Language of document : ECLI:EU:T:2014:1065

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

11 décembre 2014 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale NAMMU – Motif relatif de refus – Preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure – Article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) n° 207/2009 et règle 22, paragraphes 2 à 4, du règlement (CE) n° 2868/95 »

Dans l’affaire T‑498/13,

Nanu-Nana Joachim Hoepp GmbH & Co. KG, établie à Brême (Allemagne), représentée par Mes A. Nordemann, T. Boddien et M. Maier, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles)(OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Vincci Hoteles SA, établie à Alcobendas (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 27 juin 2013 (affaire R 611/2012‑1), relative à une procédure de nullité entre Nanu-Nana Joachim Hoepp GmbH & Co. KG et Vincci Hoteles SA,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 septembre 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 18 décembre 2013,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 3 avril 2014,

à la suite de l’audience du 16 octobre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 3 août 2006, Vincci Hoteles SA a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal NAMMU.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, notamment, des classes 3 et 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, notamment, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; produits pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; (préparations abrasives) savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » ;

–        classe 44 : « Soins d’hygiène et de beauté pour êtres humains ou pour animaux ; services de salons de beauté, physiothérapie, massage et manucure ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 52/2006, du 25 décembre 2006.

5        Le 5 juillet 2007, le signe a été enregistré en tant que marque communautaire, sous le numéro 5238704.

6        Le 10 mars 2011, la requérante, Nanu-Nana Joachim Hoepp GmbH & Co. KG, a présenté à l’OHMI une demande visant à faire déclarer la nullité de la marque en cause en tant qu’elle désignait les produits et services énumérés au point 3 ci-dessus.

7        À l’appui de cette demande en nullité, la requérante a invoqué la marque verbale allemande antérieure NANU, enregistrée le 19 août 1997 sous le numéro 39 647 710. Cette marque désigne, notamment, des produits relevant de la classe 3, parmi lesquels figurent des « préparations pour soins de beauté et pour l’hygiène corporelle » et des « huiles essentielles et huiles parfumées ». La demande en nullité reposait sur ces deux catégories de produits (ci-après les « produits invoqués à l’appui de la demande en nullité »).

8        La titulaire de la marque communautaire contestée a invité la requérante à apporter la preuve de l’usage sérieux de cette marque antérieure, conformément à l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009.

9        Par décision du 25 janvier 2012, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité au motif que l’usage sérieux de la marque antérieure n’était pas prouvé.

10      Le 26 mars 2012, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation.

11      Par décision du 27 juin 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a en effet estimé que les preuves de l’usage de la marque antérieure étaient insuffisantes.

12      À l’appui de cette conclusion, elle a estimé que la demande de preuve de l’usage sérieux était recevable, de sorte que la requérante était tenue d’apporter la preuve d’un tel usage au cours de la période de cinq ans précédant la date de dépôt de la demande en nullité, soit du 10 mars 2006 au 9 mars 2011, ainsi qu’au cours de la période de cinq ans précédant la date de publication de la demande de la marque contestée, soit du 25 décembre 2001 au 24 décembre 2006. L’usage sérieux dont il s’agissait devait, selon elle, avoir été fait en Allemagne pour les produits couverts par la marque invoquée à l’appui de la demande en nullité.

13      En l’espèce, pour démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure, divers documents ont été produits. Cependant, ils n’étaient, selon la chambre de recours, pas suffisants.

14      Tout d’abord, les déclarations sous serment produites par la requérante ne mentionnaient que des chiffres d’affaires globaux se rapportant aux ventes de produits relevant de la classe 3, sans autre précision, de sorte que la chambre de recours a estimé qu’il ne pouvait être exclu, à la lecture de ces déclarations, que d’autres produits que ceux invoqués à l’appui de la demande en nullité, mais relevant, eux aussi, de la classe 3, aient pu contribuer à générer les chiffres d’affaires globaux auxquels il était fait référence. Dans ces conditions, il était, selon elle, impossible de tirer avec certitude des conclusions quant à la durée et à l’importance de l’usage de la marque antérieure pour les produits invoqués à l’appui de la demande en nullité.

15      Ensuite, la chambre de recours a considéré que les photographies produites n’étaient pas, à elles seules, « concluantes » et ne témoignaient pas de la commercialisation, en Allemagne, au cours de la période pertinente, des produits invoqués à l’appui de la demande en nullité. Autrement dit, selon elle, le lieu de l’usage n’était pas davantage établi.

