Language of document : ECLI:EU:T:2000:8

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

18 janvier 2000 (1)

«Recours en annulation - Importations de volaille - Article 13 du règlement (CEE) n° 1430/79 - Décision de la Commission refusant le remboursement de prélèvements agricoles - Retrait de décision - 'Déclaration de dossier‘ - Licéité - Confiance légitime - Sécurité juridique - Erreurs manifestes d'appréciation - Obligation de motivation»

Dans l'affaire T-290/97,

Mehibas Dordtselaan BV , société de droit néerlandais, établie à Rotterdam (Pays-Bas), représentée par Mes Pierre Bos, Jasper Helder et Marco Slotboom, avocats au barreau de Rotterdam, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Marc Loesch, 11, rue Goethe,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Hendrik van Lier, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Me Jules Stuyck, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision C (97) 2331 de la Commission, du 22 juillet 1997, portant refus de faire droit à une demande,présentée par le royaume des Pays-Bas, de remboursement de prélévements agricoles au profit de la requérante,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme P. Lindh, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 4 mai 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre réglementaire

1.
    L'article 13, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1430/79 du Conseil, du 2 juillet 1979, relatif au remboursement ou à la remise des droits à l'importation ou à l'exportation (JO L 175, p. 1, ci-après «règlement n° 1430/79»), dans sa rédaction résultant du règlement (CEE) n° 3069/86 du Conseil, du 7 octobre 1986, modifiant le règlement n° 1430/79 (JO L 286, p. 1), dispose:

«Il peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits à l'importation dans des situations particulières [...] qui résultent de circonstances n'impliquant ni manoeuvre ni négligence manifeste de la part de l'intéressé.»

2.
    L'article 905, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d'application du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, établissant le code des douanes communautaire (JO L 253, p. 1, ci-après «règlement n° 2454/93») prévoit:

«Le dossier adressé à la Commission doit comporter tous les éléments nécessaires à un examen complet du cas présenté.

La Commission accuse immédiatement réception de ce dossier à l'État membre concerné.

Lorsqu'il s'avère que les éléments d'information communiqués par l'État membre sont insuffisants pour lui permettre de statuer en toute connaissance de cause surle cas qui lui est soumis, la Commission peut demander la communication d'éléments d'information complémentaires.»

3.
    L'article 907 du même règlement dispose:

«Après consultation d'un groupe d'experts composé de représentants de tous les États membres réunis dans le cadre du comité afin d'examiner le cas d'espèce, la Commission prend une décision établissant soit que la situation particulière examinée justifie l'octroi du remboursement ou de la remise, soit qu'elle ne le justifie pas.

Cette décision doit intervenir dans un délai de six mois à compter de la date de réception par la Commission du dossier visé à l'article 905, paragraphe 2. Lorsque la Commission a été amenée à demander à l'État membre des éléments d'information complémentaires pour pouvoir statuer, le délai de six mois est prolongé du temps qui s'est écoulé entre la date de l'envoi par la Commission de la demande d'éléments d'information complémentaires et la date de réception de ceux-ci par la Commission.»

4.
    Aux termes de l'article 909 du même règlement:

«Si la Commission n'a pas arrêté sa décision dans le délai visé à l'article 907 ou n'a notifié aucune décision à l'État membre concerné dans le délai visé à l'article 908, l'autorité douanière de décision donne une suite favorable à la demande de remboursement ou de remise.»

     Faits à l'origine du litige

5.
    La requérante, Mehibas Dordtselaan BV (anciennement dénommée Expeditie-en Controlebedrijf Codirex BV), est commissionnaire en douane au port de Rotterdam.

6.
    Entre février 1981 et juin 1983, elle a effectué 98 déclarations en douane relatives à des importations, par la société Ruva BV (ci-après «Ruva»), de morceaux de volaille. Ces déclarations ont été établies sur la base de factures produites par Ruva et ont donné lieu à la perception de prélèvements agricoles. Les marchandises concernées ont été mises en libre pratique dans la Communauté.

7.
    Au cours de l'année 1984, les autorités fiscales néerlandaises ont découvert que les factures produites par Ruva étaient frauduleuses. En réalité, la valeur des marchandises importées était plus élevée et des prélèvements agricoles plus importants auraient donc dû être acquittés.

8.
    En conséquence, les autorités douanières néerlandaises ont, en octobre 1986, invité la requérante à payer des prélèvements agricoles supplémentaires, ce qu'elle fit pour un montant de 677 476 HFL (ci-après «prélèvements litigieux»).

9.
    Le 29 octobre 1990, la requérante a introduit auprès des autorités néerlandaises une demande tendant à obtenir le remboursement des prélèvements litigieux. Ces autorités ont adressé la demande à la Commission, par lettre du 29 avril 1994 reçue le 16 mai 1994, afin qu'elle décide si l'octroi d'un remboursement était justifié en vertu de l'article 13 du règlement n° 1430/79.

10.
    Par décision du 14 novembre 1994, la Commission a estimé que cette demande de remboursement n'était pas justifiée.

11.
    Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 26 janvier 1995, la requérante a introduit un recours visant à l'annulation de la décision du 14 novembre 1994 (affaire T-89/95).

12.
    Le 31 mai 1996, la Commission a, en considération de l'arrêt du Tribunal du 9 novembre 1995, France-aviation/Commission (T-346/94, Rec. p. II-2841, ci-après «arrêt France-aviation») procédé au retrait de sa décision du 14 novembre 1994.

13.
    La Commission a informé les autorités néerlandaises de ce retrait par lettre du 4 juin 1996, dans laquelle elle indiquait que, en vertu de l'arrêt France-aviation, toute demande de remboursement de droits à l'importation devait être accompagnée d'une déclaration par laquelle l'intéressé attestait avoir pris connaissance du dossier adressé par les autorités nationales et déclarait, le cas échéant, n'avoir rien à y ajouter (ci-après «déclaration de dossier»). Relevant que la demande de remboursement du 29 avril 1994 n'était «ni valable ni recevable», au motif qu'elle n'était pas accompagnée d'une déclaration de dossier, la Commission invitait également les autorités néerlandaises à lui transmettre ladite déclaration signée par la requérante.

14.
    Le 17 octobre 1996, la requérante s'est désistée de son recours dans l'affaire T-89/95, laquelle a été radiée du registre du Tribunal par ordonnance du 17 décembre 1996.

