Language of document : ECLI:EU:T:2018:699

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

18 octobre 2018 (*)

« Concours financier – Projets d’intérêt commun dans le domaine des réseaux transeuropéens de l’énergie – Détermination du montant final du concours financier – Rapport d’audit identifiant des irrégularités – Coûts non éligibles – Obligation de motivation – Confiance légitime – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑387/16,

Terna – Rete elettrica nazionale SpA, établie à Rome (Italie), représentée par Mes A. Police, L. Di Via, F. Degni, F. Covone et D. Carria, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes O. Beynet, L. Di Paolo, MM. A. Tokár et G. Gattinara, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des lettres des 6 juillet 2015, 23 mai et 14 juin 2016 de la Commission relatives à certains coûts exposés dans le cadre de deux projets dans le domaine des réseaux énergétiques transeuropéens (Projets 209-E255/09-ENER/09/TEN-E-S 12.564583 et 2007-E221/07/2007-TREN/07TEN-E-S 07.91403) à la suite du concours financier octroyé par la Commission à la requérante,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme I. Labucka et M. I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Terna – Rete Elettrica Nazionale SpA, est une société établie en Italie, active dans le secteur de la transmission et de la distribution d’énergie électrique à haute tension.

2        La requérante est actionnaire à 42,68 % de CESI SpA, société qui opère dans le secteur de l’essai et de la certification d’appareils électromécaniques et du conseil sur les systèmes électriques.

3        Conformément à la décision no 1364/2006/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, établissant des orientations relatives aux réseaux transeuropéens d’énergie et abrogeant la décision 96/391/CE et la décision no 1229/2003/CE (JO 2006, L 262, p. 1), la Commission des Communautés européennes a publié, le 15 juin 2007, un appel à propositions pour l’attribution d’un concours financier dans le cadre du programme de travail annuel C(2007) 3945, du 14 août 2007, en matière de subventions dans le domaine des réseaux transeuropéens de l’énergie.

4        Conformément à l’article 9 du règlement (CE) no 680/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2007, déterminant les règles générales pour l’octroi d’un concours financier communautaire dans le domaine des réseaux transeuropéens de transport et d’énergie (JO 2007, L 162, p. 1), à la suite de chaque appel à propositions sur la base des programmes de travail pluriannuels ou annuels visés à l'article 8, paragraphe 1, du même règlement, la Commission décide du montant du concours financier à octroyer aux projets ou aux parties de projets sélectionnés et précise les conditions et modalités de leur mise en œuvre.

5        Par la décision C(2008) 7941, du 2 décembre 2008 (ci-après la « décision du 2 décembre 2008 »), la Commission a sélectionné, parmi les programmes susceptibles de bénéficier du concours financier, le projet d’intérêt commun « Transmission d’énergie électrique en courant continu entre l’Italie et la France par les infrastructures routières » (ci-après le « projet E 221 »). Par cette décision, la requérante s’est vu octroyer un concours financier maximal de 1 542 600 euros.

6        Par la décision C(2010) 3360, du 21 mai 2010 (ci-après la « décision du 21 mai 2010 »), la Commission a sélectionné, parmi les programmes susceptibles de bénéficier du concours financier, le programme d’intérêt commun « Étude de faisabilité pour une nouvelle interconnexion électrique transfrontalière méridionale Italie – France au moyen d’infrastructures autoroutières » (ci-après le « projet E 255 »). Par ladite décision, la requérante s’est vu octroyer un concours financier maximal de 500 000 euros.

7        L’exécution des projets E 221 et E 255 a vu apparaître la nécessité d’acquérir des services relatifs à des activités que la requérante ne pouvait pas exécuter au moyen de ses propres ressources. La requérante a donc confié à CESI l’exécution de ces services. Plus précisément, dans le cadre des projets E 221 et E 255, la requérante a attribué, directement à CESI sur la base d’une procédure négociée, la réalisation de sept tâches ayant pour objet la fourniture de services de recherche, de développement et de support spécialisé, et relevant des accords-cadres no 3000029140, no 3000034279 et no 6000001506 souscrits avec CESI par le biais d’une dérogation aux règles de passation des marchés publics, sur la base de l’existence de raisons techniques, respectivement le 17 avril 2009, le 27 mai 2010 et le 8 avril 2011 (ci-après les « tâches en cause »).

