Language of document : ECLI:EU:T:1999:330

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

15 décembre 1999 (1)

«Droits antidumping - Tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié - Accord européen avec la Roumanie - Valeur normale - Marge de dumping - Préjudice - Droits procéduraux des exportateurs»

Dans les affaires jointes T-33/98 et T-34/98,

Petrotub SA, société de droit roumain, établie à Roman (Roumanie),

et

Republica SA, société de droit roumain, établie à Bucarest (Roumanie),

représentées par Me Alfred L. Merckx, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Duro et Lorang, 4, boulevard Royal,

parties requérantes,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par M. Stephan Marquardt, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Mes Hans-Jürgen Rabe, avocat à Hambourg, et Georg M. Berrisch, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Alessandro Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Nicholas Khan et Viktor Kreuschitz, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande en annulation du règlement (CE) n° 2320/97 du Conseil, du 17 novembre 1997, instituant des droits antidumping définitifs sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires de Hongrie, de Pologne, de Russie, de la République tchèque, de Roumanie et de la République slovaque, abrogeant le règlement (CEE) n° 1189/93 et clôturant la procédure concernant les importations en provenance de la République de Croatie (JO L 322, p. 1), dans la mesure où ce règlement concerne les requérantes,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre élargie),

composé de MM. A. Potocki, président, K. Lenaerts, C. W. Bellamy, J. Azizi et A. W. H. Meij, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 7 juillet 1999,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    A la suite d'une plainte déposée par le comité de défense de l'industrie des tubes sans soudure en acier de l'Union européenne au mois de juillet 1996, la Commission, en application du règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), modifié par le règlement (CE) n° 2331/96 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO L 317, p. 1, ci-après «règlement de base»), a publié, le 31 août 1996, un avis d'ouverture d'une procédure antidumping concernant les importations dans la Communauté de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires de Russie, de la République tchèque, de Roumanie et de Slovaquie (JO C 253, p. 26).

2.
    Par un avis publié le même jour, la Commission a annoncé l'ouverture d'un réexamen intermédiaire des mesures antidumping applicables aux importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires de Hongrie, de Pologne et de la République de Croatie (JO C 253, p. 25). Cette enquête de réexamen intermédiaire a été effectuée parallèlement à l'enquête susvisée, en cause en l'espèce.

3.
    Par lettre du 6 septembre 1996, la Commission a informé de l'ouverture de la procédure le conseil d'association institué par l'accord européen entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la Roumanie, d'autre part (JO 1994, L 357, p. 1, ci-après «accord européen»).

4.
    Petrotub SA (ci-après «Petrotub») et Republica SA (ci-après «Republica»), sociétés établies en Roumanie, produisent et exportent des tubes et tuyaux sans soudure.

5.
    Le 9 octobre 1996, dans le délai imparti par la Commission, elles ont renvoyé le questionnaire que cette dernière leur avait adressé dans le cadre de l'enquête antidumping et ont présenté une demande écrite tendant à obtenir une audition auprès d'elle ainsi qu'une information provisoire et finale, conformément à l'article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement de base.

6.
    Le 12 novembre 1996, ces sociétés ont été entendues par la Commission.

7.
    Le 10 octobre 1996, la procédure antidumping en cause a fait l'objet de discussions lors d'une réunion du comité d'association, assistant, conformément à l'article 110 de l'accord européen, le conseil d'association.

8.
    La Commission a effectué une vérification dans les locaux de Petrotub, du 3 au 5 décembre 1996, et dans ceux de Republica, les 6 et 7 décembre 1996.

9.
    Par lettres du 17 mars 1997, Petrotub et Republica ont demandé à la Commission, au cas où elle estimerait se trouver en présence d'un dumping, de soumettre aussitôt la question au conseil d'association en vue de trouver une solution acceptable pour les deux parties, en application de l'article 34, paragraphe 2, de cet accord. Par télécopie du 19 mars 1997, la Commission a répondu que la procédure antidumping en cause avait fait l'objet de discussions lors de la réunion du comité d'association du 10 octobre 1996, au cours de laquelle il aurait été relevé que l'ensemble des exigences procédurales à l'égard de la Roumanie avaient été respectées. Elle indiquait également que la demande des requérantes n'était pas recevable et qu'elle aurait dû être présentée par les autorités roumaines.

10.
    Le 14 avril 1997, le gouvernement roumain a envoyé une «note verbale» à la Commission en lui demandant, au cas où elle estimerait se trouver en présence d'un dumping, de soumettre la question au conseil d'association en vue de trouver une solution acceptable pour les deux parties.

11.
    Par lettre du 22 mai 1997, la Commission a informé le conseil d'association de sa décision d'imposer des droits antidumping provisoires. Elle l'invitait à proposer des engagements ou à demander des consultations sur des questions concernant cette procédure, dans un délai de dix jours à compter de la publication du règlement (CE) n° 981/97 de la Commission, du 29 mai 1997, instituant des droits antidumping provisoires sur les importations de certains tuyaux et tubes sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires de Russie, de République tchèque, de Roumanie et de République slovaque (JO L 141, p. 36, ci-après «règlement provisoire»), en vue de parvenir à une solution définitive acceptable pour toutes les parties.

12.
    Par le règlement provisoire, la Commission a imposé un droit antidumping provisoire de 10,8 % sur les produits concernés relevant des codes NC 7304 10 10, 7304 10 30, 7304 39 93 de la nomenclature combinée de l'Union européenne, fabriqués et exportés par Petrotub et Republica.

13.
    Le 2 juin 1997, la Commission a informé ces sociétés des faits et considérations essentiels sur la base desquels avaient été institués des droits provisoires sur leurs exportations vers la Communauté (ci-après «information provisoire»).

14.
    Le 1er juillet 1997, Petrotub et Republica ont présenté des observations écrites sur le dumping (ci-après «conclusions provisoires concernant le dumping») et sur le préjudice (ci-après «conclusions provisoires concernant le préjudice»).

15.
    Le 9 juillet 1997, elles ont été entendues par les services de la Commission et ont respectivement présenté, lors de cette audition, un résumé écrit de leur argumentation concernant le dumping et le préjudice (ci-après «résumés del'argumentation concernant le dumping», et «résumés de l'argumentation concernant le préjudice»).

16.
    Le 19 août 1997, la Commission les a informées par écrit qu'elle avait l'intention de recommander l'institution, sur leurs exportations vers la Communauté européenne, d'un droit antidumping définitif de 9,8 %. Ces informations contenaient une annexe 1 englobant les constatations définitives en matière de dumping, une annexe 2 contenant les constatations définitives en matière de préjudice et une annexe 3 énumérant les points essentiels à inclure dans un engagement éventuel mettant fin au dumping (ci-après «informations finales»).

17.
    Par lettre du 21 août 1997, la Commission a communiqué les informations finales au conseil d'association et l'a informé qu'elles avaient été transmises aux autorités roumaines.

18.
    Lors d'une réunion, le 4 septembre 1997, la Commission a indiqué à Petrotub et à Republica que des engagements portant sur l'indice des prix joint à l'annexe III de l'information finale et sur un volume maximal d'importations en franchise pourraient être acceptés.

19.
    Le 5 septembre 1997, Petrotub et Republica ont présenté des observations écrites sur les constatations définitives concernant le dumping et le préjudice (ci-après «observations finales sur le dumping», et «observations finales sur le préjudice»). Le même jour, elles ont soumis à la Commission une proposition d'engagements en matière de prix.

20.
    Au cours d'une réunion qui s'est tenue le 12 septembre 1997, la Commission a indiqué que la seule forme d'engagement acceptable impliquait la fixation d'un volume d'importations en franchise de droits, soumis à une matrice de prix. Les quantités susceptibles d'être exonérées de droits antidumping seraient de 9 000 tonnes en ce qui concerne Petrotub et de 2 000 pour Republica. Les exportations de ces sociétés excédant ces volumes seraient soumises à un droit antidumping de 9,8 %.

21.
    A la suite d'un échange de correspondance supplémentaire avec la Commission, Petrotub, par lettre du 30 septembre 1997, et Republica, par lettre du 27 octobre 1997, ont offert les engagements qui leur avaient été suggérés lors de la réunion du 12 septembre 1997.

22.
    Le 24 octobre 1997, la Commission a adopté la décision 97/790/CE portant acceptation des engagements offerts dans le cadre de la procédure antidumping concernant les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires de Hongrie, de Pologne, de République tchèque, de Roumanie et de République slovaque et abrogeant la décision 93/260/CEE (JO L 322, p. 63).

23.
    Par règlement (CE) n° 2320/97 du Conseil, du 17 novembre 1997, instituant des droits antidumping définitifs sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, originaires de Hongrie, de Pologne, de Russie, de la République tchèque, de Roumanie et de la République slovaque, abrogeant le règlement (CEE) n° 1189/93 et clôturant la procédure concernant les importations en provenance de la république de Croatie (JO L 322, p. 1, ci-après «règlement attaqué»), le Conseil a institué des droits antidumping de 9,8 % à l'encontre des sociétés Petrotub et Republica (article 1er).

24.
    L'article 2 du règlement attaqué, en relation avec l'annexe de ce règlement, exonère des droits antidumping imposés par l'article 1er les importations de produits fabriqués et exportés vers la Communauté par Petrotub et Republica, dans le cadre et selon les termes des engagements offerts par [ces entreprises], dans les limites du volume des importations exonérées autorisé en vertu des engagements acceptés par la Commission.

Procédure

25.
    Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 23 février 1998, Petrotub et Republica ont introduit les présents recours, enregistrés, respectivement, sous les numéros T-33/98 et T-34/98.

26.
    Par ordonnance du président de la deuxième chambre élargie du Tribunal du 3 décembre 1998, la Commission a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la partie défenderesse. Elle n'a toutefois pas déposé d'observations écrites.

27.
    Par ordonnance du 31 mai 1999, le président de la deuxième chambre élargie a ordonné, les parties entendues, la jonction des affaires T-33/98 et T-34/98 aux fins de la procédure orale et de l'arrêt, conformément à l'article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

28.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, au titre des mesures d'organisation de la procédure, a demandé à la partie défenderesse de répondre à certaines questions lors de l'audience.

29.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 7 juillet 1999.

Conclusions des parties

30.
    Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler l'article 1er du règlement attaqué dans la mesure où il les concerne;

-    annuler l'article 2 du règlement attaqué dans la mesure où il les concerne, pour autant que cet article contient des conditions illégales imposées aux importations des requérantes pour pouvoir bénéficier de l'exonération des droits antidumping;

-    condamner la partie défenderesse aux dépens.

31.
    La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter les recours;

-    condamner les parties requérantes aux dépens.

32.
    Par télécopie du 6 juillet 1999, confirmée lors de l'audience, les parties requérantes se sont désistées de leur demande tendant à l'annulation de l'article 2 du règlement attaqué. Elles ont maintenu leurs autres conclusions, relatives, notamment, à la charge des dépens, y compris ceux afférents à la demande en annulation de l'article 2 du règlement attaqué.

33.
    Au cours de l'audience, la partie défenderesse a conclu à la condamnation des parties requérantes à l'ensemble des dépens.

    Sur le fond

34.
    Les six moyens invoqués à l'appui de la demande en annulation de l'article 1er du règlement attaqué, soit par les deux requérantes, soit uniquement par l'une d'entre elles, sont tirés, respectivement, de la violation de l'article 34 de l'accord européen et de l'absence de motivation en ce qui concerne l'application en l'espèce des règles procédurales énoncées par cet article; de la violation de l'article 2, paragraphe 1, du règlement de base; de la violation de l'article 2, paragraphe 4, du règlement de base lors de la détermination de la valeur normale; de la violation de l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base lors de la détermination de la marge de dumping; de la violation de l'article 3, paragraphes 2 et 5 à 7, du règlement de base lors de la détermination de l'existence d'un préjudice et, enfin, de la violation de l'article 20, paragraphe 2, du règlement de base et du droit d'être entendu ainsi que de l'insuffisance de motivation du règlement attaqué sur ce point.

I - Sur le premier moyen, tiré de la violation de l'article 34 de l'accord européen et de l'absence de motivation

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

35.
    Selon les requérantes, l'article 34, paragraphe 3, sous b), de l'accord européen assortit de deux conditions le pouvoir des institutions communautaires d'adopter unilatéralement des mesures antidumping à l'égard des sociétés roumaines.

36.
    En premier lieu, la Commission serait tenue d'informer immédiatement le conseil d'association de l'ouverture de la procédure antidumping. Les requérantes admettent que, en l'espèce, au vu du point 6 des considérants du règlement attaqué, la Commission s'est acquittée de cette première obligation.

37.
    En second lieu, la Commission serait tenue, après avoir établi l'existence d'un dumping, dans le cadre de l'examen préliminaire débouchant sur l'imposition de droits provisoires, de déférer l'affaire au conseil d'association afin de lui donner l'occasion de régler le différend dans un délai de 30 jours. C'est, en effet, uniquement à ce stade de la procédure que se manifesterait la nécessité de trouver une solution au sein du conseil d'association. Auparavant, l'existence d'un dumping constituerait une simple allégation des entreprises plaignantes susceptible d'être écartée par la Commission à l'issue de son enquête.