15.
    Par lettre du 10 décembre 1996, les autorités douanières néerlandaises ont indiqué à la requérante que la Commission avait, en considération de l'arrêt France-aviation, rapporté sa décision du 14 novembre 1994 et que, en vertu de cet arrêt, les demandes de remboursement devaient être accompagnées d'une déclaration de dossier. En conséquence, elles ont invité la requérante à leur communiquer un tel document.

16.
    Par lettre du 6 février 1997, la requérante a adressé aux autorités néerlandaises la déclaration de dossier sollicitée ainsi que des observations sur les conséquences que, selon elle, l'arrêt France-aviation devait avoir sur sa demande deremboursement. Elle a également demandé à ces autorités d'ajouter au nouveau dossier à transmettre à la Commission la requête et le mémoire en réplique qu'elle avait déposés dans l'affaire T-89/95.

17.
    Par lettre du 17 février 1997, les autorités néerlandaises ont soumis à la Commission une nouvelle demande de remboursement contenant ces différents éléments.

18.
    Par décision C (97) 2331, du 22 juillet 1997, adressée au royaume des Pays-Bas, la Commission a estimé que cette demande de remboursement n'était pas justifiée (ci-après «décision litigieuse»). Elle a estimé que le fait que des factures se révèlent inexactes constitue, pour tout déclarant en douane, un risque professionnel que celui-ci est tenu d'assumer et ne peut, à lui seul, être considéré comme une circonstance particulière. La Commission a également relevé que le fait que les délais de recouvrement a posteriori prévus par les droits nationaux soient différents dans l'hypothèse où il existe des actes passibles de poursuites judiciaires répressives ne saurait être de nature à créer une situation particulière au sens de l'article 13 du règlement n° 1430/79.

Procédure et conclusions des parties

19.
    C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 novembre 1997, la requérante a introduit le présent recours.

20.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.

21.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 4 mai 1999.

22.
    La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision litigieuse;

-    condamner la Commission aux dépens.

23.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur le fond

24.
    Au soutien de son recours, la requérante soulève quatre moyens: le premier tiré d'une violation du règlement n° 2454/93, d'un excès de pouvoir et d'une violation du principe de sécurité juridique, le deuxième pris d'une violation du principe de protection de la confiance légitime, le troisième tiré d'une violation de l'article 13 du règlement n° 1430/79 et le quatrième pris d'une violation de l'obligation de motivation.

Sur le premier moyen, tiré d'une violation du règlement n° 2454/93, d'un excès de pouvoir et d'une violation du principe de sécurité juridique

Argumentation des parties

25.
    La requérante fait remarquer que, lorsqu'elle a introduit sa première demande de remboursement, le règlement n° 2454/93 n'exigeait pas la présentation d'une déclaration de dossier. S'appuyant sur l'arrêt de la Cour du 26 octobre 1994, Pays-Bas/Commission (C-430/92, Rec. p. I-5197, point 19), elle fait valoir que, cette demande étant complète, le délai de six mois prévu à l'article 907 dudit règlement a commencé à courir le jour où la Commission l'a réceptionnée, à savoir le 16 mai 1994. La Commission ayant rapporté sa décision du 14 novembre 1994 le 31 mai 1996, il y aurait lieu de conclure qu'elle a omis de se prononcer sur la première demande de remboursement dans le délai requis et, partant, que les autorités néerlandaises devaient, en vertu de l'article 909 du règlement n° 2454/93, procéder au remboursement des prélèvements litigieux. A l'audience, la requérante a précisé que, la décision de la Commission du 14 novembre 1994 ayant été arrêtée deux jours avant l'expiration du délai de six mois, elle ne disposait plus, à la suite de sa décision de retrait du 31 mai 1996, que de deux jours pour se prononcer sur la demande de remboursement et s'était donc elle-même placée dans l'impossibilité de prendre une nouvelle décision.

26.
    La requérante affirme, ensuite, que la Commission ne pouvait exiger qu'elle présente une seconde demande de remboursement comprenant une déclaration de dossier. Elle soulève trois arguments au soutien de cette affirmation.

27.
    Premièrement, cette exigence ne découlerait pas de l'arrêt France-aviation. En effet, pour se conformer au principe de respect du contradictoire dans le cadre des procédures de remboursement de droits de douane posé par cet arrêt, il aurait suffit que la Commission, en application de l'article 905, paragraphe 2, du règlement n° 2454/93, invitât les autorités néerlandaises à l'entendre.

28.
    Deuxièmement, elle fait valoir que la Commission ne pouvait soumettre la présentation des demandes de remboursement de droits à l'importation à une nouvelle condition que de manière claire et précise (arrêts de la Cour du 9 juillet 1981, Gondrand Frères, 169/80, Rec. p. 1931, point 17, et du Tribunal du 7 février 1991, Tagaras/Cour de justice, T-18/89 et T-24/89, Rec. p. II-53, point 40), c'est-à-dire en modifiant le règlement n° 2454/93. Cette modification serait d'ailleurs intervenue ultérieurement avec le règlement (CE) n° 12/97 de la Commission, du18 décembre 1996, modifiant le règlement n° 2454/93 (JO 1997, L 9, p. 1, ci-après «règlement n° 12/97»). Elle précise que, n'étant entré en vigueur que le 20 janvier 1997, ce règlement ne pouvait, toutefois, s'appliquer en l'espèce.

29.
    Troisièmement, et en tout état de cause, la déclaration de dossier ne garantirait pas aux intéressés le droit d'être entendus. En effet, cette déclaration ne porterait que sur le dossier communiqué par les autorités nationales à la Commission et interviendrait donc avant l'examen par celle-ci de la demande de remboursement. Or, en vertu de l'arrêt France-aviation (point 36), la Commission devrait inviter les autorités nationales à entendre l'intéressé dans l'hypothèse où elle envisage de rejeter une telle demande.

30.
    La Commission souligne, tout d'abord, qu'elle a respecté le délai de six mois prévu par l'article 907 du règlement n° 2454/93. En effet, la première demande de remboursement lui est parvenue le 16 mai 1994 et a fait l'objet de sa décision du 14 novembre 1994. La seconde demande de remboursement lui est parvenue le 25 février 1997 et a été rejetée le 22 juillet 1997.

31.
    La Commission fait observer, ensuite, que, même si elle avait omis d'arrêter sa décision dans le délai de six mois, c'est, conformément à l'article 909 du règlement n° 2454/93, aux autorités néerlandaises qu'il aurait incombé de rembourser les prélèvements litigieux. La requérante aurait donc dû attaquer la décision desdites autorités, et non la décision litigieuse.

