Language of document : ECLI:EU:T:2023:211

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

26 avril 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale MOULDPRO – Usage sérieux de la marque – Nature de l’usage – Usage pour les produits pour lesquels la marque est enregistrée – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑794/21,

Wenz Kunststoff GmbH & Co. KG, établie à Lüdenscheid (Allemagne), représentée par Mes J. Bühling et D. Graetsch, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. R. Raponi et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Mouldpro ApS, établie à Ballerup (Danemark), représentée par Me W. Rebernik, avocat,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin, président, Mme G. Steinfatt et M. D. Kukovec (rapporteur), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 25 janvier 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Wenz Kunststoff GmbH & Co. KG, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 8 octobre 2021 (affaire R 646/2020‑2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 6 juin 2011, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)]. La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal MOULDPRO.

3        La demande de marque désignait les produits relevant des classes 7 et 17 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « Accouplements pour fermeture rapide de tuyaux, accouplements de raccordement de tuyaux » ;

–        classe 17 : « Accouplements pour tuyaux en matières plastiques (compris dans la classe 17), tuyaux ».

4        Le 14 juin 2011, l’EUIPO a demandé à la requérante de reclasser dans la classe 17 les « accouplements pour fermeture rapide de tuyaux » et les « accouplements de raccordement de tuyaux » qui étaient compris dans la classe 7.

5        Le 17 juin 2011, la requérante a déposé une demande de reclassement en ce sens.

6        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 142/2011, du 29 juillet 2011, et la marque a été enregistrée le 7 novembre 2011 pour les produits relevant de la classe 17 et correspondant à la description suivante : « Accouplements pour tuyaux en matières plastiques (compris dans la classe 17), tuyaux, accouplements pour fermeture rapide de tuyaux, accouplements de raccordement de tuyaux ».

7        Le 30 janvier 2018, l’intervenante, Mouldpro ApS, a déposé auprès de l’EUIPO une demande en déchéance de cette marque, en vertu de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, au motif que ladite marque n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pendant une période ininterrompue de cinq ans pour tous les produits pour lesquels elle avait été enregistrée, tels que visés au point 6 ci-dessus.

8        Par décision du 30 mars 2020, la division d’annulation a accueilli la demande en déchéance et déclaré la nullité de la marque contestée pour tous les produits en cause, sur le fondement de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001.

9        Le 2 avril 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours, en concluant que la requérante n’avait pas démontré l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits en cause, étant donné qu’elle ne couvrait pas les produits métalliques. En effet, d’une part, la chambre de recours a constaté qu’une partie des éléments de preuve produits par la requérante ne démontraient qu’un certain usage pour des accouplements/accessoires pour tuyaux qui n’étaient fabriqués qu’en métal. D’autre part, elle a considéré que, si certains éléments de preuve concernaient des tuyaux non métalliques, ceux-ci ne fournissaient toutefois aucune indication sur l’importance dudit usage.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et rejeter la demande en déchéance ;

–        à titre subsidiaire, rejeter la demande en déchéance pour les « accouplements pour fermeture rapide de tuyaux » et les « accouplements de raccordement de tuyaux » compris dans la classe 17 ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision attaquée ;

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

 En droit

14      À titre liminaire, il convient de constater que, par son premier chef de conclusions, l’intervenante demande au Tribunal de confirmer la décision attaquée et, par son deuxième chef de conclusions, elle conclut au rejet du recours. Or, étant donné que « confirmer la décision attaquée » équivaut à rejeter le recours, il y a lieu de regarder les deux premiers chefs de conclusions de l’intervenante comme tendant uniquement au rejet du recours [voir arrêt du 15 octobre 2020, Body Attack Sports Nutrition/EUIPO – Sakkari (SAKKATTACK), T‑851/19, non publié, EU:T:2020:485, point 18 et jurisprudence citée].