38.
    Cette interprétation serait confirmée par le texte de l'article 34, paragraphe 3, qui opérerait, sous b) et sous d), une distinction entre, d'une part, l'information du conseil d'association et, d'autre part, la notification de l'affaire au conseil d'association et l'examen préalable par celui-ci (ordonnance du président du Tribunal du 26 août 1996, Söktas/Commission, T-75/96 R, Rec. p. II-859, points 23 à 25). L'article 34, paragraphe 3, sous d), de l'accord européen prévoirait une seule exception à cette double obligation de la Commission lorsque des circonstances exceptionnelles nécessitent une action immédiate rendant l'information ou l'examen préalable impossible.

39.
    Contrairement aux allégations de la partie défenderesse, les dispositions procédurales de l'article 34, paragraphe 3, sous b), de l'accord européen produiraient un effet direct, selon les critères définis par la Cour dans son arrêt du 26 août 1982, Kupferberg (104/81, Rec. p. 3641, points 22 et 23).

40.
    Dans la présente espèce, comme la procédure a été ouverte le 31 août 1996 et que les droits provisoires devaient être imposés au plus tard neuf mois à compter de cette date, en vertu de l'article 7, paragraphe 1, du règlement de base, la Commission aurait dû saisir le conseil d'association de l'affaire au plus tard le 30 avril 1997, afin de laisser aux parties une période de 30 jours pour aboutir à une solution bilatérale, en application de l'article 34, paragraphe 3, sous b), de l'accord européen.

41.
    Toutefois, en l'espèce, malgré la demande des requérantes du 17 mars 1997 et la note verbale des autorités roumaines du 14 avril 1997 (points 9 et 10 ci-dessus), la Commission n'aurait pas saisi le conseil d'association dans le délai requis avant d'instituer des droits antidumping provisoires. Elle se serait limitée à l'informer, par lettre du 22 mai 1997, de sa décision, prise le 21 mai 1997, d'instituer de tels droits. Cette omission entraînerait l'illégalité non seulement du règlement provisoire, mais également du règlement attaqué.

42.
    De surcroît, le règlement attaqué serait entaché d'une insuffisance de motivation, dans la mesure où il n'apporte aucune justification, notamment au point 6 des considérants, à l'absence de saisine du conseil d'association prévue à l'article 34, paragraphe 3, sous b), de l'accord européen.

43.
    D'après le Conseil, le moyen tiré de la violation de l'article 34 de l'accord européen doit être rejeté. Premièrement, l'illégalité du règlement provisoire, qui résulterait, d'après les requérantes, de la violation de l'article 34, n'entraînerait pas l'illégalité du règlement attaqué; deuxièmement, l'affaire aurait été déférée le 22 mai 1997 au conseil d'association qui aurait ainsi disposé de plus de 30 jours pour parvenir à une solution satisfaisante avant l'adoption du règlement attaqué; troisièmement, l'interprétation de l'article 34 de l'accord européen, proposée par les requérantes, serait erronée et, quatrièmement, l'article 34 de l'accord européen n'aurait pas d'effet direct.

Appréciation du Tribunal

44.
    L'accord européen autorise, en son article 30, l'adoption par l'une des parties de mesures appropriées contre des pratiques de dumping, conformément, notamment, à sa propre législation, dans les conditions et selon les procédures prévues à son article 34, dont les dispositions pertinentes sont ainsi libellées:

    «2.    [...] avant de prendre [des] mesures [contre des pratiques de dumping] la Communauté ou la Roumanie fournit au conseil d'association toutes les informations pertinentes en vue de rechercher une solution acceptable pour les deux parties.

    [...]

    3.    Pour la mise en oeuvre du paragraphe 2, les dispositions suivantes sont applicables:

    [...]

    b)    le conseil d'association doit être informé du cas de dumping dès que les autorités de la partie importatrice ont entamé l'enquête. S'il n'a pas été mis fin au dumping ou si aucune autre solution satisfaisante n'est intervenue dans les 30 jours suivant la notification de l'affaire au conseil d'association, la partie importatrice peut adopter les mesures appropriées;

    [...]

    d)    lorsque des circonstances exceptionnelles nécessitant une action immédiate rendent l'information ou l'examen préalable impossible, laCommunauté ou la Roumanie peut [...] appliquer, immédiatement, à titre provisoire, les mesures de sauvegarde strictement nécessaires pour faire face à la situation et le conseil d'association est immédiatement informé».

45.
    En l'espèce, il est constant que la Commission a, par sa lettre du 6 septembre 1996, informé le conseil d'association de l'ouverture de la procédure antidumping litigieuse. Par la suite, l'affaire a d'ailleurs été discutée lors de la séance du comité d'association institué par l'article 110 de l'accord européen afin d'assister le conseil d'association, qui s'est tenue le 10 octobre 1996, à Bruxelles.

46.
    Contrairement aux arguments des requérantes, il ne ressort pas de l'article 34, paragraphe 3, sous b), de l'accord européen que la Commission était tenue de saisir le conseil d'association une seconde fois, avant d'adopter le règlement provisoire.

47.
    En effet, pour se conformer à cette disposition, la Communauté doit communiquer à cet organe toutes les informations pertinentes en temps utile pour lui permettre de rechercher une solution acceptable pour les deux parties. Dans le système du règlement de base, qui attribue au seul Conseil compétence pour adopter des mesures définitives, il suffit que cette communication intervienne au plus tard 30 jours avant l'adoption du règlement définitif.

48.
    A cet égard, il ressort du dossier que la Commission a ultérieurement informé le conseil d'association, par lettre du 22 mai 1997, de sa décision d'imposer des droits antidumping provisoires. Dans cette lettre, elle lui communiquait les données sur lesquelles se fondait le règlement provisoire et l'invitait à proposer des engagements ou à demander des consultations sur toute question en relation avec la procédure antidumping en cours, en vue de parvenir à une solution définitive acceptable par toutes les parties. Enfin, par lettre du 21 août 1997, la Commission a transmis l'information finale au conseil d'association.

49.
    Dans ces conditions, comme le règlement attaqué, qui institue des droits antidumping définitifs, n'a été adopté que le 17 novembre 1997, le conseil d'association disposait en tout état de cause d'un délai très largement supérieur à 30 jours en vue de rechercher une solution acceptable pour la Communauté et pour la Roumanie, à la suite de la communication de toutes les informations pertinentes à cette fin.

50.
    En outre, contrairement à la thèse des requérantes qui, en toute hypothèse, n'est pas étayée, le règlement attaqué est suffisamment motivé sur ce point, dans la mesure où il indique, en son sixième considérant, que, outre la notification initiale de l'affaire en cause, la Commission a immédiatement informé le conseil d'association des données sur la base desquelles le règlement provisoire a été adopté, et que des consultations avec les pays d'exportation se sont poursuivies tout au long de l'enquête afin de parvenir à une solution mutuellement acceptable.

51.
    Il s'ensuit que le premier moyen doit en toute hypothèse être rejeté, sans qu'il soit nécessaire d'examiner au préalable la question de l'invocabilité de l'article 30 de l'accord européen, précité.

II - Sur les deuxième et troisième moyens, tirés de la violation de l'article 2, paragraphes 1 et 4, du règlement de base, lors de la détermination de la valeur normale, et de l'insuffisance de motivation

52.
    Les requérantes contestent la méthode utilisée pour déterminer la valeur normale de produits similaires, en application de l'article 2 du règlement de base. A cette fin, elles invoquent chacune un moyen distinct tiré, dans l'affaire T-33/98, de la violation du paragraphe 4, et, dans l'affaire T-34/98, de la violation du paragraphe 1 de cet article 2.

    Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l'article 2, paragraphe 1, du règlement de base et de l'insuffisance de motivation (dans l'affaire T-34/98)

53.
    Ce moyen, invoqué par Republica, s'articule en deux branches. En premier lieu, les institutions communautaires auraient omis d'écarter, aux fins de la détermination de la valeur normale, les ventes intérieures de produits en stock, lesquelles ne seraient pas des ventes de produits similaires. En second lieu, elles auraient également omis d'écarter les ventes intérieures sous forme d'arrangements compensatoires qui ne pourraient pas être considérées comme effectuées au cours d'opérations commerciales normales.

Sur la première branche, relative à la prise en considération des ventes intérieures de produits en stock

- Exposé sommaire de l'argumentation des parties

54.
    La requérante rappelle que, aux fins de la détermination de la valeur normale, sur la base des prix intérieurs, les institutions communautaires étaient tenues, en vertu de l'article 2, paragraphe 1, du règlement de base, de vérifier que ces prix avaient été pratiqués au cours d'opérations commerciales normales portant sur le produit similaire. En l'espèce, elles auraient dû écarter les ventes de produits en stock parce qu'il ne s'agirait pas de ventes du produit similaire, sans qu'une demande de la requérante à cet effet soit nécessaire.

55.
    En effet, les ventes de produits en stock de la requérante se rapporteraient à des tuyaux ou tubes, «produits sur commande» (visés au point 4 du questionnaire rempli par la requérante), mais n'ayant pas ou n'ayant plus, au moment de la vente, la qualité requise pour répondre à la norme STAS, une norme roumaine pour les tubes et tuyaux sans soudure. Ils pourraient consister en reliquats d'une commande déterminée de tuyaux qui ne possèdent pas la tolérance requise, dont les parois ont une épaisseur supérieure à la norme exigée ou qui présentent desdéfectuosités sur les surfaces intérieures ou extérieures. Ils ne seraient pas munis d'un certificat de qualité, à la différence des produits exportés. De ce fait, les ventes de produits en stock seraient réalisées à des prix très largement inférieurs aux prix normaux et ne pourraient donc pas être considérées comme des opérations commerciales normales, ou comme des ventes d'un produit similaire. Ces ventes auraient représenté 44 % du total des ventes de tubes et tuyaux sans soudure en fer ou en acier non allié effectuées par la requérante pendant la période d'enquête.

56.
    Ces ventes de produits en stock n'auraient aucun rapport avec les «ventes effectuées de stock» (également visées au point 4 du questionnaire), c'est-à-dire les ventes de produits fabriqués de manière continue et vendus au fur et à mesure que se présentent les acheteurs. En l'espèce, la requérante admet avoir indiqué en réponse au questionnaire que ses ventes intérieures étaient effectuées «sur commande» et non pas «de stock». Cette question serait cependant privée de pertinence. En effet, à la différence des produits «en stock» de la requérante, les produits «de stock» visés par le questionnaire répondraient aux normes de qualité sur la même base que les produits vendus «sur commande».

57.
    La requérante reconnaît avoir soulevé la question de l'exclusion de ses ventes de produits en stock, pour la première fois, lors de l'audition du 9 juillet 1997 et dans le résumé de son argumentation concernant le dumping, présenté au cours de cette audition. Toutefois, ces observations n'auraient pas été avancées tardivement, le seul délai légal prévu pour la prise en considération des observations étant celui fixé par l'article 20, paragraphe 5, du règlement de base.

58.
    En outre, après cette audition, la requérante aurait soumis à la Commission, le 14 juillet 1997, un état informatique comportant la liste des ventes de produits en stock effectuées pendant la période d'enquête. Ce document révélerait que la requérante a clairement expliqué à la Commission que les produits en stock, correspondant aux codes N et Z sur l'état informatique, étaient dans un premier temps mis en fabrication selon la norme STAS mais ne répondaient pas, en définitive, à cette norme, en raison de petites défectuosités. Dans sa lettre du 15 juillet 1997, la requérante aurait fourni des explications complémentaires sur cet état informatique et les codes utilisés.

59.
    En toute hypothèse, les institutions communautaires auraient nécessairement été informées du problème des ventes de produits en stock par l'enquête sur place. En attesterait la déclaration suivante de la Commission, à la page 2 de l'information provisoire du 2 juin 1997: «[L]a société a déclaré dans sa réponse avoir exporté 2 041 tonnes du produit concerné vers la Communauté. L'enquête sur place a toutefois révélé qu'une certaine proportion de ce total ne pouvait être considérée comme comparable aux produits vendus sur le marché intérieur puisqu'elle consistait en tuyaux et tubes non munis de certificats de qualité.»

60.
    Pour l'ensemble de ces raisons, le règlement attaqué serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une insuffisance de motivation, dans la mesure où ilénonce que, dans aucun des documents présentés par la société, la Commission n'a été en mesure de faire une différence entre les ventes de produits en stock et les autres ventes, et entre les ventes de produits munis de certificats de qualité et les ventes de produits non munis de tels certificats (point 19 des considérants, cinquième alinéa).

61.
    Le Conseil soutient, en premier lieu, que la demande de la requérante tendant à l'exclusion de ses ventes de produits en stock du calcul de la valeur normale a été introduite tardivement. En second lieu, les allégations de la requérante, selon lesquelles les ventes de produits en stock devraient être exclues du calcul de la valeur normale, ne seraient pas étayées en fait.

- Appréciation du Tribunal

62.
    Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, premier et deuxième alinéas du règlement de base, «la valeur normale est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d'opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur. Lorsque l'exportateur dans le pays exportateur ne produit pas ou bien ne vend pas le produit similaire, la valeur normale est établie sur la base des prix d'autres vendeurs ou producteurs».

