Language of document : ECLI:EU:T:2015:682

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

24 septembre 2015 (*)

« FEOGA – Section ʻGarantieʼ – FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Dépenses effectuées dans le cadre du régime européen de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre – Droits de la défense »

Dans l’affaire T‑557/13,

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes M. Bulterman, C. Schillemans et M. J. Langer, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme B. Eggers et M. P. Rossi, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision d’exécution 2013/433/UE de la Commission, du 13 août 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 219, p. 49), en ce qu’elle applique une correction financière à la République fédérale d’Allemagne, dans le cadre du régime européen de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre pour les exercices 2003 à 2005, d’un montant total de 6 192 951,34 euros,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz et A. Popescu (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 avril 2015,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        La réglementation de base relative au financement de la politique agricole commune est constituée, en ce qui concerne les dépenses effectuées à partir du 1er janvier 2000, par le règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), qui a remplacé le règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), qui était applicable aux dépenses effectuées avant cette date.

2        En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), et de l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999, la section « Garantie » du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) finance les interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles entreprises selon les règles de l’Union européenne dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles.

3        L’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 dispose :

« La Commission décide des dépenses à écarter du financement communautaire visé aux articles 2 et 3 lorsqu’elle constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires.

Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre.

À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure visant à concilier les positions respectives dans un délai de quatre mois, dont les résultats font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement.

La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté.

Un refus de financement ne peut porter sur :

a)      les dépenses visées à l’article 2 qui ont été effectuées plus de vingt-quatre mois avant que la Commission n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications ;

b)      les dépenses relatives à une mesure ou action visée à l’article 3 pour laquelle le paiement final a été effectué plus de vingt-quatre mois avant que la Commission n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné le résultat des vérifications.

Toutefois, les dispositions du cinquième alinéa ne s’appliquent pas aux conséquences financières :

a)      des irrégularités au sens de l’article 8, paragraphe 2 ;

b)      liées à des aides nationales ou à des infractions pour lesquelles des procédures visées aux articles 88 [CE] et 226 [CE] ont été engagées. »

4        L’article 8 du règlement n° 1258/1999 prévoit ce qui suit :

« 1.      Les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour :

a)      s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le [FEOGA] ;

b)      prévenir et poursuivre les irrégularités ;

c)      récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences.

Les États membres informent la Commission des mesures prises à ces fins, et notamment de l’état des procédures administratives et judiciaires.

2.      À défaut de récupération totale, les conséquences financières des irrégularités ou des négligences sont supportées par la Communauté, sauf celles résultant d’irrégularités ou de négligences imputables aux administrations ou autres organismes des États membres.

Les sommes récupérées sont versées aux organismes payeurs agréés et portées par ceux-ci en déduction des dépenses financées par le [FEOGA]. Les intérêts afférents aux sommes récupérées ou payées tardivement sont versés au [FEOGA].

3.      Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, arrête les règles générales d’application du présent article. »

5        L’article 9 du règlement n° 1258/1999 précise ce qui suit :

« 1.      Les États membres mettent à la disposition de la Commission toutes les informations nécessaires au bon fonctionnement du [FEOGA] et prennent toutes les mesures susceptibles de faciliter les contrôles que la Commission estimerait utile d’entreprendre dans le cadre de la gestion du financement communautaire, y compris des contrôles sur place.

Les États membres communiquent à la Commission les dispositions législatives, réglementaires et administratives qu’ils ont adoptées pour l’application des actes communautaires ayant trait à la politique agricole commune, lorsque ces actes comportent une incidence financière pour le [FEOGA].

2.      Sans préjudice des contrôles effectués par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, des dispositions de l’article 248 [CE], ainsi que de tout contrôle organisé sur la base de l’article 279, [sous] c), [CE], les agents mandatés par la Commission pour les contrôles sur place ont accès aux livres et à tous autres documents, y compris les données établies ou conservées sur support informatisé, ayant trait aux dépenses financées par le [FEOGA].

Ils peuvent notamment vérifier :

a)      la conformité des pratiques administratives avec les règles communautaires ;

b)      l’existence des pièces justificatives nécessaires et leur concordance avec les opérations financées par le [FEOGA] ;

c)      les conditions dans lesquelles sont réalisées et vérifiées les opérations financées par le [FEOGA].

La Commission avise, en temps utile avant le contrôle, l’État membre concerné ou l’État membre sur le territoire duquel le contrôle doit avoir lieu. Des agents de l’État membre concerné peuvent participer à ce contrôle.

À la demande de la Commission et avec l’accord de l’État membre, des contrôles ou enquêtes concernant les opérations visées par le présent règlement sont effectués par les instances compétentes de cet État membre. Des agents de la Commission peuvent y participer.

Afin d’améliorer les vérifications, la Commission peut, avec l’accord des États membres concernés, associer des administrations de ces États membres à certains contrôles ou certaines enquêtes.

3.      Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, arrête, en tant que de besoin, les règles générales d’application du présent article. »

6        Le règlement n° 1258/1999 a été abrogé par le règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209, p. 1), qui est entré en vigueur, selon son article 49, le septième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, soit le 18 août 2005.

7        Toutefois, l’article 47 du règlement n° 1290/2005 a précisé que « le règlement […] n° 1258/1999 demeur[ait] applicable jusqu’au 15 octobre 2006 pour les dépenses effectuées par les États membres, et jusqu’au 31 décembre 2006 pour celles effectuées par la Commission ». À compter du 16 octobre 2006, les dispositions de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 ont ainsi été remplacées par les dispositions équivalentes de l’article 31, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 1290/2005.

8        Le règlement (CE) n° 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement n° 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO L 158, p. 6), tel que modifié notamment par le règlement (CE) n° 2245/1999 de la Commission, du 22 octobre 1999 (JO L 273, p. 5), prévoit, en son article 8, paragraphe 1 :

« Si, à l’issue d’une enquête, la Commission considère que les dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires, elle communique les résultats de ses vérifications à l’État membre concerné et indique les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles précitées.

La communication fait référence au présent règlement. L’État membre répond dans un délai de deux mois et la Commission peut modifier sa position en conséquence. Dans des cas justifiés, la Commission peut accorder une prorogation de ce délai.

Après l’expiration du délai accordé pour la réponse, la Commission convoque une discussion bilatérale et les deux parties essayent d’arriver à un accord sur les mesures à prendre, ainsi que sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du préjudice financier causé à la Communauté européenne. Après cette discussion et après toute date fixée par la Commission, en consultation avec l’État membre, après la discussion bilatérale pour la communication d’informations supplémentaires ou, si l’État membre n’accepte pas la convocation dans un délai fixé par la Commission, après l’échéance de ce délai, cette dernière communique formellement ses conclusions à l’État membre en faisant référence à la décision 94/442/CE de la Commission. Sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa du présent paragraphe, cette communication évaluera les dépenses qu’elle envisage d’exclure au titre de l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement […] n° 729/70.

