Language of document : ECLI:EU:T:2015:374

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

11 juin 2015 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Documents concernant l’attribution de marchés publics et la conclusion des contrats en découlant – Demande visant à produire les documents dans le cadre d’une procédure pénale – Refus d’accès – Exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu – Exception relative à la protection du processus décisionnel »

Dans l’affaire T‑496/13,

Colin Boyd McCullough, demeurant à Thessalonique (Grèce), représenté par Me G. Matsos, avocat,

partie requérante,

contre

Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop), représenté initialement par M. C. Lettmayr, en qualité d’agent, puis par Mme M. Fuchs, en qualité d’agent, assistée initialement de Me E. Petritsi, avocat, puis de Mes Petritsi et E. Roussou, puis de Mes Roussou et P. Anestis, avocats, et enfin de Me Anestis,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du Cedefop du 15 juillet 2013 refusant l’accès aux procès-verbaux de son conseil de direction, à ceux de son bureau et à ceux du groupe de pilotage « Knowledge Management System », établis pour la période courant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2005, une demande d’ordonner au Cedefop de fournir les documents demandés et une demande d’autoriser, en vertu de l’article 16 du règlement (CEE) n° 337/75 du Conseil, du 10 février 1975, portant création d’un centre européen pour le développement de la formation professionnelle (JO L 39, p. 1), et de l’article 1er du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne, les autorités nationales grecques à violer les locaux et bâtiments du Cedefop, conformément aux lois grecques applicables, enquêter, perquisitionner et confisquer dans ces locaux et bâtiments, afin de se procurer les documents demandés et d’enquêter sur d’éventuelles infractions,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz (rapporteur) et Mme V. Tomlejnović, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 janvier 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige et décision attaquée

1        Le requérant, M. Colin Boyd McCullough, a été employé par le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) de juin 1991 jusqu’à la fin de l’année 2007, notamment en tant qu’assistant personnel du directeur de septembre 1997 à septembre 2005.

2        Par une lettre du 21 mai 2013, le requérant a saisi, sur le fondement du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), le Cedefop d’une demande d’accès aux procès-verbaux de toutes les réunions de son conseil de direction, de son bureau et du groupe de pilotage « Knowledge Management System » (système de gestion des connaissances) (ci-après le « KMS »), pour la période allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2005, en affirmant avoir besoin de ces documents pour compléter sa défense dans le cadre d’une procédure judiciaire entre lui et le Cedefop, pendante devant les tribunaux grecs.

3        Le 11 juin 2013, le Cedefop a répondu à la demande du requérant, en refusant l’accès à tous les documents demandés (ci-après la « décision initiale ») sur le double fondement de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, concernant le risque d’atteinte à la vie privée et à l’intégrité de l’individu, et de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du même règlement, concernant le risque d’atteinte au processus décisionnel lorsque la décision en question a été prise.

4        Le Cedefop a fait valoir que les documents demandés étaient de nature préparatoire et contenaient des opinions à usage exclusivement interne, leur divulgation pouvant porter sérieusement atteinte au processus décisionnel sans qu’existe un intérêt public supérieur justifiant leur divulgation. Il a en outre indiqué ne pas être en possession des procès-verbaux du KMS, à la suite de l’audit effectué par le service d’audit interne de la Commission européenne (ci-après le « SAI ») et l’Office européenne de lutte antifraude (OLAF), s’interrogeant sur l’existence même de ces procès-verbaux et notant que tous les documents pertinents avaient été transmis par l’OLAF aux autorités grecques compétentes. Il a également précisé ne pas être plaignant mais partie civile dans la procédure pénale engagée par les autorités judiciaires grecques à l’encontre de plusieurs personnes, notant que le requérant avait un accès complet aux documents figurant dans cette procédure, laquelle n’avait aucune incidence sur la demande d’accès aux documents.

5        Par une lettre du 26 juin 2013, le requérant a adressé au Cedefop une demande confirmative d’accès aux documents, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001. Il a reproché au Cedefop une interprétation trop extensive et floue des exceptions au droit d’accès invoquées, ainsi que l’absence d’examen spécifique et concret du risque d’atteinte aux intérêts protégés par ces exceptions. Il a contesté la remarque du Cedefop quant à la possible inexistence des procès-verbaux du KMS, faisant valoir qu’il était rapporteur de ce groupe de pilotage et avait rédigé lui-même ces documents. Il a considéré que l’appréciation portée sur le caractère non pertinent de la procédure pénale en cours était erronée et qu’elle violait le principe d’égalité des armes, dénonçant le double rôle du Cedefop, partie dans une procédure pénale et détenteur de l’autorité publique. Enfin, il a indiqué avoir informé les autorités judiciaires grecques du sens de la décision initiale.

6        Par une décision du 15 juillet 2013, le Cedefop a rejeté la demande confirmative du requérant et a refusé l’accès aux documents demandés (ci-après la « décision attaquée »).

7        Dans la décision attaquée, le Cedefop a fondé le refus d’accès aux documents demandés sur l’exception tirée du risque d’atteinte à la vie privée et à l’intégrité de l’individu, prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, et sur l’exception tirée du risque d’atteinte au processus décisionnel, prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001.

8        S’agissant de la mise en œuvre de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, le Cedefop a considéré que les noms des membres de son conseil de direction et de son bureau, figurant dans leurs procès-verbaux, constituaient des données à caractère personnel protégées par cette disposition et par le règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1), et que l’accès d’un tiers à ces documents pouvait conduire à une atteinte sérieuse à la vie privée et à l’intégrité desdits membres, leurs opinions et leurs vues sur les sujets discutés ressortant clairement de ces documents.

9        S’agissant de la mise en œuvre de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001, le Cedefop a considéré que la divulgation des procès-verbaux l’empêcherait de disposer, dans le futur, d’une opinion libre et complète des membres de ses organes décisionnels, étant donné qu’elle amènerait ces personnes à s’autocensurer, ce qui aurait pour conséquence de porter une atteinte grave à son processus décisionnel, même une fois les décisions prises. Il a également considéré que la demande d’accès et l’intérêt avancé par le requérant étaient de nature privée et qu’il n’existait aucun intérêt public supérieur en faveur de la divulgation sollicitée.

10      S’agissant des procès-verbaux du KMS, le Cedefop a répété ne pas les détenir et a indiqué ne pas pouvoir confirmer leur existence, eu égard à l’absence, jusqu’en 2005, d’une politique cohérente d’enregistrement des documents en son sein. Sur ce point, il a également relevé que le requérant ne se serait pas soumis aux obligations incombant aux membres du personnel quittant leurs fonctions, quant à la remise de leurs documents au département compétent et au chef de la bibliothèque et de la documentation. Il a également fait état du contenu du rapport final de l’OLAF concernant les appels d’offres irréguliers qui auraient eu lieu durant les années 2001 à 2005, notamment sur l’absence d’un système d’enregistrement du courrier. Enfin, le Cedefop a demandé au requérant de se retenir de formuler des allégations infondées et incohérentes au sujet de manquements au droit pénal grec et quant à son rôle de partie civile dans les procédures judiciaires en cours.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 septembre 2013, le requérant a introduit le présent recours.

12      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner au Cedefop de lui fournir les documents demandés ;

–        autoriser, en vertu de l’article 16 du règlement (CEE) n° 337/75 du Conseil, du 10 février 1975, portant création d’un centre européen pour le développement de la formation professionnelle (JO L 39, p. 1), et de l’article 1er du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne, les autorités nationales grecques (judiciaires, de police, administratives ou toute autre) à violer les locaux et bâtiments du Cedefop, conformément aux lois grecques applicables, enquêter, perquisitionner et confisquer dans ces locaux et bâtiments, afin de se procurer les documents demandés et d’enquêter sur d’éventuelles infractions qui ont pu être commises par toute personne à cette occasion ;

–        condamner le Cedefop aux dépens.

13      Le Cedefop conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme partiellement irrecevable et comme partiellement non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

14      Le Cedefop soutient que les deuxième et troisième chefs de conclusions du recours doivent être rejetés comme irrecevables, les conclusions en annulation de la décision attaquée étant, selon lui, non fondées.