32.
    Par ailleurs, la Commission explique qu'elle était tenue, en vertu de l'article 176 du traité CE (devenu article 233 CE), d'adopter les mesures que comportait l'exécution de l'arrêt France-aviation, y compris dans les procédures de remboursement déjà engagées (arrêts de la Cour du 9 juillet 1981, Turner/Commission, 59/80 et 129/80, Rec. p. 1883, point 72, et du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 193/86, 99/86 et 215/86, Rec. p. 2181, points 28 et 30). En l'espèce, il ressortirait des motifs mêmes de l'arrêt France-aviation (point 39) qu'une nouvelle procédure devait être engagée sur la base d'un dossier complété par les autorités néerlandaises et la requérante. C'est pour ce motif qu'elle aurait rapporté sa décision du 14 novembre 1994 et invité les autorités néerlandaises à lui communiquer une nouvelle demande de remboursement incluant une déclaration de dossier signée par la requérante, avant de prendre, dans les six mois à compter de la réception de cette dernière demande, une nouvelle décision. La Commission précise que le mécanisme de la déclaration de dossier permet de s'assurer que ce dernier contient les informations transmises tant par les autorités douanières que par l'intéressé et, en conséquence, constitue une mesure appropriée garantissant le droit de ce dernier d'être entendu. Elle fait observer, à cet égard, que l'arrêt France-aviation ne lui impose pas de procéder elle-même à l'audition de l'intéressé, mais simplement de se prononcer sur la base d'un dossier complet. Enfin, elle relève que, dans sa lettre du 4 juin 1996 adressée aux autorités néerlandaises, elle a décrit, de manière claire et précise, le mécanismede la déclaration de dossier et que, conformément à la procédure instituée par le règlement n° 2454/93, ces autorités en ont ensuite pleinement informé la requérante.

Appréciation du Tribunal

33.
    Liminairement, il convient d'observer que c'est à bon droit que la Commission a, en considération de l'arrêt France-aviation, procédé au retrait de sa décision du 14 novembre 1994 (voir ordonnance du Tribunal du 18 septembre 1996, Langdon/Commission, T-22/96, Rec. p. II-1009, point 12), ce dernier répondant pleinement aux exigences découlant des principes de légalité et de bonne administration.

34.
    En effet, dans cet arrêt, le Tribunal a jugé que l'opérateur économique qui sollicite le remboursement de droits de douane a le droit d'être entendu au cours de la procédure d'adoption d'une décision prise sur le fondement de l'article 13 du règlement n° 1430/79 et qu'une violation de ce droit et, par là-même, du principe du contradictoire entraîne l'annulation de ladite décision (voir points 34 à 40). Ainsi qu'il ressort des motifs de la décision de la Commission du 31 mai 1996, celle-ci a précisément retiré sa décision du 14 novembre 1994 au motif que, d'une part, la procédure suivie pour son adoption était la même que celle jugée non conforme au principe du contradictoire dans l'arrêt France-aviation et que, d'autre part, cette dernière décision faisait l'objet d'un recours en annulation pendant devant le Tribunal. En outre, il convient de constater que, dans le cadre de ce dernier recours, la requérante faisait valoir que la décision était illégale au motif, notamment, que son droit d'être entendue n'avait pas été respecté.

35.
    Il échet de constater, ensuite, que les arguments de la requérante soulèvent deux questions principales touchant au pouvoir de la Commission d'adopter une nouvelle décision sur la demande de remboursement de la requérante à la suite de sa décision de retrait du 31 mai 1996 et à la régularité des modalités d'adoption de la décision litigieuse.

1. Sur le pouvoir de la Commission d'adopter une nouvelle décision à la suite de sa décision de retrait du 31 mai 1996

36.
    Il convient de constater que la Commission a expressément reconnu, dans sa décision du 31 mai 1996, que le retrait de sa décision du 14 novembre 1994 était motivé par l'illégalité de cette dernière (voir ordonnance Langdon/Commission, précitée, point 12). D'autre part, ce retrait a eu un effet rétroactif (arrêts du Tribunal du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission, T-480/93 et T-483/93, Rec. p. II-2305, point 61, et du 13 décembre 1995, Exporteurs in levende varkens e.a./Commission, T-481/93 et T-484/93, Rec. p. II-2941, point 46). En outre, il y a lieu de rappeler que la requérante a elle-même admis que, à la suite de ladécision de retrait du 31 mai 1996, elle ne conservait plus un intérêt à obtenir l'annulation de la décision du 14 novembre 1994 et, qu'elle s'est, en conséquence, désistée de son recours dans l'affaire T-89/95.

37.
    Dans ces circonstances, il appartenait à la Commission, conformément aux exigences découlant du principe de légalité, de prendre une nouvelle décision pour répondre à la demande de remboursement de la requérante, dans le cadre de la procédure prévue au règlement n° 2454/93, après avoir mis cette dernière en mesure d'exercer son droit d'être entendue.

2. Sur les modalités d'adoption de la décision litigieuse

38.
    Tout d'abord, par analogie avec la situation qui se serait présentée si la décision du 14 novembre 1994 avait été déclarée illégale par le juge communautaire, il incombait à la Commission de réexaminer l'applicabilité de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430/79 aux circonstances de l'espèce, en permettant à la requérante d'exercer son droit d'être entendue, le délai visé à l'article 907 du règlement n° 2454/93 commençant à courir à compter de la date de la décision portant retrait de la décision du 14 novembre 1994, à savoir le 31 mai 1996 (arrêt de la Cour du 7 septembre 1999, De Haan Beheer, C-61/98, non encore publié au Recueil, point 48).

    

39.
    En l'espèce, la décision litigieuse a été arrêtée le 22 juillet 1997, soit plus de six mois après la décision de retrait du 31 mai 1996. Toutefois, il importe de constater que la Commission avait invité les autorités néerlandaises à recueillir les observations de la requérante dès le 4 juin 1996 et que ces dernières ne lui ont été transmises que le 17 février 1997. Or, conformément à l'article 907, deuxième alinéa, du règlement n° 2454/93, le temps qui s'est écoulé entre ces deux dernières dates ne doit pas être pris en compte pour le calcul du délai de six mois visé à la première phrase du même alinéa. Il en résulte que la Commission a adopté la décision litigieuse dans le délai qui lui était imparti par le réglement n° 2454/93.

40.
    Il échet, toutefois, de constater que la procédure au terme de laquelle la Commission a adopté la décision litigieuse était entachée d'irrégularités.

