Language of document : ECLI:EU:T:1999:326

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

15 décembre 1999 (1)

«Aides d'État - Compensation des désavantages économiques causés par la division de l'Allemagne - Perturbation grave de l'économie d'un État membre - Développement économique régional - Encadrement communautaire des aides d'État dans le secteur de l'automobile»

Dans les affaires jointes T-132/96 et T-143/96,

Freistaat Sachsen, représenté par Mes Karl Pfeiffer et Jochim Sedemund, avocats à Berlin, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Aloyse May, 31, Grand-rue,

et

Volkswagen AG et Volkswagen Sachsen GmbH, sociétés de droit allemand, établies respectivement à Wolfsburg et à Mosel (Allemagne), représentées par Mes Michael Schütte, avocat à Berlin, et Martina Maier, avocat à Düsseldorf, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Bonn et Schmitt, 62, avenue Guillaume,

parties requérantes,

soutenues par

République fédérale d'Allemagne, représentée initialement par M. Ernst Röder, puis par M. Wolf-Dieter Plessing, Ministerialräte, en qualité d'agents, assistés de M. Thomas Oppermann, professeur à l'université de Tübingen, ministère fédéral de l'Économie et de la Technologie, Bonn (Allemagne),

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Paul Nemitz et Anders Jessen, membres du service juridique, puis par M. Nemitz, en qualité d'agents, assistés de Mes Hans-Jürgen Rabe, Georg Berrisch et Marco Nuñez Müller, avocats à Hambourg, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, représenté par M. John Collins, du Treasury Solicitor's Department, en qualité d'agent, assisté de Mme Sarah Moore, barrister, du barreau d'Angleterre et du pays de Galles, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade du Royaume-Uni, 14, boulevard Roosevelt,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d'annulation partielle de la décision 96/666/CE de la Commission, du 26 juin 1996, relative à des aides accordées par l'Allemagne au groupe Volkswagen pour les usines de Mosel et de Chemnitz (JO L 308, p. 46),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre élargie),

composé de MM. A. Potocki, président, K. Lenaerts, C. W. Bellamy, J. Azizi et A. W. H. Meij, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 30 juin 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Par lettre du 31 décembre 1988, la Commission a informé les États membres que, au cours de sa réunion du 22 décembre 1988 et à la suite de sa décision du 19 juillet 1988 de mettre en place un encadrement général communautaire des aides d'État dans le secteur de l'automobile (ci-après «encadrement communautaire»), fondé sur l'article 93, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 1, CE), elle avait arrêté les conditions de mise en oeuvre dudit encadrement, reproduites dans un document joint à la lettre. Elle a demandé aux États membres de l'informer de leur acceptation de cet encadrement dans un délai d'un mois.

2.
    L'encadrement communautaire a fait l'objet d'une communication (89/C 123/03) publiée au Journal officiel des Communautés européennes (JO 1989, C 123, p. 3). Son point 2.5 dispose qu'il «entrera en vigueur le 1er janvier 1989» et qu'il «sera applicable pendant une période de deux ans».

3.
    Selon son point 1, quatrième alinéa, l'encadrement communautaire a notamment pour objectif de soumettre l'octroi d'aides dans le secteur automobile à une discipline plus rigoureuse, de façon à garantir que la compétitivité de l'industrie communautaire ne soit pas faussée par une concurrence déloyale. La Commission y souligne qu'elle ne peut mettre en oeuvre une politique efficace que si elle est en mesure de se prononcer sur les cas individuels avant que l'aide ne soit octroyée.

4.
    Aux termes du point 2.2, premier alinéa, de l'encadrement communautaire:

«Toutes les aides qui doivent être octroyées par les pouvoirs publics dans le cadre d'un régime d'aide autorisé en faveur d'une (de plusieurs) entreprise(s) exerçant son (leur) activité dans le secteur automobile défini ci-dessus doivent être notifiées préalablement sur la base de l'article 93, paragraphe 3, du traité CEE si le coût du projet devant bénéficier de l'aide est supérieur à 12 millions d'écus. En ce qui concerne les aides qui doivent être accordées en dehors du cadre d'un régime autorisé, tout projet, quels que soient son coût et le niveau de l'aide, est naturellement soumis, sans aucune exception, à l'obligation de notification conformément aux dispositions de l'article 93, paragraphe 3, du traité CEE. LesÉtats membres doivent informer la Commission, en temps utile pour permettre à celle-ci de présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides.»

5.
    Au point 3 de l'encadrement communautaire, relatif aux lignes directrices pour l'appréciation des aides, la Commission précise notamment ce qui suit:

« - Aides à finalité régionale

[...]

La Commission reconnaît que l'implantation de nouvelles installations de production de véhicules automobiles et de composants et/ou l'extension des installations existantes dans des régions défavorisées peuvent apporter une contribution précieuse au développement régional. C'est pourquoi la Commission a une attitude généralement favorable à l'égard des aides à l'investissement accordées pour remédier aux handicaps structurels dont souffrent les régions défavorisées de la Communauté.

Ces aides sont généralement accordées automatiquement selon les modalités précédemment approuvées par la Commission. En demandant que ces aides soient notifiées préalablement à l'avenir, la Commission devrait se donner la possibilité de confronter les avantages sur le plan du développement régional (tels que la contribution au développement durable de la région par le biais de la création d'emplois stables et l'existence de liens avec l'économie locale et communautaire) avec les conséquences préjudiciables éventuelles sur l'ensemble du secteur (telles que la création d'une surcapacité importante). L'évaluation en question n'a pas pour but de nier la contribution essentielle des aides régionales à la cohésion au niveau communautaire, mais de garantir que d'autres éléments présentant un intérêt pour la Communauté, tels que le développement du secteur au niveau communautaire, soient eux aussi pris en considération.

[...]»

6.
    Le gouvernement allemand lui ayant indiqué qu'il avait décidé de ne pas appliquer l'encadrement communautaire, la Commission a adopté, conformément à l'article 93, paragraphe 2, du traité, la décision 90/381/CEE, du 21 février 1990, relative aux régimes d'aide allemands applicables au secteur automobile (JO L 188, p. 55, ci-après «décision 90/381»). L'article 1er de cette décision dispose:

«1.    A compter du 1er mai 1990, la République fédérale d'Allemagne notifie à la Commission, en application de l'article 93, paragraphe 3, du traité, toutes les aides qui doivent être accordées pour des projets dont le coût est supérieur à 12 millions d'écus au titre des régimes d'aide énumérés dans l'annexe et qui doivent être octroyées à des entreprises exerçant leur activité dans le secteur automobile, tel que celui-ci est défini au point 2.1 de l'encadrement communautaire des aides d'État dans le secteur de l'automobile. Ces notifications sont effectuées selon les modalités prévues aux points 2.2 et 2.3 de cet encadrement. En outre, laRépublique fédérale d'Allemagne communique des rapports annuels conformément aux dispositions de l'encadrement.

2.    Outre la liste non exhaustive des régimes d'aide énumérés dans l'annexe, la République fédérale d'Allemagne se conforme aux obligations visées au paragraphe 1 de l'article 1er en ce qui concerne tous les autres régimes d'aide existants qui ne sont pas mentionnés dans l'annexe et dont le secteur concerné par l'encadrement serait susceptible de bénéficier.

3.    Les aides accordées au titre de la 'Berlin Förderungsgesetz‘ à des entreprises du secteur automobile situées à Berlin sont dispensées de l'obligation de notification préalable prévue par l'encadrement, mais doivent être mentionnées dans les rapports annuels qui doivent être fournis.»

7.
    Par lettre du 2 octobre 1990 adressée au gouvernement allemand, la Commission a approuvé le régime d'aides régionales prévu pour l'année 1991 par le dix-neuvième programme-cadre adopté en application de la loi allemande sur la tâche d'intérêt commun «Amélioration des structures économiques régionales» du 6 octobre 1969 (ci-après «loi sur la tâche d'intérêt commun»), tout en rappelant la nécessité de tenir compte, lors de la mise en oeuvre des mesures envisagées, de l'encadrement communautaire existant dans certains secteurs de l'industrie. Le dix-neuvième programme-cadre lui-même indique (partie I, point 9.3, p. 43) que la Commission «a pris des décisions qui interdisent la mise en oeuvre d'aides d'État accordées à certains secteurs déterminés même si elles l'ont été dans le cadre de programmes approuvés (d'aides régionales par exemple), ou la soumettent à la nécessité de l'autorisation préalable de chacun des projets bénéficiaires [...]

De telles règles existent dans les domaines suivants:

a) [...]

-    le secteur automobile, dans la mesure où le coût d'une opération bénéficiaire dépasse 12 millions d'écus».

8.
    La réunification politique de l'Allemagne a été proclamée le 3 octobre 1990, entraînant l'adhésion à la République fédérale d'Allemagne de cinq nouveaux Länder issus de l'ancienne République démocratique allemande, parmi lesquels le Freistaat Sachsen.

9.
    Par lettre du 31 décembre 1990, la Commission a informé les États membres qu'elle estimait nécessaire de proroger l'encadrement communautaire.

10.
    Cette décision de la Commission a également fait l'objet d'une communication (91/C 81/05) publiée au Journal officiel des Communautés européennes (JO 1991, C 81, p. 4). Cette communication indique, notamment, ce qui suit:

«[...] la Commission estime nécessaire de proroger l'encadrement des aides d'État dans le secteur de l'automobile. La seule modification que la Commission a arrêtée consiste à étendre l'obligation de notification préalable pour la République fédérale d'Allemagne à Berlin (Ouest) et au territoire de l'ancienne République démocratique allemande (l'article 1er, paragraphe 3, de la décision de la Commission du 21 février 1990, publiée au JO L 188 du 20 juillet 1990, cesse d'être applicable à partir du 1er janvier 1991).

Après deux ans d'application, l'encadrement sera réexaminé par la Commission. Si des modifications (ou l'abrogation éventuelle de l'encadrement) se révèlent nécessaires, la Commission prendra les décisions appropriées après consultation des États membres.»

11.
    Par lettres du 5 décembre 1990 et du 11 avril 1991 adressées au gouvernement allemand, la Commission a approuvé l'application de la loi sur la tâche d'intérêt commun aux nouveaux Länder, en rappelant à nouveau la nécessité de tenir compte, lors de la mise en oeuvre des mesures envisagées, de l'encadrement communautaire existant dans certains secteurs de l'industrie. De même, elle a approuvé par courrier du 9 janvier 1991 l'extension des régimes existants d'aides régionales aux nouveaux Länder, en précisant que les dispositions de l'encadrement communautaire devaient être respectées.

12.
    Le 23 décembre 1992, la Commission a décidé que «l'encadrement communautaire ne serait pas modifié» et qu'il resterait valable jusqu'à ce qu'elle organise une prochaine révision. Cette décision a fait l'objet d'une communication (93/C 36/06) publiée au Journal officiel des Communautés européennes (JO 1993, C 36, p. 17).

13.
    Dans l'arrêt du 29 juin 1995, Espagne/Commission (C-135/93, Rec. p. I-1651, point 39), la Cour a constaté que ladite décision devait être interprétée «comme n'ayant prorogé l'encadrement communautaire que jusqu'à son prochain réexamen, lequel, comme les précédents, devait avoir lieu à l'issue d'une nouvelle période d'application de deux ans», expirant le 31 décembre 1994.

14.
    A la suite du prononcé de cet arrêt, la Commission a, par lettre du 6 juillet 1995, informé les États membres que, dans l'intérêt communautaire, elle avait décidé, le 5 juillet 1995, de proroger sa décision du 23 décembre 1992, avec effet rétroactif à partir du 1er janvier 1995, de sorte que l'encadrement communautaire restait d'application sans interruption. La Commission précisait que cette prorogation prendrait fin dès que la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 1, du traité, qu'elle avait décidé d'engager simultanément, aurait abouti (voir point 15 ci-dessous). Cette décision, qui a fait l'objet d'une communication (95/C 284/03) publiée au Journal officiel des Communautés européennes (JO 1995, C 284, p. 3), a été annulée par l'arrêt de la Cour du 15 avril 1997, Espagne/Commission (C-292/95, Rec. p. I-1931).

15.
    Par une seconde lettre du 6 juillet 1995, la Commission a, par ailleurs, informé les États membres de sa décision du 5 juillet 1995 de leur proposer, à la suite de l'arrêt du 29 juin 1995, Espagne/Commission, précité, de rétablir l'encadrement communautaire pour une période de deux ans, tout en y apportant certaines modifications et, notamment, une augmentation du seuil de notification à 17 millions d'écus (voir la communication 95/C 284/03, précitée). Le nouveau texte de l'encadrement communautaire proposé prévoyait, en son point 2.5: «L'encadrement entrera en vigueur lorsque tous les États membres auront communiqué leur accord ou au plus tard le 1er janvier 1996. Tous les projets d'aide pour lesquels la collectivité publique compétente n'aura pas encore accordé d'autorisation définitive à cette date devront faire l'objet d'une notification préalable.» Le gouvernement allemand a donné son accord à ce rétablissement de l'encadrement communautaire par lettre du 15 août 1995.

Faits à l'origine du litige

16.
    L'entrée en vigueur de l'union économique, monétaire et sociale entre la République fédérale d'Allemagne et la République démocratique allemande, le 1er juillet 1990, a entraîné l'effondrement de la demande et de la production de véhicules Trabant en Saxe. Afin de sauvegarder l'industrie automobile de cette région, Volkswagen AG (ci-après «Volkswagen») a entamé des négociations avec la Treuhandanstalt (l'organisme de droit public chargé de restructurer les entreprises de l'ancienne République démocratique allemande, ci-après «THA»), qui ont abouti à un accord de principe en octobre 1990. Cet accord prévoyait notamment:

-    la création en commun d'une société chargée de maintenir les emplois («Beschäftigungsgesellschaft»), la Sächsische Automobilbau GmbH (ci-après «SAB»), dont 87,5% du capital social étaient initialement détenus par la THA et 12,5% par Volkswagen;

-    la reprise par SAB des ateliers de peinture (alors en voie de construction) et de montage final existant sur le site de Mosel (ci-après «Mosel I»);

-    la reprise par Volkswagen Sachsen GmbH (ci-après «VW Sachsen»), filiale en propriété exclusive de Volkswagen, d'une usine de production de moteurs existant sur le site de Chemnitz (ci-après «Chemnitz I»);

-    la reprise par VW Sachsen de la production de culasses sur le site d'Eisenach;

-    la réalisation par VW Sachsen d'une nouvelle usine de construction automobile à Mosel, comprenant les quatre activités principales de la fabrication, à savoir l'emboutissage, la carrosserie brute, la peinture et le montage final (ci-après «Mosel II»), et d'une nouvelle usine de production de moteurs à Chemnitz (ci-après «Chemnitz II»).

17.
    Initialement, il était entendu que la reprise et la restructuration de Mosel I et de Chemnitz I constituaient une solution transitoire, destinée à éviter le chômage de la main-d'oeuvre existante, dans l'attente de l'entrée en service de Mosel II et de Chemnitz II, prévue pour 1994.

18.
    Par lettre du 19 septembre 1990, la Commission a demandé au gouvernement allemand de lui notifier, conformément à l'encadrement communautaire, les aides d'État à ces projets d'investissement. Par lettres des 14 décembre 1990 et 14 mars 1991, la Commission a insisté sur le fait que ces aides ne pouvaient pas être mises en oeuvre sans lui avoir été notifiées et avoir reçu son approbation. Cette question a également été inscrite à l'ordre du jour de deux réunions bilatérales tenues à Bonn les 31 janvier et 7 février 1991.

19.
    Le 22 mars 1991, le ministère de l'Économie et du Travail du Freistaat Sachsen a adopté, sur la base de la loi sur la tâche d'intérêt commun, deux décrets prévoyant l'octroi de certaines primes à l'investissement à VW Sachsen en rapport avec Mosel II et Chemnitz II (ci-après «décrets de 1991»). Le montant prévu de ces primes s'élevait au total à 757 millions de DM pour Mosel II, avec des versements échelonnés de 1991 à 1994, et à 147 millions de DM pour Chemnitz II, avec des versements échelonnés de 1991 à 1996.

20.
    Le 18 mars 1991, le Finanzamt Zwickau-Land a adressé à VW Sachsen une décision prévoyant l'octroi de certaines subventions d'investissement, conformément à la loi allemande sur les subventions à l'investissement (Investitionszulagengesetz) de 1991.

21.
    Le groupe Volkswagen a également sollicité la possibilité de procéder à des amortissements exceptionnels, conformément à la loi allemande sur les zones habilitées à recevoir des aides (Fördergebietsgesetz) de 1991.

22.
    Par lettre du 25 mars 1991, les autorités allemandes ont fourni à la Commission certains renseignements concernant les aides visées aux points 19 à 21, ci-dessus, tout en indiquant qu'elles ne disposaient pas encore d'informations plus précises et qu'il était prévu de les accorder dans le cadre des régimes d'aides approuvés par la Commission pour les nouveaux Länder. Par courrier du 17 avril 1991, la Commission a indiqué que la lettre des autorités allemandes du 25 mars 1991 constituait une notification en application des dispositions de l'article 93, paragraphe 3, du traité, mais que des compléments d'information étaient nécessaires.

23.
    Par lettre du 29 mai 1991, les autorités allemandes ont, notamment, fait valoir que l'encadrement communautaire n'était pas applicable aux nouveaux Länder entre le 1er janvier et le 31 mars 1991. Les aides litigieuses ayant été approuvées avant le 31 mars 1991, les différents dossiers y afférents ne pouvaient plus, selon ces autorités, être examinés par la Commission que par référence au régime d'aidesrégionales (voir point 7 ci-dessus). La Commission a réfuté les arguments des autorités allemandes lors d'une réunion tenue le 10 juillet 1991 et a demandé des renseignements complémentaires détaillés par lettre du 16 juillet 1991. A la suite de la réponse du gouvernement allemand du 17 septembre 1991, la Commission a posé une nouvelle série de questions par lettre du 27 novembre 1991.

24.
    En octobre et décembre 1991, le groupe Volkswagen a perçu en rapport avec Mosel II et Chemnitz II des primes à l'investissement d'un montant de 360,8 millions de DM et des subventions d'investissement d'un montant de 10,6 millions de DM.

25.
    Par décision du 18 décembre 1991 (JO 1992, C 68, p. 14, ci-après «décision d'engager la procédure d'examen»), notifiée au gouvernement allemand le 14 janvier 1992, la Commission a ouvert la procédure d'examen, conformément à l'article 93, paragraphe 2, du traité, de la compatibilité avec le marché commun des diverses aides destinées à financer les investissements dans Mosel I et II, Chemnitz I et II et dans l'usine d'Eisenach.

26.
    Dans cette décision, la Commission a notamment conclu:

«[...] les aides proposées par les autorités allemandes suscitent de graves préoccupations pour les raisons suivantes:

-    elles n'ont pas été dûment notifiées à la Commission selon la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 3, du traité CEE,

-    l'intensité apparemment élevée de l'aide qui est proposée pour un projet prévoyant un développement de capacité important sur le marché automobile européen pourrait provoquer une distorsion injustifiée de la concurrence,

-    la Commission n'a pas reçu jusqu'à présent assez d'informations justifiant l'intensité relativement élevée de l'aide régionale, l'octroi d'aides indirectes à l'investissement par la THA et l'octroi, également par la THA, d'une aide au fonctionnement temporaire au regard des problèmes structurels et économiques auxquels [le groupe Volkswagen] est indubitablement confronté dans les nouveaux Länder; au contraire, l'intensité globale de l'aide pourrait être excessive et incompatible avec les critères de l'encadrement communautaire des aides dans ce secteur.»

27.
    Par lettre du 29 janvier 1992, le gouvernement allemand s'est déclaré prêt à suspendre tous les versements d'aides jusqu'à ce que la procédure d'examen soit close.

28.
    Par lettre du 24 avril 1992, la Commission a demandé aux autorités allemandes, à la THA et à Volkswagen de lui fournir des renseignements complémentaires.Donnant suite à une réunion du 28 avril 1992 et aux lettres de la Commission des 14 mai, 5 juin, 21 août et 17 novembre 1992, les autorités allemandes ont fourni des informations supplémentaires par lettres des 20 mai, 3 et 12 juin, 20 et 29 juillet, 8 et 25 septembre, 16 et 21 octobre, 4 et 25 novembre 1992, de même que Volkswagen par lettres des 15 juin et 30 octobre 1992, 12 et 20 juin 1993. Les parties se sont également réunies les 16 juin, 9 septembre, 12 et 16 octobre, 3 décembre 1992, 8 et 11 juin 1993.

29.
    Le 13 janvier 1993, Volkswagen a décidé de reporter une grande partie des investissements initialement prévus dans les usines de Mosel et de Chemnitz. Elle prévoyait, désormais, que l'atelier de peinture et la chaîne de montage final de Mosel II ne deviendraient opérationnels qu'en 1997 et que l'unité de production de moteurs de Chemnitz II n'entrerait en service qu'en 1996. La Commission a donné son accord pour revoir son appréciation sur la base des nouveaux projets d'investissements de Volkswagen.

