Language of document : ECLI:EU:T:2023:582

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

27 septembre 2023 (*)

« Aides d’État – Régime d’aides mis à exécution par l’Espagne – Déductions de l’impôt sur les sociétés permettant aux entreprises fiscalement domiciliées en Espagne d’amortir la survaleur résultant de prises de participations indirectes dans des entreprises étrangères par le biais d’une prise de participations directes dans des holdings étrangères – Décision déclarant le régime d’aides illégal et incompatible avec le marché intérieur et ordonnant la récupération des aides versées – Décision 2011/5/CE – Décision 2011/282/UE – Champ d’application – Retrait d’un acte – Sécurité juridique – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑826/14,

Royaume d’Espagne, représenté par M. I. Herranz Elizalde et Mme A. Gavela Llopis, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme P. Němečková, MM. B. Stromsky et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents, assistés de Me M. J. Segura Catalán, avocate,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. J. Svenningsen, président, C. Mac Eochaidh (rapporteur) et Mme T. Pynnä, juges,

greffier : Mme P. Núñez Ruiz, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’ordonnance du 27 février 2015, Espagne/Commission (T‑826/14 R, EU:T:2015:126),

vu l’ordonnance du 9 mars 2015, Espagne/Commission (T‑826/14, non publiée), suspendant la procédure jusqu’à la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑20/15 P, Commission/Autogrill España, ou dans l’affaire C‑21/15 P, Commission/Banco Santander et Santusa,

vu l’arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981), annulant les arrêts du 7 novembre 2014, Banco Santander et Santusa/Commission (T‑399/11, EU:T:2014:938), et du 7 novembre 2014, Autogrill España/Commission (T‑219/10, EU:T:2014:939),

vu la décision du 18 mars 2019 de suspendre la procédure jusqu’à la dernière décision mettant fin à l’instance dans les affaires C‑51/19 P, World Duty Free Group/Commission, C‑53/19 P, Banco Santander et Santusa/Commission, C‑64/19 P, Espagne/Commission et C‑65/19 P, Espagne/Commission, ou dans l’affaire C‑274/14, Banco de Santander,

vu les arrêts du 6 octobre 2021, Sigma Alimentos Exterior/Commission (C‑50/19 P, EU:C:2021:792), du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission (C‑51/19 P et C‑64/19 P, EU:C:2021:793), du 6 octobre 2021, Banco Santander/Commission (C‑52/19 P, EU:C:2021:794), du 6 octobre 2021, Banco Santander e.a./Commission (C‑53/19 P et C‑65/19 P, EU:C:2021:795), du 6 octobre 2021, Axa Mediterranean/Commission (C‑54/19 P, EU:C:2021:796), et du 6 octobre 2021, Prosegur Compañía de Seguridad/Commission (C‑55/19 P, EU:C:2021:797),

à la suite de l’audience des 15 et 16 novembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le Royaume d’Espagne demande l’annulation de la décision (UE) 2015/314 de la Commission, du 15 octobre 2014, relative à l’aide d’État SA.35550 (13/C) (ex 13/NN) (ex 12/CP) mise à exécution par l’Espagne – Régime relatif à l’amortissement fiscal de la survaleur financière en cas de prise de participations étrangères (JO 2015, L 56, p. 38, ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

 Droit espagnol

2        L’article 12, paragraphe 5, de la Ley 43/1995 del Impuesto sobre Sociedades (loi 43/1995, relative à l’impôt sur les sociétés), du 27 décembre 1995 (BOE no 310, du 28 décembre 1995, p. 37072), introduit par la Ley 24/2001 de Medidas Fiscales, Administrativas y del Orden Social (loi 24/2001, portant adoption de mesures fiscales, administratives et d’ordre social), du 27 décembre 2001 (BOE no 313, du 31 décembre 2001, p. 50493), et repris par le Real Decreto Legislativo 4/2004 por el que se aprueba el Texto refundido de la Ley del Impuesto sobre Sociedades (décret législatif royal 4/2004, portant approbation du texte remanié de la loi relative à l’impôt sur les sociétés), du 5 mars 2004 (BOE no 61, du 11 mars 2004, p. 10951, ci-après le « TRLIS »), est entré en vigueur le 1er janvier 2002.

3        Selon le considérant 17 de la décision attaquée, l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS prévoit ce qui suit :

« La survaleur financière est définie […] comme étant le montant de l’écart entre le prix de la prise de participations et sa valeur comptable à la date de l’acquisition qui n’a pas pu être imputé aux biens et droits de l’entité étrangère. La partie de l’écart qui n’a pas été imputée est déductible de l’assiette imposable, avec pour plafond annuel le vingtième de son montant. Cela s’entend sans préjudice de la législation comptable en vigueur. »

4        Le considérant 18 de la décision attaquée énonce ce qui suit :

« L’article 21 du TRLIS fixe les critères auxquels sont soumis les revenus de l’entité qui ne réside pas sur le territoire espagnol pour que l’entreprise résidente puisse appliquer la déduction prévue à l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS :

a)      le pourcentage de la participation, directe ou indirecte, au capital ou aux capitaux propres de l’entité étrangère doit être au moins de 5 %. L’entreprise résidente doit en outre détenir la participation durant une période ininterrompue d’un an minimum ;

b)      l’entité étrangère doit être assujettie à un impôt étranger similaire à l’impôt espagnol des sociétés. Cette condition est réputée remplie si le pays de résidence de l’entreprise acquise a signé une convention fiscale avec le Royaume d’Espagne visant à éviter la double imposition internationale et pourvue d’une clause sur l’échange d’informations ;

c)      les revenus doivent provenir de la réalisation d’activités à l’étranger. Cette condition est remplie lorsqu[e] au moins 85 % des revenus satisfont aux critères suivants :

i)      les revenus de l’entité étrangère doivent provenir de l’étranger et ne peuvent être compris dans l’assiette imposable du fait de l’application des règles en matière de transparence fiscale. En particulier, sont réputés remplir ces conditions les revenus tirés des activités suivantes :

–        le commerce de gros, lorsque les biens sont mis à la disposition des acquéreurs dans le pays ou le territoire où réside l’entité étrangère ou dans tout autre pays ou territoire que l’Espagne, pour autant que les opérations soient réalisées par l’entité étrangère,

–        les services fournis sur le territoire sur lequel l’entreprise étrangère a son domicile fiscal, pour autant que ces prestations soient effectuées par l’entité étrangère,

–        les services financiers fournis à des bénéficiaires qui n’ont pas leur domicile fiscal en Espagne, pour autant que ces prestations soient effectuées par l’entité étrangère,