8        Les projets E 221 et E 255 achevés, la Commission, par lettre du 5 novembre 2012, a informé la requérante qu’une société d’audit externe (ci-après la « société d’audit ») allait procéder à l’audit financier des coûts déclarés par la requérante dans le cadre de ces projets. La Commission a précisé que les résultats de l’audit financier seraient appréciés par les services compétents afin d’effectuer l’ajustement des coûts réclamés par la requérante et que, si ces ajustements se révélaient être favorables à la Commission, ils pourraient avoir une incidence sur les futurs versements ou donner lieu à l’émission d’ordres de recouvrement à concurrence du montant payé en trop.

9        Par lettre du 13 juin 2013, la société d’audit a transmis le projet de rapport d’audit à la requérante. Le projet de rapport d’audit informait la requérante que certains coûts exposés à l’occasion de la réalisation des projets E 221 et E 255 ne pouvaient pas être considérés comme étant éligibles. Concrètement, concernant les coûts externes relevant des tâches en cause, le projet d’audit constatait que ceux-ci ne pouvaient pas être considérés comme étant éligibles étant donné que, conformément aux indications fournies par la Commission, l’attribution de contrats à des sociétés appartenant au même groupe ne serait permise que moyennant la soustraction, des coûts supportés, de tout bénéfice d’entreprise réalisé par l’exécutant. Or, CESI avait fourni les services à la requérante aux conditions de marché obtenant ainsi une marge bénéficiaire. La requérante a été invitée à exprimer son accord ou à formuler d’éventuelles observations.

10      La requérante a formulé ses observations par lettre du 5 juillet 2013. À cet égard, la requérante a fait valoir l’inexistence de toute forme de contrôle sur CESI et la pleine conformité de l’attribution des tâches en cause à cette société aux principes imposés par la réglementation européenne et nationale. Plus précisément, la requérante a fait valoir que l’attribution de ces tâches, sans une procédure de mise en concurrence préalable, à CESI, avait été faite en raison des dérogations prévues à l’article 40, paragraphe 3, sous c), e) et i), de la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JO 2004, L 134, p. 1), à savoir l’existence de raisons techniques en vertu desquelles le contrat ne pouvait être exécuté que par un seul opérateur économique déterminé, les difficultés techniques découlant de l’éventuelle acquisition de nouvelles fournitures entraînant une augmentation excessive et disproportionnée des coûts, et l’existence d’un accord-cadre avec CESI.

11      Par lettre du 18 juin 2014, la Commission a transmis à la requérante le rapport d’audit définitif (ci-après le « rapport d’audit ») réalisé par la société d’audit. Le rapport d’audit reproduisait quasi toutes les conclusions initiales du projet de rapport d’audit, acceptait certains des coûts réclamés par la requérante et formulait des considérations à la lumière des observations de la requérante. La requérante a été invitée à formuler d’éventuelles observations dans un délai de deux semaines à compter de la réception de la lettre, en l’absence desquelles la Commission émettrait deux notes de débit en vue du recouvrement d’un montant de 414 101,72 euros pour le projet E 221 et de 80 769,67 euros pour le projet E 255.

12      Par lettre du 15 juillet 2014, la requérante a répondu à la lettre de la Commission en fournissant de nouvelles explications. La requérante, tout en prenant acte du fait qu’une grande partie de ses observations précédentes avaient été accueillies, a contesté les conclusions auxquelles était parvenu le rapport d’audit concernant les coûts directs externes relevant des tâches en cause. La requérante a insisté sur le fait qu’elle n’exerçait aucun type de contrôle sur CESI, qui était uniquement une société à laquelle elle était associée, mais sur laquelle elle n’exerçait aucun pouvoir de direction ou de coordination, conformément à l’article 2497 du code civil italien. En outre, la requérante a expliqué les raisons qui l’avaient conduite à utiliser une procédure sans mise en concurrence préalable pour l’attribution des tâches en cause à CESI, sur la base des dérogations prévues à l’article 40, paragraphe 3, sous c), e) et i), de la directive 2004/17.

