Language of document : ECLI:EU:T:1998:214

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

16 septembre 1998 (1)

«Concurrence — Repostage — Recours en annulation — Rejet partiel de plainte — Intérêt communautaire»

Dans l'affaire T-110/95,

International Express Carriers Conference (IECC) , organisation professionnelle de droit suisse, établie à Genève (Suisse), représentée par Mes Éric Morgan de Rivery, avocat au barreau de Paris, et Jacques Derenne, avocat aux barreaux de Bruxelles et de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Alex Schmitt, 62, avenue Guillaume,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. Francisco Enrique González Díaz, membre du service juridique, et Mme Rosemary Caudwell, fonctionnaire nationale détachée auprès de la Commission, puis par Mmes Caudwell et Fabiola Mascardi, fonctionnaire nationale détachée auprès de la Commission, en qualité d'agents, assistées de M. Nicholas Forwood, QC, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, représenté par Mme Stephanie Ridley, du Treasury Solicitor's Department, et, lors de la procédure orale, également par M. Nicholas Green, QC, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade du Royaume-Uni, 14, boulevard Roosevelt,

La Poste, représentée par Mes Hervé Lehman et Sylvain Rieuneau, avocats au barreau de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Aloyse May, 31, Grand-rue,

et

Post Office, représenté par M. Ulick Bourke, solicitor of the Supreme Court of England and Wales, et, lors de la procédure orale, également par M. Stuart Isaacs et Mme Sarah Moore, barristers28,, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Loesch et Wolter, 11, rue Goethe,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 17 février 1995, par laquelle celle-ci a définitivement rejeté la partie de la plainte déposée par la requérante le 13 juillet 1988 dénonçant un accord de fixation des prix conclus en octobre 1987 par divers opérateurs publics des postes,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, C. P. Briët, Mme P. Lindh, MM. A. Potocki et J. D. Cooke, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 13 mai 1997,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

    International Express Carriers Conference (IECC) et repostage

1.
         L'International Express Carriers Conference (IECC) est une organisation représentant les intérêts de certaines entreprises fournissant des services de courrier express. Ses membres offrent, entre autres, des services dits de «repostage» consistant à transporter du courrier en provenance d'un pays A vers le territoire d'un pays B en vue d'y être déposé auprès de l'opérateur postal public (ci-après «OPP») local, afin d'être finalement acheminé par celui-ci sur son propre territoire ou à destination d'un pays A ou C.

    

2.
    Il est de coutume de distinguer trois catégories de services de repostage:

—    le «repostage ABC», qui correspond à la situation dans laquelle le courrier originaire d'un pays A est transporté et introduit par des sociétés privées dans le système postal d'un pays B, afin d'être acheminé par l'intermédiaire du système postal international classique vers un pays C, dans lequel réside le destinataire final du courrier concerné;

—    le «repostage ABB», qui correspond à la situation dans laquelle le courrier originaire d'un pays A est transporté et introduit par des sociétés privées dans le système postal d'un pays B, afin d'être acheminé auprès du destinataire final du courrier résidant dans ce même pays B;

—    le «repostage ABA», qui correspond à la situation dans laquelle le courrier originaire d'un pays A est transporté et introduit par des sociétés privées dans le système postal d'un pays B, afin d'être réacheminé par l'intermédiaire du système postal international classique vers le pays A, dans lequel réside le destinataire final du courrier concerné.

3.
    Il convient d'ajouter à ces trois types de repostage, le repostage dit «repostage non physique». Ce type de repostage correspond à la situation dans laquelle des informations en provenance d'un pays A sont transportées par voie électronique vers un pays B, où elles sont, en tant que telles ou après transformation, imprimées sur papier et ensuite transportées et introduites dans le système postal du pays B ou d'un pays C, afin d'être acheminées par l'intermédiaire du système postal international classique vers un pays A, B ou C, dans lequel réside le destinataire final du courrier concerné.

    Frais terminaux et convention de l'Union postale universelle

4.
    La convention de l'Union postale universelle (UPU) adoptée le 10 juillet 1964 dans le cadre de l'Organisation des Nations unies, convention à laquelle tous les États membres de la Communauté européenne ont adhéré, constitue le cadre des relations entre les administrations postales du monde entier. C'est dans ce cadre qu'a été créée la Conférence européenne des administrations des postes et télécommunications (ci-après «CEPT»), dont font partie toutes les administrations postales européennes visées par la plainte de la requérante.

5.
    Dans les systèmes postaux, le tri du courrier «entrant» et la distribution de celui-ci aux destinataires finaux engendrent des coûts importants pour les OPP. C'est pourquoi les membres de l'UPU ont adopté en 1969 un système de taux de compensation fixe par type de courrier, dénommé «frais terminaux», revenant ainsi sur un principe en vigueur depuis la fondation de celle-ci, en vertu duquel chaque OPP assumait les coûts afférents au tri et à la distribution du courrier entrant sans les facturer aux OPP des pays d'où il était originaire. La valeur économique du service de distribution fourni par les différentes administrations postales, la structure des coûts de ces administrations et les frais facturés aux clients pouvaient, quant à eux, substantiellement différer. La différence entre les prix imposés pour l'envoi de courriers national et international dans les différents États membres et l'importance du niveau des «frais terminaux» par rapport à ces différents prix en vigueur sur le plan national constituent des éléments déterminants à l'origine du phénomène du repostage. Les opérateurs de repostage visent, en effet, entre autres, à tirer avantage de ces différences de prix en proposant aux sociétés commerciales de transporter leur courrier vers les OPP offrant le meilleur rapport qualité/prix vers une certaine destination.

6.
    L'article 23 de la convention de l'UPU de 1984, devenu l'article 25 de la convention de l'UPU de 1989, prévoit:

«1. Aucun pays membre n'est tenu d'acheminer ni de distribuer aux destinataires les envois de la poste aux lettres que des expéditeurs quelconques domiciliés sur son territoire déposent ou font déposer dans un pays étranger, en vue de bénéficier des taxes plus basses qui y sont appliquées. Il en est de même pour les envois déposés en grandes quantités, que de tels dépôts soient ou non effectués en vue de bénéficier de taxes plus basses.

2. Le paragraphe 1 s'applique sans distinction soit aux envois préparés dans le pays habité par l'expéditeur et transporté ensuite à travers la frontière, soit aux envois confectionnés dans un pays étranger.

3. L'administration intéressée a le droit ou de renvoyer les envois à l'origine, ou de les frapper de ses taxes intérieures. Si l'expéditeur refuse de payer ces taxes, elle peut disposer des envois conformément à sa législation intérieure.

4. Aucun pays membre n'est tenu ni d'accepter, ni d'acheminer, ni de distribuer aux destinataires les envois de la poste aux lettres que des expéditeurs quelconques ont déposés ou fait déposer en grande quantité dans un pays autre que celui où ils sont domiciliés. Les administrations intéressées ont le droit de renvoyer de tels envois à l'origine ou de les rendre aux expéditeurs sans restitution de taxe.»