–        les services d’assurances relatifs à des risques situés en dehors de l’Espagne, pour autant que les services d’assurances soient fournis par l’entité étrangère ;

ii)      les dividendes ou participations aux bénéfices d’entités étrangères tirés de participations indirectes satisfaisant aux critères figurant à l’article 21, paragraphe 1, [sous] a), du TRLIS. De même, les revenus du capital tirés du transfert de participations dans des entreprises étrangères, pour autant que les critères fixés à l’article 21, paragraphe 2, du TRLIS soient satisfaits. »

5        Selon le considérant 25 de la décision attaquée, les prises de participations directes constituent des prises de participations aux capitaux propres d’une entreprise par une autre entreprise (ci-après les « prises de participations directes »). En revanche, les prises de participations indirectes constituent des prises de participations aux capitaux propres d’une filiale de deuxième niveau ou de niveau ultérieur par une autre entreprise en conséquence d’une prise de participations directes antérieure. Ce faisant, l’entreprise acquéreuse devient indirectement détentrice de participations dans des filiales de deuxième niveau ou de niveau ultérieur (ci-après les « prises de participations indirectes »).

6        Selon le considérant 40 de la décision attaquée, l’article 15 du Real Decreto 1777/2004 por el que se aprueba el Reglamento del Impuesto sobre Sociedades (décret royal 1777/2004, par lequel est approuvé le règlement sur l’impôt des sociétés), du 30 juillet 2004 (BOE no 189, du 6 août 2004, p. 28377), prévoit que les assujettis qui entendent bénéficier de la déduction fiscale prévue par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS soumettent, avec leur déclaration d’impôt sur les sociétés, diverses informations « en ce qui concerne l’entreprise détenue directement ».

7        Il ressort également de la décision attaquée que le système espagnol de recouvrement de l’impôt des sociétés se fonde sur une procédure d’autoliquidation, prévue à l’article 137 du TRLIS.

8        Cette procédure d’autoliquidation est définie à l’article 120 de la Ley 58/2003 General Tributaria (loi 58/2003, portant code général des impôts), du 17 décembre 2003 (BOE no 302, du 18 décembre 2003, p. 44987, ci-après la « LGT ») dans les termes suivants :

« l.      Les autoliquidations sont des déclarations dans lesquelles les assujettis, non seulement communiquent à l’administration les données nécessaires pour la liquidation de l’impôt ainsi que d’autres informations, mais effectuent eux-mêmes aussi les opérations de qualification et de quantification nécessaires pour déterminer et verser le montant de la dette fiscale ou, le cas échéant, déterminer le montant à rembourser ou à compenser.

2.      Les autoliquidations présentées par les assujettis peuvent faire l’objet de vérifications et d’un contrôle de l’administration, laquelle procédera, le cas échéant, à la liquidation qui s’impose [...] »

 Réponses aux questions de membres du Parlement

9        Par plusieurs questions écrites posées en 2005 et en 2006 (portant les références E-4431/05, E-4772/05, E-5800/06 et P-5509/06), des membres du Parlement européen ont interrogé la Commission européenne sur la compatibilité du régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS avec les règles sur les aides d’État.

10      Dans ses réponses des 19 janvier et 17 février 2006, données respectivement aux questions E-4431/05 et E-4772/05, la Commission a affirmé que le régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS n’entrait pas dans le champ d’application des règles relatives aux aides d’État.

 Décisions 2011/5 et 2011/282

11      Par lettre du 26 mars 2007, la Commission a invité les autorités espagnoles à lui fournir des informations afin d’évaluer la portée et les effets du régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS. La Commission a invité, notamment, le Royaume d’Espagne à préciser quels types d’opérations étaient couverts par cette disposition. En effet, selon l’analyse préliminaire des services de la Commission, l’impossibilité de déduire les parts acquises dans une société holding restreignait de manière déraisonnable le nombre de bénéficiaires potentiels du régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS.

12      Par lettre du 4 juin 2007, les autorités espagnoles ont répondu à la Commission que, selon le critère administratif alors applicable, seule la survaleur financière résultant de prises de participations directes était déductible au titre du régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS (ci-après l’« interprétation administrative initiale »).

13      Par décision du 10 octobre 2007, dont un résumé a été publié le 21 décembre 2007 (JO 2007, C 311, p. 21), la Commission a ouvert une procédure formelle d’examen concernant le régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS (ci-après la « première procédure formelle d’examen »).

14      Le 28 octobre 2009, la Commission a adopté la décision 2011/5/CE, relative à l’amortissement fiscal de la survaleur financière en cas de prise de participations étrangères C 45/07 (ex NN 51/07, ex CP 9/07) appliqué par l’Espagne (JO 2011, L 7, p. 48, ci-après la « première décision »). Par cette décision, la Commission a déclaré incompatible avec le marché intérieur le régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS, lorsqu’il s’appliquait à des prises de participations dans des sociétés établies au sein de l’Union européenne (article 1er, paragraphe 1, de ladite décision), et a enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer les aides correspondant aux réductions fiscales octroyées sur la base de ce régime (article 4 de la même décision).

15      Le 12 janvier 2011, la Commission a adopté la décision 2011/282/UE, relative à l’amortissement fiscal de la survaleur financière en cas de prise de participations étrangères C 45/07 (ex NN 51/07, ex CP 9/07) appliqué par l’Espagne (JO 2011, L 135, p. 1, ci-après la « seconde décision »), à l’issue de la même procédure formelle que celle ayant donné lieu à la première décision. Par cette décision, qui concernait les prises de participations dans des sociétés étrangères établies non plus dans l’Union, mais en dehors de celle-ci, et qui a fait l’objet de correctifs les 3 mars et 26 novembre 2011, la Commission a, notamment, déclaré incompatible avec le marché intérieur le régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS, lorsqu’il s’appliquait à des prises de participations dans des entreprises établies en dehors de l’Union (article 1er, paragraphe 1, de ladite décision), et a enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer les aides accordées (article 4 de la même décision).