16      Enfin, la chambre de recours a indiqué qu’elle n’était pas convaincue par l’allégation de la requérante, selon laquelle elle n’aurait pas été en mesure de produire d’autres documents, comme, par exemple, des factures ou des catalogues.

 Procédure et conclusions des parties

17      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

18      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

19      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique tiré de la violation de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009. Elle soutient que, contrairement à ce qu’a estimé la chambre de recours, la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux en Allemagne pour les produits invoqués à l’appui de la demande en nullité.

 Observations liminaires

20      Il convient de rappeler qu’il résulte du considérant 10 du règlement n° 207/2009 que le législateur de l’Union a estimé que la protection d’une marque antérieure n’était justifiée que dans la mesure où celle-ci était effectivement utilisée. En conformité avec cet objectif, l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 prévoit que le titulaire d’une marque communautaire peut requérir la preuve que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire sur lequel elle est protégée au cours des cinq années qui précèdent la date de la demande en nullité. En outre, si la marque antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins à la date de publication de la demande de marque communautaire, le titulaire de la marque antérieure apporte également la preuve que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur ce territoire au cours des cinq années qui précèdent cette publication.

21      Par ailleurs, en vertu de la règle 22, paragraphes 3 et 4, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 207/2009 (JO L 303, p. 1), qui est applicable mutatis mutandis dans les procédures de nullité en vertu de la règle 40, paragraphe 6, du même règlement, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure et se limite en principe à la production de pièces justificatives comme, par exemple, des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 78 paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009.

22      Selon une jurisprudence constante, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque [arrêts du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, Rec, EU:C:2012:816, point 29, et du 16 janvier 2014, Optilingua/OHMI – Esposito (ALPHATRAD), T‑538/12, EU:T:2014:9, point 27].

23      Pour déterminer si l’usage d’une marque antérieure revêt un caractère sérieux, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (voir arrêt ALPHATRAD, point 22 supra, EU:T:2014:9, point 29 et jurisprudence citée).

24      C’est à la lumière de ces observations qu’il convient d’examiner les arguments avancés par la requérante au soutien de son moyen unique.

 Sur le moyen unique

25      La requérante soutient que la preuve de l’usage sérieux d’une marque peut être apportée par tout moyen, et notamment, comme cela résulte de l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009, à l’aide de déclarations écrites faites sous serment, lesquelles constituent des éléments de preuve « concrets et objectifs ».

26      Elle fait valoir que, en l’espèce, il ressort précisément d’une déclaration écrite (ci-après la « première déclaration écrite ») faite le 18 septembre 2011, sous serment, par le conseiller juridique de la société Nanu‑Nana Einkaufs- und Verwaltungsgesellschaft mbH, appartenant au même groupe qu’elle et à qui elle a accordé une licence (ci-après la « société licenciée »), que la marque antérieure avait été utilisée de manière ininterrompue depuis son enregistrement en 1997. Elle soutient par ailleurs que cette même déclaration écrite, ainsi que celle établie le 24 mai 2012 par la personne responsable du département des importations et gestionnaire de la qualité au sein de la société licenciée (ci-après la « deuxième déclaration écrite »), indiquent que la marque antérieure a été utilisée en Allemagne dans plus de 250 magasins exploités par cette société. La requérante poursuit en soulignant que la nature de l’usage de la marque a été démontrée à l’aide de photographies de produits. Enfin, elle précise que l’importance de l’usage a également été prouvée. En effet, elle estime qu’ont été précisés la nature des « produits concrets » portant cette marque, le nombre de produits vendus sous cette marque de 2001 à 2011, ainsi que le chiffre d’affaires correspondant à ces ventes.

27      La requérante ajoute qu’il importe peu d’identifier les produits qui ont porté la marque antérieure. Selon elle, pour déterminer si cette marque a fait l’objet d’un usage sérieux, il faut uniquement déterminer si elle a été utilisée pour désigner les produits invoqués à l’appui de la demande en nullité. Or, les deux déclarations écrites produites devant les instances de l’OHMI établissent, à son avis, un tel usage, dès lors qu’elles précisent que la marque antérieure a été utilisée en permanence pour de tels produits, et ce de la manière exposée dans des photographies jointes auxdites déclarations.

