Language of document : ECLI:EU:T:2009:433

ARRÊT DU 11. 11. 2009 – AFFAIRE T-277/08

BAYER HEALTHCARE / OHMI – URIACH-AQUILEA OTC (CITRACAL)

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

11 novembre 2009 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale CITRACAL – Marque nationale verbale antérieure CICATRAL – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des produits – Similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑277/08,

Bayer Healthcare LLC, établie à Morristown, New Jersey (États-Unis), représentée par M. M. Edenborough, barrister,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. D. Botis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Uriach-Aquilea OTC, SL, établie à Palau-Solita i Plegamans (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 5 mai 2008 (affaire R 459/2007-4), relative à une procédure d’opposition entre Uriach-Aquilea OTC, SL et Bayer Healthcare LLC,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, F. Dehousse (rapporteur) et Mme I. Wiszniewska-Białecka, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 15 juillet 2008,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 4 novembre 2008,

vu la décision du président du Tribunal du 13 mai 2009 de siéger dans la présente affaire à la suite de l’empêchement d’un des membres de la chambre,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 6 juillet 2000, Mission Pharmacal Co., à laquelle a succédé Bayer Healthcare LLC (ci-après la « requérante »), a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal CITRACAL.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Compléments alimentaires, notamment ceux contenant des sels de calcium ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 28/2001, du 26 mars 2001.

5        Le 26 juin 2001, Laboratorios Diviser-Aquilea, SL, devenue Laboratorios Ern, SA, à laquelle a succédé Uriach-Aquilea OTC, SL (ci-après l’« opposante »), a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée, pour l’ensemble des produits visés par la demande d’enregistrement. Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés par l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 40/94 (devenu article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 207/2009). L’opposition était fondée sur la marque nationale verbale antérieure CICATRAL, faisant l’objet de l’enregistrement espagnol n° 223532, demandé le 5 mars 1949, accordé le 30 juillet 1949 et renouvelé en dernier lieu le 22 mai 2001, désignant des produits relevant des classes 1 et 5 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 1 : « Produits chimiques et spécialités » ;

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques et spécialités de tous types ».

6        Par lettre du 2 octobre 2003, la requérante a demandé que l’opposante apporte la preuve, conformément à l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 (devenu article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009), que la marque antérieure avait fait l’objet, au cours des cinq années précédant la publication de la demande de marque communautaire, d’un usage sérieux dans l’État membre dans lequel cette marque est protégée. Par un courrier du 31 octobre 2003, la division d’opposition a invité l’opposante à apporter cette preuve avant le 1er janvier 2004.

7        L’opposante a présenté ses observations le 30 décembre 2003 et a adressé des documents à la division d’opposition, que cette dernière a reçus le 7 janvier 2004. Parmi ces documents figurent la copie de l’emballage du produit en cause, en espagnol, et sa notice, en espagnol et en anglais.

8        Il ressort du dossier de la procédure devant l’OHMI que des courriers ont été échangés en 2004 entre la division d’opposition, la requérante et l’opposante concernant le caractère tardif ou non du dépôt de ces documents. Le 8 octobre 2004, l’opposante a présenté à l’OHMI une demande de restitutio in integrum au sens de l’article 78 du règlement n° 40/94 (devenu article 81 du règlement n° 207/2009). La procédure d’opposition a été suspendue le 28 octobre 2004, dans l’attente qu’il soit statué sur cette demande.

9        Par décision du 17 mars 2006, l’OHMI a accordé la restitutio in integrum.

10      La requérante a présenté devant l’OHMI ses observations concernant la preuve de l’usage de la marque antérieure les 17 mai, 4 juin, 14 juin et 25 septembre 2006. Le 28 novembre 2006, l’opposante a présenté devant l’OHMI ses observations.

11      Par décision du 30 janvier 2007, la division d’opposition a fait droit à l’opposition, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Elle a considéré que l’usage de la marque antérieure était démontré pour la partie des produits couverts par son enregistrement espagnol, à savoir pour les « healing pomades » (cicatrisants). Elle a estimé qu’il existait un risque de confusion pour le public en Espagne, compte tenu du fait que les marques étaient similaires des points de vue visuel et phonétique et qu’il existait, dans une certaine mesure, une similitude des produits.