30.
    Le 30 mars 1993, le ministère de l'Économie et du Travail du Freistaat Sachsen a adopté deux décrets modifiant les décrets de 1991 (ci-après «décrets de 1993»). Le montant total des primes à l'investissement désormais prévu s'élevait à 708 millions de DM pour Mosel II, avec des versements échelonnés de 1991 à 1997, et à 195 millions de DM pour Chemnitz II, avec des versements échelonnés de 1992 à 1997.

31.
    Certains détails des nouveaux projets d'investissement de Volkswagen ont été présentés à la Commission au cours d'un entretien qui s'est déroulé le 5 mai 1993. Par lettre du 6 juin 1993, l'Allemagne a également communiqué certaines informations sur ceux-ci, que Volkswagen a complétées par lettres des 24 juin et 6 juillet 1993 ainsi que par télécopie du 10 novembre 1993. Ces nouvelles données ont, en outre, été examinées au cours d'entretiens qui ont eu lieu les 18 mai, 10 juin, 2 et 22 juillet 1993. De nouvelles informations sur les capacités de production prévues par Volkswagen ont été fournies dans une lettre du gouvernement allemand du 15 février et par télécopie du 25 février 1994.

32.
    La Commission a également recueilli de nouvelles données sur ces projets lors d'une visite des sites au début du mois d'avril 1994 et au cours d'entretiens qui ont eu lieu les 11 mai, 2, 7 et 24 juin 1994. En outre, des documents lui ont été remis à l'occasion de ces entretiens et d'autres lui ont été transmis par les autorités allemandes et par Volkswagen les 10 mai, 30 juin, 4 et 12 juillet 1994.

33.
    Le 24 mai 1994, le ministère de l'Économie et du Travail du Freistaat Sachsen a adopté deux décrets modifiant les décrets de 1991 et de 1993 (ci-après «décrets de 1994»). Le montant total des primes à l'investissement désormais prévu s'élevait à 648 millions de DM pour Mosel II, avec des versements échelonnés de 1991 à 1997, et à 167 millions de DM pour Chemnitz II, avec des versements échelonnés de 1992 à 1997.

34.
    Par convention du 21 juin 1994, complétée par un avenant du 1er novembre 1994, Volkswagen a acquis de la THA les 87,5 % des parts du capital social de SAB qu'elle ne détenait pas encore.

35.
    Le 27 juillet 1994, la Commission a adopté la décision 94/1068/CE, concernant des aides à l'investissement accordées au groupe Volkswagen dans les nouveaux Länder allemands (JO L 385, p. 1, ci-après «décision Mosel I»). Dans cette décision, la Commission a notamment constaté ce qui suit (point IV, quatrième alinéa, des considérants):

    «Lors de l'ouverture de la procédure, la Commission avait considéré l'ensemble des projets d'investissement de Volkswagen en Saxe comme un tout et elle voulait donc prendre une décision sur l'ensemble des éléments d'aide. En 1993, Volkswagen a reporté les investissements relatifs aux nouvelles installations, mais en faisant toutefois valoir que les techniques de fabrication, le travail fourni ainsi que d'autres paramètres décisifs ne s'en trouvaient pas affectés. Une visite des usines effectuée cette année-là a toutefois montré, ce qu'ont confirmé les experts, qu'une telle conception n'était plus valable. Volkswagen a d'ailleurs admis que les anciens projets étaient désormais dépassés, et qu'elle était en train d'en concevoir de nouveaux. Les nouveaux projets pour les usines de construction de véhicules et de moteurs Mosel II et Chemnitz II sont étroitement liés à la production de la Golf A 4, qui doit débuter au moment où l'usine de Mosel II deviendra opérationnelle, c'est-à-dire en 1997. La version définitive des nouveaux projets ne sera disponible que fin 1994. D'après ce que l'on sait, ils contiennent des modifications fondamentales sur le plan technologique et sur celui des structures de production. Il est clair que le lien qui existait à l'origine entre les investissements dans les anciennes usines de la Treuhand et les projets de nouvelles constructions sur un site vierge a été supprimé. La Commission a donc décidé de ne s'occuper, dans un premier temps, que des aides à la restructuration pour les usines existantes, car elle peut se faire une image précise de la situation à l'aide des informations disponibles, et de ne prendre une décision sur les nouveaux projets que lorsque Volkswagen et l'Allemagne pourront présenter des plans d'aide et d'investissement définitifs.»

36.
    Il ressort de la décision Mosel I que les ateliers de peinture et de montage final de Mosel I ont été modernisés et transformés conformément à l'accord conclu avec la THA (voir point 16 ci-dessus). Dans une période initiale courant jusqu'en 1992, Mosel I a été utilisée pour l'assemblage final des modèles VW Polo et Golf A 2, dont les éléments étaient fabriqués ailleurs par d'autres usines du groupe Volkswagen et livrés à Mosel en pièces détachées. A partir du mois de juillet 1992, l'utilisation combinée des ateliers de peinture et de montage final de Mosel I, dont la transformation venait d'être achevée, et du nouvel atelier de carrosserie de Mosel II, qui venait d'entrer en service, a permis le démarrage de la production du modèle Golf A 3 à Mosel, les opérations d'emboutissage se faisant ailleurs. Par la suite, la logistique a été transférée du site de Wolfsburg à Mosel I en janvier 1993, et de nouvelles entreprises de sous-traitants, capables de fournir les pièces nécessaires à Mosel I et Chemnitz I, se sont implantées à proximité. Le nouvelatelier d'emboutissage de Mosel II a commencé à fonctionner en mars 1994, près de Mosel I.

37.
    C'est dans ces conditions que, à l'article 1er de la décision Mosel I, la Commission a notamment déclaré compatibles avec le marché commun différentes aides accordées jusqu'à la fin de 1993, date à laquelle la restructuration devait être achevée, à concurrence de 487,3 millions de DM pour Mosel I et de 84,8 millions de DM pour Chemnitz I. En revanche, certaines aides allouées postérieurement ont été déclarées incompatibles avec le marché commun et, notamment, celles qualifiées d'aides à des investissements de remplacement et de modernisation qui, selon la décision Mosel I, ne sauraient être autorisées au titre de l'encadrement communautaire (voir la décision Mosel I, points IX et X).

38.
    Par la suite, le gouvernement allemand a informé verbalement la Commission, à plusieurs reprises, de retards intervenus dans la réalisation de Mosel II et Chemnitz II. Dans une lettre du 12 avril 1995, la Commission a rappelé aux autorités allemandes qu'elles étaient tenues de lui communiquer les projets de Volkswagen pour ces nouvelles usines, de façon qu'elle puisse procéder à l'examen des aides les concernant. Cette lettre est restée sans réponse. Par lettre du 4 août 1995, la Commission a demandé que les informations nécessaires lui soient communiquées dans les plus brefs délais et annoncé qu'elle adopterait une décision provisoire, suivie d'une décision définitive, sur la base des éléments dont elle disposait, au cas où l'Allemagne ne satisferait pas à cette demande. En réponse à cette lettre, le gouvernement allemand a informé la Commission, par lettre du 22 août 1995, que les projets d'investissement de Volkswagen n'étaient toujours pas finalisés.

39.
    Le 31 octobre 1995, la Commission a adopté la décision 96/179/CE, enjoignant au gouvernement allemand de fournir tous les documents, informations et données concernant les projets de nouveaux investissements du groupe Volkswagen dans les nouveaux Länder allemands et les aides prévues en faveur de ces investissements (JO 1996, L 53, p. 50).

40.
    A la suite de cette décision, certaines informations relatives à ces projets et à la capacité de production ont été communiquées à la Commission au cours d'un entretien du 20 novembre 1995. Elles ont été confirmées par lettre du 13 décembre 1995 et explicitées lors d'une visite des sites, les 21 et 22 décembre 1995. Le 15 janvier 1996, la Commission a posé d'autres questions aux autorités allemandes. Après un entretien du 23 janvier 1996, la plupart des informations manquantes lui ont été communiquées par lettres des 1er et 12 février 1996.

41.
    Le 21 février 1996, le ministère de l'Économie et du Travail du Freistaat Sachsen a adopté deux décrets modifiant les décrets de 1991, 1993 et 1994 (ci-après «décrets de 1996»). Le montant total des primes à l'investissement désormais prévu s'élevait à 499 millions de DM pour Mosel II, avec des versements échelonnés de1991 à 1997, et à 109 millions de DM pour Chemnitz II, avec des versements échelonnés de 1992 à 1997.

42.
    Par lettre du 23 février 1996, la Commission a rappelé aux autorités allemandes qu'il lui manquait encore certaines informations. Celles-ci lui ont été communiquées lors d'un entretien du 25 mars 1996 et ont ensuite été discutées les 2 et 11 avril 1996. Un nouvel entretien a eu lieu le 29 mai 1996.

43.
    Le 26 juin 1996, la Commission a adopté la décision 96/666/CE, relative à des aides accordées par l'Allemagne au groupe Volkswagen pour les usines de Mosel et de Chemnitz (JO L 308, p. 46, ci-après «Décision»). Son dispositif se lit comme suit:

«Article premier

Les aides suivantes, que l'Allemagne prévoit d'accorder pour différents projets d'investissement de Volkswagen AG en Saxe, sont compatibles avec l'article 92, paragraphe 3, point c), du traité et l'article 61, paragraphe 3, point c), de l'accord EEE:

-     les aides accordées par l'Allemagne [au groupe Volkswagen] pour [ses] projets d'investissement à Mosel (Mosel II) et Chemnitz (Chemnitz II), sous forme de primes à l'investissement, à concurrence de 418,7 millions de marks allemands,

-    les aides accordées par l'Allemagne [au groupe Volkswagen] pour [ses] projets d'investissement à Mosel (Mosel II) et Chemnitz (Chemnitz II), sous forme de subventions d'investissement, à concurrence de 120,4 millions de marks allemands.

Article 2

Les aides suivantes, que l'Allemagne prévoit d'accorder pour les différents projets d'investissement de Volkswagen AG en Saxe, sont incompatibles avec l'article 92, paragraphe 3, point c), du traité et l'article 61, paragraphe 3, point c), de l'accord EEE et ne peuvent donc pas être accordées:

-    les aides à l'investissement accordées [au groupe Volkswagen] pour [ses] projets d'investissement à Mosel II et Chemnitz II sous forme d'amortissements exceptionnels sur investissements dans le cadre de la loi allemande sur les zones pouvant bénéficier d'une aide, d'un montant nominal de 51,67 millions de marks allemands,

-    la proportion des aides à l'investissement accordées [au groupe Volkswagen] pour [ses] projets d'investissement à Mosel II sous forme de primes à l'investissement qui excède le montant mentionné à l'article 1er, premier tiret, soit 189,1 millions de marks allemands.

Article 3

L'Allemagne s'assure que la capacité des usines de Mosel ne dépassera pas, en 1997, 432 unités par jour [...]

L'Allemagne transmet par ailleurs à la Commission, en les assortissant d'explications, des rapports annuels sur la réalisation des investissements éligibles, qui s'élèvent à 2 654,1 millions de marks allemands [dans] Mosel II et Chemnitz II, et sur les aides effectivement versées, afin de garantir que l'intensité cumulée effective des aides, exprimée en équivalent-subvention brut, ne dépasse pas 22,3 % pour Mosel II et 20,8 % pour Chemnitz II. [...]

Article 4

L'Allemagne informe la Commission, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures qu'elle aura prises pour s'y conformer.

Article 5

La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.»

44.
    A la suite d'une lettre adressée par le président du directoire de Volkswagen au ministre président du Freistaat Sachsen, le 8 juillet 1996, le Freistaat Sachsen a versé à Volkswagen, en juillet 1996, la somme de 90,7 millions de DM au titre des primes à l'investissement qui avaient été déclarées incompatibles avec le marché commun par la Décision.

Procédure

45.
    Par requêtes déposées au greffe du Tribunal les 26 août et 13 septembre 1996, le Freistaat Sachsen, d'une part, et Volkswagen et VW Sachsen, d'autre part, ont introduit deux recours en annulation partielle de la Décision, enregistrés, respectivement, sous les numéros T-132/96 et T-143/96.

46.
    Par requête déposée au greffe de la Cour le 16 septembre 1996, la République fédérale d'Allemagne a introduit un recours, enregistré sous le numéro C-301/96, en annulation partielle de la Décision.

47.
    Par requête déposée au greffe de la Cour le 16 septembre 1996, la Commission a introduit un recours en manquement contre la République fédérale d'Allemagne, à la suite du paiement par le Freistaat Sachsen de la somme de 90,7 millions de DM au titre des aides déclarées incompatibles avec le marché commun par la Décision. Ce recours a été inscrit au registre de la Cour sous le numéro C-302/96.

48.
    Par demande séparée, déposée au greffe du Tribunal le 8 novembre 1996, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans l'affaire T-132/96.

49.
    Par ordonnance du 4 février 1997, la Cour a suspendu la procédure dans l'affaire C-301/96, Allemagne/Commission, jusqu'au prononcé des arrêts du Tribunal.

50.
    Par requêtes déposées au greffe du Tribunal, respectivement, les 13 et 19 février 1997, la République fédérale d'Allemagne et le Royaume-Uni ont demandé à intervenir dans les affaires T-132/96 et T-143/96.

51.
    Par lettres des 10 avril et 17 juillet 1997 et 26 mai 1998, les parties requérantes ont demandé le traitement confidentiel de certaines données vis-à-vis du Royaume-Uni.

52.
    Par ordonnance du 26 mars 1998, le président de la Cour a radié du registre l'affaire C-302/96.

53.
    Le 29 juin 1998, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a tenu une réunion informelle avec les parties.

54.
    Par ordonnance du 30 juin 1998, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a joint au fond l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission.

55.
    Par ordonnances des 1er et 3 juillet 1998, le président de la deuxième chambre élargie du Tribunal a admis la République fédérale d'Allemagne et le Royaume-Uni à intervenir dans les affaires T-132/96 et T-143/96, à l'appui, respectivement, des conclusions des parties requérantes et de la partie défenderesse. Le président a également fait partiellement droit aux demandes de traitement confidentiel.

56.
    Par ordonnance du 7 juillet 1998, le président de la deuxième chambre élargie du Tribunal a joint les affaires T-132/96 et T-143/96 aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l'arrêt.

57.
    Par lettres reçues entre le 17 et le 22 juillet 1998 en réponse à une question posée par le Tribunal (deuxième chambre élargie) dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, les parties principales ainsi que la République fédérale d'Allemagne se sont prononcées sur les conséquences éventuelles, pour la suite des affaires T-132/96 et T-143/96 et, notamment, pour ce qui concerne l'objet du litige, du règlement amiable intervenu dans l'affaire C-302/96.

58.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale. A l'exception du Royaume-Uni, excusé, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience publique du 30 juin 1999.

Conclusions des parties

59.
    Le Freistaat Sachsen conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler l'article 2 de la Décision;

-    condamner la Commission aux dépens.

60.
    Volkswagen et VW Sachsen concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler l'article 2 de la Décision;

-    annuler l'article 3 de la Décision dans la mesure où l'intensité des aides, exprimée en équivalent-subvention brut, est limitée à 22,3 % pour Mosel II et à 20,8 % pour Chemnitz II;

-    annuler l'article 1er de la Décision dans la mesure où le montant des primes à l'investissement déclaré compatible avec le marché commun est limité à 418,7 millions de DM;

-    condamner la Commission aux dépens.

61.
    La République fédérale d'Allemagne soutient les conclusions des parties requérantes.

62.
    La Commission conclut, dans l'affaire T-132/96, à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondé;

-    condamner le Freistaat Sachsen aux dépens.

63.
    La Commission conclut, dans l'affaire T-143/96, à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme non fondé;

-    condamner solidairement Volkswagen et VW Sachsen aux dépens.

64.
    Le Royaume-Uni soutient les conclusions de la Commission.

65.
    Lors de l'audience du 30 juin 1999, les requérantes dans l'affaire T-143/96 ont prié le Tribunal de constater que le recours est devenu sans objet pour autant qu'il tend à l'annulation de l'article 2, premier tiret, de la Décision, déclarant incompatibles avec le marché commun des aides à l'investissement accordées sous forme d'amortissements exceptionnels sur investissements, et de faire application, à cet égard, de l'article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure. Le Tribunal a également pris acte de ce que, selon la Commission, cette demande doit êtreinterprétée comme un désistement partiel et entraîner l'application de l'article 87, paragraphe 5, du règlement de procédure.

Sur la recevabilité du recours dans l'affaire T-132/96

Argumentation des parties

66.
    Au soutien de son exception d'irrecevabilité, la Commission fait valoir, en premier lieu, qu'une entité territoriale comme le Freistaat Sachsen n'a pas, a priori, la capacité pour agir au titre de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE), dans le cadre du régime des aides d'État, au motif que l'article 93 dudit traité vise les seuls États membres comme sujets de droit vis-à-vis de la Communauté.

67.
    La Commission souligne, notamment, que l'article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE), en son paragraphe 1, de même que l'article 93, paragraphe 2, se réfèrent aux aides «accordées par les États ou au moyen de ressources d'État»; que l'obligation de notification prévue par l'article 93, paragraphe 3, du traité incombe au seul État membre concerné; que seul celui-ci est impliqué dans la procédure mise en oeuvre au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité; que si la Commission décide qu'une aide est incompatible avec le marché commun, l'obligation de la supprimer ou de la modifier n'incombe qu'à lui et que, en cas de non-respect de cette obligation, le recours de la Commission au titre de l'article 93, paragraphe 2, deuxième alinéa, du traité est uniquement dirigé contre l'État membre.

68.
    Dans ces conditions, reconnaître un droit d'action à une entité territoriale remettrait en question la responsabilité exclusive de l'État membre au titre des aides financées au moyen de ressources publiques et pourrait donner lieu à des conflits d'intérêts entre l'entité territoriale et l'État membre concernés, que ni la Commission ni le juge communautaire ne seraient habilités à trancher.

69.
    En tout état de cause, sous l'angle du droit communautaire, il y aurait identité partielle entre le Freistaat Sachsen et la République fédérale d'Allemagne, et le premier ne saurait être considéré comme une «autre personne» que la seconde sans modifier le régime du droit de recours mis en place par l'article 173 du traité.

70.
    La Commission ajoute que la recevabilité du recours litigieux entraînerait nécessairement une multiplication de telles actions, augmenterait l'insécurité juridique, mettrait en péril le système prévu par les articles 92 et 93 du traité, et compromettrait ainsi la mise en oeuvre de ses décisions en matière d'aides d'État.

    

71.
    La Commission soutient, en deuxième lieu, que le Freistaat Sachsen n'a pas d'intérêt à agir sur la base de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, au double motif que, d'une part, l'aide accordée par lui en l'espèce était prévue par les lois fédérales, et, d'autre part, la République fédérale d'Allemagne dispose d'un droitde recours au titre de l'article 173, deuxième alinéa, du traité. Il ne saurait donc être admis que le Freistaat Sachsen a un intérêt à agir distinct de celui de l'Allemagne, laquelle a d'ailleurs également formé un recours en annulation de la Décision (affaire C-301/96).

72.
    La circonstance que le Freistaat Sachsen a la qualité d'«État», selon l'ordre constitutionnel interne de la République fédérale d'Allemagne, n'aurait aucune incidence dans l'ordre juridique communautaire. Le traité CE n'accorderait aucun droit particulier aux Länder, hormis ceux qui leur sont éventuellement conférés par l'article 198 A (devenu, après modification, article 263 CE) dans le cadre du Comité des régions. Il ne s'ensuivrait donc pas que le Freistaat Sachsen, en tant que personne morale, a automatiquement qualité pour agir en droit communautaire (voir conclusions de l'avocat général M. Lenz sous l'arrêt de la Cour du 8 mars 1988, Exécutif régional wallon et Glaverbel/Commission, 62/87 et 72/87, Rec. p. 1573, 1581, point 13, conclusions de l'avocat général M. Van Gerven sous l'arrêt de la Cour du 22 mai 1990, Parlement/Conseil, C-70/88, Rec. p. I-2041, I-2052, I-2063, et conclusions de l'avocat général M. Lenz sous l'arrêt de la Cour du 29 juin 1993, Gibraltar/Conseil, C-298/89, Rec. p. I-3605, I-3621, points 38 à 51).

73.
    Par ailleurs, une aide aux investissements sous forme d'amortissements spéciaux accordée dans le cadre de la loi dite «Fördergebietsgesetz» serait uniquement fondée sur la loi fédérale dite «Gesetz über Sonderabschreibungen und Abzugsbeträge im Fördergebiet», dont l'application incomberait, conformément à l'article 87 de la loi fondamentale, à l'administration fiscale. Il en irait de même en ce qui concerne les primes fiscales aux investissements (Investitionszulagengesetz, 1993). De même, la loi sur la tâche d'intérêt commun, sur laquelle sont fondées les primes à l'investissement en cause, serait une loi fédérale qui repose sur l'article 91 A de la loi fondamentale, laquelle confierait en principe aux différents Länder l'«amélioration des structures économiques régionales», mais en étroite coopération avec le Bund (État fédéral) (voir l'arrêt de la Cour du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission, 248/84, Rec. p. 4013, points 2 et suivants), qui prendrait en charge la moitié des dépenses. Par ailleurs, selon l'article 85 de la loi fondamentale, le gouvernement fédéral pourrait arrêter des dispositions administratives générales, donner des instructions aux autorités du Land et leur envoyer des délégués et exiger des rapports et la communication du dossier. Cela démontrerait, d'une part, que l'action du Bund continue à s'exercer au stade de la mise en oeuvre des tâches d'intérêt commun et, d'autre part, que le Bund et les Länder ont des intérêts identiques lorsqu'il s'agit d'améliorer les structures économiques régionales. Le Freistaat Sachsen ne serait donc pas en mesure de démontrer en quoi ses intérêts se distinguent de ceux de la République fédérale d'Allemagne (voir arrêt de la Cour du 10 juillet 1986, DEFI/Commission, 282/85, Rec. p. 2469, point 18). En l'espèce, la protection juridique serait assurée par le fait que la République fédérale d'Allemagne a elle-même introduit un recours.