L’État membre informe la Commission dans les meilleurs délais des mesures correctives prises pour assurer le respect des règles communautaires et de la date effective de leur mise en œuvre. La Commission adopte, le cas échéant, une ou plusieurs décisions en application de l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement […] n° 729/70 pour exclure jusqu’à la date effective de mise en œuvre des mesures correctives les dépenses affectées par le non-respect des règles communautaires. »

 Antécédents du litige et décision attaquée

9        Entre le 6 et le 10 septembre 2004, les services de la Commission des Communautés européennes ont effectué une mission de contrôle en Allemagne afin de contrôler la conformité aux régimes d’aide pour la fécule de pommes de terre des dépenses effectuées en 2002 et 2003 (ci-après la « mission de 2004 »).

10      À la suite dudit contrôle, la Commission a, par lettre du 14 décembre 2004, communiqué aux autorités allemandes les résultats de la mission de 2004 (ci-après la « communication des résultats du 14 décembre 2004 ») et a précisé que ladite lettre était envoyée en application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95.

11      Par lettre du 17 février 2005, les autorités allemandes ont en substance répondu, d’une part, qu’elles prenaient note de l’évaluation générale positive du système de contrôle et, d’autre part, qu’elles contestaient les conclusions auxquelles était parvenue la Commission. Elles ont notamment expliqué que les demandes et les paiements correspondants des aides qui avaient lieu par tranches au cours de la campagne de commercialisation n’étaient pas contraires aux dispositions du droit de l’Union et garantissaient, à tout moment, le paiement du prix minimal pour les quantités demandées. Selon elles, cette manière de procéder garantissait aux agriculteurs de disposer du prix minimal et des aides en temps utile.

12      Une réunion bilatérale entre les services de la Commission et les autorités allemandes s’est déroulée à Bruxelles (Belgique) le 19 mai 2005, et son procès-verbal a été établi le 30 juin 2005 (ci-après le « procès-verbal du 30 juin 2005 »).

13      Il ressort du point 2, intitulé « Résumé des points discutés », du procès-verbal du 30 juin 2005 ce qui suit :

« […]

2.2      Contrôles

Les services de la direction générale de l’agriculture et du développement rural sont d’avis que les mesures prises par les autorités allemandes en ce qui concerne la restructuration des contrôles sont satisfaisantes. Ils sont d’avis que les contrôles peuvent être renforcés davantage surtout au point de vue de la plage d’horaires.

2.3      Paiement du prix minimal et de l’aide au producteur et à la féculerie

Les services de la direction générale de l’agriculture et du développement rural soulignent que les remarques concernant les paiements concernent uniquement la féculerie AVEBE (Brandenburg). Ils sont toujours d’avis que la méthode de paiement par tranches n’est pas conforme à l’article 11 du règlement (CE) n° 97/95.

Les autorités allemandes sont d’avis qu’il [est] question d’un malentendu. À chaque livraison correspond un paiement du prix minimal et un paiement d’aide au producteur immédiat et ainsi de suite au cours de la campagne. Un producteur livre pendant toute la campagne.

Les services de la direction générale de l’agriculture et du développement rural sont d’avis que par cette méthode de [payement], l’AVEBE préfinance ses opérations puisqu’ils reçoivent des livraisons pour lesquels ils paient seulement 46 % du prix minimal à la livraison et le reste vers la fin de la campagne […] Ils sont d’avis que, à chaque livraison, le prix minimal doit être payé pour toute la quantité livrée avant que la féculerie puisse faire une demande pour l’aide communautaire.

Les autorités allemandes restent convaincues que le prix minimal ne doit être payé en totalité qu’à la fin de la campagne et que la réglementation ne stipule pas de date pour cette obligation. La preuve du paiement du prix minimal n’est à livrer qu’à la fin de la campagne pour toutes les livraisons et la façon de payer (le prix minimal et l’aide au producteur) par l’AVEBE consiste pour eux en une sorte d’avance.

Les services de la direction générale de l’agriculture et du développement rural posent la question concrète du paiement Detjen Klaus et demandent comment les 25 tonnes de pommes de terre livrées en août sont payées et comment la féculerie fait la demande pour les montants d’aide pour le producteur et pour la féculerie.

L’exemple montre que, le 1er octobre 2003, [sont] payé[s] au producteur le prix minimal et l’aide communautaire pour 11,6 tonnes et que, à la suite de ce paiement, les aides communautaires sont demandées auprès de l’agence payeur. Le montant du prix minimal est payé pour 46 % de la livraison […] Les autorités allemandes insistent sur le fait que cet exemple illustre que l’aide n’a été demandée que pour 46 %, à savoir pour la quantité pour laquelle le prix minimal a été entièrement payé. Elles soulignent aussi les différences dans les versions linguistiques du règlement en question tout en soulignant que le texte allemand de l’article 11, [paragraphe 1, sous] a), se réfère à la quantité pour laquelle le paiement aux producteurs a été demandé et non à la quantité produite.

[…]

[Les autorités allemandes maintiennent] leur position [selon laquelle] le paiement en [plusieurs tranches] n’est pas une infraction à la réglementation. [Elles] sont d’avis qu’il faut voir le point a) et le point b) de l’article 11 du règlement (CE) n° 97/95 séparément. Pour [elles,] ce sont deux choses différentes. Les services de la direction générale de l’agriculture et du développement rural sont d’avis que l’article 11 doit être interprété de manière uniforme si bien, que les conditions pour toucher l’aide communautaire par la féculerie ne sont pas remplies.

Les autorités allemandes sont d’accord [pour considérer] que, si la demande d’aide est faite avant le paiement du prix minimal, la féculerie AVEBE n’a pas respecté les conditions stipulées dans la réglementation.

Les services de la direction générale de l’agriculture et du développement rural consulteront les services internes […] en ce qui concerne les versions linguistiques différentes avant de formuler leur opinion définitive sur l’aspect des paiements. »

14      Par lettre du 22 juillet 2005, les autorités allemandes ont transmis à la Commission leurs commentaires sur le procès-verbal du 30 juin 2005 en réitérant en substance notamment que la méthode de paiement du prix minimal n’était pas contraire à l’article 11 du règlement (CE) n° 97/95 de la Commission, du 17 janvier 1995, fixant les modalités d’application du règlement (CEE) n° 1766/92 du Conseil en ce qui concerne le prix minimal et le paiement compensatoire à payer aux producteurs de pommes de terre ainsi que du règlement (CE) n° 1868/94 du Conseil instituant un régime de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre (JO L 16, p. 3).

15      Les autorités allemandes n’ont par la suite reçu aucune notification ou position formelle de la Commission durant une période de cinq ans et six mois.

16      Par lettre du 8 février 2011, la Commission a, conformément à l’article 11, paragraphe 2, de son règlement (CE) n° 885/2006, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement n° 1290/2005 en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO L 171, p. 90), transmis à la République fédérale d’Allemagne une communication formelle (ci-après la « communication formelle du 8 février 2011 »).