15      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, selon lequel le titulaire de la marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée, et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

16      Ce moyen se divise, en substance, en trois branches. La première branche est tirée de l’erreur commise par la chambre de recours dans l’interprétation de la liste des produits relevant de la classe 17 pour lesquels la marque contestée avait été enregistrée. Dans le cadre de la deuxième branche, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir suffisamment pris en compte, aux fins de son analyse de l’étendue de la protection de la marque contestée, la demande initiale d’enregistrement de la marque contestée et les circonstances liées au reclassement des produits, d’une part, ainsi que le principe de protection de sa confiance légitime, d’autre part. La troisième branche est tirée de l’erreur d’appréciation commise par la chambre de recours en ce qu’elle a conclu à l’absence de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits pour lesquels elle avait été enregistrée.

 Sur la première branche, relative à l’interprétation erronée de la liste des produits relevant de la classe 17

17      Dans le cadre de la première branche du moyen unique, la requérante soutient que la chambre de recours a erronément interprété la liste des produits relevant de la classe 17 pour lesquels la marque contestée avait été enregistrée, dans le sens où, du fait de leur appartenance à ladite classe, aucun de ces produits ne pouvait être fabriqué en matières métalliques. Plus particulièrement, selon la requérante, les « accouplements pour fermeture rapide de tuyaux » et les « accouplements de raccordement de tuyaux » désignés par l’enregistrement de la marque contestée sont caractérisés par leur fonction et non par la matière dans laquelle ils sont fabriqués, ce qui ne saurait être remis en question par leur classement dans la classe 17. Ainsi, ces produits pourraient être fabriqués en diverses matières, y compris en matières métalliques.

18      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

19      Au point 42 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré en substance que, dès lors que tous les produits pour lesquels la marque contestée avait été enregistrée, y compris les « accouplements pour fermeture rapide de tuyaux » ainsi que les « accouplements de raccordement de tuyaux », relevaient de la classe 17, ils n’incluaient pas de produits fabriqués en matières métalliques, ces derniers devant être classés, en principe, dans la classe 6.

20      En premier lieu, étant donné que la requérante conteste les conséquences tirées par la chambre de recours du classement des produits en cause, il convient de se prononcer sur le rôle et l’importance du classement de ces produits dans une classe particulière de la classification de Nice.

21      Certes, ainsi qu’il a été relevé au point 36 de la décision attaquée, les libellés des « accouplements pour fermeture rapide de tuyaux » ainsi que des « accouplements de raccordement de tuyaux » sont, au sens purement littéral, relativement larges et pourraient inclure une grande variété de ces produits, indépendamment de leurs caractéristiques, et notamment de la matière dont ils sont constitués.

22      Toutefois, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, l’enregistrement de la marque contestée doit être compris à la lumière de la classification de Nice, et, notamment dans le cas d’espèce, de sa neuvième édition, qui était en vigueur au moment de la demande d’enregistrement de ladite marque ainsi qu’au moment de la demande de reclassement des produits [voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2021, Novomatic/EUIPO – adp Gauselmann (Power Stars), T‑588/19, non publié, EU:T:2021:157, point 41].

23      S’il est vrai que, ainsi que soutenu par la requérante, la classification de Nice n’a qu’un caractère administratif [voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2018, Erwin Müller/EUIPO – Novus Tablet Technology Finland (NOVUS), T‑89/17, non publié, EU:T:2018:353, point 32], il y a toutefois lieu d’y recourir pour déterminer, si besoin est, la portée, voire la signification, des produits pour lesquels une marque a été enregistrée [arrêt du 10 septembre 2014, DTM Ricambi/OHMI – STAR (STAR), T‑199/13, non publié, EU:T:2014:761, point 35]. En effet, en particulier lorsque le libellé des produits pour lesquels une marque est enregistrée est d’une généralité telle qu’il peut couvrir des produits très différents, il ne saurait être exclu de prendre en compte, à des fins d’interprétation ou en tant qu’indice de précision s’agissant de la désignation des produits, les classes que le demandeur d’une marque a choisies dans ladite classification [voir arrêt du 6 octobre 2021, Allergan Holdings France/EUIPO – Dermavita Company (JUVEDERM), T‑397/20, non publié, EU:T:2021:653, point 35 et jurisprudence citée].