    

74.
    La Commission soutient, en troisième lieu, que le Freistaat Sachsen n'est ni directement ni individuellement concerné par la Décision.

75.
    Il ne serait pas directement concerné puisque, d'une part, il n'a à aucun moment participé à la procédure administrative, à la différence des autres parties requérantes, et que, d'autre part, son obligation d'octroyer les primes aux investissements repose sur une loi fédérale. La circonstance que, selon l'article 9 de la loi sur la tâche d'intérêt commun, l'exécution du plan-cadre est confiée aux Länder, et que le Bund rembourse la moitié des dépenses, ne modifierait en rien cette analyse. En tout état de cause, la Décision ne concernerait pas uniquement les primes aux investissements, mais aussi d'autres subventions octroyées par le Bund. Il s'agirait d'une décision unique sur l'ensemble des aides, adressée à la seule République fédérale d'Allemagne.

76.
    Le Freistaat Sachsen ne serait pas non plus individuellement concerné. En effet, il ne se trouverait pas dans une situation de fait qui le caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l'individualise d'une manière analogue à celle d'un destinataire (voir conclusions de l'avocat général M. Lenz sous l'arrêt de la Cour du 11 juillet 1984, Commune de Differdange e.a./Commission, 222/83, Rec. p. 2889, 2898, 2905).

77.
    La Commission souligne, enfin, que la situation qui se présente en l'espèce équivaut à celle caractérisée par le Tribunal dans son ordonnance du 16 juin 1998, Comunidad Autónoma de Cantabria/Conseil (T-238/97, Rec. p. II-2271). En revanche, les arrêts du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission (T-214/95, Rec. p. II-717), et du 15 juin 1999, Regione autonoma Friuli Venezia Giulia/Commission (T-288/97, non encore publié au Recueil), ne seraient pas transposables au cas d'espèce aux motifs que, premièrement, les aides à l'investissement sous forme d'amortissements exceptionnels sont octroyées par les autorités fédérales et en vertu de la législation fédérale; deuxièmement, les primes à l'investissement se fondent sur la loi fédérale, le Freistaat Sachsen n'exerçant pas de compétences propres et n'ayant pas de pouvoir d'appréciation en la matière, et, troisièmement, la Décision n'impose pas au Freistaat Sachsen de réclamer la restitution des aides litigieuses, mais interdit simplement leur versement.

78.
    Le Royaume-Uni soutient, en substance, les arguments de la Commission.

79.
    Le Freistaat Sachsen conteste les arguments invoqués par la Commission. Il soutient, en substance, que la Commission l'a encouragé à introduire le recours, que les décisions d'octroi des aides litigieuses relèvent de sa compétence exclusive selon le droit allemand, que ces aides ont été, à tout le moins partiellement, financées par lui, que ses représentants ont participé à la procédure administrative et qu'il est, en tout état de cause, directement et individuellement concerné par la Décision.

80.
    La République fédérale d'Allemagne soutient, en substance, les arguments du Freistaat Sachsen.

Appréciation du Tribunal

81.
    Il convient de relever, à titre liminaire, que, jouissant de la personnalité juridique en vertu du droit allemand, le Freistaat Sachsen peut introduire un recours en annulation en vertu de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, aux termes duquel toute personne physique ou morale peut former un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l'apparence d'un règlement ou d'une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement (voir arrêt Vlaams Gewest/Commission, précité, point 28, et la jurisprudence citée, et ordonnance Comunidad Autónoma de Cantabria/Conseil, précitée, point 43).

82.
    La Décision ayant été adressée à la République fédérale d'Allemagne, il y a donc lieu de vérifier si elle concerne directement et individuellement le Freistaat Sachsen.

83.
    A cet égard, il convient de rappeler que les sujets autres que les destinataires d'une décision ne sauraient prétendre être concernés individuellement au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d'une manière analogue à celle du destinataire (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 199, 223, et du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, Rec. p. 391, point 22). En effet, l'objectif de cette disposition est d'assurer une protection juridique également à celui qui, sans être le destinataire de l'acte litigieux, est en fait concerné par celui-ci comme s'il en était le destinataire (arrêt Commune de Differdange e.a./Commission, précité, point 9).

84.
    En l'espèce, la Décision vise des aides accordées par le Freistaat Sachsen, pour partie au moyen de ses ressources propres. Elle affecte non seulement des actes dont le Freistaat Sachsen est l'auteur, à savoir les décrets de 1991, de 1993, de 1994 et de 1996, mais, de plus, elle empêche celui-ci d'exercer comme il l'entend ses compétences autonomes (voir arrêts Vlaams Gewest/Commission, précité, point 29, et Regione autonoma Friuli Venezia Giulia/Commission, précité, point 31).

85.
    En effet, il ressort des points 2 à 4 de l'arrêt du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission, précité, invoqué par la Commission, que, en République fédérale d'Allemagne, les aides à finalité régionale sont, en principe, accordées par les différents Länder, même si, depuis une modification de la loi fondamentale intervenue en 1969, un nouvel article 91 A prévoit que le Bund contribue lui aussi à l'amélioration des structures économiques régionales. En vertu de la loi sur la tâche d'intérêt commun, adoptée sur la base de cet article 91 A, des programmesd'aides ont été mis sur pied sous la forme de plans-cadres adoptés régulièrement en commun par le Bund et les Länder depuis 1972. Les aides versées en exécution de ces plans-cadres sont financées à la fois par l'État fédéral et par les Länder. Parallèlement aux plans-cadres adoptés en vertu de la loi sur la tâche d'intérêt commun, les Länder peuvent également prévoir des programmes d'aides à finalité régionale au profit des entreprises investissant sur leur territoire.

86.
    En outre, la Décision a pour effet d'obliger le Freistaat Sachsen à engager la procédure administrative de récupération des aides auprès des bénéficiaires, qu'il est seul compétent pour mettre en oeuvre au niveau national. A cet égard, il a été pris acte à l'audience, à la demande de la Commission, qu'une partie des aides avait été remboursée au Freistaat Sachsen lui-même.

87.
    Contrairement à ce que la Commission soutient, la situation du Freistaat Sachsen ne saurait être assimilée à celle de la Comunidad Autónoma de Cantabria, dans l'affaire ayant donné lieu à l'ordonnance Comunidad Autónoma de Cantabria/Conseil, précitée, puisque l'individualisation dont se prévalait cette collectivité régionale se limitait aux répercussions socio-économiques de l'acte attaqué sur son territoire.

88.
    Il s'ensuit que le Freistaat Sachsen est individuellement concerné par la Décision, au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité.

89.
    Par ailleurs, même si la Décision a été adressée à la République fédérale d'Allemagne, les autorités nationales n'ont exercé aucun pouvoir d'appréciation lors de sa communication au Freistaat Sachsen.

90.
    Celui-ci est donc également directement concerné par l'acte attaqué, au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité (voir, dans ce sens, arrêts de la Cour du 13 mai 1971, International Fruit Company e.a./Commission, 41/70, 42/70, 43/70, 44/70, Rec. p. 411, points 26 à 28, du 29 mars 1979, NTN Toyo Bearing Company e.a./Conseil, 113/77, Rec. p. 1185, point 11, et du 26 avril 1988, Apesco/Commission, 207/86, Rec. p. 2151, point 12).

91.
    Quant à la question de savoir si l'intérêt du Freistaat Sachsen à contester la Décision n'est pas compris dans l'intérêt de l'État allemand (voir arrêt Regione autonoma Friuli Venezia Giulia/Commission, précité, point 34), il ressort de ce qui précède que sa position ne saurait être comparée à celle du requérant dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt DEFI/Commission, précité. Dans cette affaire, le gouvernement français disposait du pouvoir de déterminer la gestion et la politique du comité DEFI et, donc, de définir également les intérêts que celui-ci devait défendre. En revanche, les primes à l'investissement en cause en l'espèce constituent des mesures prises par le Freistaat Sachsen au titre de l'autonomie législative et financière dont il jouit directement en vertu de la constitution allemande.

92.
    Il en découle que le Freistaat Sachsen a un intérêt à contester la Décision distinct de celui de l'État allemand et, partant, qu'il est en droit d'agir à l'encontre de celle-ci en vertu de l'article 173, quatrième alinéa, du traité.

93.
    Quant aux autres moyens et arguments invoqués par la Commission à l'appui de son exception d'irrecevabilité, il convient de les rejeter pour des motifs identiques à ceux exposés aux points 37 à 49 de l'arrêt Regione autonoma Friuli Venezia Giulia/Commission, précité.

94.
    Pour toutes ces raisons, il y a lieu de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission.

Sur le fond

95.
    Au soutien de leurs conclusions dans l'affaire T-143/96, Volkswagen et VW Sachsen soulèvent, en substance, quatre moyens tirés, respectivement, de la dénaturation des faits, qu'elles assimilent à une violation des formes substantielles au sens de l'article 173 du traité, de la violation de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité, de diverses violations de l'article 92, paragraphe 3, du traité et de la violation du principe de protection de la confiance légitime. Elles invoquent également plusieurs défauts de motivation de la Décision. Au soutien de ses conclusions dans l'affaire T-132/96, le Freistaat Sachsen soulève deux moyens tirés, respectivement, de la violation de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité et de celle de l'article 92, paragraphe 3, du traité.

96.
    Il y a toutefois lieu de relever que le moyen tiré de la dénaturation des faits par la Commission, tel qu'exposé par les requérantes, n'a pas de contenu autonome par rapport aux autres moyens du recours. En outre, une dénaturation des faits ne saurait être qualifiée de «violation des formes substantielles», au sens de l'article 173 du traité. Par ailleurs, le Tribunal n'est pas lié par la qualification donnée par les parties à leurs moyens et arguments.

97.
    En l'espèce, il convient d'examiner l'ensemble des moyens et arguments des recours sous trois rubriques principales, portant sur les violations alléguées, premièrement, de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité, deuxièmement, de l'article 92, paragraphe 3, du traité et, troisièmement, du principe de protection de la confiance légitime. Les griefs relatifs à la dénaturation des faits ainsi que le moyen tiré du défaut de motivation de la Décision peuvent, en tout état de cause, faire l'objet d'un examen exhaustif tout en étant formellement rattachés à l'une ou l'autre de ces trois rubriques, ainsi que les parties requérantes l'ont admis dans leurs observations écrites sur le rapport d'audience.

I - Sur la violation de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité

Argumentation des parties

98.
    Selon les parties requérantes, la Commission a violé l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité en indiquant, au point X, troisième alinéa, de la Décision, que la dérogation qu'il prévoit «doit être interprétée de façon restrictive et ne devrait pas être appliquée à des aides régionales en faveur de nouveaux projets d'investissement». La Commission aurait ainsi refusé d'examiner si les conditions d'application de cette disposition étaient réunies en l'espèce et se serait contentée d'une référence à des considérations d'opportunité, alors que, s'agissant d'une dérogation légale à l'interdiction des aides d'État prévue à l'article 92, paragraphe 1, du traité, elle ne disposait d'aucune marge d'appréciation (voir arrêt de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730/79, Rec. p. 2671, point 17, conclusions de l'avocat général M. Tesauro sous l'arrêt de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C-142/87, Rec. p. I-959, I-979, point 19, ci-après «arrêt Tubemeuse II», et conclusions de l'avocat général M. Lenz sous l'arrêt de la Cour du 13 juillet 1988, France/Commission, 102/87, Rec. p. 4067, 4075, point 25).

99.
    En premier lieu, l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité continuerait à être applicable après la réunification de l'Allemagne en 1990, même dans les régions non contiguës à l'ancienne frontière.

100.
    En deuxième lieu, l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité serait applicable aux nouveaux Länder. En effet, cette disposition mentionnerait de façon générale les régions affectées par la division de l'Allemagne, sans faire de distinction entre l'Est et l'Ouest.

101.
    Les parties requérantes soulignent que l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité n'a pas été supprimé lors de la signature du traité de Maastricht, qu'une disposition équivalente a été insérée dans l'accord sur l'Espace économique européen et que, lors de la conclusion du traité d'Amsterdam, cette disposition a été reprise sans modification dans le nouvel article 87, paragraphe 2, sous c), CE. Selon le Freistaat Sachsen, la seule interprétation évidente de la volonté ainsi manifestée par les hautes parties contractantes est que ladite disposition s'applique à l'ensemble des régions de l'Allemagne qui, du fait des dommages économiques que le régime communiste y a provoqués, restent, du point de vue du développement économique, très en retard par rapport aux autres régions de la République fédérale.

102.
    A cet égard, le Freistaat Sachsen met en cause le refus persistant de la Commission d'appliquer l'article 92, paragraphe 2, sous c) du traité aux nouveaux Länder depuis 1990. Il souligne la contradiction de cette position avec celle prise par la Commission dans sa décision du 11 décembre 1964 relative aux aides destinées à faciliter l'intégration de la Sarre dans l'économie de la République fédéraled'Allemagne (Bulletin de la Communauté économique européenne n° 2-1965, p. 33, ci-après «décision relative à la Sarre»).

103.
    En troisième lieu, le gouvernement allemand aurait réclamé l'application de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité au cours de la procédure administrative (voir point V, deuxième alinéa, de la Décision). S'agissant d'une dérogation légale à la prohibition prévue par l'article 92, paragraphe 1, du traité, il aurait dès lors incombé à la Commission d'établir que ses conditions d'application n'étaient pas réunies en l'espèce, et non pas au gouvernement allemand de prouver le contraire. Or, la Commission se serait refusée à prendre connaissance d'informations plus détaillées ou d'aborder cette question, en dépit d'une lettre du membre de la Commission Sir Leon Brittan au gouvernement allemand du 1er juin 1992, indiquant que la possibilité de l'application de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité serait examinée par ses services. Ce faisant, la Commission aurait également manqué à l'obligation qui lui incombe de rechercher elle-même les faits pertinents (arrêts de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429, 501, et du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27/76, Rec. p. 207, points 267 et 268; arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Hüls/Commission, T-9/89, Rec. p. II-499, points 66 à 68).

104.
    En quatrième lieu, la motivation de la Décision sur ce point (point X, troisième alinéa) ne répondrait pas aux exigences de la jurisprudence de la Cour et serait donc insuffisante pour justifier la non-application de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité en l'espèce (voir, notamment, arrêts de la Cour du 4 juillet 1963, Allemagne/Commission, 24/62, Rec. p. 131, 155, du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 296/82 et 318/82, Rec. p. 809, points 23 et 24, du 28 avril 1993, Italie/Commission, C-364/90, Rec. p. I-2097, points 44 et 45, et du 24 octobre 1996, Allemagne e.a./Commission, C-329/93, C-62/95 et C-63/95, Rec. p. I-5151, points 36 et 53). A cet égard, le fait que le destinataire d'une décision a la possibilité d'en trouver les motifs dans des décisions antérieures ne suffirait pas (arrêt de la Cour du 17 mars 1983, Control Data Belgium/Commission, 294/81, Rec. p. 911, 932).

105.
    Les parties requérantes font valoir que le vice de motivation dont la Décision est entachée sur ce point ne saurait être corrigé dans le mémoire en défense, dès lors que la Décision ne contient pas de motifs, même sous une forme rudimentaire (arrêts de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22, et du 12 novembre 1985, Krupp/Commission, 183/83, Rec. p. 3609, point 21; arrêt du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, T-61/89, Rec. p. II-1931, points 131 et 137). En tout état de cause, l'argumentation avancée dans le mémoire en défense, selon laquelle l'application de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité dans les nouveaux Länder est exclue pour des raisons territoriales, serait en contradiction avec celle retenue dans la Décision.

106.
    En cinquième lieu, la motivation de la Décision serait elle-même contradictoire, dans la mesure où la Commission y exclut l'application de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité au motif qu'il s'agit en l'espèce d'un «nouveau projet d'investissement», alors qu'elle indique, dans son examen de l'aide au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, qu'il ne s'agit pas d'un «nouvel investissement» mais d'un «investissement d'extension».

107.
    En sixième lieu, le Freistaat Sachsen, notamment dans la partie de son territoire comprenant les villes de Zwickau et Chemnitz, remplirait les conditions posées par l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité en ce qu'il a été entièrement coupé de l'Allemagne de l'Ouest du point de vue économique. A cet égard, le Freistaat Sachsen renvoie à un rapport d'expertise Von Dohnanyi/Pohl, qui établirait que la mauvaise situation économique des nouveaux Länder résulte de la division de l'Allemagne.

108.
    Pour déterminer les désavantages résultant de cette partition, il serait nécessaire de comparer la situation économique de la Saxe avant et après celle-ci. En revanche, les conséquences du système politique et économique qui avait été mis en place en République démocratique allemande seraient inopérantes aux fins du présent recours.

109.
    Or, avant la division de l'Allemagne, une industrie automobile importante, et notamment l'entreprise Auto Union AG, aurait été implantée dans la région, à Zwickau et à Chemnitz. En raison de la partition, les ventes de véhicules sur les marchés traditionnels, situés en Allemagne de l'Ouest et dans le reste de l'Europe, auraient été entièrement interrompues. Auto Union AG aurait alors installé de nouvelles usines à Ingolstadt, en Bavière. Par suite, malgré l'existence de débouchés limités vers l'Europe orientale, la production de véhicules et de moteurs à Zwickau et à Chemnitz se serait effondrée. Sans la division de l'Allemagne, Auto Union AG, devenue Audi, aurait pu rester dans la région et serait aussi prospère qu'elle l'est actuellement.

110.
    Dans ces conditions, l'intégralité des aides en cause, destinées à faciliter l'implantation d'une usine de construction automobile et d'une usine de fabrication de moteurs en Saxe, serait «nécessaire» au sens de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité, dans la mesure où les désavantages résultant de la division de l'Allemagne subsistent. En l'espèce, seule la perspective de recevoir la totalité de ces aides aurait incité Volkswagen à investir dans la réimplantation d'une industrie automobile comparable, par son importance, à celle qui existait dans la région avant la partition. Les investissements de Volkswagen seraient, par ailleurs, un signal visant à encourager d'autres entrepreneurs à investir dans la région.

111.
    En septième lieu, le refus de la Commission d'appliquer l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité dans la décision Mosel I ne serait pas pertinent, dès lors que ni le gouvernement allemand ni Volkswagen n'ont eu la possibilité de contester cettedécision en justice, l'essentiel des aides en cause ayant été déclaré compatible avec le marché commun.

112.
    Ce serait par conséquent à tort que la Commission a appliqué, dans la Décision, les critères de l'article 92, paragraphe 3, du traité, et notamment ceux de l'encadrement communautaire, qui sont fondamentalement différents de ceux qu'elle aurait dû mettre en oeuvre au titre de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité.

113.
    La République fédérale d'Allemagne se rallie, en substance, aux arguments des parties requérantes et se réfère, en outre, à ses écritures dans l'affaire C-301/96.

114.
    Dans une lettre du 9 décembre 1992 concernant le cas d'espèce, le chancelier fédéral, M. Kohl, aurait indiqué au président de la Commission, M. Delors, que le gouvernement allemand «[considérait], pour les affaires [alors] pendantes devant la Commission des Communautés européennes, que l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité CEE [était] déterminant». Nonobstant le différend l'opposant à la Commission quant à l'application de cette disposition aux nouveaux Länder, la République fédérale d'Allemagne aurait coopéré avec la Commission dans le cadre de la procédure administrative, étant donné que, dans d'autres affaires, celle-ci avait fait preuve de compréhension pour la situation économique difficile dans ces derniers, de sorte que des compromis avaient été rendus possibles. Le gouvernement allemand aurait toutefois émis explicitement une réserve pour souligner que, selon lui, dans une interprétation correcte du traité, la disposition en cause devait trouver à s'appliquer.

115.
    La République fédérale d'Allemagne insiste sur le fait qu'il s'agit d'une dérogation légale et que, lorsque les éléments prévus par l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité sont réunis, l'aide est compatible ex lege avec le marché commun. Par ailleurs, conformément à l'article 93, paragraphe 2, du traité, l'examen de la Commission devrait se limiter à vérifier si les autorités nationales qui ont accordé les aides n'ont pas appliqué les critères de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité «de façon abusive».