17      Au point 1, intitulé « Raisons de l’exclusion », de la communication formelle du 8 février 2011, la Commission a notamment indiqué ce qui suit :

« Lors du contrôle, il a été constaté que l’entreprise AVEBE

–        paye le prix minimal par tranches aux producteurs de pommes de terre féculières ;

–        demande l’aide au producteur et la prime à la féculerie par tranches.

Pour les livraisons effectuées au début de l’exercice annuel (août à octobre), les producteurs ne reçoivent que 46 % du prix minimal et 46 % de l’aide de [l’Union]. Par conséquent, la féculerie reçoit aussi 46 % de sa prime.

Pour les 54 % restants de ses paiements (prix minimal et aide), le producteur doit attendre jusqu’au 1er avril (29 %) et jusqu’au 30 juin (25 %) de l’année suivante. Cette procédure de paiement s’applique jusqu’à la fin de l’exercice annuel.

Cette pratique d’AVEBE a pour conséquence que le producteur ne peut disposer librement de la totalité du prix minimal qu’une fois que l’organisme payeur a payé les primes à la féculerie et les aides directes au producteur. En retenant une partie du prix minimal, l’entreprise peut aussi préfinancer ses activités économiques.

Compte tenu des processus décrits ci-dessus, la [direction générale de l’agriculture et du développement rural] parvient à la conclusion que la procédure de paiement mise en place par les autorités allemandes n’est pas conforme aux règles légales. Même si les vérifications n’ont pas révélé de cas dans lesquels les bénéficiaires auraient reçu en fin de compte moins que le prix minimal, il reste le fait que les primes et les aides directes sont payées respectivement à la féculerie et aux producteurs avant que les producteurs ne disposent (sans restriction) de la totalité du prix minimal. Cela signifie que les autorités allemandes n’ont pas vérifié correctement un critère clé de l’éligibilité aux aides qui est prévu expressément dans la réglementation communautaire.

Ce manquement constitue un défaut d’application d’un contrôle clé. D’après le document n° VI/5330/97, ‘[l]es contrôles clés [sont] des contrôles matériels et administratifs nécessaires pour vérifier des éléments substantiels, et en particulier l’existence de l’objet de la demande, des conditions quantitatives et qualitatives, y compris le respect des délais […]’ »

18      La Commission a par ailleurs considéré, au point 2, intitulé « Conséquences financières », de la communication formelle du 8 février 2011, que le mécanisme de paiement non seulement privait les producteurs de la garantie de revenus, mais également exposait le Fonds à un risque plus élevé au motif que les primes et l’aide pouvaient être versées sans la garantie qu’AVEBE ait satisfait à ses obligations légales. La Commission a, par conséquent, proposé d’appliquer une correction financière de 10 %, à partir du 17 décembre 2002 jusqu’à l’exercice annuel 2005/2006 exclu.

19      Par lettre du 15 mars 2011, la République fédérale d’Allemagne a demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation en application de l’article 16 du règlement n° 885/2006.

20      Dans son rapport final du 14 juillet 2011, l’organe de conciliation, après avoir résumé les positions des parties, a indiqué, au point 6, qu’il considérait qu’une opportunité de concilier les positions des parties existait. Tout d’abord, il a souligné que, « comme les services de la Commission l’[avaient] reconnu, la pratique appliquée par [AVEBE] et les autorités allemandes [était] conforme à la version en langue allemande de l’article 11, paragraphe 1, sous a), du règlement […] n° 97/95 ». L’organe de conciliation a également « fait observer que cela devrait suffire pour exclure toute correction étant donné que les autorités allemandes [pouvaient] se fonder sur cette version linguistique ». Ensuite, l’organe de conciliation a indiqué, en substance, que ladite pratique n’entraînait aucun risque pour le Fonds si, comme l’avaient indiqué les autorités allemandes, il existait un lien entre le paiement du prix minimal et l’aide reçue. Enfin, il a suggéré, d’une part, que la Commission reconsidère la question de savoir si, en l’espèce, une correction financière était justifiée et, d’autre part, que la Commission mette fin le plus rapidement possible à la procédure qui avait déjà duré exceptionnellement longtemps.

21      Par lettre du 1er mars 2012, la Commission a transmis à la République fédérale d’Allemagne sa position définitive (ci-après la « position définitive du 1er mars 2012 ») en indiquant notamment qu’elle contestait avoir indiqué devant l’organe de conciliation que la pratique appliquée par AVEBE et les autorités allemandes était conforme à la version en allemand de l’article 11, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 97/95. En outre, dans ladite position définitive, la Commission a fait valoir qu’elle maintenait, d’une part, sa position exprimée dans la communication formelle du 8 février 2011 et, d’autre part, sa proposition d’imposer une correction financière d’un montant total de 6 192 951,34 euros.

22      Le 1er juin 2013, la Commission a établi le rapport de synthèse, qui reprend notamment les résultats des contrôles effectués, ses griefs ainsi que les réponses des autorités et dont le point 9.1.1.1, intitulé « Introduction », souligne que, « [d]urant la mission de 2004, une carence a été observée en ce qui concerne le système allemand de contrôle du régime d’aide à la fécule de pomme de terre » et que « [c]ette lacune porte sur la vérification du respect de l’obligation en vertu de laquelle les autorités nationales, avant de verser l’aide directe aux producteurs et la prime aux féculeries, doivent s’assurer que les producteurs ont perçu, en échange des pommes de terre qu’ils ont livrées, un montant égal ou supérieur au prix minimal ».

23      Tout d’abord, au point 9.1.1.3, intitulé « Observations et évaluation », du rapport de synthèse, la Commission a indiqué ce qui suit :

« Durant la mission de 2004, les services de la Commission ont établi [qu’AVEBE] :

–        paie le prix minimal aux producteurs livrant des pommes de terre féculières par tranches ;

–        introduit une demande d’aide au producteur et une demande de prime pour [AVEBE] par tranches.

Pour les livraisons effectuées au début de la campagne de commercialisation (août à octobre), les producteurs reçoivent seulement 46 % du prix minimal et 46 % de l’aide de [l’Union]. De manière correspondante, [AVEBE] reçoit également 46 % de sa prime.

Pour les 54 % restants de leurs paiements, constitués du prix minimal et de l’aide, les producteurs doivent attendre jusqu’au 1er avril (29 %) puis jusqu’au 30 juin (25 %) de l’année suivante. Cette méthode de paiement s’applique jusqu’à la fin de la campagne de commercialisation.

Selon cette méthode, le producteur ne peut librement disposer de l’intégralité du prix minimal avant que l’organisme payeur n’octroie les primes à la féculerie et l’aide directe aux producteurs. La rétention d’une partie du prix minimal permet en réalité à l’entreprise de préfinancer ses opérations.

