Language of document : ECLI:EU:T:2009:15

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

23 janvier 2009 (*)

« Référé – Aides d’État – Décision de la Commission déclarant incompatibles avec le marché commun les aides d’État accordées par la Hongrie en faveur de certains producteurs d’électricité au moyen d’accords d’achat d’électricité – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence – Mise en balance des intérêts »

Dans l’affaire T‑352/08 R,

Pannon Hőerőmű Energiatermelő, Kereskedelmi és Szolgáltató Zrt. (Pannon Hőerőmű Zrt.), établie à Pécs (Hongrie), représentée par Mes M. Kohlrusz, P. Simon et G. Ormai, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. C. Giolito et Mme K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de l’article 2 de la décision C (2008) 2223 final de la Commission, du 4 juin 2008, relative à l’aide d’État accordée par la République de Hongrie au moyen d’accords d’achat d’électricité,


LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Au milieu des années 90, le principal objectif de la République de Hongrie dans le secteur de l’énergie était de moderniser les infrastructures de la production d’électricité pour garantir la sécurité de l’approvisionnement. Afin d’atteindre un tel objectif, nécessitant d’importants investissements en capital, l’État hongrois a instauré un système d’accords d’achat d’électricité (ci-après les « AAE ») à long terme dans le but d’inciter les producteurs d’électricité à investir en Hongrie. Dans le cadre de ces AAE, qui ont été conclus entre 1995 et 2001, l’entreprise publique Magyar Villamos Művek (MVM) rt s’est engagée, en tant qu’« acheteur unique », à acheter une quantité déterminée d’électricité à un prix fixe. Ces AAE à long terme ont ainsi permis d’assurer aux producteurs une rentabilisation de leurs investissements.

2        Le marché de l’électricité hongrois a été soumis à trois régimes consécutifs. Le premier prévoyait l’obligation pour MVM de veiller à la sécurité des approvisionnements à moindre coût (1992-2002). Le deuxième, entré en vigueur en 2003, a divisé le marché en deux secteurs, à savoir un secteur libéralisé représentant environ 30 % de la production et un secteur de service public approvisionné par MVM et représentant environ 70 % de la production. En vertu de ce régime, les producteurs d’énergie étaient légalement tenus d’offrir à MVM la capacité d’électricité requise, à des prix règlementés pour le secteur de service public. Après la mise en œuvre du troisième régime en 2004, les producteurs d’énergie ont toujours été tenus d’approvisionner MVM, mais la réglementation des prix a été supprimée, les prix de l’électricité étant dorénavant déterminés sur la base du calcul des prix prévu dans chaque AAE.

3        L’activité principale de la requérante, Pannon Hőerőmű Energiatermelő, Kereskedelmi és Szolgáltató Zrt. (Pannon Hőerőmű Zrt.) – ancienne entreprise publique privatisée en 1998 – consiste en la production d’électricité. En 1995, elle a conclu un AAE à long terme avec MVM, dont les droits et les obligations ont été ultérieurement cédés à MVM Kereskedelmi Zrt (ci-après également « MVM »). L’électricité mise à la disposition de MVM était initialement produite par trois unités d’une centrale alimentée au charbon, dont deux sont sorties du champ d’application de l’AAE en 2001 ou 2002. À partir de 2005, la dernière unité relevant de l’AAE était devenue une unité fonctionnant au gaz, qui ne produisait que 0,37 % de la quantité totale annuelle prévue contractuellement. Le 30 juin 2008, l’AAE conclu avec MVM a été résilié moyennant le paiement par MVM d’une compensation visant à rembourser à la requérante les coûts relatifs à la restructuration de sa centrale.

4        En novembre 2005, la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE au regard des AAE à long terme. En effet, elle avait des doutes quant à la compatibilité de ces AAE avec le régime communautaire des aides d’État, étant donné qu’ils excluraient tout risque commercial pour les producteurs concernés et placeraient ceux-ci dans une position plus favorable que les autres producteurs sur le marché.

5        Le 4 juin 2008, la Commission a adopté la décision C (2008) 2223 final relative à l’aide d’État accordée par la République de Hongrie au moyen d’AAE (ci-après la « décision attaquée »), dont le dispositif se lit comme suit :

« Article 1er

1.      Les obligations d’achat telles qu’elles sont définies dans les [AAE] conclus entre [MVM], d’une part, et [la requérante ainsi que six autres producteurs d’électricité], d’autre part, comportent des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, [CE] en faveur des producteurs d’électricité.

2.      Les aides d’État visées au paragraphe 1 sont incompatibles avec le marché commun.

3.      La [République de] Hongrie s’abstiendra d’accorder les aides d’État visées au paragraphe 1 dans un délai de six mois à compter de la date de notification de la présente décision.

Article 2

1.      Les aides d’État visées à l’article 1er seront récupérées par la [République de] Hongrie auprès des bénéficiaires.

