérante était invitée à transmettre ses observations.

13      Le 28 juillet 2021, la requérante a présenté ses observations, par lesquelles elle contestait la violation de ses obligations contractuelles et les mesures que la Commission envisageait d’adopter. Elle a transmis en annexe différentes pièces destinées à démontrer la réalité du travail effectué par les deux chercheurs.

14      Par la lettre de confirmation, la Commission a conclu que la requérante n’avait pas fourni d’informations de nature à modifier l’appréciation formulée dans la lettre d’information préalable. Elle a maintenu la position exprimée dans cette dernière quant à son intention de procéder au recouvrement des sommes indument perçues par la requérante ainsi que d’une somme correspondant à des dommages et intérêts. Cette lettre était accompagnée de quatre annexes, à savoir un document de réponse aux observations transmises par la requérante, un document intitulé « Glossaire des annexes » présentant les commentaires de la Commission sur les différentes pièces transmises par la requérante en annexe auxdites observations (voir point 13 ci-dessus) ainsi que deux notes de débit matérialisant les deux créances mentionnées au point 12 ci-dessus, l’une relative à la première créance, l’autre relative à la seconde créance. La Commission a confirmé les montants des deux créances fixés dans la lettre d’information préalable (voir point 12 ci-dessus).

C.      Sur les demandes d’accès aux documents

15      Le 11 mai 2021, la requérante a demandé, par deux courriers électroniques adressés, l’un, à la Commission et, l’autre, à l’OLAF, l’accès, respectivement, à une version comprenant moins de données occultées du rapport de l’OLAF et au dossier d’enquête OC/2017/1092/A2.

16      Par lettre du 28 juin 2021, le directeur général de l’OLAF a rejeté les deux demandes d’accès aux documents.

17      Le 15 juillet 2021, la requérante a adressé au directeur général de l’OLAF une demande confirmative d’accès au dossier d’enquête ou, à tout le moins, à une version comprenant moins de données occultées du rapport de l’OLAF.

18      Par lettre du 9 août 2021, le directeur général de l’OLAF a rejeté la demande confirmative.

II.    Conclusions des parties

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer que la Commission a violé l’article II.22.5 des conditions générales, dans la mesure où la lettre d’information préalable n’a pas été accompagnée de documents suffisants pour lui permettre de disposer d’une procédure équitable et conforme aux principes de commutativité et d’équivalence des prestations contractuelles, renvoyer la procédure au stade de la présentation par elle de ses observations devant la Commission au sens de cette disposition et lui octroyer, préalablement à l’ouverture de ladite procédure, l’accès au dossier d’enquête et à une version confidentielle du rapport de l’OLAF comprenant ses annexes ;

–        déclarer qu’elle n’a pas violé les articles II.14 et II.15 des conditions générales et constater le caractère inapproprié des mesures comprises dans la lettre de confirmation, ainsi que, en conséquence, annuler la mesure de recouvrement de la somme de 135 140 euros et, à titre subsidiaire, en vertu du principe de proportionnalité, réévaluer le montant de cette somme et laisser sans effet, au motif qu’elle n’est pas fondée, la mesure de versement de dommages et intérêts fixé à la somme de 13 514 euros.

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter comme irrecevable le recours en ce qu’il tend à l’obtention par la requérante de l’accès à une version confidentielle du rapport de l’OLAF et de ses annexes et au dossier d’enquête de l’OLAF et, à titre subsidiaire, rejeter ce chef de conclusions comme non fondé ;

–        rejeter le recours pour le surplus

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

21      Ainsi qu’il a été relevé au point 19 ci-dessus, la requête comporte deux chefs de conclusions.

22      À l’appui du premier chef de conclusions, la requérante invoque un moyen unique tiré de la violation de l’article II.22.5 des conditions générales.

23      À l’appui du second chef de conclusions, la requérante invoque trois moyens. Le premier, relatif à l’existence des deux créances mentionnées au point 12 ci-dessus, est tiré d’erreurs commises par la Commission dans l’appréciation des éléments de preuve alternatifs produits par la requérante (voir point 12 ci-dessus). Le deuxième, invoqué à titre subsidiaire, relatif au montant de la première créance, est tiré de la violation du principe de proportionnalité et de l’article II.22.6 des conditions générales. Le troisième, également invoqué à titre subsidiaire, relatif au caractère non fondé de la seconde créance, est tiré de la violation du principe de proportionnalité et de l’article II.24.1 des conditions générales.

A.      Sur le premier chef de conclusions, tendant à faire constater la violation de l’article II.22.5 des conditions générales, à enjoindre à la Commission de reprendre la procédure de recouvrement des sommes versées et à obtenir l’accès au dossier d’enquête et au rapport de l’OLAF

24      Le premier chef de conclusions de la requérante comprend deux demandes. La première demande tend à faire constater la violation par la Commission de l’article II.22.5 des conditions générales et à enjoindre à celle-ci de reprendre la procédure de recouvrement des sommes versées. La seconde tend à obtenir l’accès au dossier d’enquête et au rapport de l’OLAF dans le cadre de ladite procédure.

25      Le moyen unique invoqué par la requérante au soutien du premier chef de conclusions est tiré de la violation de l’article II.22.5 des conditions générales. Cette violation serait la conséquence du rejet de la demande d’accès de la requérante au dossier d’enquête et à une version confidentielle du rapport de l’OLAF, comprenant ses annexes. N’ayant pas pu disposer de ces documents, la requérante n’aurait pas été en mesure de formuler utilement ses observations sur la lettre d’information préalable et les documents joints à celle-ci.

1.      Sur les griefs tirés de l’absence d’une procédure équitable et conforme aux « principes de commutativité et d’équivalence des prestations contractuelles » et d’une violation des droits de la défense

26      La requérante invoque l’impossibilité dans laquelle elle s’est trouvée de bénéficier d’une procédure équitable et conforme aux « principes de commutativité et d’équivalence des prestations contractuelles ».

27      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit, notamment, contenir l’objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir arrêt du 12 décembre 2018, SH/Commission, T‑283/17, EU:T:2018:917, point 86 et jurisprudence citée).

28      En l’espèce, il convient de constater que la violation des principes mentionnés au point 26 ci-dessus n’a pas été présentée par la requérante comme constituant un moyen au soutien de son premier chef de conclusions.

29      En effet, d’une part, bien que, dans ses conclusions, la requérante ait invoqué l’impossibilité dans laquelle elle se trouvait de bénéficier d’une procédure équitable, elle ne s’est pas prévalue, dans l’argumentation présentée à leur soutien, d’un droit à bénéficier d’une procédure équitable. En outre, celle-ci n’a pas développé d’argument similaire au soutien dudit chef de conclusions.

30      Par ailleurs, la requérante fait valoir, en réponse aux questions qui lui ont été adressées par le Tribunal, que l’accès au dossier d’enquête et à une version confidentielle du rapport de l’OLAF aurait dû lui être accordé en vertu de ses droits de la défense. Toutefois, ainsi qu’il a été relevé s’agissant du droit à bénéficier d’une procédure équitable, la requérante n’a pas développé d’argument en ce sens dans la requête.

31      D’autre part, la requérante n’a pas précisé dans la requête en quoi consistaient les « principes de commutativité et d’équivalence des prestations contractuelles » qu’elle invoque. Il convient donc de déclarer irrecevable ce grief dans la mesure où il porte sur la violation alléguée de ces principes.

32      L’argumentation de la requérante relative à l’impossibilité de bénéficier d’une procédure équitable et conforme aux « principes de commutativité et d’équivalence des prestations contractuelles » et à une violation de ses droits de la défense, développée au soutien de son premier chef de conclusions, n’est ni claire ni précise, de sorte que les griefs en cause doivent être déclarés irrecevables.

2.      Sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission

33      La Commission conclut à l’irrecevabilité de la seconde demande de la requérante (voir point 24 ci-dessus), relative à l’accès au dossier d’enquête et au rapport de l’OLAF, et du moyen unique en ce qu’il est invoqué au soutien de cette demande. La Commission soutient, en substance, qu’il convient de distinguer deux types de régimes juridiques, relatifs, le premier, aux audits financiers et, le second, aux enquêtes. Ces régimes se distingueraient par leur différence d’objet et par le fait que les audits financiers ne comprennent pas d’activités d’enquête. En l’espèce, l’enquête menée par l’OLAF ne serait pas un audit financier, mais une enquête destinée à protéger les intérêts financiers de l’Union contre les fraudes et autres irrégularités, de sorte que l’article II.22.5 des conditions générales, invoqué par la requérante, ne serait pas applicable au cas d’espèce. L’accès aux documents en question serait réglementé par le cadre juridique applicable à l’OLAF et par le règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43). Or, la requérante a fondé son recours sur l’article 272 TFUE et non sur l’article 263 TFUE et la requalification du recours ne serait pas possible. Elle ne pourrait donc pas contester par le présent moyen les décisions de rejet d’accès aux documents concernés.

34      La requérante soutient que la fin de non-recevoir soulevée par la Commission est dénuée de fondement.

35      Au regard des circonstances de l’espèce, le Tribunal estime opportun, dans un souci d’économie de la procédure, de se prononcer directement au fond sur le moyen unique soulevé au soutien des deux demandes que comprend le premier chef de conclusions, sans statuer préalablement sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission en ce qui concerne la seconde demande (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52).

3.      Sur le grief tiré de la violation de l’article II.22.5 des conditions générales

36      L’article II.22.5 des conditions générales stipule ce qui suit :

« Sur le fondement des résultats obtenus dans le cadre de l’audit financier, un rapport provisoire doit être rédigé. Il doit être envoyé par la Commission ou son représentant autorisé au bénéficiaire concerné, lequel peut formuler des observations sur celui-ci dans un délai d’un mois suivant sa réception. […] Le rapport final doit être envoyé au bénéficiaire concerné dans les deux mois suivant l’expiration de ce délai. »

37      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante reproche à la Commission de ne pas lui avoir octroyé un accès au dossier d’enquête et à une version intégrale du rapport de l’OLAF ainsi qu’à ses annexes. Toutefois, elle n’invoque pas la violation du règlement no 1049/2001, mais la méconnaissance de l’article II.22.5 des conditions générales, lequel prévoit l’envoi d’un rapport d’audit financier provisoire.