    Plainte de l'IECC et accord CEPT de 1987

7.
    Le 13 juillet 1988, l'IECC a déposé une plainte auprès de la Commission au titre de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après «règlement n° 17»). En substance, la plaignante alléguait, en premier lieu, que certains OPP de la Communauté européenne et de pays tiers avaient conclu, à Berne, en octobre 1987, un accord de fixation des prix concernant les frais terminaux (ci-après «accord CEPT») et, en second lieu, que certains OPP tentaient d'appliquer un accord de répartition des marchés, en se fondant sur l'article 23 de la convention de l'UPU pour refuser de distribuer le courrier posté par un client auprès d'un OPP d'un pays autre que celui dans lequel il réside.

8.
    Dans la partie de sa plainte relative à l'accord CEPT, l'IECC exposait, plus précisément, que, en avril 1987, un grand nombre d'OPP communautaires avaient, lors d'une réunion au Royaume-Uni, examiné l'opportunité d'adopter une politique commune pour combattre la concurrence que leur faisait les sociétés privées proposant des services de repostage. Un groupe de travail constitué au sein de la CEPT avait ultérieurement proposé, en substance, une augmentation des frais terminaux, l'adoption d'un code de conduite commun, ainsi qu'une amélioration du service rendu à la clientèle. En octobre 1987, ce groupe de travail aurait donc adopté un nouvel arrangement relatif aux frais terminaux, l'accord CEPT, proposant un nouveau taux fixe, en réalité, supérieur au précédent.

9.
    Il est, en outre, constant que le 17 janvier 1995, en vue de remplacer l'accord CEPT de 1987, quatorze OPP, dont douze de la Communauté européenne, ont signé un accord préliminaire sur les frais terminaux. Celui-ci, dénommé «accord REIMS» (système de rémunération des échanges de courriers internationaux entre opérateurs postaux publics ayant l'obligation d'assurer un service universel), prévoit, en substance, un système dans le cadre duquel l'administration postale de destination appliquerait à l'administration postale d'origine un pourcentage fixe de son tarif intérieur pour tout courrier lui parvenant. Une version finalisée de cet accord a été signée le 13 décembre 1995 et notifiée à la Commission le 19 janvier 1996 (JO 1996, C 42, p. 7).

    Traitement de la plainte par la Commission

10.
    Les OPP cités dans la plainte de la requérante ont soumis leurs réponses aux questions posées par la Commission en novembre 1988. Au cours de la période entre juin 1989 et février 1991, une correspondance abondante a été échangée entre, d'une part, l'IECC et, d'autre part, divers fonctionnaires de la direction générale Concurrence (DG IV), ainsi que les cabinets des membres de la Commission MM. Bangemann et Brittan.

11.
    Le 18 avril 1991, la Commission a informé l'IECC, qu'elle «avait décidé d'entamer une procédure au titre des dispositions du règlement n° 17 [...] sur la base des articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité CE».

12.
    Le 7 avril 1993, elle a informé l'IECC qu'elle avait adopté une communication des griefs le 5 avril 1993 et que celle-ci devait être adressée aux OPP concernés.

13.
    Le 26 juillet 1994, l'IECC a invité la Commission, en application de l'article 175 du traité, à lui adresser une lettre, conformément à l'article 6 du règlement n° 99/63 de la Commission du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après «règlement n° 99/63»), dans l'hypothèse où elle estimerait que l'adoption d'une décision d'interdiction à l'égard des OPP n'était pas nécessaire.

14.
    Le 23 septembre 1994, la Commission a adressé une lettre à l'IECC dans laquelle elle déclarait son intention de rejeter la partie de sa plainte se rapportant à l'application de l'article 85 du traité à l'accord CEPT, et lui demandait de présenter ses observations, conformément à l'article 6 du règlement n° 99/63.

15.
    Par lettre du 23 novembre 1994, l'IECC a communiqué ses observations sur cette lettre de la Commission et a simultanément invité celle-ci à adopter une position sur sa plainte.

16.
    Le 15 février 1995, estimant que la Commission n'avait pas pris position au sens de l'article 175 du traité, l'IECC a introduit un recours en carence, enregistré sous le numéro T-28/95. Deux jours plus tard, le 17 février 1995, la Commission a fait parvenir à l'IECC la décision finale de rejet de sa plainte en ce qui concerne l'application de l'article 85 du traité à l'accord CEPT, laquelle fait l'objet du présent recours (ci-après, «décision du 17 février 1995»).

17.
    Dans sa décision du 17 février 1995, la Commission précise:

«5. [...] Notre principale objection au système des frais terminaux défini dans l'accord CEPT de 1987 était que ce système n'était pas fondé sur les coûts supportés par les administrations postales pour traiter le courrier international entrant. [...] En conséquence, la communication des griefs soulignait que les tarifs

perçus par les administrations postales pour traiter le courrier international entrant devaient être fondés sur les coûts supportés par ces administrations.

6. La Commission admettait qu'il pouvait être difficile de calculer ces coûts de manière précise et déclarait que les tarifs intérieurs pouvaient être considérés comme donnant une indication appropriée à cet égard. [...]

8. [...] La Commission a été tenue au courant des étapes qui ont abouti au 'système REIMS‘ proposé. Le 17 janvier 1995, quatorze OPP [...] ont signé un accord préliminaire sur les frais terminaux, dans la perspective d'une mise en oeuvre à partir du 1er janvier 1996. Selon des informations fournies de manière informelle par l'International Post Corporation, l'accord préliminaire récemment signé prévoit un système selon lequel l'OPP de réception facturerait un pourcentage fixe de son tarif intérieur, pour tout objet postal reçu, à l'OPP d'origine.

9. La Commission note donc que les OPP s'efforcent activement d'élaborer un système de nouveaux tarifs et estime à ce stade que les parties cherchent à rencontrer les préoccupations de la Commission au regard du droit de la concurrence, partagées par votre plainte relative à l'ancien système. Il n'est guère vraisemblable que la poursuite de la procédure d'infraction relative au système CEPT de 1987, lequel n'aura bientôt plus cours, aboutirait à un résultat plus favorable pour vos clients. En effet, le résultat probable d'une décision d'interdiction serait simplement de retarder la réforme et la restructuration profondes du système de frais terminaux qui sont en train de se mettre en place, alors que le système modifié devrait être mis en oeuvre dans un proche avenir. A la lumière de l'arrêt rendu [...] dans l'affaire Automec II, la Commission estime qu'il ne serait pas conforme à l'intérêt communautaire qu'elle consacre ses ressources limitées à tenter de résoudre, au stade actuel, l'aspect de la plainte concernant les frais terminaux au moyen d'une décision d'interdiction.

[...]

12. [...] Le système REIMS paraît néanmoins fournir, à tout le moins pour une période transitoire, des alternatives aux clauses restrictives antérieures qui préoccupaient la Commission. Le système REIMS assure notamment, malgré de possibles imperfections, un lien entre les frais terminaux et la structure des tarifs intérieurs [...].