63.
    Il y a lieu de constater que les allégations de la requérante, selon lesquelles ses produits en stock ne constitueraient pas des produits similaires au sens de l'article 2, paragraphe 1, du règlement de base, parce qu'ils ne correspondraient pas à la norme STAS, ou parce qu'ils ne seraient pas munis de certificats de qualité, ne sont étayées par aucun élément de preuve suffisant.

64.
    En particulier, le seul élément de preuve invoqué par la requérante, tant lors de la procédure administrative que devant le Tribunal, consiste en un état informatique contenant la liste de ses ventes de produits en stock effectuées pendant la période d'enquête. Ce document, qui mentionne la norme STAS pour un grand nombre de produits en stock, ne permet pas, d'après les explications fournies par la requérante pour la lecture de la liste qu'il contient, de conclure que les produits en stock n'étaient pas ou n'étaient plus munis d'un certificat de qualité, ou de déterminer s'ils correspondaient ou non à la norme STAS, au moment de leur vente.

65.
    Il en résulte que le grief relatif à la prise en considération des ventes de produits en stock ne saurait être accueilli.

66.
    De plus, contrairement aux allégations de la requérante, le Conseil a suffisamment motivé le règlement attaqué sur ce point en constatant, au point 19 des considérants énoncé ci-dessus, que la Commission n'avait pas été mise en mesure de différencier les ventes selon les produits.

67.
    Il s'ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté en sa première branche.

Sur la seconde branche, relative à la prise en considération des ventes intérieures sous forme d'arrangements compensatoires

- Exposé sommaire de l'argumentation des parties

68.
    Selon la requérante, les ventes intérieures qu'elle a effectuées en recourant à la compensation comme mode de paiement représentaient environ 24 % des ventes intérieures du produit concerné pendant la période d'enquête. Le système de compensation lui serait imposé par de gros clients, tels que les entreprises de service public roumaines, et les prix, non négociables, pratiqués dans ce cadre seraient considérablement inférieurs aux prix de marché normaux. Ces ventes auraient, dès lors, dû être écartées aux fins de la détermination de la valeur normale, en application de l'article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement de base.

69.
    La requérante n'aurait pas évoqué ces ventes dans sa réponse au questionnaire parce qu'elle n'aurait pas été invitée à le faire. Elle admet avoir soulevé, pour la première fois, la question des ventes à titre compensatoire lors de l'audition du 9 juillet 1997, ainsi que dans le résumé de l'argumentation concernant le dumping présentée à cette occasion. En outre, un document intitulé «Total Value of Compensatory Arrangements» («Valeur totale des arrangements compensatoires»), comportant une liste de ces arrangements, aurait été transmis à la Commission en annexe au résumé susmentionné. La teneur de ce document aurait ensuite été précisée par la requérante dans une télécopie adressée à la Commission le 21 juillet 1997. La demande d'exclusion, aux fins du calcul de la valeur normale, des ventes effectuées sur la base d'arrangements compensatoires ne serait cependant pas tardive au regard du délai fixé par l'article 20, paragraphe 5, du règlement de base.

70.
    Par ailleurs, en vertu de l'article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement de base, il incomberait aux institutions communautaires d'établir, en procédant à une vérification au cours de l'enquête, si les ventes intérieures englobaient des arrangements compensatoires. Si tel était le cas, il existerait une présomption selon laquelle elles ne seraient pas réalisées au cours d'opérations normales, à moins que les institutions communautaires ne prouvent que les prix appliqués n'étaient pas affectés par cette relation.

71.
    En se limitant, en l'espèce, à affirmer, au point 19 des considérants du règlement attaqué, que, «au cours de l'enquête, il a été établi que les ventes par compensation avaient bel et bien été effectuées au cours d'opérations commerciales normales», sans indiquer si les institutions communautaires avaient examiné si les prix pratiqués au cours de ces ventes étaient affectés par ces arrangements de compensation, comme l'exige l'article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, durèglement de base, le règlement attaqué serait entaché d'une insuffisance de motivation.

72.
    Le Conseil soutient, pour sa part, que la demande de la requérante tendant à écarter les ventes effectuées dans le cadre de prétendus arrangements compensatoires devait être rejetée, d'une part, parce qu'elle était tardive et, d'autre part, parce que les allégations de la requérante ne seraient étayées par aucun élément de preuve.

- Appréciation du Tribunal

73.
    Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement de base, «[l]es prix pratiqués entre des parties paraissant être associées ou avoir conclu entre elles un arrangement de compensation ne peuvent être considérés comme des prix pratiqués au cours d'opérations commerciales normales et être utilisés pour établir la valeur normale que s'il est établi que ces prix ne sont pas affectés par cette relation».

74.
    Force est de constater que la requérante n'avance pas d'élément de preuve et ne fournit aucune indication permettant de supposer que les arrangements compensatoires qu'elle invoque, mentionnés dans le document intitulé «Total Value of Compensatory Arrangements» relatif aux ventes effectuées sur la base d'arrangements compensatoires durant la période d'enquête, ont affecté les prix appliqués dans le cadre de ces opérations, comme l'exige l'article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement de base.

75.
    En outre, en l'absence de tout indice contraire fourni par la requérante, le Conseil a suffisamment motivé, dans le règlement attaqué, son refus d'exclure les ventes par compensation de la détermination de la valeur normale, en spécifiant qu'il avait «été établi que les ventes par compensation avaient bel et bien été effectuées au cours d'opérations commerciales normales».

76.
    Il s'ensuit que le deuxième moyen doit en tout état de cause être rejeté en ses deux branches.

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l'article 2, paragraphe 4, du règlement de base et de l'insuffisance de motivation (dans l'affaire T-33/98)

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

77.
    La requérante, Petrotub, fait valoir que les institutions communautaires ont outrepassé les limites de leur pouvoir d'appréciation dans la détermination de la valeur normale et insuffisamment motivé leur décision sur ce point, lorsqu'elles ont opté pour l'application du critère des 20 %, prévu par l'article 2, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de base, afin de déterminer si les ventes à des prixinférieurs au coût de production unitaire sont effectuées «en quantités substantielles».

78.
    En effet, le premier critère défini par cet article 2, paragraphe 4, troisième alinéa, consistant à comparer le prix de vente moyen pondéré au coût unitaire moyen pondéré, constituerait le critère «normal» permettant de déterminer si des ventes à des prix inférieurs au coût unitaire peuvent être considérées comme effectuées en quantités substantielles. Il aurait été introduit pour transposer le point 2.2.1 de l'accord sur la mise en oeuvre de l'article VI de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO L 336, p. 103, ci-après «code antidumping de 1994»), figurant en annexe 1A de l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO L 336, p. 3). Le second critère - consistant à vérifier que le volume des ventes non rentables représente au moins 20 % des ventes utilisées pour déterminer la valeur normale -, habituellement appliqué avant cette modification, ne pourrait plus être utilisé qu'«à défaut».

79.
    En outre, l'application, dans la présente espèce, de ce second critère des 20 %, pour déterminer si des ventes non rentables avaient été effectuées sur le marché intérieur en quantités substantielles, et pouvaient dès lors être écartées dans la détermination de la valeur normale, se serait traduite par l'exclusion des transactions non rentables, dans 17 groupes de produits sur 24. La valeur normale aurait donc été établie pour les 17 groupes sur la base des seules transactions rentables et pour sept groupes sur la base des transactions aussi bien rentables que non rentables. En revanche, l'application du premier critère, susmentionné, aurait conduit à un résultat plus correct, la valeur normale étant alors déterminée en prenant en considération l'ensemble des transactions tant rentables que non rentables dans 18 groupes sur 24.

80.
    En entraînant ce résultat déraisonnable, l'application, en l'espèce, du second critère de l'article 2, paragraphe 4, méconnaîtrait le principe de proportionnalité consacré par l'article 3 B du traité CE (devenu article 5 CE) (voir arrêt du Tribunal du 5 juin 1996, NMB France e.a./Commission, T-162/94, Rec. p. II-427, points 69 et 73).

81.
    De plus, le règlement attaqué serait insuffisamment motivé, en ce qui concerne le choix de ce second critère, alors que la requérante aurait contesté ce choix à plusieurs reprises, durant la procédure administrative.

82.
    Le Conseil écarte l'interprétation de l'article 2, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de base avancée par la requérante.

Appréciation du Tribunal

83.
    D'après l'article 2, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de base, «les ventes du produit similaire sur le marché intérieur du pays exportateur ou les ventes à destination d'un pays tiers à des prix inférieurs aux coûts de production unitaires (fixes et variables), majorés des frais de vente, dépenses administratives et autresfrais généraux, ne peuvent être considérées comme n'ayant pas lieu au cours d'opérations commerciales normales en raison de leur prix et ne peuvent être écartées de la détermination de la valeur normale que s'il est déterminé que de telles ventes sont effectuées sur une période étendue en quantités substantielles et à des prix qui ne permettent pas de couvrir tous les frais dans un délai raisonnable».

84.
    Aux termes de l'article 2, paragraphe 4, troisième alinéa, de ce règlement, «[...] il est considéré que les ventes à des prix inférieurs au coût unitaire sont effectuées en quantités substantielles au cours de cette période lorsqu'il est établi que le prix de vente moyen pondéré est inférieur au coût unitaire moyen pondéré ou que le volume des ventes à des prix inférieurs au coût unitaire ne représente pas moins de 20 % des ventes utilisées pour déterminer la valeur normale».

85.
    Il en résulte que l'article 2, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de base prévoit deux critères alternatifs permettant de déterminer si des ventes à des prix inférieurs au coût de production unitaire doivent être considérées comme effectuées en quantités substantielles. Il ressort en effet explicitement de cette disposition, comme l'indique l'utilisation de la conjonction «ou», qu'il suffit que l'un de ces critères soit rempli pour que de telles ventes soient considérées comme effectuées en quantités substantielles.

86.
    Contrairement aux allégations de la requérante, cette interprétation n'est pas incompatible avec le point 2.2.1 du code antidumping de 1994, lu en relation avec sa note explicative n° 5, précisant que «les ventes à des prix inférieurs aux coûts unitaires sont effectuées en quantités substantielles lorsque les autorités établissent que le prix de vente moyen pondéré des transactions prises en considération pour la détermination de la valeur normale est inférieur aux coûts unitaires moyens pondérés, ou que le volume des ventes à des prix inférieurs aux coûts unitaires ne représente pas moins de 20 pour cent du volume vendu dans les transactions prises en considération pour la détermination de la valeur normale».

87.
    Dans ces conditions, en l'espèce, les institutions communautaires ont pu à bon droit appliquer le second critère énoncé par l'article 2, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de base, consistant à vérifier si le volume des ventes à des prix inférieurs au coût unitaire représentait au moins 20 % des ventes utilisées pour déterminer la valeur normale.

88.
    Or, la requérante ne conteste pas que ce critère est rempli dans les 17 groupes de produits dans lesquels les ventes non rentables ont été exclues par la Commission de la détermination de la valeur normale, dans la mesure où elles représentaient 20 % ou plus du total des ventes.

89.
    S'agissant des allégations de la requérante relatives à une prétendue violation du principe de proportionnalité, le choix entre différentes méthodes de calculindiquées dans un règlement de base suppose l'appréciation de situations économiques complexes, de sorte que le contrôle du respect du principe de proportionnalité par le juge communautaire doit se limiter, dans ce domaine, à la question de savoir si la méthode choisie est manifestement inappropriée par rapport au but poursuivi (voir arrêt de la Cour du 7 mai 1987, Nachi Fujikoshi/Conseil, 255/84, Rec. p. 1861, point 21, et arrêt NMB France e.a./Commission, précité, points 72 et 73).

90.
    Or, l'article 2, paragraphe 4, du règlement de base vise à définir la valeur normale du produit concerné afin de déterminer l'existence d'un dumping, en se fondant sur les prix pratiqués au cours d'opérations commerciales normales pour les produits similaires, dans le pays d'exportation, ce qui implique l'exclusion des ventes à des prix inférieurs aux coûts de production unitaires, majorés des frais de vente et des frais généraux, lorsqu'elles sont effectuées en quantités substantielles sur une période étendue.

91.
    Dans ce cadre, la seule circonstance, invoquée par les requérantes, que l'application du critère des 20 %, énoncé par l'article 2, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de base, a entraîné l'exclusion des transactions effectuées à des prix inférieurs au coût unitaire dans 17 groupes de produits sur 24 n'est pas en soi de nature à montrer que ce critère était manifestement inapproprié au regard de la finalité poursuivie, laquelle consiste à déterminer la valeur normale, en excluant précisément toutes les ventes non rentables effectuées en quantités substantielles durant une période étendue. Elle indique uniquement que, pour ces 17 groupes de produits, 20 % au moins des ventes s'effectuaient durablement à des prix inférieurs au coût unitaire.

92.
    Enfin, le règlement attaqué ne saurait être considéré comme entaché d'une insuffisance de motivation, dans la mesure où il précise, en substance, au point 19 des considérants, troisième alinéa, que la Commission a, en vertu de l'article 2, paragraphe 4, du règlement de base, considéré que les ventes à perte devaient être exclues du calcul de la valeur normale lorsqu'elles représentaient plus de 20 % de l'ensemble des ventes intérieures, compte tenu des dispositions du règlement de base et de la pratique constante des institutions dans l'établissement de la valeur normale.