[…]

Article 3

1.      Dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision, la [République de] Hongrie informera la Commission des mesures d’exécution qui auront déjà été prises et envisagées, notamment des actes visant à réaliser une simulation appropriée des conditions sur le marché de gros destinée à permettre la détermination des montants à récupérer, des détails de la méthodologie applicable et une description détaillée des données qui seront utilisées à cette fin.

[…]

Article 4

1.      Le montant exact des aides d’État à récupérer sera calculé par la [République de] Hongrie sur la base d’une simulation appropriée des conditions du marché de l’électricité de gros qui auraient prévalu si aucun des [AAE] visés à l’article 1er, paragraphe 1, n’avait existé à partir du 1er mai 2004.

2.      Dans un délai de six mois à compter de la date de notification de la présente décision, la [République de] Hongrie calculera les montants à récupérer sur la base de la méthodologie mentionnée au paragraphe 1 et transmettra à la Commission toutes les informations pertinentes relatives à ladite simulation, notamment ses résultats, une description détaillée de la méthodologie appliquée et les données utilisées aux fins de la simulation.

Article 5

La [République de] Hongrie fera en sorte que les aides d’État visées à l’article 1er soient récupérées dans un délai de dix mois à compter de la date de notification de la présente décision.

Article 6

La présente décision est adressée à la République de Hongrie. »

 Procédure et conclusions des parties

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 août 2008, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de la décision attaquée.

7        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 21 octobre 2008, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal de surseoir, en ce qui la concerne, à la procédure tendant à l’exécution de l’obligation de récupération imposée à la République de Hongrie par la décision attaquée.

8        Dans ses observations écrites sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 11 novembre 2008, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

9        Après le dépôt par la Commission de ses observations, la requérante a, par mémoire du 25 novembre 2008, présenté une réplique. La Commission a pris position sur cette réplique par mémoire du 3 décembre 2008.

 En droit

10      En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

11      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient édictés et sortent leurs effets dès avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes en référé doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73, et la jurisprudence citée).

12      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

13      Enfin, il importe de souligner que l’article 242 CE pose le principe du caractère non suspensif des recours (ordonnance du président de la Cour du 25 juillet 2000, Pays-Bas/Parlement et Conseil, C‑377/98 R, Rec. p. I‑6229, point 44, et ordonnance du président du Tribunal du 28 juin 2000, Cho Yang Shipping/Commission, T‑191/98 R II, Rec. p. II‑2551, point 42). Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires.

14      Eu égard aux éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de toutes les informations nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

15      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition de l’urgence est remplie.

 Arguments des parties

16      La requérante fait valoir que, en cas de rejet de sa demande en référé, l’exécution de l’obligation de récupération imposée à la République de Hongrie l’exposerait à un préjudice grave et irréparable. En effet, la République de Hongrie devrait commencer à élaborer une méthode et une formule servant de fondement à la récupération des prétendues aides d’État, s’assurer de la récupération de ces aides dans un délai de dix mois à compter de la notification de la décision attaquée et calculer le montant des sommes à rembourser au moyen d’une simulation appropriée des conditions sur le marché de gros de l’électricité qui auraient prévalu si les AAE n’avaient pas été appliqués à partir du 1er mai 2004.

17      À cet égard, la requérante a fait référence, dans sa demande en référé, au projet de loi que le gouvernement hongrois avait soumis au parlement hongrois afin de se conformer à la décision attaquée, en soulignant que ce projet de loi était de nature à mettre en péril son activité, sa pérennité et son existence même. Elle n’aurait pu raisonnablement attendre que le cadre législatif hongrois relatif à la procédure de récupération soit finalisé, et aurait dû chercher à obtenir le plus tôt possible la suspension de l’exécution de l’obligation de récupération des aides avant que celle-ci ne débute. S’agissant du contenu dudit projet de loi, elle a indiqué qu’il définissait la notion d’« aide d’État à rembourser », imposait aux producteurs une obligation de remboursement, définissait la notion de « coûts de restructuration » dont le montant des aides à rembourser pourrait être déduit et habilitait le gouvernement hongrois à déterminer par voie de décrets les détails du modèle de simulation et la méthode de calcul des sommes à rembourser.

18      Dans son mémoire du 25 novembre 2008, la requérante a précisé que la procédure législative en Hongrie avait abouti, le 15 novembre 2008, à l’adoption du projet de loi susmentionné (ci-après la « loi du 15 novembre 2008 »). Or, au cours du déroulement de cette procédure, la requérante n’aurait pu participer à l’élaboration du contenu de ladite loi. De plus, la légalité de la loi du 15 novembre 2008 ne pourrait être contestée que devant la Alkotmánybíróság (Cour constitutionnelle hongroise), qui, toutefois, ne constituerait pas une juridiction ordinaire dans l’ordre juridique hongrois, dont les attributions seraient limitées et devant laquelle la procédure serait assez lente et n’aurait pas d’effet suspensif sur l’exécution de la norme en cause. Il en irait de même des décrets à adopter ultérieurement par le gouvernement hongrois en ce qui concerne les détails de la simulation des conditions sur le marché et du calcul des sommes à rembourser.

