Language of document : ECLI:EU:T:1998:229

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

30 septembre 1998 (1)

«Fonctionnaires — Cessation définitive de fonctions à l'occasion de l'adhésion denouveaux États membres — Acte faisant grief — Exception d'illégalité — Légalitédu règlement (CE, Euratom, CECA) n° 2688/95 — Égalité de traitement —Violation des formes substantielles — Consultation préalable des institutions etdu comité du statut»

Dans l'affaire T-154/96,

Christiane Chvatal et autres, fonctionnaires de la Cour de justice desCommunautés européennes, représentés par Mes Jean-Noël Louis et ThierryDemaseure, et initialement par Me Ariane Tornel, avocats au barreau de Bruxelles,ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue deCessange,

parties requérantes,

contre

Cour de justice des Communautés européennes, représentée par M. TimothyMillett, conseiller juridique pour les affaires administratives, en qualité d'agent,ayant élu domicile à Luxembourg au bureau de M. Millett, Cour de justice,Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l'Union européenne, représenté par M. Diego Canga Fano, conseillerjuridique, et Mme Thérèse Blanchet, membre du service juridique, en qualitéd'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Alessandro Morbilli,directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenned'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer, Kirchberg,

et

Royaume des Pays-Bas, représenté par MM. Marc Fierstra et JohannesSteven van den Oosterkamp, conseillers juridiques adjoints au ministère desAffaires étrangères, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprèsde l'ambassade des Pays-Bas, 5, rue C. M. Spoo,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d'annulation des décisions de la Cour de justicerejetant les demandes des requérants visant à ce que leur nom soit inscrit sur laliste des personnes ayant manifesté leur intérêt pour faire l'objet, à l'occasion del'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, d'une décision de cessationdéfinitive de leurs fonctions ainsi que de constatation de l'illégalité du règlement(CE, Euratom, CECA) n° 2688/95 du Conseil, du 17 novembre 1995, instituant, àl'occasion de l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, des mesuresparticulières de cessation définitive des fonctions de fonctionnaires desCommunautés européennes (JO L 280, p. 1), en ce qu'il ne s'applique qu'auxfonctionnaires du Parlement européen,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. J. Azizi, président, R. García-Valdecasas et M. Jaeger, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 5 mars 1998,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    Le 7 juillet 1995, la Commission, après avoir obtenu le 21 juin 1995, conformémentà l'article 10, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautéseuropéennes (ci-après «statut»), l'avis favorable du comité du statut, a présentéune proposition de règlement (CE, Euratom, CECA) du Conseil instituant, àl'occasion de l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, des mesuresparticulières concernant la cessation définitive de fonctions de fonctionnaires desCommunautés européennes [COM (95) 327 final, JO C 246, p. 23, ci-après«proposition initiale»].

2.
    L'objet de la proposition initiale était, aux termes de son article 1er, d'autoriser leParlement européen, le Conseil, la Commission, la Cour de justice (ci-après«défenderesse»), la Cour des comptes, le Comité économique et social, dansl'intérêt du service et pour tenir compte des nécessités entraînées par l'adhésionaux Communautés européennes de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, àprendre, jusqu'à la date du 30 juin 2000, à l'égard de leurs fonctionnaires ayantatteint l'âge de 55 ans, à l'exception de ceux classés dans les grades A 1 et A 2, desmesures de cessation définitive de fonctions.

3.
    Les fonctionnaires faisant l'objet de ces mesures, dites de «dégagement», sont,d'après l'article 3 de la proposition initiale, choisis par l'institution, sur la base del'intérêt du service lié à l'élargissement, après que celle-ci a fourni au personnell'occasion de manifester son intérêt et après consultation de la commissionparitaire. Elle doit, à cet effet, prendre en considération l'âge, la compétence, lerendement, la conduite dans le service, la situation de famille et l'ancienneté desfonctionnaires, qui doit être au minimum de dix ans. Le dégagement ne peut, entout état de cause, être appliqué sans le consentement de l'intéressé.

4.
    Le fonctionnaire faisant l'objet du dégagement a, suivant l'article 4 de laproposition initiale, droit à une indemnité mensuelle égale à 70 % du traitementde base afférent à son grade et à son échelon au moment de son départ du service.Le bénéfice de cette indemnité cesse au plus tard le dernier jour du mois au coursduquel l'ancien fonctionnaire atteint l'âge de 65 ans et, en tout cas, lorsquel'intéressé, avant cet âge, réunit les conditions ouvrant droit au montant maximalde la pension d'ancienneté. L'ancien fonctionnaire est alors admis d'office aubénéfice de la pension d'ancienneté.

5.
    La proposition initiale prévoyait que la défenderesse était autorisée à décider ledégagement de 25 fonctionnaires.

6.
    La proposition initiale a été soumise pour avis, conformément à l'article 24 dutraité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautéseuropéennes (ci-après «traité de fusion»), aux institutions concernées.

7.
    Le Parlement, la défenderesse et la Cour des comptes ont rendu, respectivement,les 25 septembre, 12 octobre et 26 octobre 1995 un avis favorable.

8.
    Au cours de la procédure législative, la Commission a indiqué qu'elle était prête,afin de faciliter la prise de décision au sein du Conseil, à scinder la propositioninitiale et à accepter que des mesures de dégagement pour le seul Parlement soienttraitées en priorité par le Conseil [document n° 11098/95 du Conseil, du 31 octobre1995, reproduit à l'annexe III, sous d), au mémoire en intervention du Conseil].

9.
    Le 17 novembre 1995, le Conseil a en conséquence adopté le règlement (CE,Euratom, CECA) n° 2688/95, instituant, à l'occasion de l'adhésion de l'Autriche, dela Finlande et de la Suède, des mesures particulières de cessation définitive desfonctions de fonctionnaires des Communautés européennes (JO L 280, p. 1, ci-après «règlement n° 2688/95») , autorisant le seul Parlement à procéder audégagement de certains de ses fonctionnaires.

Procédure précontentieuse

10.
    Les requérants sont des fonctionnaires de la Cour de justice.

11.
    Ils ont introduit séparément, entre le 6 février et le 13 mars 1996, des demandesau titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut, en utilisant un texte standard rédigédans les termes suivants:

[...]

«je manifeste d'ores et déjà mon intérêt pour une décision de cessation définitivede mes fonctions à l'occasion de l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de laSuède, telle que prévue par la proposition [...], déjà concrétisée par le règlement[...] pour une partie des fonctionnaires des Communautés européennes.

Par conséquent, je vous serais reconnaissant(e) de faire figurer mon nom sur laliste des personnes ayant manifesté pareil intérêt et parmi lesquelles l'AIPN doitopérer son choix.»

12.
    Le greffier de la Cour, en sa qualité d'autorité investie du pouvoir de nomination(ci-après «AIPN»), a, entre le 28 février et le 24 avril 1996, adressé à chaquerequérant individuellement une réponse standardisée ainsi rédigée:

«Votre demande [...] a retenu toute mon attention.

Je suis au regret toutefois de vous informer qu'en l'état actuel du dossier je ne suispas en mesure d'y donner une suite favorable.

En effet, le règlement [...] est applicable seulement aux fonctionnaires duParlement européen. En l'état actuel de la réglementation, il n'est donc paspossible aux autres institutions — y compris la Cour de justice — de prendre à l'égardde leur personnel des mesures de cessation définitive de fonctions.

Néanmoins, la Commission n'a pas retiré sa proposition [...] en tant qu'elle visaitles fonctionnaires des autres institutions. Dans le cas où le Conseil serait disposé,dans l'avenir, à accepter cette proposition, votre manifestation d'intérêt nemanquerait pas d'être prise en considération.»

13.
    Les requérants ont introduit séparément, entre le 21 mai et le 12 juin 1996, desréclamations standardisées au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut contreces décisions.

14.
    Ils faisaient grief à l'AIPN d'avoir opposé à leurs demandes un refus fondé sur lacirconstance que le champ d'application personnel du règlement n° 2688/95 étaitlimité aux fonctionnaires du Parlement. Or, d'après les requérants, cette limitationdu champ d'application du règlement n° 2688/95 constitue précisément l'une desnombreuses irrégularités dont il serait entaché et dont ils entendent se prévaloir àl'appui de leurs réclamations.

15.
    Les requérants exposaient, en premier lieu, que le Conseil, en adoptant unedisposition d'ordre statutaire applicable à une seule institution, avait excédé sacompétence et enfreint la hiérarchie des normes. Le Conseil aurait, en deuxièmelieu, commis une violation des formes substantielles, dès lors que, d'une part, letexte du règlement n° 2688/95, qui serait substantiellement différent de celui de laproposition initiale, aurait dû être présenté pour avis au comité du statut et que,d'autre part, la motivation du règlement n° 2688/95 est manifestement inexacte. Entroisième lieu, le Conseil, en limitant le champ d'application du règlementn° 2688/95 au seul Parlement, aurait porté atteinte aux principes fondamentaux del'unité et de l'indivisibilité de l'Union européenne ainsi que de l'unité de la fonctionpublique communautaire. En quatrième lieu, le Conseil aurait commis undétournement de pouvoir.

16.
    Ces réclamations ont fait l'objet de décisions de rejet standardisées du comitéchargé des réclamations de la défenderesse, notifiées entre le 11 juillet et le 13août 1996, ainsi rédigées:

«Le comité chargé des réclamations constate que, par sa réclamation, le réclamantne conteste pas le fait que l'AIPN de la Cour de justice est tenue de respecter lerèglement n° 2688/95 du Conseil, du 17 novembre 1995, instituant, à l'occasion del'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, des mesures particulièresde cessation définitive des fonctions de fonctionnaires des Communautéseuropéennes (JO L 280, p. 1), applicable en l'espèce. La réclamation du réclamanttend exclusivement à mettre en cause la validité de ce règlement notamment en ce

qu'il ne s'applique pas aux fonctionnaires de la Cour de justice. Or, de l'avis ducomité, il n'appartient pas à l'AIPN de la Cour chargée de statuer sur lesréclamations d'apprécier la validité d'un règlement du Conseil.

Pour ces raisons, la réclamation est rejetée.»

Procédure contentieuse et conclusions des parties

17.
    C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 8octobre 1996, les requérants ont formé le présent recours.

18.
    Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 8 novembre 1996 et le24 février 1997, le Conseil et le Royaume des Pays-Bas ont demandé à intervenirau soutien des conclusions de la défenderesse. Leurs demandes en intervention ontété admises par ordonnances du président de la cinquième chambre du Tribunaldatées des 4 décembre 1996 et 23 avril 1997.

19.
    Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 4 novembre 1996, les requérants ontinformé le Tribunal, conformément à l'article 99 du règlement de procédure, quela requérante Antoinette Losch se désistait de son recours. Une ordonnance deradiation partielle a été rendue par le président du Tribunal le 12 novembre 1996.

20.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 janvier 1997, la requéranteAntoinette Losch a introduit un recours enregistré sous le numéro T-13/97.

21.
    Dans leur réplique, déposée au greffe du Tribunal le 17 décembre 1996, les partiesrequérantes ont informé le Tribunal, conformément à l'article 99 du règlement deprocédure, que la requérante Yvette Schroeder-Goerens se désistait de son recours.Une ordonnance de radiation partielle a été rendue par le président de lacinquième chambre du Tribunal le 3 février 1998.

22.
    Par ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du même jour,la présente affaire a été jointe à l'affaire T-13/97, aux fins de la seule procédureorale.

23.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d'ouvrirla procédure orale, tout en adoptant une mesure d'organisation de la procédureinvitant la défenderesse à répondre par écrit à deux questions.

24.
    Les parties, à l'exception du royaume des Pays-Bas, ont été entendues en leursplaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal à l'audience du5 mars 1998.

25.
    Les requérants concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    constater l'illégalité du règlement n° 2688/95, en ce que son champd'application est limité aux seuls fonctionnaires des Communautéseuropéennes affectés au Parlement;

—    en conséquence, annuler les décisions de l'AIPN de la partie défenderesseportant rejet de leurs demandes l'invitant à inscrire leur nom sur la liste despersonnes ayant manifesté leur intérêt pour bénéficier, à l'occasion del'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, d'une mesure decessation définitive de leurs fonctions;

—    condamner la partie défenderesse aux dépens.

26.
    La défenderesse, le Conseil et le royaume des Pays-Bas concluent à ce qu'il plaiseau Tribunal:

—    rejeter le recours;

—    condamner les requérants à supporter leurs propres dépens.