28      La requérante continue en faisant valoir que, si elle n’a pas produit de factures pour démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure, c’est en raison des modalités spécifiques d’achat et de distribution de ses produits, à savoir que, lors de la vente, seul un ticket de caisse est émis, lequel ne précise pas la marque des produits, et que, lors de l’achat aux fournisseurs, la marque n’est pas davantage précisée. Ainsi, les factures qu’elle aurait pu produire n’auraient pas porté la mention de la marque antérieure et auraient été insusceptibles de prouver son usage sérieux. De même, la requérante indique que, si elle n’a pu produire des publicités relatives à ses produits portant la marque antérieure, c’est parce qu’elle ne fait pas de publicité pour les produits « concrets » qu’elle vend, lesquels sont des produits à bas prix.

29      À cet égard, la requérante se prévaut de l’arrêt du 16 décembre 2008, Deichmann-Schuhe/OHMI – Design for Woman (DEITECH) (T‑86/07, EU:T:2008:577), qui a été rendu dans une affaire de marque communautaire relative à une procédure d’opposition, dans laquelle une partie, titulaire de marques antérieures contestées, invoquait également l’impossibilité de produire des factures en vue de prouver l’usage sérieux de ces marques. En particulier, la requérante cite les points 61 et 62 de cet arrêt, dans lesquels le Tribunal a considéré que, au vu de la conjonction des circonstances particulières de l’espèce, les déclarations solennelles fournies par la partie en cause devaient être considérées comme des preuves appropriées et suffisantes de l’usage des marques antérieures contestées et que, compte tenu du mode de distribution spécifique de ses produits, une conclusion différente aboutirait à dénier toute valeur probante à ces déclarations solennelles.

30      Dans ces conditions, la requérante soutient que le fait de ne pas reconnaître les deux déclarations écrites produites devant les instances de l’OHMI et les photographies qui les accompagnent comme étant des preuves suffisantes de l’usage de la marque antérieure reviendrait à dénier toute valeur probante à celles-ci, ce qui serait contraire à l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009.

31      La requérante admet que, si des déclarations faites sous serment comprennent, notamment, des irrégularités ou des contradictions ou bien encore si elles sont entachées de confusion, elles ne peuvent être considérées comme des preuves suffisantes de l’usage sérieux d’une marque. En revanche, selon elle, lorsqu’une déclaration ne comporte pas de tels vices, elle est susceptible de se suffire à elle-même. Or, tel serait le cas en l’espèce. Il n’existerait aucune raison objective, d’après elle, de douter de la véracité des indications contenues dans les déclarations écrites qu’elle a produites devant les instances de l’OHMI, d’autant plus que la chambre de recours n’a pas estimé que la marque antérieure était utilisée d’une manière autre que celle indiquée dans ces déclarations. La requérante soutient enfin que l’exactitude des déclarations écrites qu’elle a produites ne peut être remise en cause au seul motif qu’elles émanent de préposés d’une société relevant de son groupe.

32      Cependant, la requérante joint à sa requête une nouvelle déclaration écrite, datée du 2 septembre 2013, faite sous serment par la personne responsable du département des importations et gestionnaire de la qualité de la société licenciée (ci-après la « troisième déclaration écrite »). Cette troisième déclaration sous serment viendrait, selon ses propres termes, « confirmer » les deux déclarations écrites antérieures et préciser, à l’aide d’un tableau de données établi le 31 août 2011 et issu du système informatique de gestion des marchandises de la société licenciée de la requérante, les produits, les quantités et la valeur des ventes des produits relevant de la classe 3 qui ont été distribués par elle de 2001 à 2011. Par ailleurs, alors même qu’elle n’a été produite que devant le Tribunal, cette troisième déclaration écrite serait recevable au motif précisément qu’elle ne serait que la confirmation des déclarations antérieures.

33      L’OHMI fait, quant à lui, valoir que ces arguments ne peuvent qu’être écartés.

34      Au regard de ces arguments, il convient de relever que, pour conclure qu’il n’était pas établi que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux au titre des deux périodes visées à l’article 57 du règlement n° 207/2009, c’est-à-dire au titre des cinq années précédant la date de la demande en nullité et au titre des cinq années précédant la date de la publication de la demande de la marque communautaire contestée, la chambre de recours a estimé, en substance, que les offres de preuve produites par la requérante afin de prouver l’usage de cette marque ne comprenaient pas d’indications suffisantes sur le lieu, la durée et l’importance de son usage pour les produits invoqués à l’appui de la demande en nullité.