24      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 1er, paragraphe 2, de l’arrangement de Nice prévoit que « [l]a classification [de Nice] comprend[, premièrement,] une liste des classes, accompagnée, le cas échéant, de notes explicatives [et, deuxièmement,] une liste alphabétique des produits et des services […], avec l’indication de la classe dans laquelle chaque produit ou service est rangé ». Il convient de préciser que chaque classe est désignée par un ou plusieurs descriptifs généraux, qui, selon le guide de l’utilisateur de la classification de Nice, sont appelés « intitulé de classe » et indiquent de manière générale les domaines dont relèvent en principe les produits ou les services de la classe concernée.

25      Il ressort ainsi de la jurisprudence que les produits visés par la marque contestée doivent être interprétés d’un point de vue systématique, au regard de la logique et du système inhérent à la classification de Nice, tout en tenant compte des descriptifs et des notes explicatives susmentionnés, lesquels sont pertinents aux fins de déterminer la nature et la destination des produits en cause (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2014, STAR, T‑199/13, non publié, EU:T:2014:761, point 35, et du 6 octobre 2021, JUVEDERM, T‑397/20, non publié, EU:T:2021:653, point 35 et jurisprudence citée).

26      Partant, contrairement à ce que soutient la requérante, il découle de la jurisprudence précitée que, afin de déterminer la portée et la signification des produits en cause, dont les libellés peuvent couvrir des produits très différents, il y a lieu de ne pas limiter cette analyse au sens littéral desdits libellés, mais de prendre en compte également leur classification.

27      En outre, il convient d’écarter l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait erronément appliqué l’arrêt du 10 septembre 2014, STAR (T‑199/13, non publié, EU:T:2014:761), visé aux points 23 et 25 ci-dessus. En effet, comme le soutient l’EUIPO, même si les appréciations du Tribunal dans l’arrêt précité ont été formulées dans le contexte de la comparaison de produits au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, celles-ci demeurent pertinentes en l’espèce, étant donné qu’elles concernent les principes généraux de l’interprétation de la description des produits visés par une marque.

28      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a interprété la signification des produits en cause au regard de la classe dans laquelle ils étaient classés.

29      En second lieu, aux fins de l’interprétation des produits en cause à la lumière de leur classement dans la classe 17, il convient de déterminer la signification du classement des produits dans cette classe, en tenant compte de sa place au sein du système de la classification de Nice.

30      En l’espèce, aux points 37 à 42 de la décision attaquée, la chambre de recours a pris en considération le fait que la classification de Nice tenait compte de la différence de matière dont étaient constitués les produits relevant de la classe 6 et ceux relevant de la classe 17. En particulier, elle a constaté, d’une part, que les produits visés dans la classe 17 n’englobaient que des produits fabriqués en matières non métalliques. D’autre part, elle a relevé que les produits métalliques qui ne pouvaient pas être classés dans les autres classes selon leur fonction ou leur destination étaient classés dans la classe 6.

31      À cet égard, il convient d’observer que, selon les remarques générales de la classification de Nice, les produits sont en principe classés selon leur fonction ou leur destination. Toutefois, les produits qui ne peuvent pas être classés de cette manière sont classés en appliquant d’autres critères, tels que la matière dont ils sont constitués.

32      S’agissant de la classe 6, il ressort de son intitulé tel que déterminé par la classification de Nice, dans sa neuvième édition, que cette classe comprend les « métaux communs et leurs alliages ; matériaux de construction métalliques ; constructions transportables métalliques ; matériaux métalliques pour les voies ferrées ; câbles et fils métalliques non électriques ; serrurerie et quincaillerie métalliques ; tuyaux métalliques ; coffres-forts ; produits métalliques non compris dans d’autres classes ; minerais ». Sa note explicative indique notamment que cette classe « comprend essentiellement les métaux communs bruts et mi-ouvrés, ainsi que les produits simples fabriqués à partir de ceux-ci ».

33      S’agissant de la classe 17, son intitulé indique que cette classe regroupe les « caoutchouc, gutta-percha, gomme, amiante, mica et produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; produits en matières plastiques mi-ouvrées ; matières à calfeutrer, à étouper et à isoler ; tuyaux flexibles non métalliques ». Sa note explicative prévoit notamment que cette classe « comprend essentiellement les isolants électriques, thermiques ou acoustiques et les matières plastiques mi-ouvrées, sous forme de feuilles, plaques ou baguettes ».