 Sur la recevabilité

 Sur la recevabilité des conclusions aux fins d’ordonner au Cedefop de fournir les documents demandés

15      Le Cedefop rappelle que le Tribunal est incompétent pour adresser des injonctions aux institutions de l’Union et que les conclusions en ce sens doivent être rejetées comme irrecevables.

16      Il y a lieu d’observer que, selon la jurisprudence, le juge de l’Union n’est pas habilité à adresser des injonctions aux institutions de l’Union dans le cadre de la compétence d’annulation qui lui est conférée par l’article 263 TFUE. En effet, conformément à l’article 264 TFUE, le Tribunal a uniquement la possibilité d’annuler l’acte attaqué. C’est à l’institution concernée qu’il appartient de prendre, en vertu de l’article 266 TFUE, les mesures que comporte l’exécution d’un éventuel arrêt d’annulation en exerçant, sous le contrôle du juge de l’Union, le pouvoir d’appréciation dont elle dispose à cet effet dans le respect aussi bien du dispositif et des motifs de l’arrêt qu’elle est tenue d’exécuter que des dispositions du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 24 janvier 1995, Ladbroke Racing/Commission, T‑74/92, Rec, EU:T:1995:10, point 75, et du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA, T‑339/10 et T‑532/10, Rec, EU:T:2013:38, point 77).

17      Dans la réplique, le requérant demande au Tribunal de reconsidérer la jurisprudence exposée au point 16 ci-dessus, au motif qu’elle ne permet pas de garantir une mise en œuvre adéquate des droits conférés par les articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lorsque le droit à un procès équitable est délibérément violé par une institution. Or, le pouvoir des institutions de mettre en œuvre les arrêts d’annulation pourrait conduire à des abus, afin d’empêcher les citoyens européens d’exercer leurs droits fondamentaux. En vue d’appliquer ces droits, il serait nécessaire d’étendre la protection juridictionnelle du citoyen aux hypothèses dans lesquelles une injonction est adressée aux institutions.

18      Sur ce point, il y a lieu de rappeler que l’Union est une Union de droit dans laquelle ses institutions sont soumises au contrôle de la conformité de leurs actes, notamment, avec les traités, les principes généraux du droit ainsi que les droits fondamentaux (arrêts du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, Rec, EU:C:2013:625, point 91, et du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, Rec, EU:C:2013:852, point 56).

19      Le contrôle juridictionnel du respect de l’ordre juridique de l’Union est assuré, ainsi qu’il ressort de l’article 19, paragraphe 1, TUE, par la Cour de justice de l’Union européenne et les juridictions des États membres. À cette fin, le traité FUE a, par ses articles 263 TFUE et 277 TFUE, d’une part, et par son article 267 TFUE, d’autre part, établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes de l’Union, en le confiant au juge de l’Union (arrêts Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 18 supra, EU:C:2013:625, points 90 et 92, et Telefónica/Commission, point 18 supra, EU:C:2013:852, point 57).

20      Il y a également lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’absence d’autres possibilités de recours juridictionnel ne saurait en tant que telle fonder un titre de compétence du juge de l’Union, dans un système juridique fondé sur le principe des compétences d’attribution (voir, en ce sens, arrêts du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec, EU:C:2002:462, points 44 et 45 ; Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 18 supra, EU:C:2013:625, point 81, et ordonnance du 7 juin 2004, Segi e.a./Conseil, T‑338/02, Rec, EU:T:2004:171, point 38).

21      Dans ce contexte, il doit être souligné que l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, s’il confère le droit à un recours effectif, n’a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, ainsi qu’il découle également de la partie des explications relatives à la charte des droits fondamentaux afférente à cet article. Lesdites explications doivent, conformément à l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et à l’article 52, paragraphe 7, de la charte des droits fondamentaux, être prises en considération pour l’interprétation de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, point 18 supra, EU:C:2013:625, point 97 et jurisprudence citée).

22      Dès lors, sauf à méconnaître complètement le système des voies de recours établi par le traité, il n’est pas possible de reconnaître aux justiciables le droit de demander au Tribunal d’enjoindre aux institutions de l’Union de faire ou de ne pas faire une action déterminée en vue de leur garantir une protection juridictionnelle effective.

23      En outre, dans l’hypothèse où, à l’issue de l’examen du présent recours, le Tribunal annulerait la décision attaquée, l’obligation de l’institution de l’Union d’exécuter un arrêt d’annulation rendu par le juge de l’Union, découlant de l’article 266 TFUE, devrait conduire le Cedefop, auteur de la décision annulée, à éliminer cette illégalité dans la décision destinée à se substituer à celle-ci, qui devrait intervenir dans un délai raisonnable. Si tel n’était pas le cas, le requérant serait en droit, conformément à l’article 265 TFUE, d’inviter le Cedefop à agir en ce sens et, pour le cas où celui-ci n’aurait pas pris position, de saisir le Tribunal d’un recours en carence visant à faire constater l’illégalité du refus de l’institution. Par ailleurs, dans l’hypothèse où, à la suite de l’invitation à agir, le Cedefop adopterait une nouvelle décision rejetant la demande d’accès aux documents, le requérant pourrait en demander l’annulation au Tribunal dans les conditions prévues à l’article 263 TFUE.

24      S’agissant de la référence faite à l’article 48, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux, lequel garantit le respect des droits de la défense à tout accusé, le requérant considère que, même si le Tribunal annulait la décision attaquée, le Cedefop pourrait retarder la divulgation des documents demandés au point qu’ils ne seraient plus utiles à sa défense dans la procédure devant les juridictions grecques.

25      Sur ce point, l’argumentation du requérant n’est pas très précise et ne permet pas de comprendre à coup sûr si la violation des droits de la défense qu’il invoque serait commise dans le cadre de la procédure pénale devant les juridictions grecques ou dans celui de la procédure administrative qui serait conduite par le Cedefop en cas d’annulation de la décision attaquée.

26      Dans la première hypothèse, force est de constater que le Tribunal ne détient aucun titre de compétence pour examiner directement si une procédure pénale suivie devant une juridiction d’un État membre respecte les droits de la défense garantis à tout accusé, tels qu’ils sont inscrits à l’article 48, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux.

27      Dans la seconde hypothèse, il convient de rappeler que, si la décision attaquée était annulée, le Cedefop devrait éliminer l’illégalité, telle que constatée dans le jugement du Tribunal mettant fin à la présente procédure, de la décision destinée à se substituer à la décision attaquée et devant intervenir dans un délai raisonnable (voir point 23 ci-dessus), étant précisé que l’annulation de la décision attaquée ne saurait nécessairement conduire à la divulgation des documents demandés par le requérant. En tout état de cause, les droits de la défense visés à l’article 48, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux ne sont pas invocables dans une procédure administrative telle que celle prévue par les dispositions du règlement n° 1049/2001.

28      Par conséquent, les conclusions du requérant visant à ce que le Tribunal ordonne au Cedefop de lui fournir les documents auxquels l’accès lui a été refusé ne sont pas recevables.

 Sur la recevabilité des conclusions aux fins d’autoriser les autorités judiciaires grecques à violer les locaux du Cedefop

29      Le Cedefop soutient que les conclusions visant à demander au Tribunal qu’il autorise les autorités judiciaires grecques à violer ses locaux sont irrecevables au double motif qu’elles ne sont pas cohérentes avec l’objet de la présente procédure et que le Tribunal ne peut enjoindre aux autorités grecques d’enquêter ou de confisquer les documents en cause.

30      L’article 16 du règlement n° 337/75 prévoit que le protocole sur les privilèges et immunités de l’Union s’applique au Cedefop.

31      Selon l’article 1er du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, les locaux et les bâtiments de l’Union sont inviolables, ils sont exempts de perquisition, de réquisition, de confiscation ou d’expropriation, les biens ou les avoirs de l’Union ne pouvant faire l’objet d’aucune mesure de contrainte administrative ou judiciaire sans une autorisation de la Cour. Dans ces conditions, il appartient à la personne demandant la mesure de contrainte en cause de demander à la Cour d’autoriser la levée de l’immunité (ordonnances du 24 novembre 2005, Gil do Nascimento e.a./Commission, C‑5/05 SA, EU:C:2005:723, point 11, et du 19 novembre 2012, Marcuccio/Commission, C‑1/11 SA, EU:C:2012:729, point 22).