38      Par son moyen unique, la requérante ne reproche donc pas à la Commission un refus d’accès à ces documents au sens du règlement no 1049/2001, mais la méconnaissance par celle-ci de ses obligations contractuelles, caractérisée par l’absence d’envoi des documents en cause, à l’origine de l’impossibilité pour elle de prendre connaissance desdits documents.

39      Dès lors, le moyen unique de la requérante doit être regardé comme tendant à reprocher à la Commission l’absence d’envoi du dossier d’enquête et d’une version confidentielle du rapport de l’OLAF ainsi qu’à ses annexes.

40      Les parties sont en désaccord quant à l’applicabilité de l’article II.22.5 des conditions générales en l’espèce.

41      Il convient de relever que l’article II.22.5 des conditions générales prévoit l’envoi, par la Commission ou son représentant, d’un rapport d’audit provisoire au bénéficiaire de la subvention, dans le cadre d’un audit financier tel que défini à l’article II.22.1 des conditions générales. Ainsi, l’article II.22.5 des conditions générales impose à la Commission d’envoyer au bénéficiaire de la subvention le rapport d’audit provisoire rédigé sur le fondement des résultats obtenus dans le cadre de l’audit financier. En revanche, il ne prévoit pas l’envoi du dossier d’une enquête qui aurait été conduite par l’OLAF.

42      Ainsi, indépendamment de la question de savoir si l’article II.22.5 des conditions générales est applicable en l’espèce, la Commission n’était pas tenue d’envoyer à la requérante le dossier d’enquête de l’OLAF sur le fondement de cette disposition.

43      En ce qui concerne la question de savoir si la Commission était tenue, au titre de l’article II.22.5 des conditions générales, de communiquer à la requérante une version confidentielle du rapport de l’OLAF, il convient de déterminer si cette disposition était applicable en l’espèce. Il y a lieu, à cette fin, d’examiner si le rapport de l’OLAF peut être qualifié de rapport d’audit provisoire au sens dudit article. Une telle qualification dépend de la question de savoir si les investigations conduites par l’OLAF constituent un audit financier au sens des conditions générales ou une enquête au sens du règlement no 883/2013.

44      D’une part, il ressort du rapport de l’OLAF que celui-ci a été élaboré à l’issue d’une enquête externe ouverte par cette autorité sur le fondement de l’article 3 du règlement no 883/2013.

45      D’autre part, il convient de rappeler que l’article II.22.1 des conditions générales prévoit ce qui suit :

« La Commission peut, à tout moment de la mise en œuvre du projet et jusqu’à cinq ans après la fin du projet, organiser la réalisation d’audits financiers, par des auditeurs externes, ou par les services de la Commission eux-mêmes y compris l’OLAF […] De tels audits peuvent porter sur des aspects financiers et systémiques ainsi que sur d’autres aspects (tels que les principes de comptabilité et de gestion) relatifs à la bonne exécution de la convention de subvention […] »

46      Ainsi, un audit financier peut uniquement porter sur des violations de la convention de subvention relatives à la gestion financière et comptable du projet financé par celle-ci.

47      En revanche, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 883/2013, les vérifications sur place effectuées par l’OLAF au cours d’une enquête externe ont pour objectif d’établir l’existence d’une fraude, d’un acte de corruption ou de toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union.

48      Le champ des enquêtes externes de l’OLAF est dès lors plus étendu que celui des audits financiers, leur objet pouvant porter sur des violations, notamment intentionnelles, de l’une quelconque des règles du droit de l’Union.

49      En l’espèce, l’ouverture de l’enquête de l’OLAF est motivée par l’existence de soupçons de fraude ainsi que d’autres irrégularités relatives notamment à la réalité de la participation des deux chercheurs à la réalisation du projet litigieux. En outre, le rapport de l’OLAF a conclu que les relevés de temps des deux chercheurs dans le cadre du projet litigieux ne remplissaient pas les conditions prévues par le septième programme-cadre, qu’aucune preuve convaincante n’avait été rapportée de leur participation à celui-ci et qu’un troisième chercheur avait participé à sa réalisation, alors qu’il n’était pas en droit de le faire en raison des dispositions applicables dans le cadre d’un autre projet. Or, de telles irrégularités ne présentent pas un caractère purement financier, comptable ou de gestion.

50      Les suspicions de fraude et les autres irrégularités à l’origine de l’enquête de l’OLAF ne portaient pas exclusivement sur des violations de la convention de subvention relatives à la bonne gestion comptable et financière du projet litigieux. Certains des soupçons justifiant l’ouverture de l’enquête avaient trait à des comportements susceptibles d’être qualifiés de fraudes, imputables à la requérante, relatifs à l’absence de participation des deux chercheurs à la réalisation dudit projet et consistant en une fausse déclaration des personnes effectuant directement les travaux et en une production de faux relevés de temps. En conséquence, par son contenu, le rapport de l’OLAF excédait l’objet d’un audit financier tel qu’il ressort de l’article II.22.1 des conditions générales.

51      Ainsi, les investigations réalisées par l’OLAF en l’espèce constituent une enquête au sens du règlement no 883/2013. L’article II.22.5 des conditions générales n’est donc pas applicable en l’espèce.

52      Cette qualification ne saurait être remise en cause par les arguments présentés par la requérante au soutien de l’affirmation selon laquelle ladite opération était, en réalité, un audit financier.

53      D’abord, la requérante fait valoir que l’ensemble des investigations effectuées par l’OLAF en l’espèce, à savoir l’inspection de ses locaux, la formulation de demandes d’informations et l’analyse des informations recueillies, sont des activités effectuées dans le cadre d’un audit financier.

54      Toutefois, il convient de relever que ces différents types d’investigation ne sont pas spécifiques à un audit financier et peuvent être effectués dans le cadre d’une enquête de l’OLAF, laquelle, ainsi qu’il ressort de l’article 3, paragraphes 1 et 2, du règlement no 883/2013, peut consister en des contrôles et des vérifications sur place, permettant de recueillir des informations. En outre, ces dernières doivent nécessairement faire l’objet d’une analyse afin de permettre d’établir l’existence d’une fraude, d’un acte de corruption ou de toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, en l’espèce, le respect des dispositions contractuelles applicables.

55      Ainsi, le fait que l’OLAF ait procédé à de telles investigations ne saurait déterminer, à lui seul, la nature de l’opération réalisée par celui-ci en l’espèce.

56      Cet argument doit donc être écarté.

57      Ensuite, la requérante soutient qu’un rapport provisoire, au sens de l’article II.22.5 des conditions générales, lui a été transmis le 18 mars 2021, que l’annexe III de ce document est intitulée « Rapport de synthèse de l’OLAF sur la réalisation de l’audit » et que la « lettre de présentation » de ce qu’elle qualifie de « rapport provisoire » fait référence à l’article II.22.6 des conditions générales, lequel permet le recouvrement d’une somme sur le fondement des conclusions d’un audit.

58      Premièrement, s’agissant de l’argument selon lequel la lettre d’information préalable constitue un rapport provisoire au sens de l’article II.22.5 des conditions générales, il convient de relever qu’il ressort de cette disposition qu’un rapport provisoire au sens de ce texte est rédigé sur le fondement des résultats d’un audit financier, préalablement à l’adoption d’un rapport final. Les observations que peut formuler le bénéficiaire de la subvention à ce titre relèvent donc de la procédure d’audit financier elle-même.

59      Or, il ressort de la lettre d’information préalable et de la première annexe de celle-ci que, à la date de transmission de ces documents, l’opération menée par l’OLAF était déjà achevée et que la Commission envisageait d’adopter des mesures sur la base des conclusions du rapport que celui-ci avait élaboré. Dans ladite lettre, intitulée « Lettre d’information préalable concernant les mesures envisagées : rejet des coûts, recouvrement, dommages et intérêts », la Commission a notamment invité la requérante à « soumettre des observations sur les résultats et sur l’évaluation contenues dans les annexes 1 et 2 [de la lettre], ainsi que sur les mesures envisagées ». Les annexes 1 et 2 précitées sont, respectivement, un document intitulé « Contexte, évaluation et mesures que la Commission a l’intention d’adopter » et le rapport de l’OLAF.

60      Par l’envoi de cette lettre, la Commission ne proposait dès lors pas à la requérante de formuler des observations préalablement à l’adoption d’un rapport d’audit, mais de le faire à propos des mesures qu’elle entendait adopter sur la base d’une enquête déjà close.

61      En outre, il ne ressort pas de la lettre d’information préalable ou de la première annexe de celle-ci que cette dernière serait un rapport et, en particulier, un rapport d’audit financier provisoire. En effet, dans cette annexe, d’une longueur d’un peu plus de trois pages, la Commission se contente de présenter les résultats de l’enquête de l’OLAF, l’évaluation à laquelle elle a procédé sur le fondement de ces résultats et les mesures qu’elle entend adopter à ce titre.

62      Ainsi la lettre d’information préalable ne constitue pas un rapport provisoire au sens de l’article II.22.5 des conditions générales. Il convient donc de rejeter cet argument.

63      Deuxièmement, s’agissant du fait que l’annexe III de la lettre d’information préalable est intitulée « Rapport de synthèse de l’OLAF sur la réalisation de l’audit », il convient de relever que le terme « audit » ne désigne pas nécessairement un audit financier, au sens de l’article II.22.5 des conditions générales. En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 47 ci-dessus, une enquête de l’OLAF a pour objectif d’établir l’existence d’une fraude, d’un acte de corruption ou de toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. Celle-ci peut donc comprendre la réalisation d’un audit, au sens courant du terme, à savoir le contrôle de la qualité et de la rigueur de la gestion des comptes d’un acteur économique, ce qui implique, en l’espèce, celui de la conformité des dépenses déclarées par la requérante aux dispositions des conditions générales.