13      À la suite de la réponse fournie par la requérante par la lettre du 15 juillet 2014, la Commission a ordonné un complément d’instruction. Par courriel du 13 février 2015, elle a demandé à la requérante de lui fournir des explications complémentaires sur les procédures ayant donné lieu à l’attribution à CESI, sans une procédure de mise en concurrence préalable, des accords-cadres nos 3000034279 et 6000001506. Concrètement, la Commission a demandé une explication quant au renvoi à l’article 40, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/17 pour justifier la nature d’unique opérateur économique déterminé de CESI, en raison de la spécificité technique du marché. En outre, la Commission a signalé que l’exception prévue à l’article 40, paragraphe 3, sous e), de la directive 2004/17 n’était pas applicable en l’espèce étant donné que le marché en cause était un marché de services et non de fournitures.

14      Par courriel du 23 mars 2015, la requérante a répondu aux demandes de la Commission. La requérante a insisté sur le fait qu’elle n’exerçait aucun pouvoir de contrôle, de direction ou de coordination sur CESI et a fait valoir que, par lettre du 5 juillet 2013, elle avait déjà fait part à la Commission du cadre légal qui lui avait permis d’attribuer directement, sans une procédure de mise en concurrence préalable, les tâches en cause à CESI, à savoir l’article 40 de la directive 2004/17, qui dans certains cas, permettait de recourir à une procédure sans mise en concurrence préalable. La requérante a déclaré que CESI, en raison de l’utilisation d’outils ou de logiciels spécifiques développés conjointement avec elle-même, était le seul opérateur économique susceptible de fournir les services relevant des tâches en cause, étant donné que le fait de faire appel à d’autres opérateurs économiques aurait entraîné des coûts supplémentaires, des délais plus longs et un risque de perte d’informations dans l’exécution de ces services.

15      Par lettre du 6 juillet 2015, la Commission, tout en prenant acte des informations recueillies lors du complément d’instruction et en constatant que CESI n’était pas une société contrôlée par la requérante, mais une société associée à celle-ci et sur laquelle la requérante n’exerçait aucune forme de direction ou de coordination, a changé sa position et a informé la requérante que les coûts dérivés des tâches en cause, attribuées directement à CESI, ne pouvaient pas être considérés comme éligibles non en raison du non-respect des indications de la Commission concernant l’attribution de contrats à des sociétés appartenant au même groupe, mais en raison du non-respect des règles applicables en matière de passation de marchés publics. À cet égard, la Commission a constaté que la requérante aurait pu attribuer directement à CESI les tâches en cause, sans passer au préalable par une procédure de mise en concurrence, en vertu de l’article 40, paragraphe 3, sous i), de la directive 2004/17, uniquement si les accords-cadre desquels relevaient ces tâches avaient été passés conformément à cette directive. La Commission a également constaté que la requérante n’avait pas satisfait à la charge de la preuve visée à l’article 40, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/17, puisqu’elle n’avait pas démontré que, en raison des capacités techniques propres aux services relevant des accords-cadres confiés à CESI, cette dernière était la seule société à laquelle la requérante pouvait attribuer ces accords-cadres. Enfin, la Commission a signalé que l’exception prévue à l’article 40, paragraphe 3, sous e), de la directive 2004/17 n’était pas applicable en l’espèce étant donné qu’elle concernait exclusivement les marchés de fournitures. La Commission a annoncé que, dans un délai d’un mois, elle émettrait deux notes de débit, l’une d’un montant de 414 101,72 euros, concernant le projet E 221, et l’autre d’un montant de 80 769,67 euros, concernant le projet E 255.