32      Il découle de la logique de l’article 1er du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union que seule la personne ou l’entité qui cherche à exécuter elle-même la mesure de contrainte administrative ou judiciaire envisagée par elle peut présenter une demande en ce sens.

33      Or, le requérant demande la levée de l’immunité qui protège les locaux du Cedefop afin qu’un tiers, en l’occurrence les autorités judiciaires grecques, puisse y pénétrer et y enquêter. Dès lors, les conditions de saisine du juge de l’Union d’une demande de levée de l’immunité, telles qu’elles sont prévues à l’article 1er du protocole sur les privilèges et immunités de l’Union, ne sont pas respectées.

34      Par suite, les conclusions aux fins d’autoriser les autorités judiciaires grecques à violer les locaux du Cedefop sont irrecevables.

 Sur le bien-fondé des conclusions en annulation de la décision attaquée

35      Au soutien de ses conclusions en annulation, le requérant soulève cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation du droit de l’Union par une interprétation erronée de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001. Par le deuxième moyen, est invoquée une violation du droit de l’Union par une interprétation erronée de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001. Le troisième moyen est tiré du caractère suspect de la dénégation par le Cedefop de l’existence des procès-verbaux du KMS. Le quatrième moyen vise un manquement à l’obligation du Cedefop d’adopter des modalités pratiques d’application du règlement n° 1049/2001 et l’application par analogie de celles arrêtées par la Commission. Le cinquième moyen est tiré de la violation des droits du requérant en tant que personne mise en cause dans une procédure pénale.

 Considérations liminaires

36      Il y a lieu de rappeler que, conformément à son considérant 1, le règlement n° 1049/2001 s’inscrit dans la volonté exprimée à l’article 1er, deuxième alinéa, TUE, inséré par le traité d’Amsterdam, de marquer une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens. Ainsi que le rappelle le deuxième considérant dudit règlement, le droit d’accès du public aux documents des institutions se rattache au caractère démocratique de ces dernières (arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, Rec, EU:C:2008:374, point 34, et du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, Rec, EU:C:2011:496, point 72).

37      À cette fin, le règlement n° 1049/2001 vise, comme l’indiquent son considérant 4 et son article 1er, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible (arrêts Suède et Turco/Conseil, point 36 supra, EU:C:2008:374, point 33, et Suède/MyTravel et Commission, point 36 supra, EU:C:2011:496, point 73).

38      Certes, ce droit n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé. Plus spécifiquement, et en conformité avec son considérant 11, ledit règlement prévoit, à son article 4, un régime d’exceptions autorisant les institutions à refuser l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par cet article (arrêt Suède/MyTravel et Commission, point 36 supra, EU:C:2011:496, point 74).

39      Néanmoins, dès lors que de telles exceptions dérogent au principe d’accès le plus large possible du public aux documents, elles doivent être interprétées et appliquées strictement (arrêts Suède et Turco/Conseil, point 36 supra, EU:C:2008:374, point 36, et Suède/MyTravel et Commission, point 36 supra, EU:C:2011:496, point 75).

40      Ainsi, lorsque l’institution concernée décide de refuser l’accès à un document dont la communication lui a été demandée, il lui incombe, en principe, de fournir des explications quant aux questions de savoir de quelle manière l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 que cette institution invoque (arrêt Suède/MyTravel et Commission, point 36 supra, EU:C:2011:496, point 76). En outre, le risque d’une telle atteinte doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (arrêts Suède et Turco/Conseil, point 36 supra, EU:C:2008:374, point 43, et Suède/MyTravel et Commission, point 36 supra, EU:C:2011:496, point 76).

41      Il importe également de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence que, lors de l’examen de la relation existant entre les règlements n° 1049/2001 et n° 45/2001 en vue de l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, à savoir la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, il faut garder à l’esprit que lesdits règlements ont des objectifs différents. Le premier vise à assurer la plus grande transparence possible du processus décisionnel des autorités publiques ainsi que des informations qui fondent leurs décisions. Il vise donc à faciliter au maximum l’exercice du droit d’accès aux documents ainsi qu’à promouvoir de bonnes pratiques administratives. Le second vise à assurer la protection des libertés et des droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, lors du traitement de données à caractère personnel (arrêts du 29 juin 2010, Commission/Bavarian Lager, C‑28/08 P, Rec, EU:C:2010:378, point 49, et du 23 novembre 2011, Dennekamp/Parlement, T‑82/09, EU:T:2011:688, point 23).

42      Les règlements n° 45/2001 et n° 1049/2001 ne comportant pas de dispositions prévoyant expressément la primauté de l’un sur l’autre, il convient, en principe, d’assurer leur pleine application (arrêts Commission/Bavarian Lager, point 41 supra, EU:C:2010:378, point 56, et Dennekamp/Parlement, point 41 supra, EU:T:2011:688, point 24).

43      L’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, sur lequel le Cedefop a, notamment, fondé son refus d’accès aux documents demandés dans la décision attaquée, prévoit que « [l]es institutions refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation porterait atteinte à la protection […] de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation [de l’Union] relative à la protection des données à caractère personnel ». Il ressort de la jurisprudence qu’il s’agit d’une disposition indivisible qui exige que l’atteinte éventuelle à la vie privée et à l’intégrité de l’individu soit toujours examinée et appréciée en conformité avec la législation de l’Union relative à la protection des données à caractère personnel, notamment avec le règlement no 45/2001. Cette disposition établit ainsi un régime spécifique et renforcé de protection d’une personne dont les données à caractère personnel pourraient, le cas échéant, être communiquées au public (arrêts Commission/Bavarian Lager, point 41 supra, EU:C:2010:378, points 59 et 60, et Dennekamp/Parlement, point 41 supra, EU:T:2011:688, point 25).

44      Lorsqu’une demande fondée sur le règlement n° 1049/2001 vise à obtenir l’accès à des documents comprenant des données à caractère personnel, les dispositions du règlement n° 45/2001 deviennent intégralement applicables, y compris l’article 8 de celui-ci (arrêts Commission/Bavarian Lager, point 41 supra, EU:C:2010:378, point 63, et Dennekamp/Parlement, point 41 supra, EU:T:2011:688, point 26).

45      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner l’argumentation du requérant.

46      Il convient d’examiner, tout d’abord, le troisième moyen de la demande d’annulation de la décision attaquée, qui porte, en substance, sur l’identification des documents détenus par le Cedefop, puis les premier et deuxième moyens, par lesquels le requérant conteste les exceptions au droit d’accès aux documents qui lui ont été opposées.

 Sur le troisième moyen, tiré du caractère suspect de la dénégation de l’existence des procès-verbaux du KMS

47      Par ce moyen, le requérant estime, principalement, que le directeur par intérim du Cedefop n’est pas sincère en affirmant, dans la décision attaquée, qu’il est douteux que les procès-verbaux du KMS aient jamais existé, puisqu’il était directeur adjoint pendant une partie de la période pour laquelle ces documents sont demandés et qu’il était impliqué dans toutes les activités et réunions du KMS. En outre, le requérant considère que les déclarations faites dans la décision initiale et celles faites dans la décision attaquée sont contradictoires, le directeur par intérim du Cedefop indiquant, d’abord, que les procès-verbaux du KMS ne sont plus en possession du Cedefop à la suite de l’audit du SAI et de l’OLAF, ensuite, qu’il est douteux que ces documents aient jamais existé et, enfin et de manière erronée, que le requérant n’a pas remis les documents liés à l’exercice de ses fonctions lors de son départ du Cedefop, un tel manquement ne lui ayant pas été reproché avant l’adoption de la décision attaquée.

48      Le Cedefop conteste l’argumentation du requérant.

49      Il résulte des termes de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 que la possibilité pour une institution ou un organe de l’Union de faire droit à une demande d’accès suppose, à l’évidence, que les documents visés dans ladite demande existent [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 12 octobre 2000, JT’s Corporation/Commission, T‑123/99, Rec, EU:T:2000:230, point 58, et du 25 juin 2002, British American Tobacco (Investments)/Commission, T‑311/00, Rec, EU:T:2002:167, point 35].