93.
    Il s'ensuit que le troisième moyen doit être rejeté.

    III - Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base (dans l'affaire T-33/98)

94.
    La requérante, Petrotub, rappelle que l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base énonce:

«Sous réserve des dispositions pertinentes régissant la comparaison équitable, l'existence de marges de dumping au cours de la période d'enquête estnormalement établie sur la base d'une comparaison d'une valeur normale moyenne pondérée avec la moyenne pondérée des prix de toutes les exportations vers la Communauté ou sur une comparaison des valeurs normales individuelles et des prix à l'exportation individuels vers la Communauté, transaction par transaction. Toutefois, une valeur normale établie sur une moyenne pondérée peut être comparée aux prix de toutes les exportations individuelles vers la Communauté si la configuration des prix à l'exportation diffère sensiblement entre les différents acquéreurs, régions ou périodes et si les méthodes spécifiées dans la première phrase du présent paragraphe ne permettaient pas de refléter l'ampleur réelle du dumping pratiqué. Le présent paragraphe n'exclut pas le recours à l'échantillonnage conformément à l'article 17».

95.
    Petrotub fait valoir, premièrement, que les institutions communautaires auraient omis d'expliquer, comme elles y auraient été tenues en vertu de l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base, pourquoi une comparaison de la valeur normale moyenne pondérée avec les prix de toutes les exportations individuelles refléterait mieux que les méthodes normales l'ampleur réelle du dumping; deuxièmement, qu'elles auraient déterminé la marge de dumping en se fondant sur des facteurs situés en dehors de la période d'enquête et, troisièmement, qu'elles auraient omis de démontrer l'existence d'une configuration des prix à l'exportation qui différait entre les différents acquéreurs ou périodes.

Sur l'absence alléguée de justification de la méthode choisie pour déterminer la marge de dumping

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

96.
    La requérante fait valoir que, pour recourir à titre exceptionnel à la méthode de comparaison de la valeur normale moyenne pondérée avec les prix de toutes les exportations individuelles vers la Communauté, les institutions communautaires seraient notamment tenues d'expliquer, en vertu de l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base pour chacune des sociétés prise séparément, la raison pour laquelle cette méthode reflète mieux l'ampleur réelle du dumping que les méthodes normales de comparaison moyenne pondérée à moyenne pondérée ou transaction par transaction (méthodes «symétriques»), énoncées ci-dessus.

97.
    Elle allègue que l'article 2, paragraphe 11, précité, qui a été introduit dans le règlement de base en vue de mettre en oeuvre le point 2.4.2 du code antidumping de 1994, doit être interprété en relation avec ce point. Il ressortirait des termes du point 2.4.2 que la méthode consistant à comparer la valeur normale moyenne pondérée avec les prix des exportations individuelles ne pourrait être utilisée que si, d'une part, les différences dans la configuration des prix à l'exportation entre les différents acquéreurs, régions ou périodes ne sont pas susceptibles d'être prises en considération de manière appropriée en recourant à l'une ou l'autre des deux méthodes normales et, d'autre part, une explication est fournie quant à la raisonpour laquelle ces différences ne peuvent pas être prises en compte en utilisant les méthodes normales. En l'espèce, une telle explication ferait défaut dans le règlement attaqué.

98.
    En outre, les institutions communautaires n'auraient pas établi de manière individuelle, en ce qui concerne la requérante, que les méthodes normales de détermination de la marge de dumping ne permettaient pas de refléter l'ampleur réelle du dumping pratiqué par la requérante.

99.
    Au stade de la réplique, la requérante fait valoir que les institutions communautaires ont également violé l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base, en ce qu'elles se seraient limitées à comparer la première des deux méthodes symétriques avec la troisième méthode consistant à comparer la valeur moyenne normale pondérée aux prix des exportations individuelles et auraient omis de comparer la seconde méthode symétrique avec cette troisième méthode. Il s'ensuivrait que les institutions n'ont pas démontré que l'application des deux méthodes symétriques de détermination de la marge de dumping ne permettait pas de refléter l'ampleur réelle du dumping pratiqué.

100.
    Selon le Conseil, les arguments de la requérante fondés sur le point 2.4.2 du code antidumping de 1994 n'auraient été avancés ni lors de l'enquête ni dans la requête. Ils seraient donc irrecevables, en vertu de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. Tel serait le cas de l'argumentation selon laquelle les institutions communautaires auraient dû comparer les valeurs normales individuelles avec les prix à l'exportation individuels et vérifier si cette méthode de comparaison permettait de refléter l'ampleur réelle du dumping pratiqué. Il en irait de même de l'argument selon lequel il aurait incombé à ces institutions d'expliquer pourquoi les différences de configuration des prix à l'exportation ne peuvent pas être prises en compte de manière appropriée en appliquant les deux méthodes normales.

101.
    En tout état de cause, ces arguments ne seraient pas fondés. Il ressortirait clairement de la première phrase de l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base que les institutions communautaires peuvent choisir l'une des deux méthodes normales mentionnées. Elles disposeraient à cet égard d'un pouvoir discrétionnaire et n'utiliseraient que très rarement la méthode consistant à comparer les valeurs normales individuelles aux prix à l'exportation individuels, car une telle méthode serait généralement considérée comme irréalisable et quelque peu arbitraire.

102.
    En outre, d'après la deuxième phrase de l'article 2, paragraphe 11, il suffirait que les institutions communautaires démontrent qu'il existe des différences dans la configuration des prix à l'exportation et que la méthode normale choisie en premier lieu ne permet pas de refléter l'ampleur réelle du dumping, pour pouvoir recourir à la troisième méthode. Cette interprétation concorderait parfaitement avec le point 2.4.2 du code antidumping de 1994.

103.
    En effet, les institutions communautaires ne seraient pas tenues d'expliquer pourquoi les différences de configuration des prix à l'exportation ne peuvent pas être prises en compte adéquatement en recourant à l'une des deux premières méthodes. Le fait que ces méthodes normales ne permettent pas de refléter l'ampleur réelle du dumping constituerait l'explication requise par le point 2.4.2 du code antidumping de 1994.

Appréciation du Tribunal

104.
    Dans la requête, la requérante fait grief aux institutions communautaires d'avoir omis d'expliquer, notamment en violation du point 2.4.2 du code antidumping de 1994, pourquoi une comparaison de la valeur normale moyenne pondérée avec les prix des exportations individuelles reflète mieux que les méthodes symétriques l'ampleur réelle du dumping.

105.
    Si, selon une jurisprudence bien établie, les dispositions du règlement de base doivent être interprétées à la lumière du code antidumping de 1994 (arrêt de la Cour du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C-69/89, Rec. p. I-2069, points 30 à 32), il n'en demeure pas moins que le régime relatif à la défense contre les pratiques de dumping est uniquement régi par ce règlement. L'obligation, visée au point 2.4.2 du code antidumping de 1994, de fournir une explication quant à la raison pour laquelle les méthodes symétriques ne permettent pas de refléter l'ampleur réelle du dumping ne constitue donc pas, en tant que telle, une norme applicable. Or, force est de constater que l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base ne mentionne pas d'obligation spécifique d'explication de ce type.

106.
    Toutefois, dans la mesure où ce moyen peut être entendu dans le sens que la requérante dénonce l'insuffisance de motivation du règlement attaqué, il convient de rappeler que la motivation exigée par l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE) doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits, et au juge communautaire d'exercer son contrôle. L'étendue de l'obligation de motivation doit s'apprécier en fonction du contexte et de la procédure dans le cadre desquels le règlement attaqué a été adopté, ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en dernier lieu, l'arrêt du Tribunal du 12 octobre 1999, Acme Industry/Conseil, T-48/96, non encore publié au Recueil, point 141).

107.
    En l'espèce, la motivation du règlement attaqué doit être appréciée en tenant compte notamment des informations qui ont été communiquées à la requérante et de ses observations relatives à la méthode de comparaison applicable en vue de déterminer la marge de dumping, lors de la procédure administrative.

108.
    Au point 28 du règlement provisoire, la Commission a précisé:

«La valeur normale moyenne pondérée pour chaque groupe de produits a été comparée aux prix à l'exportation individuels ajustés conformément à l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base. Ce type de comparaison était nécessaire pour refléter l'ampleur réelle du dumping pratiqué et du fait que la configuration des prix à l'exportation différait sensiblement entre les différents acquéreurs et régions».

Elle a maintenu ce point de vue dans l'information provisoire du 2 juin 1997.

109.
    Dans ses conclusions provisoires concernant le dumping, en date du 1er juillet 1997, et lors de l'audition du 9 juillet 1997, la requérante a contesté le point de vue de la Commission, en faisant valoir que celle-ci aurait dû utiliser la méthode symétrique consistant à comparer la valeur normale moyenne pondérée avec la moyenne pondérée des prix de toutes les exportations de Petrotub vers la Communauté. Dans sa lettre du 11 juillet 1997, elle a, en outre, fait valoir qu'une comparaison de la valeur normale moyenne pondérée avec la moyenne pondérée des prix de toutes ses exportations vers la Communauté conduisait bien à une marge de dumping sensiblement inférieure à celle obtenue par la méthode utilisée par la Commission.

110.
    Ensuite, la Commission a précisé dans l'information finale du 19 août 1997 que, en ce qui concerne Petrotub, la configuration des prix à l'exportation différait sensiblement selon les périodes (comprises, respectivement, entre les mois d'août 1995 et d'avril 1996 et entre les mois de mai 1996 et d'août 1996). Elle indiquait que, pour l'ensemble des sociétés roumaines, la différence de marge de dumping obtenue en appliquant les méthodes de comparaison moyenne pondérée à moyenne pondérée et moyenne pondérée à transaction individuelle était telle que l'on pouvait en conclure que la première de ces méthodes ne permettait pas de refléter l'ampleur réelle du dumping.

111.
    Dans ses observations finales sur le dumping du 8 septembre 1997, la requérante a de nouveau fait valoir que la marge de dumping devait être déterminée en appliquant la méthode de comparaison moyenne pondérée à moyenne pondérée.

112.
    Au point 22 du règlement attaqué, le Conseil a constaté:

«Une société a fait valoir que la détermination de la marge de dumping ne devait pas être effectuée sur la base d'une comparaison entre les valeurs normales moyennes pondérées et le prix à l'exportation ajusté de chaque groupe correspondant sur une base de transaction par transaction, mais plutôt sur la base d'une comparaison entre les valeurs normales moyennes pondérées et les prix à l'exportation moyens pondérés.

Cette demande a été rejetée après que la méthode utilisée pour toutes les sociétés roumaines a été revue et qu'il s'est avéré que:

-    pour une société, il n'y avait aucune différence dans la marge de dumping obtenue par les deux méthodes, toutes les transactions d'exportation ayant été effectuées à des prix de dumping,

-    pour trois sociétés, on a constaté une configuration des prix à l'exportation différant sensiblement entre destinations ou périodes.

Compte tenu de ce qui précède et conformément à l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base, la méthode de comparaison entre la valeur normale moyenne pondérée par période et les différents prix à l'exportation ajustés sur une base de transaction par transaction a été maintenue aux fins de la détermination définitive.»

113.
    Le règlement attaqué expose ainsi les raisons pour lesquelles les institutions communautaires ont décidé d'appliquer le critère de comparaison de la valeur normale moyenne pondérée avec les prix des exportations individuelles.

114.
    Dans ces conditions, et en l'absence de contestation spécifique de la part de la requérante au cours de la procédure administrative qui aurait pu, le cas échéant, rendre nécessaire une motivation plus détaillée (voir, l'arrêt du Tribunal du 28 septembre 1995, Ferchimex/Commission, T-164/94, Rec. p. II-2681, points 90 et 118), le règlement attaqué ne saurait être considéré comme entaché d'une insuffisance de motivation en ce qui concerne l'application par les institutions communautaires de l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base.

115.
    Quant au grief de la requérante selon lequel les institutions communautaires se seraient limitées à examiner la première méthode symétrique (à savoir la méthode de comparaison moyenne pondérée à moyenne pondérée) et auraient omis de vérifier si la seconde de ces méthodes symétriques visées par l'article 2, paragraphe 11, du règlement de base (à savoir la méthode qui consiste à comparer des valeurs normales individuelles à des prix à l'exportation individuels) ne permettait pas de refléter l'ampleur réelle du dumping pratiqué, le Tribunal constate qu'il s'agit d'un moyen de droit distinct qui n'a été soulevé qu'au stade de la réplique. Ce moyen doit dès lors être rejeté comme irrecevable, conformément à l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

116.
    Enfin, il ressort de ce qui précède que, contrairement aux affirmations de la requérante, les méthodes de comparaison destinées à déterminer l'existence d'une marge de dumping ont été appliquées individuellement pour chacune des quatre sociétés exportatrices roumaines.

117.
    Il s'ensuit que le quatrième moyen ne saurait être accueilli en sa première branche.

    Sur la prétendue prise en considération de facteurs situés en dehors de la période d'enquête

118.
    La requérante, Petrotub, fait observer que, dans l'information finale, la Commission a déclaré qu'elle prenait en considération les prix du produit concerné pendant une période de neuf mois (du mois d'août 1995 au mois d'avril 1996). En incluant le mois d'août 1995 dans cette période, les institutions communautaires auraient enfreint l'article 2, paragraphe 11, en ce qu'il prévoit qu'elles ne peuvent déterminer la marge de dumping que par rapport à la période d'enquête, laquelle s'étendait, en l'espèce, du 1er septembre 1995 au 31 août 1996.