41.
    Premièrement, si le rejet de la première demande de remboursement de la requérante était, dans la décision du 14 novembre 1994, exclusivement motivé par l'absence de situation particulière au sens de l'article 13 du règlement n° 1430/79, il ressort du dossier, et en particulier de la lettre que la Commission a adressée aux autorités douanières néerlandaises le 4 juin 1996, qu'elle a, cette fois, considéré que la même demande n'était «ni valable ni recevable» au motif qu'elle n'était pas accompagnée d'une déclaration de dossier. Or, il est constant que, à la date à laquelle cette demande a été présentée, la production d'un tel document n'était nullement requise.

42.
    En effet, s'il est exact que le règlement n° 12/97 a ajouté une disposition à l'article 905 du règlement n° 2454/93, aux termes de laquelle le dossier adressé à la Commission doit comprendre une déclaration de dossier, il demeure qu'il n'est entré en vigueur que le 20 janvier 1997 et que la disposition nouvelle ne pouvait être appliquée à la première demande de remboursement de la requérante.

43.
    Il en découle que la Commission a, en soumettant ainsi, rétroactivement, la première demande de remboursement de droits de la requérante à une nouvelle condition de recevabilité, non seulement excédé les pouvoirs que lui conférait le règlement n° 2454/93, mais également méconnu le principe de sécurité juridique.

44.
    Deuxièmement, il y a lieu de constater que le mécanisme de la déclaration de dossier institué par la Commission ne répond que partiellement aux principes posés par l'arrêt France-aviation. En effet, il permet seulement à l'opérateur économique qui sollicite un remboursement - et qui n'a pas nécessairement été associé à la préparation du dossier adressé par les autorités nationales compétentes à la Commission - de s'assurer que ledit dossier est complet et d'y ajouter, le cas échéant, tout élément qu'il estimerait utile. Si ce mécanisme permet ainsi à l'intéressé d'exercer efficacement son droit d'être entendu lors de la première étape de la procédure administrative, laquelle se déroule au niveau national, en revanche, il ne garantit nullement le respect des droits de la défense lors de la seconde étape de cette procédure, laquelle se déroule devant la Commission, une fois que les autorités nationales lui ont transmis le dossier. La déclaration de dossier est, en effet, présentée à un moment où la Commission n'a pas encore eu l'occasion d'examiner la situation de l'intéressé, ni, a fortiori, de prendre provisoirement position sur sa demande de remboursement.

45.
    Or, il résulte de l'arrêt France-aviation que le droit d'être entendu dans une procédure telle que celle en cause dans le présent litige doit être garanti dans le cadre de ces deux étapes. Ainsi, au point 36 dudit arrêt, le Tribunal a considéré que la Commission doit, lorsqu'elle envisage de rejeter la demande de remboursement d'un opérateur économique au motif qu'il était responsable d'une négligence manifeste alors que les autorités nationales compétentes ont proposé d'en accorder le bénéfice en soulignant qu'aucune négligence ne pouvait être reprochée à l'intéressé, veiller à ce que ce dernier soit entendu par lesdites autorités. Le Tribunal a confirmé sa position dans des arrêts ultérieurs, dans des cas où il n'était reproché à l'opérateur économique sollicitant un remboursement qu'un simple manque de diligence (arrêts du Tribunal du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T-42/96, Rec. p. II-401, point 85, et du 17 septembre 1998, Primex Produkte Import-Export e.a./Commission, T-50/96, Rec. p. II-3773, point 68).

46.
    Il est vrai que le règlement n° 2454/93 ne prévoit que des contacts, d'une part, entre l'intéressé et l'administration nationale et, d'autre part, entre cette dernière et la Commission (arrêts France-aviation, précité, point 30, et Primex ProdukteImport-Export e.a./Commission, précité, point 58). L'État membre concerné est donc, selon la réglementation en vigueur, le seul interlocuteur de la Commission. Toutefois, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une personne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental de droit communautaire qui doit être assuré même en l'absence de toute réglementation concernant la procédure (arrêts de la Cour du 12 février 1992, Pays-Bas e.a./Commission, C-48/90 et C-66/90, Rec. p. I-565, point 44, du 29 juin 1994, Fiskano/Commission, C-135/92, Rec. p. I-2885, point 39, et du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a., C-32/95 P, Rec. p. I-5373, point 21). Eu égard au pouvoir d'appréciation dont dispose la Commission lorsqu'elle adopte une décision en application de la clause générale d'équité prévue par l'article 13 du règlement n° 1430/79, le respect du droit d'être entendu doit d'autant plus être garanti dans les procédures de remise ou de remboursement de droits à l'importation (arrêts France-aviation, précité, point 34, Eyckeler & Malt/Commission, précité, point 77, et Primex Produkte Import-Export e.a./Commission, précité, point 60).

47.
    Il résulte des considérations qui précèdent que la procédure suivie par la Commission pour adopter la décision litigieuse était entachée d'irrégularités. Toutefois, celles-ci ne pourraient entraîner l'annulation de la décision litigieuse que s'il était établi que, en leur absence, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (voir, dans le même sens, arrêts de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck/Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 47, et du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C-142/87, Rec. p. I-959, point 48; arrêt du Tribunal du 22 octobre 1996, Skibsvaerftsforeningen e.a./Commission, T-266/94, Rec. p. II-1399, point 243).

48.
    En l'espèce, d'une part, le fait pour la Commission d'avoir considéré la première demande de remboursement de droits de la requérante comme «ni valable ni recevable» était inopérant. En effet, ainsi que le Tribunal l'a relevé ci-dessus, la Commission disposait en tout état de cause du délai de six mois visé à l'article 907 du règlement n° 2454/93 pour prendre une nouvelle décision, ce délai commençant à courir à compter de la décision de retrait du 31 mai 1996 et étant prolongé du temps écoulé pour permettre à la requérante d'exercer son droit d'être entendue.

49.
    D'autre part, la requérante a non seulement pu s'assurer que le dossier adressé à la Commission était complet et y ajouter des éléments, mais également pu utilement faire valoir son point de vue puisque, lors de la présentation de sa seconde demande, elle connaissait déjà la position provisoire de la Commission, que cette dernière avait exprimé dans la décision du 14 novembre 1994. A l'audience, la requérante a d'ailleurs reconnu qu'elle avait pu pleinement s'expliquer et que son droit d'être entendue avait été respecté en l'espèce.

50.
    Dans ces circonstances, il n'est pas établi que, en l'absence des irrégularités constatées en l'espèce, la procédure aurait pu aboutir à une décision différente de la décision litigieuse. Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation du principe de protection de la confiance légitime

Argumentation des parties

51.
    La requérante soutient que la décision litigieuse viole le principe de protection de la confiance légitime, en ce que la Commission a fait naître, dans son chef, des espérances fondées quant au remboursement des prélèvements litigieux. Elle soulève trois arguments au soutien de ce deuxième moyen.