16      Toutefois, compte tenu de sa reconnaissance, dans la première décision et dans la seconde décision (ci-après, prises ensemble, les « décisions initiales »), d’une confiance légitime à l’égard de certaines entreprises bénéficiaires du régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS, la Commission a admis que ce régime pouvait continuer à s’appliquer durant toute la période d’amortissement prévue par lui, premièrement, aux prises de participations opérées avant la publication au Journal officiel de l’Union européenne, le 21 décembre 2007, de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, deuxièmement, aux prises de participations dont la réalisation, subordonnée à l’autorisation d’une autorité de régulation à laquelle l’opération avait été notifiée avant cette date, était irrévocablement engagée avant le 21 décembre 2007, troisièmement, aux prises de participations majoritaires, opérées avant la publication au Journal officiel de l’Union européenne, le 21 mai 2011, de la seconde décision, dans des entreprises étrangères établies en Chine, en Inde ou dans d’autres pays tiers où l’existence d’obstacles juridiques explicites aux regroupements transfrontières d’entreprises avait été démontrée ou pouvait l’être et, quatrièmement, aux prises de participations dans des entreprises étrangères établies en Chine, en Inde ou dans d’autres pays tiers où l’existence d’obstacles juridiques explicites aux regroupements transfrontières d’entreprises avait été démontrée ou pouvait l’être et dont la réalisation, subordonnée à l’autorisation d’une autorité de régulation à laquelle l’opération avait été notifiée avant cette date, était irrévocablement engagée avant le 21 mai 2011 (article 1er, paragraphes 2 et 3, de la première décision et article 1er, paragraphes 2 à 5, de la seconde décision). Ainsi, les aides qui avaient été versées en application de l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS et qui satisfaisaient à l’une des conditions susmentionnées n’étaient donc pas concernées par l’obligation de récupération (article 4, paragraphe 1, de la première décision et article 4, paragraphe 1, de la seconde décision).

 Nouvelle interprétation administrative

17      Par courrier électronique du 12 avril 2012, les autorités espagnoles ont informé la Commission que, le 21 mars 2012, la Dirección General de Tributos (direction générale des impôts, Espagne, ci-après la « DGT ») avait adopté l’avis contraignant portant la référence V0608-12, qui était également applicable aux opérations réalisées avant cette date (ci-après la « nouvelle interprétation administrative »).

18      Au considérant 40 de la décision attaquée, la Commission a résumé les principaux motifs qui auraient, selon elle, conduit la DGT et, à sa suite, le Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif central, Espagne) à modifier la portée de l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS pour y inclure les prises de participations indirectes. Ces motifs seraient les suivants :

« a)      premièrement, la DGT et le [Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif central)] renvoient à l’article 21, paragraphe 1, [sous] c), du TRLIS pour affirmer que les prises de participations indirectes peuvent également donner droit à la déduction prévue à l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS. D’après le [Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif central)] et la DGT, le critère de l’exercice d’une activité économique peut être satisfait si l’entité opérationnelle est également présente dans des filiales de deuxième niveau ou de niveau ultérieur. Plus précisément, la DGT et le [Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif central)] renvoient à l’article 21, paragraphe 1, [sous] c), second alinéa, du TRLIS[,] dans lequel il est explicitement établi que la disposition s’applique également aux dividendes ou participations résultant de prises de participations directes ou indirectes. La DGT et le [Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif central)] concluent que le fait que l’entreprise soit présente dans des filiales de deuxième niveau ou de niveau ultérieur ne doit pas constituer un obstacle à l’application de la déduction prévue à l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS ;

b)      deuxièmement, la DGT et le [Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif central)] font référence à la logique de la disposition : étant donné que l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS vise à encourager l’internationalisation et l’investissement à l’étranger des entreprises espagnoles, il serait contraire à l’esprit de la disposition d’exclure de son champ d’application les investissements réalisés par des entreprises espagnoles dans des holdings étrangères. Par ailleurs, la DGT et le [Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif central)] affirment que, comme en témoigne la réalité économique, la prise de participations dans des entreprises étrangères est généralement le fruit de l’acquisition d’une holding. Le fait qu’un investissement soit réalisé au travers de la prise de participations dans une holding est une circonstance extérieure qui ne dépend pas de l’entreprise qui acquiert des participations dans la holding, mais de la structure du marché. La présence d’entreprises intermédiaires, comme les holdings, ne devrait pas constituer un obstacle à la réalisation d’investissements, ni susciter une distinction entre différents types de prises de participations ;

c)      troisièmement, la DGT et le [Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif central)] avancent que le texte des [décisions initiales] de la Commission fait constamment référence aux prises de participations aussi bien directes qu’indirectes. Sur la base de la formulation de ces deux décisions, la DGT et le [Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif central)] concluent que la Commission […] admet la déduction de la survaleur financière aussi bien pour les prises de participations directes que pour les prises de participations indirectes ;

d)      quatrièmement, la DGT reconnaît également que cette interprétation est donnée en dépit de l’obligation de fournir des informations établie à l’article 15 du [décret royal 1777/2004, par lequel est approuvé le règlement sur l’impôt des sociétés]. Cet article exige uniquement que soient fournies toutes les informations relatives à la prise de participations d’une entreprise directement acquise afin de pouvoir appliquer l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS. Si la déduction était aussi applicable aux prises de participations indirectes, il aurait été logique d’inclure également les prises de participations indirectes aux fins d’une plus grande transparence. Néanmoins, cela ne doit pas être un élément déterminant pour donner une interprétation restrictive de l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS ;

e)      enfin, pour appliquer la déduction aux prises de participations indirectes, il est nécessaire de convertir la participation indirecte en participation directe par une opération de concentration préalable. Il serait contraire au principe de neutralité fiscale de traiter différemment, d’un point de vue fiscal, une prise de participations entraînant un regroupement d’entreprises et une prise de participations n’ayant pas un tel effet. La DGT et le [Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif central)] concluent que la déduction doit pouvoir également être appliquée à différents niveaux de prise de participations. À cet égard, il est nécessaire de démontrer, par un bilan consolidé ou tout autre élément de preuve admis en droit, qu’une partie du prix de la prise de participations correspond à la survaleur financière existant dans une prise de participations réalisée dans une entreprise opérationnelle acquise “indirectement”. »

 Procédure ayant conduit à ladoption de la décision attaquée

19      Entre le 4 juillet 2012 et le 1er juillet 2013, la Commission a adressé au Royaume d’Espagne diverses questions et demandes d’informations au sujet de la nouvelle interprétation administrative. Le 17 juillet 2013, la Commission a informé le Royaume d’Espagne de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, eu égard aux effets qui découleraient de cette nouvelle interprétation administrative (ci-après la « seconde procédure formelle d’examen »). Cette décision a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 7 septembre 2013 (JO 2013, C 258, p. 8). La Commission y a invité le Royaume d’Espagne et les tiers intéressés à présenter leurs observations.

20      À l’issue de la seconde procédure formelle d’examen, la Commission a adopté la décision attaquée.

21      Au considérant 94 de la décision attaquée, la Commission a précisé que cette décision concernait exclusivement les effets de la nouvelle interprétation administrative, qui avait été introduite par les autorités espagnoles après l’adoption des décisions initiales.