13. La Commission examinera sans aucun doute de manière approfondie le futur système REIMS et sa mise en oeuvre au regard des règles de concurrence. Elle examinera notamment la question de l'intérêt communautaire, tant en ce qui concerne le fond des réformes que le rythme de leur mise en oeuvre [...]»

18.
    Le 6 avril 1995, la Commission a adressé à la requérante une décision rejetant la seconde partie de sa plainte, dans la mesure où elle vise l'interception de repostage ABA. Cette décision fait l'objet de l'affaire T-133/95.

19.
    Le 14 août 1995, la Commission a adopté une décision relative à l'application des règles de concurrence à l'utilisation de l'article 23 de la convention de l'UPU pour l'interception de repostage de type «ABC». Cette décision fait l'objet de l'affaire T-204/95.

Procédure

20.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 avril 1995, la requérante a introduit le présent recours.

21.
    Par ordonnances du 6 février 1996, le président de la troisième chambre élargie du Tribunal a admis l'intervention du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, du Post Office et de La Poste au soutien des conclusions de la Commission.

22.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, il a invité certaines parties à produire des documents et à répondre à des questions, soit par écrit, soit oralement à l'audience. Les parties ont déféré à ces invitations.

23.
    Conformément à l'article 50 du règlement de procédure, les affaires T-28/95, T-110/95, T-133/95 et T-204/95, introduites par la même requérante et connexes dans leur objet, ont été jointes en vue de la procédure orale par ordonnance du président de la troisième chambre élargie du 12 mars 1997.

24.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 13 mai 1997.

25.
    Le 26 septembre 1997, la requérante a sollicité une réouverture des débats en vertu de l'article 62 du règlement de procédure. La Commission, le Post Office et La Poste ont, sur invitation du Tribunal, fait savoir qu'ils estimaient qu'il n'y avait pas lieu de rouvrir les débats. Le 26 février 1998, la requérante a demandé à nouveau la réouverture des débats. Le Tribunal considère que, au regard des pièces produites par la requérante, il n'y a pas lieu d'accueillir ces demandes. En effet, les éléments nouveaux invoqués par la requérante à l'appui de celles-ci soit ne contiennent aucun élément décisif pour l'issue du litige en cause, soit se limitent à démontrer l'existence de faits manifestement postérieurs à l'adoption de la décision attaquée, faits qui ne sauraient, en conséquence, en affecter la validité.

Conclusions des parties

26.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision du 17 février 1995;

—    ordonner toute autre mesure que le Tribunal considère comme appropriée pour amener la Commission à se conformer à l'article 176 du traité;

—     condamner la Commission aux dépens.

27.
    Dans ses observations sur les mémoires en intervention, la requérante demande en outre au Tribunal de:

—    déclarer irrecevable le mémoire en intervention du Post Office;

—    condamner les parties intervenantes aux dépens relatifs aux observations sur les interventions;

—    ordonner la production de l'accord préliminaire REIMS.

28.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—     rejeter le recours;

—     condamner la requérante aux dépens.

29.
    Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et le Post Office concluent au rejet du recours.

30.
    La Poste conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours;

—    condamner la requérante aux dépens de son intervention.

Sur la recevabilité du mémoire en intervention du Post office

31.
    Selon la requérante, le mémoire en intervention du Post Office n'est pas conforme à l'article 116, paragraphe 4, sous a), du règlement de procédure, dans la mesure où il n'indique pas au soutien de quelle partie il a été déposé, de sorte qu'il doit être déclaré irrecevable.

32.
    En vertu de l'article 37, paragraphe 3, du statut (CE) de la Cour et de l'article 116, paragraphe 4, sous a), du règlement de procédure du Tribunal, les conclusions d'un

mémoire en intervention ne peuvent avoir d'autre objet que le soutien des conclusions de l'une des parties au principal. Or, il ressort du mémoire en intervention du Post Office que l'objectif de l'intervention était de soutenir les conclusions de la Commission, nonobstant l'absence de conclusions formelles en ce sens. La requérante ne pouvait donc entretenir de doutes sérieux quant à la portée ou à l'objectif visé par le mémoire en intervention. Il convient de rappeler, en outre, que la demande d'intervention du Post Office contenait, conformément à l'article 115, paragraphe 2, sous e), du règlement de procédure, l'indication des conclusions au soutien desquelles celui-ci demandait à intervenir et que l'ordonnance du 6 février 1996, précitée, a, au point 1 de son dispositif, admis l'intervention du Post Office «au soutien des conclusions de la partie défenderesse». Dans ces circonstances, il convient de rejeter ce chef de conclusions.

Sur la recevabilité de la demande tendant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission d'adopter les mesures appropriées en vue de se conformer aux obligations prévues par l'article 176 du traité

33.
    En vertu d'une jurisprudence constante, il n'appartient pas au juge communautaire d'adresser des injonctions aux institutions communautaires ou de se substituer à ces dernières dans le cadre du contrôle de légalité qu'il exerce. Il incombe à l'institution concernée, en vertu de l'article 176 du traité, de prendre les mesures que comporte l'exécution d'un arrêt rendu dans le cadre d'un recours en annulation.

34.
    Ce chef de conclusions est, dès lors, irrecevable.

Sur le fond

35.
    A l'appui de son recours en annulation, l'IECC soulève six moyens: le premier est tiré d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité; le deuxième est tiré d'une violation de l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 17 et de l'article 85, paragraphe 3, du traité; le troisième est tiré d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation des faits; le quatrième est tiré d'un détournement de pouvoir; le cinquième est tiré d'une violation de l'article 190 du traité; enfin, le sixième est tiré d'une violation de certains principes généraux du droit.

36.
    Il convient, en l'espèce, d'examiner tout d'abord le troisième moyen soulevé par la requérante.

         Sur le troisième moyen, pris d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste dans l'appréciation par la Commission de l'intérêt communautaire de l'affaire

Arguments des parties

37.
    Dans la première branche de ce moyen, la requérante estime que la Commission n'était plus en droit d'invoquer l'absence «d'intérêt communautaire» pour rejeter sa plainte, dans la mesure où celle-ci avait été instruite de façon définitive et où la Commission avait reconnu l'existence d'une infraction à l'article 85 du traité (conclusions du juge M. Edward, faisant fonction d'avocat général, sous l'arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992, Automec/Commission, T-24/90, Rec. p. II-2223, ci-après «arrêt Automec II», point 105). En effet, la Commission ne pourrait décider de ne pas instruire une affaire de façon approfondie que dans deux hypothèses: soit lorsqu'elle considère que les articles 85 et 86 du traité n'ont pas été violés, soit lorsque, sur la base d'un examen préliminaire, elle estime que l'affaire concernée ne mérite pas, en l'absence d'intérêt communautaire, d'être traitée en priorité (arrêt du Tribunal du 24 janvier 1995, BEMIM/Commission, T-114/92, Rec. p. II-147). Ces étapes préliminaires de la procédure franchies, la Commission ne pourrait plus invoquer le concept d'intérêt communautaire.