35      Il convient également de relever que la requérante, qui conteste cette conclusion, invoque trois déclarations écrites faites sous serment par des préposés de la société licenciée, ainsi que, d’une part, les photographies jointes à la première de ces déclarations et, d’autre part, les photographies et le tableau annexés à la troisième d’entre elles. Elle considère par ailleurs que les deux premières de ces déclarations écrites constituent des preuves suffisantes, dès lors qu’elles ne sont pas entachées d’irrégularités ou d’incohérences, la troisième de ces déclarations écrites n’ayant, selon elle, qu’une valeur confirmative.

36      À cet égard, le Tribunal relève, en premier lieu, qu’il résulte de l’article 65 du règlement n° 207/2009 que des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’OHMI ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le Tribunal et que ce dernier ne peut réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, la légalité d’une décision d’une chambre de recours de l’OHMI doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont elle pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (arrêts du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, Rec, EU:C:2008:739, points 137 et 138, et du 25 octobre 2013, Biotronik SE/OHMI – Cardios Sistemas (CARDIO MANAGER), T‑416/11, EU:T:2013:559, point 19).

37      Or, en l’espèce, la troisième déclaration écrite, datée du 2 septembre 2013, a été produite par la requérante pour la première fois devant le Tribunal. Il en va de même s’agissant du tableau de données, daté du 31 août 2011, qui accompagne cette déclaration, ce tableau émanant directement, d’après les indications fournies par la requérante, d’un système informatique de gestion des marchandises. Par ailleurs, ces deux documents comportent des données chiffrées qui ne figurent pas sur les première et deuxième déclarations écrites. Ces deux documents ne peuvent donc pas, en tout état de cause, être regardés comme de simples confirmations de ces dernières. Par suite, le Tribunal ne saurait contrôler la légalité de la décision attaquée en se fondant sur ces deux documents, qui n’avaient pas été produits devant les instances de l’OHMI. Ceux-ci sont ainsi irrecevables, comme le soutient l’OHMI.

38      En second lieu, selon une jurisprudence constante, la circonstance qu’une déclaration écrite faite sous serment émane d’un préposé de la société qui l’invoque ne peut, à elle seule, priver cette déclaration écrite de toute valeur probante [voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2012, Süd‑Chemie/OHMI – Byk-Cera (CERATIX), T‑312/11, EU:T:2012:296, point 30 et jurisprudence citée]. Il en va de même lorsque, comme en l’espèce, la déclaration écrite faite sous serment émane, non pas d’un préposé de la société qui l’invoque, mais d’un préposé d’une société du même groupe. Toutefois, contrairement à ce que prétend la requérante, les énonciations d’une déclaration écrite faite sous serment par une personne liée, de quelque manière que ce soit, à la société qui l’invoque doivent, en tout état de cause, être corroborées par d’autres éléments de preuve [ordonnance du 21 octobre 2013, Lyder Enterprises/OCVV – Liner Plants (1993) (SOUTHERN SPLENDOUR), T‑367/11, EU:T:2013:585, point 49, et arrêt du 12 mars 2014, Globosat Programadora/OHMI – Sport TV Portugal (SPORT TV INTERNACIONAL), T‑348/12, EU:T:2014:116, points 32 et 33].

39      En l’espèce, dans la première déclaration écrite, il est indiqué que le groupe auquel appartient la requérante utilise principalement trois marques distinctes, dont la marque antérieure. Il est précisé par ailleurs que la marque antérieure est « utilisée en Allemagne au moins depuis 1997 pour des milliers de produits différents, et entre autres pour des biens de la classe 3 ». Il est aussi fait observer que, de 2001 à 2011, plus de 4,5 millions de produits relevant de la classe 3 ont été vendus, pour un chiffre d’affaires total de plus de 10 millions d’euros pour la seule classe 3. Au nombre des produits ainsi vendus figurent, « par exemple », d’après ladite déclaration, de l’ombre à paupières, du rouge à lèvres, de la laque, des parfums, des savons, des shampoings, des huiles essentielles, des huiles de parfum, des huiles de massage, des pots-pourris, des sels de bain et des additifs pour le bain. Enfin, la première déclaration écrite conclut en rappelant le chiffre d’affaires annuel, réalisé de 2001 au 31 août 2011, « pour les biens de la classe 3 sous la marque [antérieure] en Allemagne ».