50      Selon la jurisprudence, une présomption de légalité s’attache à toute déclaration des institutions relative à l’inexistence de documents demandés. Partant, une présomption de véracité s’attache à cette déclaration. Il s’agit néanmoins d’une présomption simple que le requérant peut renverser par tous moyens, sur la base d’indices pertinents et concordants [arrêt du 26 avril 2005, Sison/Conseil, T‑110/03, T‑150/03 et T‑405/03, Rec, EU:T:2005:143, point 29 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêts JT’s Corporation/Commission, point 49 supra, EU:T:2000:230, point 58, et British American Tobacco (Investments)/Commission, point 49 supra, EU:T:2002:167, point 35]. Cette présomption doit être appliquée par analogie dans l’hypothèse où l’institution déclare ne pas être en possession des documents demandés (arrêt du 19 janvier 2010, Co-Frutta/Commission, T‑355/04 et T‑446/04, Rec, EU:T:2010:15, point 155).

51      Dans la décision initiale, le Cedefop a indiqué ne pas être en possession des procès-verbaux du KMS, à la suite de l’audit effectué par le SAI et l’OLAF. Il s’interrogeait sur l’existence même de ces procès-verbaux et notait que tous les documents pertinents avaient été transmis par l’OLAF aux autorités grecques compétentes. Dans la décision attaquée, il a répété ne pas détenir les procès-verbaux et ne pas pouvoir confirmer leur existence, en raison de l’absence, jusqu’en 2005, d’une politique cohérente d’enregistrement des documents. Il a également relevé que le requérant ne s’était pas soumis aux obligations incombant aux membres du personnel quittant leurs fonctions, quant à la remise de leurs documents au département compétent et au chef de la bibliothèque et de la documentation, et que le rapport final de l’OLAF faisait notamment état de l’absence d’un système d’enregistrement du courrier.

52      Tout d’abord, contrairement à ce qu’affirme le requérant (voir point 47 ci-dessus), les éléments de réponse apportés par le Cedefop dans la décision initiale et dans la décision attaquée à la question de l’existence des procès-verbaux du KMS ne sont pas contradictoires. Le même constat ressort en effet des deux décisions, à savoir que le Cedefop n’est pas en possession de ces documents. En outre, dans les deux décisions, le Cedefop fait part de ses doutes quant à l’existence même des procès-verbaux du KMS. Certes, dans la décision initiale, la référence à l’enquête conduite par le SAI et l’OLAF peut laisser supposer que les documents en question auraient été appréhendés par ces services sans être restitués au Cedefop, alors que, dans la décision attaquée, le Cedefop sous-entend que le requérant aurait quitté ses fonctions sans avoir transféré ces documents aux services compétents. Par de telles suppositions, certes non étayées, le Cedefop ne fait que tenter d’expliquer les raisons pour lesquelles les procès-verbaux du KMS ne sont plus en sa possession.

53      Ensuite, il convient de se demander si, conformément à la jurisprudence citée au point 50 ci-dessus, le requérant a présenté des indices pertinents et concordants, capables de renverser la présomption de légalité et de véracité qui s’attache à la déclaration du Cedefop selon laquelle il n’est pas en possession des procès-verbaux du KMS.

54      Or, par son argumentation, le requérant se borne à mettre en doute la sincérité des déclarations du directeur par intérim du Cedefop, auteur de la décision attaquée, au motif qu’il aurait lui-même été directeur adjoint du Cedefop d’octobre 2004 à septembre 2010, et que, en raison de ses fonctions, il aurait été très impliqué dans toutes les activités et réunions du KMS et ainsi conscient de l’existence des procès-verbaux du KMS. Le requérant conteste également les critiques du Cedefop, formulées dans le mémoire en défense, quant au caractère irrégulier et incohérent du système d’enregistrement des documents en son sein jusqu’en 2005, en soulignant qu’il aurait pu être fait appel à ses services dans la recherche des procès-verbaux du KMS et en s’interrogeant sur les actions entreprises par le Cedefop pour trouver ces procès-verbaux.

55      Sur le plan factuel, le requérant soutient avoir régulièrement procédé au transfert de tous les dossiers qu’il détenait et n’avoir fait que rédiger les procès-verbaux du KMS, le responsable de leur conservation étant le directeur du Cedefop. Dans le mémoire en réplique, il se borne à relever que le Cedefop ne fait plus référence, dans la présente procédure, à l’enquête du SAI et de l’OLAF, alors que, s’agissant d’une enquête interne, tout document utile afférent à celle-ci aurait dû être renvoyé au Cedefop, selon la réglementation applicable.

56      Lors de l’audience, le requérant a produit deux courriels émanant d’un employé du Cedefop, respectivement datés du 12 juillet et du 2 août 2005, auxquels était annexé le procès-verbal d’une réunion du groupe de soutien aux activités « ReferNet » et du KMS qui s’était tenue le 30 juin 2005 à Bruxelles (Belgique). Interrogé sur la provenance de ces documents, le requérant a expliqué qu’ils lui avaient été communiqués lors d’une audience devant le juge grec chargé de la procédure pénale à son égard, après avoir été produits par une autre personne mise en cause dans la même procédure. Il n’a, en revanche, pas motivé le retard avec lequel il avait présenté ces preuves, contrairement à l’exigence posée par l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Par suite, elles sont irrecevables.

57      Cependant et en tout état de cause, ni les affirmations reproduites aux points 54 à 55 ci-dessus ni les documents mentionnés au point 56 ci-dessus, qui démontrent seulement l’existence d’un procès-verbal de réunion d’un groupe de travail distinct du KMS, dont les réunions font l’objet des procès-verbaux demandés par le requérant, ne constituent des indices de la possession par le Cedefop desdits procès-verbaux. Ainsi, le requérant n’apparaît pas en mesure de renverser la présomption de légalité et de véracité s’attachant à la déclaration du Cedefop quant à l’absence de détention de ces documents.

58      Dès lors, il convient d’écarter le troisième moyen et de constater que le litige ne porte finalement que sur l’accès aux procès-verbaux du conseil de direction et du bureau du Cedefop.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation du droit de l’Union par une interprétation erronée de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001

59      Dans la requête, l’argumentation est développée sur trois plans. Premièrement, le requérant considère que les noms et les fonctions des membres du conseil de direction et du bureau du Cedefop ne sont pas des données à caractère personnel. Deuxièmement, il considère que l’affirmation du Cedefop selon laquelle la divulgation des opinions et avis exprimés par les membres en question porte atteinte à leur vie privée contredit le principe de transparence, aucune jurisprudence pertinente portant sur l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 ne lui étant opposée. Troisièmement, les véritables motifs de la décision attaquée résideraient dans la situation de conflit d’intérêts du directeur par intérim du Cedefop, qui a fait des déclarations aux autorités judiciaires grecques.

60      Dans la réplique, le requérant développe le premier moyen dans trois directions. Premièrement, il note que le Cedefop n’invoque aucune raison spécifique justifiant l’application de l’exception de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 à certains documents ou parties de documents, se bornant à invoquer des raisons générales. Deuxièmement, il est d’avis que les obligations découlant du règlement n° 1049/2001 constituent des obligations légales au sens de l’article 5, sous b), du règlement n° 45/2001, le refus d’accès aux opinions des membres du conseil de direction, du bureau ou du KMS pour des raisons tenant à la protection de données à caractère personnel n’étant applicable, par exception, qu’en cas de véritable violation de la vie privée ou de l’intégrité. Troisièmement, il soutient que, en vertu de l’article 20, paragraphe 1, sous a) et c), du règlement n° 45/2001, l’obligation de protéger les données à caractère personnel cesse du fait de la procédure pénale à son égard.