116.
    A l'inverse de l'article 92, paragraphe 2, sous b), du traité, relatif aux aides en cas de calamités naturelles et autres événements similaires, l'article 92, paragraphe 2, sous c), n'aurait pas pour objet de «remédier aux dommages», mais de «compenser» les conséquences de la division de l'Allemagne. Cette formulation plus flexible tiendrait compte de la situation économique complexe liée aux désavantages causés par cette partition. Elle viserait l'ensemble des mesures destinées à créer, dans les nouveaux Länder, des structures économiques et sociales comparables à celles qui existent dans les autres régions de l'Allemagne.

117.
    Selon le gouvernement allemand, l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité englobe tout le territoire des nouveaux Länder. Les «désavantages économiques»dont il est question en l'espèce auraient été manifestement «causés» par la division de l'Allemagne, ainsi qu'il ressortirait de la comparaison de la production automobile allemande effectuée en Saxe avant 1939 (27 % environ en 1936) avec celle réalisée en 1990 (environ 5 %). Ce déclin serait principalement dû à la perte des débouchés traditionnels à l'Ouest et à leur remplacement forcé par ceux du Comecon dans une forme d'économie inefficace.

118.
    Le gouvernement allemand souligne, enfin, que les investissements de Volkswagen en Saxe se montaient en 1996 à un total d'environ 3,5 milliards de DM et généraient environ 23 000 emplois. De tels investissements revêtiraient donc une importance capitale pour les travaux de reconstruction dans les nouveaux Länder.

119.
    La Commission fait valoir qu'elle a effectivement vérifié si l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité était applicable au cas d'espèce. Elle aurait toutefois été en droit d'écarter son application, en donnant la même motivation que celle retenue dans la décision Mosel I.

120.
    En premier lieu, le gouvernement allemand ne se serait pas acquitté, au cours de la procédure administrative, de la charge de fournir tous les éléments de nature à permettre de vérifier si les conditions de la dérogation sollicitée étaient remplies (arrêt Philip Morris/Commission, précité, point 18, et conclusions de l'avocat général M. Capotorti sous ledit arrêt, p. 2693, point 6; arrêt Italie/Commission, précité, point 20; conclusions de l'avocat général M. Darmon sous l'arrêt Allemagne/Commission du 14 octobre 1987, précité, p. 4025, point 8). Ni le gouvernement allemand ni Volkswagen n'auraient réclamé le bénéfice de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité après le mois de février 1993, et ils n'auraient présenté à aucun moment des éléments concrets justifiant que les conditions requises par cette disposition étaient réunies, même après que, dans la décision Mosel I, la Commission en a écarté l'application au cas d'espèce.

121.
    En deuxième lieu, s'agissant d'une disposition dérogatoire, l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité devrait être interprété de façon restrictive (voir arrêt de la Cour du 10 mai 1960, Erzbergbau e.a./Haute Autorité, 3/58 à 18/58, 25/58 et 26/58, Rec. p. 367, 408 et 409.

122.
    En troisième lieu, l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité exigerait un lien de causalité direct entre le désavantage économique devant être compensé et la division de l'Allemagne. Or, depuis la réunification, les conséquences directes de cette division auraient pratiquement disparu, les liaisons ferroviaires et routières ayant été rétablies et les débouchés traditionnels étant à nouveau accessibles. Par conséquent, depuis 1990, cette disposition ne s'appliquerait plus que dans certains cas exceptionnels.

123.
    La Commission soutient que le maintien de la disposition de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité dans les traités de Maastricht et d'Amsterdam s'explique par le veto opposé par la République fédérale d'Allemagne à sasuppression. Aucune volonté de donner au nouvel article 87, paragraphe 2, sous c), CE une autre signification que celle de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité dans son interprétation initiale ne ressortirait du traité sur l'Union européenne ni du traité d'Amsterdam. Par ailleurs, les parties requérantes n'expliqueraient pas pourquoi ladite disposition devrait désormais couvrir non seulement les conséquences de la division de l'Allemagne, mais aussi les répercussions de l'économie planifiée de la République démocratique allemande et les conséquences de l'introduction de l'économie de marché, après la réunification du pays.

124.
    En quatrième lieu, la Commission fait valoir que, même avant la réunification de l'Allemagne, seules certaines régions de l'ancienne République fédérale qui étaient défavorisées en raison de leur proximité immédiate avec la frontière étaient susceptibles de bénéficier d'aides au titre de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité. Il s'agissait principalement des régions limitrophes de la zone est («Zonenrand») et de Berlin-Ouest. La réunification de l'Allemagne n'aurait en rien modifié ce principe. Même si, dans certains cas exceptionnels, l'application de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité pourrait se justifier à l'égard des régions limitrophes situées des deux côtés de l'ancienne frontière et donc au Zonenrand de l'ancienne République démocratique allemande, la Commission soutient que cette disposition ne permet pas un soutien général et étendu au développement des nouveaux Länder.

125.
    En cinquième lieu, la Commission souligne la cohérence de sa pratique décisionnelle. Depuis la réunification de l'Allemagne, elle ne se serait fondée sur l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité que dans deux décisions [décision 92/465/CEE de la Commission, du 14 avril 1992, concernant une aide accordée par le Land de Berlin (Allemagne) à Daimler-Benz AG (JO L 263, p. 15, ci-après «décision Daimler-Benz»), et décision de la Commission, du 13 avril 1994, relative à une aide en faveur des fabricants de porcelaine et de réservoirs en verre établis à Tettau (JO C 178, p. 24, ci-après «décision Tettau»)], portant sur des cas dans lesquels les conséquences directes du tracé de la frontière entre les deux zones continuaient à se faire sentir. Dans ses autres décisions concernant les aides aux nouveaux Länder, la Commission n'aurait pas eu recours à l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité. Quant à la décision relative à la Sarre, la Commission souligne que celle-ci était déjà un Land lors de l'entrée en vigueur du traité CEE. Par ailleurs, à la lecture du Bulletin de la CEE n° 2-1965, rien ne permettrait de supposer que les aides en question ont été autorisées en application de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité, et non pas au titre de l'article 92, paragraphe 2, sous b), du traité.

126.
    En sixième lieu, la mauvaise situation économique générale des nouveaux Länder ne serait pas une conséquence directe de la division de l'Allemagne, mais du système politique de l'ancienne République démocratique allemande et de la réunification elle-même et, notamment, de la perte des marchés de ces Länder dans le cadre du Comecon et dans celui des relations avec l'ancienne Unionsoviétique, de l'entrée en vigueur de l'union monétaire, économique et sociale allemande, de l'alignement du niveau des salaires est-allemands sur ceux de l'Allemagne de l'Ouest et de l'insécurité juridique concernant, en particulier, les droits de propriété sur les immeubles.

127.
    En tout état de cause, l'industrie automobile implantée à Zwickau et à Chemnitz aurait subi un déclin avant la fin de la deuxième guerre mondiale, ainsi d'ailleurs que celle d'autres pays européens.

128.
    Enfin, sachant que sa pratique décisionnelle n'avait jamais été contestée, la Commission n'aurait eu aucune raison de motiver davantage la Décision, quant à l'inapplicabilité de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité.

Appréciation du Tribunal

129.
    Aux termes de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité, sont compatibles avec le marché commun «les aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division».

130.
    Loin d'avoir été implicitement abrogée à la suite de la réunification allemande, cette disposition a été maintenue en vigueur tant par le traité de Maastricht, conclu le 7 février 1992, que par le traité d'Amsterdam, conclu le 2 octobre 1997. En outre, une disposition identique a été insérée à l'article 61, paragraphe 2, sous c), de l'accord sur l'Espace économique européen, conclu le 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3).

131.
    Eu égard à la portée objective des règles du droit communautaire, dont il convient de sauvegarder l'autorité et l'effet utile, il ne saurait dès lors être présumé que cette disposition est devenue sans objet depuis la réunification de l'Allemagne, comme la Commission l'a soutenu à l'audience, à l'encontre de sa propre pratique administrative (voir, notamment, les décisions Daimler-Benz et Tettau).

132.
    Il convient toutefois de souligner que, s'agissant d'une dérogation au principe général d'incompatibilité avec le marché commun des aides d'État énoncé à l'article 92, paragraphe 1, du traité, l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité est d'interprétation stricte.

133.
    En outre, comme la Cour l'a souligné, il y a lieu, pour l'interprétation d'une disposition de droit communautaire, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêts de la Cour du 17 novembre 1983, Merck, 292/83, Rec. p. 3781, 3792, et du 21 février 1984, St. Nikolaus Brennerei, 337/82, Rec. p. 1051, 1062).

134.
    En l'espèce, les termes «division de l'Allemagne» se réfèrent, historiquement, à l'établissement de la ligne de partage entre les deux zones, en 1948. Dès lors, les «désavantages économiques causés par cette division» ne sauraient viser que les désavantages économiques causés par l'isolement qu'a engendré l'établissement ou le maintien de cette frontière, tels que l'enclavement de certaines régions (voir la décision Daimler-Benz), la rupture des voies de communication (voir la décision Tettau), ou bien encore la perte des débouchés naturels de certaines entreprises qui ont, dès lors, besoin de soutien soit pour pouvoir s'adapter aux conditions nouvelles, soit pour pouvoir survivre à ce désavantage (voir, en ce sens, mais à propos de l'article 70, quatrième alinéa, du traité CECA, arrêt Erzbergbau e.a./Haute Autorité, précité, p. 409).

135.
    En revanche, la conception des parties requérantes et du gouvernement allemand selon laquelle l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité permet de compenser intégralement le retard économique incontestable dont souffrent les nouveaux Länder, jusqu'à ce que ceux-ci aient atteint un niveau de développement comparable à celui des anciens Länder, méconnaît tant le caractère dérogatoire de cette disposition que son contexte et les objectifs qu'elle poursuit.

136.
    En effet, les désavantages économiques dont souffrent globalement les nouveaux Länder n'ont pas été causés par la division de l'Allemagne, au sens de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité. En tant que telle, la division de l'Allemagne n'a eu que des conséquences marginales sur le développement économique de l'une et l'autre zone, qu'elle a, du reste, affectées de manière égale au départ, et elle n'a pas empêché l'économie des anciens Länder de se développer favorablement ensuite.

137.
    Force est de constater, dès lors, que les différences de développement entre les anciens et les nouveaux Länder s'expliquent par d'autres causes que par la division de l'Allemagne en tant que telle, et notamment par les régimes politico-économiques différents mis en place dans chaque État de part et d'autre de la frontière.

138.
    Il découle également de ce qui précède que la Commission n'a pas commis d'erreur de droit en énonçant de façon générale, au point X, troisième alinéa, de la Décision, que la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité ne devrait pas être appliquée à des aides régionales en faveur de nouveaux projets d'investissement et que les dérogations prévues à l'article 92, paragraphe 3, sous a) et sous c), du traité et l'encadrement communautaire suffisent pour faire face aux problèmes qui se posent dans les nouveaux Länder.

139.
    A cet égard, c'est à tort que les parties requérantes font état d'une contradiction de motifs en ce que la Commission aurait, en d'autres points de la Décision, qualifié les investissements en cause d'«investissements d'extension». En effet, l'expression «aides régionales en faveur de nouveaux projets d'investissement» estutilisée en réponse à un argument d'ordre général soulevé par le gouvernement allemand (voir point V, deuxième alinéa, de la Décision) et ne vise donc pas, de manière spécifique, les aides aux projets d'investissement de Volkswagen dans Mosel II et Chemnitz II, mais l'ensemble des aides destinées à favoriser le développement économique général des nouveaux Länder.

140.
    Pour le surplus, s'agissant de la question de savoir si, outre leur caractère d'aides au développement économique du Freistaat Sachsen, les aides litigieuses sont spécifiquement destinées à compenser des désavantages causés par la division de l'Allemagne, il convient de rappeler que l'État membre qui demande à pouvoir octroyer des aides en dérogation aux règles du traité est tenu à un devoir de collaboration envers la Commission, en vertu duquel il lui incombe, notamment, de fournir tous les éléments de nature à permettre à cette institution de vérifier que les conditions de la dérogation sollicitée sont remplies (arrêt Italie/Commission, précité, point 20).

141.
    Or, aucun élément du dossier soumis au Tribunal ne permet d'établir que le gouvernement allemand ou les parties requérantes ont avancé des arguments spécifiques, au cours de la procédure administrative, en vue d'apporter la preuve d'un lien de causalité entre la situation de l'industrie automobile saxonne après la réunification allemande et la division de l'Allemagne.

142.
    C'est à juste titre, dès lors, que la Commission fait valoir que les parties n'ont pas apporté d'éléments concrets de nature à justifier l'application de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité au cas d'espèce.

143.
    Certes, devant le Tribunal, les parties requérantes et le gouvernement allemand en renvoyant sur ces questions à ses écritures dans l'affaire C-301/96, ont soutenu que la preuve des désavantages économiques causés à la Saxe par la division de l'Allemagne résultait d'une comparaison de la production automobile allemande effectuée dans cette région avant 1939 avec celle réalisée en 1990. Selon ces parties, le déclin relatif de l'industrie automobile saxonne, par rapport à celle de l'Allemagne de l'Ouest en général, a notamment été causé par la partition du marché allemand et par la perte corrélative des débouchés traditionnels de cette industrie vers l'Ouest, consécutive à cette partition.

144.
    Pour autant qu'elle puisse être invoquée devant le Tribunal alors qu'elle n'a pas été soulevée au cours de la procédure administrative (voir arrêt de la Cour du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C-278/92, C-279/92 et C-280/92, Rec. p. I-4103, point 31, et arrêt du Tribunal du 25 mars 1999, Forges de Clabecq/Commission, T-37/97, non encore publié au Recueil, point 93), cette argumentation doit être rejetée.

145.
    En effet, à supposer même qu'il y ait eu des obstacles au commerce interallemand, entraînant la perte des débouchés traditionnels de l'industrie automobile saxonne, cela ne signifierait pas pour autant que la mauvaise situation économique de cetteindustrie en 1990 soit une conséquence directe de cette perte de débouchés causée, par hypothèse, par la division de l'Allemagne en 1948. Les difficultés exposées par les parties requérantes résultent, principalement, de l'organisation économique différente du régime est-allemand lui-même, laquelle n'a pas été «causée par la division de l'Allemagne», au sens de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité.

146.
    Une comparaison de la situation de l'industrie automobile saxonne avant 1939 avec celle de 1990 ne suffit donc pas, à elle seule, à établir l'existence d'un lien suffisamment direct entre les désavantages économiques dont souffrait cette industrie au moment de l'octroi des aides litigieuses et la «division de l'Allemagne» au sens de cette disposition.

147.
    Quant à la décision relative à la Sarre, aucune des parties ne l'a produite ou demandée dans le cadre de la présente procédure. Les parties requérantes sont restées en défaut de démontrer que cette décision refléterait une approche divergente de la Commission dans le passé et que cette approche, à la supposer établie, remettrait en cause la validité des appréciations juridiques portées en 1996.

148.
    Dans ces conditions, les parties requérantes et intervenante n'ont pas apporté les éléments permettant de conclure que la Commission a dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation en considérant que les aides en cause ne répondaient pas aux conditions permettant de bénéficier de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité.

149.
    Quant au grief tiré d'un défaut de motivation, il y a lieu de rappeler que la motivation exigée par l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE) doit faire apparaître d'une façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution auteur de l'acte, de manière à permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle et aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T-84/96, Rec. p. II-2081, point 46).

150.
    En l'occurrence, la Décision ne comporte qu'un exposé sommaire des motifs pour lesquels la Commission a refusé d'appliquer la dérogation de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité aux faits de l'espèce.

151.
    Il convient de souligner, toutefois, que cette Décision a été adoptée dans un contexte bien connu du gouvernement allemand et des parties requérantes et qu'elle se place dans la ligne d'une pratique décisionnelle constante, notamment à l'égard de ces parties. Une telle décision peut être motivée d'une manière sommaire (arrêt de la Cour du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints e.a. de Belgique/Commission, 73/74, Rec. p. 1491, point 31, et arrêt du Tribunal du 27 octobre 1994, Fiatagri et New Holland Ford/Commission, T-34/92, Rec. p. II-905, point 35).

152.
    En effet, dans ses rapports avec la Commission, le gouvernement allemand s'est, depuis 1990, référé à diverses reprises à l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité, en insistant sur l'importance de cette disposition pour le relèvement de l'ex-Allemagne de l'Est (voir, notamment, la lettre du chancelier Kohl au président Delors du 9 décembre 1992, précitée).

153.
    Les thèses avancées à cet égard par le gouvernement allemand ont été rejetées dans diverses correspondances ou décisions de la Commission [voir, notamment, la communication faite conformément à l'article 93, paragraphe 2, du traité CEE aux autres États membres et aux autres parties intéressées concernant la proposition du gouvernement allemand d'accorder une aide d'État au groupe Opel en faveur des projets d'investissement de celui-ci dans les nouveaux Länder (JO 1993, C 43, p. 14); la communication au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité CEE adressée aux autres États membres et aux autres parties intéressées, concernant des aides que l'Allemagne projette d'accorder à l'entreprise Rhône-Poulenc Rhotex GmbH (JO 1993, C 210, p. 11); la décision 94/266/CE de la Commission, du 21 décembre 1993, concernant un projet d'aide à SST-Garngesellschaft GmbH, Thuringe (JO 1994, L 114, p. 21); la décision Mosel I; et la décision 94/1074/CE de la Commission, du 5 décembre 1994, concernant un projet d'aide de l'Allemagne en faveur de Textilwerke Deggendorf GmbH, Thuringe (JO L 386, p. 13)].

154.
    A cet égard, il convient d'accorder une importance particulière à la décision Mosel I, par laquelle la Commission a déclaré incompatibles avec le marché commun certaines des aides en cause, d'un montant de 125,2 millions de DM, après avoir exclu, pour des motifs identiques à ceux retenus dans la Décision, que ces aides puissent relever de la dérogation de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité. Il est d'ailleurs à noter que ni les parties requérantes ni les autorités allemandes n'ont formé un recours contre cette décision antérieure.

155.
    S'il est vrai que la Commission, les autorités allemandes et les parties requérantes ont eu, entre l'adoption de la décision Mosel I et celle de la Décision, de nombreux contacts révélant leurs divergences de vues persistantes quant à l'applicabilité de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité aux aides litigieuses (voir points V et VI de la Décision), il convient de souligner également qu'aucun argument spécifique ou nouveau n'a été avancé dans ce contexte, notamment quant à l'existence d'un lien de causalité entre la situation de l'industrie automobile saxonne après la réunification allemande et la division de l'Allemagne (voir point 141 ci-dessus).

156.
    Dans ces circonstances, il convient de retenir que les parties requérantes et intervenante ont été suffisamment informées des motifs de la Décision et que, à défaut d'arguments plus spécifiques, la Commission n'était pas tenue de la motiver plus amplement.

157.
    Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les griefs tirés d'une violation de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité et d'un défaut de motivation doivent être rejetés.

II - Sur la violation de l'article 92, paragraphe 3, du traité

158.
    Les parties requérantes invoquent diverses violations de l'article 92, paragraphe 3, du traité, certaines s'appuyant sur l'économie générale de l'article, les autres portant spécifiquement et respectivement, sur les points a) et b) de ladite disposition. Il convient d'examiner, tout d'abord, la violation de l'article 92, paragraphe 3, sous b).

Sur la violation de l'article 92, paragraphe 3, sous b), du traité

Argumentation des parties

159.
    Les parties requérantes soutiennent que la Commission a violé l'article 92, paragraphe 3, sous b), du traité en n'examinant pas les conditions d'application de cette disposition. Elles se réfèrent au point X, deuxième alinéa, de la Décision, aux termes duquel:

«La dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, sous b), n'est certainement pas applicable dans le cas de l'Allemagne. Il est exact que la réunification de l'Allemagne a eu des répercussions défavorables sur l'économie allemande, mais cela ne constitue pas en soi un motif d'application de l'article 92, paragraphe 3, sous b), à un régime d'aide. C'est en 1991 que la Commission a approuvé pour la dernière fois l'octroi d'une aide pour remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre; il s'agissait d'une aide accordée au programme de privatisation de la Grèce. Dans sa décision, elle avait considéré le programme de privatisation comme un élément des engagements pris en vertu de la décision 91/306/CEE du Conseil, du 4 mars 1991, concernant le redressement de l'économie nationale. Or, il est clair que l'Allemagne se trouve dans une situation entièrement différente.»

160.
    Les parties requérantes estiment, en premier lieu, qu'une telle motivation est insuffisante. La Commission aurait simplement répété une formule type figurant dans des décisions précédentes (voir, notamment, décision Mosel I). La Décision n'aborderait aucunement la question décisive, qui serait celle de savoir si, dans les circonstances concrètes de l'espèce, les aides doivent servir à remédier à une perturbation grave de l'économie de la République fédérale d'Allemagne. Par ailleurs, la Décision n'expliquerait pas quelles sont les différences entre le cas d'espèce et le programme de privatisation de la Grèce qui, d'après la Commission, justifient la non-application de l'article 92, paragraphe 3, sous b), du traité.