Étant donné l’ordre susmentionné des étapes de la procédure, les services de la Commission concluent que le mécanisme de paiement instauré par les autorités allemandes ne respecte pas les dispositions réglementaires. Si l’audit n’a fait apparaître aucun cas particulier dans lequel les bénéficiaires ont finalement reçu un montant inférieur au prix minimal, il n’en reste pas moins que les primes sont octroyées à [AVEBE] et l’aide directe aux producteurs avant que l’intégralité du prix minimal ait été mise à la disposition des producteurs, sans conditions. Par conséquent, ces autorités ont omis d’effectuer les vérifications appropriées portant sur un critère clé d’admissibilité expressément prévu par la législation de [l’Union] pour ce qui concerne les demandes satisfaites. »

24      Ensuite, au point 9.1.3, intitulé « Position de la Commission avant la conciliation », du rapport de synthèse, la Commission a formulé les observations suivantes :

« Sur la base des constatations et compte tenu des explications fournies par les autorités allemandes, les services de la Commission croient comprendre que, pour ce qui concerne [AVEBE], les primes [lui] sont octroyées et l’aide directe aux producteurs avant que l’intégralité du prix minimal ne soit mise à la disposition des producteurs (sans conditions). Non seulement le mécanisme de paiement en vigueur ôte aux producteurs leur garantie de revenu, mais il génère en outre un risque élevé pour les fonds de [l’Union au motif que] les primes et aides peuvent être versées sans garantie [qu’AVEBE] respectera ses obligations.

En termes de contrôle, l’ordre des étapes de la procédure suivie par [AVEBE] suggère que les autorités allemandes ont omis d’effectuer les vérifications appropriées portant sur un critère clé d’admissibilité expressément prévu par la législation de [l’Union] pour ce qui concerne les demandes satisfaites.

La carence susmentionnée constitue effectivement une non-exécution d’un contrôle clé. En effet, selon le document n° VI/5330/97, les contrôles clés sont les vérifications physiques et administratives requises pour contrôler les éléments quant au fond, en particulier la réalité de l’objet de la demande, la quantité et les conditions qualitatives, y compris le respect des délais […] »

25      Enfin, après avoir rappelé l’avis de l’organe de conciliation, la Commission a exposé sa position, dans le cadre de laquelle elle a notamment opéré un renvoi « à une enquête concomitante concernant la même carence [que celle reprochée à la République fédérale d’Allemagne] et la même entreprise ou le même bénéficiaire aux Pays-Bas » et a précisé que, « afin d’assurer la cohérence entre les enquêtes allemande et néerlandaise, [elle adoptait] la même position, à savoir l’interprétation ‘néerlandaise’ ». Elle a en outre souligné, d’une part, que sa position finale était fondée sur les versions allemande et néerlandaise de l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 97/95 et, d’autre part, que, bien qu’il soit exclusivement fait référence au règlement n° 97/95, un raisonnement similaire découlerait de l’interprétation du règlement (CE) n° 2236/2003 de la Commission, du 23 décembre 2003, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 1868/94 du Conseil instituant un régime de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre (JO L 339, p. 45), du règlement (CE) n° 2237/2003 de la Commission, du 23 décembre 2003, portant modalités d’application de certains régimes de soutien prévus au titre IV du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs (JO L 339, p. 52), et du règlement (CE) n° 1973/2004 de la Commission, du 29 octobre 2004, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil en ce qui concerne les régimes d’aide prévus aux titres IV et IV bis dudit règlement et l’utilisation de terres mises en jachère pour la production de matières premières (JO L 345, p. 1).

26      C’est dans ces conditions que la Commission a adopté la décision d’exécution 2013/433/UE, du 13 août 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEOGA, section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 219, p. 49, ci-après la « décision attaquée »). Cette décision applique une correction financière à la République fédérale d’Allemagne, dans le cadre du régime européen de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre pour les exercices 2003 à 2005, d’un montant total de 6 192 951,34 euros.

 Procédure et conclusions des parties

27      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 octobre 2013, la République fédérale d’Allemagne a introduit le présent recours.

28      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 février 2014, le Royaume des Pays-Bas a présenté une demande d’intervention au soutien des conclusions de la République fédérale d’Allemagne. Par ordonnance du 9 avril 2014, le président de la neuvième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

29      La République fédérale d’Allemagne, soutenue par le Royaume des Pays-Bas, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er et l’annexe de la décision attaquée en ce qu’elle lui applique une correction financière dans le cadre du régime européen de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre pour les exercices 2003 à 2005 d’un montant total de 6 192 951,34 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

30      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

31      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d’instruction préalable. Les parties, à l’exception du Royaume des Pays-Bas qui n’a pas souhaité participer à l’audience ce dont il a été pris acte, ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 22 avril 2015.

 En droit

32      À l’appui du recours, la République fédérale d’Allemagne invoque cinq moyens.

33      Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et de l’article 31 du règlement n° 1290/2005, lus en combinaison avec l’article 5 du règlement (CE) n° 1868/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre (JO L 197, p. 4), l’article 11 du règlement n° 97/95, l’article 10 du règlement n° 2236/2003 et l’article 26 du règlement nº 2237/2003, au motif que la Commission a écarté certaines dépenses du financement alors qu’il était satisfait à la condition d’octroi de la prime et de l’aide directe, parce que le prix minimal avait été payé pour la quantité demandée.

34      Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, puisque la Commission n’a pas motivé d’une manière suffisante et exempte de contradictions les raisons pour lesquelles il devait résulter de l’article 11 du règlement n° 97/95, de l’article 10 du règlement n° 2236/2003 et de l’article 26 du règlement n° 2237/2003, en tenant compte de l’ensemble des versions linguistiques, comme condition du paiement de la prime ou de l’aide, qu’AVEBE devait déjà avoir acquitté le prix minimal pour l’intégralité de la quantité de pommes de terre livrées au cours d’une campagne de commercialisation.

35      Le troisième moyen est tiré notamment de la violation de l’article 7, paragraphe 4, premier alinéa, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, sous a), du règlement n° 1258/1999, de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95, de l’article 31, paragraphe 3, premier alinéa, lu en combinaison avec l’article 4, sous a), du règlement n° 1290/2005, au motif que la Commission n’a pas valablement communiqué par écrit à la République fédérale d’Allemagne, dans les 24 mois à compter de la date à laquelle les dépenses ont été engagées, le grief (à savoir la non-exécution d’un « contrôle clé ») sur lequel se fonde l’exclusion des dépenses.

36      Le quatrième moyen est tiré notamment de la violation de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999, de l’article 8 du règlement n° 1663/95, de l’article 31 du règlement n° 1290/2005, lus en combinaison avec les principes généraux selon lesquels une procédure administrative doit être conduite dans un délai raisonnable, et de la violation des droits de la défense, au motif que la durée de la procédure devant la Commission a été excessive.

37      Le cinquième moyen est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 4, quatrième alinéa, du règlement n° 1258/1999, de l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 et du principe de proportionnalité, au motif que, en procédant à une correction forfaitaire de 10 %, la Commission n’a pas apprécié de manière appropriée la nature et la portée tout au plus limitée d’une éventuelle infraction et n’a pas tenu compte de la circonstance que l’Union n’avait subi dans les faits aucun préjudice financier et qu’il n’y avait jamais eu un risque réel de survenance d’un tel préjudice.