38.
    Dans une deuxième branche, la requérante reproche à la Commission d'avoir commis une erreur de droit et une erreur manifeste dans son appréciation de l'intérêt communautaire. Elle soutient, en effet, que, en l'espèce, il existait un intérêt communautaire à poursuivre l'examen de l'affaire en raison de l'importance de l'infraction alléguée pour le fonctionnement du marché commun, de la probabilité de pouvoir établir son existence et de l'étendue des mesures d'investigation nécessaires (arrêt Automec II, point 86). Elle insiste, en outre, sur l'absence de solutions alternatives à l'adoption par la Commission d'une décision d'interdiction dans la mesure où, en raison du caractère international de l'accord CEPT, des actions judiciaires au niveau national seraient inappropriées. Dans de telles circonstances, le rejet d'une plainte constituerait un déni de justice. Elle rappelle, enfin, que la Commission a déclaré dans la communication des griefs adressée aux OPP qu'«il y a un danger réel de reprise de la pratique à laquelle l'engagement a mis fin et que, en conséquence, il est nécessaire de clarifier la situation juridique». Cette constation aurait donc dû conduire la Commission à adopter une décision constatant une infraction au droit de la concurrence, et ce d'autant plus qu'il n'avait pas encore été mis fin à ladite infraction.

39.
    Dans une troisième branche, elle reproche à la Commission d'avoir commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation des faits en se référant au projet d'accord REIMS pour rejeter la plainte.

40.
    Tout d'abord, la Commission aurait commis une erreur de droit en refusant d'adopter une décision d'interdiction à l'égard de l'accord CEPT, sur le fondement de la mise en oeuvre d'un projet d'accord supposé remplacer cet accord. Elle aurait

également commis une erreur manifeste d'appréciation des faits en déclarant que la conséquence d'une décision interdisant l'accord CEPT serait «simplement de retarder la réforme et la restructuration profondes du système de frais terminaux», alors qu'il ressortirait du dossier que c'est uniquement en raison des pressions de la Commission que les OPP ont accepté de réformer le système CEPT. Une décision prohibitive aurait donc forcé les OPP à adopter un nouveau système immédiatement.

41.
    Elle considère, ensuite, que la Commission a incorrectement apprécié le projet d'accord REIMS puisque, au moment où elle a adopté la décision attaquée, l'accord n'avait pas encore été finalisé ni signé par les parties concernées et que la presse faisait état de la volonté de certaines parties de ne pas le signer. Ce faisant, la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des faits (en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 mai 1994, BEUC et NCC/Commission, T-37/92, Rec. p. II-285, point 59), puisqu'elle n'a pas établi que le projet d'accord REIMS mettrait nécessairement fin à l'infraction constatée.

42.
    Elle fait valoir, enfin, que l'accord REIMS prévoit une période de transition trop importante et comporte des aspects discriminatoires. Il maintiendrait, par ailleurs, en vigueur un certain nombre de dispositions illégales de l'accord CEPT, sans pour autant apporter de solution aux problèmes soulevés dans la plainte (arrêt BEUC et NCC/Commission, précité, point 54).

43.
    La Commission rappelle, en réponse à la première branche, que, selon l'arrêt du Tribunal du 24 janvier 1995, Tremblay e.a./Commission (T-5/93, Rec. p. II-185), elle ne saurait être tenue d'adopter une décision d'interdiction, même dans l'hypothèse où elle a conclu qu'un comportement constitue une violation des règles de concurrence.

44.
    Quant à la deuxième branche, elle estime que la liste des critères énumérés au point 86 de l'arrêt Automec II, précité, n'est pas exhaustive, et qu'elle pouvait tenir compte du désir manifesté par les OPP de s'orienter vers le système REIMS.

45.
    La Commission nie, enfin, avoir commis une quelconque erreur d'appréciation ou une quelconque erreur de droit dans l'appréciation de l'accord REIMS.

Appréciation du Tribunal

46.
    Selon une jurisprudence constante, l'article 3 du règlement n° 17 ne confère pas à l'auteur d'une demande présentée en vertu de cet article le droit d'obtenir une décision de la Commission, au sens de l'article 189 du traité, quant à l'existence ou non d'une infraction à l'article 85 et/ou à l'article 86 du traité (notamment, arrêt BEMIM/Commission, précité, point 62). En outre, la Commission est en droit de rejeter une plainte lorsqu'elle constate que l'affaire ne présente pas un intérêt communautaire suffisant, de nature à justifier la poursuite de l'examen de l'affaire (arrêt BEMIM/Commission, précité, point 80).

47.
    Lorsque la Commission rejette une plainte pour défaut d'intérêt communautaire, le contrôle de légalité auquel le Tribunal doit procéder vise à vérifier que la décision litigieuse ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, n'est entachée d'aucune erreur de droit, non plus que d'aucune erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir (arrêt Automec II, point 80).

48.
    En l'espèce, la requérante soutient, dans la première branche de son moyen, que la Commission ne pouvait rejeter la plainte pour défaut d'intérêt communautaire suffisant sans commettre une erreur de droit, compte tenu de l'état avancé de l'instruction. Cette argumentation ne saurait être accueillie.

49.
    En effet, une telle interprétation serait non seulement contraire au texte même de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, selon lequel la Commission «peut» adopter une décision quant à l'existence de l'infraction alléguée, mais irait, de plus, à l'encontre d'une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêt de la Cour du 18 octobre 1979, GEMA/Commission, 125/78, Rec. p. 3173, point 17), suivant laquelle l'auteur d'une plainte n'a pas le droit d'obtenir une décision de la Commission au sens de l'article 189 du traité. A cet égard, il a été précisé dans l'arrêt BEMIM/Commission, précité, que la Commission peut prendre une décision de classement d'une plainte pour défaut d'intérêt communautaire suffisant, non seulement avant d'avoir entamé une instruction de l'affaire, mais également après avoir pris des mesures d'instruction, si elle est amenée à cette constatation à ce stade de la procédure (point 81).

50.
    Dans la deuxième branche de son moyen, la requérante soutient, en substance, que la Commission a violé les règles de droit relatives à l'appréciation de l'intérêt communautaire.

51.
    Pour apprécier l'intérêt communautaire qu'il y a à poursuivre l'examen d'une affaire, la Commission doit tenir compte des circonstances du cas d'espèce et, notamment, des éléments de fait et de droit qui lui sont présentés dans la plainte dont elle est saisie. Il lui appartient, notamment, après avoir évalué, avec toute l'attention requise, les éléments de fait et de droit avancés par la partie plaignante, de mettre en balance l'importance de l'infraction alléguée pour le fonctionnement du marché commun, la probabilité de pouvoir établir son existence et l'étendue des mesures d'investigation nécessaires, en vue de remplir, dans les meilleures conditions, sa mission de surveillance du respect des articles 85 et 86 du traité (arrêt Automec II, point 86).

52.
    La Commission n'est cependant pas tenue de ne mettre en balance, dans son appréciation de l'intérêt communautaire, que les éléments énumérés par le Tribunal dans l'arrêt Automec II. Elle est donc en droit de retenir, dans cette appréciation, d'autres éléments pertinents. En effet, l'appréciation de l'intérêt communautaire repose nécessairement sur un examen des circonstances propres à chaque espèce, réalisé sous le contrôle du Tribunal.