22      En effet, selon la Commission, l’objectif des décisions initiales était d’évaluer la compatibilité avec le marché intérieur du régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS, tel qu’il avait été présenté par les autorités espagnoles au cours de la procédure administrative qui avait mené à l’adoption de ces décisions. Or, dans la lettre du 4 juin 2007, visée au point 12 ci-dessus, le Royaume d’Espagne aurait expliqué à la Commission que la pratique administrative initiale autorisait uniquement la déduction de la survaleur financière en cas de prises de participations directes dans des entreprises opérationnelles. Enfin, toujours selon la Commission, la DGT et le Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif central) auraient appliqué, de manière systématique et constante, l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS exclusivement aux prises de participations directes dans des entreprises opérationnelles depuis le 1er janvier 2002, date d’entrée en vigueur de l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS, jusqu’à l’adoption de la nouvelle interprétation administrative en mars 2012 (considérants 95 à 98 de la décision attaquée).

23      La Commission a également relevé que la nouvelle interprétation administrative, introduite par les autorités espagnoles en mars 2012, avait élargi le champ d’application de l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS, puisque la mesure aurait été désormais applicable non seulement à la survaleur financière résultant de prises de participations directes dans des entreprises étrangères, mais également à la survaleur financière résultant de prises de participations indirectes dans des entreprises étrangères par l’intermédiaire d’une prise de participations dans une holding (considérant 99 de la décision attaquée).

24      La Commission a déduit de ces éléments que la nouvelle interprétation administrative n’était pas couverte par les décisions initiales. De plus, cette nouvelle interprétation administrative ne pouvait pas, selon la Commission, être qualifiée d’« aide existante » au sens de l’article 1er, sous b), du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), puisque les décisions initiales avaient déjà conclu que le régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS, tel qu’il était appliqué par les autorités espagnoles, constituait un régime d’aides illégal et incompatible avec le marché intérieur. Selon la Commission, la nouvelle interprétation administrative constituait ainsi une « aide nouvelle », au sens de l’article 1er, sous c), de ce règlement (considérants 99 à 101 de la décision attaquée).

25      Le Royaume d’Espagne et les tiers intéressés ont néanmoins demandé que la confiance légitime reconnue dans les décisions initiales soit appliquée de la même manière aux prises de participations indirectes. Selon eux, l’existence d’une confiance légitime aurait dû être reconnue en raison des références faites aux prises de participations indirectes dans les réponses de la Commission aux questions parlementaires visées aux points 9 et 10 ci-dessus, dans le communiqué de presse du 10 octobre 2007 annonçant l’ouverture de la première procédure formelle d’examen (portant la référence IP/07/1469) ainsi que dans les décisions initiales (considérant 189 de la décision attaquée).

26      Cependant, contrairement à ce qu’elle avait décidé dans les décisions initiales (voir point 16 ci-dessus), la Commission a refusé, dans la décision attaquée, d’écarter la récupération des aides versées en application du régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS, relatives à des prises de participations indirectes et qui satisfaisaient aux mêmes conditions que celles visées au point 16 ci-dessus, en application du principe de protection de la confiance légitime (considérants 189 à 200 de la décision attaquée).

27      La Commission a donc conclu que la nouvelle interprétation administrative, qui, selon elle, avait élargi la portée de l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS afin de couvrir les prises de participations indirectes dans des entreprises étrangères par l’intermédiaire de prises de participations directes dans des holdings étrangères et avait été exécutée de manière illégale par le Royaume d’Espagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, était incompatible avec le marché intérieur (article 1er de la décision attaquée). Par conséquent, la Commission a exigé que le Royaume d’Espagne mette un terme à ce régime d’aides et qu’il récupère les aides octroyées au titre de celui-ci (articles 4 à 7 de la décision attaquée), sauf dans les cas d’aides individuelles versées en application de ce régime et remplissant les conditions d’un règlement de minimis ou d’exemption par catégorie (articles 2 et 3 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

28      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 4 de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

29      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

 En droit

30      Dans la requête, le Royaume d’Espagne a initialement soulevé quatre moyens. Le premier moyen était pris de la violation de l’obligation de motivation. Le deuxième moyen était pris de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en raison d’une erreur de droit en ce qui concernait la condition de sélectivité. Le troisième moyen était pris de l’absence d’aide nouvelle au sens de l’article 108, paragraphe 2, du TFUE ainsi que de l’article 1er, sous c), et de l’article 4 du règlement no 659/1999, tel qu’applicable au moment de l’adoption de la décision attaquée. Le quatrième moyen, formulé à titre subsidiaire, était pris de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, conjointement avec l’article 14 du règlement no 659/1999.

31      Dans ses observations du 15 novembre 2021, à l’occasion desquelles il a pris position sur les implications des arrêts du 6 octobre 2021, Sigma Alimentos Exterior/Commission (C‑50/19 P, EU:C:2021:792), du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission (C‑51/19 P et C‑64/19 P, EU:C:2021:793), du 6 octobre 2021, Banco Santander/Commission (C‑52/19 P, EU:C:2021:794), du 6 octobre 2021, Banco Santander e.a./Commission (C‑53/19 P et C‑65/19 P, EU:C:2021:795), du 6 octobre 2021, Axa Mediterranean/Commission (C‑54/19 P, EU:C:2021:796), et du 6 octobre 2021, Prosegur Compañía de Seguridad/Commission (C‑55/19 P, EU:C:2021:797), le Royaume d’Espagne a renoncé aux premier et deuxième moyens, dès lors que, selon lui, la Cour avait statué à titre définitif sur le caractère sélectif du régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS et sur la légalité des décisions initiales dans lesdits arrêts. Le Royaume d’Espagne a néanmoins indiqué que les arguments développés aux points 57 à 73 de la requête, initialement liés au deuxième moyen, devaient être examinés dans le cadre des troisième et quatrième moyens.

 Sur le troisième moyen

32      Par son troisième moyen, le Royaume d’Espagne soutient, en substance, que la Commission a erronément qualifié la nouvelle interprétation administrative d’aide nouvelle dans la décision attaquée.

33      Au soutien de ce moyen, le Royaume d’Espagne fait valoir, en premier lieu, que la nouvelle interprétation administrative n’a pas modifié le régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS, puisque ce régime était applicable, dès ses origines, aux prises de participations indirectes. À cet égard, il fait valoir que, en droit espagnol, la nouvelle interprétation administrative n’aurait pas pu modifier le champ d’application de l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS, dès lors qu’elle était dépourvue de toute force normative. Ce champ d’application n’aurait pu être modifié que par le législateur espagnol ou par la jurisprudence des juridictions espagnoles. Or, l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS n’aurait subi aucune modification substantielle depuis son entrée en vigueur, si ce n’est pour tenir compte des décisions initiales de la Commission. En outre, tant l’interprétation administrative initiale que la nouvelle interprétation administrative seraient dépourvues de tout effet juridique contraignant à l’égard des assujettis concernés. Ceux-ci auraient donc été en droit de suivre, ou non, ces interprétations administratives. Plusieurs assujettis auraient d’ailleurs appliqué l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS à des prises de participations indirectes bien avant l’adoption de la nouvelle interprétation administrative.