64      Par ailleurs, s’agissant de la mention de l’article II.22.6 des conditions générales dans la lettre d’information préalable, il convient de relever que cet argument repose sur la qualification juridique des investigations concernées qu’aurait retenue la Commission. Toutefois, la qualification juridique de la nature des investigations menées par l’OLAF en l’espèce ne saurait dépendre de la qualification retenue par les parties, mais doit résulter d’une analyse juridique fondée sur la définition des notions d’« audit financier » et d’« enquête de l’OLAF » telles qu’elles ressortent des dispositions encadrant ces deux types d’investigations à savoir, respectivement, l’article II.22.1 à l’article II.22.7 des conditions générales et le règlement no 883/2013.

65      Ainsi, eu égard à l’analyse opérée par le Tribunal aux points 44 à 50 ci-dessus, le fait que la Commission ait fait référence à l’article II.22.6 des conditions générales dans la lettre d’information préalable est sans effet sur la qualification juridique de cette opération.

66      Il convient dès lors de rejeter les arguments de la requérante à cet égard.

67      Enfin, la requérante fait valoir que, au cours de l’opération en cause, l’OLAF a fait référence aux conditions générales et à l’adéquation de la documentation alors recueillie avec ces dernières, ce qui, selon elle, démontre que l’opération en cause serait un audit financier. En outre, elle soutient qu’il serait inéquitable qu’elle ne puisse pas obtenir communication de l’intégralité du dossier d’enquête et du rapport de l’OLAF alors que la Commission aurait exigé d’elle le respect des obligations prévues aux articles II.22.2 et II.22.4 des conditions générales.

68      Il convient de souligner que la requérante ne produit aucun élément de preuve permettant d’établir que l’OLAF, au cours de l’opération en cause, a fait application de dispositions procédurales des conditions générales qui seraient applicables à un audit financier, telles que les articles II.22.2 et II.22.4. En effet, la requérante fait uniquement mention de deux résumés des faits qui lui ont été transmis par l’OLAF afin de lui permettre de communiquer des observations, lesquels font référence aux dispositions matérielles des conditions générales. Dès lors que le contrôle de l’OLAF, indépendamment de la qualification juridique des investigations réalisées, portait, en l’espèce, sur la conformité des dépenses déclarées aux dispositions matérielles applicables, à savoir les conditions générales, une telle référence est sans effet quant à ladite qualification.

69      Il ressort de ce qui précède que les irrégularités en cause ont été identifiées au cours d’une enquête de l’OLAF et non d’un audit financier. Le rapport de l’OLAF constitue donc un rapport d’enquête régi par le règlement no 883/2013 et non un rapport provisoire rédigé sur le fondement des résultats obtenus dans le cadre d’un audit financier au sens de l’article II.22.5 des conditions générales.

70      Par ailleurs, la requérante ne saurait soutenir que la protection des documents auxquels elle demande l’accès, qui se fonde sur l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, a pris fin en raison de l’expiration d’un délai raisonnable, à l’issue duquel les documents de l’OLAF ne bénéficient plus de cette exception. Selon la requérante, la fin du délai raisonnable serait la conséquence des suites données au rapport de l’OLAF, telles qu’elles résultent de la transmission de la lettre d’information préalable et des mesures envisagées par la Commission, décrites dans celle-ci.

71      En effet, l’expiration de la protection conférée par une exception au droit d’accès aux documents relève du champ d’application du règlement no 1049/2001.

72      Or, la requérante fonde le présent moyen, présenté dans le cadre d’un litige contractuel, sur les stipulations de l’article II.22.5 des conditions générales (voir point 37 ci-dessus) et non sur la violation dudit règlement.

73      Par conséquent, il convient de rejeter le moyen unique et, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission (voir point 35 ci-dessus), le premier chef de conclusions.

B.      Sur le second chef de conclusions, tendant à contester les créances litigieuses

74      Au soutien de ce chef de conclusions, tendant à contester les mesures de recouvrement et, en conséquence, les deux créances mentionnées au point 12 ci-dessus, la requérante invoque, premièrement, un moyen tiré de l’existence d’erreurs commises par la Commission dans l’appréciation des éléments de preuve qu’elle a transmis et, deuxièmement, deux moyens présentés à titre subsidiaire, tirés, le premier, de la violation du principe de proportionnalité et de la violation de l’article II.22.6 des conditions générales, en vue d’obtenir un nouveau calcul de la première créance, et, le second, de la violation du principe de proportionnalité et de la violation de l’article II.24.1 des conditions générales, en vue de contester la seconde créance.

1.      Sur le premier moyen, tiré d’une erreur d’appréciation des éléments de preuve transmis par la requérante

75      La requérante remet en cause l’appréciation par la Commission des éléments de preuve qu’elle lui a fournis en vue d’établir la participation et les travaux des deux chercheurs dans le cadre du projet litigieux.

76      La requérante conteste le constat de la Commission selon lequel elle a, en raison de l’absence de signature des relevés de temps par les deux chercheurs, violé les articles II.14 et II.15 des conditions générales. En effet, ces dispositions devraient être interprétées en tenant compte des dispositions correspondantes du guide financier relatif aux actions indirectes au titre du septième programme-cadre (ci-après le « guide FP7 »), lesquelles prévoiraient que, en l’absence de relevés de temps, le bénéficiaire de la subvention peut justifier les dépenses déclarées par des éléments de preuve alternatifs donnant un niveau d’assurance équivalent.

77      En l’espèce, la requérante aurait déclaré et demandé le subventionnement des travaux réalisés par deux chercheurs, le premier d’entre eux (ci-après le « chercheur principal ») étant chargé d’encadrer le second (ci-après le « second chercheur »). L’abandon du projet litigieux par le chercheur principal, alors que celui-ci était en cours d’exécution, ainsi que le ressentiment que celui-ci aurait développé envers la requérante auraient rendu impossible l’obtention de sa signature sur ses relevés de temps ainsi que sur ceux du second chercheur, dont il supervisait le travail. Il en résulterait que les relevés de temps des deux chercheurs transmis à la Commission ne porteraient pas l’ensemble des signatures exigées et ne satisferaient pas aux exigences de validité figurant dans les conditions générales.

78      Toutefois, selon la requérante, les éléments de preuve qu’elle a transmis à la Commission fournissent un niveau d’assurance équivalent à la présentation de relevés de temps signés par les deux chercheurs en vue de la réalisation du projet litigieux, de sorte que la Commission aurait dû les apprécier comme tels.

79      La requérante remet en cause l’existence des mesures de recouvrement et des créances mentionnées par la Commission dans la lettre de confirmation et allègue que les dépenses dont le remboursement a fait l’objet de la note de débit relative à la première créance étaient réelles. Bien que les relevés de temps n’aient pas été signés par le chercheur principal, la requérante aurait fourni des éléments de preuve alternatifs dont la prise en compte conjointe fournirait un niveau de garantie équivalent à des relevés de temps.

80      En premier lieu, il convient de rappeler le cadre juridique applicable aux relations contractuelles entre les parties, tel qu’il résulte de la jurisprudence et des stipulations contractuelles telles qu’interprétées par le guide FP7. En second lieu, il conviendra d’examiner les conséquences à en tirer dans la situation de l’espèce.

a)      Règles de droit applicables aux parties contractantes

1)      Sur les obligations auxquelles sont soumis les bénéficiaires d’une subvention en vertu de la jurisprudence

81      La Commission est liée, conformément à l’article 317 TFUE, par l’obligation de bonne et saine gestion financière des ressources de l’Union. Elle a notamment l’obligation de contrôler que les moyens budgétaires de l’Union sont utilisés conformément aux fins prévues. En vertu de cette obligation, dans les conventions de subvention que la Commission conclut au nom et pour le compte de l’Union, elle soumet l’octroi de la subvention à des conditions qui garantissent que la contribution financière de l’Union sert effectivement à financer le projet pour l’exécution duquel cette contribution a été octroyée (voir arrêt du 8 mars 2018, Rose Vision/Commission, T‑45/13 RENV et T‑587/15, non publié, EU:T:2018:124, point 163 et jurisprudence citée).

82      Il convient de rappeler qu’un financement accordé par l’Union ne constitue ni la contrepartie de la réalisation du projet visé par la convention de subvention (arrêt du 28 février 2019, Alfamicro/Commission, C‑14/18 P, EU:C:2019:159, point 68), ni la rémunération du travail effectué, mais une subvention du projet en cause, dont le versement est soumis à des conditions précises, définies contractuellement (voir arrêt du 20 octobre 2021, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, T‑191/16, non publié, EU:T:2021:707, point 80 et jurisprudence citée).

83      Ainsi, le financement de l’Union a vocation à couvrir uniquement des coûts éligibles, tels que définis dans le contrat (voir arrêt du 20 octobre 2021, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, T‑191/16, non publié, EU:T:2021:707, point 80 et jurisprudence citée).

84      Pour que le bénéficiaire de la subvention acquière un droit définitif au paiement de la contribution financière, il ne suffit pas que le projet et l’action aient été bien exécutés sur le plan technique. Il faut également que l’intéressé ait respecté les obligations financières qui lui incombaient afin de permettre à la Commission de vérifier, notamment, si les coûts déclarés étaient effectivement justifiés (voir arrêt du 20 octobre 2021, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, T‑191/16, non publié, EU:T:2021:707, point 83 et jurisprudence citée).

85      S’agissant en particulier des frais de personnel, en vertu de la jurisprudence, ceux-ci ne peuvent être remboursés à la partie qui a déclaré des coûts à la Commission pour l’attribution d’une contribution financière de l’Union qu’à condition qu’elle ait démontré notamment leur réalité et leur lien avec les conventions de subvention litigieuses (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2021, Datax/REA, T‑381/20, non publié, EU:T:2021:932, points 52 et 56 et jurisprudence citée).