119.
    Le Conseil objecte que cette référence au mois d'août 1995 constitue une simple erreur matérielle.

120.
    Dans ce contexte, comme la partie requérante n'a présenté aucun élément tendant à démontrer que le mois d'août 1995 a été pris en considération dans la période d'enquête susvisée et qu'elle admet n'avoir fourni à la Commission aucune indication relative aux prix appliqués au cours du mois d'août 1995, aucun élément du dossier ne permet de supposer que les institutions communautaires ont pris en considération les prix du produit concerné appliqués au cours de ce mois d'août 1995, c'est-à-dire en dehors de la période d'enquête comprise entre le 1er septembre 1995 et le 31 août 1996, ainsi qu'il ressort du neuvième considérant du règlement attaqué.

121.
    Il y a lieu, dès lors, de rejeter le quatrième moyen en sa deuxième branche.

Sur l'absence alléguée de preuve d'une configuration des prix à l'exportation différant entre les divers acquéreurs, régions ou périodes

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

122.
    Selon Petrotub, les institutions communautaires n'ont pas démontré l'existence d'une configuration des prix à l'exportation qui différait entre les divers acquéreurs, régions ou périodes. Dans l'information finale, la Commission aurait conclu à l'existence d'une configuration des prix à l'exportation qui différait sensiblement pour les périodes d'août 1995 à avril 1996 et de mai 1996 à août 1996. Elle n'aurait pas justifié son choix de comparer une période de neuf mois à une période de quatre mois.

123.
    En outre, sur les 148 produits pris en considération par la Commission, il n'aurait été possible de déterminer s'il existait une configuration des prix à l'exportation différente durant les périodes susvisées que pour les 40 produits vendus au cours des deux périodes, d'après l'annexe 2 à l'information finale. Or, ces produits auraient représenté moins de 30 % du volume total des exportations de la requérante. De plus, la plupart de ces 40 produits n'auraient pas présenté de différence de prix sensible d'une période à l'autre. Enfin, les prix pratiqués par la requérante refléteraient simplement les tendances dominantes du marché.

124.
    Le Conseil fait valoir que l'existence d'une configuration des prix présentant des différences selon les périodes est clairement établie, dès lors que sur les 40 produits vendus au cours des deux périodes considérées, 36 l'ont été à des prix plus élevés pendant la seconde période.

Appréciation du Tribunal

125.
    En l'espèce, d'après les éléments du dossier, l'existence d'une configuration des prix différente d'une période à l'autre a été établie par les institutions communautaires sur la base d'une comparaison des prix des 40 produits, vendus par la requérante durant les deux périodes susmentionnées. En particulier, il ressort de la liste de ces prix figurant à l'annexe 2 de l'information finale que, pour 36 de ces produits, les prix étaient sensiblement supérieurs durant la seconde période à ceux pratiqués durant la première, cette différence atteignant le plus souvent un taux de 10 % ou plus.

126.
    A cet égard, il ne saurait être fait grief aux institutions communautaires d'avoir comparé les prix appliqués durant une période de neuf mois à ceux appliqués durant une période de quatre mois. Dans la mesure où une telle comparaison vise à établir si les entreprises exportatrices ont pratiqué des prix ciblés susceptibles de masquer une pratique de dumping, durant une période donnée, quelle qu'elle soit, les institutions communautaires disposent d'un large pouvoir d'appréciation pour la définition des périodes à prendre en considération, laquelle ressort d'une appréciation économique complexe. En l'espèce, aucun élément du dossier ne permet de supposer que le choix des périodes concernées était de nature à fausser la comparaison des prix en cause.

127.
    Enfin, l'argument de la requérante, selon lequel la configuration des prix refléterait les tendances du marché, n'est étayé par aucun élément de preuve. En toute hypothèse, cet argument est contredit par le fait que l'existence d'une configuration des prix différente d'une période à l'autre n'a été établie ni pour l'un des exportateurs roumains ni, comme le souligne le Conseil, en ce qui concerne les exportations originaires de la République slovaque.

128.
    Il s'ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté en ses trois branches.

IV - Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l'article 3, paragraphes 2 et 5 à 7, du règlement de base

129.
    Ce moyen, relatif à la détermination de l'existence d'un préjudice, s'articule en deux branches. La première branche doit être entendue dans le sens que la décision attaquée enfreindrait l'article 3, paragraphes 2, 5 et 6, du règlement de base dans la mesure où elle serait entachée d'erreurs de fait, d'erreurs manifestes d'appréciation et d'une insuffisance de motivation en ce qui concerne la situation de l'industrie communautaire. Dans le cadre de la seconde branche, les requérantessoutiennent que les institutions communautaires ont enfreint l'article 3, paragraphe 7, du règlement de base en omettant de prendre en compte l'impact de facteurs autres que les importations faisant l'objet d'un dumping.

Sur la première branche, tirée de la violation de l'article 3, paragraphes 2, 5 et 6, du règlement de base

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

130.
    Les requérantes invoquent la violation de l'article 3, paragraphe 6, du règlement de base, ainsi libellé:

«Il doit être démontré à l'aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec le paragraphe 2 que les importations faisant l'objet d'un dumping causent un préjudice au sens du présent règlement. En l'occurrence, cela implique la démonstration que le volume et/ou les niveaux des prix visés au paragraphe 3 ont un impact sur l'industrie communautaire au sens du paragraphe 5 et que cet impact est tel qu'on puisse le considérer comme important.»

131.
    Elles précisent à cet égard dans leurs répliques que, contrairement aux allégations du Conseil relatives à une prétendue confusion de leur part entre l'établissement d'un préjudice et l'analyse du lien de causalité, leurs griefs visent la première étape de l'évaluation du préjudice effectuée dans le règlement attaqué, à savoir l'analyse de la situation de l'industrie communautaire. Dans la mesure où les institutions communautaires auraient omis de démontrer, en se fondant sur une description de la situation de cette industrie, comme l'exigerait l'article 3, paragraphe 6, du règlement de base, que celle-ci avait subi un préjudice, il n'aurait pas été nécessaire que les requérantes contestent spécialement l'analyse relative au lien de causalité.

132.
    Après cette précision, les requérantes écartent d'abord l'affirmation énoncée au point 56 des considérants du règlement attaqué, selon laquelle elles n'auraient pas contesté les résultats figurant dans le règlement provisoire sur la situation de l'industrie communautaire, qui sont repris du point 57 au point 61 des considérants du règlement attaqué.

133.
    Par cette affirmation, le Conseil aurait manqué à son obligation de diligence et méconnu le principe de bonne administration. En outre, la décision attaquée serait entachée d'une insuffisance de motivation en ce qui concerne la situation de l'industrie communautaire. Elle ne permettrait en effet ni aux requérantes ni au Tribunal d'apprécier si les institutions ont pris en considération les observations des requérantes à ce sujet. Un tel défaut de motivation ne pourrait pas être régularisé en cours d'instance.

134.
    Les requérantes contestent ensuite les constatations effectuées par les institutions en ce qui concerne la situation de l'industrie communautaire. Elles examinentsuccessivement les constatations relatives à la capacité, à la production et au volume des ventes, ainsi qu'à la rentabilité.

135.
    En premier lieu, les constatations des institutions communautaires concernant la capacité, effectuées au point 57 des considérants du règlement attaqué, seraient entachées d'erreurs de fait. En particulier, la plupart des onze installations de production (représentant environ un quart de la capacité de production totale du produit concerné dans la Communauté) qui, d'après le point 57 des considérants, auraient cessé leurs activités entre 1992 et la période d'enquête, soit n'auraient pas été fermées mais auraient renouvelé leurs installations de production [Dalmine (Arcore), 1992, 95 000 tonnes; Mannesmann (Mülheim), 1992, 350 000 tonnes; Tubacex (Amurrio), 1993, 60 000 tonnes, et Tubos Reunidos (Amurrio), 1994, 50 000 tonnes], soit auraient été reprises par d'autres producteurs [Seta (Roncadelle), 1992, 100 000 tonnes], soit, enfin, auraient cessé leur activité en application d'un plan d'aides aux fermetures [ATM (Bari), 1995, 35 000 tonnes], selon les informations émanant des producteurs européens eux-mêmes, publiées dans le «Metal Bulletin» ou dans l'ouvrage intitulé «Pipe and Tube Mills of the World with Global Technical Data, 1997».

136.
    A supposer même que les éléments susmentionnés produits par les requérantes ne puissent pas être pris en considération en l'espèce, il n'en demeurerait pas moins que les allégations des institutions communautaires relatives aux fermetures d'installations ne sont étayées par aucun élément de preuve, notamment en ce qui concerne le point de savoir si les données chiffrées sur lesquelles elles se fondent se rapportent uniquement au produit concerné. Les constatations des institutions concernant la capacité seraient, de ce fait, manifestement erronées.

137.
    En deuxième lieu, les chiffres concernant la production de l'industrie communautaire (point 57 des considérants du règlement attaqué) seraient sensiblement inférieurs aux chiffres émanant des producteurs de la Communauté, chiffres présentés par les requérantes dans les conclusions provisoires concernant le préjudice (tableau 5, p. 9) et se fondant sur un document émanant du Stahlrohrverband allemand du 19 septembre 1996. En outre, les chiffres mentionnés au même considérant se rapporteraient également à la production de l'industrie communautaire dans son ensemble, et non à la seule production du produit concerné, contrairement aux allégations du Conseil qui ne seraient étayées par aucun élément de preuve.

138.
    Quant au volume des ventes, qui serait passé de 781 770 tonnes en 1992 à 775 721 en 1995 et à 722 042 au cours de la période d'enquête, d'après le point 58 des considérants du règlement attaqué, il ressortirait expressément de ce considérant que les chiffres ainsi cités se rapportent aux «ventes des producteurs communautaires» et non aux seules ventes du produit concerné. Ces chiffres seraient «apparemment contredits» par les informations contenues dans un article intitulé «Seamless changes transform the European scene», publié dans le «MetalBulletin» d'avril 1996 indiquant que les seules ventes de tuyaux sans soudure de Dalmine dépassaient 700 000 tonnes en 1994. La tendance à la diminution constante des ventes reflétée par les chiffres mentionnés au point 58 des considérants serait, en outre, contredite par l'augmentation du chiffre d'affaires, d'après les chiffres cités par les producteurs communautaires dans la version non confidentielle de la plainte.

139.
    S'agissant, en troisième lieu, de la rentabilité, le règlement attaqué (point 60 des considérants) serait en contradiction avec le règlement provisoire (point 57 des considérants), ne se fonderait sur aucune preuve certaine et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Le règlement attaqué, qui ferait état d'une simple réduction des pertes, en se basant notamment sur le taux de rentabilité négative de 0,7 % durant la période d'enquête, ne concorderait pas avec le règlement provisoire constatant qu'en partie en raison d'augmentations de prix l'industrie communautaire avait atteint le seuil de rentabilité durant les huit premiers mois de 1996, c'est-à-dire au cours des huit derniers mois de la période d'enquête.

140.
    En outre, les chiffres émanant des producteurs communautaires confirmeraient la rentabilité des ventes. Ainsi, parmi les plus grands producteurs de tuyaux sans soudure de l'Union européenne, Vallourec Industries (France) aurait à nouveau réalisé des bénéfices en 1995, d'après l'article, précité, publié dans le «Metal Bulletin» d'avril 1996, et il en irait de même pour Dalmine en 1992, en 1994 et en 1995, d'après l'article intitulé «Dalmine goes private», publié dans le même numéro de cette revue.

141.
    De surcroît, les institutions communautaires auraient identifié les pertes financières comme l'une des formes de préjudice subies par l'industrie communautaire (point 62 des considérants du règlement attaqué), sans démontrer, comme l'exigerait l'article 3, paragraphe 6, du règlement de base, que les pertes financières avaient été causées par les importations en provenance des pays faisant l'objet de l'enquête.

142.
    Enfin, les requérantes contestent la prise en considération d'une période comprise entre le mois de janvier 1992 et la fin de la période d'enquête pour déterminer l'existence d'un préjudice (point 9 des considérants du règlement attaqué), alors que la période d'enquête ne s'étend que du 1er septembre 1995 au 31 août 1996.

143.
    A cet égard, le règlement attaqué serait entaché d'une absence de motivation en ce que les institutions communautaires auraient omis de justifier, d'une part, la prise en compte d'une période plus longue que la période d'enquête et, d'autre part, le choix de l'année 1992 pour le début de cette période plus longue (arrêt Nakajima/Conseil, précité, point 87). Une telle justification aurait été requise, en l'espèce, dans la mesure où, à l'exception de l'année 1995 (durant laquelle l'industrie des tuyaux et tubes sans soudure aurait été caractérisée par une dépression à l'échelle mondiale), les chiffres mentionnés aux points 57 et 60 des considérants du règlement attaqué indiqueraient, pour tous les facteurs pertinents,que l'état de l'industrie communautaire s'est amélioré en 1994 et 1995 et qu'elle a atteint le seuil de rentabilité au cours des huit premiers mois de 1996.

144.
    Le Conseil écarte cette argumentation, en faisant notamment valoir que les griefs relatifs aux constatations effectuées dans le règlement attaqué ne sont pas fondés.