53.
    En l'espèce, il ressort d'une lecture d'ensemble de la décision attaquée que la Commission a rejeté la plainte, en ce qui concerne la violation alléguée de l'article 85, paragraphe 1, du traité, sur le fondement de l'absence d'intérêt communautaire, au motif que les entreprises visées par la plainte devaient modifier les comportements dénoncés dans le sens qu'elle préconisait.

54.
    A cet égard, le Tribunal rappelle que l'étendue des obligations de la Commission dans le domaine du droit de la concurrence doit être examinée à la lumière de l'article 89, paragraphe 1, du traité, qui, dans ce domaine, constitue la manifestation spécifique de la mission générale de surveillance confiée à la Commission par l'article 155 du traité (arrêt du Tribunal du 14 juillet 1994, Parker Pen/Commission, T-77/92, Rec. p. II-549, point 63).

55.
    La mission de surveillance qui lui est confiée dans le domaine du droit de la concurrence comprend la tâche d'instruire et de réprimer des infractions individuelles, mais elle comporte également le devoir de poursuivre une politique générale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens le comportement des entreprises (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80, 101/80, 102/80 et 103/80, Rec. p. 1825, point 105).

56.
    De plus, l'article 85 du traité est une expression de l'objectif général assigné par l'article 3, sous g), du traité à l'action de la Communauté, à savoir l'établissement d'un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le marché commun (dans le même sens, arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 38).

57.
    Compte tenu de cet objectif général et de la mission assignée à la Commission, le Tribunal considère que, sous réserve de motiver une telle décision, la Commission peut décider qu'il n'est pas opportun de donner suite à une plainte dénonçant des pratiques contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité, lorsque les faits sous examen lui permettent légitimement de croire que les comportements des entreprises concernées seront modifiés dans un sens favorable à l'intérêt général.

58.
    Dans une telle situation, il appartient à la Commission, dans le cadre de sa mission de surveillance de la bonne application du traité, de décider s'il est dans l'intérêt de la Communauté d'inciter les entreprises mises en cause par la procédure administrative à modifier leurs comportements en considération des griefs retenus contre elles (en ce sens, arrêt de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, point 15) et d'exiger d'elles l'assurance que ces comportements seront effectivement modifiés dans le sens qu'elle préconise plutôt que de constater formellement dans une décision que ces comportements d'entreprises violent les règles de concurrence du traité.

59.
    En conséquence, la Commission était en droit de considérer que, dans les circonstances de l'espèce, il était préférable, compte tenu de ses ressources limitées, de favoriser la réforme en cours du système des frais terminaux plutôt que de sanctionner le système des frais terminaux par une décision d'interdiction de l'accord CEPT.

60.
    En ce qui concerne la prétendue contradiction entre la communication des griefs et la décision du 17 février 1995 à propos du risque de récidive des OPP, il suffit de constater que l'affirmation de la Commission reproduite par la requérante (voir ci-dessus point 38) se référait aux pratiques d'interception développées par les OPP sur le fondement de l'article 23 de la convention de l'UPU, qui fait l'objet des affaires T-133/95 et T-204/95. Cet argument est donc dénué de pertinence dans le cadre de la présente affaire.

61.
    La Commission ayant choisi d'inciter les entreprises concernées à modifier les comportements dénoncés dans le sens qu'elle préconisait dans la communication des griefs, la requérante ne saurait invoquer l'absence d'alternative judiciaire nationale à l'adoption d'une décision d'interdiction étant donné que, en adoptant cette conduite conforme à sa politique à l'égard du secteur postal, la Commission a, en l'espèce, également répondu aux griefs soulevés par la requérante dans sa plainte et ses courriers ultérieurs à l'égard de l'ancien système tarifaire.

62.
    Enfin, la requérante soutient, dans la troisième branche de son moyen, que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en se référant au projet d'accord REIMS pour rejeter la plainte.

63.
    Cette allégation ne saurait être retenue. En effet, la Commission n'a commis aucune erreur en considérant que, à la date d'adoption de la décision, le projet d'accord REIMS fournissait suffisamment de garanties de réussite globale du processus de négociations entre les OPP, visant à mettre en place un système fondé sur les coûts réels qu'ils encourent lors du traitement du courrier au niveau national. En dépit du caractère transitoire et potentiellement imparfait du projet d'accord REIMS, d'ailleurs reconnu par la Commission, le document invoqué par celle-ci dans la décision attaquée décrivait déjà de façon détaillée le nouveau système fondé sur les tarifs postaux nationaux à mettre en place dès le 1er janvier 1996. Ce document caractérisait l'état intermédiaire mais certain du processus de négociations entre tous les OPP concernés. Dans ce contexte, il y a également lieu de souligner que la Commission n'a jamais affirmé que l'existence du projet d'accord REIMS avait ipso facto mis fin aux aspects anticoncurrentiels de l'accord CEPT allégués par le plaignant.

64.
    Par ailleurs, les arguments de la requérante selon lesquels l'accord préliminaire REIMS prévoirait une période de transition trop importante et comporterait des aspects discriminatoires ne sauraient affecter la légalité de la décision attaquée. Le Tribunal ne peut, en effet, examiner en détail l'ensemble des dispositions de

l'accord préliminaire REIMS, tel que notifié ultérieurement à la Commission, sans préjuger de l'analyse que la Commission doit encore fournir de cet accord en vertu de l'article 85, paragraphes 1 et 3, du traité dans le cadre de cette notification.

65.
    En outre, les faits à l'origine de la présente affaire se distinguent de ceux que le Tribunal a examinés dans l'arrêt BEUC et NCC/Commission, précité. Dans cet arrêt, le Tribunal avait annulé la décision de la Commission pour erreur dans l'appréciation des faits relatifs à la cessation de l'infraction en cause. Cette appréciation en fait, propre à cette affaire, ne saurait dès lors être transposée au présent litige. Par ailleurs, il a déjà été souligné ci-avant au point 63 que la Commission n'a nullement affirmé dans la décision attaquée que l'accord préliminaire REIMS avait ipso facto mis fin à l'accord CEPT.

66.
    En ce qui concerne l'argument de la requérante selon lequel la Commission aurait commis une erreur en considérant que l'adoption d'une décision d'interdiction risquait d'enrayer les négociations concernant l'accord préliminaire REIMS, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle le Tribunal doit se limiter à vérifier l'absence d'erreurs manifestes d'appréciation dans le cadre de son contrôle des conséquences que la Commission tire des faits qui sont soumis à son appréciation (arrêt BEMIM/Commission, précité, point 72). Le Tribunal ne saurait, dans le cadre d'un tel contrôle, substituer son appréciation sur la portée précise des conséquences concrètes de faits complexes à celle de la Commission (arrêt de la Cour du 18 mars 1975, Deuka, 78/74, Rec. p. 421, points 9 et 10). Or, en l'occurrence, la Commission pouvait raisonnablement estimer que l'adoption d'une décision d'interdiction compliquerait substantiellement le processus d'adoption de l'accord préliminaire REIMS. Elle n'a donc pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'adoption éventuelle d'une décision d'interdiction. L'argument de la requérante selon lequel les OPP n'auraient, par le passé, adapté leur attitude à l'égard du repostage que sur pression de la Commission n'affecte pas le caractère raisonnable de cette appréciation.