34      Il ressort donc des points 32 et 33 ci-dessus que les classes 6 et 17 font partie des classes qui comprennent des matières brutes ou mi-ouvrées ainsi que des produits finis qui ne sont pas compris dans d’autres classes et sont ainsi classés selon la matière dans laquelle ils sont fabriqués. En particulier, la classe 6 comprend les matières métalliques et les produits faits dans ces matières, tandis que la classe 17 contient certaines matières autres que les métaux ainsi que des produits fabriqués dans de telles matières.

35      Partant, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’appartenance des produits à la classe 17 signifie qu’ils y sont classés en raison de la matière dans laquelle ils sont fabriqués. Ils sont dès lors censés être fabriqués dans les matières non métalliques prévues dans la description de cette classe.

36      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que la chambre de recours a conclu, à bon droit, que l’étendue de la protection de la marque contestée pour les « accouplements pour fermeture rapide de tuyaux » et les « accouplements de raccordement de tuyaux », du fait de leur appartenance à la classe 17, était limitée aux produits fabriqués en matières non métalliques visés par cette classe.

37      Cette appréciation ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la requérante.

38      Premièrement, la requérante soutient que la matière de fabrication des « accouplements pour fermeture rapide de tuyaux » et des « accouplements de raccordement de tuyaux » relevant de la classe 17 ne saurait être limitée à une seule matière, car ces produits peuvent être fabriqués de matériaux composites ou de plusieurs matières différentes. À cet égard, il convient d’observer que, conformément aux remarques générales de la classification de Nice, si un produit devant être classé en fonction de la matière dont il est constitué est en fait constitué de matières différentes, le classement est, en principe, opéré en fonction de la matière prédominante. Ainsi, l’argument de la requérante ne saurait prospérer.

39      Deuxièmement, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte la différence entre les produits pour lesquels la marque contestée a été enregistrée, à savoir entre les « accouplements pour tuyaux en matières plastiques (compris dans la classe 17) », dont la matière de fabrication est explicitement indiquée, d’une part, et les « accouplements pour fermeture rapide de tuyaux » ainsi que les « accouplements de raccordement de tuyaux », dont la matière de fabrication n’est pas limitée, d’autre part. À cet égard, il y a lieu d’observer que la chambre de recours a constaté, à bon droit, que l’indication de la matière dont devaient être constitués les « accouplements pour tuyaux en matières plastiques (compris dans la classe 17) » ne saurait avoir aucune incidence sur la détermination du champ de la protection de la marque contestée pour les autres produits pour lesquels elle est enregistrée. En effet, il s’agit de produits distincts dont les libellés sont indiqués, dans la liste des produits, d’une manière individuelle. Ainsi, l’argument de la requérante doit être rejeté.

40      Partant, la première branche du moyen unique doit être écartée.

 Sur la deuxième branche, relative aux circonstances ayant entouré la procédure d’enregistrement de la marque contestée et au principe de protection de la confiance légitime de la requérante

41      Dans le cadre de la deuxième branche du moyen unique, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours de ne pas avoir suffisamment pris en compte, aux fins de son analyse de l’étendue de la protection de la marque contestée pour les « accouplements pour fermeture rapide de tuyaux » et les « accouplements de raccordement de tuyaux », la demande initiale d’enregistrement de la marque contestée et les circonstances liées au reclassement des produits, d’une part, ainsi que le principe de protection de sa confiance légitime, d’autre part.

42      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

43      Au point 31 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, à cet égard, que les circonstances qui avaient conduit à l’enregistrement de la marque contestée n’étaient pas pertinentes aux fins de la présente procédure de déchéance. Elle a précisé qu’une situation dans laquelle l’étendue de la protection conférée par une marque aurait dépendu de circonstances qui n’auraient pas découlé de la liste des produits pour lesquels cette marque aurait été enregistrée aurait porté préjudice à la sécurité juridique tant pour la titulaire de la marque que pour les opérateurs économiques tiers.