19      La requérante a ajouté que l’office de l’énergie hongrois avait été désigné comme l’autorité compétente pour déterminer le montant des aides d’État à rembourser en tenant compte d’une éventuelle réduction au titre des coûts échoués. Or, la requérante n’aurait pas le droit d’exiger d’être consultée avant la détermination du montant la concernant. Par ailleurs, en vertu de l’article 6 de la loi du 15 novembre 2008, l’office de l’énergie devrait adopter sa décision dans un délai de 10 jours à compter de l’approbation par la Commission du montant des coûts échoués, le débiteur disposant alors d’un délai de 60 jours pour rembourser la somme fixée. S’agissant des possibilités de recours juridictionnel prévues en droit hongrois, le débiteur ne pourrait saisir que le juge administratif, sans bénéficier de la faculté de demander un sursis à exécution et sans pouvoir obtenir la modification de la décision de l’office de l’énergie.

20      En ce qui concerne la survenance prochaine d’un préjudice grave et irréparable, la requérante a reconnu, dans sa demande en référé, que le projet de loi ne pouvait pas être considéré comme un texte définitif. Elle a toutefois considéré que les conséquences financières susceptibles d’en résulter pour elle correspondront à la somme qu’elle devra, le cas échéant, rembourser en vertu du projet de loi et que l’importance de cette somme déterminera dans quelle mesure son existence, son fonctionnement et sa position sur le marché seront menacés. À cet égard, elle a allégué que, s’agissant de la détermination du montant total des aides d’État accordées entre le 1er mai 2004 (début de la période pertinente selon la décision attaquée) et le 30 juin 2008 (date de résiliation de son AAE), il n’était possible de fournir qu’une évaluation approximative, compte tenu du fait que l’État hongrois n’avait pas encore déterminé la formule de simulation et que le prix de l’électricité qu’elle aurait produite sur un marché concurrentiel au cours de la période considérée apparaissait difficilement modélisable.

21      Dans sa demande en référé, afin de chiffrer cette évaluation, elle a établi un tableau indiquant la répartition par année de la quantité vendue d’électricité produite par sa centrale relevant de l’AAE, le prix unitaire par kilowattheure (kWh) fixé par cet AAE, le prix unitaire de marché par kWh de l’électricité produite en continu ainsi que la valeur estimée de l’aide en résultant. Ces calculs l’ont amenée à supposer qu’elle pourrait devoir rembourser à l’État hongrois environ 4 milliards de forints hongrois (HUF). Selon la requérante, l’obligation de remboursement imposée par le projet de loi sera certainement exécutée prochainement, ce qui pose la question de savoir si sa solvabilité à court terme lui permettra de rembourser une telle somme ou si le paiement de cette somme rendra impossible son fonctionnement et mettra gravement en péril son existence même. Or, ainsi qu’il ressortirait de son bilan et de son compte de résultats au 31 décembre 2007, elle ne pourrait rembourser un montant d’environ 4 milliards de HUF sans mettre en péril sa propre existence.

22      Dans son mémoire du 25 novembre 2008, la requérante a affirmé que le préjudice invoqué n’avait rien d’hypothétique, dès lors que sa survenance, c’est-à-dire l’adoption de la décision de l’office de l’énergie imposant, en vertu de l’article 6 de la loi du 15 novembre 2008, l’obligation de remboursement, était entièrement certaine. Par ailleurs, la Commission reconnaîtrait elle-même qu’aucune estimation de la somme à rembourser n’était encore connue ou à prévoir. La requérante a ajouté que le montant exact de l’aide à rembourser pourrait être déterminé ultérieurement, après la publication du décret gouvernemental. La période allant entre la date de publication de ce décret et celle de l’adoption de la décision imposant directement l’obligation de remboursement par l’office de l’énergie ne serait pas suffisamment longue pour qu’elle puisse demander un sursis à exécution et que le juge communautaire puisse statuer sur cette demande. La requérante ne connaîtrait pas, en temps utile, le montant de la somme qu’elle devra rembourser, de sorte qu’elle ne disposerait pas d’un temps de préparation aux fins du remboursement. La seule possibilité pour elle aurait donc été d’estimer, en tenant compte de l’hypothèse qui lui serait la plus défavorable, si le remboursement de la somme ainsi calculée est assuré.