2)      Sur les stipulations contractuelles

86      Il convient de relever que, aux termes de l’article 9, premier alinéa, de la convention de subvention, « cette [dernière] est régie par les termes de cette convention de subvention, les actes de […] l’Union européenne relatifs au [septième programme-cadre], le règlement [(UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1)] et ses règles de mise en œuvre ainsi que les autres dispositions du droit de […] l’Union européenne et, à titre subsidiaire, par le droit belge ».

87      Aux termes de l’article II.18.3 des conditions générales, « [l]a contribution financière de [l’Union] […] ne peut donner lieu à un profit pour aucun bénéficiaire » de la subvention.

88      En ce qui concerne le remboursement des frais de personnel du bénéficiaire de la subvention, l’article II.15 des conditions générales stipule que, « [p]our ce qui est des frais de personnel, seuls peuvent être comptabilisés les coûts des heures effectivement travaillées au titre du projet par les personnes effectuant directement les travaux »

89      En outre, l’article II.16 des conditions générales prévoit que, « [p]our les projets de recherche et développement technologique, la contribution financière de [l’Union] […] peut atteindre un maximum de 50 % du total des coûts éligibles » et que, « pour les bénéficiaires qui sont des structures sans but lucratif […], le taux peut atteindre un maximum de 75 % du total des coûts éligibles ».

90      Ainsi, l’article II.14 des conditions générales prévoit que, pour être considérés comme éligibles et ainsi être pris en compte dans le calcul de la subvention à laquelle le bénéficiaire de la subvention a le droit en vertu de l’article II.16 des conditions générales, les coûts déclarés par le bénéficiaire de la subvention doivent, notamment, être réels et être utilisés dans le seul but de permettre la réalisation des objectifs du projet et des résultats prévus.

91      Il convient de préciser que les conditions générales ne prévoient pas le recours à des relevés de temps.

92      Toutefois, la Commission, dans la lettre d’information préalable, et la requérante, dans la requête, ont fait mention de l’existence de relevés de temps figurant dans le guide FP7. Ainsi qu’il ressort de l’avant-propos du guide FP7, ce dernier avait été rédigé par la Commission en vue d’aider les bénéficiaires de subvention dans le cadre dudit programme-cadre à comprendre et à interpréter les conditions générales applicables aux conventions de subventions relevant de celui-ci.

3)      Sur le guide FP7

93      Selon la jurisprudence, si un tel guide n’a pas de valeur contraignante, il relève du contexte dans lequel la convention de subvention a été conclue tant d’un point de vue temporel, dans la mesure où il préexistait à la signature de celle-ci, que d’un point de vue matériel, dans la mesure où il est destiné à aider les participants au septième programme-cadre à comprendre et à interpréter les stipulations financières de la convention de subvention conclue avec la Commission et à leur fournir des conseils pratiques (voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 2017, Alfamicro/Commission, T‑831/14, non publié, EU:T:2017:804, point 104, et du 20 octobre 2021, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, T‑191/16, non publié, EU:T:2021:707, point 90).

94      En outre, en vertu du principe d’exécution de bonne foi des contrats, tel qu’il résulte de l’article 1134, troisième alinéa, du code civil belge, applicable en l’espèce sur ce point (voir point 86 ci-dessus), en l’absence de principes équivalents énoncés par le texte de la convention de subvention et par le droit applicable en l’espèce à titre principal, en vertu de la clause compromissoire prévue à l’article 9, premier alinéa, de la convention de subvention, les indications fournies dans le guide FP7 doivent être prises en compte aux fins de l’interprétation de la convention de subvention (voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 2021, Ayuntamiento de Quart de Poblet/Commission, T‑539/18, non publié, EU:T:2021:123, point 57, et du 20 octobre 2021, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, T‑191/16, non publié, EU:T:2021:707, point 90).

95      Par ailleurs, les parties ne contestent pas le caractère applicable du guide FP7 aux fins de l’interprétation des stipulations de la convention de subvention.

96      Il convient donc, en l’espèce, de tenir compte du guide FP7 afin d’apprécier la conformité des relevés de temps des deux chercheurs aux stipulations de la convention de subvention. La version du guide FP7 qu’il convient de prendre en compte à cette fin est celle du 22 novembre 2013 (voir point 4 ci-dessus). Ce document précise, dans sa partie introductive, que son objectif est d’aider les participants à comprendre et à interpréter les dispositions financières des conditions générales relatives au septième programme-cadre auxquelles ils souscrivent et que seules les dispositions de la convention de subvention sont contraignantes.

97      Le guide FP7 précise que le « temps de travail pouvant être facturé doit être enregistré tout au long de la durée du projet par des relevés de temps, soutenus de manière appropriée par les preuves de leur réalité et de leur fiabilité ». Le guide FP7 indique également que les employés impliqués dans la réalisation du projet subventionné « doivent enregistrer leur temps de travail sur une base quotidienne, hebdomadaire, ou mensuelle au moyen d’un système papier ou numérique ».

98      Le guide FP7 ajoute que, « [e]n l’absence de relevés de temps, le bénéficiaire doit justifier les coûts imputés par des moyens raisonnables (preuves alternatives) fournissant un niveau équivalent de garantie ».

99      Il ressort de cette disposition que le recours à des relevés de temps n’est pas obligatoire et que le bénéficiaire de la subvention dispose d’un choix entre la justification des coûts au moyen de la production de tels documents ou du recours à des preuves alternatives.

100    Dès lors, en vertu du guide FP7, lorsque le choix du bénéficiaire est de justifier des heures travaillées par des relevés de temps, ceux-ci doivent remplir certaines exigences minimales telles que la mention du « [n]om complet et [de la] signature de l’employé contribuant directement au projet de [recherche et développement technologique] » et du « [n]om complet et [de la] signature d’un superviseur (personne chargée du projet) ». Le guide FP7 précise également que « [l]es relevés de temps doivent être approuvés par le gestionnaire du projet ou un autre supérieur hiérarchique ».

4)      Sur la charge de la preuve

101    Ainsi qu’il a été rappelé au point 85 ci-dessus, il ressort de la jurisprudence que les frais de personnel ne peuvent être remboursés à la partie qui a déclaré des coûts à la Commission pour l’attribution d’une contribution financière de l’Union qu’à condition qu’elle ait démontré leur réalité et leur lien avec les conventions de subvention litigieuses.

102    Ce n’est que dans l’hypothèse où la partie qui a déclaré les coûts apporte des informations fiables, permettant de vérifier la réalité de ces coûts et leur lien avec le projet subventionné, par des relevés de temps et d’autres renseignements pertinents, qu’il incombe à la Commission de démontrer qu’il y a lieu d’écarter les dépenses litigieuses en justifiant leur rejet notamment parce que les relevés de temps ne sont pas exacts ou crédibles (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2021, Datax/REA, T‑381/20, non publié, EU:T:2021:932, point 57 et jurisprudence citée).

103    Lorsqu’un rapport de l’OLAF contient des indices précis de nature à susciter un doute sur le fait que le temps de travail déclaré remplit les conditions d’éligibilité, il appartient au bénéficiaire de la subvention de rapporter la preuve que lesdites conditions ont, au contraire, été respectées (voir, par analogie, arrêt du 22 octobre 2020, EKETA/Commission, C‑274/19 P, non publié, EU:C:2020:853, point 64).

b)      Application des règles de droit en l’espèce 

104    Dans les conclusions du rapport de l’OLAF (voir point 11 ci-dessus), ce dernier a considéré que les relevés de temps des deux chercheurs transmis par la requérante dans le cadre du projet litigieux ne répondaient pas aux exigences du septième programme-cadre. Il a estimé qu’aucune preuve convaincante de la participation de ceux-ci audit projet n’avait été fournie. L’OLAF a constaté qu’un troisième chercheur avait contribué à celui-ci sans que son temps de travail soit comptabilisé et facturé en raison de son implication dans un autre projet dont le financement exigeait une implication à plein temps.

105    La Commission a considéré, à l’annexe I de la lettre d’information préalable (voir point 12 ci-dessus), que les faits établis dans le rapport de l’OLAF constituaient une violation des articles II.14 et II.15 des conditions générales. Selon elle, le système d’enregistrement du temps de travail de la requérante n’était pas fiable. Elle a également estimé que la requérante n’avait pas été en mesure de fournir des éléments de preuve alternatifs permettant de prouver quelles étaient les personnes qui avaient directement effectué les travaux dans le cadre du projet litigieux et de quantifier le temps de travail consacré à celui-ci.

106    Il convient de relever que le guide FP7, dont il a été rappelé aux points 93 à 96 ci-dessus qu’il devait être pris en compte pour l’interprétation des dispositions précitées, précise que le temps de travail doit être enregistré tout au long de la durée du projet par des relevés de temps, soutenus de manière appropriée par les preuves de leur réalité et de leur fiabilité. Ainsi qu’il a été rappelé au point 98 ci-dessus, en l’absence de relevés de temps, le bénéficiaire de la subvention doit justifier les coûts imputés par des moyens raisonnables (preuves alternatives) fournissant un niveau équivalent de garantie.

107    Le bénéficiaire de la subvention peut donc prouver la réalité des heures de travail dont le subventionnement du coût est demandé de deux manières, soit au moyen de relevés de temps, soit en recourant à des éléments de preuve alternatifs.

1)      Sur la conformité des relevés de temps

108    Dans le cadre du projet litigieux, la requérante a transmis des relevés de temps concernant le temps de travail des deux chercheurs.

109    Les relevés de temps qui concernent le chercheur principal et couvrent la période de janvier 2014 à décembre 2015 ne sont revêtus d’aucune signature. Ceux qui concernent le second chercheur et couvrent la période de janvier 2014 à septembre 2016 sont revêtus de la signature de ce dernier, mais aucune signature d’un superviseur n’y figure.