61      Le Cedefop fait principalement valoir qu’il a appliqué conjointement l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 et l’article 8, sous b), du règlement n° 45/2001 à la demande d’accès du requérant, notant que, bien que celui-ci n’ait fourni aucun argument convaincant pour démontrer la nécessité du transfert des données à caractère personnel en cause, il avait mis en balance les intérêts des parties. Il considère avoir expliqué de manière suffisamment spécifique, en ayant procédé à un examen détaillé et individuel de chaque document, en quoi l’accès aux procès-verbaux du conseil de direction et du bureau du Cedefop porterait concrètement et effectivement une atteinte grave à la vie privée et à l’intégrité des membres de ces organes, ces documents exposant les opinions et avis des personnes en cause, et leur divulgation étant susceptible de nuire à la réputation de ces personnes.

62      L’argumentation du requérant dans le cadre de son premier moyen peut se diviser en trois griefs : la contestation de la notion de données à caractère personnel et l’application du règlement n° 45/2001 ; la méconnaissance du principe de transparence par l’invocation d’une atteinte à la vie privée des membres du conseil de direction et du bureau du Cedefop ; l’existence de motifs de la décision attaquée autres que ceux invoqués dans celle-ci, à savoir la situation de conflit d’intérêts du directeur par intérim du Cedefop.

63      Il convient d’examiner tout particulièrement les deux premiers griefs.

–       Sur l’existence de données à caractère personnel et l’application du règlement n° 45/2001

64      Au préalable, il y a lieu de rappeler précisément le contenu de la décision attaquée sur la mise en œuvre de l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001. La décision attaquée se lit comme suit :

« Il est évident que les noms des membres du conseil de direction du Cedefop et du bureau qui sont inclus dans les procès-verbaux de leurs réunions respectives constituent des données à caractère personnel protégées par les règlements n° 45/2001 et n° 1049/2001. En vue de leur protection, ces données ne peuvent être divulguées au public après que ces personnes ont cessé leurs fonctions.

Bien plus, les personnes susmentionnées sont protégées en tant qu’individus en vertu du règlement n° 45/2001 et de l’exception absolue introduite par l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001. Le Cedefop considère que tout accès d’un tiers aux procès-verbaux de son conseil de direction et de son bureau conduirait à une violation sérieuse de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, puisque les procès-verbaux demandés démontrent clairement les opinions et les points de vue de tous les membres participants sur les sujets discutés. »

65      Si la suite de la décision attaquée semble, à première vue, concerner l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, il est clair qu’elle introduit le motif justifiant le rejet de la demande d’accès aux documents sur le fondement de l’exception de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001, puisqu’il est fait référence à l’arrêt Suède/MyTravel et Commission, point 36 supra (EU:C:2011:496, point 86), et que l’alinéa suivant commence par la phrase selon laquelle « il en résulte que la divulgation des procès-verbaux du conseil de direction et du bureau porterait directement et sérieusement atteinte au processus décisionnel du Cedefop ».

66      Il résulte de la jurisprudence de la Cour que les noms sont des données à caractère personnel, qui sont donc protégées par les dispositions du règlement n° 45/2001 (arrêts Commission/Bavarian Lager, point 41 supra, EU:C:2010:378, point 68, et Dennekamp/Parlement, point 41 supra, EU:T:2011:688, point 27). La circonstance que les membres des organes décisionnels du Cedefop participaient aux réunions de ceux-ci dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions publiques et non dans le cadre de leur sphère privée n’a aucune incidence sur la nature de données à caractère personnel de leurs noms ni d’ailleurs la circonstance que les noms des membres du conseil de direction et du bureau ont été publiés au Journal officiel de l’Union européenne ou sur Internet (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, Rec, EU:C:2014:2250, point 111).

67      Dès lors, les noms des membres du conseil de direction et du bureau du Cedefop ne peuvent, en tant que données à caractère personnel, faire l’objet d’un transfert à un tiers sur le fondement du règlement n° 1049/2001 que lorsque ce transfert, d’une part, remplit les conditions prévues à l’article 8, sous a) ou b), du règlement n° 45/2001 et, d’autre part, constitue un traitement licite, conformément aux exigences de l’article 5 de ce même règlement (voir, en ce sens, arrêt Strack/Commission, point 66 supra, EU:C:2014:2250, point 104).

68      En outre, il incombe au demandeur d’accès d’établir la nécessité du transfert des données demandées (arrêts Commission/Bavarian Lager, point 41 supra, EU:C:2010:378, point 77, et Strack/Commission, point 66 supra, EU:C:2014:2250, point 107).

69      Dans sa lettre de demande initiale d’accès aux documents du 21 mai 2013, le requérant a fait valoir qu’il voulait un accès immédiat aux documents eu égard aux allégations faites à son égard par l’OLAF et le Cedefop dans la procédure devant les juridictions grecques et pour compléter sa défense écrite devant le juge d’instruction grec, au plus tard le 29 mai 2013, en faisant valoir qu’il n’était alors pas en position de préparer sa défense à l’égard des allégations susvisées. Dans sa demande confirmative du 26 juin 2013, le requérant a contesté les appréciations portées par le Cedefop dans la décision initiale et a réitéré sa demande d’accès, en faisant notamment valoir que celui-ci, lorsqu’il agissait en tant qu’autorité, devait lui garantir le droit à un procès équitable.

70      Eu égard à ces éléments, le requérant ne peut être regardé comme ayant établi la nécessité de transférer les données à caractère personnel en cause. En effet, force est de constater que, à l’exception de la mention d’une supposée obligation de compléter sa défense écrite devant le juge d’instruction grec avant le 29 mai 2013, ce qui aurait d’ailleurs supposé que le Cedefop prenne une décision dans un délai plus court que celui de quinze jours ouvrables prévu par l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, le requérant n’a présenté au Cedefop aucune argumentation ou justification expresses tendant à établir une telle nécessité (voir, en ce sens, arrêt Dennekamp/Parlement, point 41 supra, EU:T:2011:688, point 34). En outre, quant à l’obligation de compléter sa défense écrite, le requérant n’a apporté aucune précision ou justification quant à l’incidence de la présentation des documents demandés incluant lesdites données sur la procédure à laquelle il est partie et quant aux risques qu’aurait fait peser sur lui l’absence de présentation de ces documents au juge d’instruction grec en termes procéduraux et de bien-fondé de sa défense dans cette procédure.

71      D’ailleurs, le requérant ne conteste pas l’absence de démonstration d’une nécessité de transfert des données en cause au sens de l’article 8, sous a) ou b), du règlement n° 45/2001, puisque il se borne à invoquer les arguments déjà examinés au point 66 ci-dessus et à relever qu’il est contradictoire pour le Cedefop de considérer que des fonctions officielles de membres des organes décisionnels ne sont pas des données à caractère personnel pendant la durée d’exercice de ces fonctions et qu’elles le deviennent une fois que ces fonctions ont pris fin.

72      S’agissant de cet argument, il importe de relever que la décision attaquée contient uniquement l’appréciation selon laquelle les noms des membres du conseil de direction et du bureau du Cedefop, qui sont des données à caractère personnel, ne peuvent pas être divulgués après que les personnes concernées ont cessé d’exercer leurs fonctions (voir point 64 ci-dessus). Dès lors, le reproche effectué par le requérant est fondé sur une base erronée. Au surplus, force est de constater que l’appréciation portée par le Cedefop ne concernait pas la nature de données à caractère personnel des noms des membres des organes décisionnels, voire des fonctions exercées, mais la seule possibilité de les divulguer sur le fondement du règlement n° 1049/2001. Par suite, il convient d’écarter l’argument comme inopérant.

73      Dans la réplique, le requérant présente deux arguments relatifs à l’application du règlement n° 45/2001.

74      Premièrement, le requérant est d’avis que les obligations découlant du règlement n° 1049/2001 constituent des obligations légales au sens de l’article 5, sous b), du règlement n° 45/2001, le refus d’accès aux opinions des membres du conseil de direction et du bureau du Cedefop ou du KMS pour des raisons tenant à la protection de données à caractère personnel n’étant applicable, par exception, qu’en cas de véritable violation de la vie privée ou de l’intégrité.

75      Deuxièmement, le requérant soutient que, en vertu de l’article 20, paragraphe 1, sous a) et c), du règlement n° 45/2001, l’obligation de protéger les données à caractère personnel cesse du fait de la procédure pénale à son égard.