34      Le Royaume d’Espagne fait valoir, en second lieu, que les décisions initiales ont déjà analysé et examiné le régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS en ce qui concernait tant les prises de participations directes que les prises de participations indirectes. Cette conclusion s’imposerait, notamment, du fait que lesdites décisions font plusieurs références expresses aux prises de participations indirectes, mais également en raison de plusieurs prises de position publiques de la Commission antérieures aux décisions initiales. Dans ces conditions, la nouvelle interprétation administrative ne saurait être qualifiée d’aide nouvelle, puisqu’elle était déjà incluse dans le champ d’application matériel des décisions initiales.

35      La Commission fait valoir que la nouvelle interprétation administrative a modifié le régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS, dès lors que, avant son adoption, seules les prises de participations directes entraient dans le champ d’application de cette disposition. En effet, l’interprétation administrative initiale excluait de manière constante, entre 2002 et 2012, les prises de participations indirectes du champ d’application de l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS. Par ailleurs, la Commission conteste que les interprétations administratives soient dépourvues de tout effet juridique contraignant pour les assujettis, dès lors que l’administration fiscale espagnole serait tenue d’appliquer la même interprétation administrative à l’ensemble des assujettis se trouvant dans la même situation.

36      Compte tenu de ces éléments, ce serait à raison que la Commission avait conclu dans la décision attaquée que la nouvelle interprétation administrative avait modifié le champ d’application du régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS. Enfin, la Commission soutient que les références aux prises de participations indirectes dans les décisions initiales ne font que refléter la formulation des dispositions de l’article 21 du TRLIS. Toutefois, les décisions initiales ne couvriraient pas les prises de participations indirectes, car elles auraient examiné le régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS tel qu’il avait été présenté par les autorités espagnoles. Or, les autorités espagnoles auraient assuré à la Commission, dans leur lettre du 4 juin 2007, que le régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS n’était applicable qu’aux prises de participations directes. Quant à ses prises de position publiques, la Commission soutient qu’elles seraient sans incidence, dès lors qu’elle n’aurait pas été tenue d’examiner la situation individuelle des entreprises concernées avant l’adoption des décisions initiales.

 Sur l’objet du troisième moyen

37      Ainsi qu’il ressort des points 21 à 24 ci-dessus, la Commission a qualifié la nouvelle interprétation administrative d’aide nouvelle dans la décision attaquée. Par son troisième moyen, le Royaume d’Espagne conteste que l’application du régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS aux prises de participations indirectes puisse être qualifiée d’aide nouvelle.

38      En l’espèce, cependant, comme l’a exposé la Commission, notamment aux considérants 100 et 149 de la décision attaquée, il ne s’agit pas de déterminer si le régime d’aides en cause peut être qualifié de régime d’aides existant ou si la nouvelle interprétation administrative constitue une « modification substantielle » d’un régime d’aides existant, au sens de la jurisprudence, dans la mesure où les décisions initiales ont déjà conclu que l’article 12, paragraphe 5 du TRLIS, tel qu’appliqué par les autorités espagnoles, constituait un régime d’aides illégal et incompatible avec le marché intérieur. Il s’agit de déterminer, en revanche, si la portée des décisions initiales couvrait également, ou non, les prises de participations indirectes résultant d’une prise de participations directes dans une société holding et si, de ce fait, les entreprises ayant appliqué le régime de l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS à de telles prises de participations indirectes peuvent également se prévaloir de la confiance légitime reconnue dans ces décisions.

39      Par son argumentation, le Royaume d’Espagne vise ainsi, en réalité, à démontrer que les prises de participations indirectes étaient déjà couvertes par les décisions initiales et que, partant, la Commission n’était plus en droit d’adopter la décision attaquée, en ce qui concernait spécifiquement ce type d’opérations. Cette interprétation du troisième moyen est d’ailleurs confirmée par l’invocation par le Royaume d’Espagne de l’article 13 du règlement no 659/1999 ainsi que par la position défendue par celui-ci lors de la procédure administrative, suivant laquelle la Commission aurait ouvert la seconde procédure d’examen en vue de réviser les décisions initiales (considérant 90 de la décision attaquée).

40      C’est ainsi circonscrit que sera examiné le troisième moyen ci-après.

 Sur la portée des décisions initiales

41      Les parties sont en désaccord sur la portée des décisions initiales. Le Royaume d’Espagne soutient que ces décisions visaient non seulement les prises de participations directes, mais également les prises de participations indirectes. En revanche, la Commission fait valoir que lesdites décisions ont analysé le régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS tel qu’il avait été présenté par les autorités espagnoles au cours de la procédure administrative qui a conduit à l’adoption de ces décisions et que, partant, les prises de participations indirectes n’ont pas été examinées dans ce cadre.

42      À cet égard, aux considérants 95, 96, 145 et 147 de la décision attaquée, la Commission a estimé que la portée des décisions initiales devait être déterminée, selon une jurisprudence constante, non seulement en se référant au texte même de celles-ci, mais également en tenant compte du régime d’aides notifié par l’État membre concerné (voir, en ce sens, arrêts du 20 mai 2010, Todaro Nunziatina & C., C‑138/09, EU:C:2010:291, point 31 ; du 16 décembre 2010, Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C‑537/08 P, EU:C:2010:769, point 44, et du 20 septembre 2018, Carrefour Hypermarchés e.a., C‑510/16, EU:C:2018:751, point 38).

43      Il y a toutefois lieu de constater, d’emblée, que, en l’espèce, comme le fait valoir le Royaume d’Espagne, à la différence de la situation en cause dans les arrêts mentionnés au point 42 ci-dessus, le régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS n’a pas été notifié à la Commission par le Royaume d’Espagne et que les décisions initiales ont constaté non pas la compatibilité de ce régime avec le marché intérieur, mais, au contraire, son incompatibilité.

44      Le Tribunal rappelle par ailleurs que, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, le principe de coopération loyale entre les États membres et l’Union s’applique pendant toute la procédure relative à l’examen d’une mesure en matière d’aides d’État (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 83 et jurisprudence citée).

45      Le principe de coopération loyale requiert que l’État membre concerné fournisse à la Commission les éléments qui lui permettent de se prononcer sur la nature d’aide d’État de la mesure en cause. Il requiert tout autant que la Commission, en vertu de son devoir d’examen diligent et impartial, examine avec soin les éléments qui lui sont fournis par cet État membre [voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, point 34 et jurisprudence citée, et du 6 avril 2022, Mead Johnson Nutrition (Asia Pacific) e.a./Commission, T‑508/19, EU:T:2022:217, point 104 et jurisprudence citée].