67.
    L'argument de la requérante selon lequel l'accord préliminaire REIMS maintiendrait en vigueur certaines dispositions interdites de l'accord CEPT, alors que la reconduction d'un accord restrictif de concurrence similaire aurait été condamnée au point 54 de l'arrêt BEUC et NCC/Commission, précité, doit également être rejeté. En effet, dans cette affaire, la simple reconduction de l'accord informel concerné impliquait qu'il subsiste tel quel, sans contrôle ultérieur de la part de la Commission, alors que, en l'occurrence le projet d'accord REIMS, signé formellement par les OPP, et modifiant substantiellement l'état de fait préexistant, fait l'objet d'une analyse détaillée de la Commission quant à sa compatibilité avec l'article 85 du traité dans le cadre de la notification précitée.

68.
    Quant à l'argument selon lequel les réponses fournies par les OPP à la communication des griefs doivent être regardées comme révélant un refus de leur part de se plier à la volonté de la Commission, il convient de relever que l'on ne saurait exiger d'une entreprise destinataire d'une communication des griefs que,

lors de la rédaction de sa réponse à cette communication, elle manifeste uniquement l'intention de s'aligner sur la position de la Commission. Une telle entreprise doit, en effet, pouvoir contester les affirmations juridiques et factuelles de la Commission. Une interprétation contraire viderait de sens le droit de réponse à la communication des griefs prévu à l'article 3 du règlement n° 99/63 (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30/89, Rec. p. II-1439, point 35).

69.
    Au vu de l'ensemble de ce qui précède, le moyen doit être rejeté dans son entièreté.

    Sur les premier et deuxième moyens, tirés, d'une part, d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité et, d'autre part, d'une violation de l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 17 et de l'article 85, paragraphe 3, du traité

Arguments des parties

70.
    Dans le cadre de son premier moyen, la requérante expose, en substance, que la Commission a établi dans sa communication des griefs, et ensuite dans la décision du 17 février 1995, que l'accord CEPT violait l'article 85 du traité. Cette institution aurait, dès lors, violé ladite disposition en ne condamnant pas les OPP concernés et en rejetant sa plainte. Elle se réfère, à cet égard, à l'arrêt de la Cour du 11 avril 1989, Ahmed Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro (66/86, Rec. p. 803, points 51 et 52), dans lequel la Cour aurait interdit aux institutions communautaires de favoriser la formation d'accords ou de pratiques contraires au droit de la concurrence.

71.
    Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que, en n'obligeant pas les OPP à mettre fin à l'accord CEPT dont elle aurait reconnu le caractère restrictif, la Commission aurait de facto accordé une exemption à cet accord, en l'absence de notification préalable et sans que les conditions de fond imposées par l'article 85, paragraphe 3, du traité soient réunies. Elle souligne également que la Commission ne saurait invoquer, dans sa décision de rejet, la complexité de l'affaire concernée pour s'abstenir de sanctionner les infractions aux règles de concurrence commises par les OPP.

72.
    La Commission, quant à elle, relève qu'il ressort de l'article 3 du règlement n° 17 qu'un plaignant n'est pas en droit d'obtenir une décision constatant une infraction, et qu'elle n'est pas tenue de poursuivre une procédure jusqu'à l'adoption d'une décision finale.

73.
    Selon le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, l'existence d'une éventuelle erreur de droit dans l'interprétation de l'article 85, paragraphe 1, du traité n'aurait, en tout état de cause, aucune incidence sur la légalité de la décision

attaquée, dans la mesure où cette décision ne se fonde pas sur l'existence d'une éventuelle violation de ladite disposition.

Appréciation du Tribunal

74.
    Les premier et deuxième moyens invoqués par la requérante se fondent, en substance, sur la prémisse que la Commission a établi, dans la décision du 17 février 1995, que l'accord CEPT viole l'article 85, paragraphe 1, du traité. Or, cette seule circonstance ne suffit pas pour constater que la Commission a commis, en l'espèce, une erreur de droit en n'interdisant pas, dans une décision formelle, les pratiques dénoncées. En effet, ainsi qu'il ressort de l'examen du moyen précédent, à supposer même que les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité soient considérées comme réunies par la Commission, celle-ci, d'une part, n'est pas tenue d'adopter une décision constatant l'infraction concernée et, d'autre part, peut considérer, dans une décision rejetant la plainte à l'origine de l'instruction menée, qu'il n'est pas dans l'intérêt de la Communauté de constater cette infraction.

75.
    Par ailleurs, l'argumentation de la requérante selon laquelle, en adoptant sa décision de rejet, la Commission aurait «favorisé» l'adoption ou le maintien d'un accord restrictif de concurrence au sens de l'arrêt Ahmed Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, précité, doit être rejetée. On ne saurait, en effet, assimiler le rejet d'une plainte fondé, en substance, sur l'adoption de l'accord REIMS répondant aux objections principales soulevées par la Commission et la plaignante à une «faveur» accordée par la Commission à l'accord CEPT ainsi remplacé.

76.
    L'argument selon lequel la Commission ne saurait invoquer la complexité d'une pratique restrictive de concurrence pour rejeter une plainte est, quant à lui, inopérant. Il convient, en effet, d'observer que cette institution s'est légalement limitée à invoquer la complexité du dossier en cause aux points 6 et 10 de la décision du 17 février 1995, afin d'expliquer pourquoi elle estimait que les problèmes liés à l'existence de l'accord CEPT avaient plus de chances d'être résolus au moyen de l'accord préliminaire REIMS, plutôt qu'au moyen d'une décision d'interdiction. La décision attaquée ne saurait donc en aucun cas être lue comme se fondant, en tant que telle, sur la complexité du dossier en cause, pour rejeter la plainte de la requérante.

77.
    Les premier et deuxième moyens doivent dès lors être rejetés dans leur ensemble.

    Sur le quatrième moyen, tiré d'un détournement de pouvoir

Arguments des parties

78.
    La requérante estime que la Commission a commis un détournement de pouvoir en faisant usage de ses pouvoirs en matière de concurrence dans le but de réaliser des objectifs de nature politique, à savoir «assurer un bon climat politique dans les

relations entre la Commission et les administrations postales et par conséquent leurs États membres».