76      Or, il convient de rappeler la jurisprudence selon laquelle la production de moyens ou d’arguments nouveaux en cours d’instance est interdite à moins qu’ils ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure (voir, en ce sens, arrêt du 21 octobre 2010, Umbach/Commission, T‑474/08, EU:T:2010:443, point 60).

77      Les deux arguments en cause, tirés de la méconnaissance de deux dispositions distinctes du règlement n° 45/2001, constituent des arguments nouveaux qui ne se rattachent pas au premier moyen tel qu’il avait été présenté dans la requête. Si le requérant a soutenu, à l’audience, qu’il avait ainsi répondu au mémoire en défense, ces arguments ne peuvent toutefois pas être regardés comme fondés sur des éléments de droit et de fait qui se seraient révélés pendant la procédure, puisqu’il ressort à suffisance de la décision attaquée que, s’agissant du refus de divulguer les noms des membres du conseil de direction et du bureau du Cedefop, elle est fondée sur l’application du règlement n° 45/2001 (voir points 8 et 64 ci-dessus).

78      Quant à l’argument selon lequel les opinions émises par les membres du conseil de direction et du bureau du Cedefop ainsi que du KMS devraient être transmises à tout demandeur d’accès, au regard de l’article 5, sous b), du règlement n° 45/2001, il convient de noter qu’il repose sur la prémisse selon laquelle le Cedefop a considéré, dans la décision attaquée, que les décisions adoptées par le conseil de direction et le bureau du Cedefop ainsi que par le KMS étaient des données à caractère personnel. Or, rien de tel ne ressort de la décision attaquée (voir point 64 ci-dessus).

79      Par suite, il convient d’écarter l’argumentation portant sur l’application du règlement n° 45/2001. Il en résulte que c’est à bon droit que le Cedefop a refusé le transfert des données à caractère personnel que constituaient les noms des membres de son conseil de direction et de son bureau, à défaut pour le requérant d’avoir démontré la nécessité de leur transfert, ainsi que les dispositions de l’article 8, sous a) ou b), du règlement n° 45/2001 l’exigent (voir point 70 ci-dessus).

–       Sur l’absence d’atteinte à la vie privée des membres du conseil de direction et du bureau du Cedefop en raison de la divulgation de leurs opinions et avis

80      Le requérant soutient que l’affirmation du Cedefop selon laquelle la divulgation des opinions et avis exprimés par les membres des organes décisionnels de celui-ci porte atteinte à leur vie privée contredit le principe de transparence, aucune jurisprudence pertinente portant sur l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 ne lui étant opposée. Il relève que le Cedefop n’a invoqué aucune raison spécifique justifiant l’application de l’exception de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 à certains documents ou parties de documents, se bornant à invoquer des raisons générales, et que le refus d’accès aux opinions des membres du conseil de direction ou du bureau pour des raisons tenant à la protection de données à caractère personnel n’est applicable qu’en cas de véritable violation de la vie privée ou de l’intégrité.

81      En substance, le requérant reproche au Cedefop de ne pas avoir exposé de raison précise et concrète justifiant l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, à savoir l’existence d’un risque d’atteinte à la vie privée et à l’intégrité de l’individu.

82      Or, il y a lieu de rappeler que, dès lors que les exceptions de l’article 4 du règlement n° 1049/2001 dérogent au principe d’accès le plus large possible du public aux documents, elles doivent être interprétées et appliquées strictement (arrêts Suède et Turco/Conseil, point 36 supra, EU:C:2008:374, point 36 ; Suède/MyTravel et Commission, point 36 supra, EU:C:2011:496, point 75, et du 28 mars 2012, Egan et Hackett/Parlement, T‑190/10, EU:T:2012:165, point 88).

83      Il en découle que l’examen requis pour le traitement d’une demande d’accès à des documents doit revêtir un caractère concret. En effet, la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière. Une telle application ne saurait, en principe, être justifiée que dans l’hypothèse où l’institution a préalablement apprécié si l’accès au document porterait concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé. En outre , le risque d’atteinte à l’intérêt protégé doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (arrêts Suède/MyTravel et Commission, point 36 supra, EU:C:2011:496, point 76, du 7 juin 2011, Toland/Parlement, T‑471/08, Rec, EU:T:2011:252, point 29, et Egan et Hackett/Parlement, point 82 supra, EU:T:2012:165, point 89).

84      Ainsi, si une institution décide de refuser l’accès à un document dont la divulgation lui a été demandée, il lui incombe de fournir des explications quant à la question de savoir comment l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêts Suède et Turco/Conseil, point 36 supra, EU:C:2008:374, point 49, et Egan et Hackett/Parlement, point 82 supra, EU:T:2012:165, point 90).

85      En ce qui concerne l’absence d’examen concret et précis du risque d’atteinte à la vie privée des membres du conseil de direction et du bureau du Cedefop, force est de constater que la lecture de la décision attaquée confirme le caractère très lacunaire de l’analyse conduite par le Cedefop (voir point 64 ci-dessus). Il y est uniquement soutenu que les personnes concernées sont protégées en tant qu’individus en vertu du règlement n° 45/2001 et de l’exception absolue introduite par l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 et que tout accès par un tiers aux différents procès-verbaux demandés conduirait à une violation sérieuse de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, puisque ces documents démontreraient clairement les opinions et les points de vue de tous les membres participant sur les sujets discutés.

86      Seul le second motif figurant dans cette partie de la décision attaquée constitue une justification du refus d’accès aux documents demandés au regard de l’intérêt protégé par l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, puisque le premier motif ne fait que rappeler que les individus sont protégés par cette disposition. Cependant, en constatant que la divulgation des procès-verbaux demandés exposerait les opinions et les points de vue exprimés par les membres participant aux réunions qu’ils relatent, le Cedefop, contrairement à ce qu’il affirme en défense, n’a pas procédé à un examen démontrant que l’accès à ces documents porterait concrètement et effectivement atteinte à la vie privée desdits membres au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, ni vérifié si le risque d’atteinte à l’intérêt protégé était raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir, en ce sens, arrêt Egan et Hackett/Parlement, point 82 supra, EU:T:2012:165, point 93).

87      En effet, d’une part, il n’est pas possible de comprendre en quoi les opinions et points de vue exprimés par les participants à des réunions des organes décisionnels du Cedefop pourraient se rattacher à leur vie privée, puisqu’il s’agit de réunions professionnelles au cours desquelles les participants ont certainement pu exprimer des opinions ou points de vue personnels, mais dont il n’est pas démontré que, faute de précisions dans la décision attaquée, ils puissent porter atteinte à leur vie privée.

88      D’autre part, alors que la demande d’accès porte sur un nombre important de documents établis au cours de quatre années, la décision attaquée ne contient aucune appréciation concrète et effective de la manière dont leur divulgation pourrait porter atteinte à l’intérêt protégé par l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001. D’ailleurs, il convient de déduire d’un tel constat que le Cedefop n’a pas démontré que les documents demandés relevaient effectivement de l’exception tirée du risque d’atteinte à la vie privée (voir, en ce sens, arrêts Sison/Conseil, point 50 supra, EU:T:2005:143, point 60, et Egan et Hackett/Parlement, point 82 supra, EU:T:2012:165, point 101).

89      Le Cedefop a fait état, dans la duplique, de la jurisprudence selon laquelle, lorsqu’une personne demande l’accès à des documents au moyen d’une demande globale, l’institution est autorisée à répondre d’une manière globale.

90      Il est exact que la Cour a reconnu qu’il était loisible à l’institution concernée de se fonder, s’agissant de la question de savoir comment l’accès aux documents pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à l’article 4 du règlement n° 1049/2001, sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature (arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, Rec, EU:C:2010:376, point 54 ; du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, Rec, EU:C:2010:541, point 74, et du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, Rec, EU:C:2013:738, point 45).