46      De plus, il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union (voir arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C‑81/10 P, EU:C:2011:811, point 100 et jurisprudence citée). Ce principe trouve également à s’appliquer lorsque la Commission adopte une décision en matière d’aides d’État, sur le fondement des articles 4 ou 7 du règlement no 659/1999, étant donné que l’État membre destinataire d’une décision l’obligeant à récupérer des aides illégales est tenu, en vertu de l’article 288, quatrième alinéa, TFUE, de prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution de ladite décision (voir arrêt du 26 juin 2003, Commission/Espagne, C‑404/00, EU:C:2003:373, point 21 et jurisprudence citée) et que ce caractère obligatoire s’impose à tous les organes de l’État destinataire d’une telle décision, y compris à ses juridictions (voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, point 41).

47      Enfin, il convient de relever que, dans le cas spécifique d’un régime d’aides, comme en l’espèce, il ressort d’une jurisprudence constante que la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques du régime en cause pour apprécier, dans les motifs de sa décision, si, en raison des modalités que ce régime prévoit, celui-ci assure un avantage aux bénéficiaires par rapport à leurs concurrents et est de nature à profiter à des entreprises qui participent aux échanges entre les États membres. Ainsi, la Commission, dans une décision qui porte sur un tel régime, n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime. Ce n’est qu’au stade de la récupération des aides qu’il sera nécessaire de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée (voir arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C‑362/19 P, EU:C:2021:169, point 65 et jurisprudence citée).

48      En l’espèce, il ressort, en premier lieu, de la lettre du 26 mars 2007 que, selon l’analyse préliminaire de la Commission, l’impossibilité de déduire les parts acquises dans une société holding restreignait de manière déraisonnable le nombre de bénéficiaires potentiels du régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS.

49      En réponse à la lettre du 26 mars 2007, les autorités espagnoles ont indiqué, dans la lettre du 4 juin 2007, que, selon la pratique administrative en vigueur à ce moment, seule la survaleur financière résultant de prises de participations directes était déductible au titre du régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS. En effet, les autorités espagnoles ont précisé que « le contrôle de l’investissement […] n’[était] possible qu’à travers la participation directe », que « la limitation des effets de l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS au premier niveau […] empêch[ait] d’en étendre la portée aux survaleurs [générées dans des entreprises de deuxième niveau ou de niveau ultérieur] » et que le régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS « [au]rait [été] difficilement gérable s’il [avait] port[é] aussi sur les survaleurs imputables à des entreprises étrangères [de deuxième niveau ou de niveau ultérieur], dans la mesure où ces participations [étaie]nt comptabilisées dans les actifs de ces autres entreprises étrangères, qui échapp[ai]ent au pouvoir de contrôle de la [DGT] ».

50      La lettre du 4 juin 2007 est certes évoquée au considérant 4 des décisions initiales. Toutefois, le Tribunal observe que lesdites décisions ne contiennent aucune référence au contenu de cette lettre. Or, si la Commission avait eu l’intention, eu égard aux informations figurant dans cette lettre, d’examiner le régime de l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS uniquement en ce qu’il s’appliquait aux prises de participations directes, elle aurait dû l’énoncer clairement dans les décisions initiales, ce qu’elle n’a pas fait.

51      À cet égard, il est manifeste, au contraire, que les décisions initiales contiennent de nombreuses références explicites aux prises de participations indirectes. Celles-ci sont ainsi expressément visées dans les parties contenant la description détaillée du régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS (considérant 21 de la première décision et considérant 30 de la seconde décision), la reconnaissance d’une confiance légitime (considérants 167 et 170 de la première décision et considérant 193 de la seconde décision) et la conclusion générale (considérant 175 de la première décision et considérant 210 de la seconde décision) ainsi que dans les dispositifs des décisions initiales (article 1er, paragraphe 2, de la première décision et article 1er, paragraphes 2 et 4, de la seconde décision).

52      Par ailleurs, la circonstance invoquée par la Commission, notamment au considérant 143 de la décision attaquée, selon laquelle, en mentionnant les prises de participations indirectes dans les décisions initiales, elle se serait fondée sur le texte de l’article 21 du TRLIS, auquel renvoie l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS, tend à confirmer qu’elle a examiné ce régime dans son ensemble, ex ante, conformément à la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus, et qu’elle n’excluait pas que ce régime pût aussi s’appliquer aux prises de participations indirectes, indépendamment de la pratique administrative en vigueur à ce moment. Au demeurant, la Commission a admis, notamment aux points 20 et 42 du mémoire en défense, que les dispositions pertinentes du TRLIS applicables au moment de l’adoption des décisions initiales n’excluaient pas expressément les prises de participations indirectes.

53      Enfin, le Tribunal relève que la Commission a reconnu, au considérant 151 de la décision attaquée, que la distinction entre prises de participations directes et prises de participations indirectes n’avait pas été considérée comme étant pertinente aux fins de l’appréciation requise dans les décisions initiales.

54      Partant, il ressort du libellé des décisions initiales que la Commission y a examiné le régime de l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS en tant que régime d’aides dans son ensemble comme visant tout à la fois les prises de participations directes et les prises de participations indirectes.

55      En second lieu, il convient de relever que, contrairement à ce que la Commission a considéré, notamment au considérant 99 de la décision attaquée, il ne saurait être valablement déduit des éléments qu’elle a mis en avant que la nouvelle interprétation administrative a élargi le champ d’application de l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS.

56      Tout d’abord, compte tenu des éléments de droit espagnol portés à la connaissance du Tribunal et discutés devant lui, une telle interprétation repose en effet sur une compréhension erronée du fonctionnement du système de liquidation de l’impôt sur les sociétés en droit espagnol. Comme l’a expliqué le Royaume d’Espagne, l’impôt sur les sociétés espagnol fonctionne selon un système d’autoliquidation, prévu à l’article 137 du TRLIS, dont le mécanisme de fonctionnement est rappelé au point 8 ci-dessus.

57      Par conséquent, conformément à l’article 137 du TRLIS et à l’article 120 de la LGT, le système d’autoliquidation implique que c’est l’assujetti qui liquide sa propre dette, en appliquant la législation relative à l’impôt sur les sociétés. Aucune intervention de l’administration fiscale n’est nécessaire pour que cette dette fiscale soit considérée comme étant liquidée. S’il est vrai que les autoliquidations peuvent, dans certains cas, faire l’objet de contrôles par l’administration, il ne s’agit nullement d’une obligation et, dans la grande majorité des cas, les dettes fiscales font l’objet d’une autoliquidation sans contrôle de l’administration.