Appréciation du Tribunal

145.
    Avant d'examiner la première branche du cinquième moyen, il convient tout d'abord d'en interpréter la portée. Bien que les requérantes se limitent à invoquer de manière expresse la violation de l'article 3, paragraphe 6, du règlement de base, il ressort de la formulation de leurs griefs dans leurs mémoires qu'elles contestent la régularité du règlement attaqué au motif qu'il serait entaché d'erreurs de fait et d'une insuffisance de motivation en ce qui concerne l'analyse de la situation de l'industrie communautaire.

146.
    Dans ce contexte, en soutenant que les institutions concernées ont omis d'établir, à l'aide de tous les éléments de preuve pertinents relatifs à la situation de l'industrie communautaire, auxquels se réfère l'article 3, paragraphe 6, du règlement de base, l'existence d'un préjudice subi par cette industrie, les requérantes ont mentionné avec une clarté suffisante les principes juridiques sur lesquels elles se fondent, sans qu'il soit nécessaire que les dispositions des paragraphes 2 et 5 de ce même article, qui visent plus spécialement l'évaluation de la situation de l'industrie communautaire, aient été invoquées expressément dans la requête.

147.
    Dans ces conditions, le cinquième moyen doit être entendu comme tiré, en sa première branche, de la violation de l'article 3, paragraphes 2, 5 et 6, du règlement de base.

148.
    En premier lieu, le Tribunal relève, à cet égard, que les requérantes ont contesté les constatations provisoires de la Commission relatives à la situation de l'industrie communautaire dans leurs conclusions provisoires concernant le préjudice, ainsi que dans les résumés de leurs argumentations concernant le préjudice présentés au cours de l'audition du 9 juillet 1997 devant la Commission, et qu'elles ont confirmé, dans leurs observations finales sur le préjudice, la position qu'elles avaient défendue de manière circonstanciée sur ce point dans leurs conclusions provisoires.

149.
    Il en résulte que l'affirmation énoncée au point 56 des considérants du règlement attaqué, selon laquelle les constatations figurant dans le règlement provisoire sur la situation de l'industrie communautaire n'auraient pas été contestées par les parties, est inexacte, ainsi que le font valoir les requérantes.

150.
    Toutefois, contrairement aux allégations des requérantes, cette inexactitude n'entraîne pas une insuffisance de motivation du règlement attaqué, au regard des observations qu'elles avaient présentées au cours de la procédure administrative.

151.
    En effet, le Conseil n'est pas tenu de motiver spécialement, dans le règlement définitif, l'absence de prise en considération des différents arguments avancés par les parties au cours de la procédure administrative. Il suffit que ce règlement contienne une justification claire des principaux éléments intervenus, en l'occurrence, dans l'analyse de la situation de l'industrie communautaire, dès lors que cette justification est susceptible d'éclairer les raisons pour lesquelles le Conseil a écarté les arguments pertinents invoqués sous cet aspect par les parties lors de la procédure administrative (arrêt de la Cour du 10 mars 1992, Canon/Conseil, C-171/87, Rec. p. I-1237, points 55 et 57, et arrêt Ferchimex/Conseil, précité, points 90 et 118).

152.
    En l'espèce, les considérants, du point 57 au point 62, du règlement attaqué contiennent une motivation suffisante en ce qui concerne l'évaluation des principaux facteurs caractérisant la situation de l'industrie communautaire, pris en considération par les institutions communautaires. A cet égard, les requérantes n'invoquent aucun argument ni aucun élément de preuve spécifique, avancés au cours de la procédure administrative à l'encontre des constatations effectuées dans le règlement provisoire, qui auraient dû donner lieu à des justifications supplémentaires dans le règlement attaqué.

153.
    En outre, dans la mesure où elle n'a pas porté atteinte, concrètement, aux droits des requérantes, l'affirmation erronée, au point 56 des considérants du règlement attaqué, selon laquelle ces dernières n'auraient pas contesté les constatations relatives à la situation de l'industrie communautaire figurant dans le règlement provisoire, ne saurait constituer une violation de l'obligation de diligence et de bonne administration de nature à entraîner l'illégalité du règlement attaqué.

154.
    En second lieu, il convient d'examiner, en ce qui concerne la situation de l'industrie communautaire, le bien-fondé des constatations effectuées dans le règlement attaqué au regard de l'argumentation des requérantes.

155.
    A cet égard, le Tribunal rappelle au préalable que l'analyse de cette situation implique l'appréciation de situations économiques complexes, sur laquelle le juge doit limiter son contrôle à la vérification du respect des règles de procédure, de l'exactitude matérielle des faits, de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation ou de l'absence de détournement de pouvoir (arrêt de la Cour du 10 mars 1992, Ricoh/Conseil, C-174/87, Rec. p. I-1335, point 68).

156.
    Par ailleurs, il convient de rejeter, liminairement, les allégations des requérantes selon lesquelles les données relatives à la capacité, à la production et aux ventes mentionnées dans le règlement attaqué se rapporteraient à l'ensemble de la production de l'industrie communautaire. A cet égard, les requérantes n'invoquentaucun argument sérieux permettant d'écarter l'affirmation du Conseil selon laquelle les chiffres sur lesquels se fonde l'évaluation du préjudice se rapportent uniquement au produit concerné.

157.
    En ce qui concerne tout d'abord les constatations relatives à la capacité, les données publiées dans le «Metal Bulletin» et dans l'ouvrage «Pipe and Tube Mills of the World with Global Technical Data», sur lesquels les requérantes fondent leur argumentation, ne permettent pas de démontrer l'inexactitude des constatations relatives à la diminution de la capacité, reprises au point 57 des considérants du règlement attaqué. En effet, les requérantes n'ont invoqué devant le Tribunal aucun élément permettant de mettre en doute les affirmations du Conseil selon lesquelles Dalmine (Arcore) et Seta (Roncadelle) ont bien réduit leur capacité respective de 95 000 et 100 000 tonnes. Elles n'ont pas davantage écarté l'affirmation de l'institution défenderesse selon laquelle Mannesmann, qui possède encore une usine à Mülheim, a fermé une seconde usine d'une capacité de 350 000 tonnes dans cette localité. Quant à la fermeture d'une usine d'ATM à Bari, l'argument des requérantes, selon lequel cette fermeture ne serait pas due à des importations faisant l'objet d'un dumping, ne serait pas, même s'il était fondé, de nature à infirmer les conclusions figurant au point 57 des considérants du règlement attaqué, dans lequel le Conseil se limite à constater une diminution de la capacité de l'industrie communautaire. Par ailleurs, les requérantes n'ont pas contesté devant le Tribunal les arguments du Conseil selon lesquels, d'une part, la capacité de Tubacex (Amurrio), à laquelle elles se réfèrent, se rapporte à des produits non concernés par l'enquête et, d'autre part, Tubos Reunidos (Amurrio) a réduit sa capacité de 50 000 tonnes, comme l'aurait montré l'enquête sur les lieux.

158.
    Pour ce qui est de la production de l'industrie communautaire (point 57 des considérants du règlement attaqué), les arguments invoqués par les requérantes ne sauraient être accueillis dans la mesure où ils se fondent sur les chiffres fournis par le Stahlrohrverband allemand relatifs à la gamme entière de tubes et tuyaux sans soudure énumérés à la position 7304 de la nomenclature combinée, et non pas aux seuls produits concernés (relevant de cinq sous-positions tarifaires sur 37 de la position 7304).

159.
    Quant aux chiffres relatifs au volume des ventes (point 58 des considérants), les requérantes se limitent à soutenir qu'ils seraient «apparemment contredits» par les informations contenues dans un article de presse, sans effectuer de distinction entre la gamme entière et les seuls produits concernés. Or, des chiffres relatifs aux ventes effectuées par une entreprise, en l'occurrence Dalmine, ne permettent de tirer aucune conclusion en ce qui concerne l'évolution de la production de produits concernés par l'ensemble de l'industrie communautaire, telle qu'elle a été définie dans le règlement attaqué. S'agissant de l'argument des requérantes relatif à l'augmentation du chiffre d'affaires des producteurs communautaires, il ne ressort pas des pièces du dossier que les chiffres mentionnés dans la plainte, sur lesquelsse fondent les requérantes, se rapportent uniquement aux produits concernés par le règlement attaqué.

160.
    De même, en ce qui concerne la rentabilité (point 60 des considérants du règlement attaqué), les requérantes avancent certains chiffres émanant des producteurs communautaires, sans tenir compte de la distinction entre la gamme entière et les produits concernés. En outre, elles ne contestent pas l'argument du Conseil selon lequel, même si certains d'entre eux ont réalisé des bénéfices, les producteurs communautaires ont, en moyenne, subi des pertes sur les ventes du produit similaire, ainsi qu'il ressort expressément du point 60 des considérants du règlement attaqué. Contrairement aux allégations des requérantes, ce règlement, qui fait état d'une réduction des pertes durant la période d'enquête en partie grâce aux mesures antidumping alors en vigueur dans le secteur des produits concernés, concorde parfaitement avec les constatations effectuées dans le règlement provisoire (point 57 des considérants), selon lesquelles le seuil de rentabilité avait été atteint durant les huit derniers mois de la période d'enquête. De plus, les requérantes ne contestent pas que cette évolution n'a toutefois pas suffi à dégager les recettes nécessaires pour permettre à l'industrie communautaire de couvrir ses coûts de production croissants et les coûts élevés de la restructuration, de réaliser un bénéfice raisonnable, de se remettre de ses pertes des années précédentes et d'assurer sa viabilité à long terme, comme l'ont constaté les institutions communautaires au point 60 des considérants du règlement attaqué.

161.
    Enfin, pour déterminer la période à prendre en considération aux fins de la constatation du préjudice dans le cadre d'une procédure antidumping, les institutions communautaires disposent d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt Nakajima/Conseil, précité, point 86).

162.
    En l'espèce, il n'est pas établi qu'elles ont outrepassé les limites de leur pouvoir d'appréciation en prenant en considération la période allant de 1992 à la fin de la période d'enquête pour évaluer le préjudice. En effet, le Conseil a exposé de façon convaincante que la fixation du début de la période de référence en 1993, année marquée par une dépression économique mondiale, aurait conduit à des résultats excessifs et anormaux. En outre, comme la présente procédure a été engagée en même temps que la procédure de réexamen concernant le même produit en provenance d'autres pays d'Europe orientale (point 2, ci-dessus), les institutions communautaires n'ont pas commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il était raisonnable de prendre en compte l'année 1992, afin d'examiner, notamment, le préjudice subi à la lumière des mesures antidumping existantes instituées en 1992 et 1993 pour les importations de produits concernés en provenance de Hongrie, de Pologne et de la république de Croatie et d'éviter des discriminations entre les pays soumis à la nouvelle enquête et ceux soumis à l'enquête dans le cadre du réexamen (voir point 45 des considérants du règlement provisoire).

163.
    Dans ces conditions, les requérantes n'ont pas établi que le règlement attaqué est entaché d'erreurs de fait, d'erreurs manifestes d'appréciation ou d'une insuffisance de motivation en ce qui concerne l'évaluation de la situation de l'industrie communautaire.

164.
    Il s'ensuit que le cinquième moyen doit être rejeté en sa première branche.

Sur la seconde branche, tirée de la violation de l'article 3, paragraphe 7, du règlement de base

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

165.
    Les requérantes font valoir que les institutions communautaires étaient tenues, en application de l'article 3, paragraphe 7, du règlement de base, de vérifier si des facteurs autres que les importations faisant l'objet d'un dumping, que la Commission connaissait ou aurait raisonnablement dû connaître, étaient susceptibles d'avoir contribué au préjudice constaté, et si ces facteurs étaient de nature à rompre le lien causal entre les importations du produit concerné en provenance des pays soumis à l'enquête et le préjudice subi par l'industrie communautaire (arrêt du Tribunal du 14 juillet 1995, Koyo Seiko/Conseil, T-166/94, Rec. p. II-2129, points 79, 81 et 82).

166.
    Or, les institutions communautaires n'auraient pas correctement examiné l'impact du volume ou des prix des importations du produit concerné en provenance d'autres pays tiers. A cet égard, le point 64 des considérants du règlement attaqué contiendrait des erreurs de fait et des erreurs manifestes d'appréciation. De plus, il ne permettrait pas aux requérantes de vérifier si la Commission a suivi la procédure appropriée pour déterminer le préjudice. Le règlement attaqué serait donc insuffisamment motivé sur ce point.

167.
    En effet, le point 64 des considérants se référerait uniquement aux importations en provenance d'Argentine et ne permettrait pas de déterminer quelles autres importations en provenance de pays tiers ont effectivement été examinées par les institutions communautaires. De plus, contrairement aux allégations de la partie défenderesse, le tableau 1 joint à l'annexe 2 de l'information finale contiendrait uniquement un chiffre global pour les importations en provenance de pays tiers et n'indiquerait donc pas que les institutions communautaires ont examiné les importations provenant de pays tiers autres que l'Argentine. Or, eu égard aux faits révélés dans la plainte initiale, la Commission connaissait et aurait dû analyser au moins l'impact sur l'industrie communautaire des importations en provenance d'Ukraine, du Japon, et d'Afrique du Sud. De surcroît, les requérantes auraient attiré l'attention de la Commission, au cours de la procédure administrative, sur la nécessité d'apprécier les effets des importations provenant d'autres pays tiers, en particulier d'Ukraine, dans sa conclusion provisoire sur le préjudice et dans ses observations finales sur le préjudice.