Sur la recevabilité

Sur la recevabilité du recours de M. Marc Kemmerling-Laleure

27.
    La partie défenderesse relevant que la requête de M. Marc Kemmerling-Laleureest irrecevable parce que, contrairement à l'article 44, paragraphe 1, sous a), durèglement de procédure du Tribunal, elle ne contient pas l'indication du domiciledu requérant, il convient de rappeler que le Tribunal a invité ce requérant, parlettre du 10 octobre 1996, à régulariser, pour le 29 octobre suivant au plus tard, sarequête. Cette régularisation est intervenue le 17 octobre, de sorte que le moyend'irrecevabilité doit être écarté.

Sur la recevabilité du recours en général

Arguments des parties

28.
    La défenderesse considère, sans soulever d'exception d'irrecevabilité formelle, quele recours est irrecevable.

29.
    Elle rappelle qu'un recours ne peut porter que sur un acte faisant grief et que,d'après une jurisprudence constante, seules les mesures produisant des effetsjuridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement lesintérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de

celui-ci, constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l'objet d'unrecours en annulation (arrêt du Tribunal du 19 octobre 1995, Obst/Commission,T-562/93, RecFP p. II-737, points 22 et 23).

30.
    La défenderesse estime que, en l'espèce, les actes attaqués ne constituent ni desdécisions au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut, ni des actes faisant griefau sens des articles 90, paragraphe 2, et 91 du statut.

31.
    Elle expose à cet égard, en premier lieu, que les demandes des requérants visaientla proposition initiale de la Commission, qui, dépourvue de force juridique, nepouvait pas servir de base légale à des décisions de l'AIPN.

32.
    Elle relève, en second lieu, que, quelle que soit la base juridique des demandes desrequérants, et donc même si elles étaient fondées sur le règlement n° 2688/95, ellesne pourraient être considérées comme invitant l'AIPN à adopter des décisions àleur égard au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut. La démarche desrequérants ne constituerait qu'une manifestation d'intérêt. Or, il ressortirait tant del'article 3 de la proposition initiale que de l'article 3 du règlement n° 2688/95 quela manifestation d'intérêt du personnel concerné ne constitue qu'une démarchepréalable à la procédure aboutissant à une décision éventuelle de l'AIPNd'appliquer une mesure de dégagement. Les requérants, en se limitant dans leursdemandes à manifester leur intérêt et à inviter l'AIPN à faire figurer leur nom surla liste des personnes ayant manifesté pareil intérêt, et parmi lesquelles l'AIPN doitopérer son choix, admettraient que l'AIPN n'est pas tenue d'adopter de décisionsà ce stade. La référence faite à une liste de personnes ayant manifesté leur intérêtpour une mesure de dégagement serait d'abord fallacieuse, une telle liste n'existantpas. Elle serait ensuite dépourvue de pertinence, dans la mesure où une telle listen'aurait en soi aucun effet juridique.

33.
    La défenderesse considère, en troisième lieu, que les réponses de l'AIPN auxdemandes des requérants ne constituent ni des décisions ni, à plus forte raison, desactes faisant grief. La simple constatation d'une manifestation d'intérêt pour unéventuel choix de l'AIPN, à supposer même que celle-ci soit habilitée par lerèglement n° 2688/95 à y procéder, ne modifierait pas d'une façon caractérisée lasituation juridique des requérants, et n'affecterait ni directement ni immédiatementleurs intérêts.

34.
    La défenderesse ajoute, en quatrième lieu, que les réponses de l'AIPN neconstituent même pas un refus. Celles-ci informeraient en effet les intéressés que,dans le cas où le Conseil serait disposé, dans l'avenir, à accepter la partie nonadoptée de la proposition initiale, leur manifestation d'intérêt «ne manquerait pasd'être prise en considération».

35.
    Le Conseil partage l'analyse de la défenderesse sur l'irrecevabilité du recours,considérant que l'acte attaqué ne fait pas grief aux requérants.

36.
    Le Conseil ajoute, dans cet ordre d'idées, que le fonctionnaire ne dispose pas d'undroit au dégagement. Celui-ci constituerait un mécanisme prévu pour faciliter lagestion du personnel par les institutions, le règlement n° 2688/95 disposant qu'ildevrait y être procédé «dans l'intérêt du service» et «pour tenir compte desnécessités entraînées par l'adhésion». L'article 3 du règlement n° 2688/95 établiraitde surcroît clairement qu'il appartient à l'institution de choisir les fonctionnairesauxquels la cessation définitive de fonctions peut être appliquée.

37.
    Le royaume des Pays-Bas doute également que les décisions attaquées fassent grief,c'est-à-dire entraînent une modification caractérisée de la situation juridique desrequérants, et cela pour trois raisons.

38.
    Il souligne, en premier lieu, qu'aucun texte légal, et notamment pas le règlementn° 2688/95, ne donne aux requérants le droit de saisir l'AIPN d'une demande visantà ce que leur nom soit inscrit sur la liste des personnes ayant manifesté leur intérêtpour une mesure de dégagement. En effet, l'article 3 du règlement n° 2688/95,auquel les requérants se réfèrent, concerne expressément le seul Parlement et nonpas la défenderesse.

39.
    Le royaume des Pays-Bas expose, en deuxième lieu, que, même si l'AIPN avaitaccédé aux demandes des requérants, leur position juridique n'aurait toutefois pasété modifiée dans la mesure où aucun texte ne permettait à la défenderessed'adopter la mesure de cessation définitive de fonctions sollicitée.

40.
    Le royaume des Pays-Bas relève, en troisième lieu, que, quand bien même lerèglement n° 2688/95 aurait conféré à la défenderesse le pouvoir d'appliquer àcertains de ses fonctionnaires une mesure de cessation définitive de fonctions, cequi ne serait visiblement pas le cas, les requérants n'auraient pas pour autant puprétendre bénéficier d'une telle mesure, et cela pour trois motifs.

41.
    Premièrement, la défenderesse n'aurait absolument pas l'obligation de faire usagedu pouvoir prévu par l'article 2 du règlement n° 2688/95. Si elle décide de ne pasen faire application, elle n'est donc pas non plus tenue de donner au personnell'occasion de manifester son intérêt, conformément à l'article 3 du règlementn° 2688/95.

42.
    Deuxièmement, si un fonctionnaire manifeste son intérêt, il n'est pas pour autantdécidé d'appliquer la mesure de cessation définitive de fonctions en général, ni del'appliquer à son égard. En effet, si l'article 3, troisième alinéa, du règlementn° 2688/95 comporte l'obligation de donner au personnel l'occasion de manifesterson intérêt avant d'appliquer la mesure de cessation définitive de fonctions, l'article2 du règlement n° 2688/95 limite le nombre de fonctionnaires à l'égard desquelsune telle mesure peut être prise, et l'article 3, deuxième alinéa, du règlementn° 2688/95 indique les critères devant être pris en considération en cas de choix. Il

s'ensuivrait que tous les fonctionnaires ayant manifesté leur intérêt pour bénéficierd'une telle mesure ne doivent pas nécessairement être choisis.

43.
    Troisièmement, la position juridique des fonctionnaires ayant manifesté leur intérêtpour une cessation définitive de leurs fonctions ne différerait pas de celle defonctionnaires n'ayant pas manifesté un tel intérêt. En effet, le règlementn° 2688/95 permettrait à l'AIPN d'appliquer une mesure de cessation définitive defonctions même à l'égard de fonctionnaires n'ayant pas manifesté leur intérêt pourune telle mesure. Cette conclusion se dégagerait tout d'abord de l'article 3, premieralinéa, du règlement n° 2688/95, qui impose d'opérer un choix en fonction del'intérêt du service. Elle résulterait également de l'article 3, troisième alinéa, durèglement n° 2688/95, qui pose la condition selon laquelle, en tout état de cause,la mesure de cessation définitive de fonctions ne peut pas être appliquée sans leconsentement de l'intéressé. Cette disposition serait superflue si le choix ne pouvaitêtre opéré qu'entre fonctionnaires qui ont manifesté leur intérêt pour se voirappliquer ces mesures. Cette conclusion découlerait de même des articles 1er et 2du règlement n° 2688/95, qui définissent en termes généraux le pouvoir de déciderl'adoption de mesures de cessation définitive de fonctions sans renvoyer à une listede fonctionnaires ayant manifesté leur intérêt à cet égard. Elle se déduirait, enfin,de l'article 3 du règlement n° 2688/95, qui n'exprimerait pas de préférence pour lesfonctionnaires ayant manifesté leur intérêt.

44.
    Le royaume des Pays-Bas expose, dans ce même ordre d'idées, en se référant àl'ordonnance du Tribunal du 21 juin 1995, Vigel/Commission (T-370/94, RecFPp. II-487), que, à supposer que le règlement n° 2688/95 doive aussi s'appliquer àla défenderesse, celle-ci ne serait pas pour autant liée par une liste de cette nature.

45.
    Le royaume des Pays-Bas ajoute, par souci d'exhaustivité, que, dans la mesure oùles requérants ont fondé leurs recours sur la proposition initiale, ils ne peuvent entirer aucun droit et l'AIPN aucune compétence.

46.
    Les requérants considèrent que les décisions portant rejet de leur demande visantà ce que leur nom soit inscrit sur la liste des personnes ayant manifesté leur intérêtpour bénéficier d'une décision de cessation définitive de leurs fonctions, à l'occasionde l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, leur fait grief.

47.
    Ils estiment que l'argumentation de la défenderesse, selon laquelle l'AIPN n'étaitpas en mesure d'adopter des actes faisant grief, en raison du fait que le règlementn° 2688/95 ne leur était pas applicable, revient à nier purement et simplement toutepossibilité pour eux de faire constater judiciairement l'illégalité du règlementcontesté. Elle conduirait ainsi à un véritable déni de justice.

48.
    Les requérants en concluent que pareille négation irait directement à l'encontre dela jurisprudence de la Cour suivant laquelle la Communauté est une Communautéde droit, en ce que ni ses États membres ni ses institutions n'échappent au contrôlede la conformité de leurs actes au traité, qui prévoit un système complet de voies

de recours et de procédures destiné à confier à la juridiction communautaire lecontrôle de la légalité des actes des institutions (arrêt de la Cour du 23 avril 1986,Les Verts/Parlement, 294/83, Rec. p. 1339, point 23). Cette situation serait, d'autrepart, inacceptable au regard de la jurisprudence de la Cour, selon laquelle le droitde toute personne à un procès équitable, consacré par l'article 6 de la conventioneuropéenne des droits de l'homme, est reconnu dans l'ordre juridiquecommunautaire (arrêt de la Cour du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651).

49.
    Les requérants exposent que c'est à la lumière de ces principes qu'il y a lieud'examiner l'argumentation de la défenderesse tirée de l'absence d'actes faisantgrief.

50.
    Ils estiment que le fonctionnaire, à qui l'AIPN, en réponse à sa demanded'inscription sur la liste prévue par le règlement n° 2688/95, fait savoir qu'il ne serapas, tant que la réglementation n'aura pas évolué, inscrit sur ladite liste et qu'il nepourra donc pas faire l'objet de la mesure de cessation de fonctions prévue par cerèglement, voit sa situation directement, immédiatement et définitivement affectée.

Appréciation du Tribunal

51.
    Les arguments opposés par la défenderesse et les parties intervenantes à larecevabilité du recours posent, en substance, la double question de savoir si lesrequérants étaient en droit de présenter une demande à l'AIPN et si les actesattaqués leur faisaient grief.

52.
    Le Tribunal estime qu'il convient, en premier lieu, de rejeter l'objection soulevéepar la défenderesse et par le royaume des Pays-Bas, selon laquelle les requérantsn'étaient, en l'espèce, pas en droit de présenter une demande au sens de l'article90, paragraphe 1, du statut, dès lors que ni le règlement n° 2688/95, ni laproposition initiale, ni aucun autre texte légal n'autorisaient l'AIPN à y faire droit.En effet, l'article 90, paragraphe 1, du statut dispose sans restriction que toutepersonne visée au statut peut saisir l'AIPN d'une demande l'invitant à prendre àson égard une décision. L'exercice de ce droit n'est ni soumis à la condition del'existence d'une base légale préexistante permettant à l'administration d'adopterla décision sollicitée, ni entravé par la circonstance que l'administration ne disposed'aucune marge d'appréciation pour l'adopter (voir implicitement en ce sens l'arrêtde la Cour du 16 octobre 1980, Hochstrass/Cour de justice, 147/79, Rec. p. 3005,points 2 à 4).

53.
    L'argument tiré de ce que les requérants n'étaient pas en droit de présenter unedemande au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut portant manifestation deleur intérêt en vue d'un éventuel dégagement, n'est donc pas fondé.