161.
    En deuxième lieu, la Commission n'aurait pas examiné de façon sérieuse la question de l'applicabilité de l'article 92, paragraphe 3, sous b), du traité, bien que le gouvernement allemand ait invoqué cette disposition à plusieurs reprises, lors de la procédure administrative, en faisant valoir que les problèmes d'intégration et de transformation de l'ancienne économie planifiée des nouveaux Länder en économie de marché provoquaient une perturbation grave de son économie.

162.
    En troisième lieu, les parties requérantes font valoir que les conditions d'application de l'article 92, paragraphe 3, sous b), du traité sont réunies en l'espèce. Il suffirait pour cela d'établir que les aides en cause sont destinées à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un Land (voir arrêt Philip Morris/Commission, précité, points 20 à 25). Or, le Freistaat Sachsen aurait été caractérisé, surtout en 1991, par un produit national brut remarquablement bas en comparaison de la moyenne européenne et par un taux de chômage particulièrement élevé. Par ailleurs, l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous b), du traité ne serait pas exclue dans le cas où les aides en cause sont destinées à une seule entreprise, et elle ne dépendrait pas non plus de la part occupée par cette entreprise dans l'économie nationale. Cet argument, invoqué par la Commission dans le mémoire en défense déposé dans l'affaire T-143/96, serait, en toute hypothèse, tardif et irrecevable.

163.
    La Commission fait valoir, en premier lieu, qu'elle dispose d'un large pouvoir discrétionnaire lorsqu'elle procède aux appréciations d'ordre économique et social prévues par l'article 92, paragraphe 3, sous b), du traité (arrêt Philip Morris/Commission, précité, point 24).

164.
    Elle soutient, en deuxième lieu, que, en faisant référence à l'aide accordée au programme de privatisation de la Grèce, approuvée en exécution d'une décision du Conseil et qui concernait l'ensemble de l'économie de cet État membre, elle a simplement rappelé les conditions exigées habituellement aux fins de l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous b), du traité. Il n'y aurait donc pas de violation de l'article 190 du traité.

165.
    En troisième lieu, la Commission soutient que les conditions d'application de l'article 92, paragraphe 3, sous b), du traité ne sont pas réunies en l'espèce.

Appréciation du Tribunal

166.
    Aux termes de l'article 92, paragraphe 3, sous b), du traité, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun les aides «destinées [...] à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre».

167.
    Il ressort du contexte et de l'économie générale de cette disposition que la perturbation en question doit affecter l'ensemble de l'économie de l'État membre concerné, et pas seulement celle d'une de ses régions ou parties de territoire. Cette solution est d'ailleurs conforme à la nécessité d'interpréter strictement une disposition dérogatoire telle que l'article 92, paragraphe 3, sous b), du traité. Par ailleurs, l'arrêt Philip Morris/Commission, précité, invoqué par les parties requérantes au soutien de leur thèse, ne se prononce aucunement sur le point ici en cause.

168.
    Il s'ensuit que l'argumentation des parties requérantes doit être rejetée comme inopérante dès lors que celles-ci se bornent à faire référence à l'état de l'économie du Freistaat Sachsen, sans même alléguer qu'il en serait résulté une perturbation grave de l'économie de la République fédérale d'Allemagne dans son ensemble.

169.
    Par ailleurs, la question de savoir si la réunification allemande a provoqué une perturbation grave de l'économie de la République fédérale d'Allemagne implique des évaluations complexes d'ordre économique et social, à effectuer dans un contexte communautaire, qui relèvent de l'exercice du large pouvoir d'appréciation dont jouit la Commission dans le domaine de l'article 92, paragraphe 3, du traité (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 15 mai 1997, TWD/Commission, C-355/95 P, Rec. p. I-2549, point 26). Le contrôle exercé par le juge doit, à cet égard, se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi que de l'exactitude matérielle des faits, de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir. En particulier, il n'appartient pas au juge communautaire de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (arrêts du Tribunal du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T-380/94, Rec. p. II-2169, point 56, et du 5 novembre 1997, Ducros/Commission, T-149/95, Rec. p. II-2031, point 63).

170.
    En l'espèce, les parties requérantes n'ont avancé aucun élément concret de nature à établir que la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que les répercussions défavorables de la réunification de l'Allemagne sur l'économie allemande, pour exactes qu'elles fussent, ne constituaient pas en elles-mêmes un motif d'application de l'article 92, paragraphe 3, sous b), du traité à un régime d'aides.

171.
    Quant à la motivation de la Décision, bien que sommaire, elle apparaît suffisante eu égard au contexte de l'affaire, à ses précédents, notamment la décision Mosel I, et à l'absence d'arguments spécifiques invoqués au cours de la procédure administrative. A cet égard, les considérations développées aux points 140 à 142 et 149 à 156 ci-dessus valent, mutatis mutandis, pour ce qui concerne la motivation du refus de la Commission d'appliquer, en l'espèce, la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, sous b), du traité.

172.
    Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés d'une violation de l'article 92, paragraphe 3, sous b), du traité et d'un défaut de motivation doivent être rejetés.

Sur la violation de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité

Argumentation des parties

173.
    Les parties requérantes font valoir que la Commission a violé l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité, aux termes duquel les «aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie estanormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi» peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun.

174.
    En premier lieu, la Saxe serait l'une des régions visées par cette disposition, ainsi que la Commission l'aurait implicitement admis au point XII, premier alinéa, de la Décision. Or, celle-ci ne contiendrait aucune discussion relative à l'application éventuelle de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité. En refusant de se prononcer sur ce point, la Commission aurait méconnu son pouvoir d'appréciation et violé cette norme.

175.
    En deuxième lieu, selon les parties requérantes, si les exigences de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité sont plus strictes que celles de l'article 92, paragraphe 3, sous c), pour déterminer les régions susceptibles de bénéficier de ces dérogations, en revanche, l'article 92, paragraphe 3, sous a), ne requiert pas que les conditions des échanges ne soient pas altérées dans une mesure contraire à l'intérêt commun (arrêt du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission, précité, point 19). Il constituerait ainsi une disposition spéciale, dont l'application devrait être examinée prioritairement à celle de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité.

176.
    En troisième lieu, l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité permettrait aux autorités nationales d'offrir à l'investisseur qui veut s'établir dans une région particulièrement défavorisée un encouragement spécial (complément d'aide ou «top up») dépassant la simple compensation des désavantages régionaux. Même si l'on ne peut pas totalement exclure les considérations relatives au secteur économique dans le cadre d'un examen au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité (arrêt de la Cour du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, C-169/95, Rec. p. I-135), les parties requérantes soutiennent qu'il faut, dans le cas des aides aux régions économiquement faibles au sens de cette disposition, donner plus de poids au développement régional, alors que, dans le cas des régions visées par l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, les considérations de nature sectorielle joueraient un rôle plus important. Une intensité d'aide plus élevée serait donc admissible dans le premier cas.

177.
    Dans ces conditions, la référence, dans la Décision, à l'existence de surcapacités de production dans le secteur automobile ne suffirait pas à exclure l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité. Il ne s'agirait là que d'une considération à prendre éventuellement en compte dans le cadre de l'exercice du pouvoir d'appréciation impliqué par cette norme. Par ailleurs, les décisions faisant intervenir un pouvoir d'appréciation exigeraient une motivation particulièrement étendue et détaillée (arrêt de la Cour du 15 juillet 1960, Präsident e.a./Haute Autorité, 36/59, 37/59, 38/59 et 40/59, Rec. p. 857, 891 et suivantes; conclusions de l'avocat général M. Roemer sous l'arrêt Consten et Grundig/Commission, précité, p. 507), notamment dans le cas des décisions relatives aux aides d'État qui doivent bénéficier à des entreprises déterminées (conclusions de l'avocat généralM. Darmon sous l'arrêt du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission, précitées, p. 4027).

178.
    La Commission fait valoir qu'elle a effectivement examiné la question de savoir si les aides pouvaient être autorisées en vertu de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité, ainsi qu'il ressortirait des points X, troisième alinéa, et XII, premier alinéa, de la Décision.

179.
    Elle relève, en premier lieu, que, dans le cas de l'Allemagne, elle a pour politique de fixer la limite maximale d'intensité des aides régionales (soit l'importance relative de l'aide par rapport au montant de l'investissement, exprimée en pourcentage) à 35 % pour les régions visées à l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité et à 18 % pour celles visées à l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité. Or, la Décision autoriserait des aides d'une intensité de 22,3 % pour Mosel II et de 20,8 % pour Chemnitz II. Il serait dès lors évident que la Commission a appliqué l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité aux faits de l'espèce.

180.
    Tout en reconnaissant que les nouveaux Länder sont des régions habilitées à recevoir des aides au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité, la Commission invoque, en deuxième lieu, le large pouvoir d'appréciation dont elle dispose en cette matière (arrêt de la Cour du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225/91, Rec. p. I-3203, points 23 et suivants). Elle serait notamment en droit de tenir compte des effets de l'aide en cause sur le secteur économique concerné dans l'ensemble de la Communauté, y compris le risque de créer des surcapacités de production, et de la proportionnalité entre le montant de l'aide et les désavantages régionaux.

181.
    En troisième lieu, la Commission souligne que la Décision expose dans le détail que les aides en cause aggraveront les surcapacités existant dans le secteur automobile et sont donc contraires à l'intérêt communautaire. Elle aurait ainsi suffisamment motivé son refus d'autoriser ces aides au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité, au-delà des limites acceptées.

182.
    Enfin, la Commission fait valoir que l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité ne doit pas être appliqué prioritairement à l'article 92, paragraphe 3, sous c). Elle ajoute que les régions relevant de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité se caractérisent par le fait qu'un investisseur y rencontre des désavantages en matière de coût de son investissement plus importants que dans les régions relevant de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité. Étant donné que, dans un cas comme celui de l'espèce, ces désavantages sont pris en considération dans l'analyse des coûts et bénéfices aux fins du calcul du montant total de l'aide pouvant être autorisé par la Commission, il serait tenu compte, par conséquent, de l'éligibilité à l'aide plus élevée des régions relevant de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité. Il serait, dès lors, exclu qu'une application parallèle des points a) et c) de l'article 92, paragraphe 3, du traité ait pour effet de priver la disposition du point a) de son champ d'application propre.

Appréciation du Tribunal

183.
    Au point X, premier alinéa, de la Décision, la Commission commence par rappeler la thèse du gouvernement allemand selon laquelle les trois dérogations respectivement prévues par les articles 92, paragraphe 2, sous c), 92, paragraphe 3, sous b), et 92, paragraphe 3, sous a), du traité sont applicables en l'espèce. Dans les deux alinéas qui suivent, la Commission indique les motifs qui l'amènent à exclure l'application aux aides en cause de l'article 92, paragraphe 3, sous b), et de l'article 92, paragraphe 2, sous c). A la deuxième phrase du troisième alinéa, la Commission indique que «les dérogations prévues à l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c), ainsi que l'encadrement communautaire des aides d'État dans le secteur de l'automobile, suffisent pour faire face aux problèmes qui se posent dans les nouveaux Länder».

184.
    Il en résulte que la Commission a admis l'applicabilité aux aides litigieuses non seulement de l'article 92, paragraphe 3, sous c), mais aussi de l'article 92, paragraphe 3, sous a), comme le confirme la reprise des termes de ce dernier au point XII, premier alinéa, de la Décision. La Commission y reconnaît, en effet, que les nouveaux Länder constituent une «région sous-développée» où «le niveau de vie est faible» et connaissent un «chômage extrêmement élevé et qui ne cesse d'augmenter». Elle indique, ensuite, que des aides à l'investissement élevées, ainsi que d'autres types d'aides, ont été autorisées «pour favoriser le développement de la région».

185.
    Dans ses écritures, la Commission a par ailleurs fait valoir, sans être contredite par les parties requérantes ni par le gouvernement allemand, qu'elle avait admis en l'espèce une intensité d'aides supérieure à celle qu'elle a pour politique d'accepter en cas d'application de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité à des aides régionales en Allemagne. A cet égard, elle a expliqué que les désavantages spécifiques que rencontrent les investisseurs dans les régions relevant de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité sont pris en considération dans son analyse des coûts et bénéfices aux fins de la fixation du montant total de l'aide pouvant être autorisé, de sorte que ses calculs tiennent compte de l'éligibilité à l'aide plus élevée de ces régions.

186.
    L'argument selon lequel la Commission n'aurait pas voulu appliquer aux aides litigieuses la disposition plus favorable de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité n'est dès lors pas fondé.

187.
    Pour le surplus, il convient de souligner que, dans l'arrêt du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, précité, la Cour a explicitement rejeté la thèse défendue par les parties requérantes dans leur requête, en estimant (au point 17) que la différence de formulation entre les points a) et c) de l'article 92, paragraphe 3, du traité «ne saurait conduire à considérer que la Commission ne doive tenir aucun compte de l'intérêt communautaire lorsqu'elle fait application de l'article 92,paragraphe 3, sous a), et qu'elle doive se borner à vérifier la spécificité régionale des mesures en cause sans évaluer leur incidence sur le ou les marchés pertinents dans l'ensemble de la Communauté». La Cour a également indiqué (au point 20) que «l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous a) comme sous c), suppose la prise en considération non seulement des implications d'ordre régional des aides visées par ces dispositions du traité, mais également, au regard de l'article 92, paragraphe 1, de l'impact de ces aides sur les échanges entre les États membres et donc des répercussions sectorielles qu'elles sont susceptibles de provoquer au niveau communautaire».

188.
    Dans ces conditions, les arguments par lesquels les parties requérantes critiquent la référence faite, dans la Décision, aux surcapacités existant dans le secteur automobile sont manifestement mal fondés, eu égard au large pouvoir d'appréciation dont dispose la Commission dans le cadre de l'article 92, paragraphe 3, du traité (voir aussi arrêt du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, précité, point 18). Il en va, en particulier, ainsi en ce qui concerne les compléments d'aide ou «top-up», à propos desquels la Commission indique, au point XI, cinquième alinéa, de la Décision, que, dans l'évaluation des aides régionales à l'industrie automobile, ces compléments «sont généralement autorisés, sauf si l'investissement doit créer des problèmes de capacité dans le secteur en question. Dans un tel cas, l'aide est strictement limitée à la compensation nette des inconvénients régionaux».

189.
    Enfin, il convient de constater que la Commission a dûment motivé, notamment aux points X, XI et XII de la Décision, son appréciation au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité.

190.
    Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés d'une violation de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité et d'un défaut de motivation doivent être rejetés.

Sur la violation de l'économie générale de l'article 92, paragraphe 3, du traité

191.
    Les parties requérantes font valoir, en substance, cinq griefs.

Sur la nécessité d'un examen ex ante et sur l'applicabilité de l'encadrement communautaire

- Argumentation des parties

192.
    Les parties requérantes soutiennent que la Commission doit, pour se prononcer sur la compatibilité d'une aide avec le marché commun, prendre en compte les éléments dont elle disposait au moment de l'octroi de l'aide en cause (examen ex ante) plutôt qu'au moment de l'adoption de sa décision (examen ex post). Elles invoquent, en ce sens, l'arrêt de la Cour du 14 février 1990, France/Commission (C-301/87, Rec. p. I-307, points 43 et 45, ci-après «arrêt Boussac»), et l'arrêt du Tribunal du 22 octobre 1996, Skibsværftsforeningene.a./Commission (T-266/94, Rec. p. II-1399, points 96 et 98). Elles soulèvent, en outre, les arguments suivants:

-    si l'article 93, paragraphe 3, du traité prévoit que la Commission est informée à l'avance de tout projet d'aide, c'est précisément pour lui permettre d'en examiner ex ante la conformité avec le marché commun;

-    le moment déterminant pour apprécier la compatibilité d'une aide avec le marché commun est celui où elle produit ses effets sur la concurrence (voir, pour ce qui concerne le remboursement d'une aide, arrêt de la Cour du 4 avril 1995, Commission/Italie, C-348/93, Rec. p. I-673, point 26);

-    l'appréciation de l'existence d'un élément d'aide d'État, et plus particulièrement l'application du critère de l'investisseur privé en économie de marché, doit se faire ex ante (arrêts de la Cour Boussac, points 43 à 45, Tubemeuse II, et du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-305/89, Rec. p. I-1603, point 19);

-    l'optique ex post est contraire au principe d'un État de droit. Si la situation factuelle et juridique déterminante pour apprécier une aide était celle prévalant au moment de l'adoption de la décision de la Commission, celle-ci pourrait choisir le moment le plus convenable selon le résultat désiré. Par ailleurs, les critères devraient être prévisibles, ce qui n'est pas garanti dans une optique ex post.

193.
    Il s'ensuit, selon les parties requérantes, que la compatibilité avec le marché commun des aides en cause doit être appréciée à la date de leur octroi, soit le 22 mars 1991, et non pas à la date d'adoption de la Décision, en 1996. Cette approche vaudrait également pour les parties des aides qui n'étaient pas encore versées lorsque la Décision a été adoptée. En effet, toutes les tranches d'une aide qui a été octroyée dans le cadre d'une seule décision et au titre d'un projet unique devraient être appréciées selon un même cadre juridique et factuel.

194.
    Ensuite, les parties requérantes font valoir, en premier lieu, que les aides litigieuses relevaient d'un programme d'aides régionales déjà approuvé et que la Commission n'était donc pas en droit de les soumettre à un examen de conformité à l'encadrement communautaire. Selon elles, la Commission n'avait que le pouvoir limité d'examiner si ces aides correspondaient aux conditions dudit programme.

195.
    En l'espèce, les primes à l'investissement auraient été attribuées de manière définitive par les décrets de 1991 (voir point 19 ci-dessus). Les modifications ultérieurement apportées à ces décrets n'auraient pas porté sur le fond, mais auraient simplement réduit le montant des aides, atténuant ainsi leurs conséquences négatives sur le jeu de la concurrence. Quant aux subventions d'investissement, unengagement ferme les concernant aurait été donné le 18 mars 1991 (voir point 20 ci-dessus).

196.
    Toutes ces aides auraient été octroyées dans le cadre du dix-neuvième programme-cadre adopté en application de la loi sur la tâche d'intérêt commun. Or, ce programme aurait déjà été approuvé par la Commission, ainsi qu'il ressort du point VIII, quatrième alinéa, de la Décision. Il s'ensuivrait que la clause contenue dans les décrets de 1991, aux termes de laquelle les aides étaient accordées sous réserve de leur autorisation par la Commission, était sans objet.

197.
Les parties requérantes contestent, par ailleurs, l'allégation contenue dans le mémoire en défense, selon laquelle la Commission se serait expressément réservé, dans son approbation des programmes d'aides généraux, le droit de vérifier le respect des articles 92 et 93 du traité. Elles lui reprochent de ne pas leur avoir transmis les prétendus documents contenant cette réserve et font valoir que leur production au stade du mémoire en duplique est tardive et irrecevable.

198.
    En admettant même que l'approbation du dix-neuvième programme-cadre par la Commission ait contenu une réserve aux termes de laquelle les dispositions de l'encadrement communautaire devaient être respectées, les parties requérantes allèguent que cet encadrement n'était pas applicable en mars 1991, date d'octroi définitif des aides litigieuses.

199.
    Il ressortirait, en effet, du point 2.5 de l'encadrement communautaire, tel que publié en 1989, que celui-ci devait être appliqué pendant une période de deux ans, à partir du 1er janvier 1989. L'encadrement communautaire serait donc venu à échéance le 31 décembre 1990. La République fédérale d'Allemagne n'aurait consenti à sa réintroduction qu'en avril 1991, après l'octroi définitif des aides en cause.

200.
Les parties requérantes ajoutent, à cet égard, les précisions suivantes:

-    la décision 90/381, obligeant la République fédérale d'Allemagne, «en application» de l'encadrement communautaire, à notifier à la Commission les aides dépassant un certain montant, n'était pas applicable aux nouveaux Länder, qui ne faisaient pas encore partie de cet État membre, et elle ne peut avoir prolongé au-delà de sa durée originelle ledit encadrement, qui expirait le 31 décembre 1990;

    -    la décision de prorogation de l'encadrement communautaire, désormais étendu aux nouveaux Länder, a été publiée au JO C 81, du 26 mars 1991, disponible le 27 mars 1991, soit après l'octroi définitif des aides en cause. L'encadrement communautaire ne pouvait pas s'appliquer rétroactivement, parce que son texte ne le prévoit pas et qu'il serait contraire au principe de sécurité juridique de placer le début de la validité d'un acte communautaireà un moment antérieur à sa publication (arrêt de la Cour du 11 juillet 1991, Crispoltoni, C-368/89, Rec. p. I-3695, point 17);

    -    la date d'adoption de la décision prorogeant l'encadrement communautaire n'est pas établie. En outre, il est douteux que cette décision ait été valablement adoptée. En effet, la lettre de la Commission aux États membres porte la date du 31 décembre 1990, alors que la Commission ne tient pas de réunions en fin d'année. Par ailleurs, le texte publié au Journal officiel des Communautés européennes (JO 1991, C 81, p. 4) ne correspond pas à celui reçu par le gouvernement allemand;

    -    la lettre de la Commission proposant au gouvernement allemand de proroger l'encadrement communautaire n'a été reçue par ledit gouvernement que le 8 janvier 1991, comme l'atteste le cachet d'entrée apposé par la représentation permanente de l'Allemagne auprès des Communautés européennes. A cette date, la validité de l'ancien encadrement communautaire avait déjà expiré, et la proposition de la Commission devait donc être comprise comme tendant à la réintroduction de cet encadrement, sans possibilité d'application rétroactive à défaut du consentement des États membres (voir arrêts du 29 juin 1995, Espagne/Commission, précité, point 24, et du 15 avril 1997, précité, points 28 et suivants);

    

-    l'encadrement communautaire n'a aucune force obligatoire, en soi, vis-à-vis des États membres tant qu'ils n'y consentent pas. Or, en l'espèce, la République fédérale d'Allemagne s'est opposée dès le départ à l'encadrement communautaire (voir la décision 90/381); le 7 février 1991, le secrétaire d'État au ministère fédéral de l'Économie a exposé au membre de la Commission en charge des affaires de concurrence la position de son gouvernement, selon laquelle l'encadrement communautaire n'était pas applicable aux nouveaux Länder, et le consentement de la République fédérale d'Allemagne n'a finalement été accordé qu'en avril 1991.