168.
    En outre, en constatant que, alors que leur part de marché avait presque doublé de 1992 à la fin de la période d'enquête, les importations en provenance de pays tiers non soumis à l'enquête avaient eu un effet négligeable sur la situation de l'industrie communautaire, parce qu'elles auraient été effectuées à des prix nettement supérieurs à ceux des importations faisant l'objet du dumping, les institutions auraient appliqué un critère inadéquat. Elles auraient dû, en application de l'article 3, paragraphe 7, du règlement de base, établir si le préjudice aurait pu résulter, en tout ou en partie, des différences entre les prix pratiqués pour les produits concernés par les producteurs communautaires et les prix des produits originaires d'autres pays.

169.
    A cet égard, les chiffres d'Eurostat relatifs aux importations dans la Communauté de tuyaux sans soudure de 1992 à 1995 montreraient que les prix moyens des importations en provenance d'Ukraine et d'Argentine étaient considérablement inférieurs non seulement aux prix moyens appliqués par les producteurs communautaires, mais également aux prix moyens des importations en provenance de pays tiers soumis à l'enquête au cours de la même période. Les allégations contraires de la partie défenderesse sur ce point ne seraient pas étayées.

170.
    Par ailleurs, les institutions communautaires n'auraient pas démontré sur la base d'éléments de preuve indéniables que la diminution d'emplois (point 62 des considérants du règlement attaqué) avait été causée par les importations provenant des pays concernés par l'enquête, à l'exclusion d'autres facteurs, telle que l'automatisation du processus de production. Or, cette automatisation aurait entraîné la suppression de 23 000 emplois dans l'industrie sidérurgique depuis 1992, d'après l'article intitulé «A strictly private business», publié dans le «Metal Bulletin» en décembre 1996.

171.
    En outre, la Commission aurait omis de prendre en considération, parmi les autres facteurs visés par l'article 3, paragraphe 7, du règlement de base, la diminution des exportations de la Communauté qui ressortirait, notamment, des données mentionnées dans la plainte.

172.
    Le Conseil estime que le règlement attaqué est conforme à l'article 3, paragraphe 7, du règlement de base.

Appréciation du Tribunal

173.
    Aux termes de l'article 3, paragraphe 7, du règlement de base, «[l]es facteurs connus, autres que les importations faisant l'objet d'un dumping, qui, au même moment, causent un préjudice à l'industrie communautaire sont aussi examinés de manière que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l'objet d'un dumping au sens du paragraphe 6. Les facteurs qui peuvent être considérés comme pertinents à cet égard comprennent, entre autres, le volume et les prix des importations non vendues à des prix de dumping, la contraction de la demande ou les modifications de la configuration de laconsommation, les pratiques commerciales restrictives des producteurs de pays tiers et communautaires et la concurrence entre ces mêmes producteurs, l'évolution des techniques, ainsi que les résultats à l'exportation et la productivité de l'industrie communautaire».

174.
    En ce qui concerne, en premier lieu, le grief relatif à l'absence d'examen, par les institutions communautaires, des effets, sur la situation de l'industrie communautaire, des importations en provenance d'Afrique du Sud, du Japon et d'Ukraine, le Tribunal constate tout d'abord qu'il ressort du règlement attaqué (point 64 des considérants) que les institutions communautaires n'ont pas limité leur examen aux importations provenant d'Argentine citées à titre d'exemple, mais ont pris en considération l'ensemble des importations en provenance des pays tiers non couverts par les deux enquêtes. A cet égard, les importations de produits concernés provenant de pays tiers non couverts par les enquêtes, dont le volume (45 875 tonnes en 1992, par exemple) est mentionné dans le tableau 1 joint à l'annexe 2 de l'information finale, ne se limitent pas, contrairement aux allégations des requérantes, aux importations en provenance d'Argentine, ainsi qu'il ressort des chiffres fournis par les requérantes (lesquels indiquent, par exemple, que 7 415 tonnes de produits concernés en provenance d'Argentine ont été importés dans la Communauté en 1992). De plus les institutions communautaires ont pris en compte l'ensemble des importations en provenance des pays tiers non couverts par les enquêtes comme le montre le point 64 des considérants du règlement attaqué qui énonce que la part de marché représentée par les importations en provenance de pays tiers non couverts par les enquêtes était passée de 4,3 % en 1992 à 7,7 % au cours de la période d'enquête.

175.
    En outre, les requérantes n'ont avancé aucun élément concret permettant de supposer que les institutions communautaires ont commis une erreur de fait ou une erreur manifeste d'appréciation en estimant que, malgré cette augmentation de leurs parts de marché de 1992 à 1996, les importations en provenance des pays tiers non soumis aux deux enquêtes avaient produit un effet négligeable sur la situation de l'industrie communautaire, au motif, d'une part, qu'elles avaient été effectuées à des prix nettement supérieurs à ceux des importations faisant l'objet d'un dumping et, d'autre part, que rien n'indiquait que ces importations aient fait l'objet de pratiques de dumping. En particulier, les chiffres d'Eurostat invoqués par les requérantes se rapportent aux prix moyens annuels des importations en provenance d'Argentine, d'Afrique du Sud, du Japon et d'Ukraine, de 1992 à 1995. En effet, ces chiffres ne permettent pas d'établir une comparaison suffisamment détaillée entre les prix des importations en provenance de ces pays tiers et les prix appliqués par les producteurs communautaires ou par les exportateurs dans les pays soumis à l'enquête.

    

176.
    Dans ces conditions, les requérantes n'ont pas établi que les institutions communautaires ont commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que les importations en provenance de pays tiers non couverts par les enquêtes nepermettaient pas de rompre le lien de causalité entre les importations faisant l'objet d'un dumping et le préjudice subi par l'industrie communautaire.

177.
    Pour ce qui est, en deuxième lieu, de l'incidence des restructurations et de l'automatisation du processus de production sur la suppression d'environ 35 % des emplois dans l'industrie communautaire, représentant une perte d'environ 2 800 emplois, de 1992 à la fin de la période d'enquête (points 61 et 62 des considérants du règlement attaqué), force est de constater que les éléments invoqués par les requérantes - notamment l'article de presse publié dans le «Metal Bulletin» de décembre 1996, qui concerne l'industrie sidérurgique dans son ensemble - ne suffisent pas pour établir que les institutions communautaires ont commis une erreur manifeste d'appréciation en constatant, au point 66 des considérants du règlement attaqué, que les importations faisant l'objet d'un dumping ont, prises isolément, largement contribué à ces pertes d'emploi importantes.

178.
    S'agissant, en troisième lieu, de l'impact de la réduction des exportations de la Communauté sur l'industrie communautaire, il y a lieu de constater que, en tout état de cause, les allégations des requérantes ne sont étayées par aucune donnée ni aucun argument concrets et doivent, dès lors, être rejetées.

179.
    Pour l'ensemble de ces raisons, il ne saurait être fait grief aux institutions communautaires d'avoir omis d'examiner d'autres facteurs connus ayant causé un préjudice à l'industrie communautaire et de vérifier si ces facteurs étaient de nature à rompre le lien causal entre les importations faisant l'objet d'un dumping et le préjudice subi par l'industrie communautaire. En outre, il ressort des considérations qui précèdent que le règlement attaqué est suffisamment motivé sur ce point.

180.
    Dans ces conditions, la seconde branche du cinquième moyen, relative à la violation de l'article 3, paragraphe 7, du règlement de base, n'est pas fondée.

181.
    Le cinquième moyen doit dès lors être rejeté en ses deux branches.

V - Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l'article 20, paragraphe 2, du règlement de base et du droit d'être entendu, ainsi que de l'insuffisance de motivation

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

182.
    Les requérantes rappellent que, aux termes de l'article 20, paragraphe 2, du règlement de base, «les parties mentionnées au paragraphe 1 [qui comprennent les exportateurs] peuvent demander une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l'institution de mesures définitives».

183.
    Cette disposition imposerait à la Commission d'informer les exportateurs sur ses conclusions en ce qui concerne non seulement l'existence d'un dumping et d'un préjudice, mais également l'intérêt de la Communauté. Il ressortirait en effet desarticles 7, paragraphe 1, et 9, paragraphe 4, du règlement de base que l'intérêt de la Communauté relève de ces faits et considérations essentiels sur la base desquels l'institution d'un droit définitif est envisagée, ce que le Conseil ne contesterait pas.

184.
    En l'espèce, les institutions communautaires auraient violé une formalité substantielle prévue par l'article 20, paragraphe 2, précité, en omettant de donner une information finale sur les considérations relatives à l'intérêt communautaire, alors que les requérantes avaient demandé une telle information, en vertu de cette disposition, par lettre du 9 octobre 1996.

185.
    En outre, par cette omission, elles auraient méconnu le droit des requérantes d'être entendues, lequel inclurait le droit d'être informées de tous les éléments susceptibles d'affecter défavorablement leur position et utiles à la défense de leurs intérêts, ainsi que le droit de présenter des observations sur la position des institutions communautaires (arrêt de la Cour du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer/ Conseil, C-49/88, Rec. p. I-3187, points 15 à 16).

186.
    Par ailleurs, dans la présente espèce, les institutions communautaires auraient omis de prendre en compte les observations relatives à l'intérêt de la Communauté présentées par les requérantes au cours de la procédure administrative. En attesterait l'affirmation, au point 73 des considérants du règlement attaqué, selon laquelle, «après la publication du règlement provisoire, aucune des parties concernées n'a présenté des observations concernant les conclusions provisoires de la Commission sur la question de l'intérêt de la Communauté».

187.
    Comme les institutions communautaires se seraient abstenues de répondre aux objections des requérantes visées au point précédent, le règlement attaqué serait insuffisamment motivé en ce qui concerne la détermination de l'intérêt de la Communauté.

188.
    Enfin, lors de l'audience, les requérantes ont rejeté l'argument du Conseil selon lequel elles auraient été en mesure de défendre utilement leurs intérêts. Il ressortirait du point 73 des considérants du règlement attaqué que, après la publication du règlement provisoire, la Commission a repris son enquête. Elle aurait pris sa décision finale concernant l'intérêt de la Communauté sur la base des informations supplémentaires ainsi obtenues dans les réponses à des questionnaires adressés à des entreprises utilisatrices du produit concerné.

189.
    Le Conseil écarte l'argumentation des requérantes. En premier lieu, l'absence de mention de l'intérêt de la Communauté, dans l'information finale, ne constituerait pas une violation de l'article 20, paragraphe 2, du règlement de base et du droit d'être entendu.

190.
    En effet, les exportateurs ne sauraient prétendre à une information sur l'intérêt de la Communauté, au titre de l'article 20, paragraphe 2, du règlement de base. Ence qui concerne la détermination de l'intérêt de la Communauté, le droit à l'information serait régi par les dispositions spéciales de l'article 21, paragraphe 6, du règlement de base, lequel établirait avec précision les bénéficiaires (qui ne comprennent pas les exportateurs) et les modalités de ce droit en ce qui concerne les conclusions relatives à l'intérêt de la Communauté, et se substituerait à cet égard aux dispositions générales de l'article 20, paragraphe 2, relatives à l'information des parties.

191.
    L'interprétation selon laquelle l'article 21, paragraphe 6, vise spécialement l'information sur les conclusions relatives à l'intérêt de la Communauté serait confirmée par le point 30 des considérants du règlement de base et par le fait que cet article vise aussi certaines parties bénéficiaires du droit d'être informées en vertu de l'article 20, paragraphe 2, du règlement de base.

192.
    En outre, l'arrêt Al-Jubail Fertilizer/Conseil, précité, confirmerait que les conclusions sur l'intérêt de la Communauté ne doivent pas être communiquées aux exportateurs, parce qu'elles ne font pas partie des allégations avancées à leur encontre, contre lesquelles ils doivent être en mesure de se défendre.

193.
    En particulier, les intérêts des exportateurs n'entreraient pas, par définition, dans l'évaluation de l'intérêt de la Communauté. L'exigence d'une telle évaluation ne serait pas requise par l'article VI de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 et du code antidumping de 1994. Elle aurait été insérée dans le règlement de base, afin de concilier les intérêts des divers opérateurs économiques de la Communauté, en assurant la prise en considération des intérêts non seulement de l'industrie à l'origine de la plainte, mais également des autres opérateurs (importateurs, utilisateurs, consommateurs), qui doivent donc être en mesure de défendre utilement leur position.

194.
    En tout état de cause, dans la présente espèce, le règlement provisoire (du point 68 au point 77 des considérants) aurait déjà abordé la question de l'intérêt de la Communauté. Aucune des observations présentées à cet égard par les requérantes n'aurait porté sur une conclusion particulière énoncée aux points 68 à 77 des considérants de ce règlement.

195.
    Lors de l'audience, le Conseil a écarté, au motif qu'il aurait dû être invoqué au plus tard dans la réplique, l'argument des requérantes, relatif à la poursuite de l'enquête auprès d'entreprises utilisatrices, après la publication du règlement provisoire, ainsi qu'il ressort du point 73 des considérants du règlement attaqué.