54.
    Le Tribunal rappelle, en deuxième lieu, que seuls les actes affectant directementet immédiatement la situation juridique des intéressés sont susceptibles de faire

l'objet d'un recours en annulation (arrêt de la Cour du 21 janvier 1987,Stroghili/Cour des comptes, 204/85, Rec. p. 389, point 6, et arrêt du Tribunal du 29janvier 1998, Affatato/Commission, T-157/96, RecFP p. II-97, point 21).

55.
    En l'espèce, les actes attaqués sont les réponses de l'AIPN aux demandes déposéespar les requérants, au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut, invitant l'AIPNà inscrire leur nom sur la liste des personnes ayant manifesté leur intérêt pour fairel'objet d'une mesure de cessation définitive de fonctions.

56.
    En vertu de l'article 3 du règlement n° 2688/95, la manifestation d'intérêt d'unfonctionnaire oblige l'AIPN à décider s'il y a lieu de la recevoir et, partant, s'il ya lieu d'admettre sa participation à la procédure désignant les fonctionnaires àdégager, sans préjudice de la décision définitive concernant le dégagement effectifdu fonctionnaire auteur de la manifestation d'intérêt. La désignation desfonctionnaires retenus est soumise par cette disposition à la double condition quela commission paritaire ait au préalable été consultée et que le choix soit opéré enfonction de l'intérêt du service lié à l'élargissement, l'âge, la compétence, lerendement, la conduite dans le service, la situation de famille et l'anciennetédevant, à cet égard, être pris en considération.

57.
    En l'espèce, l'AIPN a, dans ses décisions, dont le libellé est reproduit ci-dessus aupoint 12, constaté que les manifestations d'intérêt des requérants ne pouvaient pasêtre prises en considération, le règlement n° 2688/95 ne leur étant pas applicable.

58.
    Ces décisions, motivées par le fait que le règlement n° 2688/95 ne confère pas auxrequérants vocation au bénéfice de la mesure sollicitée, refusent ainsi de façondéfinitive de prendre en considération leurs demandes. Eu égard à cette motivation,les requérants ne peuvent donc plus prétendre bénéficier de la mesure en question,que ce soit par leur participation à une autre procédure ou par toute autre voie.Par ailleurs, la défenderesse n'a pris aucune décision finale postérieure auxdécisions de rejet des demandes des requérants, que ceux-ci pourraient attaquer.Dans cette mesure, les décisions affectent directement et immédiatement lasituation juridique des requérants et leur font, partant, grief (voir, par analogie,l'arrêt du Tribunal du 5 décembre 1990, Marcato/Commission, T-82/89, Rec.p. II-735, points 49 et 52).

59.
    Différentes objections ont été élevées contre cette conclusion.

60.
    En premier lieu, la défenderesse objecte que les demandes, en ce qu'ellesconstituent la manifestation de l'intérêt des requérants au dégagement, ne l'obligentpas à adopter une décision. Le Tribunal rappelle, toutefois, que, comme il a étéconstaté ci-dessus au point 55, les demandes ont obligé l'AIPN à décider s'il y avaitlieu ou non de recevoir les manifestations d'intérêt des requérants et d'admettreleur participation à la procédure désignant les fonctionnaires à dégager. Cettepremière objection n'est donc pas fondée.

61.
    En second lieu, la défenderesse objecte que la référence faite par les demandes àune liste de candidats est fallacieuse et dépourvue de pertinence. Le Tribunalrelève, toutefois, que l'article 3, premier alinéa, du règlement n° 2688/95 obligel'AIPN, comme il a été exposé ci-dessus au point 56, à fournir au personnel del'institution l'occasion de manifester son intérêt au dégagement. Or, les requérantspouvaient raisonnablement qualifier la réunion par l'AIPN des manifestationsd'intérêt de «liste» et leur prise en considération d'inscription sur cette liste. Il a,par ailleurs, été exposé ci-dessus au point 58, que le refus de prise en considérationde la manifestation d'intérêt au dégagement, et le refus d'inscription sur la liste dufonctionnaire intéressé, motivé par le fait que, la législation applicable nes'étendant pas au demandeur, ce dernier ne peut pas bénéficier de cette mesure,produit un effet juridique dans la mesure où il écarte certainement etdéfinitivement le demandeur qui en fait l'objet de la procédure de désignation desfonctionnaires dégagés. Cette deuxième objection n'est donc pas fondée.

62.
    En troisième lieu, la défenderesse objecte que les réponses de l'AIPN neconstituent pas un refus, dans la mesure où elles expriment la volonté de celle-cide tenir compte des manifestations d'intérêts dans l'hypothèse où le Conseiladopterait finalement la proposition initiale. Le Tribunal constate, toutefois, quecette critique méconnaît que les assurances ainsi fournies par l'AIPN n'empêchentpas le refus exprimé dans les décisions de produire actuellement et immédiatementses effets. Cette troisième objection n'est donc pas fondée.

63.
    En quatrième lieu, le Conseil objecte que les actes attaqués ne font pas grief, dèslors que le dégagement est un mécanisme prévu pour faciliter la gestion dupersonnel des institutions et ne constitue pas un droit du fonctionnaire. Le Tribunalconstate, toutefois, que la circonstance selon laquelle les instruments de gestion dupersonnel, tels le recrutement, la mise en disponibilité ou le dégagement, sontinstitués en vue de servir l'intérêt du service ne fait pas obstacle à ce que leur miseen oeuvre fasse grief aux personnes à qui ils s'appliquent ou ne s'appliquent pas,leur conférant ainsi un droit à une protection juridictionnelle. Cette quatrièmeobjection n'est donc pas fondée.

64.
    En cinquième lieu, le royaume des Pays-Bas objecte que, si l'AIPN avait accédé àleurs demandes, la situation juridique des requérants n'aurait pas pour autant étémodifiée dans la mesure où aucun texte ne permettrait à l'AIPN d'adopter unemesure de dégagement. Le Tribunal relève, toutefois, que les demandes ont étérefusées par l'AIPN au motif que le règlement n° 2688/95 ne s'applique pas auxrequérants. Le recours dirigé contre ce refus vise à établir l'illégalité dont lerèglement n° 2688/95 serait entaché, à raison de son champ d'application. Or, cerefus, objet du recours, et auquel l'AIPN était contrainte eu égard à la teneur durèglement n° 2688/95, fait grief aux requérants comme il a été exposé ci-dessus aupoint 58. Cette cinquième objection n'est donc pas fondée.

65.
    En sixième lieu, la défenderesse objecte que la constatation d'une manifestationd'intérêt ne constitue pas un acte faisant grief. Dans ce même ordre d'idées, leroyaume des Pays-Bas objecte que, même si le règlement n° 2688/95 avait conféréà la défenderesse le pouvoir d'appliquer à l'égard de ses fonctionnaires une mesurede dégagement, les requérants n'auraient pas pour autant pu prétendre bénéficierd'une telle mesure. Premièrement, le royaume des Pays-Bas expose, à cet égard,que la défenderesse n'est, dans cette hypothèse, pas obligée de faire usage de sondroit de prendre des mesures de dégagement et, partant, qu'elle n'est pas tenue dedonner à son personnel l'occasion de manifester son intérêt pour de telles mesuresconformément à l'article 3 du règlement n° 2688/95 et à la proposition initiale .Deuxièmement, tous les fonctionnaires qui ont manifesté leur intérêt et qui sontrepris sur la liste ne feraient pas nécessairement l'objet d'un dégagement, dès lorsque le nombre des fonctionnaires pouvant en profiter est limité et que leurdésignation doit respecter certains critères. Troisièmement, la position juridique desfonctionnaires ayant manifesté leur intérêt pour un dégagement ne différerait pasde celle des fonctionnaires n'ayant pas manifesté un tel intérêt, dans la mesure oùle règlement n° 2688/95 permet d'appliquer le dégagement à des fonctionnairesn'ayant pas manifesté leur intérêt. Quatrièmement, l'AIPN ne serait de toute façonpas liée par une telle liste .

66.
    Sans qu'il soit besoin de trancher la question de savoir s'il est possible ou nond'appliquer la procédure de dégagement à des fonctionnaires n'ayant pas manifestéleur intérêt ou contre leur volonté, il y a lieu de constater que les quatre argumentsavancés à l'appui de cette sixième objection méconnaissent que, si la prise enconsidération de la manifestation d'intérêt au dégagement, et, partant, l'inscriptionsur la liste des personnes intéressées par une telle mesure, ne constitue qu'un actepréparatoire qui ne préjuge pas définitivement de l'octroi du bénéfice de cettemesure, le refus de prise en considération, motivé, comme en l'espèce, par le faitque la législation applicable ne confère pas au demandeur vocation à en bénéficier,prive ce dernier, en l'état de cette législation, d'une façon certaine et définitive dubénéfice de cette mesure et lui fait donc grief.

67.
    La présente espèce se distingue donc de celle ayant donné lieu à l'ordonnanceVigel/Commission, précitée, invoquée par le royaume des Pays-Bas. En effet, celle-ci concernait un recours dirigé contre un refus d'inscrire un fonctionnaire sur laliste des membres du personnel susceptible d'être pris en considération pour unepromotion, qui a été déclaré irrecevable par le Tribunal au motif que le fait pourun fonctionnaire de ne pas figurer sur cette liste ne liait pas l'AIPN et, partant,n'empêchait pas le fonctionnaire de bénéficier, nonobstant ce refus, d'unepromotion. En revanche, dans la présente espèce, le refus de l'AIPN de prendreen considération la manifestation d'intérêt des requérants au dégagement, motivépar le fait que le règlement n° 2688/95 ne leur est pas applicable, les exclut d'unefaçon certaine et, en l'état de cette législation, définitive du bénéfice d'un éventueldégagement.

68.
    Il s'ensuit que le recours est recevable.

Sur le fond

69.
    Les requérants soulèvent une exception d'illégalité contre le règlement n° 2688/95,dont la défenderesse et les parties intervenantes contestent la recevabilité. Lesrequérants contestent par ailleurs la recevabilité de l'argumentation concernant lefond du litige développée par le Conseil et le royaume des Pays-Bas dans leursmémoires en intervention.

Sur la recevabilité de l'argumentation concernant le fond du litige développée par leConseil et le royaume des Pays-Bas dans leurs mémoires en intervention

Arguments des parties

70.
    Les requérants relèvent que le dispositif des ordonnances du président de lacinquième chambre du Tribunal du 4 décembre 1996 et du 23 avril 1997 énonce,conformément à l'article 116, paragraphe 4, du règlement de procédure duTribunal, que le Conseil et le royaume des Pays-Bas sont respectivement admis àintervenir au soutien des conclusions de la partie défenderesse.

71.
    Les requérants considèrent que la défenderesse, en déclarant dans sa défense etdans sa duplique qu'elle ne prend pas partie sur la validité du règlement n° 2688/95en cause et s'en remet sur ce point à la sagesse du Tribunal, a limité sonargumentation à la recevabilité de l'action.

72.
    Ils en concluent que c'est en violation des deux ordonnances, citées au point 70 ci-dessus, et de l'article 116, paragraphe 4, du règlement de procédure que le Conseilet le royaume des Pays-Bas ont présenté des moyens et arguments au fond. Ceux-ciauraient dû limiter leur argumentation à la recevabilité du recours. Les passagesdes mémoires en intervention du Conseil et du royaume des Pays-Bas traitant dufond du litige devraient donc être rejetés des débats.

73.
    Les requérants constatent ensuite que le royaume des Pays-Bas a répliqué, dansson mémoire en intervention, aux observations des requérants sur la recevabilitédes passages afférents du mémoire en intervention du Conseil. Ils déduisent del'article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, qui dispose quel'intervenant accepte le litige dans l'état où il se trouve lors de son intervention,qu'une partie intervenante n'est pas autorisée à présenter des observations sur desactes de procédure déposés après le dépôt de la requête en intervention. Ils enconcluent que le royaume des Pays-Bas a commis un détournement de procédure,de sorte que les passages contenant cette réplique doivent à leur tour être rejetésdes débats.

74.
    Les requérants ajoutent que la référence faite par le royaume des Pays-Bas, dansson mémoire en intervention, au sujet de la recevabilité du mémoire en

intervention du Conseil, à l'ordonnance de la Cour du 24 octobre 1962,Confédération nationale des producteurs de fruits et légumes e.a./Conseil (16/62et 17/62, Rec. p. 937, 940), est sortie de son contexte puisque le point cité se référeà la question de l'intérêt de l'intervenant à la solution du litige.