44      En premier lieu, s’agissant des circonstances particulières intervenues au cours de la procédure d’enregistrement de la marque contestée, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte le fait que, dans la demande initiale d’enregistrement de la marque contestée, les « accouplements pour fermeture rapide de tuyaux » et les « accouplements de raccordement de tuyaux » étaient classés dans la classe 7. Cela démontrerait son intention, qui n’aurait pas changé lors de la procédure d’enregistrement de la marque contestée, de décrire ces produits selon leur fonction et non selon les matières dans lesquelles ils auraient été fabriqués.

45      À cet égard, il convient de rappeler, d’abord, que, aux termes de l’article 26, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [devenu article 31, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001], applicable au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, la demande d’enregistrement de cette marque doit contenir la liste des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé.

46      Ensuite, en vertu de la règle 2, paragraphe 2, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1), telle qu’applicable au moment de la demande d’enregistrement de la marque contestée, la liste des produits et des services doit être établie de manière à faire apparaître clairement leur nature et à ne permettre la classification de chaque produit et de chaque service que dans une seule classe de la classification de Nice.

47      Enfin, l’article 43, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu article 49, paragraphe 1, du règlement 2017/1001), prévoit que le demandeur peut à tout moment retirer sa demande d’enregistrer la marque ou limiter la liste des produits ou des services qu’elle contient.

48      Il s’ensuit qu’il incombe à celui qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne d’indiquer, dans sa demande, la liste des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé et de fournir, pour chacun desdits produits ou services, une description faisant apparaître clairement sa nature [voir arrêt du 6 avril 2017, Nanu-Nana Joachim Hoepp/EUIPO – Fink (NANA FINK), T‑39/16, EU:T:2017:263, point 44 et jurisprudence citée].

49      De plus, les produits ou les services pour lesquels une marque de l’Union européenne est demandée doivent être identifiés par le demandeur avec suffisamment de clarté et de précision pour permettre aux autorités compétentes et aux opérateurs économiques, sur cette seule base, de déterminer l’étendue de la protection conférée par ladite marque (voir arrêt du 6 avril 2017, NANA FINK, T‑39/16, EU:T:2017:263, point 45 et jurisprudence citée).

50      Dès lors, en l’espèce, ainsi qu’il est soutenu par l’EUIPO, la spécification claire et précise des produits pour lesquels l’enregistrement de la marque contestée a été demandé, y compris leur reclassement, relevait de la responsabilité de la requérante.

51      En l’espèce, dès lors que la requérante a demandé le reclassement des produits en cause, elle a déterminé la liste de ces produits telle qu’elle figurait dans cette dernière demande. Cette liste doit donc être considérée comme la liste définitive des produits pour lesquels la requérante a demandé l’enregistrement de la marque contestée et pour lesquels, ensuite, cette marque a été enregistrée.

52      Partant, la liste des produits indiqués par la requérante dans sa demande initiale d’enregistrement de la marque contestée est sans pertinence aux fins de l’interprétation de la liste des produits pour lesquels ladite marque a été enregistrée. Ainsi, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la demande initiale d’enregistrement de la marque contestée aurait dû être prise en compte dans la mesure où celle-ci aurait démontré son intention de ne pas limiter les matières dans lesquelles les produits en cause pouvaient être fabriqués.

53      Cette appréciation ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante selon lesquels le reclassement des produits en cause dans la classe 17 a été effectué uniquement pour des raisons formelles et ne pouvait pas aboutir à une limitation des matières de fabrication desdits produits, car il résultait d’une demande unilatérale de l’EUIPO qui ne contenait aucune information ni motivation en ce sens.

54      À cet égard, il y a lieu de préciser que, par sa lettre du 14 juin 2011, l’EUIPO a informé la requérante qu’il était demandé à cette dernière de reclasser les « accouplements pour fermeture rapide de tuyaux » et les « accouplements de raccordement de tuyaux » dans la classe 17 dans un délai de deux mois, faute de quoi la demande d’enregistrement de la marque contestée serait rejetée. Cette demande se fondait, d’une part, sur l’article 28 du règlement no 207/2009, prévoyant l’obligation de classer les produits visés dans la demande d’enregistrement selon la classification de Nice, et, d’autre part, sur la règle 9 du règlement no 2868/95, prévoyant notamment les conditions de forme du dépôt de ladite demande.