201.
    La Commission fait valoir, en substance, qu'elle était en droit d'appliquer l'encadrement communautaire tel qu'il était en vigueur en juin 1996 et de tenir compte des circonstances factuelles existant à la date d'adoption de la Décision. En l'espèce, en effet, les parties requérantes auraient changé leurs projets de façon fondamentale depuis mars 1991, et les décrets d'octroi auraient, eux aussi, été modifiés à plusieurs reprises jusqu'en février 1996. Il serait, dès lors, exclu que la Commission doive examiner, en 1996, la compatibilité des aides par référence à la situation qui prévalait en 1991, alors que, entre-temps, tous les paramètres pertinents ont été profondément modifiés.

202.
La Commission estime, par ailleurs, que les aides litigieuses devaient lui être notifiées en vue de leur approbation préalable.

- Appréciation du Tribunal

203.
    Contrairement à ce que les parties requérantes soutiennent, les mesures d'aide litigieuses ne sauraient être considérées comme relevant d'un programme d'aides régionales déjà approuvé par la Commission et, partant, comme dispensées de l'obligation de notification préalable.

204.
    En effet, en se référant, dans le dix-neuvième programme-cadre adopté en application de la loi sur la tâche d'intérêt commun, à certains secteurs déterminés dans lesquels chacun des projets bénéficiaires restait soumis à la nécessité de l'autorisation préalable de la Commission (voir point 7 ci-dessus), l'Allemagne a pris acte de ce que l'approbation des aides régionales visées par ce programme-cadre ne s'étendait pas aux secteurs en question et, notamment, au secteur automobile, dans la mesure où le coût d'une opération bénéficiaire dépassait 12 millions d'écus.

205.
    Cela est confirmé, notamment, par la lettre de la Commission du 2 octobre 1990 approuvant le régime d'aides régionales prévu pour l'année 1991 par le dix-neuvième programme-cadre (voir point 7 ci-dessus) et par sa lettre du 5 décembre 1990 approuvant l'application de la loi sur la tâche d'intérêt commun aux nouveaux Länder (voir point 11 ci-dessus), dans lesquelles la Commission a expressément attiré l'attention du gouvernement allemand sur la nécessité de tenir compte, lors de la mise en oeuvre des mesures envisagées, de l'encadrement communautaire existant dans certains secteurs de l'industrie, par ses lettres des 14 décembre 1990 et 14 mars 1991, insistant sur le fait que les aides en faveur des nouveaux investissements de Volkswagen ne pouvaient pas être mises en oeuvre sans lui avoir été notifiées et avoir reçu son approbation (voir point 18 ci-dessus), et par le fait que chacun des décrets de 1991 prévoit qu'il est «soumis à la réserve de l'autorisation de la Commission». C'est à tort que les parties requérantes font valoir qu'une telle mention serait dépourvue d'objet compte tenu de l'autorisation déjà acquise au titre de l'approbation du dix-neuvième programme-cadre. En effet, cette approbation ne s'étend pas au secteur automobile, ainsi qu'il vient d'être souligné au point 204 ci-dessus. Par ailleurs, les parties requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la production des lettres précitées, en annexe au mémoire en duplique, serait tardive et irrecevable. D'une part, en effet, lesdites lettres sont citées tant au point II de la Décision que dans celle d'engager la procédure d'examen. D'autre part, elles ont été produites en réponse à une contestation formulée pour la première fois dans le mémoire en réplique.

206.
    A la lumière des éléments décrits ci-dessus, la circonstance que l'application de l'encadrement communautaire a été suspendue entre les mois de janvier et d'avril 1991, à la supposer même établie, ne saurait avoir pour conséquence juridique que les aides au secteur automobile devraient être considérées comme visées par l'approbation du dix-neuvième programme-cadre. Dans cette circonstance, au contraire, il y aurait lieu de considérer que l'article 93, paragraphe 3, du traité demeurait pleinement applicable aux aides en question.

207.
    Il découle de ce qui précède que, en tout état de cause, les aides litigieuses étaient soumises à l'obligation de notification préalable à la Commission et qu'elles ne pouvaient être mises à exécution avant que la procédure ait abouti à une décision finale.

208.
    En revanche, la question de savoir si l'encadrement communautaire avait ou non force obligatoire vis-à-vis de l'Allemagne en mars 1991 est sans pertinence aux fins du présent litige.

209.
    A cet égard, il convient de souligner que, si les règles de l'encadrement communautaire, en tant que «mesures utiles» proposées par la Commission aux États membres, sur la base de l'article 93, paragraphe 1, du traité, sont dénuées de tout caractère contraignant et ne s'imposent à ces derniers que lorsque ceux-ci y ont consenti (voir arrêt du 15 avril 1997, Espagne/Commission, précité, points 30 à 33), rien ne saurait empêcher la Commission d'examiner les aides qui doivent lui être notifiées à la lumière de ces règles, dans le cadre de l'exercice du large pouvoir d'appréciation dont elle dispose en vue de l'application des articles 92 et 93 du traité.

210.
    Il convient, néanmoins, d'ajouter que la thèse des parties requérantes, selon laquelle l'examen, en 1996, de la compatibilité des aides litigieuses avec le marché commun ne pouvait se fonder que sur des éléments d'appréciation existant en 1991, ne trouve aucun soutien dans la jurisprudence de la Cour et du Tribunal. Ainsi, dans les arrêts du 10 juillet 1986, Belgique/Commission (234/84, Rec. p. 2263, point 16), et du 26 septembre 1996, France/Commission (C-241/94, Rec. p. I-4551, point 33), la Cour a indiqué que la légalité d'une décision en matière d'aides doit être appréciée en fonction des éléments d'information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l'a arrêtée. Le Tribunal a fait de même dans l'arrêt du 25 juin 1998, British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission (T-371/94 et T-394/94, Rec. p. II-2405, point 81).

211.
    Par ailleurs, l'article 92, paragraphe 1, du traité prohibe, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, toutes les aides «qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence». Il s'ensuit que, lorsqu'elle vérifie l'existence d'une aide au sens de cette disposition, la Commission n'est pas strictement liée par les conditions de la concurrence existant à la date d'adoption de sa décision. Elle doit procéder à une évaluation dans une perspective dynamique et tenir compte de l'évolution prévisible de la concurrence et des effets qu'aura sur elle l'aide en question.

212.
    Il en résulte que l'on ne saurait reprocher à la Commission d'avoir tenu compte d'éléments survenus après l'adoption d'un projet tendant à instituer ou à modifier une aide. La circonstance que l'État membre intéressé a mis à exécution les mesures projetées avant que la procédure d'examen ait abouti à une décisionfinale, en violation de ses obligations au titre de l'article 93, paragraphe 3, du traité, est sans incidence sur cette question.

213.
    L'argumentation des parties requérantes selon laquelle une telle pratique est incompatible avec le principe de sécurité juridique ne saurait être retenue. En effet, il convient de rappeler que, si la procédure préliminaire d'examen mise en oeuvre par l'article 93, paragraphe 3, du traité doit procurer à la Commission un délai utile, cette dernière doit, cependant, faire diligence et tenir compte de l'intérêt des États membres à être fixés rapidement dans des domaines où la nécessité d'intervenir peut revêtir un caractère d'urgence en raison de l'effet que ces États membres attendent des mesures d'encouragement projetées. La Commission doit, dès lors, prendre position dans un délai raisonnable, que la Cour a évalué à deux mois [arrêt de la Cour du 11 décembre 1973, Lorenz, 120/73, Rec. p. 1471, point 4; voir également l'article 4 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE, JO L 83, p. 1]. Par ailleurs, la Commission reste tenue au même devoir général de diligence lorsqu'elle décide d'ouvrir la procédure contradictoire d'examen prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité, et sa carence en la matière peut, le cas échéant, être sanctionnée par le juge communautaire dans le cadre d'une procédure au titre de l'article 175 du traité CE (devenu article 232 CE).

214.
    En outre, la question d'une éventuelle violation du principe de sécurité juridique ne se pose pas en l'espèce. En effet, le délai écoulé entre la date d'adoption des premiers décrets d'octroi (mars 1991) et celle de la Décision (le 26 juin 1996) est imputable, premièrement, à l'absence de notification complète des mesures en cause, deuxièmement, aux modifications successives apportées par les parties requérantes à leurs projets, lesquelles ont entraîné, à leur tour, des modifications successives des décrets d'octroi, et, troisièmement, aux difficultés considérables rencontrées par la Commission pour obtenir du gouvernement allemand et des parties requérantes les informations qui lui étaient nécessaires pour prendre une décision (voir points 16 à 42 ci-dessus).

215.
    En particulier, il ressort de la décision Mosel I que, au début de 1993, la Commission était en mesure de prendre une décision sur l'ensemble des projets d'investissements de Volkswagen, tels qu'ils lui avaient été initialement soumis. C'est à la demande expresse de Volkswagen, présentée le 31 janvier 1993, que la Commission a limité son appréciation aux aides relatives à Mosel I et à Chemnitz I. Ensuite, il a fallu attendre que, en 1995, la Commission menace les autorités allemandes d'adopter une décision sur la base du dossier incomplet dont elle disposait, pour que les informations dont elle avait besoin lui soient enfin communiquées. En définitive, ce n'est que dans le courant de l'année 1996 que la Commission a été mise en mesure de prendre une décision en toute connaissance de cause.

216.
    Entre-temps, les projets initiaux des parties requérantes avaient été changés à trois reprises et, en conséquence, les décrets de 1991 avaient été modifiés par les décretsde 1993, de 1994 et de 1996. Bien que les parties soient en désaccord quant à l'ampleur de ces modifications successives, il est constant qu'elles ont entraîné, à tout le moins, une réduction sensible de la dimension des projets et, surtout, le report de trois à quatre ans de l'entrée en service des ateliers de peinture et de montage final de Mosel II et de Chemnitz II.

217.
    Dans ces conditions, les parties requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la Commission était tenue d'examiner des plans successivement conçus en 1993, en 1994 ou en 1996, à la lumière des seuls éléments d'appréciation dont elle avait connaissance en 1991. Au contraire, c'est à bon droit qu'elle a tenu compte, dans son appréciation, des modifications intervenues.

218.
    Au demeurant, à supposer même qu'elle ait approuvé, dans un premier temps, les aides octroyées par les décrets de 1991, elle aurait été en droit de les réexaminer lors de leur modification, conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité, aux termes duquel la Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à modifier des aides. Ainsi, en admettant qu'il n'y ait pas eu de surcapacités dans le secteur automobile en 1991, la Commission aurait, en principe, été fondée à tenir compte des surcapacités apparues à partir de 1993.

219.
    Il découle de ce qui précède que les arguments des parties requérantes relatifs, d'une part, à la nécessité d'un examen ex ante et, d'autre part, à l'inapplicabilité de l'encadrement communautaire doivent être rejetés dans leur ensemble.

Sur la qualification des ateliers de peinture et de montage final de Mosel II et de Chemnitz II d'«investissements d'extension»

- Argumentation des parties

220.
    Le Freistaat Sachsen soutient que, en faisant une distinction entre investissements d'extension et nouveaux investissements qui ne figure pas dans l'encadrement communautaire, la Commission a violé le principe de l'équilibre institutionnel (voir arrêts de la Cour Parlement/Conseil, précité, points 21 et 22, et du 2 mars 1994, Parlement/Conseil, C-316/91, Rec. p. I-625, points 11 et suivants). En effet, en vertu de l'article 94 du traité CE (devenu article 89 CE), c'est au Conseil qu'il incomberait de prendre tous règlements utiles en vue de l'application des articles 92 et 93 du traité.

221.
    Les parties requérantes soutiennent, par ailleurs, qu'il est erroné de qualifier d'«investissements d'extension» les ateliers de peinture et de montage final de Mosel II et de Chemnitz II. Si ceux-ci avaient été qualifiés d'«investissements en rase campagne», comme les ateliers de carrosserie et d'emboutissage de Mosel II, la totalité des primes à l'investissement litigieuses auraient été déclarées compatibles avec le marché commun.

222.
    En premier lieu, les parties requérantes soutiennent que la qualification d'«investissement d'extension» ne s'applique qu'en cas d'agrandissement d'une usine existante. En l'espèce, Mosel II aurait été édifiée sur un champ, ses bâtiments et ses installations seraient entièrement neufs et séparés matériellement de Mosel I, et ils auraient été construits par une société différente de celle qui a bâti cette dernière. En outre, Mosel I serait destinée à être fermée lors de la mise en service de toutes les parties de Mosel II. Tout au long de la procédure administrative et dans la Décision elle-même, la Commission se serait toujours référée aux «nouvelles usines» ou aux «nouveaux projets d'investissements» des requérantes. Mosel II devrait donc être considérée comme un investissement en rase campagne. Il en irait de même de Chemnitz II.

223.
    En deuxième lieu, Mosel II et Chemnitz II satisferaient également à la définition de l'investissement «en rase campagne» donnée au point XII, huitième alinéa, de la Décision. A cet égard, la Commission aurait, à tort, établi une distinction entre les ateliers de carrosserie et d'emboutissage de Mosel II, d'une part, et les ateliers de peinture et de montage final de Mosel II et Chemnitz II, d'autre part, alors que le projet, pris dans son ensemble, constitue un investissement en rase campagne.

224.
    Les parties requérantes soulignent que Mosel II et Chemnitz II constituent un projet unique, bien que réalisé en plusieurs étapes. La conception de base de ce projet, à savoir la construction d'une usine automobile comprenant les quatre opérations de la fabrication (emboutissage, carrosserie brute, peinture et montage final), avec une usine de construction de moteurs à proximité, n'aurait subi aucune modification malgré l'espacement dans le temps, la réduction de la somme investie et la réduction des capacités de production et du montant des aides, par rapport au projet initial de 1991.

225.
    Les parties requérantes insistent sur le fait que les locaux de production ont été construits comme il avait été planifié. Les ateliers de carrosserie brute et d'emboutissage de Mosel II auraient été réalisés comme prévu, respectivement en 1992 et en 1994. La mise en service de l'atelier de montage final aurait simplement été reportée de 1994 à 1996, et celle de l'atelier de peinture de 1994 à 1997. Seul le centre de logistique, qui ne ferait pas partie des unités de production, n'aurait pas été construit comme prévu, à savoir par Volkswagen sur le site de Mosel, mais par une entreprise tierce à quelques kilomètres de l'usine.

226.
    Les parties requérantes ajoutent que la technologie utilisée à Mosel II est plus moderne que celle initialement prévue, que la production a été simplifiée et automatisée et que la productivité a été augmentée, notamment par le recours à des sous-traitants qualifiés à proximité ainsi que par l'externalisation de certains services. Elles soulignent, toutefois, que le projet d'investissement n'est pas modifié dans son contenu, mais qu'il a simplement été adapté au progrès technique.

227.
    Il ne saurait être déduit de la solution adoptée à titre transitoire, consistant en ce que la partie déjà achevée de Mosel II livre des carrosseries brutes à Mosel I, queMosel II n'est pas un investissement en rase campagne. A cet égard, la Commission aurait commis une erreur en considérant que cette solution avait permis la mise en place à Mosel, en 1994, d'une usine «pleinement opérationnelle», composée des ateliers de montage et de peinture de Mosel I et des ateliers d'emboutissage et de carrosserie brute de Mosel II.

228.
    Mosel I et Mosel II n'auraient jamais été prévues ni construites dans le but de former une usine de construction automobile intégrée. Il existerait entre elles des différences techniques considérables qui font qu'une intégration durable de Mosel I dans le processus de production de Mosel II serait économiquement absurde.

229.
    La Commission aurait eu une parfaite connaissance de ce que Mosel I n'était qu'une solution transitoire et qu'elle était destinée à être fermée. Les parties requérantes se réfèrent au point IX, neuvième alinéa, de la décision Mosel I, aux termes duquel «[l']objectif de cette solution transitoire était d'assurer à tout prix le maintien et la formation sur place d'un noyau d'ouvriers spécialisés, jusqu'à ce que la nouvelle usine Mosel II soit achevée».

230.
    Conformément à cette solution transitoire, le montage aurait été abandonné à Mosel I le 23 décembre 1996, et l'atelier de peinture aurait été fermé en mars 1997. Le montage du modèle Passat B5 aurait démarré à Mosel II en octobre 1996. Seule une petite partie des bâtiments de Mosel I serait encore utilisée pour les travaux de retouche et pour entreposer des pièces détachées provenant d'autres usines du groupe. Il ne serait pas prévu d'intégrer Mosel I dans Mosel II.

231.
    Le maintien en service des installations de Mosel I après l'achèvement de Mosel II, ou leur réouverture, serait, par ailleurs, exclu pour des raisons d'ordre à la fois technique et économique.

232.
    Par ailleurs, la Commission aurait commis une erreur de fait en indiquant que les entreprises de Volkswagen en Saxe sont rentables depuis 1994 (point XII, neuvième alinéa, de la Décision). Au contraire, Volkswagen aurait transféré à VW Sachsen un montant de 367 millions de DM pour compenser ses pertes de 1994 à 1996. La Commission aurait eu connaissance de ces éléments. Les parties requérantes ajoutent qu'il n'y a pas de lien entre la productivité d'une usine et son taux d'exploitation, d'une part, et sa rentabilité, d'autre part. En tout état de cause, la prétendue rentabilité des installations de Mosel en 1994 n'aurait joué aucun rôle dans la procédure administrative, et ni les parties requérantes ni la République fédérale d'Allemagne n'auraient eu la possibilité d'exprimer leur point de vue sur cette question.

233.
    Les parties requérantes considèrent comme dénué de pertinence le fait qu'elles avaient déjà, en 1996, éliminé certains désavantages typiques d'un investissement en rase campagne. Volkswagen aurait fait des efforts, à ses propres frais et dans la perspective de la réalisation de Mosel II, visant à développer l'infrastructure,l'organisation logistique et la structure des sous-traitants. Par ailleurs, les désavantages initiaux n'auraient pas été pris en considération dans la décision Mosel I, de sorte qu'il aurait incombé à la Commission de tenir compte, dans la Décision, de l'ensemble des désavantages liés aux investissements dans Mosel II.

234.
    S'agissant de la formation des ouvriers de Mosel I aux besoins de Mosel II, les parties requérantes soulignent que la technique de peinture traditionnelle utilisée à Mosel I (à base de solvants) présente des différences considérables avec celle utilisée à Mosel II (à base d'eau). Il en irait de même pour la chaîne de montage final. Les technologies extrêmement avancées des installations de Mosel II ainsi que la technique de réglage informatisée requièrent, d'après elles, une maîtrise particulière des machines très différente du savoir-faire utilisé à Mosel I.

235.
    S'agissant des sous-traitants, alors qu'aucun fournisseur correspondant aux besoins de Volkswagen n'aurait été établi à proximité en 1990, grâce aux efforts de celle-ci en prévision de Mosel II, huit fournisseurs livrant selon la méthode «juste à temps» auraient été présents en 1994 et, à la fin de 1997, il y en aurait eu onze de ce type, livrant treize groupes de construction modulaires. Toutefois, ces sous-traitants ne seraient pas venus s'installer à proximité de Mosel et de Chemnitz en raison du maintien provisoire de Mosel I et Chemnitz I, mais uniquement de la perspective à long terme offerte par Mosel II et Chemnitz II.

236.
    La Commission fait valoir que l'élément déterminant, pour la qualification des ateliers de peinture et de montage final de Mosel II, a été la décision de Volkswagen, en 1993, de diviser ce projet en quatre unités différentes, dont la construction et la mise en service devaient intervenir à des moments distincts. La Commission estime que la prise en compte des désavantages liés aux coûts d'exploitation doit commencer pour chacune de ces unités séparément au moment de sa mise en service.

237.
    Selon la Commission, Volkswagen dispose à Mosel d'une usine de construction automobile opérationnelle depuis juillet 1992, date de mise en service de l'atelier de carrosserie de Mosel II, une unité d'emboutissage sur place n'étant pas strictement nécessaire. En tout état de cause, à partir de 1994 au plus tard, Volkswagen pouvait préparer des véhicules, avec des pièces livrées par ses fournisseurs, dans ses ateliers d'emboutissage (mis en service en mars 1994) et de carrosserie brute (mis en service en juillet 1992) de Mosel II, et les terminer dans les ateliers de peinture et de montage final de Mosel I, situés à proximité sur le même terrain industriel.