75.
    Le royaume des Pays-Bas considère que, contrairement à l'allégation desrequérants, la défenderesse a soulevé des moyens de défense au fond. D'une part,elle aurait expressément indiqué que le recours n'est pas fondé et les requérantsy auraient répondu dans leur mémoire en réplique. Il serait, à cet égard, sansimportance que la défense soit demeurée relativement générale. D'autre part,d'après la jurisprudence de la Cour, l'intervenant pourrait faire valoir desarguments propres pour soutenir la cause commune (ordonnance Confédérationnationale des producteurs de fruits et légumes e.a./Conseil, citée au point 74 ci-dessus). Les arguments présentés par le Conseil et le royaume des Pays-Bas, enqualité d'intervenants, sur le bien-fondé de l'action des requérants, satisferaient àcette condition et seraient dès lors recevables.

Appréciation du Tribunal

76.
    Le Tribunal rappelle que, selon l'article 37, troisième alinéa, du statut (CE) de laCour, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d'autre objetque le soutien des conclusions de l'une des parties et que, selon l'article 116,paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, l'intervenant accepte lelitige dans l'état où il se trouve lors de son intervention.

77.
    Le Tribunal relève ensuite, d'une part, qu'il découle de la jurisprudence de la Couret du Tribunal que ces articles ne s'opposent pas à ce que l'intervenant présentedes arguments différents de ceux de la partie qu'il soutient, dès lors quel'intervention vise toujours au soutien des conclusions présentées par cette dernière(voir l'arrêt de la Cour du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen inLimburg/Haute Autorité, 30/59, Rec. p. 1, l'ordonnance Confédération nationaledes producteurs de fruits et légumes e.a./Conseil, citée au point 74 ci-dessus, et lesarrêts du Tribunal du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T-459/93, Rec. p. II-1675,point 21, du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission, T-447/93, T-448/93 et T-449/93,Rec. p. II-1971, point 122, ainsi que du 24 octobre 1997, British Steel/Commission,T-243/94, Rec. p. II-1887, point 70). Contrairement à l'objection des requérants, lepassage afférent de l'ordonnance Confédération nationale des producteurs de fruitset légumes e.a./Conseil, précitée, n'a pas été sortie de son contexte par le royaumedes Pays-Bas. Cette ordonnance qualifie, en effet, le principe susmentionné commeétant la raison d'être de l'intervention, appréciation qui n'est pas mise en cause parla circonstance qu'il est énoncé en réponse à un argument d'une partie tiré de ceque l'intérêt de l'intervenant devrait être distinct de celui de la partie qu'il soutient.

78.
    Or, il y a lieu de constater que, en l'espèce, les observations des partiesintervenantes, même si elles présentent partiellement des arguments différents,

poursuivent le rejet du recours, donc un but identique à celui des conclusions dela défenderesse.

79.
    Il convient d'ajouter que la défenderesse prend soin de préciser qu'elle «ne prendpas partie quant à la validité de cet acte et sur cette question s'en remet à lasagesse du Tribunal». Or, le fait pour une partie à un litige de s'en remettre à lasagesse du Tribunal n'exclut pas la contestation par cette partie des allégations dela partie adverse. Il s'ensuit que les parties intervenantes, en présentant desarguments au fond, ne se sont pas écartées du sens des arguments de ladéfenderesse.

80.
    Le Tribunal relève, d'autre part, que l'obligation pour la partie intervenanted'accepter le litige dans l'état où il se trouve lors de son intervention ne l'empêchepas de présenter des observations sur des actes de procédure déposéspostérieurement au dépôt de sa requête en intervention. La disposition afférenten'interdisait donc pas, en l'espèce, au royaume des Pays-Bas de répliquer à desobservations des requérants sur la recevabilité de certains passages du mémoire enintervention du Conseil, ces observations ayant été présentées postérieurement àsa requête en intervention.

81.
    Il en découle que les développements relatifs au fond du litige contenus dans lesmémoires en intervention du Conseil et du royaume des Pays-Bas sont recevables.

Sur la recevabilité de l'exception d'illégalité

Arguments des parties

82.
    La défenderesse soutient que le recours, dont le seul et véritable but serait decontester la validité du règlement n° 2688/95, constitue un abus de procédure. Lesdemandes seraient un artifice destiné à provoquer l'adoption d'un acte qui puisseservir de base pour attaquer le règlement n° 2688/95. Or, la simple introductiond'une réclamation en vertu de l'article 90 du statut ne suffirait pas pour créer unevoie de recours contre un acte de nature réglementaire (arrêts de la Cour du 16juillet 1981, Bowden e.a./Commission, 153/79, Rec. p. 2111, et Biller e.a./Parlement,154/79, Rec. p. 2125, ordonnance de la Cour du 10 novembre 1981, Amesze.a./Commission et Conseil, 532/79, 534/79, 567/79, 600/79, 618/79 et 660/79, Rec.p. 2569, arrêts de la Cour du 12 novembre 1981, Birke/Commission et Conseil,543/79, Rec. p. 2669, et Bruckner/Commission et Conseil, 799/79, Rec. p. 2697). Lesfonctionnaires devraient s'en tenir aux voies de recours prévues par l'article 179 dutraité et l'article 91 du statut. Or, dans le cadre d'un recours introduit en vertudesdites dispositions, le Tribunal ne serait compétent que pour contrôler la légalitéd'un acte faisant grief au requérant et ne saurait, en l'absence d'une mesured'application particulière, se prononcer dans l'abstrait sur la légalité d'une normede caractère général (arrêts du Tribunal du 12 juillet 1991, Pincherle/Commission,T-110/89, Rec. p. II-635, point 30, du 25 février 1992, Barassi/Commission, T-41/90,

Rec. p. II-159, point 38, et Bertelli/Commission, T-42/90, Rec. p. II-181, point 38,du 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T-6/92 et T-52/92, Rec. p. II-1047, points43 et 52, et du 24 novembre 1993, Cordier/Commission, T-13/93, Rec. p. II-1215,point 54). Un fonctionnaire ne serait pas habilité à agir dans l'intérêt de la loi oudes institutions et ne pourrait faire valoir, à l'appui d'un recours, que des griefs quilui sont personnels (arrêt du Tribunal du 25 septembre 1991, Sebastiani/Parlement,T-163/89, Rec. p. II-715, point 24).

83.
    La défenderesse estime que l'application de ces règles ne peut conduire à un dénide justice. En effet, elles feraient partie de l'ordonnancement normal des voies derecours dans le système juridique communautaire. D'une part, elles permettraientde respecter les pouvoirs qui sont reconnus au législateur. D'autre part, ellesserviraient à restreindre le droit d'ester en justice à des litiges réels, en excluant leslitiges factices. Les conditions dont est assortie la recevabilité des recours defonctionnaires seraient légitimes et nécessaires pour assurer la bonne administrationde la justice.

84.
    La défenderesse «ne prend pas partie quant à la validité [du règlement] et surcette question s'en remet à la sagesse du Tribunal».

85.
    Elle expose que, dans l'attente de la décision du Tribunal, le règlement n° 2688/95bénéficie d'une présomption de validité. En effet, par principe et selon unejurisprudence constante, tout règlement entré en vigueur conformément au traitédevrait être présumé valide tant qu'une juridiction communautaire n'a pas constatéson invalidité, et tous les sujets du droit communautaire auraient l'obligation dereconnaître la pleine efficacité des règlements tant que leur invalidité n'a pas étéétablie par une juridiction compétente (arrêts de la Cour du 13 février 1979,Granaria, 101/78, Rec. p. 623, et du 28 février 1989, Cargill, 201/87, Rec. p. 489,p. 509).

86.
    La défenderesse en déduit qu'elle était tenue de respecter les termes de cerèglement, ce que les requérants, qui ne lui reprocheraient aucun comportementirrégulier, n'auraient pas contesté. Dans ces conditions, elle aurait agi en complètelégalité et le recours ne serait pas fondé.

87.
    La défenderesse estime que le Tribunal est incompétent pour connaître d'unrecours dont les conclusions tendent non pas à contester la légalité d'un acte faisantgrief émanant de l'AIPN, mais à provoquer la condamnation de la défenderesse àfaire usage des compétences qu'elle détient en qualité d'institution au titre,notamment, de l'article 175, premier alinéa, du traité (arrêt du Tribunal du 17octobre 1990, Hettrich e.a./Commission, T-134/89, Rec. p. II-565, points 22 et 23).

88.
    Le Conseil expose que le recours méconnaît les voies de recours instituées par letraité, en ce qu'il procède à une utilisation détournée et abusive de l'exceptiond'illégalité. En effet, en l'espèce, l'exception d'illégalité n'aurait rien d'incident. Aucontraire, elle serait le moyen unique du recours et l'objet principal de ce dernier.

La possibilité d'invoquer l'illégalité d'un règlement de manière incidente nepourrait rendre légitime un recours dont l'objet principal vise la déclarationd'illégalité. Cette thèse aurait été accueillie par la jurisprudence (arrêt de la Courdu 16 juillet 1981, Albini/Conseil et Commission, 33/80, Rec. p. 2141, points 14 à17, et du 11 juillet 1985, Salerno e.a./Commission et Conseil, 87/77, 130/77, 22/83,9/84 et 10/84, Rec. p. 2523, point 36). Le traité offrirait pourtant des moyens derecours appropriés lorsque le Conseil, en violation du traité, s'abstient de statuersur un acte qu'il aurait dû prendre.

89.
    Le Conseil est, par ailleurs, d'avis que le recours est manifestement prématuré. Eneffet, le Conseil serait toujours saisi de la partie de la proposition initiale de laCommission visant à autoriser le dégagement pour le Conseil, la Commission, ladéfenderesse, la Cour des comptes et le Comité économique et social. Lesrequérants seraient parfaitement conscients de ce fait. Ils auraient soulevél'illégalité du règlement n° 2688/95 parce qu'un deuxième règlement n'a pas encoreété adopté.

90.
    Le royaume des Pays-Bas relève que la possibilité conférée par l'article 184 dutraité d'invoquer l'inapplicabilité d'un règlement ne constitue pas un droit d'actionautonome et qu'elle ne peut être utilisée que de manière incidente, et non pas enl'absence d'un droit de recours principal (arrêt Albini/Conseil et Commission, citéau point 88 ci-dessus, et ordonnance de la Cour du 28 juin 1993, Donatabe.a./Commission, C-64/93, Rec. p. I-3595, point 19). L'exception d'illégalité ne seraitrecevable que si le recours direct dans le cadre duquel l'exception est soulevée étaitlui-même recevable. Tel ne serait pas le cas en l'espèce.

91.
    Les requérants exposent qu'ils se sont vus confrontés à un règlement qui leurparaissait être illégal. Or, cette illégalité se présenterait sous un jour très particulier,en ce sens qu'elle ne réside pas dans le fait que le règlement n° 2688/95 a édictédes dispositions qui leur étaient applicables, mais dans le fait qu'il les a exclus deson champ d'application.

92.
    Les requérants exposent que, dans cette situation, leur étaient fermés à la fois lerecours en manquement, le renvoi préjudiciel, le recours en annulation au titre del'article 173 du traité, le recours en carence et le recours en responsabilité au titrede l'article 178 du traité. Ce dernier, outre qu'il aurait été déclaré irrecevable,n'aurait pas été de nature à effacer l'illégalité dont les requérants estiment subirles conséquences.

93.
    Les requérants en concluent que la seule voie contentieuse qui leur restait était lerecours prévu par les articles 179 du traité et 90 et 91 du statut. N'étant, parailleurs, pas en mesure, dans le cadre du recours de l'article 179 du traité,d'intenter un recours en annulation du règlement contesté (ordonnance du Tribunaldu 24 mars 1993, Benzler/Commission, T-72/92, Rec. p. II-347, point 20), ils nepouvaient pour lier le contentieux qu'emprunter la voie ouverte par une demande

au titre de l'article 90 du statut (ordonnance du Tribunal du 7 juin 1991,Weyrich/Commission, T-14/91, Rec. p. II-235, point 46) contre le rejet de laquelleils ont introduit une réclamation puis un recours excipant de l'illégalité durèglement n° 2688/95.