23      S’agissant de sa situation financière actuelle, la requérante a indiqué, dans sa demande en référé, qu’elle ne pourra procéder au remboursement imposé que par le biais d’un crédit. Or, les possibilités d’octroi de crédit seraient largement réduites, voire inexistantes en pratique, pour un crédit d’un montant d’environ 4 milliards de HUF, du fait de la situation actuelle sur les marchés internationaux et du ralentissement important de l’activité de crédit. Aucune banque ne lui accorderait un crédit d’un tel montant sans couverture et garantie appropriée, et les banques mettraient immédiatement fin à tout autre contrat de crédit existant, de sorte qu’elle serait aussi soumise à une obligation de remboursement de l’ensemble des crédits restants. En effet, selon le droit civil hongrois, le prêteur pourrait résilier le contrat de prêt si une détérioration de la situation pécuniaire du débiteur met en péril ses facultés de remboursement de l’emprunt.

24      Dans son mémoire du 25 novembre 2008, la requérante a ajouté, en réponse aux observations de la Commission, que la situation financière de l’ensemble du groupe de sociétés auquel elle appartenait était dénuée de pertinence pour l’appréciation de sa propre situation financière. En effet, aucune disposition légale ni aucune pratique commerciale n’imposerait à une société de soutenir financièrement une autre société à laquelle elle est indirectement liée. S’agissant des membres du groupe auquel elle appartient, ni Dalkia International S.A., ni Dalkia Energia Energteikai Szolgáltató Zrt. ne souhaiterait lui octroyer – et ne lui octroierait – aucune aide financière, eu égard notamment au fait qu’elle ne serait pas détenue à 100 %, mais seulement à 89,94 %, par Pannonpower Holding Vagyonkezelő Zrt. et que celle-ci ne serait pas détenue à 100 %, mais seulement à 99,94 %, par Dalkia Energia Energetikai Szolgáltató, de sorte que d’autres actionnaires seraient présents dans le capital de ces deux sociétés.

25      Enfin, au regard de la mise en balance des intérêts, il devrait également être fait droit à la demande en référé. En effet, si l’exécution de l’obligation de récupération imposée par la décision attaquée n’était pas suspendue, mais que le Tribunal annulait finalement la décision attaquée dans la procédure au principal, il ne serait plus possible de réparer les graves conséquences qui s’ensuivraient, à savoir sa disparition et le blocage immédiat de l’approvisionnement en chauffage d’environ 30 000 foyers de la ville de Pécs (Hongrie), dont elle assurerait la fourniture en électricité. En outre, parmi les producteurs hongrois, elle disposerait de la plus faible capacité et produirait le moins d’électricité, de sorte que son activité n’aurait pas d’incidence démontrable sur la concurrence et sur les échanges. Par ailleurs, son AAE aurait déjà été résilié avec effet au 30 juin 2008.

26      Selon la Commission, les arguments de la requérante relatifs à l’urgence du sursis à exécution sollicité reposent sur de simples hypothèses et ne sont étayés par aucune preuve. En particulier, la requérante aurait omis de tenir compte, dans le calcul du montant à rembourser, du fait que la loi du 15 novembre 2008 permet la compensation des coûts échoués, déductibles de la somme à rembourser. Enfin, le préjudice invoqué étant de nature financière, la requérante aurait dû fournir des renseignements sur la situation financière du groupe auquel elle appartient, ce qu’elle n’aurait pas fait. En tout état de cause, ce groupe serait doté de capitaux importants et de ressources considérables, de sorte que le remboursement éventuel de l’aide d’État, s’il devait s’avérer obligatoire, ne mettrait nullement en péril l’existence de la requérante.

 Appréciation du juge des référés

27      Selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé, énoncé à l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure, doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie requérante. Il n’est pas suffisant pour satisfaire aux exigences de cette disposition d’alléguer seulement que l’exécution de l’acte dont le sursis est sollicité est imminente, mais il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au principal, sans avoir à subir un préjudice de cette nature. Pour pouvoir apprécier si le préjudice qu’appréhende la partie requérante présente un caractère grave et irréparable et justifie donc de suspendre, à titre exceptionnel, l’exécution de la décision attaquée, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes permettant d’apprécier les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées (ordonnance du président de la Cour du 22 janvier 1988, Top Hit Holzvertrieb/Commission, 378/87 R, Rec. p. 161, point 18 ; ordonnances du président du Tribunal du 18 octobre 2001, Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/Commission, T‑196/01 R, Rec. p. II‑3107, point 32, et du 3 juillet 2000, Carotti/Cour des comptes, T‑163/00 R, RecFP p. I‑A‑133 et II‑607, point 8 ; ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 16 juillet 1999, Hortiplant/Commission, T‑143/99 R, Rec. p. II‑2451, point 18).

28      En outre, le préjudice allégué doit être certain ou, à tout le moins, établi avec une probabilité suffisante, étant précisé que la partie requérante demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective de ce préjudice. Un préjudice de nature purement hypothétique, en ce qu’il est fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains, ne saurait justifier l’octroi des mesures provisoires [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67 ; ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Le Canne/Commission, T‑241/00 R, Rec. p. II‑37, point 37, et du 19 décembre 2001, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 R et T‑207/01 R, Rec. p. II‑3915, point 101].