52.
    Elle rappelle, premièrement, que la Commission n'a remis en cause la recevabilité de sa demande initiale de remboursement reçue le 16 mai 1994, au motif qu'elle n'incluait pas de déclaration de dossier, que le 31 mai 1996. Elle déduit de ce délai qu'elle était en droit de considérer que cette demande avait été valablement présentée.

53.
    Deuxièmement, elle estime qu'elle était en droit de déduire du retrait de la décision du 14 novembre 1994 que la Commission avait omis de se prononcer sur sa première demande de remboursement dans le délai imparti par le règlement n° 2454/93 et de s'attendre à ce que les autorités néerlandaises procèdent, dès lors, au remboursement des prélèvements litigieux.

54.
    Troisièmement, elle indique que, dans le cadre de l'affaire T-89/95, elle avait sollicité l'annulation de la décision du 14 novembre 1994 au motif qu'elle avait été irrégulièrement authentifiée. Or, le 4 septembre 1995, l'agent de la Commission en charge de son dossier aurait, au cours d'un entretien téléphonique, déclaré à son conseil que ladite décision était effectivement entachée d'un vice de forme et que la Commission était, dans ces conditions, disposée à régler cette affaire à l'amiable. Elle en conclut qu'elle pouvait légitimement croire avoir obtenu gain de cause et que la Commission ferait droit à sa demande de remboursement.

55.
    La Commission rétorque que la requérante n'a pu légitimement croire que sa première demande de remboursement était fondée et qu'il y serait, dès lors, fait droit.

56.
    Elle souligne qu'elle a retiré sa décision du 14 novembre 1994 dans un délai raisonnable, après avoir pris connaissance de l'arrêt France-aviation et constaté que la procédure ayant conduit à son adoption n'était pas conforme au droit communautaire.

57.
    La Commission rappelle, également, que, en considération de l'arrêt France-aviation, elle devait se prononcer à nouveau sur la demande de remboursement de la requérante, en veillant à ce que celle-ci puisse exercer son droit d'être entendue.

58.
    Enfin, la Commission admet que, dans le cadre de l'affaire T-89/95, son agent avait indiqué que la décision du 14 novembre 1994 avait été irrégulièrement authentifiée. En revanche, elle conteste que celui-ci ait déclaré qu'elle était disposée à transiger pour ce motif. Le 13 octobre 1995, son agent aurait eu un second entretien téléphonique avec le conseil de la requérante, au cours duquel il lui aurait indiqué que le retrait de ladite décision dépendait de la solution qui serait apportée à l'affaire C-286/95 P pendante devant la Cour, ayant pour objet un pourvoi introduit contre l'arrêt du Tribunal du 29 juin 1995, ICI/Commission (T-37/91, Rec. p. II-1901), et concernant un vice de forme identique. Elle aurait finalement retiré cette décision pour un motif différent, lié aux exigences de respect du contradictoire posées par l'arrêt France-aviation.

Appréciation du Tribunal

59.
    Le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s'étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l'administration communautaire a fait naître dans son chef des espérances fondées (arrêts de la Cour du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Food Products/Commission, 265/85, Rec. p. 1155, point 44, et du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C-152/88, Rec. p. I-2477, point 26; arrêt du Tribunal du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T-203/96, Rec. p. II-4239, point 74, et Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, précité, point 148). En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l'absence d'assurances précises que lui aurait fournies l'administration (arrêts du Tribunal du 14 septembre 1995, Lefebvre e.a./Commission, T-571/93, Rec. p. II-2379, point 72, et du 29 janvier 1998, Dubois et Fils/Conseil et Commission, T-113/96, Rec. p. II-125, point 68).

60.
    Il convient de constater que les arguments soulevés par la requérante ne démontrent nullement que la Commission lui aurait fourni l'assurance précise qu'elle obtiendrait le remboursement des prélèvements litigieux.

61.
    Premièrement, s'il est vrai que la requérante était fondée à considérer que sa première demande de remboursement était recevable (voir ci-dessus points 41 et 42), elle ne pouvait pour autant en conclure que l'octroi du remboursement sollicité était justifié. En effet, ainsi que le Tribunal l'a relevé ci-dessus aux points 36 et 37, la Commission devait, à la suite du retrait de la décision du 14 novembre 1994, rouvrir la procédure administrative et prendre une nouvelle décision après lui avoir permis d'exercer son droit d'être entendue.

62.
    Deuxièmement, le requérante ne pouvait inférer du retrait de la décision du 14 novembre 1994 que la Commission avait omis de se prononcer dans le délai requis de six mois. En effet, ainsi que le Tribunal l'a indiqué ci-dessus aux points 38 et 39, consécutivement à sa décision de retrait du 31 mai 1996, la Commission devait prendre une nouvelle décision sur la demande de remboursement de la requérante, après avoir permis à celle-ci d'exercer son droit d'être entendue, le délai visé à l'article 907 du règlement n° 2454/93 commençant à courir à compter de la décision de retrait du 31 mai 1996.

63.
    Enfin, le Tribunal considère qu'il n'est pas établi que la Commission a, dans le cadre de l'affaire T-89/95, fourni à la requérante l'assurance précise qu'il serait fait droit à sa demande de remboursement dans le cadre d'une transaction. Il échet d'observer, au surplus, que, même si la décision du 14 novembre 1994 avait été annulée par le Tribunal en raison d'une irrégularité commise lors de son authentification, la Commission aurait pu adopter une nouvelle décision sur la demande, après avoir corrigé le vice formel constaté (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T-305/94, T-306/94, T-307/94, T-313/94, T-314/94, T-315/94, T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94, non encore publié au Recueil, point 98).

64.
    Il s'ensuit que le moyen tiré d'une violation du principe de protection de la confiance légitime doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré d'une violation de l'article 13 du règlement n° 1430/79

Argumentation des parties

65.
    La requérante fait valoir que la Commission a violé l'article 13 du règlement n° 1430/79 en considérant qu'il n'était pas justifié de procéder au remboursement des prélèvements litigieux en vertu de cette disposition, alors que les deux conditions d'application de celle-ci étaient réunies en l'espèce.

66.
    Se référant au point 34 de l'arrêt France-aviation, la Commission rétorque que l'article 13 du règlement n° 1430/79 lui confère un large pouvoir d'appréciation, de sorte que seules ses erreurs manifestes d'appréciation pourraient être sanctionnées par le juge communautaire. Or, en l'espèce, elle n'aurait commis aucune erreur. Elle ajoute que, même lorsque les conditions d'application de cette disposition sont réunies, le redevable n'a pas un droit automatique au remboursement.