94.
    Les requérants estiment qu'ils sont en droit de contester par voie incidente lavalidité du règlement n° 2688/95, en ce qu'il limite son champ d'application auxseuls fonctionnaires du Parlement. Ils rappellent à ce sujet la jurisprudenceconstante selon laquelle l'exception d'illégalité prévue à l'article 184 du traitéconstitue l'expression d'un principe général assurant à toute partie le droit decontester par voie incidente, en vue d'obtenir l'annulation d'une décision qui lui estadressée, la validité de l'acte réglementaire qui forme la base juridique de celle-ci(arrêts de la Cour du 19 janvier 1984, Andersen e.a./Parlement, 262/80, Rec. p. 195,point 6, et Salerno e.a./Commission et Conseil, cité au point 88 ci-dessus, point 36;arrêts du Tribunal Reinarz/Commission, cité au point 82 ci-dessus, point 56, et du27 octobre 1994, Chavane de Dalmassy e.a./Commission, T-64/92, RecFP p. II-723,point 41).

95.
    Les requérants ajoutent que leur moyen tiré de l'illégalité du règlement n° 2688/95est recevable dans la mesure où il est soulevé, par voie incidente, dans le cadred'une action ayant pour objet de soumettre à la censure du Tribunal une décisionde l'AIPN modifiant leur situation juridique. Ils rejettent donc l'argument duConseil suivant lequel leur exception d'illégalité constituerait l'objet principal durecours. En effet, l'objet de leur recours serait l'annulation des décisionsindividuelles attaquées, qui leur feraient grief.

Appréciation du Tribunal

96.
    L'exception d'illégalité prévue à l'article 184 du traité constitue l'expression d'unprincipe général assurant à toute partie le droit de contester par voie incidente, envue d'obtenir l'annulation d'une décision qui lui est adressée, la validité de l'acteréglementaire qui forme la base juridique directe de celle-ci (voir les arrêtsAndersen e.a./Parlement, cité au point 94 ci-dessus, point 6, Salernoe.a./Commission et Conseil, cité au point 88 ci-dessus, point 36,Reinarz/Commission, cité au point 82 ci-dessus, point 56, Chavane de Dalmassye.a./Commission, cité au point 94 ci-dessus, point 41, et l'arrêt du Tribunal du 6 juin1996, Baiwir/Commission, T-262/94, RecFP p. II-739, point 32), ainsi que, pluslargement, celle de toute disposition réglementaire pertinente, dans le cas d'espèce,pour l'adoption de cette décision (arrêt du Tribunal du 4 mars 1998, DeAbreu/Cour de justice, T-146/96, RecFP p. II-281, point 27).

97.
    En l'espèce, les décisions attaquées sont fondées sur la circonstance que lerèglement n° 2688/95, contrairement à la proposition initiale, ne s'applique qu'auxfonctionnaires du Parlement et donc implicitement, mais nécessairement, n'étendpas son domaine aux fonctionnaires des autres institutions communautaires, dont

la défenderesse. Elles se fondent donc sur une exclusion implicite par le règlementn° 2688/95 d'une catégorie déterminée de personnes. Or, l'illégalité de l'acteréglementaire susceptible d'être invoquée au soutien de l'exception peut résulterde l'exclusion d'une catégorie déterminée de personnes de son champ d'application(voir arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Altmann e.a./Commission, T-177/94et T-377/94, Rec. p. II-2041, points 5 et 141). Il s'ensuit que l'exception d'illégalitédirigée contre le règlement n° 2688/95 dans la mesure où il opère cette exclusionrelève du domaine de l'article 184 du traité.

98.
    Cette constatation n'est pas infirmée par les arguments que la partie défenderesseet les parties intervenantes opposent en l'espèce à la recevabilité de l'exceptiond'illégalité et qui se regroupent, en substance, autour de trois considérations. Enpremier lieu, elle serait prématurée, en second lieu, elle n'aurait été présentéequ'au prix d'un abus de procédure et, en troisième lieu, l'AIPN n'aurait pas eud'autre choix que d'appliquer le règlement n° 2688/95 et, partant, de rejeter lesdemandes.

99.
    Le Tribunal rappelle, en premier lieu, que le Conseil soutient que l'exceptiond'illégalité est manifestement prématurée dans la mesure où il est toujours saisi dela partie de la proposition initiale visant à autoriser les institutions autres que leParlement, dont la partie défenderesse, à arrêter des mesures de dégagement enfaveur de leurs fonctionnaires.

100.
    Le Tribunal relève à cet égard, d'une part, que, à la date de l'audience, soit le 5mars 1998 et donc presque deux ans et demi après l'adoption du règlementn° 2688/95, la partie de la proposition initiale visant à autoriser les institutionsautres que le Parlement à arrêter des mesures de dégagement n'a pas été adoptée.Or, la proposition initiale, à l'instar du règlement n° 2688/95, échelonnaitl'autorisation accordée aux institutions de procéder au dégagement sur cinqpériodes annuelles successives fixées entre le 1er juillet 1995 et le 30 juin 2000. Ils'ensuit que, au moment de l'introduction du recours, soit le 8 octobre 1996, laproposition initiale était déjà caduque en ce qui concerne les mesures dedégagements prévues pour la période du 1er juillet 1995 au 30 juin 1996.Entre-temps, elle l'est devenue aussi pour celles prévues pour la période du 1erjuillet 1996 au 30 juin 1997 et du 1er juillet 1997 au 30 juin 1998. La perte de lachance de pouvoir bénéficier du dégagement au même titre que les fonctionnairesdu Parlement est donc devenue définitive en ce qui concerne ces périodes pour lesfonctionnaires de la défenderesse qui remplissaient déjà, au cours de celles-ci, ladouble condition d'être âgé de 55 ans et de totaliser au moins dix ans de service.

101.
    D'autre part, et surtout, les illégalités alléguées dont le règlement n° 2688/95 seraitentaché, à savoir la violation du principe de l'unicité de la fonction publiquecommunautaire, du principe d'égalité de traitement, des obligations de consultationet de motivation et l'existence d'un détournement de pouvoir, à les supposerfondées, procèdent de l'adoption même du règlement n° 2688/95. Elles trouvent,

en effet, leur source dans l'adoption du règlement n° 2688/95 qui, s'écartant de laproposition initiale, dont le domaine s'étendait à toutes les institutions, nes'applique qu'au seul Parlement.

102.
    Il s'ensuit que l'exception d'illégalité n'a pas été soulevée prématurément.

103.
    Le Tribunal rappelle, en deuxième lieu, que la défenderesse , le Conseil et leroyaume des Pays-Bas soutiennent que le véritable but du recours est de contesterla validité du règlement n° 2688/95, les demandes ne constituant qu'un artificeabusif destiné à provoquer l'adoption d'un acte pouvant servir de base pourattaquer ce règlement.

104.
    Ils soulignent, premièrement, que l'introduction d'une réclamation en vertu del'article 90 du statut ne suffit pas pour créer une voie de recours contre un acteréglementaire. Le Tribunal constate, toutefois, que les arrêts cités à l'appui de cettethèse (arrêts Bowden e.a./Commission, Biller e.a./Parlement, ordonnance Amesze.a./Commission et Conseil, arrêts Birke/Commission, et Bruckner/Commission etConseil, cités au point 82 ci-dessus) concernaient des espèces dans lesquelles lesrequérants avaient estimé qu'un règlement pouvait lui-même être considéré commeétant un acte faisant grief et avaient, partant, directement introduit une réclamationà son encontre, puis, contre le rejet de celle-ci, un recours. Ils n'avaient donc,contrairement au cas d'espèce, pas demandé à l'AIPN l'application de ce règlementau moyen d'une demande fondée sur l'article 90, paragraphe 1, du statut, donnantlieu à un rejet lui-même suivi d'un recours dans le cadre duquel l'illégalité durèglement avait été soulevée. La jurisprudence invoquée n'est donc pas pertinentedans le présent cas d'espèce, dans lequel l'AIPN a adopté des décisions faisant griefaux requérants. Cette première objection n'est donc pas fondée.

105.
    Ils estiment, deuxièmement, que le Tribunal ne saurait se prononcer, dans l'abstrait,sur la légalité d'une norme de caractère général, en l'absence d'une applicationparticulière. Le Tribunal relève, toutefois, que les arrêts cités à l'appui de cettethèse (arrêts Pincherle/Commission, point 30, Barassi/Commission, point 38,Bertelli/Commission, point 38, Reinarz/Commission, points 43, 52, etCordier/Commission, point 54, cités au point 82 ci-dessus) concernaient des espècesdans lesquelles le requérant critiquait, au moyen d'une exception d'illégalité, desdispositions réglementaires qui ne constituaient pas la base juridique de la décisiondont l'annulation était poursuivie. Or, dans le présent cas d'espèce, ainsi qu'il a étéconstaté ci-dessus au point 97, les décisions attaquées, à savoir le refus de tenircompte des manifestations d'intérêt des requérants au dégagement, se fondent surle règlement n° 2688/95, en ce qu'il exclut implicitement mais nécessairement deson champ d'application les fonctionnaires en poste auprès de la défenderesse.Cette deuxième objection n'est donc pas fondée.

106.
    Ils considèrent, troisièmement, qu'un fonctionnaire n'est pas habilité à agir dansl'intérêt de la loi ou des institutions et qu'il ne peut faire valoir à l'appui de sonrecours que des griefs qui lui sont personnels. Le Tribunal relève, toutefois, que

l'arrêt cité à l'appui de cette thèse (arrêt Sebastiani/Parlement, précité au point 82ci-dessus, point 24) concernait le cas de figure dans lequel un requérant critiquait,au-delà de son cas particulier, la politique générale du personnel menée parl'administration et invoquait donc des griefs qui ne lui étaient pas personnels. Or,dans la présente espèce, les griefs avancés par les requérants contre le règlementn° 2688/95 concernent bien leur cas personnel puisqu'ils dénoncent la circonstanceselon laquelle ce règlement n'est susceptible de s'appliquer qu'aux seulsfonctionnaires du Parlement, à l'exclusion de ceux de l'institution dont ils relèvent.Cette troisième objection n'est donc pas fondée.

107.
    Ils font valoir, quatrièmement, que l'exception d'illégalité ne constitue pas un droitd'action autonome et qu'elle ne peut être soulevée que de manière incidente. LeTribunal constate, toutefois, que les arrêts cités à l'appui de cette thèse (arrêtsAlbini/Conseil et Commission, Salerno e.a./Conseil et Commission, cités au point88 ci-dessus, et ordonnance Donatab e.a./Commission, citée au point 90 ci-dessus)concernaient le cas de figure dans lequel le requérant cherchait exclusivement, enl'absence de toute demande d'annulation d'un acte d'application, à obtenir unedéclaration d'invalidité d'un règlement, ou encore l'hypothèse dans laquelle lerecours en annulation dirigé contre un acte d'application a été déclaré irrecevable,entraînant l'irrecevabilité de l'exception d'illégalité (ordonnance Donatabe.a./Commission, citée au point 90 ci-dessus). Or, dans la présente espèce,l'exception d'illégalité, dirigée contre le règlement n° 2688/95, a été soulevée defaçon incidente dans le cadre d'un recours en annulation dirigé contre des décisionsindividuelles de l'AIPN invitée à se prononcer sur l'applicabillité de ce règlement,ce recours étant lui-même recevable, comme il a été constaté ci-dessus aux points51 à 68.

108.
    Il résulte, par ailleurs, d'une jurisprudence constante qu'un fonctionnaire peut, dansle cadre de la voie de recours instituée par l'article 179 du traité et l'article 91 dustatut et dans le cas d'un acte de caractère général destiné à être mis en oeuvre aumoyen d'une série de décisions individuelles, invoquer l'illégalité de cet acte pourattaquer la décision individuelle qui le concerne (voir arrêts de la Cour du 18 mars1975, Acton e.a./Commission, 44/74, 46/74 et 49/74, Rec. p. 383, point 7, et du 10décembre 1987, Del Plato e.a./Commission, 181/86, 182/86, 183/86 et 184/86, Rec.p. 4991, point 9; arrêts du Tribunal Baiwir/Commission, précité, point 33, et du 29janvier 1997, Vanderhaeghen/Commission, T-297/94, RecFP p. II-13, point 23).

109.
    Or, dans le présent cas d'espèce, les requérants ont invoqué l'illégalité durèglement n° 2688/95 dans le cadre d'un recours introduit, sur le fondement del'article 179 du traité et de l'article 91 du statut, contre les décisions individuellesles concernant et aux termes desquelles ledit règlement n'était pas applicable.

110.
    Il s'ensuit que l'exception d'illégalité n'a pas été soulevée d'une façon abusive.

111.
    Le Tribunal rappelle, en troisième lieu, que la partie défenderesse considère que,comme le règlement n° 2688/95 bénéficie d'une présomption de validité et qu'elleest tenue de l'appliquer, elle a agi en complète légalité et que le recours n'est doncpas fondé.