110    Au regard des considérations exposées aux points 93, 97 et 100 ci-dessus, il convient de conclure que ces relevés ne sont pas conformes aux conditions générales.

2)      Sur les éléments de preuve produits par la requérante

111    Ainsi qu’il ressort du point 103 ci-dessus, dès lors que le rapport de l’OLAF contenait des indices précis de nature à susciter un doute sur le fait que le temps de travail déclaré ne remplissait pas les conditions d’éligibilité prévues par les conditions générales, il appartenait à la requérante de démontrer, au moyen d’éléments probants, que les conditions d’éligibilité avaient été respectées.

112    Dans ses observations formulées en réponse à la lettre d’information préalable (voir point 13 ci-dessus), la requérante a décrit le contenu de plusieurs documents, qu’elle a fournis en annexe à celles-ci, en vue de démontrer la participation des deux chercheurs.

113    Dans l’annexe I de la lettre de confirmation (voir point 14 ci-dessus), la Commission a écarté la prise en compte de ces documents au motif qu’ils ne permettaient pas d’identifier un nombre spécifique d’heures durant lesquelles les chercheurs avaient travaillé sur le projet litigieux. Elle a joint un « glossaire des annexes » (voir point 14 ci-dessus) précisant, pour chacun des documents transmis, les motifs de ce rejet.

114    Bien que la requérante reconnaisse que les relevés de temps des deux chercheurs transmis à la Commission ne satisfont pas aux exigences de validité figurant dans les conditions générales, elle conteste l’appréciation effectuée par la Commission des éléments de preuve transmis. Selon elle, leur examen aurait dû conduire la Commission à considérer que ceux-ci fournissaient un niveau de garantie équivalent à des relevés de temps et permettaient de prouver la participation des deux chercheurs au projet litigieux ainsi que le temps de travail effectué.

115    Il convient d’examiner les éléments de preuve soumis à l’appréciation du Tribunal.

i)      Sur l’objet des éléments de preuve alternatifs

116    À titre liminaire, il convient de rappeler l’objet des éléments de preuve alternatifs au sens du guide FP7.

117    Il ressort de la jurisprudence et des stipulations de la convention de subvention citées aux points 81 à 90 ci-dessus que, pour acquérir un droit définitif au paiement d’une contribution financière, il ne suffit pas que le bénéficiaire de ladite contribution établisse la réalisation de l’objet de la convention de subvention ou démontre la réalité de la participation des personnes déclarées comme effectuant directement les travaux de manière générale au projet en cause. En effet, il revient au bénéficiaire d’établir la réalité des coûts déclarés et leur lien avec le projet.

118    En matière de coûts de personnel relatifs aux heures effectivement travaillées par les personnes effectuant directement les travaux concernés, cette obligation implique que, afin de pouvoir être prises en compte en tant qu’éléments de preuve alternatifs au sens du guide FP7, les pièces produites par le bénéficiaire de la subvention soient de nature à justifier, de manière équivalente à des relevés de temps, la réalité des heures de travail consacrées au projet par les personnes effectuant directement les travaux dans le cadre de celui-ci ainsi que le lien entre lesdites heures et la réalisation du projet.

119    Ainsi, dès lors que le guide FP7 précise que les coûts imputés doivent être justifiés par des moyens raisonnables, les pièces produites ne doivent pas nécessairement, pour être probantes, réunir l’ensemble des caractéristiques des relevés de temps décrites par ledit guide.

120    Toutefois, ces éléments de preuve doivent présenter, selon le guide FP7 (voir points 98 et 106 ci-dessus), un niveau de garantie équivalent à de tels relevés.

121    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si les pièces produites par la requérante constituent des éléments de preuve alternatifs à des relevés de temps.

ii)    Sur les éléments de preuve, alternatifs à des relevés de temps, du temps de travail accompli par les deux chercheurs

122    Premièrement, la requérante se prévaut de la cohérence existant entre les relevés de temps, la période de travail des chercheurs déclarée à la Commission et les dépenses déclarées à cette dernière.

123    Il convient de rappeler qu’il a été conclu, au point 110 ci-dessus, à l’absence de conformité des relevés de temps aux conditions générales. Il convient toutefois d’examiner si ceux-ci peuvent constituer des éléments de preuves alternatifs qui démontreraient, par leur contenu, la réalité du temps de travail fourni.

124    La requérante fait valoir que les relevés de temps ont été saisis par l’OLAF lors de l’inspection qu’il a menée dans ses locaux. Eu égard au caractère inopiné de cette inspection, la saisie de ces documents au cours de cette dernière serait susceptible d’établir leur authenticité. Il convient, toutefois, de relever que la saisine desdits documents au cours d’une inspection inopinée ne suffit pas à établir la réalité de leur contenu. En effet, les défauts tenant à l’absence de signature qui affectent ces documents ne permettent pas d’attester que les deux chercheurs ont certifié la réalité du contenu des relevés de temps et de considérer leur contenu comme authentique. En outre, la requérante n’a pas fourni d’éléments de preuve de nature à permettre, à défaut de signature, de considérer que les deux chercheurs avaient confirmé la réalité dudit contenu. Elle n’a dès lors pas démontré que lesdits relevés présenteraient un niveau de garantie équivalent à des relevés de temps régulièrement signés.

125    En outre, la seule correspondance entre les relevés de temps, les mois de travail déclarés par la requérante à la Commission et les dépenses déclarées ne permet pas de compenser cette insuffisance de preuve.

126    D’une part, bien que les mois mentionnés sur les relevés de temps correspondent aux mois de travail déclarés, dans le cadre du projet litigieux, auprès de la Commission, cette identité ne suffit pas à démontrer la réalité du temps de travail déclaré dans les relevés. En effet, le fait que la requérante ait informé la Commission des mois au cours desquels ses deux chercheurs auraient travaillé ne démontre pas, à lui seul, la réalité de ce temps de travail, cette information constituant une simple affirmation de sa part et ne s’appuyant sur aucun élément de preuve. En outre, même en présumant l’authenticité de l’information que constituerait la déclaration des mois de travail des deux chercheurs par la requérante, la prise en compte de manière conjointe de celles-ci avec des relevés de temps incomplets permettrait uniquement de préciser les mois au cours desquels les deux chercheurs auraient travaillé et non le volume horaire de travail précis qui justifierait le montant des dépenses engagées.

127    D’autre part, en l’absence d’élément d’authentification des relevés de temps, par l’apposition de la signature de l’employé et du superviseur, la concordance des informations en cause ne suffit pas à écarter le risque que lesdits relevés aient été produits a posteriori en méconnaissance de l’obligation, rappelée au point 97 ci-dessus, d’enregistrer le temps de travail tout au long de la durée du projet.

128    Il convient donc de rejeter l’argumentation de la requérante concernant la correspondance du contenu des relevés de temps avec les mois de travail et les dépenses déclarés auprès de la Commission.

129    Deuxièmement, la requérante a produit trois documents internes détaillant, le premier, le nombre d’heures de travail effectuées par les deux chercheurs et les dépenses correspondantes déclarées dans le cadre du projet litigieux jusqu’au mois de juillet 2014, le deuxième, le nombre d’heures de travail effectuées par les deux chercheurs et les dépenses correspondantes déclarées dans le cadre du projet litigieux jusqu’au mois de juin 2015 et, le troisième, l’ensemble des frais de personnel des deux chercheurs pour la période d’exécution dudit projet.

130    Toutefois, ainsi qu’il a été rappelé aux points 118 et 120 ci-dessus, les éléments de preuve qui peuvent être produits en l’absence de relevés de temps doivent présenter un niveau de garantie équivalent à ces relevés pour permettre d’établir, d’une part, l’existence des coûts déclarés par l’entité chargée de l’exécution du projet et, d’autre part, le lien entre lesdits coûts et la réalisation du projet.

131    En l’espèce, les documents en cause sont des documents internes, dépourvus de date et de signature, de sorte que leur élaboration peut, tout autant que celle des relevés de temps incomplets, avoir été réalisée a posteriori et non tout au long de la durée du projet litigieux, ce qui, ainsi qu’il a été rappelé au point 97 ci-dessus, est contraire aux conditions générales. Il convient donc de conclure que les documents en cause ne fournissent pas un niveau de garantie équivalent à des relevés de temps régulièrement datés et signés. L’éventuelle correspondance entre les contenus des relevés de temps et de ces documents est sans effet à cet égard.

132    Par ailleurs, il convient de relever que les documents produits présentent un niveau de détail inférieur à celui qui est exigé des relevés de temps, les heures de travail et les coûts liés à celles-ci étant présentés de manière globale pour chaque mois et non détaillés par volume horaire quotidien comme dans les relevés de temps. Bien que la convention de subvention, telle qu’interprétée par le guide FP7, n’impose pas que les heures de travail des personnes directement impliquées dans les travaux soient mentionnées sur une base quotidienne dans les relevés de temps, mais se contente de conseiller une telle pratique, il convient de relever que le fait de mentionner lesdites heures sur une base mensuelle réduit, en raison de son degré de précision limité, le niveau de garantie attachée au document.

133    Troisièmement, la requérante a produit un tableur détaillant, sous la forme de plusieurs tableaux, les dépenses liées au projet litigieux que constituent, d’une part, les frais de voyage et, d’autre part, les frais de personnel comprenant la rémunération horaire des deux chercheurs. S’agissant des frais de voyage, un tableau mentionne, sous plusieurs entrées, plusieurs dépenses en lien avec des voyages réalisés par le chercheur principal en vue de la participation à deux réunions. Si la lecture d’autres pièces justificatives, présentées aux annexes A 51 et A 52 de la requête, permet d’identifier l’objet de ces réunions ainsi que, s’agissant du « review meeting » du 9 juin 2015 (voir point 155 ci-après), le nombre d’heures de travail correspondant à la participation à cette réunion, la requérante n’explique pas en quoi la mention, dans le tableur, des coûts correspondant à ces voyages serait de nature à démontrer la réalité de ces heures de travail.