 Observations liminaires

38      Avant d’examiner les cinq moyens susmentionnés, il convient de relever que, ainsi que cela ressort de la communication formelle du 8 février 2011, de la position définitive du 1er mars 2012 et du rapport de synthèse, le grief sur la base duquel la Commission a décidé d’imposer une correction forfaitaire de 10 %, est uniquement tiré de la non-exécution d’un contrôle clé.

39      Il est vrai que, comme cela était le cas dans l’affaire T‑16/11, ayant donné lieu à l’arrêt du 3 juillet 2014, Pays-Bas/Commission (T‑16/11, EU:T:2014:603), la Commission a, lors des différents échanges de correspondance ayant eu lieu pendant la procédure administrative, presque systématiquement relevé que la méthode de paiement du prix minimal par tranches n’était pas conforme à l’article 11 du règlement n° 97/95. Toutefois, il n’en demeure pas moins que, dans les trois documents susmentionnés, la Commission a, sans ambiguïté, indissociablement lié la correction financière au fait qu’un contrôle clé, à savoir le contrôle du respect de la condition relative au paiement du prix minimal, était inexistant.

40      Tout d’abord, il ressort de la communication formelle du 8 février 2011 (voir point 17 ci-dessus) que la Commission a considéré que les primes avaient été versées directement à AVEBE et l’aide directe directement aux producteurs, avant que ces derniers ne puissent disposer de l’intégralité du prix minimal. Toutefois, elle en a tiré la conclusion que cela signifiait que les autorités allemandes avaient omis d’effectuer les vérifications adéquates portant sur un critère clé en matière d’éligibilité, ce qui constituait un cas de non-exécution d’un contrôle clé au sens du document VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie », justifiant une correction financière de 10 %.

41      Ensuite, il ressort de la position définitive du 1er mars 2012 que, après avoir décrit les conclusions de l’organe de conciliation figurant dans le rapport final du 14 juillet 2011 et la position de sa direction générale (DG) « Agriculture et développement rural », la Commission a conclu, au point 2.2.3 de la position définitive du 1er mars 2012, ce qui suit :

« Dans l’intérêt de l’uniformité des procédures d’apurement des comptes allemande et néerlandaise, et considération prise du fait que, dans les deux cas, il s’agit de la même entreprise et/ou des mêmes bénéficiaires, la DG [« Agriculture et développement rural »] adopte la même position que celle qu’elle a déjà arrêtée dans l’affaire néerlandaise

[…]

La DG [« Agriculture et développement rural »] parvient à la conclusion que la procédure de paiement des autorités allemandes n’est pas compatible avec les dispositions du règlement. Les primes sont octroyées à la féculerie et les aides directes aux producteurs avant que le prix minimal total ne soit (sans autre condition) à la disposition des producteurs. Par conséquent, ces autorités ont omis, en ce qui concerne les demandes d’aide en cause, de vérifier un critère essentiel, expressément prévu dans les règles de l’UE, d’éligibilité des aides. »

42      Enfin, il ressort du rapport de synthèse que la Commission a rappelé, d’une part, que, durant la mission de 2004, une carence a été observée en ce qui concerne le système allemand de contrôle du régime d’aide à la fécule de pomme de terre (point 22 ci-dessus) et, d’autre part, que les primes étaient octroyées à AVEBE et l’aide directe aux producteurs avant que l’intégralité du prix minimal n’ait été mise à la disposition des producteurs, ce qui démontrait que les autorités avaient omis d’effectuer les vérifications appropriées portant sur un critère clé d’admissibilité expressément prévu par la législation de l’Union (point 23 ci-dessus).

43      Il ressort par conséquent du contenu de ces trois documents que c’est en raison du déroulement de la procédure de paiement du prix minimal par tranches des pommes de terre féculières livrées en Allemagne que la Commission a considéré que les autorités allemandes ne pouvaient pas avoir effectué les vérifications appropriées portant sur un critère clé d’admissibilité expressément prévu par la législation de l’Union.

44      Il y a donc lieu de tenir compte du fait que, bien que la méthode de paiement du prix minimal par tranches ait fait l’objet de réserves de la part de la Commission tout au long de la procédure administrative, le grief sur la base duquel cette dernière a décidé d’imposer la correction forfaitaire est tiré de ce que les contrôles du respect de la condition relative au paiement du prix minimal étaient inexistants ou défaillants.

45      C’est sur la base de cette considération qu’il y a lieu d’examiner le bien-fondé des moyens soulevés par la République fédérale d’Allemagne dans le présent recours en commençant par le troisième moyen.

 Sur le troisième moyen d’annulation

46      À l’appui du troisième moyen, la République fédérale d’Allemagne, soutenue par le Royaume des Pays‑Bas, souligne que la Commission a procédé à une correction financière fondée sur un grief relatif à la non-exécution d’un contrôle clé, alors même que les autorités allemandes n’ont pas bénéficié de la garantie procédurale qui leur était accordée par l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et par l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95.

47      À cet égard, elle fait valoir qu’il ressort clairement de la position définitive du 1er mars 2012 et du rapport de synthèse que la décision attaquée repose uniquement sur un grief concernant la non-exécution d’un contrôle clé que la Commission n’a soulevé qu’à un stade très tardif de la procédure administrative. Elle souligne, en substance, que, s’il est vrai que la communication des résultats du 14 décembre 2004 comporte un titre intitulé « Faiblesses au niveau des contrôles clés et complémentaires », le texte contenu dans ce titre ne contient toutefois pas la moindre explication sur la mesure dans laquelle les contrôles étaient soi‑disant insuffisants ou inexistants. Au contraire, l’exposé de la Commission concernait uniquement une prétendue irrégularité, exprimée de façon très vague ainsi qu’en atteste l’utilisation du terme « pourrait » et de l’expression « il est possible », relative à la condition matérielle pour l’octroi des primes et des aides. La République fédérale d’Allemagne relève, par ailleurs, que la Commission n’a pas non plus fourni la moindre indication quant aux mesures correctives à prendre dans la communication des résultats du 14 décembre 2004 pour remédier à la prétendue irrégularité.

48      La Commission conteste le bien-fondé de ce moyen. Elle prétend en substance qu’il est incontestable que le grief concernant la non-exécution d’un contrôle clé a été soulevé au cours de la procédure administrative, et en particulier dans la communication des résultats du 14 décembre 2004, conformément aux dispositions de droit de l’Union et à la jurisprudence.