- Sur l'existence d'une situation particulière

67.
    La requérante invoque l'existence de deux éléments qui auraient dû conduire la Commission à constater l'existence d'une situation particulière au sens de l'article 13 du règlement n° 1430/79.

68.
    Elle souligne, premièrement, que le droit néerlandais applicable à la date des faits litigieux soumettait le recouvrement des droits à l'importation à un délai de prescription de trois ans et le recouvrement des prélèvements agricoles à un délai de prescription de 30 ans. En droit douanier communautaire, en revanche, ce délai serait de trois ans dans les deux cas [(article 2 du règlement (CEE) n° 1697/79 du Conseil, du 24 juillet 1979, concernant le recouvrement «a posteriori» des droits à l'importation ou des droits à l'exportation qui n'ont pas été exigés du redevable pour des marchandises déclarées pour un régime douanier comportant l'obligation de payer de tels droits (JO L 197, p. 1, ci-après «règlement n° 1697/79»)]. Elle précise que, si un délai de trois ans avait été appliqué en l'espèce, il n'aurait plus été possible de lui réclamer le paiement des prélèvements litigieux. Elle fait observer également que, à la différence du droit douanier communautaire, le droit néerlandais prévoyait que le mandant et le mandataire étaient coresponsables du recouvrement des droits à l'importation, alors que seule la responsabilité du mandataire pouvait être engagée en matière de prélèvements agricoles. A l'audience, la requérante a précisé que les autorités néerlandaises ne pouvaient, en tout état de cause, procéder au recouvrement des prélèvements litigieux auprès de Ruva, dès lors que cette société était entre-temps devenue insolvable et tombée en faillite. Pour les mêmes motifs, la requérante n'aurait pu se retourner contre Ruva. Il appartiendrait finalement à la Communauté de supporter les conséquences de cette faillite.

69.
    Elle rappelle, deuxièmement, que l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 énonce les conditions dans lesquelles les autorités nationales peuvent renoncer à procéder au recouvrement a posteriori du montant des droits à l'importation ou à l'exportation qui n'ont pas été perçus. Elle précise que, selon la jurisprudence, ces conditions sont réunies lorsqu'un «opérateur économique fait état de bonne foi d'éléments qui, tout en étant inexacts ou incomplets, sont les seuls qu'il pouvait raisonnablement connaître ou obtenir et donc faire figurer dans la déclaration en douane» (arrêt de la Cour du 27 juin 1991, Mecanarte, C-348/89, Rec. p. I-3277, point 29).

70.
    La requérante indique, en outre , que, dans son arrêt du 1er avril 1993, Hewlett Packard France (C-250/91, Rec. p. I-1819, point 46), la Cour a dit pour droit que les conditions d'application de l'article 13 du règlement n° 1430/79 devaient être appréciées à la lumière de celles de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79. Elle en conclut que la Commission est tenue de faire droit à une demande de remboursement au titre de l'article 13 du règlement n° 1430/79 lorsque l'intéressé se prévaut de circonstances analogues à celles retenues dans le cadre de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79.

71.
    Or, en l'espèce, de telles circonstances seraient présentes. En effet, les autorités néerlandaises auraient reconnu de façon constante que, dans ses déclarations en douane, elle avait rapporté de bonne foi les données relatives aux importations de Ruva. Par ailleurs, les données figurant dans ses déclarations auraient été les seulesqu'elle pouvait connaître ou obtenir. Ainsi, pour effectuer ses déclarations, elle aurait soumis les factures établies par Ruva à un certain nombre d'organismes officiels et ceux-ci n'auraient à aucun moment mis en doute l'exactitude des montants qui y figuraient. D'ailleurs, les autorités néerlandaises n'auraient découvert le comportement frauduleux de Ruva qu'au terme d'une enquête approfondie, réalisée avec des moyens dont la requérante ne disposait pas. De même, n'ayant pas accès à la comptabilité de Ruva, elle n'aurait matériellement pu vérifier les montants figurant dans les factures de cette société.

72.
    La Commission fait valoir que la requérante prétend à tort que la réglementation douanière communautaire assure un traitement identique aux droits à l'importation et aux prélèvements agricoles. Elle relève, à cet égard, que, si l'article 2 du règlement n° 1697/79 ne fait aucune distinction entre ces deux catégories de droits, en revanche, l'article 3 du même règlement dispose que, lorsque c'est en raison d'un acte passible de poursuites judiciaires répressives que les autorités compétentes n'ont pas été en mesure de déterminer le montant exact des droits, l'action en recouvrement des droits non perçus s'exerce conformément aux dispositions en vigueur en la matière dans les États membres. Elle souligne également que la Cour a jugé que les dispositions de l'article 3 du règlement n° 1697/79 devaient être interprétées en fonction du droit national (arrêt de la Cour du 27 novembre 1991, Meico-Fell, C-273/90, Rec. p. I-5569, point 12). Elle en conclut que l'existence de discordances entre les réglementations est normale et, par voie de conséquence, non constitutive d'une situation particulière au sens de l'article 13 du règlement n° 1430/79.

73.
     La Commission conteste, par ailleurs, que le caractère frauduleux des factures établies par Ruva puisse constituer une situation particulière justifiant le remboursement des prélèvements litigieux. Elle rappelle que, selon la jurisprudence, l'importateur de bonne foi doit supporter le paiement des droits de douane pour l'importation d'une marchandise à l'occasion de laquelle l'exportateur a commis une infraction douanière (arrêt de la Cour du 17 juillet 1997, Pascoal & Filhos, C-97/95, Rec. p. I-4209, points 55 à 61). Il lui appartiendrait, en effet, de supporter le risque d'une action en recouvrement et de prendre, dans le cadre de ses relations contractuelles, les dispositions nécessaires pour se prémunir contre un tel risque (arrêts de la Cour du 14 mai 1996, Faroe Seafood e.a., C-153/94 et C-204/94, Rec. p. I-2465, point 114, et Pascoal & Filhos, précité, point 60). La Commission précise que si tel n'était pas le cas, l'importateur serait incité à ne plus vérifier ni l'exactitude de l'information fournie aux autorités de l'État d'exportation par l'exportateur ni la bonne foi de ce dernier, ce qui donnerait lieu à des abus (arrêt Pascoal & Filhos, précité, point 57).