16      Le 21 septembre 2015, la requérante a introduit devant le Tribunal un recours visant à obtenir l’annulation de la lettre du 6 juillet 2015. Ce recours a été enregistré au Tribunal sous la référence T‑544/15.

17      Par lettre du 23 mai 2016, la direction générale (DG) « Énergie » de la Commission, en poursuivant la procédure de récupération des montants qui lui étaient dus, a informé la requérante que ses arguments avaient été de nouveau examinés en collaboration avec des membres du personnel compétent d’autres directions générales. Par cette lettre, la Commission a confirmé les conclusions énoncées dans la lettre du 6 juillet 2015 et a annoncé que, dans un délai d’un mois, elle émettrait deux notes de débit en vue du recouvrement d’un montant de 414 101,72 euros, concernant le projet E 221, et d’un montant de 80 769,67 euros, concernant le projet E 255.

18      Par lettre du 14 juin 2016, la Commission a transmis à la requérante deux notes de débit d’un montant de 414 101,72 euros, concernant le projet E 221, et de 80 769,67 euros, concernant le projet E 255.

19      Par ordonnance du 13 septembre 2016, Terna/Commission (T‑544/15, non publiée, EU:T:2016:513), le Tribunal a rejeté le recours introduit dans l’affaire en cause comme manifestement irrecevable.

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal, le 20 juillet 2016, la requérante a introduit le présent recours.

21      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 4 octobre 2016, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

22      La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 16 novembre 2016.

23      Par ordonnance du 17 février 2017 du président de la cinquième chambre du Tribunal, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond.

24      En vertu de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, en l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure, le Tribunal peut décider de statuer sur le recours sans phase orale de la procédure. En l’espèce, Le Tribunal s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, a décidé, en l’absence d’une telle demande, de statuer sans phase orale de la procédure.

25      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les lettres du 6 juillet 2015, du 23 mai et du 14 juin 2016 (ci-après les « actes attaqués ») ;

–        joindre la présente procédure à l’affaire T‑544/15, conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable et à titre subsidiaire, rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

27      La demande de jonction de la présente affaire à l’affaire T‑544/15 est devenue sans objet et il n’y a donc plus lieu de statuer sur le deuxième chef de conclusions de la requérante, étant donné que, par ordonnance du 13 septembre 2016, Terna/Commission (T‑544/15, non publiée, EU:T:2016:513), le Tribunal a rejeté le recours introduit dans l’affaire en cause comme manifestement irrecevable.

 En droit

 Sur l’exception d’irrecevabilité

28      La Commission excipe de l’irrecevabilité du recours au motif que les actes attaqués ne constituent pas des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE. La Commission fait valoir à cet égard que les actes attaqués ne constituent pas des actes fixant définitivement sa position, ni des actes définitifs, mais qu’il s’agit d’actes préparatoires à une éventuelle procédure de recouvrement. La Commission soutient que seule une décision éventuelle et ultérieure à l’émission de la note de débit pourrait faire l’objet d’un recours en annulation.

29      La requérante conteste les arguments de la Commission et fait valoir que les actes attaqués constituent des actes définitifs qui produisent des effets juridiques obligatoires, tels que la restitution de sommes, de nature à affecter ses intérêts en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique. À cet égard, tout d’abord, elle soutient que la Commission ne tient pas compte du paiement qu’elle a effectué, sous réserve, le 12 août 2016, des sommes demandées par la Commission, afin d’éviter de faire courir des intérêts moratoires, et que, dès lors, dans cette situation, la Commission n’adoptera pas une décision ultérieure, seul acte attaquable selon elle-même. Ensuite, la requérante soutient que, si les actes attaqués ne sont pas susceptibles de recours en vertu de l’article 263 TFUE, le seul acte attaquable serait celui que la Commission adopterait à l’expiration du délai imparti pour le paiement de la note de débit, c’est-à-dire lorsque la sanction moratoire est applicable, et que cela serait contraire aux principes les plus élémentaires de droit. Enfin, la requérante soutient que, en cas de rejet du recours pour irrecevabilité, le Tribunal la priverait de son droit à une protection juridictionnelle effective.