12      Le 27 mars 2007, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’opposition.

13      Par décision du 5 mai 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours a rejeté le recours.

14      En premier lieu, la chambre de recours a considéré que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure avait été rapportée concernant les « onguent[s] curatif[s] » (healing salve[s]) et que, aux fins de l’examen de l’opposition, la marque espagnole devait être considérée comme enregistrée pour ces produits seulement (point 17 de la décision attaquée).

15      En deuxième lieu, elle a estimé que le degré de similitudes visuelle et phonétique des marques était extrêmement élevé. Sur le plan conceptuel, elle a souligné que ni la marque antérieure ni la marque demandée n’avaient de sens en espagnol et qu’il n’existait donc aucune différence conceptuelle susceptible de contrebalancer ces fortes similitudes visuelle et phonétique (points 19 et 20 de la décision attaquée).

16      En troisième lieu, elle a confirmé la similitude des produits en cause. Elle a admis qu’il existait une certaine différence entre ceux-ci, dès lors qu’un « onguent curatif » est applicable aux blessures, plaies, etc., alors que les « compléments alimentaires, notamment ceux contenant des sels de calcium », sont destinés à être ingérés en complément d’une alimentation quotidienne. Elle a toutefois souligné qu’il s’agissait de produits pharmaceutiques, utilisés aux fins de rétablir le bon état de santé du corps humain, pouvant être achetés par les mêmes canaux spécialisés, à savoir les pharmacies, et susceptibles d’être produits par les mêmes fabricants. Elle a ajouté qu’ils pouvaient se compléter mutuellement, par exemple dans le traitement de certains cancers. Les produits devaient donc être considérés comme similaires (point 23 de la décision attaquée).

17      La chambre de recours a donc conclu à l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, entre les deux marques en cause, sur le territoire espagnol.

18      Par conséquent, la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’opposition et a rejeté le recours.

 Conclusions des parties

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI et/ou l’opposante aux dépens.

20      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

21      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens. Le premier est tiré, en substance, de la violation de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 et de la règle 22, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), tel que modifié, et se fonde sur l’appréciation prétendument erronée par la chambre de recours de la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, au motif que la traduction de la dénomination des produits couverts par ladite marque ne serait pas appropriée. Le second est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Sur le premier moyen, tiré, en substance, de la violation de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 et de la règle 22, paragraphe 6, du règlement n° 2868/95

 Arguments des parties

22      La requérante soutient que l’opposante n’a pas fourni de traduction appropriée de la dénomination des produits couverts par la marque antérieure. Elle souligne que la notice en espagnol décrit le produit comme une « pomada cicatrizante » (pommade cicatrisante) ou une « pomada » (pommade), alors que la notice en anglais lui donne le sens de « healing pomade », le terme « pomade » signifiant « onguent parfumé pour les cheveux, élaboré initialement à base de pommes ». Elle soutient que la chambre de recours a omis d’examiner cette question de traduction et a résumé, à tort, la décision de la division d’opposition comme établissant l’usage relatif aux « onguent[s] curatif[s] ». Elle en conclut que la traduction fournie n’est pas appropriée et que l’usage sérieux de la marque antérieure n’a donc pas été démontré, ce qui justifierait le rejet de l’opposition. Elle ajoute que, si la traduction du terme espagnol « pomada » est « pomade » en anglais, qu’il conviendrait alors d’entendre comme signifiant « onguent parfumé pour les cheveux, élaboré initialement à base de pommes », cela implique soit que l’usage sérieux de la marque antérieure n’a pas été démontré pour les produits relevant de la classe 5, soit qu’il n’a été démontré que pour les « onguents parfumés pour les cheveux, élaborés initialement à base de pommes », la comparaison devant alors être établie entre ces produits et les produits pour lesquels l’enregistrement est demandé.

23      L’OHMI conteste l’argumentation de la requérante. Il soutient en substance que, au vu des pièces du dossier, les produits pour lesquels la marque antérieure a été utilisée sont des « onguents curatifs » et que la comparaison des produits a donc été correctement effectuée.