- Appréciation du Tribunal

238.
    Il convient de relever que l'examen de la compatibilité des aides litigieuses avec le marché commun, conformément à l'encadrement communautaire, a principalement consisté à évaluer les coûts supplémentaires nets que l'implantation sur le sitechoisi entraînerait par rapport à une installation dans une zone centrale non défavorisée de la Communauté.

239.
    En ce qui concerne le calcul des coûts d'exploitation, la Commission opère une distinction entre les investissements dits «en rase campagne», dont elle prend les coûts supplémentaires en compte pendant une période de cinq ans, et les investissements dits «d'extension», dont elle ne prend les coûts d'exploitation supplémentaires en compte que pour une période de trois ans.

240.
    Selon le point XII, huitième alinéa, de la Décision:

«[P]ar site en rase campagne, il faut entendre non seulement que l'usine se trouve en rase campagne, mais aussi qu'il s'agit, du point de vue de l'investisseur, d'un site nouveau, qui n'a pas encore été aménagé. De ce fait, l'entreprise se trouve confrontée, par rapport à l'extension d'une usine existante, aux problèmes spécifiques suivants: absence d'infrastructure adéquate, absence d'une logistique organisée, absence d'une main-d'oeuvre formée aux besoins concrets de l'entreprise et absence d'une structure de sous-traitants. Toutefois, si ces services peuvent être assumés par une unité du même groupe située à proximité, le projet est considéré comme une extension, même s'il est effectivement construit en rase campagne. Cette définition communautaire se distingue du concept des investissements nouveaux, tel qu'il peut être défini par le droit national. Un projet en rase campagne ainsi défini pouvant entraîner des problèmes plus importants et nécessiter des délais plus longs pour que l'usine puisse tourner à plein régime et donc devenir rentable, il peut être justifié de calculer les inconvénients liés aux coûts d'exploitation sur une période plus longue.»

241.
    Contrairement à ce que soutient le Freistaat Sachsen, la Commission ne porte pas atteinte au principe de l'équilibre institutionnel en opérant une telle distinction. Le pouvoir de prendre tous règlements utiles en vue de l'application des articles 92 et 93 du traité, conféré au Conseil par l'article 94 du traité, n'est nullement mis en cause par le fait que la Commission recourt à des critères opérationnels préétablis, tels que ceux qui sont à la base de la distinction entre investissements en rase campagne et investissements d'extension, dans le cadre de l'exercice du large pouvoir d'appréciation dont elle dispose en vue de l'application de ces dispositions.

242.
    En l'espèce, la Commission a considéré que les ateliers de carrosserie brute et d'emboutissage de Mosel II étaient des investissements en rase campagne. Par conséquent, elle a pris en compte leurs coûts d'exploitation sur une période de cinq ans, à savoir de 1993 à 1997 (atelier de carrosserie) et de 1994 à 1998 (atelier d'emboutissage), dans son analyse des coûts et bénéfices. En revanche, les ateliers de peinture et de montage final de Mosel II et de Chemnitz II ont été qualifiés d'investissements d'extension, de telle sorte que leurs coûts d'exploitation ont été pris en compte sur une période de trois ans, à savoir de 1997 à 1999.

243.
    A cet égard, la Commission indique, au point XII, neuvième et dixième alinéas, de la Décision:

«Dans le cas présent, la Commission a dû tenir compte du fait que les différentes parties du projet d'investissement de Mosel devaient entrer en service à des moments différents. Les difficultés de démarrage qui leur sont liées devaient donc, elles aussi, intervenir à des moments différents. En outre, la Commission a tenu compte du fait que la nature du projet s'est trouvée modifiée en raison du report de sa réalisation. L'installation des ateliers d'emboutissage et de carrosserie, et leur rattachement à l'ancienne usine Mosel I, a permis la mise en place à Mosel, dès 1994, d'une usine de construction automobile pleinement opérationnelle, ce que confirme d'ailleurs la rentabilité des entreprises VW en Saxe depuis 1994.

Les futurs investissements nécessaires à la création d'un atelier de peinture et d'une chaîne de montage final à Mosel II ne constituent donc pas un investissement en rase campagne, mais une extension de capacités existantes. Du fait qu'il existe déjà une structure de sous-traitants [...], que les infrastructures ont déjà été créées et que la plupart des employés proviennent de Mosel I, VW se trouve beaucoup moins confrontée ici aux inconvénients spécifiques d'une implantation en rase campagne. Cela vaut également pour l'usine de fabrication de moteurs de Chemnitz II. Comme dans d'autres cas d'augmentation des capacités, l'augmentation de la production s'effectue très rapidement dans ces usines. Alors que les autorités allemandes et VW avaient initialement proposé une analyse sur la période 1998-2002 pour tous les projets de Mosel et de Chemnitz, la Commission a examiné les inconvénients sur une période de cinq ans pour les implantations en rase campagne, à savoir 1993-1997 (atelier de carrosserie) et 1994-1998 (atelier d'emboutissage), et sur une période de trois ans pour les extensions, soit 1997-1999 (atelier de peinture, chaîne de montage final, Chemnitz II). A cet égard, il a également été tenu compte du fait que l'atelier d'emboutissage et l'atelier de carrosserie passeront au cours de la même période (1997-1999) d'une capacité de 432 véhicules par jour à 750 véhicules par jour, afin de pouvoir approvisionner pleinement le nouvel atelier de peinture et la nouvelle chaîne de montage final de Mosel II. Voilà pourquoi des inconvénients supplémentaires, en termes de coûts d'exploitation, liés à cette extension ont été pris en considération dans l'analyse relative à la période 1997-1999.»

244.
    Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, la question de savoir si les ateliers de peinture et de montage final de Mosel II et de Chemnitz II doivent être qualifiés d'investissements d'extension ou en rase campagne relève du large pouvoir d'appréciation dont dispose la Commission dans le cadre de l'application de l'article 92, paragraphe 3, du traité. Le contrôle du Tribunal doit, dès lors, se limiter à la vérification de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer la qualification contestée et de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits (voir arrêt Matra/Commission, précité, points 23 à 28).

245.
    Il y a lieu de souligner, par ailleurs, que la qualification d'un investissement d'investissement d'extension ou, au contraire, d'investissement en rase campagne, s'opère dans un contexte communautaire, indépendamment de la qualification retenue par le droit comptable ou fiscal de l'État membre dont relève l'entreprise bénéficiaire (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T-459/93, Rec. p. II-1675, point 76).

246.
    A cet égard, il n'a pas été établi que la conception de la Commission serait manifestement erronée. Cette conception repose sur l'idée que la prise en compte des désavantages liés aux coûts d'exploitation d'une nouvelle usine doit commencer au moment de sa mise en service ou, quand l'entrée en fonctionnement de ses différentes unités de production est échelonnée, au moment de la mise en service de chacune d'elles. Chaque unité doit ainsi faire l'objet d'une évaluation séparée, de façon à pouvoir tenir compte de l'état d'aménagement du site au moment de son entrée en service. Cette conception est conforme à la règle d'interprétation stricte des dérogations au principe de l'incompatibilité des aides d'État posé par l'article 92, paragraphe 1, du traité.

247.
    En l'espèce, les parties requérantes ont, contrairement à leurs projets initiaux, fait démarrer les quatre ateliers de Mosel II à des moments différents entre 1992 et 1997. Dans ces conditions, les arguments avancés par elles ne suffisent pas à infirmer la conclusion de la Commission selon laquelle les ateliers de peinture et de montage final de Mosel II et de Chemnitz II ne sauraient être qualifiés d'investissements en rase campagne, dès lors que, à partir de 1994 au plus tard, il y avait à Mosel une unité de production automobile pleinement opérationnelle composée des ateliers de peinture et de montage final de Mosel I (dans la modernisation desquels les parties requérantes ont investi plus de 414 millions de DM, et que la décision Mosel I décrit comme une «usine de montage et de peinture ultramoderne»), des ateliers de carrosserie brute et d'emboutissage de Mosel II (respectivement entrés en service en juillet 1992 et en mars 1994) et de Chemnitz I. Comme le relève la Commission sans avoir été contredite, la capacité de production de cet ensemble est de 100 656 véhicules par an depuis 1992, et 34 000 véhicules du nouveau modèle Golf A 3 y ont été construits en 1992, 71 800 en 1993, 90 100 en 1994 et 100 100 en 1995.

248.
    Certes, les parties requérantes ont fait valoir que les investissements dans Mosel II et Chemnitz II forment un tout et que la combinaison de Mosel I/Chemnitz I et de la première partie de Mosel II ne représente qu'une solution transitoire. Il convient toutefois de rappeler que le groupe Volkswagen a bénéficié d'aides considérables, d'un montant de 487,3 millions de DM pour Mosel I et de 84,8 millions pour Chemnitz I (voir la décision Mosel I). Ces aides lui ont permis de bénéficier d'une usine de construction automobile pleinement opérationnelle en 1994 au plus tard et de commencer la production dès cette année-là. Si elles ne lui avaient pas été accordées, l'ensemble de ses projets à Mosel II et à Chemnitz II aurait été qualifié d'investissement en rase campagne, mais, en contrepartie, lanouvelle usine n'aurait pas pu entrer aussi rapidement en service et ses investissements auraient été plus coûteux puisqu'il aurait, de toute façon, dû développer l'infrastructure, la logistique, la main-d'oeuvre et le réseau de sous-traitants. En définitive, la thèse des parties requérantes, si elle était admise, reviendrait donc à faire bénéficier deux fois le groupe Volkswagen du régime d'investissement en rase campagne pour le même projet de construction d'une usine automobile.

249.
    En outre, ainsi que le relève la Commission, les investissements ne servent pas, en premier lieu, à recevoir des aides d'État, mais à s'assurer des gains futurs. Dès lors, un investisseur qui parvient à éliminer plus rapidement certains inconvénients liés à son investissement, en accélérant l'entrée en service de certaines parties de son projet, ne devrait pas s'estimer «pénalisé» par une diminution des aides dont il peut bénéficier, puisque ses coûts d'exploitation liés à l'infrastructure diminuent et que ses conditions de production s'améliorent.

250.
    Dès lors, la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en qualifiant les ateliers de peinture et de montage final de Mosel II, ainsi que de Chemnitz II, d'«extensions d'une usine existante». Dans ces conditions, en effet, il est inexact de soutenir que ces ateliers de Mosel II et de Chemnitz II ont été érigés «en rase campagne». Au contraire, ainsi que le soutient la Commission, le groupe Volkswagen avait déjà, en 1996, éliminé certains désavantages typiques d'un investissement en rase campagne, au sens où cette expression est utilisée dans la Décision.

251.
    En particulier, il ressort du dossier que, dès l'année 1994, et au plus tard en 1997, il disposait sur place d'une infrastructure adéquate, d'une logistique organisée, d'une main-d'oeuvre formée à ses besoins et d'une structure de sous-traitants bien établie.

252.
    Comme le relève la Commission, le fait que la main-d'oeuvre de Mosel I transférée à Mosel II, soit environ 1 330 salariés, ait dû suivre une certaine formation avant de pouvoir travailler sur les nouveaux modèles de véhicules, ou selon les nouvelles techniques de production, ne signifie pas que cette main-d'oeuvre était sans formation au sens de la définition des investissements en rase campagne.

253.
    Quant aux sous-traitants, il y a lieu de relever que, selon la pièce jointe en annexe B 4 à la requête dans l'affaire T-143/96, il se trouvait, à la fin de 1995 à Mosel, 129 fournisseurs de pièces (dont huit selon la méthode «juste à temps») et 267 fournisseurs dans le domaine de la construction, de l'équipement et des services, occupant ensemble 22 000 salariés. Selon le même document, le nombre de sous-traitants locaux était passé de 0 en 1990 à 87 en juin 1993. La Commission a fait valoir, sans être contredite, que cela représente une proportion de sous-traitants locaux de 30 %, qui dépasse de loin la moyenne européenne dans le secteur automobile.

254.
    Les considérations qui précèdent ne sauraient être remises en cause par l'erreur de fait prétendument commise par la Commission dans son appréciation de la rentabilité des entreprises de Volkswagen en Saxe depuis 1994. D'une part, en effet, l'erreur alléguée n'est pas établie puisqu'il ressort des comptes d'exercice de ces entreprises, produits en annexe au mémoire en duplique dans l'affaire T-143/96, que celles-ci ont obtenu un résultat d'exploitation positif de 49,4 millions de DM en 1994, 170 millions en 1995 et 209 millions en 1996. D'autre part, la Commission fait observer, à juste titre, que la rentabilité d'une nouvelle usine automobile ne constitue qu'un indicateur parmi d'autres permettant de déterminer si cette usine doit être considérée comme un investissement en rase campagne ou d'extension. A cet égard, il convient de relever que la Décision ne retient la rentabilité des entreprises de Volkswagen en Saxe que comme une simple confirmation de ce que Mosel I et les ateliers d'emboutissage et de carrosserie brute de Mosel II formaient dès 1994 une usine de construction automobile complète et opérationnelle.

255.
    Par ailleurs, la question de savoir si les installations de Mosel I seront ou non maintenues en service après l'achèvement de Mosel II est sans pertinence aux fins de la présente analyse.

256.
    Quant à Chemnitz II, les parties requérantes n'ont avancé aucun argument concret de nature à mettre en cause l'appréciation de la Commission selon laquelle il s'agissait d'un investissement d'extension de Chemnitz I. La Commission a relevé, pour sa part, que le transfert de la production des différentes pièces de moteur de Chemnitz I à Chemnitz II a eu lieu progressivement entre 1996 et 1998, de sorte que les deux usines ont produit, chacune en parallèle, des pièces de moteur essentielles (voir annexe B 10 à la requête dans l'affaire T-143/96).

257.
    Il découle de ce qui précède que les arguments avancés par les parties requérantes aux fins de contester la qualification des ateliers de peinture et de montage final de Mosel II et de Chemnitz II d'«investissements d'extension» doivent être rejetés.

Sur le calcul des coûts et bénéfices de l'investissement

- Argumentation des parties

258.
    Les parties requérantes soutiennent que l'analyse des coûts et bénéfices de l'investissement s'est faite sur la base de documents incomplets et a été motivée d'une façon insuffisante et/ou erronée.

259.
    Elles font valoir, en premier lieu, que la Commission n'a pas tenu compte de certains documents essentiels. En effet, la Commission n'aurait communiqué à l'expert qu'elle a désigné pour effectuer cette analyse, M. Sterk, que la documentation transmise par Volkswagen en janvier 1996. Or, cette documentation n'aurait été que le complément des pièces soumises par Volkswagen en mai 1993et en mai 1994. La documentation de 1996 aurait donc été incomplète et susceptible d'induire l'expert en erreur.

260.
    Lors d'une réunion tenue le 29 mai 1996, Volkswagen aurait pris connaissance du fait que l'expert n'était pas en possession des pièces de 1993 et 1994, et elle les lui aurait communiquées directement. Toutefois, il découlerait du délai très court entre l'envoi de ces pièces et l'adoption de la Décision, le 26 juin 1996, ainsi que de la Décision elle-même, que l'expert n'a pas été en mesure de les étudier.

261.
    A la lumière du rapport d'expertise, produit en défense, les parties requérantes font valoir que l'expert n'a pas eu le temps d'examiner avec soin les inconvénients décrits aux points 6.1.1, 6.1.3 et 6.5.2 à 6.5.7 dudit rapport, et notamment la subvention pour le raccordement au réseau routier.

262.
    En deuxième lieu, les parties requérantes font valoir que le point XII, cinquième, sixième, septième, onzième, douzième et treizième alinéas de la Décision ne permet pas de comprendre le calcul des coûts et bénéfices effectué, de sorte que la Décision viole l'article 190 du traité.

263.
    Selon elles, si la Commission n'est pas tenue d'exposer dans la Décision chacun des facteurs entrant dans le calcul des coûts supplémentaires d'investissement et d'exploitation, les plus significatifs devraient être indiqués et chiffrés, au moins dans leurs grands traits. Cela serait d'autant plus vrai lorsque les aides déclarées incompatibles avec le marché commun sont considérables.

264.
    En troisième lieu, la Décision n'indiquerait pas quels coûts supplémentaires avancés par Volkswagen n'ont pas été retenus. En particulier, il aurait été évalué que si, à bref délai, les salariés de VW Sachsen n'étaient plus rémunérés selon la convention collective de la métallurgie de la Saxe, mais selon la grille propre à Volkswagen, il s'ensuivrait une augmentation de la charge salariale de 161,6 millions de DM. Ce risque serait constitutif d'un élément essentiel, que la Commission aurait complètement ignoré ou écarté à tort, sans en faire la moindre mention dans la Décision. A cet égard, l'explication contenue dans le mémoire en défense serait tardive.

265.
    Les parties requérantes ajoutent que la Commission a commis une erreur de fait en constatant, au point XII, quatorzième alinéa, de la Décision, que, lors de la procédure administrative, son analyse provisoire des coûts et bénéfices avait été acceptée par Volkswagen.

266.
    Dans leur mémoire en réplique, les requérantes exposent que, grâce au mémoire en défense, elles sont en mesure de comprendre l'analyse des coûts et bénéfices effectuée par la Commission. Cela serait toutefois sans pertinence quant à la question de savoir si la Décision elle-même est suffisamment motivée. Les requérantes répètent que tel n'est pas le cas, l'analyse des coûts et bénéfices n'ayant pas été jointe à la Décision. Les secrets d'affaires contenus dans cetteanalyse seraient ceux des requérantes elles-mêmes, et il aurait donc suffi que la Commission la leur transmette comme partie intégrante de la Décision.

267.
    La Commission indique, notamment, qu'elle a chargé la société Plant Location International, filiale de la société de réviseurs d'entreprises Price Waterhouse, de préparer un projet d'analyse des coûts et bénéfices. Ce projet aurait été vérifié et corrigé, le cas échéant, par les services compétents de la Commission. Volkswagen aurait eu des contacts avec M. Sterk, qui s'est occupé en dernier lieu de l'affaire pour Plant Location International, plusieurs mois avant l'adoption de la Décision, et notamment lors des réunions des 11 avril et 29 mai 1996. La documentation de 1996, fournie par la Commission à M. Sterk, aurait contenu toutes les informations pertinentes. Celui-ci ayant analysé la situation pendant des mois et connaissant donc le projet dans tous ses détails, il lui aurait été possible d'examiner rapidement et de façon complète les pièces de 1993 et 1994 que Volkswagen lui a envoyées par la suite.

- Appréciation du Tribunal

268.
    S'agissant, tout d'abord, de l'allégation d'un défaut de motivation, en ce que la Décision ne permettrait pas de comprendre le calcul de l'analyse des coûts et bénéfices, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d'un acte doit être appréciée, notamment, en fonction de l'intérêt que le destinataire ou d'autres personnes concernées peuvent avoir à recevoir des explications, en particulier lorsqu'elles ont joué un rôle actif dans la procédure d'élaboration de l'acte attaqué et qu'elles connaissaient les raisons de fait et de droit ayant amené la Commission à prendre sa décision (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 7 juillet 1999, Wirtschaftsvereinigung Stahl/Commission, T-106/96, non encore publié au Recueil, point 172). Il convient de rappeler également que la Commission n'est pas tenue de répondre, dans la motivation d'une décision, à tous les points de droit et de fait soulevés par les intéressés, pour autant qu'elle tienne compte de toutes les circonstances et de tous les éléments pertinents du cas d'espèce (voir arrêt British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, précité, point 94).

269.
    En l'espèce, il ressort du dossier que les parties requérantes ont été étroitement associées à la procédure administrative qui a conduit à l'élaboration de la Décision. En particulier, elles n'ont pas contesté le fait que les projets successifs d'analyse des coûts et bénéfices réalisés par la Commission depuis 1992 leur ont été transmis et ont été commentés point par point avec leurs représentants et ceux du gouvernement allemand, notamment lors des réunions des 11 avril et 29 mai 1996 (voir les procès-verbaux de ces réunions, annexes B 9 et B 12 au mémoire en défense dans l'affaire T-143/96). Il apparaît, de surcroît, que l'analyse des coûts et bénéfices définitive sur laquelle est fondée la Décision reprend, en substance, celle contenue dans les projets examinés à l'occasion de ces réunions, les modifications apportées étant, de plus, favorables aux parties requérantes.

270.
    Dans ces circonstances, ni le fait que la Décision ne reprenne pas les données chiffrées détaillées de l'analyse des coûts et bénéfices, ni le fait que cette analyse n'ait pas été annexée à la Décision ne sont constitutifs d'une violation de l'obligation de motivation prévue à l'article 190 du traité.