79.
    Elle signale, d'une part, qu'elle a été obligée à plusieurs reprises d'exhorter la Commission à agir en vertu de l'article 175 du traité et que l'inaction de cette dernière l'a forcée à envoyer un grand nombre de lettres à plusieurs de ses responsables. D'autre part, elle considère que l'existence de pressions politiques est démontrée, entre autres, par la réponse de l'administration postale allemande à la communication des griefs, aux termes de laquelle «la plainte détonne dans le climat de coopération constructive entre les autorités postales et la Commission. Afin d'atténuer les dégâts politiques nous suggérons de ne pas continuer la procédure dans un avenir proche». Le contraste entre diverses déclarations publiques des responsables de la Commission, promettant une application stricte des règles de concurrence, et le retard considérable pris ultérieurement par la Commission dans le traitement de cette affaire et, enfin, la déclaration anonyme d'un responsable de la Commission, publiée dans la revue The Economist selon laquelle: «Personne ne s'occupe de ce dossier [...]» établiraient également l'existence de pressions politiques.

80.
    Elle estime que c'est également pour des raisons politiques que la Commission a cherché à coordonner le traitement de sa plainte et l'adoption du livre vert sur les services postaux en 1992.

81.
    Enfin, la requérante considère que l'attitude de la Commission dans ce dossier, contraire à une pratique constante d'intervention à l'égard d'accords de fixation des prix, ne peut s'expliquer que par la pression politique considérable qu'elle a subie.

82.
    La Commission nie, quant à elle, que le rejet de la plainte ait été motivé par des objectifs de nature politique et rétorque que la requérante n'a produit aucune preuve tangible de l'existence d'un quelconque détournement de pouvoir.

Appréciation du Tribunal

83.
    Selon une jurisprudence constante, une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt de la Cour du 12 novembre 1996, Royaume-Uni/Conseil, C-84/94, Rec. p. I-5755, point 69, et arrêt Tremblay e.a./Commission, précité, points 87 et suivants).

84.
    Or, il ne ressort ni des éléments factuels ou des documents fournis ni des arguments avancés par la requérante que la Commission ait détourné la procédure administrative concernée de son objet avoué, tel qu'exprimé dans sa décision du 17 février 1995.

85.
    En effet, le délai d'adoption, relativement long, de la décision de rejet du 17 février 1995 et, précédemment, le délai d'adoption de la communication des griefs de 1993 peuvent être justifiés dans une mesure importante par la complexité des aspects économiques des questions soulevées, le nombre d'OPP impliqués dans les négociations de l'accord préliminaire REIMS, l'adoption parallèle du livre vert sur les services postaux et le délai nécessaire à la mise en oeuvre d'un système de remplacement, tel que l'accord préliminaire REIMS.

86.
    Quant aux diverses invitations à agir adressées par la requérante à la Commission, il convient de constater qu'elles ont été suivies de prises de position de cette dernière, conformément à l'article 175 du traité, ou n'ont pas été suivies de l'introduction de recours en carence par la première.

87.
    Les déclarations anonymes de prétendus fonctionnaires de la Communauté publiées par une revue telle que The Economist doivent, quant à elles, être considérées comme de simples allégations et non comme des preuves ou des commencements de preuves de l'existence d'un détournement de pouvoir.

88.
    Dès lors qu'il ressort de l'examen effectué par le Tribunal que la Commission a correctement apprécié le défaut d'intérêt communautaire à poursuivre son enquête, il n'apparaît pas que cette institution a indûment privilégié l'effort d'élaboration d'un cadre réglementaire au détriment de l'application des règles de concurrence. Enfin, il convient de souligner que la décision attaquée ne cite le livre vert sur les services postaux qu'à titre d'élément établissant que l'accord préliminaire REIMS remédie aux objections soulevées à propos de l'accord CEPT et ne rejette pas la plainte en raison du simple fait de l'adoption de ce livre vert.

89.
    Au vu de ce qui précède, le moyen doit être rejeté.

    Sur le cinquième moyen, relatif à la violation de l'article 190 du traité

Arguments des parties

90.
    La requérante considère que, après presque sept années de procédure comprenant l'adoption d'une communication des griefs, la Commission était obligée d'aborder les points qu'elle avait soulevés auprès de cette institution avec un soin et une exhaustivité particulière. Or, elle estime que la décision attaquée ne répond nullement à ces critères exigeants. Elle n'indiquerait pas les raisons pour lesquelles il n'y avait pas d'intérêt communautaire à l'adoption d'une décision d'interdiction, éviterait de préciser pourquoi les effets positifs de l'accord REIMS seraient compromis par l'adoption d'une décision d'interdiction et ne préciserait pas pour quels motifs il faudrait nécessairement se référer à l'accord REIMS pour résoudre les problèmes soulevés dans sa plainte. Elle rappelle, en outre, que, si une décision s'écarte d'une pratique décisionnelle antérieure, la Commission ne peut se contenter d'adopter une décision sommaire et doit développer son raisonnement

d'une manière explicite (arrêt de la Cour du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds/Commission, 142/84 et 156/84, Rec. p. 4487, point 71).

91.
    Elle se réfère, par ailleurs, au point 86 de l'arrêt Automec II, et considère que la Commission n'a justifié son appréciation de l'intérêt communautaire par rapport à aucun des critères énoncés dans cet arrêt.

92.
    Elle estime, enfin, qu'elle ne pouvait pas être considérée comme suffisamment informée des raisons de l'adoption de la décision parce qu'elle n'avait obtenu qu'une copie du rapport de synthèse provisoire de l'accord REIMS daté du 4 février 1994 et non pas une copie de l'accord provisoire signé le 17 janvier 1995.

93.
    La Commission rétorque qu'elle a motivé à suffisance sa décision de rejet, dans la mesure où il ressort clairement de celle-ci que son reproche principal à l'égard de l'accord CEPT résidait dans le fait que celui-ci n'était pas fondé sur les coûts réellement exposés par les OPP et que l'accord REIMS visait précisément à créer un lien entre les frais terminaux et la structure tarifaire nationale.

Appréciation du Tribunal

94.
    En vertu d'une jurisprudence constante, la motivation d'une décision individuelle doit permettre, d'une part, à son destinataire de connaître les justifications de la mesure prise, afin de faire valoir, le cas échéant, ses droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et, d'autre part, au juge communautaire d'exercer son contrôle de légalité (voir arrêts du Tribunal Tremblay e.a./Commission, précité, point 29, du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T-102/92, Rec. p. II-17, points 75 et 76, et du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T-387/94, Rec. p. II-961, points 103 et 104).

95.
    Par ailleurs, il ressort également de la jurisprudence que l'étendue précise de l'obligation de motivation dépend de la nature de l'acte en cause et des circonstances dans lesquelles il a été pris (arrêt de la Cour du 14 janvier 1981, Allemagne/Commission, 819/79, Rec. p. 21, point 19). En particulier, le Tribunal a précisé au point 85 de l'arrêt Automec II que l'obligation de motivation prévue à l'article 190 du traité constitue un moyen de contrôle juridictionnel essentiel par rapport à l'utilisation que fait la Commission du concept d'intérêt communautaire en vue de rejeter certaines plaintes.

96.
    Le Tribunal estime que, en l'occurrence, la Commission a respecté cette obligation de motivation. En effet, la décision du 17 février 1995 établit de façon circonstanciée les raisons spécifiques du rejet de la plainte, en se référant précisément au contexte de l'affaire. Loin de se référer abstraitement au concept d'intérêt communautaire, la décision précise clairement en son point 12 que la plainte doit être rejetée en raison du fait que l'accord préliminaire REIMS remédie à l'objection principale de la Commission à l'égard de l'accord CEPT.