49      Selon elle, la République fédérale d’Allemagne a déjà été informée, par l’intitulé du point 1.2 de ladite communication, qu’il s’agissait de « Points faibles au niveau des contrôles clés et des contrôles secondaires ». En outre, elle fait valoir qu’il ressort du quatrième alinéa de ce même point, d’une part, que tous les éléments essentiels de l’irrégularité reprochée ont été brièvement, mais exhaustivement, cités, à savoir que « l’aide de [l’Union] aux producteurs et les primes au profit de l’entreprise sont demandées par tranches à l’organisme payeur, indépendamment des quantités livrées à la féculerie », et, d’autre part, qu’il a été expliqué que ces procédés n’étaient pas conformes à l’article 11 du règlement n° 97/95. Selon la Commission, la communication des résultats du 14 décembre 2004 comportait donc trois indices de défaillances concernant des contrôles, à savoir, premièrement, l’incohérence entre la quantité livrée, la quantité payée et la quantité mentionnée dans la demande, deuxièmement, un problème de préfinancement et, troisièmement, la déficience de contrôle du critère clé consistant à payer obligatoirement la totalité du prix minimal avant l’octroi de la prime et du paiement compensatoire.

50      Par son troisième moyen, la République fédérale d’Allemagne fait en substance grief à la Commission d’avoir appliqué une correction financière fondée sur un grief relatif aux contrôles, alors qu’elle n’aurait pas fait état de ce grief, ni proposé de mesures correctives dans la communication des résultats du 14 décembre 2004, la privant de la garantie procédurale qui lui serait accordée par l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et par l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95.

51      À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence que la décision finale et définitive relative à l’apurement des comptes doit être prise à l’issue d’une procédure contradictoire spécifique au cours de laquelle les États membres concernés doivent disposer de toutes les garanties requises pour présenter leur point de vue (arrêts du 29 janvier 1998, Grèce/Commission, C‑61/95, Rec, EU:C:1998:27, point 39, et du 14 décembre 2000, Allemagne/Commission, C‑245/97, Rec, EU:C:2000:687, point 47).

52      Par ailleurs, il y a lieu également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission est tenue de respecter, dans les relations avec les États membres, les conditions qu’elle s’est imposées par des règlements d’application. En effet, le non-respect de ces conditions peut, selon son importance, vider de sa substance la garantie procédurale accordée aux États membres par l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 (voir, par analogie, arrêt du 17 juin 2009, Portugal/Commission, T‑50/07, EU:T:2009:206, point 27).

53      En outre, l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement n° 1258/1999, d’une part, et l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1663/95, d’autre part, visent la même étape de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, à savoir l’envoi de la première communication par la Commission à l’État membre, à l’issue des contrôles qu’elle a effectués (voir, par analogie, arrêts du 24 janvier 2002, Finlande/Commission, C‑170/00, Rec, EU:C:2002:51, point 27, et Portugal/Commission, point 52 supra, EU:T:2009:206, point 28 et jurisprudence citée).

54      L’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95 définit les différentes étapes à respecter lors de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA. En particulier, cette disposition précise le contenu de la première communication écrite par laquelle la Commission communique le résultat de ses vérifications aux États membres, avant l’organisation de la discussion bilatérale (voir, par analogie, arrêts du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, Rec, EU:C:2005:103, point 68, et du 24 mars 2011, Grèce/Commission, T‑184/09, EU:T:2011:120, point 40). Aux termes de cette disposition, la première communication doit préciser le résultat des vérifications de la Commission à l’État membre concerné et indiquer les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles de l’Union. En outre, il prévoit que la Commission et l’État membre concerné auront une discussion bilatérale portant sur la base des dépenses que la Commission propose d’exclure du financement et essaient d’arriver à un accord.

55      Il convient de rappeler, par ailleurs, qu’il a d’ores et déjà été jugé que la communication écrite visée à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95 doit être de nature à donner à l’État membre une parfaite connaissance des réserves de la Commission, de sorte qu’elle puisse alors remplir la fonction d’avertissement qui lui est impartie par le premier alinéa de cette disposition et par l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 (arrêt Portugal/Commission, point 52 supra, EU:T:2009:206, point 39 ; voir également, en ce sens, arrêts du 7 octobre 2004, Espagne/Commission, C‑153/01, Rec, EU:C:2004:589, point 93, et du 3 mai 2012, Espagne/Commission, C‑24/11 P, Rec, EU:C:2012:266, point 27).

56      Il s’ensuit que, dans la première communication visée par l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95, la Commission doit indiquer, de manière suffisamment précise, l’objet de l’enquête menée par ses services et les carences constatées lors de cette enquête, celles-ci étant susceptibles d’être invoquées ultérieurement comme élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard des contrôles effectués par les administrations nationales ou des chiffres transmis par ces dernières et, ainsi, de justifier les corrections financières retenues dans la décision finale écartant du financement de l’Union certaines dépenses effectuées par l’État membre concerné au titre du FEOGA (arrêt Portugal/Commission, point 52 supra, EU:T:2009:206, point 40).

57      En outre, le non-respect de ladite condition imposée à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95 vide de sa substance la garantie procédurale accordée aux États membres par l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement n° 1258/1999, qui limite dans le temps les dépenses sur lesquelles peut porter un refus de financement par le FEOGA (voir arrêt Espagne/Commission, point 55 supra, EU:C:2012:266, point 29 et jurisprudence citée).

58      L’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 1663/95 doit ainsi être lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement n° 1258/1999. Selon ces dispositions, la Commission ne peut pas exclure les dépenses qui ont été effectuées plus de 24 mois avant qu’elle n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications. Il en résulte que la communication écrite prévue à l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1663/95 a pour objet d’avertir son destinataire que les dépenses effectuées pendant la période de 24 mois qui précède la notification de cette communication peuvent être exclues du financement par le FEOGA et que, partant, celle-ci constitue l’élément de référence pour le décompte du délai de 24 mois ainsi prévu (arrêt Espagne/Commission, point 55 supra EU:C:2012:266, point 30).

59      En conséquence, afin de remplir sa fonction d’avertissement, notamment à la lumière de l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement n° 1258/1999, la communication visée à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95 doit d’emblée identifier de manière suffisamment précise toutes les irrégularités reprochées à l’État membre concerné qui ont, en définitive, fondé la correction financière effectuée. Seule une telle communication est en mesure de garantir une parfaite connaissance des réserves de la Commission et peut constituer l’élément de référence pour le décompte du délai de 24 mois prévu à l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement n° 1258/1999 et à l’article 31 du règlement n° 1290/2005 (arrêt Espagne/Commission, point 55 supra, EU:C:2012:266, point 31).

60      Conformément à la jurisprudence citée aux points 51 à 59 ci-dessus, il convient d’examiner si la communication des résultats du 14 décembre 2004 satisfaisait aux exigences de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement n° 1258/1999, et constituait, par conséquent, une communication régulière en application desdites dispositions. À cet effet, il devra être vérifié que, dans ladite communication, la Commission a suffisamment identifié l’objet et les résultats de son enquête, à savoir les carences constatées sur lesquelles est fondée la correction financière au détriment de la République fédérale d’Allemagne pour les exercices 2003 à 2005, et a indiqué les mesures correctives qui devaient être adoptées à l’avenir.