55      Il ressort du contenu de la lettre du 14 juin 2011 susmentionnée que cette communication de l’EUIPO ne constituait qu’une objection provisoire concernant la demande d’enregistrement de la marque contestée et non une décision définitive. En effet, l’EUIPO a invité la requérante, conformément à la procédure prévue par la règle 9 du règlement no 2868/95, à remédier aux irrégularités de la classification des produits visés dans sa demande d’enregistrement, à la suite de quoi la décision ultérieure concernant l’enregistrement de la marque devait suivre. En outre, ainsi que le soutient l’EUIPO, la requérante aurait pu s’opposer à la demande de reclassement ou proposer une autre classe de produits. C’est également pour cette raison que, contrairement aux allégations de la requérante, la communication de l’EUIPO du 14 juin 2011 ne devait pas contenir d’informations sur les voies de recours contre celle-ci.

56      Ainsi, bien que la reclassification des « accouplements pour fermeture rapide de tuyaux » et des « accouplements de raccordement de tuyaux » ait été initiée par l’EUIPO, la requérante l’a accepté, sans avoir indiqué à l’EUIPO aucune observation ou modification à cet égard. Dès lors, la requérante ayant pris elle-même la décision de procéder au reclassement tel qu’il avait été proposé par l’EUIPO, elle ne saurait reprocher à ce dernier d’avoir limité la protection de la marque contestée aux produits relevant de la classe 17 sans son consentement.

57      Le fait que l’EUIPO n’ait pas fourni d’informations supplémentaires par rapport à sa demande de reclassement des produits en cause ne saurait non plus changer les conséquences impliquées par le reclassement entrepris par la requérante.

58      En effet, d’une part, dès lors que la requérante est elle-même responsable de l’identification claire et précise des produits pour lesquels elle a présenté la demande d’enregistrement de sa marque, elle ne peut pas prétendre ne pas avoir eu connaissance du fait que la classe 17 ne comprenait pas de produits métalliques. Il y a également lieu d’observer que, dans sa lettre du 14 juin 2011, l’EUIPO a indiqué le lien vers un site Internet contenant des informations sur la classification des produits.

59      D’autre part, l’EUIPO a expliqué, dans le mémoire en réponse, que sa proposition de reclasser les produits en cause dans la classe 17 se fondait sur le sens propre et usuel des produits figurant dans la demande initiale d’enregistrement et du fait que la liste initiale des produits comprenait des « accouplements pour tuyaux en matières plastiques » et des « tuyaux » compris dans la classe 17. Ainsi que le soutient l’EUIPO, il ne lui appartenait pas de vérifier davantage si le reclassement proposé répondait entièrement aux intentions de la requérante. En effet, l’EUIPO ne serait pas en mesure de connaître la nature exacte des produits pour lesquels une marque est effectivement utilisée ou est destinée à être utilisée, de sorte qu’il incombait à la requérante de s’assurer que le reclassement des produits dans la classe 17 permettait de couvrir les produits pour lesquels la marque contestée était destinée à être utilisée.

60      Partant, il y a lieu de conclure que c’est à juste titre que la chambre de recours n’a pas pris pas en compte, aux fins de son analyse, la demande initiale d’enregistrement de la marque contestée ainsi que les circonstances liées au reclassement des produits en cause.

61      En second lieu, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante relative au principe de la protection de la confiance légitime, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution a fait naître des espérances fondées. Nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises, inconditionnelles et concordantes que lui aurait fournies une autorité compétente de l’Union (voir arrêt du 29 juillet 2019, Red Bull/EUIPO, C‑124/18 P, EU:C:2019:641, point 79 et jurisprudence citée).

62      En l’espèce, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’EUIPO n’a, à aucun moment, donné à la requérante des assurances précises, inconditionnelles et concordantes que la protection de la marque contestée couvrirait tous les produits visés dans la demande initiale d’enregistrement. Aucune assurance concernant des procédures de déchéance futures et hypothétiques n’a été fournie non plus. Au contraire, le fait que l’EUIPO a procédé à l’enregistrement de la marque contestée pour les produits indiqués dans la demande de reclassement fait naître une confiance légitime, vis-à-vis de la titulaire de ladite marque et des autres acteurs du marché, dans le fait que cette marque aura une protection seulement pour lesdits produits. Ainsi, l’enregistrement d’une marque pour une liste précise de produits ne peut garantir une protection que pour cette liste particulière.