97.
    L'argument selon lequel la Commission n'aurait pas justifié sa décision par rapport aux trois critères énoncés au point 86 de l'arrêt Automec II doit également être rejeté. En effet, il a été jugé ci-dessus, dans le cadre de l'examen du troisième moyen, que la Commission n'était pas tenue de n'examiner l'opportunité du rejet de la plainte concernée qu'au regard desdits critères. Elle ne saurait, dès lors, être obligée de motiver sa décision de rejet en fonction de ces seuls critères.

98.
    De plus, dans l'arrêt BAT et Reynolds/Commission, précité (points 23 et 24), la Cour a considéré que la procédure administrative constitue, entre autres, l'occasion pour les entreprises concernées d'adapter les accords ou pratiques incriminés aux règles du traité et que cette possibilité présuppose le droit de ces entreprises et de la Commission d'entamer des négociations confidentielles en vue de déterminer les modifications susceptibles de faire disparaître les griefs de celle-ci. Les intérêts légitimes des plaignants sont, dès lors, pleinement sauvegardés lorsqu'ils sont informés du résultat de ces négociations, au vu duquel la Commission envisage le classement de leurs plaintes, sans qu'ils aient le droit pour autant d'avoir accès aux documents précis ayant fait l'objet desdites négociations. La requérante a, en tout état de cause, encore l'opportunité de faire valoir ses observations sur l'accord préliminaire REIMS à l'occasion de l'examen de cet accord au regard de l'article 85, paragraphes 1 et 3, du traité dans le cadre de la notification susmentionnée de cet accord.

99.
    La Commission ayant correctement motivé sa décision en ce qui concerne les raisons pour lesquelles l'existence de l'accord préliminaire REIMS justifiait l'absence d'intérêt communautaire à poursuivre son enquête, le Tribunal estime que cette institution a également souligné à suffisance en quoi l'adoption d'une décision d'interdiction aurait diminué la détermination des OPP à participer concomitamment au processus de négociation de l'accord préliminaire REIMS.

100.
    Par ailleurs, le point 12 de la décision attaquée fournit des explications suffisantes en ce qui concerne le caractère spéculatif des informations relatives à l'accord préliminaire REIMS dont la Commission était en possession. La mesure dans laquelle la Commission pouvait légalement invoquer ces informations prétendument spéculatives a été appréciée dans le cadre de l'examen du troisième moyen, rejeté plus haut.

101.
    Pour l'ensemble de ces motifs, il convient de rejeter le cinquième moyen.

    Sur le sixième moyen, pris d'une violation de certains principes généraux de droit

Arguments des parties

102.
    La requérante fait valoir, dans une première branche, que la Commission a violé les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime en ce qu'elle n'a pas veillé à ce que soit respecté, comme elle l'avait fait espérer, le droit de la concurrence. Elle rappelle que la Commission a précisé dans l'affaire ayant

donné lieu à l'arrêt du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission (T-83/91, Rec. p. II-755, point 29), que «nul ne peut légitimement s'attendre à échapper aux conséquences d'actions passées en modifiant simplement sa conduite pour l'avenir».

103.
    Dans une seconde branche, elle soutient que la Commission a violé le principe de proportionnalité en ayant clos la procédure. En effet, la faiblesse des moyens mis en oeuvre ainsi que le caractère aléatoire de l'accord REIMS seraient disproportionnés par rapport à la violation flagrante du droit de la concurrence que constitue l'accord CEPT.

104.
         Dans une troisième branche, elle prétend que la Commission a violé le principe de non-discrimination en ce que sa plainte aurait fait l'objet d'un traitement différent de celui réservé à des affaires soulevant des problèmes similaires.

105.
    Enfin, dans une quatrième branche, elle estime que la Commission a violé le principe de bonne administration en l'obligeant à plusieurs reprises à agir par les voies de droit appropriées.

106.
    La Commission se borne à rappeler qu'il ressort de l'arrêt Tremblay e.a./Commission, précité, qu'un plaignant ne jouit pas du droit d'obtenir une décision quant à l'existence d'une infraction et qu'il ne saurait dès lors entretenir aucune confiance légitime dans le fait qu'il obtiendra une telle décision. Elle nie, par ailleurs, avoir méconnu les principes généraux invoqués par la requérante.

Appréciation du Tribunal

107.
    En ce qui concerne la première branche du présent moyen, l'on ne saurait considérer que la Commission a violé le principe de sécurité juridique ou le principe de protection de la confiance légitime, dans la mesure où, comme il ressort de la jurisprudence citée par la Commission, un plaignant ne saurait être considéré comme ayant le droit d'obtenir de la Commission une décision de condamnation. Il ressort, par ailleurs, de l'appréciation qu'a porté le Tribunal sur le troisième moyen que, en adoptant la décision du 17 février 1995, la Commission a légalement invoqué la notion d'intérêt communautaire en vue de rejeter la plainte, sans méconnaître son pouvoir d'appréciation.

108.
    La critique soulevée dans la deuxième branche du présent moyen renvoie, en réalité, à la question de savoir dans quelle mesure la Commission avait le droit d'invoquer l'existence de l'accord préliminaire REIMS pour rejeter la plainte de la requérante. Cette critique doit, dès lors, être rejetée pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'appréciation de la troisième branche du troisième moyen.

109.
    En ce qui concerne la troisième branche du présent moyen, il y a lieu de relever que la requérante n'a pas établi que, dans une situation identique à celle de l'espèce, la Commission aurait, contrairement à sa position dans la présente affaire, condamné les entreprises en cause. En conséquence, la requérante n'a pas démontré la violation alléguée du principe de non-discrimination.

110.
    Il ressort, enfin, de ce qui précède, ainsi que du fait que la Commission a légalement invoqué l'absence d'intérêt communautaire, que la Commission n'a pas méconnu le principe de bonne administration.

111.
    Pour l'ensemble de ces raisons le sixième moyen doit être rejeté.

Sur la demande de production de pièces

112.
    Dans ses observations sur les mémoires en intervention, la requérante a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal ordonner la production de l'accord préliminaire REIMS.

113.
    Dans le cadre des mesures d'organisations de la procédure, le Tribunal a demandé la production de cette pièce. Il a été déféré à cette demande.

Sur les dépens

114.
    En vertu de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions et la Commission, ainsi que la partie intervenante La Poste ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner la requérante aux dépens. Le Post Office, qui n'a pas formulé de conclusions sur les dépens, supportera ses propres dépens.

115.
    Le Royaume-Uni supportera ses propres dépens, en application de l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, dudit règlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Le recours en annulation est rejeté comme non fondé.

2)    La requérante supportera ses propres dépens, ainsi que les dépens de la Commission et ceux de la Poste.

3)    Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et le Post Office supporteront leurs propres dépens.

Vesterdorf                Briët                        Lindh

        

         Potocki                    Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: l'anglais.