196.
    Enfin, le Conseil conteste que le règlement attaqué (point 73 des considérants) soit insuffisamment motivé.

Appréciation du Tribunal

197.
    L'article 20 du règlement de base dispose:

«Information des parties

1.    Les plaignants, importateurs et exportateurs ainsi que leurs associations représentatives et représentants du pays exportateur peuvent demander à être informés des détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels des mesures provisoires ont été instituées. Les demandes d'information doivent être adressées par écrit immédiatement après l'institution des mesures provisoires et l'information doit être donnée par écrit aussitôt que possible.

2.    Les parties mentionnées au paragraphe 1 peuvent demander une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l'institution de mesures définitives ou la clôture d'une enquête ou d'une procédure sans institution de mesures, une attention particulière devant être accordée à l'information sur les faits ou considérations différents de ceux utilisés pour les mesures provisoires.

3.    Les demandes d'information finale visées au paragraphe 2 doivent être adressées par écrit à la Commission et reçues, dans les cas où un droit provisoire a été appliqué, un mois au plus tard après la publication de l'imposition de ce droit [...]

4.    L'information finale doit être donnée par écrit. Elle doit l'être [...] dès que possible et, normalement, un mois au plus tard avant la décision définitive ou la transmission par la Commission d'une proposition de décision finale conformément à l'article 9 [...]»

198.
    L'article 21 du règlement de base dispose:

«Intérêt de la Communauté

1.    Il convient, afin de déterminer s'il est de l'intérêt de la Communauté que des mesures soient prises, d'apprécier tous les intérêts en jeu pris dans leur ensemble, y compris ceux de l'industrie communautaire et des utilisateurs et consommateurs, et une telle détermination ne peut intervenir que si toutes les parties ont eu la possibilité de faire connaître leur point de vue conformément au paragraphe 2. Dans le cadre de cet examen, une attention particulière est accordée à la nécessité d'éliminer les effets de distorsion des échanges d'un dumping préjudiciable et de restaurer une concurrence effective. Des mesures déterminées sur la base du dumping et du préjudice établis peuvent ne pas être appliquées lorsque les autorités, compte tenu de toutes les informations fournies, peuventclairement conclure qu'il n'est pas dans l'intérêt de la Communauté d'appliquer de telles mesures.

2.    Afin que les autorités disposent d'une base fiable leur permettant de prendre en compte tous les points de vue et tous les renseignements lorsqu'elles statuent sur la question de savoir si l'institution de mesures est dans l'intérêt de la Communauté, les plaignants, les importateurs et leur association représentative et les organisations représentatives des utilisateurs et des consommateurs peuvent, dans les délais fixés dans l'avis d'ouverture de l'enquête antidumping, se faire connaître et fournir des informations à la Commission. Ces informations ou des synthèses appropriées de ces dernières sont communiquées aux autres parties désignées dans le présent article, lesquelles sont habilitées à y répondre.

3.    Les parties ayant agi en conformité avec le paragraphe 2 peuvent demander à être entendues. Ces demandes sont accueillies lorsqu'elles sont présentées par écrit dans les délais fixés au paragraphe 2 et lorsqu'elles mentionnent les raisons particulières d'une audition sur le plan de l'intérêt de la Communauté.

4.    Les parties ayant agi en conformité avec le paragraphe 2 peuvent présenter des commentaires sur l'application des droits provisoires imposés [...]

[...]

6.    Les parties ayant agi en conformité avec le paragraphe 2 peuvent demander que leur soient communiqués les faits et considérations sur lesquels les décisions finales seront vraisemblablement fondées [...]»

199.
    Afin d'établir si, en application de l'article 20, paragraphe 2, du règlement de base, les institutions communautaires sont, en principe, tenues de donner aux exportateurs une information finale sur les faits et considérations relatifs à l'intérêt de la Communauté, alors que ces derniers ne sont pas visés par l'article 21 du règlement de base, il convient d'interpréter ces dispositions à la lumière de l'économie générale du règlement de base et des principes généraux du droit communautaire.

200.
    Dans le système mis en place par le règlement de base, l'article 20 prévoit l'information des parties directement concernées par le résultat de la procédure (plaignants, importateurs et exportateurs) ainsi que de leurs associations représentatives et des représentants du pays exportateur, afin qu'ils soient en mesure de défendre utilement leurs intérêts. Ces informations doivent être fournies à deux étapes de la procédure, à savoir immédiatement après l'institution des mesures provisoires (article 20, paragraphe 1), puis avant l'institution des mesures définitives ou la clôture d'une enquête ou d'une procédure sans institution de mesures (article 20, paragraphe 2).

201.
    L'article 20 du règlement de base ainsi que d'autres dispositions du règlement, telles que l'article 5, paragraphe 10, et l'article 6, paragraphes 5, 6 et 7, répondent à la nécessité, visée au point 13 des considérants du règlement, de ménager aux parties concernées «d'amples possibilités de présenter tous les éléments de preuve pertinents et de défendre leurs intérêts». Il matérialise ainsi le droit des parties concernées, notamment des exportateurs, d'être entendues, lequel constitue un des droits fondamentaux reconnus par le droit communautaire et comporte le droit d'être informé des principaux faits et considérations sur la base desquels il est envisagé de recommander l'institution de droits antidumping définitifs (arrêt Al-Jubail Fertilizer/Conseil, précité, point 15, et arrêt du Tribunal du 19 novembre 1998, Champion Stationery e.a./Conseil, T-147/97, Rec. p. II-4137, point 55).

202.
    Or, dans l'économie du règlement de base, les faits et considérations essentiels sur la base desquels l'institution de droits antidumping définitifs est envisagée se rapportent non seulement à la détermination de l'existence d'un dumping et d'un préjudice, mais également à l'appréciation de l'intérêt de la Communauté, ainsi qu'il ressort de l'article 9, paragraphe 4, de ce règlement. Cette disposition prévoit, en effet, qu'un droit antidumping est imposé par le Conseil «lorsqu'il ressort de la constatation définitive des faits qu'il y a un dumping et préjudice en résultant et que l'intérêt de la Communauté nécessite une action conformément à l'article 21 [...]» (voir aussi, en ce qui concerne les mesures provisoires, l'article 7, paragraphe 1, du règlement de base).

203.
    Dans ces conditions, les exportateurs sont en droit d'être informés, au moins de façon succincte, des considérations relatives à l'intérêt de la Communauté, en vertu de l'article 20, paragraphe 2, du règlement de base.

204.
    Contrairement aux allégations du Conseil, cette interprétation de l'article 20 n'est pas incompatible avec son article 21, relatif à l'intérêt de la Communauté, qui poursuit une finalité différente. L'article 21 instaure, en effet, selon les termes employés au point 30 des considérants du règlement de base, un «système administratif» destiné à permettre à l'industrie communautaire, aux utilisateurs et aux consommateurs de faire connaître leur point de vue, afin que les institutions communautaires puissent déterminer, en appréciant tous les intérêts en jeu pris dans leur ensemble, s'il est de l'intérêt de la Communauté que des mesures soient prises, et à fixer les droits à l'information de ces parties. C'est dans ce cadre qu'il prévoit, en ses paragraphes 3 et 4, le droit d'être entendu et, en son paragraphe 6, une information spécifique en faveur de certaines parties (à savoir les plaignants, les importateurs et leur association représentative ainsi que les associations représentatives des utilisateurs et des consommateurs) dont les intérêts méritent d'être pris particulièrement en considération lors de l'appréciation de l'intérêt de la Communauté. Toutefois, le fait que l'article 21, paragraphes 3, 4 et 6, accorde aux parties qu'il mentionne un droit spécifique d'être entendues sur l'intérêt de la Communauté ne signifie pas que cette disposition a pour effet de priver les autrespersonnes intéressées, et notamment les exportateurs, du droit d'être entendues sur ce point dans le cadre de l'article 20, paragraphes 1 ou 2.

205.
    Il est constant que les informations finales communiquées le 19 août 1997 aux requérantes ne se référaient pas à l'intérêt de la Communauté.

206.
    Toutefois, le caractère incomplet de l'information finale, laquelle vise à permettre aux parties concernées de faire valoir utilement leur position au cours de la procédure administrative, n'entraîne l'illégalité d'un règlement instituant des droits antidumping définitifs que si, en raison de cette omission, ces parties n'ont pas été en mesure de défendre utilement leurs intérêts (arrêt Champion Stationery e.a./Conseil, précité, points 55, 73 et 81 à 84).

207.
    Tel serait notamment le cas lorsque l'omission porte sur des faits ou considérations différents de ceux utilisés pour les mesures provisoires, auxquels une attention particulière doit être accordée dans l'information finale, d'après l'article 20, paragraphe 2, du règlement de base.

208.
    Dans la présente espèce, les requérantes ne contestent pas que le règlement attaqué reprend et confirme les faits et les considérations relatifs à l'intérêt de la Communauté qui avaient déjà été retenus dans le règlement provisoire. Il est, en effet, constant que la Commission a exposé les faits et considérations pertinents pour l'appréciation de l'intérêt de la Communauté aux points 68 à 77 du règlement provisoire et que ce règlement, accompagné d'une information provisoire, a été communiqué aux requérantes le 2 juin 1997. Par la suite, les requérantes ont fait valoir leur point de vue sur ces faits et considérations dans leurs conclusions respectives sur le préjudice, en date du 1er juillet 1997. Dans ces observations, les requérantes invoquaient de manière générale les relations commerciales privilégiées de la Communauté avec la Roumanie, le risque d'insuffisance de l'approvisionnement de la Communauté en ce qui concerne le produit concerné, ainsi que le risque de constitution d'un oligopole pour une partie des produits concernés. En outre, Petrotub faisait état d'investissements importants en voie d'être réalisés par des entreprises communautaires dans des entreprises roumaines soumises à l'enquête, telle que la requérante.

209.
    Les requérantes ont d'ailleurs réitéré leurs observations dans leurs observations finales sur le préjudice, en date du 5 septembre 1997, tout en précisant que les informations finales «ne contiennent pas de remarques sur l'intérêt communautaire».

210.
    Or, les requérantes n'ont identifié aucun élément nouveau concernant l'intérêt communautaire, qui aurait été retenu dans le règlement attaqué sans avoir été préalablement mentionné, en substance, dans le règlement provisoire. Par ailleurs, une comparaison entre les points 74 à 78 des considérants du règlement provisoire et les points 68 à 77 des considérants du règlement attaqué confirme que celui-cine contient pas de nouveaux éléments déterminants par rapport à ceux retenus dans le règlement provisoire.

211.
    S'il est vrai, comme le font valoir les requérantes, que la Commission a poursuivi son enquête après l'adoption du règlement provisoire, afin notamment d'achever son analyse de l'effet éventuel des mesures antidumping sur les industries utilisatrices (points 73 des considérants du règlement attaqué), cette circonstance n'a pas débouché sur la prise en considération d'éléments distincts de ceux qui étaient mentionnés dans le règlement provisoire. Elle a, au contraire, conduit les institutions communautaires à confirmer, au point 73 des considérants du règlement attaqué, les conclusions énoncées au point 76 des considérants du règlement provisoire, relatives à l'effet attendu limité de l'institution de mesures antidumping sur les utilisateurs industriels en aval.

212.
    Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas parvenues à démontrer que le caractère incomplet des informations finales quant à l'intérêt communautaire les avait empêchées d'exercer utilement leurs droits de la défense au cours de la procédure administrative.

213.
    S'agissant du prétendu défaut de motivation, le Tribunal estime que la constatation du Conseil, au point 73 des considérants du règlement attaqué, selon laquelle, après la publication du règlement provisoire, «aucune des parties concernées» n'a présenté d'observations sur la question de l'intérêt communautaire, vise notamment les importateurs/négociants et les industries utilisatrices identifiées aux points 70 et 71 des considérants du règlement provisoire. Toutefois, à supposer même qu'il s'agisse d'une description inexacte du déroulement de la procédure administrative, dans la mesure où les requérantes ont bien présenté leurs observations sur la question de l'intérêt communautaire, cette inexactitude ne donne pas lieu à une insuffisance de motivation comme le prétendent les requérantes.

214.
    En effet, les points 74 à 78 des considérants du règlement attaqué contiennent une analyse circonstanciée de l'incidence des mesures antidumping en cause sur l'industrie communautaire, sur les importateurs/négociants et sur les utilisateurs industriels. Cette motivation permet aux requérantes de connaître le point de vue des institutions communautaires quant à l'intérêt de la Communauté, et au Tribunal d'exercer son contrôle juridictionnel.

215.
    Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le sixième moyen doit être rejeté.

216.
    Par conséquent, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

217.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. L'article 87, paragraphe 4, de ce même règlement prévoit que les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. L'article 87, paragraphe 5, de ce règlement énonce que la partie qui se désiste est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens par l'autre partie.

218.
    Les requérantes s'étant désistées de leur demande tendant à l'annulation de l'article 2 du règlement attaqué et ayant succombé en leurs moyens invoqués à l'appui de leur demande en annulation de l'article 1er de ce même règlement, il y a lieu de condamner les requérantes aux dépens exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de cette institution.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Les parties requérantes sont condamnées aux dépens.

3)    La Commission supportera ses propres dépens.

Potocki
Lenaerts
Bellamy

        Azizi                        Meij

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 décembre 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

A. Potocki


1: Langue de procédure: l'anglais.