40      Quatre jeux de photographies sont joints à la première déclaration écrite. Il s’agit, premièrement, de deux photographies d’un panier-cadeau comprenant un gel douche et une lotion corporelle, deuxièmement, de deux photographies représentant une boîte de savons, troisièmement, d’une photographie d’une tablette effervescente pour le bain et, quatrièmement, de deux photographies représentant une bouteille d’huile de massage.

41      La deuxième déclaration écrite « confirme » l’exactitude des informations livrées par la première. Elle indique, par ailleurs, que la marque antérieure est généralement imprimée sur des étiquettes ou des autocollants apposés sur les produits destinés à la vente et que les consommateurs ne reçoivent pas de factures, mais uniquement des tickets de caisse, lesquels ne mentionnent pas la marque dont il s’agit. Elle précise aussi que les factures émises par les fournisseurs ne mentionnent pas la marque, mais uniquement la désignation des produits. Dans ces conditions, d’après la deuxième déclaration écrite, il n’est pas possible de prouver l’usage de la marque antérieure à l’aide de factures.

42      Le Tribunal relève qu’aucun de ces documents ne prouve que la marque antérieure a été utilisée sérieusement au titre des périodes pertinentes, en Allemagne, pour désigner les produits invoqués à l’appui de la demande en nullité.

43      Tout d’abord, si la première déclaration écrite indique, approximativement, le nombre de produits relevant de la classe 3 ayant été vendus sous la marque antérieure de 2001 à 2011 ainsi que le chiffre d’affaires correspondant à ces ventes, elle ne précise ni le volume ni la valeur des ventes des produits invoqués à l’appui de la demande en nullité. Or, d’une part, il ressort des pièces du dossier de la procédure devant l’OHMI que ces produits, à savoir les « préparations pour soins de beauté et pour l’hygiène corporelle » et les « huiles essentielles et huiles parfumées », ne sont pas les seuls produits de la classe 3 désignés par la marque antérieure, dans la mesure où celle-ci désigne également des « lotions capillaires ». D’autre part, il ne saurait être exclu, a priori, que des produits compris dans la classe 3, mais pour lesquels la marque antérieure n’avait pas été enregistrée, aient pu être vendus sous cette marque. Par suite, les indications fournies par la première déclaration ne permettent pas de déterminer la réalité de l’usage de la marque antérieure. A fortiori, elles ne démontrent pas l’importance de cet usage en Allemagne, au titre des périodes pertinentes.

44      Pour parvenir à une conclusion différente, il faudrait, en tout état de cause, présumer que les produits invoqués à l’appui de la demande en nullité ont constitué une part non négligeable des ventes de produits relevant de la classe 3.

45      Or, selon une jurisprudence constante, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné (voir arrêts CARDIO MANAGER, point 36 supra, EU:T:2013:559, point 33, et ALPHATRAD, point 22 supra, EU:T:2014:9, point 32 et jurisprudence citée). C’est donc à juste titre que la chambre de recours a refusé de se fonder sur de telles présomptions.

46      La circonstance que la première déclaration écrite livre des exemples de certains produits vendus sous la marque antérieure n’est pas davantage de nature à infirmer la conclusion énoncée au point 43 ci-dessus. En effet, il est certes exact que certains des produits ainsi mentionnés à titre d’exemples sont au nombre de ceux invoqués à l’appui de la demande en nullité. Toutefois, aucune précision n’est donnée dans cette déclaration écrite sur le volume et la valeur des ventes les concernant. Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, les seules indications chiffrées qui sont données dans cette déclaration écrite concernent, de manière générale, les produits de la classe 3.

47      Il en va de même des photographies reproduites en annexe à la première déclaration écrite et produites à nouveau devant le Tribunal en annexe à la troisième déclaration écrite, qui n’ont trait qu’à cinq produits distincts et qui, eu égard à leur faible nombre, ne sont pas à même de démontrer un usage sérieux de la marque antérieure. De surcroît, comme l’a relevé la chambre de recours, les étiquettes apposées sur les produits photographiés sont presque toutes rédigées en anglais ou dans une autre langue, différente de l’allemand, de sorte que les photographies en cause ne peuvent, à elles seules, démontrer la réalité de l’usage de la marque antérieure en Allemagne.