58      Ensuite, l’article 89 de la LGT prévoit qu’une interprétation administrative de la DGT n’a d’effets contraignants que pour les organes de l’administration fiscale chargés d’appliquer l’impôt. Ainsi, s’il est vrai que, comme le fait valoir la Commission, l’administration fiscale espagnole est liée par sa pratique administrative et qu’elle est tenue d’appliquer, en cas de contrôle des autoliquidations présentées par des assujettis, les mêmes critères à l’ensemble des assujettis qui se trouvent dans la même situation, il n’en reste pas moins que cet effet contraignant ne concerne pas les assujettis.

59      Il en va de même, aux termes de l’article 239, paragraphe 8, de la LGT, de la jurisprudence du Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif central), qui lie les autres organes de la voie économique administrative ainsi que l’administration fiscale, mais pas les assujettis.

60      Ainsi, il ressort des éléments du dossier et des points 21 à 32 de l’arrêt du 15 novembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T‑207/10, EU:T:2018:786), que, faisant application de ce principe, certaines entreprises ont appliqué la déduction à des prises de participations indirectes, même avant l’adoption de la nouvelle interprétation administrative.

61      Comme dans tout État de droit, les entreprises ne sont en effet pas tenues d’adopter la même interprétation de la loi que celle préconisée par l’administration fiscale. Elles peuvent appliquer la règle d’une manière différente, en se prévalant directement du texte de la loi, et contester, le cas échéant, devant les juridictions compétentes, les actes de l’administration qui corrigeraient leurs autoliquidations en application des avis fiscaux litigieux. En effet, comme le fait valoir à juste titre le Royaume d’Espagne, il appartient au législateur ou, en cas de doutes ou de contestations, aux juridictions, et non à l’administration, de déterminer le champ d’application des dispositions légales. Or, la Commission n’a pas démontré que les prises de participations indirectes auraient été exclues du champ d’application de l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS par le législateur ou par les juridictions espagnoles avant l’adoption de la nouvelle interprétation administrative.

62      Enfin, le Tribunal observe que, postérieurement à l’adoption de la nouvelle interprétation administrative, l’Audiencia Nacional (Cour centrale, Espagne) a certes considéré, dans son arrêt du 6 février 2014, mentionné, notamment, au considérant 41 de la décision attaquée, qu’« une survaleur ne p[ouvai]t pas être générée dans une entreprise sans activité matérielle » et que « la société [en cause dans cette affaire] ne p[ouvai]t pas générer de survaleur financière[,] puisqu’il s’agi[ssai]t d’une société qui ne fai[sai]t que détenir des actions et n’a[vait] aucune activité matérielle ».

63      Toutefois, l’Audiencia Nacional (Cour centrale) a également indiqué, dans son arrêt du 6 février 2014, que la question dont elle était saisie dans cette affaire était différente de celle qui avait été examinée dans l’avis contraignant portant la référence V0608-12, qui était à la source de la nouvelle interprétation administrative.

64      À cet égard, l’Audiencia Nacional (Cour centrale) a constaté que la question dont elle était saisie consistait à déterminer « s’il [était] possible de déduire la survaleur pour des sociétés sans activité et simples holdings », alors que, selon elle, la question qui était au cœur de l’avis contraignant portant la référence V0608-12 visait à « savoir si, aux fins du calcul de la survaleur, il [était] possible de tenir compte du fait que le contrôle a[vait] été pris directement ou indirectement par l’intermédiaire de sociétés holdings ». Après ce constat, l’Audiencia Nacional (Cour centrale) s’est limitée à conclure qu’« il s’agi[ssai]t de questions différentes qui appel[ai]ent des réponses différentes », excluant que son arrêt du 6 février 2014 pût soutenir la position retenue par la Commission dans la décision attaquée.

65      Au demeurant, il ressort des éléments du dossier que, saisi d’un recours contre l’arrêt de l’Audiencia Nacional (Cour centrale) du 6 février 2014, le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) a suspendu la procédure pendante devant lui, de sorte que le champ d’application du régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS manque, encore à la date du présent arrêt, de précision et de clarté, comme l’a souligné la Commission aux considérants 184 et 195 de la décision attaquée ainsi que lors de l’audience.

66      Partant, en constatant que la nouvelle interprétation administrative avait « élargi » le champ d’application de l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS, la Commission n’a pas dûment pris en considération le droit espagnol, puisque, en vertu de ce droit, le champ d’application de cette disposition ne pouvait pas être déterminé par une simple interprétation administrative.

67      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que la Commission a conclu dans la décision attaquée, les décisions initiales couvraient déjà les prises de participations tant directes qu’indirectes.

68      Dans ces circonstances, il convient de vérifier si la Commission pouvait valablement adopter la décision attaquée.

 Sur la possibilité, pour la Commission, d’adopter la décision attaquée compte tenu du champ d’application des décisions initiales

69      En l’espèce, si, certes, les décisions initiales et la décision attaquée constatent l’incompatibilité du régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS, il n’en demeure pas moins que l’article 4 de cette dernière décision exige que le Royaume d’Espagne récupère l’intégralité des aides octroyées en exécution de ce régime, tel qu’appliqué aux prises de participations indirectes, alors que certaines de ces aides échappaient à l’obligation de récupération au titre des décisions initiales en raison de la confiance légitime que la Commission avait reconnue dans lesdites décisions (voir point 16 ci-dessus).

70      Un tel résultat équivaut à un retrait des décisions initiales, dans la mesure où celles-ci visaient déjà les prises de participations indirectes et leur reconnaissaient, dans le respect de certaines conditions, le bénéfice de la confiance légitime.

71      À cet égard, selon l’article 9 du règlement no 659/1999, lu conjointement avec son article 13, paragraphe 3, et son considérant 10, la « révocation » d’une décision est possible dans le cas où cette décision reposait sur des informations inexactes transmises au cours de la procédure et d’une importance déterminante pour elle.

72      Toutefois, aucun élément du dossier ne démontre, et la Commission ne s’en prévaut d’ailleurs pas, qu’elle se serait fondée sur des informations inexactes transmises au cours de la procédure administrative ayant abouti à la décision attaquée. En particulier, comme cela a été indiqué au point 49 ci-dessus, la lettre du 4 juin 2007 décrivait correctement la pratique administrative qui avait cours, à ce moment précis, en Espagne.

73      En effet, c’est la Commission elle-même qui a estimé, dans la lettre du 26 mars 2007, qu’il serait déraisonnable d’exclure les prises de participations indirectes du champ d’application de l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS (voir point 48 ci-dessus). Et c’est également la Commission elle-même qui a examiné, dans les décisions initiales, le régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS ex ante, dans son ensemble, y compris en ce que ce régime pouvait s’appliquer aux prises de participations indirectes (voir point 52 ci-dessus).