112.
    Le Tribunal rappelle que le principe de légalité implique qu'un acte légalementadopté par les institutions communautaires reste légal et valable tant qu'il n'a pasété abrogé par un acte ultérieur ou déclaré invalide par une juridictioncommunautaire (arrêt Granaria, cité au point 85 ci-dessus, point 5). Il s'ensuit que,en l'espèce et à supposer même que le règlement n° 2688/95 soit effectivementillégal en ce qu'il ne s'applique qu'au seul Parlement, la défenderesse n'avaitlégalement pas d'autre choix que de rejeter la demande. Le fait que l'AIPN étaitlégalement tenue d'appliquer le règlement n° 2688/95 ne fait toutefois pas obstacleau droit des requérants, tiré de l'article 184 du traité, de saisir la juridictioncommunautaire d'une contestation tendant à voir ce règlement déclaré inapplicable(arrêts du Tribunal du 27 octobre 1994, Benzler/Commission, T-536/93, RecFPp. II-777, points 40 et 41, et Altmann e.a./Commission, cité au point 97 ci-dessus,point 123).

113.
    Il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité soulevée en l'espèce, etdirigée contre l'exclusion implicite des fonctionnaires en poste auprès de ladéfenderesse du domaine d'application du règlement n° 2688/95, doit être déclaréerecevable.

114.
    Par conséquent, il convient de procéder à l'examen du bien-fondé de cetteexception.

Sur le bien-fondé de l'exception d'illégalité

115.
    A l'appui de leur exception d'illégalité, les requérants invoquent trois moyensprincipaux, tirés, en premier lieu, de l'incompétence et de la violation du principed'égalité de traitement, en deuxième lieu, de la violation des formes substantielleset, en troisième lieu, d'un détournement de pouvoir.

116.
    Le Tribunal estime opportun d'examiner en premier lieu le moyen tiré de laviolation du principe d'égalité de traitement.

Sur la violation du principe d'égalité de traitement

— Arguments des parties

117.
    Les requérants estiment que l'application du règlement n° 2688/95 aux seulsfonctionnaires du Parlement constitue une violation du principe fondamentald'égalité de traitement et de non-discrimination. Ce principe, s'il ne fait pasobstacle à certaines distinctions entre des cadres ou des catégories de

fonctionnaires, qui pourraient être régis par des règles qui leur sont propres,s'opposerait, en revanche, à toute règle particulière applicable aux fonctionnairesou agents en fonction de leur seule affectation à l'une ou l'autre des institutionscommunautaires.

118.
    Les requérants soutiennent à ce sujet que l'application du règlement n° 2688/95revient à traiter différemment des fonctionnaires qui se trouvent pourtant dans dessituations identiques.

119.
    Les requérants en concluent que l'illégalité du règlement n° 2688/95 doit entraînercelle des décisions portant rejet de leurs demandes.

120.
    Le Conseil conteste que le règlement n° 2688/95 viole le principe d'égalité detraitement.

121.
    Il expose que, lors des travaux préparatoires à l'adoption du règlement n° 2688/95,il est apparu que le Parlement était objectivement placé dans une situationdifférente de celle des autres institutions et organismes, qui justifiait que lesmesures de cessation définitive de fonctions pour ses fonctionnaires soient traitéesen priorité par le Conseil.

122.
    Le Conseil précise, dans cet ordre d'idées, que le Parlement a été la seuleinstitution a avoir demandé le bénéfice de mesures de dégagement, bien avant quela Commission ne présente sa proposition initiale. En outre, le Parlement n'auraitpas prévu de nouveaux postes, en 1996, au titre de l'élargissement. Enfin, dès laréception de la proposition initiale de la Commission par le Conseil, des doutesauraient été exprimés quant à la nécessité réelle de mesures de dégagement pouratteindre l'objectif d'assurer un recrutement adéquat de ressortissants des nouveauxÉtats membres, au vu notamment des coûts budgétaires très importants qui enrésulteraient. Dans ce contexte, la Commission aurait été invitée à justifier demanière détaillée le nombre de dégagements proposés pour chaque institution. Ala suite de cette invitation, les institutions concernées auraient fourni des indicationssur leurs besoins. Or, ces indications n'auraient pas infirmé l'opinion majoritaire duConseil suivant laquelle seul le Parlement était dans une situation particulièrejustifiant que les mesures le concernant soient traitées en priorité.

123.
    Le royaume des Pays-Bas soutient pleinement la position que le Conseil a exposéedans son mémoire en intervention, tout en ajoutant que le règlement n° 2688/95n'opère en aucune manière une discrimination entre fonctionnaires.

124.
    Le royaume des Pays-Bas considère, en outre, que la circonstance selon laquellela défenderesse n'a eu aucune objection à formuler contre un règlement ayant unchamp d'application plus large est dénuée de pertinence. En effet, aux termes del'article 24 du traité de fusion, il appartiendrait au Conseil d'arrêter à la majoritéqualifiée des règlements de cet ordre sur proposition de la Commission. Le Conseil

disposerait à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation. L'avis d'une autreinstitution ne pourrait pas se substituer à celui du Conseil.

— Appréciation du Tribunal

125.
    Le Tribunal relève que, en cas d'élargissement de l'Union, ou en toute autrecirconstance appelant une recomposition du corps des fonctionnaires desCommunautés européennes, le Conseil, saisi sur la base de l'article 24, paragraphe1, deuxième alinéa, du traité de fusion, jouit du pouvoir discrétionnaire de déciders'il y a lieu ou non d'adopter des mesures de dégagement et de définir leurdomaine et leurs modalités d'application. En contrôlant l'exercice d'une tellecompétence, le Tribunal doit donc se limiter à examiner s'il n'est pas entaché d'uneerreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir ou si le Conseil n'a pasmanifestement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation.

126.
    Le Tribunal rappelle, par ailleurs, que le principe général d'égalité est un desprincipes fondamentaux du droit communautaire. Ce principe exige que lessituations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu'unedifférenciation ne soit objectivement justifiée (voir, par exemple, l'arrêtHochstrass/Cour de justice, cité au point 52 ci-dessus, point 7, et les arrêts duTribunal du 9 février 1994, Lacruz Bassols/Cour de justice, T-109/92, RecFPp. II-105, point 87, et du 18 décembre 1997, Delvaux/Commission, T-142/95, RecFPp. II-1247, point 95). Dans une matière qui, comme celle de la présente espèce,relève de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, ce principe est méconnu lorsquele Conseil procède à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquatepar rapport à l'objectif de la réglementation.

127.
    Le règlement n° 2688/95 constate, eu égard à l'adhésion de l'Autriche, de laFinlande et de la Suède, la nécessité de procéder à un réaménagement de lacomposition du corps des fonctionnaires des Communautés. Il résulte de lacombinaison de ses deuxième et troisième considérants que cet objectif peut êtreatteint à la fois par la création de nouveaux postes et par des mesures dedégagement.

128.
    Le règlement n° 2688/95 autorise le recours à des mesures de dégagement, maislimite ce droit au seul Parlement, à l'exclusion des autres institutions, dont ladéfenderesse.

129.
    Cette différenciation serait justifiée, ainsi qu'il résulte du troisième considérant durèglement n° 2688/95, par la circonstance que le Parlement a fait valoir que, en cequi le concerne, il entendait opérer ce réaménagement en recourant presqueexclusivement, en 1996, à des mesures de dégagement.

130.
    Il ressort, toutefois, du dossier (lettre de la Commission du 17 mai 1995 auxcoprésidents du comité du statut reproduite à l'annexe 2 à la requête) que ladéfenderesse avait elle aussi fait savoir qu'elle entendait réaliser ce réaménagement

en appliquant à un certain nombre de ses fonctionnaires des mesures dedégagement.

131.
    Par ailleurs, il y a lieu de constater que, en vue de permettre ce réaménagement,l'autorité budgétaire a accordé en 1995 des postes nouveaux à toutes lesinstitutions, et notamment et d'une manière particulièrement importante, auParlement. En effet, le budget rectificatif et supplémentaire n° 1 de l'Unioneuropéenne pour l'exercice 1995 (Budget rectificatif et supplémentaire n° 1 del'Union européenne pour l'exercice 1995, JO 1995, L 276, p. 1, ci-après «BRSn° 1/95»), reproduit partiellement à l'annexe 13 à la requête, arrêté pour lesbesoins de l'élargissement, prévoit la création au profit du Parlement de 242nouveaux emplois permanents.

132.
    Le Conseil expose, à cet égard, que le total des effectifs autorisés du Parlementprévu par le budget de l'Union européenne pour l'exercice 1996 dans le tableaudes effectifs de cette institution n'a augmenté que de quatre unités par rapport àcelui prévu par le BRS n° 1/95 et qu'aucune augmentation n'a été prévue par letableau des effectifs du budget de l'exercice 1997. Eu égard à la croissancesubstantielle des effectifs du Parlement, décidée en 1995 au titre de l'élargissement,il n'est donc ni surprenant ni significatif que le Parlement n'ait pas à nouveau prévuen 1996 la création, à ce même titre, de nouveaux emplois.

133.
    Il ressort, par ailleurs, du tableau des effectifs autorisés des budgets généraux del'Union européenne pour les exercices 1995, 1996 et 1997 [arrêt définitif du budgetgénéral de l'Union européenne pour l'exercice 1995 (JO 1994, L 369, p. 153); arrêtdéfinitif du budget général de l'Union européenne pour l'exercice 1996 (JO 1996,L 22, p. 155); arrêt définitif du budget général de l'Union européenne pourl'exercice 1997 (JO 1997, L 44, p. 133)] que le nombre des emplois permanents dela Cour de justice, qui était de 750 au 1er janvier 1995, a été augmenté par le BRSn° 1/95 à 842 et est resté à ce niveau au cours des exercices 1996 et 1997.

134.
    Il s'ensuit que, contrairement à la motivation du règlement n° 2688/95, la situationdu Parlement et de la défenderesse au regard de la nécessité de réaménager lacomposition du corps des fonctionnaires à leur service est similaire. D'une part, lesdeux institutions ont vu leurs effectifs autorisés augmentés à ce titre par le BRSn° 1/95, puis stabilisés à partir de 1996. D'autre part, les deux institutions avaientsignalé leur intention de procéder audit réaménagement en arrêtant des mesuresde dégagement.

135.
    Le Conseil, en limitant dans ces circonstances le domaine d'application durèglement n° 2688/95 au seul Parlement, au détriment de la défenderesse et,partant, en traitant, sans justification objective, de manière différente des situationstout à fait similaires, a donc procédé à une différenciation arbitraire ou, à tout lemoins, manifestement inadéquate par rapport à l'objectif poursuivi par laréglementation et correspondant à la nécessité de procéder au réaménagement de

la composition du corps des fonctionnaires des Communautés à la suite del'élargissement de l'Union.

136.
    Cette discrimination de la défenderesse par rapport au Parlement, et donc d'uneinstitution par rapport à une autre, affecte aussi les fonctionnaires au service de lapremière en les privant de la chance de bénéficier, le cas échéant, d'une mesurede dégagement. L'argument du royaume des Pays-Bas, tiré de ce que le règlementn° 2688/95 ne serait pas en mesure d'opérer une discrimination entrefonctionnaires, n'est donc pas fondé.

137.
    Le moyen tiré d'une violation du principe de non-discrimination est, partant, fondé.

Sur les violations des formes substantielles

138.
    Dans le cadre de leur moyen tiré d'une violation des formes substantielles, lesrequérants reprochent au Conseil d'avoir omis de consulter le Parlement, la Courde justice, la Cour des comptes et le comité du statut, préalablement à l'adoptiondu règlement n° 2688/95, ainsi que d'avoir insuffisamment motivé ledit règlement.Le Tribunal estime opportun d'examiner en premier lieu le grief tiré d'un défautde consultation des institutions et du comité du statut.

— Arguments des parties

139.
    Les requérants rappellent, d'une part, en se référant à l'article 10 du statut, que laCommission ne peut soumettre au Conseil une proposition de révision du statutqu'après que le comité du statut a rendu son avis.

140.
    Ils rappellent, d'autre part, que, en vertu de l'article 24 du traité de fusion, leConseil ne peut adopter un règlement portant révision du statut qu'après avoirrecueilli les avis du Parlement, de la défenderesse et de la Cour des comptes.

141.
    Les requérants observent que le comité du statut a été saisi du projet deproposition initiale, prévoyant des mesures de cessation définitive de fonctionsapplicables à tous les fonctionnaires communautaires, quelle que soit leurinstitution d'affectation. La Commission s'est ensuite, face au refus du Conseild'accepter la proposition initiale, déclarée prête à scinder celle-ci de façon àpermettre l'adoption de mesures de dégagement au profit du seul Parlement. Laproposition initiale ainsi modifiée n'a pourtant été soumise pour consultation ni aucomité du statut ni aux institutions communautaires susvisées.