29      S’agissant de la question de savoir si la requérante a valablement établi, en l’espèce, le caractère certain ou, à tout le moins, suffisamment probable du prétendu dommage grave et irréparable, il y a lieu de souligner que, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, les circonstances susceptibles de justifier l’urgence doivent, en principe, être établies en fonction des éléments de fait et de droit prévalant au moment du dépôt de la demande en référé, tels que repris dans celle-ci.

30      En effet, il est de jurisprudence bien établie qu’une demande en référé doit permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir du texte même de la demande en référé (ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R, Rec. p. II‑15, point 34 ; du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission, T‑306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 52, et du 23 mai 2005, Dimos Ano Liosion e.a./Commission, T‑85/05 R, Rec. p. II‑1721, point 37).

31      Il s’ensuit qu’une demande en référé ne saurait être utilement complétée, en vue de remédier à des déficiences, par un mémoire postérieur, déposé par la partie requérante, le cas échéant, en réponse aux observations de la partie adverse. L’ouverture d’une telle possibilité de « rattrapage » serait incompatible non seulement avec la célérité requise en matière de référé, mais aussi, et surtout, avec l’esprit de l’article 109 du règlement de procédure en vertu duquel, en cas de rejet d’une demande en référé, la partie requérante ne peut présenter une autre demande que si cette dernière est « fondée sur des faits nouveaux ».

32      En l’espèce, il y a donc lieu de rejeter d’emblée tous les éléments – à l’exception des éléments notoires, tels que l’adoption de la loi du 15 novembre 2008 – que la requérante a invoqués pour la première fois dans son mémoire du 25 novembre 2008, afin d’établir l’urgence, dans la mesure où elle aurait déjà pu les présenter dans la demande en référé.

33      Cela étant constaté, il est évident que, à la date d’introduction de la présente demande en référé, soit le 21 octobre 2008, le dommage dont la requérante prétendait qu’il lui serait causé en cas de récupération de la prétendue aide d’État ne pouvait être qualifié de préjudice certain ou établi avec un degré de probabilité suffisant. En effet, la décision attaquée, adoptée le 4 juin 2008, prévoit un délai de dix mois, à compter de la date de sa notification, pour la récupération des aides d’État visées (article 5), le montant exact des aides à récupérer devant être calculé par la République de Hongrie sur la base d’une simulation appropriée et selon une méthodologie spécifique (article 4). Or, le 21 octobre 2008, la requérante n’était confrontée qu’à un projet de loi dont elle reconnaissait, elle-même, qu’il était susceptible d’être modifié au cours du débat parlementaire (points 49 et 54 de la demande en référé). À cette date, il n’existait donc pas encore, en Hongrie, de cadre juridique définitif régissant la procédure de récupération et, notamment, les détails du calcul des aides d’État à rembourser selon les modalités de l’article 4 de la décision attaquée (simulation appropriée et méthodologie spécifique). Dans ces conditions, la demande en référé doit être considérée comme prématurée.

34      Cette appréciation ne change pas substantiellement lorsqu’il est tenu compte des éléments notoires postérieurs au dépôt de la demande en référé, à savoir l’adoption de la loi du 15 novembre 2008, le préjudice allégué restant purement hypothétique en ce qu’il est fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains.

35      En effet, la loi du 15 novembre 2008 énonce, en ses articles 4 et 5, d’une part, que le montant des aides d’État à rembourser à l’État hongrois devra être déterminé sur la base d’une méthode de calcul approuvée préalablement par la Commission et décrite dans une réglementation séparée et, d’autre part, que les coûts échoués (définis à l’article 2, point 1), seront déductibles du montant à rembourser, étant précisé que la méthode de calcul de ces coûts ainsi que le montant afférent à chaque opérateur individuel seront exposés dans une réglementation séparée, après avoir été approuvés par la Commission. En vertu de l’article 6 de ladite loi, l’office de l’énergie hongrois déterminera tant le montant des aides d’État à rembourser que celui des coûts échoués éventuellement à déduire. Enfin, l’article 11 de la loi du 15 novembre 2008 habilite le gouvernement hongrois à régler, par voie de décret, tous les détails du calcul des montants à rembourser et à déduire.

36      Or, il ressort du dossier que ces différentes étapes de la procédure visant à determiner le montant à rembourser par la requérante n’avaient pas encore été franchies à la date d’adoption de la présente ordonnance. Eu égard aux nombreuses incertitudes existant quant au montant définitif à rembourser, il ne saurait donc être question de la survenance imminente d’un préjudice grave et irréparable pour la requérante.

37      En l’absence de méthodes approuvées par la Commission en matière de calcul du montant des coûts échoués déductibles et de la somme définitive à rembourser, le calcul que la requérante a opéré, elle-même, pour obtenir un montant d’environ 4 milliards de HUF, apparaît dénué de pertinence dans le cadre de la présente procédure de référé. En effet, la requérante a reconnu que ce chiffre reposait sur une évaluation approximative et sur des prix d’électricité difficilement modélisables (point 56 de la demande en référé). En outre, elle a admis que, dans le calcul du montant d’environ 4 milliards de HUF, elle n’avait pas tenu compte d’éventuels coûts échoués déductibles (point 22 du mémoire du 25 novembre 2008).