134    S’agissant des informations figurant dans le document concernant les frais de personnel, il convient de relever que la rémunération horaire des deux chercheurs est sans influence sur la démonstration du temps de travail effectué par ceux-ci. La seule information contenue dans ce document relative à ce dernier paramètre est constituée par plusieurs totaux comptabilisant le nombre d’heures de travail sans que le document permette d’établir la période au cours de laquelle ces heures de travail auraient été réalisées. Il ne permet donc pas de justifier de la réalité d’un temps de travail donné. Par ailleurs, ce document ne comporte aucun élément qui permettrait de garantir la réalité de son contenu, tel qu’une date et une signature. Ce document ne fournit donc pas un niveau de garantie équivalent à des relevés de temps régulièrement signés.

135    Quatrièmement, la requérante a produit un tableau détaillant l’ensemble des projets réalisés par les deux chercheurs entre 2011 et 2017, au nombre desquels figure le projet litigieux. Toutefois, ce tableau ne fait que mentionner les périodes couvertes par la réalisation de chacun de ces projets sans indiquer le temps de travail qui a été consacré au projet litigieux par chacun des deux chercheurs. En outre, la requérante n’explique pas en quoi ce document démontrerait la réalité des heures de travail correspondant aux dépenses facturées. Ce document ne permet donc pas d’établir la réalité du temps de travail des deux chercheurs.

136    Cinquièmement, la requérante fait valoir que les rapports intermédiaire et final du projet litigieux permettent d’établir la participation des deux chercheurs au projet litigieux dans la mesure où ces deux documents ont nécessairement été élaborés par ceux-ci. Il convient de souligner que la requérante ne mentionne pas la durée totale du temps de travail dont ces pièces permettraient de justifier la réalité. En effet, elle soutient que ces documents démontrent de manière générale la participation des deux chercheurs à la réalisation du projet, alors qu’il découle des points 117 et 118 ci-dessus que les éléments de preuve alternatifs n’ont pas pour objet de démontrer une participation des personnes déclarées comme effectuant directement les travaux de manière générale au projet litigieux, mais la réalité et le lien avec ce dernier d’un nombre précis d’heures de travail. Dès lors, ces documents ne constituent pas des éléments de preuve alternatifs au sens du guide FP7.

iii) Sur les éléments de preuve concernant le chercheur principal

137    Premièrement, la requérante souligne que les documents relatifs à l’emploi du chercheur principal, à savoir ses contrats de travail et des documents administratifs qu’elle présente comme des justificatifs de sa rémunération dans le cadre de l’exécution du projet litigieux, prouvent que l’intéressé faisait partie de son personnel.

138    Il convient de relever que les contrats de travail du chercheur principal, dans lesquels sont mentionnés les noms et signatures de la requérante et du chercheur principal, contiennent des informations relatives aux modalités de travail de ce dernier en tant que chercheur dans le cadre d’une relation d’emploi. Les documents administratifs que la requérante présente comme des justificatifs de la rémunération dudit chercheur dans le cadre du projet litigieux contiennent, outre le nom de la requérante, plusieurs informations d’ordre administratif ainsi que des sommes correspondant à des cotisations sociales. Ces documents démontrent donc l’existence du lien d’emploi entre ledit chercheur et la requérante. Toutefois, le lien invoqué entre le chercheur principal et le projet litigieux ne ressort pas de ceux-ci. En effet, ces documents ne font pas référence à ce projet, de sorte qu’il n’en résulte pas qu’ils auraient été conclus en vue de la réalisation de celui-ci. Ils ne permettent donc pas d’établir le temps de travail consacré par le chercheur principal au projet litigieux.

139    S’agissant des documents que la requérante présente comme des justificatifs de la rémunération du chercheur principal dans le cadre du projet litigieux, il convient de relever que le nom de celui-ci n’y figure pas. La requérante n’ayant pas démontré que ces documents permettaient d’établir la réalité des heures travaillées et leur lien avec le projet litigieux, ceux-ci ne peuvent constituer des éléments de preuve alternatifs à des relevés de temps.

140    Deuxièmement, la requérante fait valoir que la lettre de démission du chercheur principal montre expressément son intention de quitter l’entité à la date du 31 décembre 2015. Il convient de relever que ladite lettre n’apporte aucune information relative au temps de travail effectué par son auteur. Ce document, s’il permet de déterminer à quelle date ledit chercheur a mis fin à sa collaboration avec la requérante dans le cadre du projet litigieux, ne permet pas d’établir le temps de travail qu’il aurait fourni dans le cadre de celui-ci. Eu égard à l’objet des éléments de preuve alternatifs au sens du guide FP7, ce document ne saurait être qualifié comme tel.

141    Troisièmement, la requérante soutient que trois articles scientifiques cosignés par le chercheur principal démontrent sa participation aux travaux réalisés dans le cadre du projet litigieux. Plusieurs éléments seraient probants à cet égard. D’abord, le fait qu’il soit le dernier cosignataire de deux des trois articles signifierait qu’il en est l’auteur principal. Ensuite, l’objet des articles serait en rapport direct avec ledit projet. Enfin, l’indication explicite qu’il travaillait pour la requérante figurerait dans deux des trois articles.

142    Il convient de relever que la requérante n’a pas démontré le lien entre l’objet des articles et le projet litigieux, lequel ne ressort pas avec évidence de leur contenu, en raison de la technicité des sujets en cause, et n’est par ailleurs pas explicité par elle dans la requête. En outre, elle ne précise pas le volume de temps de travail que ces pièces seraient susceptibles de justifier. La requérante n’a donc pas démontré que le contenu desdits articles, bien que cosignés par le chercheur principal, était de nature à justifier la réalité d’un certain nombre d’heures de travail facturées auprès de la Commission dans le cadre du projet litigieux. Ces documents ne peuvent donc être pris en compte en tant qu’éléments de preuve alternatifs au sens du guide FP7.

143    Quatrièmement, la requérante expose que plusieurs échanges de courriers électroniques entre le chercheur principal et un employé de l’entreprise coordinatrice du projet litigieux (voir point 4 ci-dessus) démontrent la participation active du premier audit projet.

144    Le premier de ces trois échanges de courriers électroniques concerne la participation du chercheur principal à la réunion « Compose3 Kickoff » du 21 novembre 2013. En réponse à un premier courrier électronique envoyé par un employé de l’entreprise coordinatrice du projet litigieux, du 7 novembre 2013, qui lui transmettait l’ordre du jour de cette réunion, le chercheur principal lui a demandé, par un second courrier électronique du 25 novembre 2013, de lui transmettre un document justifiant sa participation à celle-ci. Il convient de relever que la requérante n’expose pas le temps de travail que cet échange démontrerait. Celui-ci ne constitue donc pas un élément de preuve alternatif au sens du guide FP7.

145    Dans le deuxième échange de courriers électroniques, par un premier message, du 30 avril 2015, rédigé par un employé de l’entreprise coordinatrice du projet litigieux, celui-ci a transmis des informations sur les modalités de l’examen du projet et de la production de rapports périodiques et financiers dans le cadre du projet litigieux. En réponse à ce premier message, le chercheur principal, par un second courrier électronique, du 15 mai 2015, a interrogé ledit employé dans les termes suivants : « Est-ce que ce rapport est ok et correspond à ce dont tu as besoin ? », semblant désigner un document en pièce jointe, sans que le titre de la pièce jointe figure dans le document transcrivant l’échange de messages, ni que ladite pièce ait été transmise par la requérante, ni, enfin, que son contenu soit précisé dans le courrier électronique. La requérante fait valoir en substance que ce « rapport » est la contribution du chercheur principal à la préparation du rapport intermédiaire, produit par le consortium à l’intention de la Commission (voir point 136 ci-dessus). Dans un troisième message, envoyé au chercheur principal le même jour, l’employé de l’entreprise coordinatrice du projet litigieux lui transmet une réponse d’ordre technique que la requérante présente comme la description des étapes suivantes du projet litigieux sans toutefois que ledit projet ou le rapport en question soient cités.

146    Il convient de relever que la requérante n’indique pas de volume horaire correspondant au temps de travail dont attesteraient lesdits échanges. Selon elle, ces documents justifient la participation active du chercheur principal au projet. Toutefois, ainsi qu’il a été rappelé aux points 117 et 118 ci-dessus, l’objet des éléments de preuve alternatifs n’est pas de démontrer la réalité de la participation des personnes déclarées comme effectuant directement les travaux de manière générale au projet en cause, mais d’établir la réalité du temps de travail desdites personnes et son lien avec ledit projet. Ainsi, en l’absence d’identification d’un volume précis d’heures de travail correspondant aux documents en cause, il n’est pas possible de déterminer la part du temps de travail correspondant aux dépenses déclarées à la Commission par la requérante qui serait ainsi justifiée. Il convient donc de rejeter l’argumentation de la requérante. En outre, il y a lieu de relever que le « rapport » présenté comme ayant été joint au courrier électronique en cause faisant défaut, il n’est pas démontré que celui-ci contenait la contribution du chercheur principal à la préparation du rapport intermédiaire évoqué par la requérante. La réalité des heures de travail prétendument consacrées par le chercheur principal à la rédaction dudit rapport n’est donc pas démontrée.

147    Dans le troisième échange de courriers électroniques, le chercheur principal a adressé un message, du 12 septembre 2015, à plusieurs destinataires, dont un employé de l’entreprise coordinatrice du projet litigieux, en vue de les informer de la fin de sa participation au projet litigieux. Dans un second courrier électronique, du 23 décembre 2015, ledit employé a pris acte de ce départ.

148    Il convient de constater que la requérante n’explique pas en quoi ce troisième échange permet de démontrer l’implication du chercheur principal dans la réalisation d’une tâche particulière nécessitant la mobilisation d’une quantité spécifique d’heures de travail. En effet, dans cet échange, le chercheur principal se contente d’informer le coordinateur du projet de la fin de sa contribution à ce dernier, ce qui n’implique pas la réalisation d’un travail.