142.
    Les requérants estiment, en se référant à cet égard à la jurisprudence de la Courrelative à la consultation du Parlement, qui s'appliquerait mutatis mutandis à toutesles consultations requises dans le cadre du processus législatif communautaire(arrêts de la Cour du 16 juillet 1992, Parlement/Conseil, C-65/90, Rec. p. I-4593,du 5 octobre 1993, Driessen e.a., C-13/92, C-14/92, C-15/92 et C-16/92, Rec.

p. I-4751, du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C-280/93, Rec. p. I-4973, du 1erjuin 1994, Parlement/Conseil, C-388/92, Rec. p. I-2067, du 10 mai 1995,Parlement/Conseil, C-417/93, Rec. p. I-1185, et du 5 juillet 1995, Parlement/Conseil,C-21/94, Rec. p. I-1827), que la Commission avait l'obligation, lors de lamodification de la proposition initiale, de procéder à une nouvelle consultation detoutes les instances consultatives auxquelles elle est tenue de soumettre uneproposition de modification du statut, à savoir le comité du statut, sur la base del'article 10, le Parlement, la défenderesse et la Cour des comptes, sur la base del'article 24 du traité de fusion.

143.
    Les requérants reconnaissent que le Conseil est en droit d'amender une propositionde la Commission sans être tenu de procéder de nouveau à toutes les consultationsobligatoires. Ils considèrent toutefois que, dans le cas d'espèce, le règlementn° 2688/95 ne constitue pas un simple amendement de la proposition initiale de laCommission, mais présente par rapport à celle-ci des différences substantielles etradicales, notamment en ce qui concerne son champ d'application et le nombre deses bénéficiaires, la proposition initiale se trouvant dès lors complètementdénaturée. Ce règlement s'écartant dans sa substance même de la propositioninitiale, le Conseil était tenu de procéder à une nouvelle consultation avant sonadoption. Ils précisent, finalement, que, en réalité, ce n'est pas le Conseil qui s'estécarté de la proposition initiale de la Commission, mais celle-ci qui, pour résoudreun conflit opposant le Parlement au Conseil, a décidé de remplacer sa propositioninitiale par une nouvelle proposition radicalement différente.

144.
    Les requérants ajoutent que l'arrêt Bruckner/Commission et Conseil, cité au point82 ci-dessus, invoqué par le Conseil et le royaume des Pays-Bas au soutien de lathèse selon laquelle une modification apportée à la proposition initiale n'exige pasune nouvelle consultation, n'est pas pertinent, puisqu'il se bornerait à renvoyer àd'autres arrêts de la Cour, dont l'arrêt du 4 février 1982, Buyl e.a./Commission(817/79, Rec. p. 245, point 23), dans lesquels il a été expressément constaté que lesmodifications apportées à la proposition de la Commission postérieurement à l'avisdu Parlement étaient purement techniques et que, à l'exception de cesmodifications, le règlement finalement adopté était conforme à la propositionsoumise au Parlement. Or, tel ne serait précisément pas le cas en l'espèce, lesmodifications apportées par la Commission à la proposition initiale ayanttransformé fondamentalement l'économie et la ratio legis de celle-ci.

145.
    Les requérants relèvent que le comité du statut est le seul organe représentatif tantdu personnel que des administrations des institutions. L'omission de le consultertraduirait donc un grave déficit démocratique analogue à celui qui se manifeste encas de défaut de consultation du Parlement. Ils en concluent que la jurisprudencerelative à la consultation du Parlement s'applique, par analogie, au comité dustatut.

146.
    Le Conseil soutient que la thèse tirée du défaut de consultation régulière n'est pasfondée, une thèse semblable ayant déjà été rejetée par la jurisprudence (arrêts Buyle.a./Commission, cité au point 144 ci-dessus, points 14 à 16, etBruckner/Commission et Conseil, cité au point 82 ci-dessus).

147.
    Le Conseil considère, en premier lieu, que l'obligation de consultation du comitédu statut sur toute proposition de révision du statut, prévue à l'article 10 duditstatut, ne s'applique qu'antérieurement à la saisine du Conseil par la propositionde la Commission sur la base de l'article 24 du traité de fusion. A partir de cettesaisine, les règles du traité, dont notamment l'article 189 A, seraient d'application,comme pour toute autre proposition de la Commission. Si la thèse des requérantsétait accueillie, elle impliquerait une paralysie du processus de décision (arrêtAllemagne/Conseil, cité au point 142 ci-dessus, point 36). Le Conseil rappelle, à cetégard, que chaque amendement du Conseil à une proposition de la Commissionexige que la Commission soit d'accord avec cette modification, à défaut de quoi leConseil ne peut adopter l'acte modifié qu'à l'unanimité. Or, si à chaqueamendement que le Conseil suggère et que la Commission approuve, celle-ci devaitrevenir au comité du statut pour que celui-ci marque son accord sur la modificationenvisagée, cette procédure, d'une part, conduirait à la paralysie de la prise dedécision et, d'autre part, aboutirait à empiéter sur le pouvoir de décision que letraité confère au Conseil.

148.
    Le Conseil considère, en second lieu, que l'analogie faite avec la jurisprudencerelative à la reconsultation du Parlement est dénuée de fondement. En effet, d'unepart, le Parlement assumerait un rôle qui, étant institutionnel et prévu par le traité,serait totalement différent de celui du comité du statut. D'autre part, cettejurisprudence aurait été conçue dans le contexte du droit primaire et de l'équilibreinstitutionnel voulu par le traité, l'obligation de consultation du Parlement étantconsidérée comme le reflet, au niveau de la Communauté, d'un principedémocratique fondamental, selon lequel les peuples participent à l'exercice dupouvoir par l'intermédiaire d'une assemblée représentative (arrêt de la Cour du 29octobre 1980, Roquette Frères/Conseil, 138/79, Rec. p. 3333). Ces principes nepourraient pas être appliqués par analogie à l'obligation de consultation d'uncomité prévu par un acte de droit dérivé.

149.
    En ce qui concerne l'argument tiré du défaut de reconsultation des institutions, auregard de l'article 24 du traité de fusion, le Conseil souligne que, selon lajurisprudence (arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Atlanta e.a./Conseil etCommission, T-521/93, Rec. p. II-1707, point 71), dans le cadre de la procédured'adoption d'un acte communautaire basée sur un article du traité, les seulesobligations de consultation qui s'imposent au législateur sont celles prescrites parl'article en cause.

150.
    Le royaume des Pays-Bas relève que la Commission a consulté le comité du statutsur sa proposition initiale et que le comité du statut a émis un avis favorable. Il endéduit que le grief concerne seulement la question de savoir si la modification que

la Commission a ensuite apportée à sa proposition initiale devait donner lieu à unenouvelle consultation. Un moyen similaire aurait déjà été rejeté en jurisprudence(arrêt Bruckner/Commission et Conseil, cité au point 82 ci-dessus).

151.
    Le royaume des Pays-Bas souligne que la comparaison effectuée par les requérantsentre la consultation du comité du statut et celle du Parlement perd de vue que lepremier occupe une position différente du second. D'une part, le Parlementdonnerait un avis à une institution qui doit prendre une décision sur uneproposition, alors que le comité du statut donnerait un avis à une institution quidoit déposer une proposition. D'autre part, l'avis du Parlement, contrairement àcelui du comité du statut, serait l'expression d'un principe démocratique. En fait,le Parlement ayant donné au Conseil un avis sur le règlement n° 2688/95, salégitimité démocratique aurait été garantie.

152.
    Le royaume des Pays-Bas estime qu'obliger le Conseil à consulter le comité dustatut s'il s'écarte de la proposition initiale de la Commission est contraire à l'article10 du statut, qui n'impose la consultation du comité du statut que sur des projetsde proposition de la Commission. Une telle obligation serait aussi contraire àl'équilibre institutionnel.

— Appréciation du Tribunal

153.
    Il convient d'examiner tout d'abord le bien-fondé de l'argumentation selon laquelleil aurait fallu reconsulter, en premier lieu, le Parlement et, en second lieu, lecomité du statut.

154.
    Il importe, premièrement, de rappeler que l'article 24, paragraphe 1, deuxièmealinéa, du traité de fusion dispose que toute modification du statut doit êtreadoptée «sur proposition de la Commission, et après consultation des autresinstitutions intéressées».

155.
    Le Tribunal rappelle, en outre, que la consultation du Parlement au titre del'article 24 du traité de fusion, qui lui permet notamment de participereffectivement au processus législatif de la Communauté, représente un élémentessentiel de l'équilibre institutionnel voulu par les traités. La consultation régulièredu Parlement sur la base de ce texte constitue dès lors une formalité substantielledont le non-respect entraîne la nullité de l'acte en cause (arrêt Buyl/Commission,cité au point 144 ci-dessus, point 16; arrêts de la Cour du 4 février 1982,Adam/Commission, 828/79, Rec. p. 269, point 17, et Battaglia/Commission, 1253/79,Rec. p. 297, point 17).

156.
    Le Tribunal rappelle ensuite qu'une nouvelle consultation du Parlement s'imposeà chaque fois que le texte finalement adopté, considéré dans son ensemble, s'écartedans sa substance même de celui sur lequel il a déjà été consulté, à l'exception descas où les amendements correspondent, pour l'essentiel, au souhait exprimé par le

Parlement lui-même (voir, en dernier lieu, l'arrêt de la Cour du 11 novembre 1997,Eurotunnel e.a., C-408/95, Rec. p. I-6315, point 46). Ce principe trouve sajustification dans le fait que la compétence de consultation du Parlement «constituel'expression d'un principe démocratique fondamental, selon lequel les peuplesparticipent à l'exercice du pouvoir par l'intermédiaire d'une assembléereprésentative» (arrêt Eurotunnel e.a., précité, point 45).

157.
    Selon la jurisprudence de la Cour, cette obligation de reconsultation du Parlements'impose également dans le cadre de la consultation prévu par l'article 24 du traitéde fusion (voir, en ce sens, les arrêts Buyl e.a./Commission, cité au point 144 ci-dessus, Adam/Commission, cité au point 155 ci-dessus, et Battaglia/Commission,cité au point 155 ci-dessus).

158.
    Le Tribunal constate, enfin, que la modification d'une proposition ne concerne pasla substance même du texte considéré dans son ensemble si, d'une part, elles'inscrit dans le cadre de l'objectif poursuivi par ce texte et si, d'autre part, elle netouche pas à l'économie fondamentale dudit texte (arrêt Allemagne/Conseil, citéau point 142 ci-dessus, points 40 et 41).

159.
    En l'espèce, la proposition initiale a donné lieu à un avis du Parlement en date du12 octobre 1995 (JO C 287, p. 186), qui l'a approuvée sous réserve, en substance,de deux modifications de portée mineure. D'une part, il a souhaité décaler d'uneannée la période au cours de laquelle les dégagements seraient autorisés. D'autrepart, il a proposé d'insérer un article 2 bis, suivant lequel les possibilités dedégagement non utilisées au cours d'une période seraient reportées sur la périodesuivante. Cet amendement tendait donc à étendre le domaine d'application de laproposition initiale. Par ailleurs, le Parlement a pris soin d'inviter le Conseil àl'informer, au cas où il entendrait s'écarter du texte approuvé. Il a demandé enoutre «à être à nouveau consulté au cas où le Conseil entendrait apporter desmodifications substantielles à la proposition de la Commission».

160.
    Le Tribunal constate, tout d'abord, que le règlement n° 2688/95 n'accorde le droitde procéder au dégagement qu'au seul Parlement et refuse donc implicitement,mais nécessairement, ce droit au Conseil, à la Commission, à la Cour des comptes,à la défenderesse et au Comité économique et social. Par ailleurs, il n'autorise plusque le dégagement de 70 fonctionnaires, au lieu des 297 prévus par la propositioninitiale, soit moins d'un quart du nombre prévu initialement par celle-ci. D'unepart, il s'ensuit que ce texte ne permet plus d'assumer dans la même mesure quela proposition initiale le réaménagement de la composition du corps desfonctionnaires des Communautés qui, suivant le premier considérant de laproposition initiale et du règlement n° 2688/95, est pourtant une conséquencedirecte de l'élargissement de l'Union. La modification opérée atténue doncfortement la poursuite de l'objectif recherché par la proposition initiale. D'autrepart, en diminuant de plus de trois quarts les mesures de dégagement susceptiblesd'être adoptées, elle diminue d'autant la possibilité de réaliser un réaménagementde la composition du corps des fonctionnaires des Communautés, donc l'objectif

de la proposition initiale, et touche, partant, à l'économie même du texte de celle-ci.