 Appréciation du Tribunal

24      La règle 22, paragraphe 6, du règlement n° 2868/95 est libellée comme suit :

« Si les preuves produites par l’opposant ne sont pas rédigées dans la langue de la procédure d’opposition, l’[OHMI] peut inviter l’opposant à produire, dans le délai qu’il lui impartit, une traduction dans cette langue. »

25      Il y a lieu de rappeler que les exigences légales concernant, notamment, les preuves et les pièces justificatives ainsi que leur traduction dans la langue de procédure de l’opposition ne relèvent pas des conditions de recevabilité de l’opposition, mais constituent des conditions de fond de celle-ci [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 13 juin 2002, Chef Revival USA/OHMI – Massagué Marín (Chef), T‑232/00, Rec. p. II‑2749, point 52, et du 6 novembre 2007, SAEME/OHMI – Racke (REVIAN’s), T‑407/05, Rec. p. II‑4385, point 43].

26      En l’espèce, il convient de constater, tout d’abord, que la traduction dans la langue de procédure de l’opposition, à savoir l’anglais, de la dénomination du produit couvert par la marque CICATRAL a été fournie par l’opposante. En effet, par sa lettre du 30 décembre 2003, l’opposante a envoyé à l’OHMI les documents destinés à prouver l’usage sérieux de la marque CICATRAL, parmi lesquels figuraient notamment la notice du produit en cause en espagnol et en anglais (voir point 8 ci-dessus). La traduction de la dénomination du produit en anglais (« healing pomade ») a ainsi été fournie par l’opposante par l’intermédiaire de cette notice, ce que la requérante ne conteste pas en tant que tel.

27      S’agissant, ensuite, du grief de la requérante tiré du caractère inapproprié de la traduction figurant dans la notice en anglais, il y a lieu de constater que l’expression « healing pomade », utilisée dans la notice en anglais, et l’expression « healing salve », utilisée dans la décision attaquée, ne sont pas identiques.

28      Toutefois, en l’espèce, le contenu de la notice en anglais permet d’identifier clairement les produits visés par la marque antérieure et de constater qu’aucun doute n’existait quant aux propriétés des produits en cause. En effet, au vu des indications et de la posologie figurant sur la notice, la marque CICATRAL concerne une pommade (« pomade » en anglais), pouvant être délivrée sans ordonnance médicale, destinée à soigner notamment les « blessures et brûlures, infectées ou non ». La posologie indique notamment que, en général, deux ou trois applications par jour suffisent et qu’il faut nettoyer la lésion avant d’appliquer la pommade CICATRAL. En cas de brûlure, la lésion peut être nettoyée avec la même pommade. Il ressort donc clairement de cette notice que les produits couverts par la marque antérieure ne sont pas des « onguents parfumés pour les cheveux, élaborés initialement à base de pommes », comme le soutient la requérante.

29      Dès lors, la traduction « healing salve » (onguent curatif), employée dans la décision attaquée, n’apparaît pas comme étant erronée. Au point 23 de la décision attaquée, la chambre de recours précise d’ailleurs qu’il s’agit de « pommades pour blessures, plaies, etc. » (ointments for wounds, sores, etc.).

30      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a procédé à la comparaison entre les « compléments alimentaires, notamment ceux contenant des sels de calcium » et les « onguents curatifs », la décision attaquée n’étant par conséquent pas entachée d’erreur à cet égard.

31      Partant, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

32      La requérante soutient que les produits en cause selon elle, à savoir les « onguents parfumés pour les cheveux, élaborés initialement à base de pommes », et les « compléments alimentaires, notamment ceux contenant des sels de calcium », ne sont pas similaires. Si les compléments alimentaires devaient être comparés aux « pommades curatives (cicatrisantes) », cela supposerait que le Tribunal ne tienne pas compte de ce que cette dernière expression est un « non-sens », les pommades ne guérissant pas et étant dépourvues de toute propriété cicatrisante.

33      S’agissant de la comparaison des signes, la requérante admet l’existence de certaines similitudes visuelles et phonétiques entre les marques. Toutefois, elle souligne que la marque antérieure CICATRAL fait allusion au terme espagnol « cicatriz » (cicatrice), alors que la marque demandée CITRACAL fait allusion à « cítrico » (citrique) et à « calcio » (calcium). Il n’y aurait donc aucun risque de confusion dans l’esprit du public concerné.