38      En tout état de cause, ainsi que la requérante l’a expressément indiqué, le montant d’environ 4 milliards de HUF est le résultat d’une estimation du montant à rembourser dans l’hypothèse qui lui serait la plus défavorable. Or, il est évident qu’un préjudice calculé en fonction de l’hypothèse qui lui serait la plus défavorable, qui ne tient d’ailleurs pas compte d’une possibilité de compensation expressément prévue dans la réglementation pertinente, ne constitue pas un préjudice certain ou, à tout le moins, établi avec une probabilité suffisante, au sens de la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus. Le calcul par la requérante du montant d’environ 4 milliards de HUF ne saurait donc être, le cas échéant, d’une certaine utilité que pour les besoins financiers de la requérante elle-même, en ce sens qu’elle sera à même, en se fondant sur une telle prévision défavorable pour elle, de prendre en temps utile les mesures de précaution nécessaires afin d’assurer le remboursement imposé, lorsque la somme définitive à verser sera déterminée.

39      Il convient d’ajouter que le préjudice invoqué par la requérante en l’espèce a un caractère purement financier, en ce qu’il consiste en une somme d’argent qu’elle devrait rembourser à l’État hongrois.

40      Or, il est de jurisprudence bien établie qu’un préjudice d’ordre purement financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut normalement faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [ordonnance du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, point 113 ; ordonnance du président du Tribunal du 15 juin 2001, Bactria/Commission, T‑339/00 R, Rec. p. II‑1721, point 94].

41      En présence d’un risque de préjudice purement financier, la mesure provisoire sollicitée ne se justifie que s’il apparaît que, en l’absence d’une telle mesure, le requérant se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de l’arrêt mettant fin à la procédure au principal (ordonnance du président du Tribunal du 3 décembre 2002, Neue Erba Lautex/Commission, T‑181/02 R, Rec. p. II‑5081, point 84).

42      Il a cependant été jugé que même l’insolvabilité éventuelle d’une entreprise n’impliquait pas nécessairement que la condition relative à l’urgence soit remplie. En effet, l’appréciation de la situation matérielle d’une entreprise doit prendre en considération, notamment, les caractéristiques du groupe auquel elle se rattache par son actionnariat (ordonnance du président du Tribunal du 2 mai 2007, IPK International – World Tourism Marketing Consultants/Commission, T‑297/05 R, non publiée au Recueil, point 59 ; voir également, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 7 mars 1995, Transacciones Marítimas e.a./Commission, C‑12/95 P, Rec. p. I‑467, point 12), ce qui peut amener le juge des référés à estimer que la condition de l’urgence n’est pas remplie malgré l’état d’insolvabilité prévisible de l’entreprise [voir ordonnance du président de la Cour du 18 octobre 2002, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑232/02 P(R), Rec. p. I‑8977, point 56, et la jurisprudence citée].

43      Dans ce contexte, il s’agit d’apprécier si le préjudice allégué peut être qualifié de grave au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de l’entreprise requérante ainsi que des caractéristiques du groupe auquel elle appartient [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 23 mai 1990, Comos-Tank e.a./Commission, C‑51/90 R et C‑ 59/90 R, Rec. p. I‑2167, point 26, et du 15 avril 1998, Camar/Commission et Conseil, C‑43/98 P(R), Rec. p. I‑1815, point 36, et la jurisprudence citée ; ordonnances Transacciones Marítimas e.a./Commission, point 42 supra, point 12, et IPK International – World Tourism Marketing Consultants/Commission, point 42 supra, point 59].

44      La requérante s’oppose à une telle approche en faisant valoir que le chiffre d’affaires du groupe auquel elle appartient est dénué de pertinence pour l’appréciation de la gravité de son dommage personnel étant donné que, d’une part, aucune des sociétés qui la contrôlent au sein de ce groupe n’est obligée, ni d’ailleurs disposée, à lui accorder le moindre soutien financier et, d’autre part, elle n’est pas une filiale à 100 % de sa société mère (Pannonpower Holding Vagyonkezelő), cette dernière n’étant pas davantage détenue à 100 % par sa propre société mère (Dalkia Energia Energetikai Szolgáltató).

45      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la prise en considération du chiffre d’affaires du groupe auquel appartient la société concernée repose sur l’idée que les intérêts objectifs de cette dernière ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des personnes qui la contrôlent. Le caractère grave du dommage allégué doit donc être apprécié également par rapport à la situation financière desdites personnes. Cette coïncidence des intérêts justifie que l’intérêt de la société concernée à survivre ne soit pas apprécié indépendamment de l’intérêt que ceux qui la contrôlent portent à sa pérennité (voir, en ce sens, ordonnance HFB e.a./Commission, point 28 supra, point 62 ; ordonnances du président du Tribunal Le Canne/Commission, point 28 supra, point 40, et du 7 décembre 2001, Lior/Commission, T‑192/01 R, Rec. p. II‑3657, point 55).