91      Néanmoins, il ressort de la jurisprudence que, pour qu’une présomption générale soit valablement opposée à la personne qui demande l’accès à des documents sur le fondement du règlement n° 1049/2001, il est nécessaire que les documents demandés fassent partie d’une même catégorie de documents ou soient d’une même nature et que la communication de ces documents obéisse, par ailleurs, à des règles spécifiques prévues par un acte juridique relatif à une procédure conduite devant une institution de l’Union pour les besoins de laquelle ils ont été produits, comme en ce qui concerne, premièrement, les documents du dossier administratif afférent à une procédure de contrôle des aides d’État (voir, en ce sens, arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, point 90 supra, EU:C:2010:376, points 55 à 58), deuxièmement, les mémoires déposés par une institution dans le cadre d’une procédure juridictionnelle (voir, en ce sens, arrêt Suède e.a./API et Commission, point 90 supra, EU:C:2010:541, points 77, 78 et 96 à 98), troisièmement, les documents afférents à une procédure en manquement au stade de sa phase précontentieuse (voir, en ce sens, arrêt LPN et Finlande/Commission, point 90 supra, EU:C:2013:738, points 49 et 59 à 64) et, quatrièmement, les documents figurant dans le dossier relatif à une procédure d’application de l’article 81 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, Rec, EU:C:2014:112, points 78 et 83 à 88).

92      Or, le Cedefop n’a à aucun moment démontré que les différents documents demandés relevaient d’une même catégorie de documents, alors qu’il s’agissait de procès-verbaux de réunions de différents organes de direction, à savoir le conseil de direction et le bureau du Cedefop, et qu’il apparaît, a priori, peu probable que les sujets abordés par ces organes au cours de quatre années puissent, au contraire des cas d’espèce dont le juge de l’Union a déjà eu à connaître (voir point 91 ci-dessus), se rapporter à une seule et même procédure ou thématique. En outre, le Cedefop n’a aucunement fait état d’éventuelles règles de communication des documents demandés qui ressortiraient d’un ou de plusieurs actes juridiques autres que le règlement n° 1049/2001.

93      Par suite, il convient d’écarter cette argumentation du Cedefop sans qu’il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité, alors qu’elle a été soulevée pour la première fois dans la duplique.

94      Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments venant au soutien du premier moyen, il convient de conclure que le Cedefop n’a pas apprécié si l’accès aux documents demandés portait concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt tiré de la protection de la vie privée et de l’individu et qu’il a ainsi commis une erreur de droit.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du droit de l’Union par une interprétation erronée de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001

95      À l’appui du deuxième moyen, le requérant a développé trois griefs dans la requête. Premièrement, au vu des compétences respectives du conseil de direction et du bureau du Cedefop, leur action n’aurait pas un caractère préparatoire ou préliminaire mais décisionnel, les motifs ayant fondé leurs décisions faisant partie de la phase finale du processus décisionnel tout comme les documents dans lesquels ils figurent. Dès lors, le requérant estime que le risque d’atteinte à l’intérêt protégé par l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 ne peut fonder la décision attaquée. Deuxièmement, il considère qu’il existe une présomption selon laquelle la divulgation de documents préparatoires ne porte pas, en principe, atteinte au processus décisionnel lorsque la procédure à laquelle les documents sont liés a déjà été clôturée, à moins que l’institution saisie, sur laquelle pèse la charge de la preuve, ne présente des raisons spécifiques et non d’ordre général justifiant le risque d’atteinte. Troisièmement, le véritable motif du rejet de sa demande d’accès serait la situation de conflit d’intérêts du directeur par intérim du Cedefop.

96      Dans la réplique, le requérant relève, notamment, que le Cedefop n’invoque aucune raison spécifique justifiant l’application de l’exception de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001 à certains documents ou à certaines parties de documents et qu’il n’a jamais soutenu qu’une des décisions prises entre 2002 et 2005 avait porté sur une enquête administrative qui aurait pu être recommencée.

97      Le Cedefop considère que les documents émanant de son conseil de direction ou de son bureau sont de nature préparatoire, s’agissant de procès-verbaux de réunions tenues avant l’adoption de décisions finales, qui contiennent des réflexions, des stratégies de négociation, des scénarios possibles et des points de vue personnels. Il estime avoir expliqué, dans la décision attaquée, que la divulgation des documents demandés porterait atteinte à son processus décisionnel, en ayant une incidence négative sur la manière indépendante, objective et impartiale dont les membres des organes en question expriment leurs opinions, puisque, en cas de divulgation, il existerait un risque que ces opinions soient rendues publiques. Les auteurs des documents demandés seraient amenés à s’autocensurer, ce qui porterait atteinte à la liberté de décision du Cedefop et constituerait un risque objectif et raisonnablement prévisible d’atteinte au processus décisionnel. Il aurait également vérifié si un intérêt public supérieur en faveur de la divulgation des documents existait, l’intérêt particulier du requérant ne pouvant être pris en considération, s’agissant de ses droits privés de défense dans le cadre d’une procédure pénale.

98      S’agissant de la mise en œuvre de l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001, la décision attaquée se lit comme suit :

« D’ailleurs, toute divulgation de ces procès-verbaux empêcherait le Cedefop d’obtenir des points de vue librement exprimés et complets de la part des membres de ses organes décisionnels dans le futur, étant donné que cela les conduirait à pratiquer une autocensure avant d’exprimer leur opinion sur les sujets en discussion [...]

Il en résulterait que la divulgation des procès-verbaux du conseil de direction et du bureau porterait directement et sérieusement atteinte au processus décisionnel du Cedefop, même après que les décisions ont été prises. Les documents demandés sont par définition, en raison de leur contenu, de nature préparatoire, contiennent des opinions destinées à l’utilisation interne et font partie des délibérations et des consultations préliminaires au sein du Cedefop. »

99      Il y a lieu de relever que l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 opère une distinction claire en fonction de la circonstance qu’une procédure est clôturée ou non. Ainsi, d’une part, selon le premier alinéa de cette disposition, relève du champ d’application de l’exception visant la protection du processus décisionnel tout document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui concerne une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision. D’autre part, le second alinéa de la même disposition prévoit que, après que la décision a été prise, l’exception en cause couvre uniquement les documents contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée (arrêt Suède/MyTravel et Commission, point 36 supra, EU:C:2011:496, point 78).

100    Ce n’est dès lors que pour une partie seulement des documents à usage interne, à savoir ceux contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée, que l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001 permet d’opposer un refus même après que la décision a été prise, lorsque leur divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution (arrêt Suède/MyTravel et Commission, point 36 supra, EU:C:2011:496, point 79).

101    Il s’ensuit que le législateur de l’Union a considéré que, une fois la décision adoptée, les exigences de protection du processus décisionnel présentent une acuité moindre, de sorte que la divulgation de tout document autre que ceux mentionnés à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001 ne peut jamais porter atteinte audit processus et que le refus de divulgation d’un tel document ne saurait être autorisé, alors même que la divulgation de celui-ci aurait porté gravement atteinte à ce processus si elle avait eu lieu avant l’adoption de la décision en cause (arrêt Suède/MyTravel et Commission, point 36 supra, EU:C:2011:496, point 80).

102    Certes, la simple possibilité de se prévaloir de l’exception en question pour refuser l’accès à des documents contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée n’est nullement affectée par la circonstance que la décision a été adoptée. Toutefois, cela ne signifie pas que l’appréciation que l’institution concernée est appelée à effectuer pour établir si la divulgation d’un de ces documents est susceptible ou non de porter gravement atteinte à son processus décisionnel ne doit pas tenir compte de la circonstance que la procédure administrative à laquelle se rapportent ces documents a été clôturée (arrêt Suède/MyTravel et Commission, point 36 supra, EU:C:2011:496, point 81).

103    C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner tout particulièrement le premier grief du deuxième moyen.

104    Le requérant considère que, au regard des compétences du conseil de direction et du bureau du Cedefop, leur action est de nature décisionnelle et non préparatoire, les documents produits et les motifs qui les justifient étant également d’une telle nature, puisqu’ils sont établis au stade final du processus décisionnel. Dès lors, l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001 ne pouvait pas être appliqué.

105    En outre, dans la réplique, le requérant a fait valoir deux précisions. D’une part, il relève l’absence, dans la décision attaquée, de raison spécifique justifiant l’application de l’exception de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001 à certains documents ou à certaines parties de documents. D’autre part, il considère qu’il n’a pas été soutenu qu’une des décisions prises entre 2002 et 2005 a porté sur une enquête administrative qui aurait pu être recommencée.