61      À cet égard, il doit être relevé que la Commission a, dans la partie introductive de la communication des résultats du 14 décembre 2004, indiqué aux autorités allemandes qu’elle considérait qu’il était possible que lesdites autorités n’aient pas pleinement respecté les règlements pertinents et qu’elle jugeait nécessaires les mesures correctives qui étaient visées à l’annexe II de ladite communication afin de garantir que les dispositions de ces règlements soient respectées à l’avenir. Il y a lieu de souligner, en outre, que l’annexe I de la communication des résultats du 14 décembre 2004 comporte un point 1.1, intitulé « Évaluation du système », dans lequel la Commission a précisé, au point 1.1.1, intitulé « Respect des dispositions communautaires (en principe) », ce qui suit :

« En principe toutes les obligations administratives sont remplies. Le régime de quotas est respecté. Le régime des prix et des primes est appliqué conformément à l’annexe II du règlement […] n° 97/95, les prix et les primes sont encore une fois recalculés avant paiement. Les contrats sont conformes aux dispositions du règlement n° 97/95, de même que les bulletins de livraison, les bordereaux de règlement et les bulletins de réception. »

62      Il est en outre indiqué au même point 1.1.1 :

« Les contrôleurs techniques ont suivi des instructions claires et sont suffisamment contrôlés. Dans tous les cas, plus de 10 % des pommes de terre livrées sont contrôlées. Les contrôles sont plus nombreux que ce qui serait absolument nécessaire. Pour 2 à 5 % des contrats, des contrôles sur place des superficies cultivées ont été effectués avant le début de l’exercice annuel. Les seuls points critiques sont le fait que les vérificateurs sont toujours les mêmes dans la plupart des cas et que, surtout dans le Brandebourg, les contrôles ne couvrent pas la totalité de la période de livraison des pommes de terre.

Les demandes de paiement des féculiers sont d’abord vérifiées et admises par les contrôleurs. Puis elles sont encore systématiquement recalculées avant tout paiement. Les explications des contrôleurs sur les flux de paiement montrent qu’il est procédé avec une grande minutie. »

63      Au point 1.2 de l’annexe I de la communication des résultats du 14 décembre 2004, intitulé « Points faibles concernant les contrôles clé et les contrôles supplémentaires », la Commission, a, tout d’abord, indiqué ce qui suit :

« Les entreprises AVEBE […] et Emsland Stärke GmbH sont des coopératives dont font partie les producteurs de pommes de terre qui sont à la fois des membres/détenteurs de parts et des sociétés privées. Une condition essentielle du paiement des aides aux producteurs de pommes de terre et aux féculiers est la conclusion d’un contrat de culture entre les parties. [En Allemagne,] la plupart des producteurs de pommes de terre font partie de coopératives. C’est pourquoi la validité de ces contrats peut être mise en cause, les deux parties étant liées par des obligations juridiques. Les autorités allemandes sont invitées à faire connaître leur position à cet égard. »

64      La Commission a ensuite exposé :

« Les contrôles techniques sont toujours effectués par la ou les mêmes personnes et aussi toujours à peu près au même moment de la journée. Certains contrôleurs officiels, en particulier dans les établissements de Dallmin et de Lüchow qui appartiennent au groupe AVEBE, ne contrôlent apparemment jamais après 17 heures 30. Or, les livraisons ont lieu entre 6 heures et 22 heures, samedis compris. Cela veut dire qu’il n’y a jamais de contrôles pendant une partie non négligeable (3 heures 30) de la période des livraisons. Or, les contrôles devraient s’étendre à toute la période des livraisons de pommes de terre, de façon à éviter que ne s’installent des habitudes ou des attentes. Les autorités allemandes sont invitées à démontrer que, au Brandebourg, pendant les exercices annuels en cause (2002 et 2003), des contrôles ont été effectués pendant toute la période des livraisons (entre 6 heures et 22 heures, samedis compris).

Les autorités de Basse-Saxe concèdent que c’est toujours le même contrôleur qui contrôle la même féculerie, ce qui peut engendrer des doutes quant à l’impartialité des contrôles, d’autant plus que certains contrôleurs avaient leur propre bureau dans la féculerie qu’ils étaient censés contrôler, ne travaillent que pendant les heures officielles de travail et connaissent trop bien les employés et la direction de la société qu’ils sont censés contrôler, de manière inopinée et totalement impartiale. Les autorités de Basse-Saxe ont annoncé que le nombre des contrôleurs serait accru pendant le prochain exercice annuel, de façon à pouvoir garantir des contrôles indépendants, inopinés et impartiaux. »

65      La Commission a enfin indiqué, s’agissant du prix minimal, ce qui suit :

« Il n’est pas certain que l’AVEBE paye réellement le prix minimal, car l’entreprise paye ce prix en plusieurs tranches et demande aussi à l’organisme payeur de payer par tranches l’aide de l’Union aux producteurs et la prime à l’entreprise, indépendamment des quantités livrées à l’entreprise de transformation. Pour des lots livrés au début de l’exercice annuel (août, septembre, octobre), lorsque les pommes de terre sont de la meilleure qualité, le producteur ne reçoit que 46 % du prix minima et 46 % des aides de l’Union. La féculerie reçoit également 46 % de la prime. Le producteur ne reçoit le surplus que le 1er avril (29 %) ou le 30 juin (25 %) de l’année suivante. Cette méthode de paiement s’applique jusqu’à la fin de l’exercice annuel. Ces procédés admis par les organismes payeurs pourraient enfreindre l’une des principales conditions pour demander l’aide de [l’Union] et la prime, car ils ne sont peut-être pas conformes à l’article 11 du règlement […] n° 97/95, aux termes duquel l’aide de [l’Union] ne peut être demandée que si le prix minimal a été payé pour la totalité de la quantité de pommes de terre livrée.

Ce paiement en plusieurs tranches aboutit à ce que, dans certains cas, l’État membre ne paye pas l’aide aux producteurs dans le délai de quatre mois prescrit à l’article 12 du règlement […] n° 97/95. Ces modalités de paiement constituent donc, en fait, une sorte de préfinancement de l’activité des féculeries. Les autorités allemandes sont invitées à indiquer la base juridique sur laquelle ces modalités de paiement sont fondées.

Dans les deux États fédérés, ce sont les féculeries, et non […] les organismes payeurs, qui versent les aides de l’Union aux producteurs. Cela pourrait être contraire aux règles relatives au paiement direct des aides de l’Union de l’article 12 du règlement […] n° 97/95. Les autorités de Basse-Saxe et le féculier d’Emlichheim (Emsland Stärke) ne sont pas satisfaits de ces modalités de paiement et, à compter du prochain exercice annuel (2004/2005), il est prévu que les aides soient versées directement à leurs bénéficiaires. »

66      En ce qui concerne les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles de l’Union, la Commission a indiqué, dans l’annexe II de la communication des résultats du 14 décembre 2004, intitulée « Mesures correctives et améliorations procédurales », que « [l]es autorités allemandes [étaie]nt invitées à prendre toutes les mesures nécessaires en rapport avec les constatations exposées dans l’annexe I afin de garantir que toutes les conditions seront respectées à l’avenir ».