46      En tout état de cause, dans le cadre de l’évaluation de la situation financière d’une société qui invoque l’existence d’un préjudice propre, la question centrale est de savoir si cette société dispose d’autres sources potentielles de revenus qui pourraient l’aider à limiter son préjudice, ce qui requiert une appréciation cas par cas tenant compte des circonstances de fait et de droit qui caractérisent chaque affaire (voir, en ce sens, ordonnance HFB e.a./Commission, point 28 supra, point 57). Or, les sociétés appartenant à un groupe ou ayant un ou plusieurs actionnaires importants se trouvent dans une situation particulière, en ce qui concerne la possibilité d’une assistance fournie par d’autres personnes, laquelle doit donc être prise en considération par le juge des référés [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, DSR-Senator Lines/Commission, C‑364/99 P(R), Rec. p. I‑8733, point 55].

47      Il convient de préciser que cette jurisprudence relative à la prise en considération de la situation du groupe auquel appartient la société invoquant un préjudice grave et irréparable n’exige pas que le taux d’affiliation entre les différents membres du groupe s’élève à 100 %. Ainsi, il doit être tenu compte de la taille et du chiffre d’affaires d’une société mère, même si elle ne détient pas la totalité des parts de la société filiale concernée, à condition que la seconde dépende « directement ou indirectement » de la première (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 13 juillet 2006, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06 R, Rec. p. II‑2491, point 111, et du 28 mars 2007, IBP et International Building Products France/Commission, T‑384/06 R, non publiée au Recueil, point 66). En outre, il suffit que la personne qui exerce le contrôle sur la société concernée en soit le « propriétaire principal » (ordonnance HFB e.a./Commission, point 28 supra, point 64) ou l’« actionnaire majoritaire » détenant 80 % de ses parts (ordonnance du président du Tribunal du 21 juillet 1999, DSR-Senator Lines/Commission, T‑191/98 R, Rec. p. II‑2531, points 65 et 69).

48      En l’espèce, il est constant que la requérante est une filiale à 89,94 % de la société Pannonpower Holding Vagyonkezelő – qui peut donc être considérée comme étant son « propriétaire principal » – et que cette dernière est, pour sa part, détenue à 99,94 % par la société Dalkia Energia Energetikai Szolgáltató. La requérante fait ainsi partie du groupe Dalkia, dont elle dépend d’une manière à tout le moins indirecte, qui, selon le site Internet de ce groupe, est le leader européen des services énergétiques et dont l’actionnariat est composé de Veolia Environnement (anciennement Vivendi) à 66 % et d’Électricité de France (EDF) à 34 %.

49      Or, force est de constater que la requérante n’a fourni à aucun stade de la procédure le moindre élément permettant d’apprécier les caractéristiques financières du groupe Dalkia, ni d’ailleurs aucun élément fiable – tel qu’une déclaration d’un dirigeant dûment habilité de Dalkia – de nature à démontrer l’absence d’intérêt de sa société mère à son soutien, alors que de telles précisions auraient dû être exposées dans le texte de la demande en référé (voir point 30 ci-dessus). La requérante n’a pas non plus prétendu, et encore moins établi, que sa société mère ou d’autres sociétés appartenant au groupe Dalkia étaient empêchées de lui apporter leur soutien financier (voir, en ce sens, ordonnance DSR-Senator Lines/Commission, point 46 supra, point 52).

50      En conséquence, le juge des référés ne peut apprécier la gravité du préjudice allégué par la requérante en mettant en relation ce préjudice avec le chiffre d’affaires total du groupe auquel elle appartient (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 26 février 2007, Sumitomo Chemical Agro Europe/Commission, T‑416/06 R, non publiée au Recueil, points 71 et 72).

51      La requérante n’ayant nullement étayé ses affirmations quant à la gravité du préjudice financier qui découlerait de l’exécution de l’obligation de récupération imposée par la décision attaquée, la condition relative à l’urgence n’est pas satisfaite.

52      Il convient d’ajouter, à titre surabondant, que cette conclusion est confirmée par l’analyse des données publiquement accessibles. En effet, il ressort des sites Internet respectifs que, d’une part, que le groupe Dalkia compte plus de 54 000 collaborateurs dans 38 pays et que son chiffre d’affaires s’est élevé à plus de 7 milliards d’euros en 2007 et, d’autre part, que les chiffres d’affaires des entreprises Veolia Environnement et EDF se sont élevés respectivement à 32 milliards d’euros et à 59 milliards d’euros en 2007. Eu égard à ces chiffres, d’une part, il ne paraît guère probable que le préjudice financier invoqué par la requérante, appartenant au groupe Dalkia, puisse être qualifié de grave. D’autre part, rien ne permet d’estimer que ce groupe ne soit pas disposé, le cas échéant, à accorder son soutien financier pour assurer la survie de la requérante sur le marché hongrois, d’autant plus que le groupe Dalkia vient de l’acquérir en 2007 en tant que « la plus importante centrale biomasse de Hongrie ».