106    S’agissant de l’argument selon lequel, au regard des compétences des organes en cause telles qu’elles ressortent du règlement n° 337/75, l’action de ces organes n’aurait pas un caractère préparatoire ou préliminaire, mais serait de nature décisionnelle, il n’apparaît pas déterminant à lui seul. En effet, comme le fait valoir le Cedefop, les réunions de ses organes décisionnels tenues avant l’adoption des décisions finales sur les questions traitées contiennent forcément autre chose que le libellé des décisions elles-mêmes et de leurs motifs, à savoir des réflexions, des stratégies de négociation, des scénarios possibles et des points de vue personnels. La distinction opérée par le Cedefop entre les documents relatifs aux réunions préparatoires de décisions finales sur les sujets dont les organes décisionnels sont saisis et lesdites décisions finales doit être retenue, les uns étant relatifs au processus décisionnel et se déroulant avant l’adoption des décisions, les autres reflétant le résultat de ce processus. Dès lors, l’argument ne saurait remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

107    Néanmoins, la réponse apportée par le Cedefop ne permet pas d’écarter le grief du requérant quant au fait que la décision attaquée ne comportait pas de raison spécifique justifiant l’application de l’exception tirée de la protection du processus décisionnel à certains documents ou à certaines parties de documents. En effet, si la distinction entre documents relatifs à la phase préparatoire d’élaboration des décisions et lesdites décisions elles-mêmes est pertinente, il résulte de la décision attaquée qu’il n’est pas possible de savoir comment le Cedefop a opéré cette distinction, puisqu’il ne ressort pas de cette décision que ce dernier se serait livré à un examen à l’issue duquel il aurait, d’une part, fourni des explications portant sur la manière dont l’accès aux documents demandés pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001 et, d’autre part, exposé que le risque d’une telle atteinte était raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir, en ce sens, arrêt Suède/MyTravel et Commission, point 36 supra, EU:C:2011:496, point 76).

108    Ainsi, la décision attaquée ne comporte, pour justifier l’application de l’exception tirée du risque d’atteinte au processus décisionnel même après que la décision a été prise, que deux motifs succincts et non étayés par des éléments plus concrets ressortant de son texte même.

109    Premièrement, il s’agit de l’idée selon laquelle toute divulgation des procès-verbaux de ses organes décisionnels empêcherait le Cedefop d’obtenir des points de vue librement exprimés et complets de la part des membres de ces organes dans le futur, étant donné que cela les conduirait à pratiquer une autocensure avant d’exprimer leur opinion sur les sujets en discussion. Si une telle appréciation est admissible pour justifier le refus d’accès à des documents faisant partie du processus décisionnel d’une institution ou d’un organe de l’Union, elle doit cependant être fondée sur un examen de la manière dont un tel risque peut porter concrètement et effectivement atteinte audit processus. Force est de constater qu’il n’en est rien dans la décision attaquée, le Cedefop se contentant de formuler cette appréciation, qu’il reprend telle quelle de la jurisprudence (voir, par analogie, arrêt Suède/MyTravel et Commission, point 36 supra, EU:C:2011:496, point 86), sans l’étayer en aucune manière ni présenter les raisons pour lesquelles une telle appréciation, de nature générale, serait fondée en l’espèce.

110    Deuxièmement, il s’agit de la constatation selon laquelle les documents demandés sont, par définition et en raison de leur contenu, de nature préparatoire, ils contiennent des opinions destinées à l’utilisation interne et ils font partie des délibérations et des consultations préliminaires au sein du Cedefop. Par un tel constat, le Cedefop ne se réfère cependant qu’aux conditions matérielles de mise en œuvre de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001, presque telles qu’elles figurent dans le texte de cette disposition, qui mentionne que « [l]’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée est refusé même après que la décision a été prise ». Par suite, elle ne révèle aucune appréciation concrète et effective du risque d’atteinte au processus décisionnel en l’espèce.

111    De plus, il doit être relevé que les raisons invoquées par une institution et pouvant justifier le refus d’accès à un document dont la communication a été demandée avant la clôture de la procédure administrative pourraient ne pas être suffisantes pour opposer le refus de divulgation du même document après l’adoption de la décision, sans que cette institution explique les raisons spécifiques pour lesquelles elle estime que la clôture de la procédure n’exclut pas que ce refus d’accès demeure justifié à l’égard du risque d’atteinte grave à son processus décisionnel (arrêt Suède/MyTravel et Commission, point 36 supra, EU:C:2011:496, point 82 ; voir également, par analogie, arrêt Suède e.a./API et Commission, point 90 supra, EU:C:2010:541, points 132 à 134).

112    Or, les considérations succinctes exposées dans la décision attaquée pour justifier le refus d’accès aux documents demandés ne sont aucunement étayées par des éléments circonstanciés permettant de comprendre les raisons spécifiques pour lesquelles la divulgation des procès-verbaux du conseil de direction et du bureau du Cedefop aurait été susceptible de porter gravement atteinte au processus décisionnel de ce dernier, alors même que les procédures auxquelles ces documents se rapportent ont déjà été clôturées (voir, en ce sens, arrêt Suède/MyTravel et Commission, point 36 supra, EU:C:2011:496, point 89).

113    Par ses arguments présentés en défense, le Cedefop ne fait que réitérer les appréciations contenues dans la décision attaquée ou qu’insister sur la nécessité pour lui d’obtenir des opinions formulées de façon indépendante, objective et impartiale par les membres de ses organes décisionnels, nécessité à laquelle une éventuelle divulgation porterait atteinte, affectant gravement son processus décisionnel en raison du risque d’autocensure qui en découlerait. Par ailleurs, force est de constater que, contrairement à ce qui est affirmé en défense, le Cedefop n’a fourni aucune preuve que les documents demandés contenaient des opinions à usage interne fournies dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires ni expliqué en détail en quoi leur divulgation porterait atteinte à son processus décisionnel. Enfin, il ressort des points 107 à 112 ci-dessus que, contrairement à ce qu’il soutient, le Cedefop n’a pas mené une évaluation détaillée et individuelle de chacun des procès-verbaux demandés, ni contrôlé leur teneur réelle, ni même fourni les raisons pour lesquelles leur divulgation était susceptible de porter effectivement et gravement atteinte au processus décisionnel.

114    Comme dans le cadre du premier moyen, le Cedefop a fait état, dans la duplique, de la jurisprudence selon laquelle, lorsqu’une personne demande l’accès à des documents au moyen d’une demande globale, l’institution est autorisée à répondre d’une manière globale. Or, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 91 et 92, il convient, en tout état de cause, d’écarter cette argumentation.

115    Dès lors, il doit être conclu, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments venant au soutien du deuxième moyen, que le Cedefop n’a pas apprécié si l’accès aux documents demandés portait concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt tiré de la protection du processus décisionnel, eu égard, notamment, à la circonstance qu’ils portaient sur des processus décisionnels déjà clôturés.

116    Par conséquent, le Cedefop a commis une erreur de droit, en opposant de manière illégale les exceptions tirées de l’article 4, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001 à la demande d’accès aux documents du requérant.

117    Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les quatrième et cinquième moyens du recours, la décision attaquée doit être annulée, sauf en ce qui concerne le refus de divulguer les noms des membres du conseil de direction et du bureau du Cedefop.

 Sur les dépens

118    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon le paragraphe 3 du même article, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

119    Le Cedefop succombant pour l’essentiel du recours, il y a lieu de le condamner à supporter ses dépens ainsi que les trois quarts des dépens du requérant. Ce dernier supportera un quart de ses dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) du 15 juillet 2013 refusant l’accès aux procès-verbaux de son conseil de direction, à ceux de son bureau et à ceux du groupe de pilotage « Knowledge Management System », établis pour la période courant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2005, est annulée dans la mesure où il y est refusé l’accès aux procès-verbaux du conseil de direction et du bureau, sauf en ce qui concerne l’accès aux noms des membres de ceux-ci.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Le Cedefop est condamné à supporter ses propres dépens et les trois quarts des dépens de M. Colin Boyd McCullough.

4)      M. McCullough est condamné à supporter un quart de ses propres dépens.

Dittrich

Schwarcz

Tomlejnović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juin 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.