74      Ainsi, contrairement à ce qu’affirme la Commission au considérant 147 de la décision attaquée, la portée des décisions initiales n’était pas limitée par les modalités d’application du régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS décrites par les autorités espagnoles dans la lettre du 4 juin 2007.

75      Dès lors que les prises de participations indirectes ont déjà été prises en compte dans les décisions initiales et qu’il n’est pas démontré que ces dernières reposaient sur des informations inexactes, la Commission ne pouvait pas procéder à la « révocation », au titre de l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 659/1999, des décisions initiales dans la mesure où celles-ci visaient ce type d’opération.

76      Il est cependant vrai que la possibilité pour la Commission de retirer une décision statuant sur des aides d’État n’est pas limitée à la seule situation visée à l’article 9 du règlement no 659/1999, lu conjointement avec l’article 13, paragraphe 3, de ce même règlement. En effet, ces dispositions ne sont qu’une expression spécifique du principe général du droit selon lequel le retrait rétroactif d’un acte administratif illégal ayant créé des droits subjectifs est admis, notamment lorsque l’acte administratif en cause a été adopté sur la base d’indications fausses ou incomplètes fournies par l’intéressé. La possibilité de retirer de manière rétroactive un acte administratif illégal ayant créé des droits subjectifs n’est toutefois pas limitée à cette seule circonstance, un tel retrait pouvant toujours être opéré, sous réserve de l’observation par l’institution dont émane l’acte en cause des conditions relatives au respect d’un délai raisonnable et de la confiance légitime du bénéficiaire de cet acte, qui a pu se fier à la légalité de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2015, Deutsche Post/Commission, T‑421/07 RENV, EU:T:2015:654, point 47 et jurisprudence citée, et conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire Repower/EUIPO, C‑281/18 P, EU:C:2019:426, point 65).

77      Toutefois, la Commission n’a jamais soutenu que les décisions initiales auraient été illégales en ce qu’elles visaient les prises de participations indirectes, ce qui aurait pu, le cas échéant, lui permettre, conformément à la jurisprudence citée au point 76 ci-dessus, de se prévaloir du principe général du droit autorisant le retrait d’une décision illégale. Du reste, le Tribunal et, à sa suite, la Cour ont rejeté les recours en annulation contestant la légalité des décisions initiales.

78      En réalité, et comme le Royaume d’Espagne et les tiers intéressés l’avaient déjà, en substance, relevé dans le cadre de la phase administrative (considérants 82 et 90 de la décision attaquée), il n’est nullement question en l’espèce du retrait d’un acte illégal, mais du retrait de deux décisions légales, à savoir les décisions initiales en ce qu’elles visaient les prises de participations indirectes.

79      Or, selon une jurisprudence constante, le retrait à titre rétroactif d’un acte administratif légal qui a conféré des droits subjectifs ou des avantages similaires est contraire aux principes généraux du droit (voir, en ce sens, arrêts du 22 mars 1961, Snupat/Haute Autorité, 42/59 et 49/59, EU:C:1961:5, p. 149 ; du 22 septembre 1983, Verli-Wallace/Commission, 159/82, EU:C:1983:242, point 8 et jurisprudence citée, et du 12 février 2020, ZF/Commission, T‑605/18, EU:T:2020:51, point 138 et jurisprudence citée).

80      À cet égard, et comme cela a été indiqué au point 69 ci-dessus, le Tribunal constate que les décisions initiales ont conféré, sous conditions et en raison de l’existence d’une confiance légitime, un droit subjectif au Royaume d’Espagne à pouvoir mettre à exécution le régime d’aides en cause pourtant déclaré incompatible et, accessoirement, aux entreprises bénéficiaires de ce régime à ne pas devoir rembourser certaines aides illégales. Le Tribunal constate également que la décision attaquée a ultérieurement retiré ce droit en ce qui concernait les prises de participations indirectes.

81      Ainsi, outre qu’elle est attentatoire au principe de sécurité juridique, la décision attaquée a remis en cause la confiance légitime que les autorités espagnoles et les entreprises concernées avaient pu tirer des décisions initiales en ce qui concernait l’application de ces dernières aux prises de participations indirectes. À cet égard, il suffit de rappeler que les décisions initiales faisaient référence aux prises de participations aussi bien directes qu’indirectes.

82      Partant, il y a lieu d’accueillir le troisième moyen et d’annuler la décision attaquée dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens et arguments avancés par le Royaume d’Espagne ni de tenir compte de son mémoire complémentaire produit le 21 juillet 2022, dont la recevabilité est contestée par la Commission.

83      À toutes fins utiles, le Tribunal précise néanmoins que, même si les décisions initiales doivent être interprétées en ce sens qu’elles portent tant sur les prises de participations directes que sur les prises de participations indirectes, à la lumière, notamment, de l’article 21 du TRLIS, qui mentionne expressément les prises de participations indirectes, il n’en demeure pas moins que, s’il y a lieu, il appartiendra aux seules juridictions espagnoles de déterminer, si, en droit espagnol, ce type d’opération peut, ou non, bénéficier du régime organisé par l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS, notamment à l’aune des dispositions de l’article 15 du décret royal 1777/2004, par lequel est approuvé le règlement sur l’impôt des sociétés. En effet, ainsi que le Royaume d’Espagne l’a indiqué dans ses écritures, il revient aux juridictions espagnoles, et en dernier lieu au Tribunal Supremo (Cour suprême), voire au législateur de cet État, de définir la portée réelle de l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS.

84      Enfin, le Tribunal estime également opportun d’indiquer que, dans les arrêts de ce jour, Banco Santander e.a./Commission (T‑12/15, T‑158/15 et T‑258/15), Ferrovial e.a./Commission (T‑252/15 et T‑253/15), Sociedad General de Aguas de Barcelona/Commission (T‑253/15) et Telefónica e.a./Commission (T‑256/15 et T‑260/15), outre l’annulation de la décision attaquée pour les mêmes motifs que ceux retenus ci-dessus, il a été décidé qu’il convenait également d’annuler l’article 4 de la décision attaquée, à titre subsidiaire, en raison de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

 Sur les dépens

85      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions du Royaume d’Espagne.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision (UE) 2015/314 de la Commission, du 15 octobre 2014, relative à l’aide d’État SA.35550 (13/C) (ex 13/NN) (ex 12/CP) mise à exécution par l’Espagne – Régime relatif à l’amortissement fiscal de la survaleur financière en cas de prise de participations étrangères, est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Svenningsen

Mac Eochaidh

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 septembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.