149    Ainsi, il découle de ce qui précède que les trois échanges de courriers électroniques transmis par la requérante ne peuvent pas être pris en compte en tant qu’éléments de preuve alternatifs à des relevés de temps.

150    Cinquièmement, la requérante fournit des documents relatifs à plusieurs déplacements du chercheur principal destinés à lui permettre d’assister à des réunions organisées dans le cadre du projet litigieux, à savoir des fiches de frais de voyage, l’ordre du jour de réunions et des factures relatives aux frais de transport, d’hôtels ou de restaurants correspondants.

151    Selon la requérante, ces documents permettent d’établir la participation du chercheur principal au projet litigieux.

152    Il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été indiqué au point 117 ci-dessus, l’objet des éléments de preuve alternatifs au sens du guide FP7 n’est pas d’établir la réalisation de l’objet de ladite convention, ni de démontrer la réalité de la participation des personnes déclarées comme effectuant directement les travaux de manière générale au projet en cause.

153    La question de savoir si les documents en cause permettent de démontrer la participation du chercheur principal au projet litigieux est donc dénuée de pertinence aux fins de démontrer la réalité des coûts déclarés par la requérante.

154    En revanche, il importe de déterminer si ces documents permettent d’établir le déplacement du chercheur principal pour se rendre aux réunions en question et de justifier la réalité du temps de travail correspondant à sa participation à celles-ci.

155    L’ensemble des documents transmis tendent à justifier la participation du chercheur principal à quatre réunions, à savoir la réunion « Compose3 Kickoff » du 21 novembre 2013, la réunion de consortium du 4 décembre 2014, la « réunion de printemps E-MRS 2015 » du 11 au 15 mai 2015 et le « review meeting » du 9 juin 2015.

156    D’abord, il y a lieu de constater que la réunion « Compose3 Kickoff » a eu lieu au mois de novembre 2013, alors que la requérante affirme n’être intervenue dans le projet qu’à partir du mois de janvier 2014. L’échange de courriers électroniques (voir point 144 ci-dessus) relatif à la réunion « Compose3 Kickoff » n’est pas de nature à remettre en cause ce constat. Ensuite, ni le lien de la « réunion de printemps E-MRS 2015 » avec le projet litigieux ni le nombre d’heures de travail auxquelles cette réunion correspond ne ressortent des documents fournis et des explications de la requérante.

157    Enfin, s’agissant de la participation du chercheur principal à la réunion de consortium du 4 décembre 2014 et au « review meeting » du 9 juin 2015, il convient de relever que le contenu des pièces relatives à chacune de ces réunions coïncide en ce qui concerne les lieux et dates, de sorte que celles-ci permettent d’établir le déplacement du chercheur principal pour se rendre aux deux réunions en question.

158    Toutefois, il convient de relever que la requérante n’a pas transmis d’élément de preuve susceptible de démontrer la participation effective du chercheur principal aux réunions en cause. Ainsi, celle-ci a justifié le déplacement du chercheur principal dans les villes où se tenaient lesdites réunions, mais n’a pas démontré sa participation effective auxdites réunions et, par conséquent, le temps de travail consacré au projet que représenterait une telle participation.

159    Ainsi, les documents relatifs à ces quatre réunions ne permettent pas d’établir le temps de travail correspondant à des coûts déclarés à la Commission dans le cadre du projet litigieux et ne constituent donc pas des éléments de preuve fournissant un niveau de garantie équivalent à des relevés de temps.

160    Par conséquent, il convient de rejeter les arguments de la requérante.

iv)    Sur les éléments de preuve concernant le second chercheur

161    En premier lieu, la requérante fait valoir que les documents liés à l’emploi du second chercheur prouvent l’existence d’une relation de travail entre ce dernier et elle. Ces documents sont le contrat de travail signé entre la requérante et ledit chercheur, deux communications de prolongation dudit contrat et des documents administratifs que la requérante présente comme des justificatifs de la rémunération dudit chercheur dans le cadre du projet litigieux.

162    Il convient de relever que le contrat de travail et les communications de prolongation de celui-ci, dans lesquels sont inscrits les noms et la signature de la requérante et du second chercheur, contiennent des informations relatives aux modalités de travail de ce dernier en tant que chercheur dans le cadre d’une relation d’emploi. Les documents administratifs que la requérante présente comme des justificatifs de la rémunération dudit chercheur dans le cadre du projet litigieux contiennent, outre le nom de la requérante, plusieurs informations d’ordre administratif ainsi que des sommes correspondant à des cotisations sociales. Les documents en cause permettent donc d’établir l’existence d’un lien d’emploi entre ceux-ci. Toutefois, dans ces documents ne figurent pas d’éléments relatifs à l’implication du second chercheur dans le cadre du projet litigieux. Ainsi, le lien entre le second chercheur et le projet litigieux, en ce qui concerne le temps de travail consacré à ce dernier, ne ressort pas des documents en cause. Ces derniers ne permettent donc pas d’établir le volume d’heures travaillées par le second chercheur dans le cadre du projet litigieux.

163    En deuxième lieu, la requérante invoque l’existence d’une cohérence entre les relevés de temps du second chercheur relatifs au projet litigieux et les relevés de temps de celui-ci relatifs à d’autres projets auxquels il a participé en son sein et avec les documents mentionnés aux points 122 à 136 ci-dessus.

164    La requérante souligne que les autres projets auxquels le second chercheur a travaillé n’ont suscité aucune difficulté. Toutefois, le fait que des relevés de temps aient permis de justifier la réalité des heures de travail correspondant aux coûts facturés par la requérante dans le cadre d’autres projets est sans incidence sur la démonstration de la réalité du temps de travail correspondant aux coûts facturés dans le cadre du projet litigieux. En outre, en ce qui concerne l’absence de contradiction entre les relevés de temps des différents projets, il ne peut être considéré qu’un document décrivant la répartition du volume horaire de travail dudit chercheur dans le cadre d’autres projets, quand bien même celui-ci serait revêtu d’un niveau de garantie suffisant à ce titre, serait de nature à prouver le volume horaire de travail de cette même personne dans le cadre du projet litigieux. Les documents en cause ne permettent donc pas d’établir le temps de travail du second chercheur dans le cadre du projet litigieux.

165    En troisième et dernier lieu, la requérante affirme que le second chercheur a clairement indiqué avoir travaillé au titre du projet litigieux dans le cadre de l’instruction de la procédure préliminaire instruite par le Juzgado de Primera Instancia e Instrucción no 1 de Getafe (tribunal de première instance et d’instruction no 1 de Getafe, Espagne) visant un délit de fraude dans la gestion des fonds européens transférés à la requérante, ainsi qu’il résulterait de l’enregistrement et de la transcription de l’audition de ce chercheur en qualité de témoin.

166    Toutefois, il convient de relever que la fiabilité des relevés de temps du second chercheur est conditionnée à la présence, non seulement de la signature de ce dernier, mais également de celle de son supérieur hiérarchique. Les affirmations du seul second chercheur sont donc dépourvues de force probante quant à la réalité des heures de travail en cause. Il en découle que les documents relatifs à l’audition de celui-ci ne présentent pas un niveau de garantie équivalent à des relevés de temps.

v)      Conclusion sur les éléments de preuve produits par la requérante

167    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que les documents transmis par la requérante ne constituent pas des éléments de preuve alternatifs à des relevés de temps permettant de justifier de la réalité du temps de travail consacré par les deux chercheurs au projet litigieux. La contestation de la première créance n’est donc pas fondée. La requérante n’ayant pas développé d’argumentation spécifique de nature à remettre en cause la seconde créance, dans le cadre de ce moyen, la contestation de celle-ci n’est pas non plus fondée.

168    Ainsi, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité des documents transmis par la requérante au soutien du présent moyen, qui n’auraient pas été auparavant transmis à la Commission, il convient de rejeter le premier moyen.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité et de l’article II.22.6 des conditions générales

169    À l’appui de sa demande, présentée à titre subsidiaire, de réduction du montant de la première créance (voir point 74 ci-dessus), la requérante invoque la violation par la Commission de l’article II.22.6 des conditions générales, résultant de la violation du principe de proportionnalité. La Commission n’aurait pas tenu compte de la possibilité que lui donnait l’article II.22.6 des conditions générales de ne procéder qu’à un recouvrement partiel des subventions versées.

170    En effet, en vertu de la jurisprudence, le principe de proportionnalité devrait régir l’action des institutions de l’Union indépendamment de leur contexte, contractuel ou non. En outre, dès lors que les mesures prévues dans la lettre de confirmation auraient un caractère punitif ainsi qu’un effet négatif sur la situation patrimoniale de la requérante, la Commission aurait dû appliquer le principe de proportionnalité de manière renforcée.

171    La requérante reconnaît que les éléments de preuve les plus récents dont elle dispose concernant la participation du chercheur principal au projet litigieux sont datés du 27 novembre 2015, alors que celui-ci a continué à travailler dans le cadre dudit projet jusqu’au 31 décembre 2015. Ainsi, la prise en compte des éléments de preuve transmis par la requérante aurait exigé la modulation du montant des fonds à rembourser. Seules les dépenses déclarées concernant ce chercheur pour le mois de décembre 2015 pourraient être jugées non éligibles et, dès lors, seul le recouvrement de la somme correspondante de 172,80 euros pourrait être justifié.

172    La Commission conteste les arguments de la requérante.

173    Il convient de relever qu’il résulte de l’article II.22.6 des conditions générales que la Commission peut prendre toutes les mesures appropriées qu’elle considère nécessaires, dont l’émission d’ordres de recouvrement concernant tout ou partie des paiements qu’elle a effectués et l’application de toute sanction applicable.