34      S’agissant du risque de confusion, la requérante fait valoir qu’il serait erroné de considérer que tous les produits de la classe 5 sont similaires simplement parce qu’ils relèvent de la même classe. Elle souligne que le complément alimentaire CITRACAL est présenté sous forme de pilule, alors que le produit CICATRAL est vendu sous forme de crème. Elle en conclut que le risque de confusion n’existe pas pour le public concerné, qui est censé être normalement informé, raisonnablement attentif et avisé.

35      L’OHMI conteste l’argumentation de la requérante. Il soutient, en substance, que c’est à juste titre que la chambre de recours a comparé les compléments alimentaires en cause aux onguents curatifs, que les produits sont similaires au regard du droit des marques, que les différences conceptuelles entre les signes ne peuvent pas compenser leurs fortes similitudes visuelles et phonétiques et en conclut que le risque de confusion existe en l’espèce.

 Appréciation du Tribunal

36      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 40/94 (devenu article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009), il convient d’entendre notamment par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

37      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, en tenant compte de tous les facteurs caractérisant le cas d’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [voir arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et du 12 novembre 2008, Scil proteins/OHMI – Indena (affilene), T‑87/07, non publié au Recueil, point 30, et la jurisprudence citée].

38      Aux fins de l’appréciation globale du risque de confusion, le consommateur moyen des produits concernés est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Par ailleurs, il convient de tenir compte du fait que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26, et arrêt du Tribunal du 18 octobre 2007, AMS/OHMI – American Medical Systems (AMS Advanced Medical Services), T‑425/03, Rec. p. II‑4265, point 48].

39      En l’espèce, la marque antérieure CICATRAL est enregistrée en Espagne, qui constitue donc le territoire pertinent aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. En outre, compte tenu de la nature des produits en cause, la chambre de recours a estimé au point 16 de la décision attaquée que le public pertinent se composait du consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

40      À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de procéder à la comparaison, d’une part, des produits concernés et, d’autre part, des signes en conflit, avant de se prononcer sur le risque de confusion.

–       Sur la comparaison des produits

41      S’agissant des produits en cause, il découle de l’examen du premier moyen que c’est à bon droit que la chambre de recours a procédé à la comparaison entre les « compléments alimentaires, notamment ceux contenant des sels de calcium » et les « onguents curatifs » (voir points 28 à 30 ci-dessus).

42      Pour apprécier la similitude entre les produits visés par les marques en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits, ces facteurs incluant, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 23, et arrêt affilene, point 37 supra, point 35).

43      En l’espèce, les produits en cause, des produits pharmaceutiques délivrés sans prescription médicale, sont de même nature et ont la même finalité ou destination, à savoir le traitement de problèmes de santé humaine. Ils peuvent s’adresser aux mêmes consommateurs finaux, sont susceptibles d’être produits par les mêmes fabricants et empruntent les mêmes canaux de distribution, à savoir les pharmacies. Leur complémentarité dans le traitement de certains cancers a également été évoquée au point 23 de la décision attaquée sans être contestée par la requérante.

44      Certes, comme le relève la requérante et comme l’admet la chambre de recours au point 23 de la décision attaquée, il existe une différence entre les deux produits tenant à leur mode d’administration. En effet, l’« onguent curatif » est applicable notamment aux blessures et aux plaies, alors que les « compléments alimentaires, notamment ceux contenant des sels de calcium », sont destinés à être ingérés en complément d’une alimentation quotidienne. Leurs indications thérapeutiques sont également différentes.

45      Toutefois, il découle de la jurisprudence que, lorsque la différence entre les produits tient à leur mode d’administration, une telle différence ne suffit pas en soi pour empêcher de constater la similitude des produits [voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec. p. I‑3569, point 74, et arrêt du Tribunal du 17 novembre 2005, Biofarma/OHMI – Bausch & Lomb Pharmaceuticals (ALREX), T‑154/03, Rec. p. II‑4743, point 50]. Il en va de même pour les différences tenant à des indications thérapeutiques différentes [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 octobre 2006, Armour Pharmaceutical/OHMI – Teva Pharmaceutical Industries (GALZIN), T‑483/04, Rec. p. II‑4109, points 69 à 71].

46      Par conséquent, compte tenu des éléments de similitude précédemment relevés (voir point 43 ci-dessus), les différences relatives aux modes d’administration des produits et à leurs indications thérapeutiques ne sauraient prédominer en l’espèce sur la nature et la destination commune des produits concernés.