161.
    Le Tribunal en conclut que la modification apportée à la proposition initialeprésente un caractère substantiel.

162.
    Le Tribunal constate ensuite que la modification de la proposition initiale necorrespond pas au souhait exprimé par le Parlement. Celui-ci avait, en effet,approuvé la proposition initiale dans son avis. Il souhaitait donc que toutes lesinstitutions puissent avoir recours à des mesures de dégagement, qui devaient êtreappliquées à 297 fonctionnaires. Les amendements proposés tendaient d'ailleurs àfaciliter voire à étendre cette faculté, d'une part, en décalant sa mise en oeuvred'une année et, d'autre part, en autorisant le report des quotas de dégagement nonutilisés pendant une période de référence sur une autre période. Il exigeait enfinexpressément d'être reconsulté en cas de modification substantielle.

163.
    Il s'ensuit que le Parlement aurait dû être reconsulté antérieurement à l'adoptionpar le Conseil du texte issu de la modification de la proposition initiale.

164.
    Deuxièmement, il y a lieu de relever qu'aux termes de l'article 10, deuxième alinéa,deuxième phrase, du statut le comité du statut est consulté par la Commission surtoute proposition de révision du statut.

165.
    Le Tribunal considère que cette disposition impose à la Commission une obligationde consultation qui s'étend, outre aux propositions formelles, également auxmodifications substantielles de propositions déjà examinées auxquelles elle procède,à moins que, dans ce dernier cas, les modifications correspondent pour l'essentielà celles proposées par le comité du statut.

166.
    Cette solution se justifie eu égard au libellé de la disposition en question et au rôleassumé par le comité du statut.

167.
    En effet, d'une part, en prévoyant la consultation sans réserve ni exception ducomité du statut sur toute proposition de révision du statut, cette dispositionconfère une large portée à l'obligation qu'elle définit. Ses termes sont doncmanifestement inconciliables avec une interprétation restrictive de sa portée. Or,la modification par la Commission, comme en l'espèce, de la substance d'uneproposition déjà examinée par le comité du statut équivaut, au fond, à laprésentation d'une nouvelle proposition. Il s'ensuit que le refus d'étendrel'obligation de consultation à ce cas de figure revient à priver cette disposition detout effet utile.

168.
    D'autre part, cette interprétation est commandée par le rôle assumé par le comitédu statut. Constituant un organe paritaire regroupant des représentants à la fois desadministrations et du personnel, ces derniers étant démocratiquement élus, de

toutes les institutions, il est amené à prendre en considération et à exprimer lesintérêts de la fonction publique communautaire prise dans son ensemble. Ce rôleest notamment appelé à s'exprimer lorsque, comme en l'espèce, la modification dela proposition initiale réduit, dans les circonstances précédemment décrites au point160, la portée d'une mesure qui, initialement prévue pour toutes les institutions etpour un nombre important de fonctionnaires, s'applique finalement à une seuleinstitution et au quart du nombre des fonctionnaires initialement prévu. En effet,une telle modification est de nature à concerner les intérêts généraux de la fonctionpublique communautaire et intéresse donc au plus haut degré le comité du statut.

169.
    Les parties intervenantes ont soulevé diverses objections contre cette obligation dereconsultation du comité du statut. En premier lieu, le royaume des Pays-Bassoutient que l'obligation de consultation du comité du statut se limite aux seulsprojets de proposition et cesse de s'appliquer après que le Conseil a été saisi parla Commission.

170.
    Le Tribunal relève, toutefois, que cet argument, d'une part, méconnaît les termesparticulièrement larges et sans réserve de l'article 10, deuxième alinéa, deuxièmephrase, du statut, qui dispose que le comité du statut est consulté «sur touteproposition de révision du statut» et, d'autre part, ajoute à ce texte une conditionqui n'y est pas prévue.

171.
    Ce premier argument n'est donc pas fondé.

172.
    En deuxième lieu, le Conseil et le royaume des Pays-Bas estiment qu'une obligationde reconsultation ne se conçoit que pour le Parlement, qui, par son statutd'institution, son rôle et ses attributions, n'est pas comparable au comité du statut.

173.
    Le Tribunal constate toutefois, d'une part, que les raisons qui ont partiellementimposé cette solution, à savoir le souci d'une consultation réelle et sérieuse,s'appliquent aussi dans le cadre de l'obligation de consultation du comité du statut.D'autre part, la consultation du comité du statut, qui est un organe composépartiellement de représentants élus démocratiquement et non un simple organe deconsultation technique, repose sur des considérations analogues à celles imposantla consultation du Parlement, à savoir assurer la participation d'un organereprésentant les intérêts de ceux qui sont les destinataires de normes à élaborer auprocessus d'élaboration de celles-ci.

174.
    Ce deuxième argument n'est donc pas fondé.

175.
    En troisième lieu, le Conseil soutient qu'une reconsultation du comité du statut qui,par hypothèse, doit s'exercer après que le Conseil a été saisi de la proposition dela Commission n'est pas prévue par l'article 24 du traité de fusion.

176.
    Toutefois, d'une part, le Tribunal constate que cette reconsultation trouve une baselégale suffisante dans l'article 10 du statut, non contredit par l'article 24 du traité

de fusion. D'autre part, le Conseil justifie son argument en se référant à l'arrêtAtlanta e.a./Conseil et Commission, cité au point 149 ci-dessus, qui pourtant n'estpas pertinent en l'espèce. Cet arrêt constate que, dans le cadre d'une procédured'adoption d'un acte communautaire basée sur un article du traité, les seulesobligations de consultation qui s'imposent au législateur communautaire sont cellesprescrites par l'article en cause (point 71). Dans les circonstances de cette espèce,les requérants, des opérateurs économiques se considérant comme affectés par unrèglement, reprochaient à la Communauté d'avoir adopté ce règlement sans lesavoir consultés au préalable. Le Tribunal a rejeté cette demande au motif qu'aucuntexte ne prévoyait l'obligation de consulter les requérants. Cette espèce sedifférencie donc de la présente, en ce que la consultation du comité du statut, encause dans celle-ci, est prévue par un texte d'une portée particulièrement étenduedu statut, qui l'impose clairement et sans aucune distinction pour toute propositionde révision du statut.

177.
    Ce troisième argument n'est donc pas fondé.

178.
    En quatrième lieu, le royaume des Pays-Bas soutient qu'une obligation dereconsultation du comité du statut porterait atteinte à l'équilibre institutionnel.

179.
    Le Tribunal relève, toutefois, que le comité du statut, pour important que soit sonrôle en matière de modification du statut, ne constitue pas une institution. Il n'acompétence que pour délivrer un avis sur une proposition. Il n'est pas en mesured'empêcher la Commission de modifier ou de maintenir une proposition demodification du statut. Sa reconsultation ne s'impose d'ailleurs que dans le casexceptionnel où la Commission apporte à une proposition qu'il a déjà examinéeune modification substantielle qui ne correspond pas pour l'essentiel à celle qu'ilavait lui-même proposée. Il ne saurait non plus empêcher le Conseil d'adopter,conformément à l'article 189 A du traité, et donc à l'unanimité, un acte constituantun amendement de la proposition de la Commission, auquel cas il ne devrait pasnon plus être reconsulté.

180.
    Ce quatrième argument n'est donc pas fondé.

181.
    En cinquième lieu, le Conseil considère qu'une obligation de reconsultation ducomité du statut entraînerait une paralysie du système décisionnel.

182.
    Toutefois, d'une part, le Tribunal constate que cette reconsultation ne trouve às'appliquer que fort exceptionnellement, à savoir dans le cas de figure dans lequella proposition initiale de la Commission est modifiée au point que sa substancemême en est affectée. D'autre part, même si elle doit entraîner une perte detemps, celle-ci constitue une concession indispensable à l'obligation, prévue parl'article 10 du statut, de consulter l'organe représentatif des institutions et de leurpersonnel, donc les destinataires du statut, préalablement à la modification de lanorme qui les régit.

183.
    Ce cinquième argument n'est donc pas fondé.

184.
    Le Tribunal rappelle que, en l'espèce, le comité du statut a émis, le 21 juin 1995,un avis favorable à la proposition initiale.

185.
    Or, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus aux points 160 et 161, la modification apportéepar la Commission au cours de la procédure législative à la proposition initiale étaitsubstantielle. Par ailleurs, elle ne correspondait pas à une éventuelle modificationproposée par le comité du statut, consulté le 21 juin 1995 sur la proposition initiale.Il s'ensuit que, en application des principes susvisés, le comité du statut aurait dûêtre reconsulté sur la proposition initiale modifiée.

186.
    Le moyen tiré d'une violation des formes substantielles est donc fondé en ce quiconcerne la consultation du Parlement et du comité du statut.

187.
    Il y a donc lieu d'annuler les décisions attaquées sans qu'il soit besoin d'examinerles autres griefs tirés d'un défaut de consultation de la défenderesse et de la Courdes comptes ainsi que d'un défaut de motivation, et les autres moyens invoqués ausoutien de l'exception d'illégalité.

Sur les dépens

188.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partiequi succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Aux termes del'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, les États membres et lesinstitutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Aux termes del'article 88 du règlement de procédure, dans les litiges entre les Communautés etleurs agents, les frais exposés par les institutions restent, en principe, à la chargede celles-ci.

189.
    La défenderesse ayant succombé en l'essentiel de ses conclusions, il y a lieu de lacondamner à supporter les dépens à l'exception de ceux des parties intervenantes,qui supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)    Les décisions de la Cour de justice adressées:

—    le 28 février 1996 à Mme Christiane Chvatal,

—    le 24 avril 1996 à M. Jean-Yves Delaval,

—    le 28 février 1996 à M. Jean Demaeght,

—    le 28 février 1996 à Mme Giovanna Dragoni,

—    le 28 février 1996 à M. John Hambly,

—    le 24 avril 1996 à M. Marc Kemmerling-Laleure,

—    le 11 mars 1996 à Mme Kirsten Lammar,

—    le 28 février 1996 à M. Théo Lippert,

—    le 28 février 1996 à M. Angus Mackay,

—    le 28 février 1996 à M. Kaj Østergaard,

—    le 28 février 1996 à Mme Maureen Russell,

—    le 11 mars 1996 à Mme Ulrike Sinter,

—    le 28 février 1996 à M. Aristides Vlachos,

—    le 28 février 1996 à M. Hans Gerhard Weller,

    portant rejet de leurs demandes l'invitant à inscrire leur nom sur la listedes personnes ayant manifesté leur intérêt pour une décision de cessationdéfinitive des fonctions telle que prévue par le règlement (CE, Euratom,CECA) n° 2688/95 du Conseil, du 17 novembre 1995, instituant, à l'occasionde l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, des mesuresparticulières de cessation définitive des fonctions de fonctionnaires desCommunautés européennes, sont annulées.

2)    La Cour de justice supportera ses propres dépens, ainsi que ceux desrequérants.

3)    Le Royaume des Pays-Bas et le Conseil de l'Union européenne supporterontleurs propres dépens.

Azizi
García-Valdecasas
Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 septembre 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Azizi

Table des matières

    

Faits à l'origine du litige

II - 3

    Procédure précontentieuse

II - 4

    Procédure contentieuse et conclusions des parties

II - 6

    Sur la recevabilité

II - 7

        Sur la recevabilité du recours de M. Marc Kemmerling-Laleure

II - 7

        Sur la recevabilité du recours en général

II - 7

            Arguments des parties

II - 7

            Appréciation du Tribunal

II - 11

    Sur le fond

II - 15

        Sur la recevabilité de l'argumentation concernant le fond du litige développée par leConseil et le royaume des Pays-Bas dans leurs mémoires en intervention

II - 15

            Arguments des parties

II - 15

            Appréciation du Tribunal

II - 16

        Sur la recevabilité de l'exception d'illégalité

II - 17

            Arguments des parties

II - 17

            Appréciation du Tribunal

II - 20

        Sur le bien-fondé de l'exception d'illégalité

II - 24

            Sur la violation du principe d'égalité de traitement

II - 24

                — Arguments des parties

II - 24

                — Appréciation du Tribunal

II - 26

            Sur les violations des formes substantielles

II - 28

                — Arguments des parties

II - 28

                — Appréciation du Tribunal

II - 31

    Sur les dépens

II - 36


1: Langue de procédure: le français.