174    En vertu d’une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité constitue un principe général de droit de l’Union, qui est consacré par l’article 5, paragraphe 4, TUE et qui exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Ce principe a vocation à régir tous les modes d’action de l’Union, qu’ils soient ou non contractuels [arrêt du 24 février 2021, Universität Koblenz-Landau/EACEA, T‑108/18, EU:T:2021:104, point 150 (non publié) ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 mai 2004, Distilleria Palma/Commission, T‑154/01, EU:T:2004:154, point 44 et jurisprudence citée], étant donné que, dans le contexte de l’exécution d’obligations contractuelles, le respect de ce principe participe de l’obligation plus générale des parties à un contrat de l’exécuter de bonne foi (voir arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑166/17, non publié, EU:T:2019:26, point 52 et jurisprudence citée).

175    En vertu du droit belge, applicable à titre subsidiaire à la convention de subvention en vertu de l’article 9, premier alinéa, de la convention de subvention (voir point 86 ci-dessus), l’obligation d’exécuter de bonne foi les conventions interdit à une partie d’exercer un droit d’une manière qui excède manifestement les limites de l’exercice normal de ce droit par une personne prudente et diligente (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑166/17, non publié, EU:T:2019:26, point 52 et jurisprudence citée).

176    L’article II.22.6 des conditions générales, sur lequel la Commission s’est fondée, dans la lettre de confirmation, pour demander le paiement des créances litigieuses, permet de limiter le recouvrement à une partie seulement des paiements effectués au bénéficiaire d’une convention de subvention.

177    Il convient de relever que le présent moyen repose sur la prémisse selon laquelle les documents que la requérante a transmis constituent des éléments de preuve alternatifs à des relevés de temps et établissent la réalité des coûts de personnel et des frais indirects liés qu’elle a déclarés.

178    Or, ainsi qu’il a été établi au point 167 ci-dessus, les documents transmis par la requérante ne constituent pas les éléments de preuve alternatifs à des relevés de temps au sens du guide FP7 en l’absence de tels relevés et, dès lors, les dépenses de personnel de la requérante et les dépenses indirectes liées ne sont pas éligibles au sens de l’article II.14 des conditions générales.

179    Il convient de rappeler que la Commission est tenue, aux termes de l’article 317 TFUE, de respecter le principe de bonne gestion financière. Elle veille également à la protection des intérêts financiers de l’Union dans l’exécution du budget de celle-ci. Il en est de même en matière contractuelle, dès lors que les subventions accordées par la Commission sont issues du budget de l’Union. Selon un principe fondamental régissant les aides accordées par l’Union, celle-ci ne peut subventionner que des dépenses effectivement engagées (voir arrêt du 28 février 2019, Alfamicro/Commission, C‑14/18 P, EU:C:2019:159, point 65 et jurisprudence citée).

180    Par conséquent, la Commission ne peut pas, sans porter atteinte auxdits principes établis par le traité FUE, approuver une dépense à charge du budget de l’Union sans fondement juridique. Or, lorsque la dépense litigieuse est attribuée à l’exécution d’une convention de subvention, c’est la convention qui régit les conditions d’octroi et d’utilisation de celle-ci et, plus particulièrement, les clauses relatives à la détermination du montant de cette subvention en fonction des coûts déclarés par le cocontractant de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Alfamicro/Commission, C‑14/18 P, EU:C:2019:159, point 66).

181    Partant, si les coûts déclarés par le bénéficiaire ne sont pas éligibles au titre de la convention de subvention concernée, parce qu’ils ont été jugés non vérifiables ou non fiables, la Commission n’a d’autre choix que de procéder au recouvrement de la subvention à concurrence des montants non justifiés, dès lors que, sur la base du fondement juridique que constitue cette convention de subvention, cette institution n’est autorisée à liquider, à charge du budget de l’Union, que des sommes dûment justifiées (arrêts du 28 février 2019, Alfamicro/Commission, C‑14/18 P, EU:C:2019:159, point 67 ; voir également, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, EKETA/Commission, C‑274/19 P, non publié, EU:C:2020:853, point 114).

182    En l’espèce, dès lors qu’il ressort du point 178 ci-dessus que les frais de personnel et les coûts indirects liés déclarés par la requérante dans le cadre du projet litigieux ne sont pas éligibles au sens de l’article II.14 des conditions générales, la Commission n’était pas en droit d’opérer un recouvrement partiel de ces sommes.

183    Il convient dès lors de rejeter le deuxième moyen et, partant, la demande, formulée à titre subsidiaire, tendant à la réduction du montant de la première créance.

3.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité et de l’article II.24.1 des conditions générales

184    À l’appui de sa demande, présentée à titre subsidiaire, tendant à contester la seconde créance (voir point 74 ci-dessus), la requérante fait valoir que la mesure consistant à imposer une indemnisation de la Commission au moyen de dommages et intérêts porte atteinte au principe de proportionnalité.

185    Indépendamment du bien-fondé de l’appréciation des éléments de preuve apportés par la requérante, l’imposition du versement de dommages et intérêts ne serait pas appropriée. En effet, en vertu de l’article II.24.1 des conditions générales, une telle obligation supposerait une surestimation des montants reçus par le bénéficiaire alors que, en l’espèce, il n’y aurait eu aucune surestimation des montants déclarés par la requérante en vue du bénéfice de la subvention. Il serait, en outre, surprenant qu’une mesure facultative soit appliquée à la requérante qui a parfaitement exécuté les travaux et fait preuve d’un niveau élevé de collaboration avec l’OLAF et la Commission dans le cadre de l’enquête.

186    La Commission conteste les arguments de la requérante.

187    L’article II.24.1 des conditions générales stipule ce qui suit :

« Un bénéficiaire dont il est avéré qu’il a surévalué tout montant et qui a dès lors perçu une contribution financière indue de la part de [l’Union] […] est redevable, sans préjudice des autres mesures prévues dans la convention de subvention, du paiement de dommages et intérêts […] Les dommages et intérêts sont dus en sus du recouvrement de la contribution financière injustifiée de [l’Union] […] par le bénéficiaire. Dans des cas exceptionnels, la Commission peut s’abstenir de réclamer les dommages et intérêts. »

188    Ainsi, il ressort de l’article II.24.1 des conditions générales que les cocontractants encourent des dommages et intérêts du seul fait que, à la suite de déclaration de dépenses injustifiées, ils ont bénéficié de subventions indues (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2021, Datax/REA, T‑381/20, non publié, EU:T:2021:932, point 100) ; voir également, par analogie, arrêts du 2 octobre 2012, ELE.SI.A/Commission, T‑312/10, non publié, EU:T:2012:512, point 156, et du 11 juillet 2019, IPPT PAN/Commission et REA, T‑805/16, non publié, EU:T:2019:496, point 141).

189    Dès lors que, ainsi qu’il a été établi au point 167 ci-dessus, les frais de personnel et les coûts indirects liés déclarés par la requérante dans le cadre du projet litigieux ne sont pas éligibles au sens de l’article II.14 des conditions générales, celle-ci a bénéficié de subventions indues. Par conséquent, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 188 ci-dessus, en vertu de l’article II.24.1 des conditions générales, celle-ci encourt des dommages et intérêts.

190    Par ailleurs, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 84 ci-dessus, pour acquérir un droit définitif au paiement d’une subvention par l’Union, il ne suffit pas que le projet et l’action audités aient été bien exécutés sur le plan technique. Ainsi, l’argument tiré de la bonne réalisation des travaux et donc de l’objet du contrat par la requérante est inopérant. La coopération de la requérante à l’enquête de l’OLAF est également sans effet sur les conséquences qui peuvent être tirées du constat de la perception de subventions indues par celle-ci.

191    En outre, il ressort du libellé même de l’article II.24.1 des conditions générales que l’absence de recouvrement de tels dommages et intérêts par la Commission ne peut intervenir que dans des circonstances exceptionnelles. Or, l’existence, en l’espèce, de telles circonstances n’a pas été établie ni même invoquée par la requérante.

192    La mesure de recouvrement de dommages et intérêts étant fondée, il convient de rejeter le troisième moyen ainsi que la demande de la requérante tendant à contester la seconde créance.

193    Il découle de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

194    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Fundación Imdea Materiales est condamnée aux dépens.

Truchot

Sampol Pucurull

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 septembre 2023.

Signatures

Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Sur la requérante et sur la convention de subvention

B. Sur l’enquête de l’OLAF

C. Sur les demandes d’accès aux documents

II. Conclusions des parties

III. En droit

A. Sur le premier chef de conclusions, tendant à faire constater la violation de l’article II.22.5 des conditions générales, à enjoindre à la Commission de reprendre la procédure de recouvrement des sommes versées et à obtenir l’accès au dossier d’enquête et au rapport de l’OLAF

1. Sur les griefs tirés de l’absence d’une procédure équitable et conforme aux « principes de commutativité et d’équivalence des prestations contractuelles » et d’une violation des droits de la défense

2. Sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission

3. Sur le grief tiré de la violation de l’article II.22.5 des conditions générales

B. Sur le second chef de conclusions, tendant à contester les créances litigieuses

1. Sur le premier moyen, tiré d’une erreur d’appréciation des éléments de preuve transmis par la requérante

a) Règles de droit applicables aux parties contractantes

1) Sur les obligations auxquelles sont soumis les bénéficiaires d’une subvention en vertu de la jurisprudence

2) Sur les stipulations contractuelles

3) Sur le guide FP7

4) Sur la charge de la preuve

b) Application des règles de droit en l’espèce

1) Sur la conformité des relevés de temps

2) Sur les éléments de preuve produits par la requérante

i) Sur l’objet des éléments de preuve alternatifs

ii) Sur les éléments de preuve, alternatifs à des relevés de temps, du temps de travail accompli par les deux chercheurs

iii) Sur les éléments de preuve concernant le chercheur principal

iv) Sur les éléments de preuve concernant le second chercheur

v) Conclusion sur les éléments de preuve produits par la requérante

2. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité et de l’article II.22.6 des conditions générales

3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité et de l’article II.24.1 des conditions générales

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’espagnol.