271.
    Par ailleurs, les parties requérantes n'ont pas démontré que l'expert de la Commission n'a pas été en mesure de se prononcer sur les documents qui lui ont été communiqués à la fin de mai et au début de juin 1996. Il convient de relever, au contraire, que le rapport d'expertise (annexe 13 au mémoire en défense dans l'affaire T-143/96) porte la mention «January 22, 1996, revised June, 1996». Pour le surplus, la Commission fait observer, à juste titre, que le fait que certaines des données transmises n'ont pas été retenues comme constituant des coûts d'investissement ou d'exploitation supplémentaires ne signifie pas que ces données n'ont pas été examinées. Il en va notamment ainsi de la demande des autorités locales visant au remboursement de la subvention accordée aux requérantes, en 1994, pour les frais de raccordement au réseau routier, au sujet de laquelle le point de vue des requérantes est discuté - et rejeté - par l'expert au point 6.1.1 du rapport.

272.
    Quant au grief des requérantes tiré de ce que la Décision ne préciserait pas quels coûts supplémentaires n'ont pas été retenus, il se confond avec celui tiré d'un défaut de motivation et doit être rejeté pour les motifs indiqués ci-dessus. S'agissant plus particulièrement du coût de 161,6 millions de DM qui pourrait résulter de l'application future de la convention collective salariale de Volkswagen aux travailleurs de Mosel, c'est à juste titre que la Commission a relevé qu'il s'agissait d'un risque hypothétique dont la réalisation ne pouvait pas être appréciée au moment de l'adoption de la Décision et qui ne pouvait donc pas entrer en compte dans l'analyse des coûts et bénéfices.

273.
    Il ressort également du procès-verbal de la réunion du 29 mai 1996 (annexe 12 au mémoire en défense dans l'affaire T-143/96, p. 3) que Volkswagen avait bien reconnu que l'analyse de la Commission concernant le calcul des coûts d'exploitation était raisonnable et pouvait être acceptée.

274.
    Il découle de ce qui précède que les arguments des parties requérantes en rapport avec le calcul des coûts et bénéfices de l'investissement doivent être rejetés.

Sur les compléments d'aide

- Argumentation des parties

275.
    Les parties requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur en rejetant, en raison de problèmes de surcapacité dans le secteur automobile, la possibilité de compléments d'aide («top-up») en sus de la simple compensation des inconvénients régionaux.

276.
    La Commission n'aurait pas abordé la question réellement décisive dans le cadre de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, qui serait celle de l'encouragement des implantations dans une région défavorisée. En l'espèce, seuls des compléments d'aide pourraient amener des investisseurs à s'implanter à Mosel et à Chemnitz. La Commission n'aurait pas davantage tenu compte du fait que, selon la Décision elle-même, 3 600 emplois seront créés ou garantis et que l'installation de sous-traitants sur place ainsi que d'autres effets multiplicateurs pour l'économie des nouveaux Länder permettront indirectement d'en créer 20 000 autres.

277.
    Par ailleurs, la Commission reconnaîtrait elle-même que le secteur automobile ne souffre de surcapacités que depuis 1993. Étant donné que les aides doivent être appréciées compte tenu de la situation du marché au moment de leur octroi, en mars 1991, ces problèmes de surcapacité n'auraient pas dû être pris en considération et les compléments d'aides auraient donc dû être autorisés.

278.
    En outre, la Décision contiendrait une limitation de la capacité de production de Mosel II jusqu'en 1997. Dès lors, selon les requérantes, la Commission ne pouvait pas refuser d'admettre des compléments d'aide, du moins pour les ateliers d'emboutissage et de carrosserie brute.

279.
    Selon la Commission, la Décision explique que les compléments d'aide ne sont pas autorisés lorsque l'investissement contribue à créer des problèmes de surcapacité dans le secteur concerné. La Commission aurait examiné soigneusement les surcapacités qui existent depuis 1993 dans le secteur automobile, sur la base de chiffres précis. Dans ces circonstances, il n'aurait pas été nécessaire d'apprécier isolément la nécessité de créer des incitations particulières à Mosel et à Chemnitz.

- Appréciation du Tribunal

280.
    Dans le cadre de l'exercice de son pouvoir d'appréciation, que ce soit au titre de l'article 92, paragraphe 2, sous c), ou de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité, la Commission peut tenir compte des conséquences des aides sur le secteur concerné (arrêt Matra/Commission, précité, point 26). Il découle, par ailleurs, de ce qui précède que la Commission était fondée à prendre en compte tous les éléments existant à la date d'adoption de la Décision, en juin 1996.

281.
    En l'espèce, il ressort du point XII, premier alinéa, de la Décision que la Commission prend dûment en compte la nécessité de créer des incitations à investir dans les régions défavorisées, telles que celles de Mosel et Chemnitz. Elle y indique, en effet, que des aides à l'investissement élevées, ainsi que d'autres types d'aides, y ont été autorisées pour favoriser le développement régional et que les régions de Mosel et de Chemnitz peuvent bénéficier d'aides à l'investissement pouvant atteindre (jusqu'en avril 1991) 33 % et (après cette date) 35 % d'intensité brute.

282.
    La Commission précise toutefois, au point XI, cinquième alinéa, de la Décision, que les compléments d'aide ou «top up» destinés à créer des incitations particulières à investir dans les régions défavorisées ne sont pas autorisés lorsque l'investissement contribue à créer des problèmes de capacité dans le secteur en question. De même, au point XII, dix-neuvième alinéa, de la Décision, la Commission souligne que, dans son application de l'encadrement communautaire aux cas dans lesquels des investissements ont des répercussions négatives sur l'ensemble du secteur, elle a pour politique de limiter strictement les aides aux coûts supplémentaires nets qu'un investisseur doit supporter dans une région défavorisée.

283.
    Par ailleurs, la Décision expose, de façon précise et détaillée, les problèmes de surcapacité considérable qui existent depuis 1993 dans le secteur de la construction automobile (point XII, quinzième alinéa) et dans quelle mesure cette surcapacité sera accentuée par les investissements en cause (point XII, dix-huitième alinéa). La Commission tient également compte (point XII, seizième et dix-septième alinéas) de la limitation de la capacité de production de Mosel II.

284.
    Eu égard aux considérations qui précèdent, et compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont la Commission dispose en la matière, les arguments des requérantes en rapport avec les compléments d'aides doivent être rejetés.

Sur la détermination des aides autorisées

285.
    La Décision conclut, au point XII, dix-neuvième alinéa, que des aides d'une intensité, exprimée en équivalent-subvention brut, de 22,3 % pour Mosel II et de 20,8 % pour Chemnitz II sont acceptables. Il est indiqué que l'octroi de primes à l'investissement à concurrence de 418,7 millions de DM pour Mosel II et Chemnitz II, et de subventions à l'investissement à concurrence de 120,4 millions de DM pour Mosel II et Chemnitz II, pourra être autorisé. Selon l'article 1er de la Décision, l'octroi d'aides à concurrence de ces montants est compatible avec le marché commun. Selon l'article 2 de la Décision, l'octroi d'amortissements exceptionnels à concurrence de 51,67 millions de DM pour Mosel II et Chemnitz II, et de primes à l'investissement à concurrence de 189,1 millions de DM pour Mosel II et Chemnitz II, est incompatible avec le marché commun.

286.
    Selon les parties requérantes, la Commission a violé l'article 190 du traité en ce qu'il n'est pas possible de déterminer, à partir de l'équivalent-subvention brut retenu par elle, les montants indiqués aux articles 1er et 2 de la Décision. En effet, la Décision ne préciserait pas quel est le facteur d'actualisation utilisé par la Commission. Même en connaissant ce facteur, sur la base de l'information donnée tardivement dans le mémoire en défense dans l'affaire T-143/96, il serait impossible de comprendre avec certitude de quel calcul proviennent les montants indiqués aux articles 1er et 2 de la Décision.

287.
    Cette argumentation ne saurait être retenue. En effet, comme le Tribunal l'a constaté ci-dessus, les parties requérantes et le gouvernement allemand ont été étroitement associés à la procédure administrative et ont ainsi été mis en mesure de discuter point par point les projets successifs d'analyse des coûts et bénéfices réalisés par la Commission depuis 1992. S'ils n'apparaissent pas dans la Décision, le mode de calcul de l'actualisation de l'équivalent-subvention brut utilisé pour parvenir au montant autorisé des aides et, en particulier, le taux d'actualisation («Nominal Discount Rate») de 7,5 % figurent d'ailleurs tant dans l'analyse des coûts et bénéfices annexée au rapport de l'expert de la Commission qu'au procès-verbal de la réunion du 29 mai 1996.

288.
    Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que les griefs tirés de la violation de l'article 92, paragraphe 3, du traité, doivent être rejetés.

III - Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

Argumentation des parties

289.
    Les parties requérantes font valoir que la Commission a violé le principe de protection de la confiance légitime en qualifiant les ateliers de peinture et de montage final de Mosel II et de Chemnitz II d'investissements d'extension et en prenant, par conséquent, une période de référence de trois ans pour l'analyse des coûts et bénéfices. La Commission aurait fait naître dans leur chef l'espérance fondée qu'elle examinerait les aides promises au moyen d'une analyse des coûts et bénéfices basée sur une période de cinq ans.

290.
    La confiance des opérateurs économiques serait digne de protection lorsqu'une institution communautaire a fait naître en eux des espérances fondées relatives à son comportement futur (arrêt de la Cour du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens et Dijk Food Products/Commission, 265/85, Rec. p. 1155, point 44). De même, les opérateurs économiques qui ont pris des dispositions en se fiant à l'état du droit existant seraient protégés contre une modification ultérieure de l'appréciation que font les institutions de ces dispositions (arrêts de la Cour du 12 juillet 1989, Binder, 161/88, Rec. p. 2415, points 21 à 23, du 11 décembre 1990, Spagl, C-189/89, Rec. p. I-4539, point 9, et Crispoltoni, précité, point 21).

291.
    En l'espèce, la Commission aurait qualifié Mosel II et Chemnitz II d'investissements nouveaux ou en rase compagne, tout au long de la procédure administrative, de septembre 1990 jusqu'au mois d'avril 1996. Les parties requérantes invoquent, à cet égard, les éléments suivants:

-    dans sa lettre au gouvernement allemand du 19 septembre 1990, la Commission aurait demandé la notification de toutes les aides «pour le nouvel investissement de Volkswagen»;

-    dans sa lettre informant ce gouvernement de sa décision d'engager la procédure d'examen, la Commission aurait distingué le «maintien des unités de production existantes» (Mosel I) de la «construction d'une nouvelle usine adjacente» (Mosel II);

-    pendant les années 1992 à 1994, la Commission aurait effectué une analyse des coûts et bénéfices pour Mosel II et Chemnitz II qui se basait sur une période de référence de cinq ans;

-    dans la décision Mosel I, la Commission parlerait couramment des «usines nouvelles» de Mosel II et de Chemnitz II, ce qui démontrerait que, malgré les retards dans la réalisation du projet, elle ne considérait pas ces investissements comme une extension de Mosel I et de Chemnitz I, mais comme des investissements nouveaux;

-    dans sa décision 96/179, du 31 octobre 1995, précitée, la Commission se serait référée à ces projets comme à de «nouveaux investissements».

292.
    Les parties requérantes contestent, par ailleurs, que, à l'occasion de la visite des sites, les 21 et 22 décembre 1995, les fonctionnaires et l'expert de la Commission aient expliqué que les projets Mosel II et Chemnitz II ne pouvaient pas être considérés dans leur ensemble comme des investissements en rase campagne. La seule question pertinente discutée à cette occasion aurait été celle de savoir si le calcul des désavantages devait avoir un seul point de départ, celui de l'achèvement du projet, ou plusieurs points de départ correspondant à l'achèvement de chacun des ateliers.

293.
    Il serait également inexact de prétendre que, lors de la réunion du 11 avril 1996, les parties avaient discuté de l'application d'une période de trois ans pour les désavantages liés à l'exploitation des ateliers de peinture et de montage final de Mosel II. L'analyse des coûts et bénéfices présentée par la Commission le 16 avril 1996 aurait encore été basée sur une période de cinq ans.

294.
    Bien que l'application d'une période de trois ans pour les désavantages liés à l'exploitation des ateliers de peinture et de montage final de Mosel II ait été discutée lors de la réunion du 29 mai 1996, il ressortirait clairement du procès-verbal de ladite réunion que les parties requérantes n'en avaient aucunement accepté le principe.

295.
    Les parties requérantes soulignent qu'elles n'ont jamais modifié la conception de leurs projets. En toute hypothèse, l'espacement dans le temps des investissements aurait été connu depuis le début de l'année 1993. Au moment de l'adoption de la décision Mosel I, en juillet 1994, la Commission aurait donc eu connaissance des modifications des projets Mosel II et Chemnitz II adoptées par Volkswagen. La Commission ayant adopté une décision séparée concernant les aides à Mosel I, Volkswagen aurait compris qu'elle considérait Mosel I et Mosel II comme deuxprojets distincts qui devaient être traités séparément du point de vue du régime des aides d'État. Les parties requérantes exposent, par ailleurs, que la situation existant lors de l'adoption de la Décision était identique à celle existant lors de l'adoption de la décision Mosel I. Les ateliers d'emboutissage et de carrosserie de Mosel II auraient été en service et les carrosseries brutes qui y étaient produites auraient été peintes à Mosel I, où elles subissaient le montage final.

296.
    Les parties requérantes font valoir, en outre, que c'est uniquement dans la perspective d'une qualification par la Commission de Mosel II et de Chemnitz II d'investissements nouveaux qu'elles y ont investi des sommes considérables. Elles soutiennent que, à l'époque de l'adoption de la décision Mosel I, il était encore possible d'arrêter complètement les investissements dans les ateliers de peinture et de montage final et de les transférer vers un autre site, en ajoutant qu'elles auraient effectivement pris cette décision si elles avaient su, à l'époque, que la Commission qualifierait ces ateliers d'investissements d'extension.

297.
    La Commission conteste avoir jamais donné l'impression qu'elle qualifierait Mosel II et Chemnitz II d'investissements en rase campagne.

298.
    Les parties requérantes ne pourraient pas, en tout état de cause, invoquer des déclarations antérieures à mars 1996 puisque celles-ci reposaient sur une connaissance incomplète des faits. En effet, les parties requérantes et/ou la République fédérale d'Allemagne auraient caché des informations pertinentes jusqu'au dernier moment, de sorte qu'il manquait à la Commission des données essentielles pour l'appréciation des projets d'investissements.

299.
    En outre, les parties requérantes ne pourraient pas invoquer une confiance légitime étant donné qu'elles étaient conscientes du fait que la Commission pourrait refuser une partie des aides accordées et qu'elles se verraient dès lors obligées de rembourser les aides déjà mises en oeuvre illégalement. Le bilan annuel de VW Sachsen du 31 décembre 1995 montrerait d'ailleurs que les parties requérantes avaient envisagé cette éventualité et constitué pour cette raison des réserves considérables.

Appréciation du Tribunal

300.
    Selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime bénéficie à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l'administration communautaire a fait naître dans son chef des espérances fondées (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 15 décembre 1994, Unifruit Hellas/Commission, T-489/93, Rec. p. II-1201, point 51). En revanche, personne ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l'absence d'assurances précises que lui aurait fournies l'administration (voir arrêts du Tribunal du 11 décembre 1996, Atlanta e.a./Conseil et Commission, T-521/93, Rec. p. II-1707, point 57, et du 29 janvier 1998, Dubois et Fils/Conseil et Commission, T-113/96, Rec. p. II-125, point 68).

301.
    En l'espèce, il suffit de constater que la Commission n'a jamais donné l'assurance que les investissements du groupe Volkswagen dans Mosel II et dans Chemnitz II seraient qualifiés dans leur ensemble d'investissements «en rase campagne».

302.
    Le fait que la Commission se soit référée aux «nouveaux investissements» ou aux «nouvelles installations» de Volkswagen tout au long de la procédure administrative, entre 1990 et 1996, est sans pertinence à cet égard, dès lors que cette expression était employée dans son acception usuelle et visait simplement à distinguer les investissements dans Mosel I de ceux dans Mosel II, sans prendre position sur le point de savoir si ces derniers devaient être considérés comme des investissements d'extension ou des investissements en rase campagne, au sens de la Décision.

303.
    Il y a également lieu de rappeler que, dans la décision d'engager la procédure d'examen, la Commission a fait part au gouvernement allemand de ses graves préoccupations quant à la compatibilité des aides litigieuses avec le marché commun, en raison, notamment, de leur intensité apparemment élevée (voir point 26 ci-dessus).

304.
    En tout état de cause, la modification fondamentale apportée aux projets des parties requérantes au début de l'année 1993, et les modifications ultérieures de ces projets en 1994 et 1996, ont rendu caduques les appréciations antérieures de la Commission et, par conséquent, les assurances qu'elle aurait pu donner quant à la qualification de Mosel II et de Chemnitz II d'investissements d'extension ou en rase campagne.

305.
        Par ailleurs, les parties requérantes n'étaient pas fondées à se prévaloir d'une quelconque confiance légitime aussi longtemps qu'elles n'avaient pas fourni à la Commission toutes les informations qui lui étaient nécessaires pour se prononcer en toute connaissance de cause. Par conséquent, les déclarations et le comportement de la Commission antérieurs au début de l'année 1996 ne sauraient avoir fait naître des espérances légitimes dans le chef des parties requérantes.

306.
    Pour le surplus, il ressort du procès-verbal de la réunion du 11 avril 1996 (annexe B 9 au mémoire en défense dans l'affaire T-143/96, p. 4) que les discussions portaient, notamment, sur le point de savoir si l'analyse des coûts et bénéfices devait tenir compte, pour les ateliers de peinture et de montage final de Mosel II, de coûts d'exploitation supplémentaires pour une période de trois ans ou de cinq ans. Ainsi, dès qu'elle a disposé de toutes les informations nécessaires à son appréciation, la Commission a laissé entendre que les investissements des parties requérantes dans Mosel II et Chemnitz II pourraient ne pas être qualifiés, dans leur ensemble, d'investissements «en rase campagne».

307.
    Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime doit être rejeté comme non fondé.

308.
    Les recours doivent, dès lors, être rejetés dans leur ensemble.

Sur les dépens

309.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Aux termes de l'article 87, paragraphe 5, du règlement de procédure, la partie qui se désiste est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Aux termes de l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

310.
    Il résulte de ce qui précède qu'il sera fait une juste appréciation de ces dispositions en décidant que les parties requérantes supporteront leurs propres dépens, ainsi que ceux de la Commission, à l'exclusion des dépens occasionnés à la Commission par l'intervention de la République fédérale d'Allemagne. La République fédérale d'Allemagne supportera ses propres dépens. Elle supportera, par ailleurs, les dépens exposés par la Commission en raison de son intervention. Le Royaume-Uni supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Il est donné acte aux parties requérantes dans l'affaire T-143/96 de ce qu'elles se désistent de leur recours pour autant qu'il vise à l'annulation de l'article 2, premier tiret, de la décision 96/666/CE de la Commission, du 26 juin 1996, relative à des aides accordées par l'Allemagne au groupe Volkswagen pour les usines de Mosel et de Chemnitz.

2)    Les recours sont rejetés pour le surplus.

3)    Les parties requérantes supporteront leurs propres dépens ainsi que les dépens exposés par la partie défenderesse, à l'exclusion des dépens occasionnés à la Commission par l'intervention de la République fédérale d'Allemagne. La République fédérale d'Allemagne supportera ses propres dépens, ainsi que les dépens exposés par la Commission en raison de son intervention. Le Royaume-Uni supportera ses propres dépens.

Potocki
Lenaerts
Bellamy

        Azizi                        Meij

yAinsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 décembre 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

A. Potocki

Table des matières

    Cadre juridique

II - 3

    Faits à l'origine du litige

II - 7

    Procédure

II - 14

    Conclusions des parties

II - 16

    Sur la recevabilité du recours dans l'affaire T-132/96

II - 17

        Argumentation des parties

II - 17

        Appréciation du Tribunal

II - 20

    Sur le fond

II - 22

        I - Sur la violation de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité

II - 23

            Argumentation des parties

II - 23

            Appréciation du Tribunal

II - 29

        II - Sur la violation de l'article 92, paragraphe 3, du traité

II - 34

            Sur la violation de l'article 92, paragraphe 3, sous b), du traité

II - 34

                Argumentation des parties

II - 34

                Appréciation du Tribunal

II - 35

            Sur la violation de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité

II - 36

                Argumentation des parties

II - 36

                Appréciation du Tribunal

II - 39

            Sur la violation de l'économie générale de l'article 92, paragraphe 3, du traité

II - 40

                Sur la nécessité d'un examen ex ante et sur l'applicabilité de l'encadrement communautaire

II - 40

                    - Argumentation des parties

II - 40

                    - Appréciation du Tribunal

II - 44

                Sur la qualification des ateliers de peinture et de montage final de Mosel II et de Chemnitz II d'«investissements d'extension»

II - 47

                    - Argumentation des parties

II - 47

                    - Appréciation du Tribunal

II - 50

                Sur le calcul des coûts et bénéfices de l'investissement

II - 55

                    - Argumentation des parties

II - 55

                    - Appréciation du Tribunal

II - 57

                Sur les compléments d'aide

II - 58

                    - Argumentation des parties

II - 58

                    - Appréciation du Tribunal

II - 59

                Sur la détermination des aides autorisées

II - 60

        III - Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

II - 61

            Argumentation des parties

II - 61

            Appréciation du Tribunal

II - 64

    Sur les dépens

II - 65


1: Langue de procédure: l'allemand.