48      Enfin, si la deuxième déclaration écrite prétend « confirmer » l’exactitude de la première déclaration écrite, elle n’apporte aucune indication supplémentaire quant aux quantités et à la valeur des ventes afférentes aux produits invoqués à l’appui de la demande en nullité. Au même titre que la première déclaration écrite, elle ne saurait donc prouver la réalité de l’usage de la marque antérieure. Pour le surplus, cette deuxième déclaration écrite expose les raisons pour lesquelles il semblait vain à la requérante de produire à l’appui de ses prétentions des factures. Mais, ce faisant, elle ne contribue pas à démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure.

49      En définitive, au terme d’une appréciation globale des offres de preuve produites par la requérante devant les instances de l’OHMI, il convient de conclure que c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure n’avait pas été apportée devant elle et en a déduit que la demande en nullité fondée sur cette marque ne pouvait prospérer.

50      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’arrêt DEITECH, point 29 supra (EU:T:2008:577), dont les points 61 et 62 sont invoqués par la requérante. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, le présent cas d’espèce se distingue clairement de celui soumis à l’appréciation du Tribunal dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt.

51      À cet égard, d’une part, à la différence de la requérante dans la présente affaire, la partie requérante dans l’affaire DEITECH avait produit, en sus des déclarations écrites de ses préposés, des brochures qui, selon le Tribunal, constituaient des pièces justificatives suffisamment concrètes et objectives, de nature à corroborer les déclarations solennelles produites dans l’espèce en cause, à tout le moins en ce qui concerne le lieu de l’usage, sa durée ainsi que la nature du produit pour lequel les marques antérieures avaient été utilisées (arrêt DEITECH, point 29 supra, EU:T:2008:577, point 50).

52      D’autre part, en ce qui concerne l’importance de l’usage des marques antérieures, le Tribunal a relevé dans l’arrêt DEITECH, point 29 supra (EU:T:2008:577, points 49 et 57), que les déclarations qui étaient en en cause contenaient « des indications précises quant aux volumes de vente de chaussures revêtues de la [marque antérieure] et quant aux chiffres d’affaires réalisés au titre de ces ventes ». En revanche, comme le Tribunal l’a constaté aux points 43 à 48 ci-dessus, les documents produits dans la présente affaire par la requérante ne sont pas suffisamment précis.

53      Par ailleurs, le Tribunal a également considéré dans l’arrêt DEITECH, point 29 supra (EU:T:2008:577, points 59 et 60), que les difficultés invoquées par la partie requérante dans cette affaire à produire des éléments probants autres que des déclarations solennelles étaient plausibles compte tenu du mode de distribution spécifique retenu. En revanche, dans la présente affaire, il doit être relevé que, comme l’a souligné la chambre de recours, la requérante aurait pu produire devant les instances de l’OHMI d’autres éléments de preuve que les deux déclarations écrites qu’elle a fournies, tels que des extraits de sa comptabilité analytique ou des documents tirés d’un progiciel de gestion identifiant les ventes des produits invoqués à l’appui de la demande en nullité, ce qu’elle s’est d’ailleurs employée à faire, tardivement, devant le Tribunal (voir point 37 ci-dessus). Ainsi, en tout état de cause, ces deux déclarations écrites n’étaient pas les seuls éléments de preuve dont la requérante pouvait se prévaloir afin de démontrer l’importance de l’usage de la marque antérieure.

54      Ainsi, dans l’arrêt DEITECH, point 29 supra (EU:T:2008:577), c’est au vu de la conjonction de circonstances particulières, à savoir le caractère précis des indications contenues dans les déclarations écrites produites par la partie requérante dans l’affaire en cause et le caractère plausible de ses difficultés à fournir d’autres éléments probants, que le Tribunal a conclu que les déclarations solennelles produites par cette partie requérante devaient être considérées comme des preuves tant appropriées que suffisantes en ce qui concernait l’importance de l’usage de la marque. Or il résulte des points 52 et 53 ci-dessus que de telles circonstances font défaut en l’espèce.

55      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen unique et, par voie de conséquence, le recours dans son ensemble

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

57      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Nanu-Nana Joachim Hoepp GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 décembre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.