- Sur l'absence de manoeuvre ou de négligence manifeste

74.
    La requérante soutient qu'aucune manoeuvre ne saurait lui être reprochée en l'espèce, puisqu'elle n'a en aucune façon été impliquée dans la falsification des factures de Ruva. De même, elle n'aurait commis aucune négligence manifestepuisqu'elle ne pouvait matériellement déceler le caractère frauduleux desdites factures (arrêt Eyckeler & Malt/Commission, précité, points 141 et 142). En omettant de tenir compte de ces éléments dans la décision litigieuse, la Commission aurait violé l'article 13 du règlement n° 1430/79.

75.
    La Commission souligne que l'absence de manoeuvre ou de négligence manifeste de la requérante ne suffit pas pour justifier le remboursement des prélèvements litigieux. En effet, cette dernière aurait dû établir, en outre, l'existence d'une situation particulière au sens de l'article 13 du règlement n° 1430/79.

Appréciation du Tribunal

76.
    Il convient de rappeler, à titre préliminaire, qu'il est de jurisprudence constante que l'article 13 du règlement n° 1430/79 constitue une clause générale d'équité destinée à couvrir les situations autres que celles qui étaient le plus couramment constatées dans la pratique et qui pouvaient, au moment de l'adoption dudit règlement, faire l'objet d'une réglementation particulière (arrêts de la Cour du 15 décembre 1983, Papierfabrik Schoellershammer, 283/82, Rec. p. 4219, point 7, du 26 mars 1987, Coopérative agricole d'approvisionnement des Avirons, 58/86, Rec. p. 1525, point 22, et du 18 janvier 1996, SEIM, C-446/93, Rec. p. I-73, point 41; arrêt Eyckeler & Malt/Commission, précité, point 132).

77.
    Cet article trouve notamment à s'appliquer lorsque les circonstances qui caractérisent le rapport entre l'opérateur économique et l'administration sont telles qu'il n'est pas équitable d'imposer à cet opérateur un préjudice que, normalement, il n'aurait pas subi (arrêts Coopérative agricole d'approvisionnement des Avirons, précité, point 22, et Eyckeler & Malt/Commission, précité, point 132).

78.
    Dans l'application de l'article 13 du règlement n° 1430/79, la Commission jouit d'un pouvoir d'appréciation (arrêt France-aviation, précité, point 34) qu'elle est tenue d'exercer en mettant en balance, d'une part, l'intérêt de la Communauté à s'assurer du respect des dispositions douanières et, d'autre part, l'intérêt de l'opérateur économique de bonne foi à ne pas supporter des préjudices dépassant le risque commercial ordinaire (arrêt Eyckeler & Malt/Commission, précité, point 133).

- Sur l'existence d'une situation particulière

79.
    S'agissant du premier élément invoqué par la requérante, il échet de relever que l'article 3 du règlement n° 1697/79 prévoit expressément que, «lorsque les autorités compétentes constatent que c'est par suite d'un acte passible de poursuites judiciaires répressives qu'elles n'ont pas été en mesure de déterminer le montant exact des droits à l'importation ou des droits à l'exportation légalement dus à l'égard de la marchandise en cause, [...] l'action en recouvrement [...] s'exerce conformément aux dispositions en vigueur en la matière dans les États membres». Dès lors que, dans l'hypothèse visée par cette disposition, il est expressément prévuque le recouvrement des droits de douane est opéré selon les modalités fixées par le droit national, des discordances entre une législation nationale et la réglementation douanière communautaire applicable dans les autres hypothèses peuvent effectivement se présenter.

80.
    L'existence de telles discordances est une circonstance de nature objective et applicable à un nombre indéfini d'opérateurs économiques, et donc non constitutive d'une situation particulière au sens de l'article 13, précité (voir arrêt Coopérative agricole d'approvisionnement des Avirons, précité, point 22).

81.
    L'argument de la requérante, selon lequel il n'aurait pas été possible de recouvrer les prélèvements litigieux auprès de Ruva, dès lors que cette société était entre-temps devenue insolvable, ne saurait être accueilli. Il suffit d'observer, à cet égard, que l'article 13 du règlement n° 1430/79 n'est, de toute évidence, pas destiné à protéger les commissionnaires en douane contre la faillite de leurs clients (voir, dans le même sens, arrêt de la Cour du 13 novembre 1984, Van Gend & Loos/Commission, 98/83 et 230/83, Rec. p. 3763, point 16).

82.
    Il y a lieu d'écarter également le second élément avancé par la requérante, selon lequel le caractère frauduleux des factures qui lui avaient été remises par Ruva constituerait une situation particulière au sens de l'article 13, précité. La Commission, en estimant que ce fait entre dans la catégorie des risques professionnels auxquels s'expose un commissionnaire en douane, par la nature même de ses fonctions, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

83.
    Il est, en effet, de jurisprudence constante que la présentation, même de bonne foi, de documents dont il est établi ultérieurement qu'ils étaient falsifiés ou inexacts ne saurait constituer en soi une situation particulière justifiant une remise ou un remboursement des droits à l'importation (arrêt Eyckeler & Malt/Commission, précité, point 162). Un commissionnaire en douane, par la nature même de ses fonctions, engage sa responsabilité tant pour le paiement des droits à l'importation que pour la régularité des documents qu'il présente aux autorités douanières (arrêt Van Gend & Loos/Commission, précité, point 16), et les conséquences préjudiciables des agissements incorrects de ses clients ne sauraient être supportées par la Communauté. Il a, ainsi, été jugé que ne constituait pas une situation particulière le fait que des certificats d'origine, se révélant non valides par la suite, avaient été délivrés par les autorités douanières des pays indiqués sur ceux-ci. Ce fait relève des risques professionnels inhérents à l'activité de commissionnaire en douane.

84.
    Or, en l'espèce, la requérante se contente de faire valoir qu'elle a présenté de bonne foi, aux autorités douanières, des documents frauduleux. Elle ne fait état d'aucun élément qui permettrait de considérer que la fraude en cause excédait le risque commercial normal qu'elle doit supporter.

85.
    Enfin, s'agissant du parallèle que la requérante établit entre l'article 13 du règlement n° 1430/79 et l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79, il y a lieu d'observer que, si la Cour a jugé que ces deux dispositions poursuivent le même but, à savoir limiter le paiement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation aux cas où un tel paiement est justifié et où il est compatible avec un principe fondamental tel que le principe de protection de la confiance légitime, elle n'a pas considéré que les deux dispositions coïncident. Elle s'est bornée à considérer que le caractère décelable de l'erreur des autorités compétentes, au sens de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79, correspond à la négligence manifeste ou à la manoeuvre, au sens de l'article 13 du règlement n° 1430/79, de sorte que les conditions d'application de cette dernière disposition doivent être appréciées à la lumière de celles de l'article 5, paragraphe 2, susvisé (arrêt Eyckeler & Malt/Commission, précité, points 136 et 137).