47      L’argument de la requérante selon lequel les produits relevant de la classe 5 ne sauraient être considérés comme étant tous similaires n’infirme pas cette conclusion, dès lors que, dans la décision attaquée, la chambre de recours ne s’est pas fondée uniquement sur l’appartenance des produits à la classe 5 pour conclure à leur similitude (voir point 16 ci-dessus).

48      Dès lors, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en constatant que les produits en cause étaient similaires au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

–       Sur la comparaison des signes

49      Selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23, et arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 47].

50      En l’espèce, les signes en conflit sont la marque verbale antérieure CICATRAL et le signe verbal CITRACAL, dont l’enregistrement est demandé.

51      Sur les plans visuel et phonétique, les signes sont très similaires. Chaque signe est formé des mêmes huit lettres et composé de trois syllabes. Les deux signes commencent par « ci » et se terminent par « al » et l’inversion des syllabes au milieu desdits signes n’est pas suffisante pour rompre l’impression globale de similitude.

52      Dès lors, il y a lieu de considérer que les éléments de similitude entre les signes en conflit sur les plans visuel et phonétique sont tels que ces signes présentent un fort degré de similitude à cet égard. La requérante admet d’ailleurs elle-même certaines similitudes visuelles et phonétiques entre les signes en cause.

53      Les différences conceptuelles peuvent être de nature à neutraliser dans une large mesure des similitudes visuelles ou phonétiques entre des marques en conflit si au moins une des marques en cause a, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public est susceptible de la saisir immédiatement [arrêt du Tribunal du 13 avril 2005, Duarte y Beltrán/OHMI – Mirato (INTEA), T‑353/02, non publié au Recueil, point 34]. En l’espèce, il est constant que les signes CICATRAL et CITRACAL sont des mots fantaisistes, qui n’ont aucune signification directe en langue espagnole. Il ne peut donc pas être considéré qu’au moins un des signes en conflit a une signification claire et déterminée qui puisse être saisie immédiatement par le public concerné.

54      La requérante souligne cependant que la marque antérieure CICATRAL fait allusion au terme espagnol « cicatriz » (cicatrice) alors que la marque demandée CITRACAL fait allusion à « cítrico » (citrique) et à « calcio » (calcium). Toutefois, à supposer que le public concerné puisse saisir ces allusions évoquées par la requérante, elles ne sont pas de nature à faire naître dans son esprit une image forte au point de neutraliser les similitudes visuelles et phonétiques entre les signes en conflit.

55      Certes, le consommateur moyen, en percevant un signe verbal, le décomposera en des éléments verbaux, qui, pour lui, ont une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît [arrêts du Tribunal du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI − Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, Rec. p. II‑3445, point 51, et du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 57]. Toutefois, cela ne sera pas le cas en l’espèce. En effet, les éléments verbaux « cica » et « citra » n’ont pas de signification concrète, pas plus que les terminaisons « tral » et « cal ». Les signes en conflit ne sont donc pas susceptibles d’être décomposés par le public en des éléments verbaux ayant une signification concrète ou ressemblant à des mots qu’il connaît et qui, ensemble, formeraient un tout cohérent donnant une signification à chacun des signes en conflit ou à l’un d’entre eux.

56      Au vu de l’absence de contenu conceptuel des signes en conflit, leurs similitudes visuelle et phonétique ne peuvent pas être neutralisées par les différences entre eux.

57      Partant, compte tenu du degré élevé de similitude entre les signes en cause sur les plans visuel et phonétique, les signes en conflit doivent être considérés comme étant globalement très similaires.

–       Sur le risque de confusion

58      L’appréciation globale du risque de confusion, ainsi qu’il a été rappelé précédemment (voir points 37 et 38 ci-dessus), implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte.

59      En l’espèce, étant donné que les produits en cause sont similaires et que les signes en conflit sont globalement très similaires, il y a lieu de constater l’existence d’un risque de confusion.

60      Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté qu’il existe un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94.

61      Il s’ensuit que le recours doit être rejeté comme non fondé.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

63      Dans la mesure où le présent recours est rejeté, il n’y a pas lieu de se prononcer sur le chef de conclusions de la requérante visant à la condamnation de l’opposante aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Bayer Healthcare LLC est condamnée aux dépens.

Jaeger

Dehousse

Wiszniewska-Białecka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 novembre 2009.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.