67      En l’espèce, si la communication des résultats du 14 décembre 2004 identifie des problèmes concernant la méthode de paiement par tranches du prix minimal, en revanche, ainsi que le soutient à juste titre la République fédérale d’Allemagne, soutenue par le Royaume des Pays‑Bas, et contrairement à ce que prétend la Commission dans ses écritures (voir points 48 et 49 ci-dessus) et lors de l’audience, force est de constater que ladite communication ne contient aucune réserve, ni mesure corrective, quant aux contrôles administratifs du respect de la condition relative au paiement du prix minimal.

68      La Commission n’affirme pas que l’organisme payeur n’aurait pas effectué de contrôles du prix minimal, ni que ces contrôles seraient défaillants. Or, ainsi que cela était le cas dans l’affaire T-16/11 ayant donné lieu à l’arrêt Pays-Bas/Commission, point 39 supra, (EU:T:2014:603), la réalisation des contrôles a constitué un point important de la mission de 2004 et la Commission a présenté un compte rendu détaillé de ses constatations relatives aux contrôles en s’exprimant de manière positive à l’exception, d’une part, du fait que les vérificateurs étaient toujours les mêmes dans la plupart des cas et que, surtout dans le Brandebourg, les contrôles ne couvraient pas la totalité de la période de livraison des pommes de terre et, d’autre part, de l’impartialité des contrôleurs du service de vérifications techniques (voir points 62 à 64 ci-dessus).

69      Certes, comme l’a soutenu la Commission lors de l’audience, la communication des résultats du 14 décembre 2004 contient un point 1.2, intitulé « Points faibles concernant les contrôles clé et les contrôles supplémentaires », dans lequel il est fait mention de la question du paiement du prix minimal. Toutefois, ainsi que le relève à juste titre la République fédérale d’Allemagne, il convient de relever que, contrairement à l’interprétation défendue par la Commission lors de l’audience, ce passage de la communication des résultats du 14 décembre 2004 n’est pas de nature à pouvoir être identifié comme constituant une appréciation critique des contrôles effectués par l’organisme payeur, et ce malgré l’intitulé du point 1.2 auquel il figure. En effet, la formulation dudit passage laisse clairement entendre que la Commission a uniquement des doutes quant à la méthode de paiement du prix minimal en tant que telle et non quant aux contrôles administratifs effectués. Il doit être relevé que, dans les développements consacrés au paiement du prix minimal, la Commission n’utilise nullement les termes « contrôle » ou « vérifications », ni aucun autre terme indiquant une insuffisance concernant des contrôles administratifs, comme elle le fait ultérieurement dans les autres étapes de la procédure administrative. Il n’existe, par conséquent, aucun indice relatif à d’éventuels contrôles clés déficients en ce qui concerne le paiement du prix minimal dans la communication des résultats du 14 décembre 2004.

70      Il convient d’ajouter, au demeurant, que le contenu du procès-verbal du 30 juin 2005 corrobore pleinement cette conclusion. En effet, le fait que le point 2.2 soit relatif aux « contrôles » en général et que le titre 2.3 soit relatif au « paiement du prix minimal et de l’aide au producteur et à la féculerie » confirme clairement que le paiement du prix minimal n’était pas identifié et discuté comme étant un problème de contrôle. Le même constat vaut eu égard au contenu du point 2.3 du procès-verbal du 30 juin 2005, dont il ressort à nouveau clairement que la seule déficience soulevée et discutée lors de la réunion bilatérale en ce qui concerne le paiement du prix minimal est liée à la méthode de paiement par tranches et non aux contrôles administratifs. En effet, la Commission mentionne, d’une part, que ses services « sont toujours d’avis que la méthode de paiement par tranches n’est pas conforme à l’article 11 du règlement (CE) n° 97/95 » et, d’autre part, que, « par cette méthode de [payement], l’AVEBE préfinance ses opérations » (voir point 13 ci-dessus). Là encore, la Commission n’utilise nullement les termes « contrôle » ou « vérifications », ni aucun autre terme indiquant une insuffisance concernant des contrôles.

71      Eu égard aux considérations qui précèdent, il ne saurait être valablement soutenu, comme l’a fait à nouveau la Commission à plusieurs reprises lors de l’audience, que le passage de la communication des résultats du 14 décembre 2004 relatif au prix minimal pourrait être considéré comme une identification, et, en tout état de cause, comme une identification suffisamment précise, des irrégularités reprochées à la République fédérale d’Allemagne qui ont fondé la correction financière au sens, notamment, de l’arrêt Espagne/Commission, point 55 supra (EU:C:2012:266).

72      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que, s’agissant des exercices 2003 à 2005, sur lesquelles portent les contestations de la République fédérale d’Allemagne, la communication des résultats du 14 décembre 2004 n’identifie pas de manière suffisamment précise, au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 51 à 59 ci-dessus, les irrégularités reprochées à l’État membre ayant fondé la correction financière en l’espèce. Ainsi, ladite communication ne saurait être invoquée au soutien de la correction financière imposée à la République fédérale d’Allemagne par la décision attaquée. Il est donc constant que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent si la République fédérale d’Allemagne avait eu connaissance des irrégularités et si elle avait eu l’occasion d’y remédier.

73      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a donc lieu d’accueillir le troisième moyen, de sorte qu’il convient d’annuler la décision attaquée en ce que la Commission a procédé à une correction financière fondée sur un grief relatif à la non-exécution d’un contrôle clé, à savoir le contrôle du respect de la condition relative au paiement du prix minimal, alors même que les autorités allemandes n’ont pas bénéficié de la garantie procédurale qui leur était accordée par l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et par l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95.

74      Compte tenu du bien-fondé du troisième moyen, il n’y a pas lieu d’examiner les deuxième, quatrième et cinquième moyens. Il en va de même du premier moyen, qui, en tout état de cause, est inopérant. En effet, ce dernier étant dirigé contre un grief qui n’est pas à la base de la correction financière, quand bien même il serait fondé, il ne saurait conduire à l’annulation de la décision attaquée.

75      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu de faire droit au recours et d’annuler la décision attaquée en ce que la Commission a appliqué à la République fédérale d’Allemagne une correction financière dans le cadre du régime européen de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre pour les exercices 2003 à 2005.

 Sur les dépens

76      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la République fédérale d’Allemagne. Toutefois, en vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Il s’ensuit que le Royaume des Pays-Bas supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision d’exécution 2013/433/UE de la Commission, du 13 août 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), est annulée en ce qu’elle applique une correction financière à la République fédérale d’Allemagne, dans le cadre du régime européen de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre, pour les exercices 2003 à 2005.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

3)      Le Royaume des Pays-Bas supportera ses propres dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 septembre 2015.

Signatures



Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige et décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Observations liminaires

Sur le troisième moyen d’annulation

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.