86.
    La Commission n'a donc pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant que les éléments invoqués par la requérante n'étaient pas constitutifs d'une situation particulière au sens de l'article 13 du règlement n° 1430/79.

- Sur l'absence de manoeuvre et de négligence manifeste

87.
    Il ressort du libellé de l'article 13 du règlement n° 1430/79 que l'application de cet article est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives, à savoir l'existence d'une situation particulière et l'absence de négligence manifeste et de manoeuvre, de sorte qu'il suffit que l'une des deux conditions fasse défaut pour que le remboursement des droits doive être refusé (arrêt du tribunal du 5 juin 1996, Günzler Aluminium/Commission, T-75/95, Rec. p. II-497, point 54).

88.
    Or, dans la décision litigieuse, la Commission a estimé que la demande de remboursement n'était pas justifiée au motif que la requérante n'avait pas démontré l'existence d'une situation particulière au sens de l'article 13 du règlement n° 1430/79. La Commission n'était, de ce fait, pas tenue d'examiner la deuxième condition, relative à l'absence de manoeuvre et de négligence manifeste de la part de la requérante.

89.
    Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen, tiré d'une violation de l'article 13 du règlement n° 1430/79, n'est pas fondé.

Sur le quatrième moyen, tiré d'une violation de l'obligation de motivation

Argumentation des parties

90.
    La requérante soutient que la décision litigieuse est entachée de deux défauts de motivation. D'une part, elle omettrait d'indiquer les raisons pour lesquelles la Commission a considéré que la première demande de remboursement n'avait pas été valablement présentée et qu'elle pouvait adopter une nouvelle décision surcette demande. La décision litigieuse se serait limitée à constater que cette demande «ne remplissait pas les conditions requises». Or, la requérante n'a compris que ces «conditions» visaient la déclaration de dossier qu'à la lecture de la lettre adressée par la Commission aux autorités néerlandaises le 4 juin 1996. Si ces autorités ne lui avaient pas transmis une copie de cette lettre, elle n'aurait pas été en mesure de défendre ses intérêts dans le cadre de la présente procédure. D'autre part, la décision litigieuse omettrait d'indiquer les raisons pour lesquelles le fait que le droit néerlandais soumet le recouvrement des droits à l'importation et des prélèvements agricoles à des délais de prescription différents ne constitue pas une situation particulière au sens de l'article 13 du règlement n° 1430/79. Dès lors que la question de délais de recouvrement discriminatoires n'a jamais été examinée par le juge communautaire, la Commission aurait dû étayer son appréciation sur ce point.

91.
    La Commission rétorque que la décision litigieuse est suffisamment motivée. D'une part, elle indiquerait clairement que la décision du 14 novembre 1994 a été retirée en considération de l'arrêt France-aviation, au motif que la procédure au terme de laquelle elle avait été adoptée n'avait pas permis à la requérante d'exercer son droit d'être entendue. D'autre part, puisque la Commission n'est pas compétente pour modifier, voire commenter, les délais de recouvrement a posteriori fixés par les États membres dans l'hypothèse où il existe des actes passibles de poursuites judiciaires répressives, la décision litigieuse pouvait se limiter à constater que des délais différents existaient et que ces différences ne constituaient pas une situation particulière pouvant justifier le remboursement des prélèvements litigieux.

Appréciation du Tribunal

92.
    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE) doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'institution auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et de défendre leurs droits et au juge communautaire d'exercer son contrôle. Il ne saurait toutefois être exigé que la motivation spécifie tous les différents éléments de fait et de droit pertinents. En effet, la question de savoir si la motivation d'une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi, de son contexte, ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [voir, notamment, arrêt de la Cour du 6 juillet 1993, CT Control (Rotterdam) et JCT Benelux/Commission, C-121/91 et C-122/91, Rec. p. I-3873, point 31, et arrêt du Tribunal du 16 juillet 1998, Kia Motors et Broekman Motorships/Commission, T-195/97, Rec. p. II-2907, point 34].

93.
    La première objection soulevée par la requérante est dénuée de tout fondement. Ainsi qu'elle l'admet elle-même, elle a eu connaissance de la lettre du 4 juin 1996, par laquelle la Commission a indiqué aux autorités douanières néerlandaises que, afin de garantir le droit de l'intéressé d'être entendu, la demande de remboursement ou de remise doit être accompagnée d'une déclaration signée parcelui-ci, selon laquelle il a pris connaissance du dossier et n'a rien à y ajouter. Dans cette lettre, la Commission a également indiqué que la première demande de remboursement n'était «ni valable ni recevable», parce que la déclaration de dossier faisait défaut. Les mêmes explications ont été données à la requérante par les autorités douanières néerlandaises dans leur lettre du 30 décembre 1996. Dans ces circonstances, la requérante devait nécessairement comprendre que les «conditions requises» auxquelles il est fait référence dans la décision litigieuse visaient la déclaration de dossier. Par ailleurs, le Tribunal constate que tant ces deux lettres que la décision litigieuse exposent clairement que la décision du 14 novembre 1994 a été retirée en considération de l'arrêt France-aviation, au motif que le droit d'être entendu de la requérante n'avait pas été assuré lors de la procédure administrative, et ce alors qu'elle faisait l'objet d'un recours en annulation.

94.
    Il convient de constater également que la décision litigieuse indique expressément que, dans l'hypothèse où il existe des actes passibles de poursuites judiciaires répressives, le recouvrement a posteriori des droits est opéré dans les délais fixés par le droit national, de sorte que des divergences peuvent se présenter et que ce fait n'est pas constitutif d'une situation particulière au sens de l'article 13 du règlement n° 1430/79. Il ressort à suffisance de cette explication que la Commission considère que l'existence de régimes nationaux dérogatoires en la matière constitue une réalité juridique qui s'applique de manière générale et objective aux opérateurs concernés et que la situation de la requérante ne présente donc aucun caractère particulier.

95.
    Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l'obligation de motivation n'est pas fondé.

96.
    Il s'ensuit que le recours doit être rejeté.

Sur les dépens

97.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante supportera l'ensemble des dépens.

Cooke

García-Valdecasas
Lindh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 janvier 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. García-Valdecasas


1: Langue de procédure: le néerlandais.