63      Il y a également lieu de préciser que, contrairement à ce que soutient la requérante, la limitation de la protection de la marque contestée uniquement aux produits pour lesquels elle a été enregistrée à la suite de leur reclassement ne saurait être considérée comme équivalant à un rejet partiel de la demande initiale d’enregistrement. En effet, même si ledit reclassement a été initialement proposé par l’EUIPO, la requérante a pris elle-même la décision de l’accepter, en indiquant ainsi la liste modifiée des produits qui devaient être couverts par la marque contestée. Dès lors, il ne saurait être reproché à l’EUIPO d’avoir procédé à une quelconque limitation de la liste des produits protégés par la marque contestée.

64      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que, dans le cas d’espèce, la requérante ne saurait utilement invoquer le principe de la protection de la confiance légitime.

65      Partant, force est de constater que les arguments de la requérante soulevés dans le cadre de la deuxième branche du moyen unique ne sont pas fondés. Il y a donc lieu de rejeter la deuxième branche du moyen unique.

 Sur la troisième branche, tirée de l’erreur d’appréciation commise par la chambre de recours en ce qu’elle a conclu à l’absence de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits en cause

66      Dans le cadre de la troisième branche du moyen unique, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir conclu à l’absence de l’usage sérieux de la marque contestée pour tous les produits pour lesquels cette marque avait été enregistrée. Selon la requérante, elle a présenté suffisamment de preuves qui démontrent l’usage de la marque contestée pour tous les produits pour lesquels elle a été enregistrée.

67      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

68      Aux points 47 à 51 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que la requérante n’avait pas démontré l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits en cause, étant donné que celle-ci ne couvrait pas les produits métalliques. En effet, la chambre de recours a constaté, d’une part, qu’une partie des éléments de preuve démontraient un certain usage pour des accouplements/accessoires pour tuyaux, mais uniquement fabriqués en métal, de sorte qu’ils ne pouvaient pas démontrer l’usage de la marque contestée pour les produits de la classe 17 pour lesquels elle avait été enregistrée. D’autre part, elle a constaté que certains éléments de preuve concernaient des tuyaux non métalliques, mais que ceux-ci n’étaient pas suffisants, étant donné qu’ils ne fournissaient aucune indication sur l’importance de l’usage correspondant.

69      Il y a lieu d’observer que le grief de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait commis une erreur d’appréciation en concluant à l’absence d’usage sérieux de la marque contestée repose uniquement sur le fait qu’elle aurait erronément interprété les notions figurant dans la liste des produits relevant de la classe 17 et qu’elle aurait ainsi retenu à tort que tout usage de la marque contestée pour des produits constitués en matière métallique était insuffisant. La requérante n’avance aucun autre argument susceptible de remettre en cause les appréciations de la chambre de recours quant à l’absence d’usage sérieux de la marque contestée.

70      Or, ainsi qu’il ressort de l’analyse des première et deuxième branches du moyen unique, l’allégation de la requérante sur l’interprétation erronée de la liste des produits désignés par la marque contestée n’est pas fondée. Les arguments de la requérante invoqués dans le cadre de la troisième branche, quant à l’absence d’usage sérieux de la marque contestée, se fondent donc sur une prémisse erronée et doivent également être écartés comme non fondés.

71      Il y a lieu donc de rejeter la troisième branche du moyen unique, et, partant, le moyen unique dans son ensemble.

72      Par conséquent, le moyen unique invoqué par la requérante au soutien de ses conclusions ne devant pas être accueilli, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

73      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés devant le Tribunal, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

74      Par ailleurs, s’agissant des dépens exposés par l’intervenante devant la chambre de recours, il suffit de relever que, étant donné que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le dispositif de celle-ci qui continue à régler les dépens en cause [voir, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2021, Turk Hava Yollari/EUIPO – Sky (skylife), T‑382/19, non publié, EU:T:2021:45, point 57 et jurisprudence citée].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Wenz Kunststoff GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

Schalin

Steinfatt

Kukovec

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 avril 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.