53      Au demeurant, même un refus unilatéral d’assistance de la part du groupe Dalkia ne suffirait pas, en principe, à exclure la prise en compte de la situation financière de ce groupe. L’étendue du dommage allégué ne saurait en effet dépendre de la volonté unilatérale de la société mère du groupe auquel appartient une société qui sollicite le sursis à exécution, dans une situation – telle que celle de la requérante – où les intérêts desdites sociétés appartenant à un même groupe se confondent objectivement [voir, en ce sens et par analogie, ordonnances du président de la Cour DSR-Senator Lines/Commission, point 46 supra, points 50 et 54, et du 23 mars 2001, FEG/Commission, C‑7/01 P(R), Rec. p. I‑2559, point 46]. Il ne pourrait en être autrement que si la requérante établissait que sa société mère est empêchée de lui apporter son soutien financier (ordonnance DSR-Senator Lines/Commission, point 46 supra, point 52). Cependant, la requérante s’est abstenue de fournir cette preuve.

54      En tout état de cause, le dommage allégué ne saurait être regardé comme irréparable, ni même comme difficilement réparable, dès lors qu’il peut faire l’objet d’une compensation financière ultérieure de la part de la Commission en cas d’annulation de la décision attaquée. La requérante n’a, notamment, pas établi qu’elle serait empêchée d’obtenir une telle compensation par voie d’un éventuel recours en indemnité en vertu de l’article 288 CE (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 10 novembre 2004, European Dynamics/Commission, T‑303/04 R, Rec. p. II‑3889, point 72, et la jurisprudence citée).

55      À cet égard, il convient de rappeler que l’incertitude liée à la réparation d’un préjudice pécuniaire dans le cadre d’un éventuel recours en indemnité ne saurait être considérée, en elle-même, comme une circonstance de nature à établir le caractère irréparable d’un tel préjudice. En effet, au stade du référé, la possibilité d’obtenir ultérieurement réparation d’un préjudice pécuniaire dans le cadre d’un recours en dommages et intérêts qui pourrait être intenté à la suite d’une éventuelle annulation de l’acte attaqué est nécessairement incertaine. Or, la procédure en référé n’a pas pour objet de se substituer à un tel recours en dommages et intérêts pour éliminer cette incertitude [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 2001, Commission/Euroalliages e.a., C‑404/01 P(R), Rec. p. I‑10367, points 71 à 73].

56      Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’est pas parvenue à démontrer qu’elle subirait un préjudice grave et irréparable si le sursis à exécution demandé n’était pas octroyé.

57      Le rejet de la demande en référé inhérent au défaut d’urgence est corroboré par la mise en balance des différents intérêts en présence.

58      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE prévoit que, si la Commission constate qu’une aide d’État n’est pas compatible avec le marché commun, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine. Il s’ensuit que l’intérêt général au nom duquel la Commission exerce les fonctions qui lui sont confiées par l’article 88, paragraphe 2, CE et par l’article 7 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] CE (JO L 83, p. 1), afin de garantir que le fonctionnement du marché commun ne soit pas faussé par des aides d’État nuisibles à la concurrence, est d’une importance particulière. En effet, l’obligation pour l’État membre concerné de supprimer une aide incompatible avec le marché commun vise au rétablissement de la situation antérieure (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 4 avril 2002, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01 R, Rec. p. II‑2153, point 113, et la jurisprudence citée).

59      Par conséquent, il a été décidé que, dans le cadre d’une demande de sursis à l’exécution de l’obligation imposée par la Commission de rembourser une aide illégalement versée déclarée incompatible avec le marché commun, l’intérêt communautaire doit normalement, sinon presque toujours, primer celui du bénéficiaire de l’aide d’éviter l’exécution de l’obligation de la rembourser avant le prononcé de l’arrêt devant intervenir au principal (ordonnance Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, point 58 supra, point 114).

60      Ce n’est qu’en présence de circonstances exceptionnelles et dans l’hypothèse où, notamment, la condition relative à l’urgence est remplie que le bénéficiaire d’une telle aide peut obtenir l’octroi de mesures provisoires (voir, en ce sens, ordonnance Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, point 58 supra, points 115 et 116).

61      Or, en l’espèce, la requérante ne remplit pas la condition relative à l’urgence et n’établit pas qu’elle serait confrontée à des circonstances exceptionnelles qui pourraient justifier une pondération des intérêts en cause en faveur de l’octroi de mesures provisoires.

62      En conséquence, la demande en référé doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la condition relative au fumus boni juris est remplie.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 23 janvier 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le hongrois.