30      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9 ; du 5 octobre 1999, Pays-Bas/Commission, C‑308/95, EU:C:1999:477, point 26, et du 29 janvier 2002, Van Parys et Pacific Fruit Company/Commission, T‑160/98, EU:T:2002:18, point 60).

31      Plus particulièrement, lorsqu’il s’agit d’actes dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, il résulte de cette même jurisprudence que, en principe, ne constituent un acte attaquable que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion de mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 10, et du 14 décembre 2006, Allemagne/Commission, T‑314/04 et T‑414/04, non publié, EU:T:2006:399, point 38).

32      En l’espèce, il convient de relever que, ainsi que cela est rappelé au point 4 ci-dessus, conformément à l’article 9 du règlement no 680/2007, à la suite de chaque appel à propositions pour l’attribution d’un concours financier, la Commission décide du montant du concours financier à octroyer aux projets ou aux parties de projets sélectionnés et précise les conditions et modalités de leur mise en œuvre.

33      Ainsi, les actes attaqués s’inscrivent dans le contexte des décisions du 2 décembre 2008 et du 21 mai 2010, liant la Commission et la requérante. Ces décisions de la Commission impliquent une acceptation des propositions soumises, à savoir une concordance des volontés de ceux qui proposent, d’une part, et de la Commission, d’autre part, sans pour autant que le règlement no 680/2007 ne prévoit que cette concordance de volontés prenne la forme d’un contrat.

34      Dans un tel contexte, les lettres de la Commission des 23 mai et 14 juin 2016 dans le cadre desquelles cette dernière formule, de manière définitive, des prétentions à l’encontre du bénéficiaire de l’aide, sur le fondement de la décision d’octroi du concours financier, ne peuvent qu’être qualifiées d’actes attaquables lorsqu’elles définissent les montants que la Commission estime devoir recouvrer auprès du bénéficiaire du concours et que ce dernier rembourse, sous réserve de l’introduction d’un recours, en se pliant ainsi à la volonté de la Commission.

35      Par ailleurs, étant donné que le remboursement a été effectué, la Commission n’adoptera pas une éventuelle décision, postérieure à l’émission de la note de débit. Dès lors, priver la requérante de pouvoir contester les sommes remboursées risquerait de porter atteinte à son droit à un recours effectif. Il serait donc contraire au droit à une bonne administration d’inciter la requérante de ne pas payer les montants dus dans la note de débit pour qu’une éventuelle décision, postérieure à l’émission de la note de débit, soit adoptée et soit attaquable sur le fondement de l’article 263 TFUE.

36      Il résulte de ce qui précède que l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission doit être écartée en ce qui concerne la lettre du 14 juin 2016, qui sert de lettre de couverture des notes de débit mentionnées au point 18 ci-dessus et la lettre du 23 mai 2016, en vertu de laquelle la DG « Énergie » de la Commission a fixé la position définitive de cette institution relative au fond de l’affaire, après avoir examiné une dernière fois les arguments de la requérante en consultant également le personnel compétent d’autres directions générales. En revanche, le recours doit être rejeté comme irrecevable en tant qu’il est dirigé contre la lettre du 6 juillet 2015, qui a déjà fait l’objet d’un recours rejeté en vertu de l’ordonnance du 13 septembre 2016, Terna/Commission (T‑544/15, non publiée, EU:T:2016:513) (voir points 16 et 19 ci-dessus), cette ordonnance étant devenue définitive.

 Sur le fond

37      À l’appui de son recours, la requérante soulève quatre moyens, le premier tiré, en substance, d’un défaut d’instruction et de motivation des actes attaqués, d’une application erronée des articles 14 et 37 de la directive 2004/17 et d’une application erronée de l’article III.3.7, paragraphes 1, 4 et 6, de l’annexe III des décisions du 2 décembre 2008 et du 21 mai 2010 ; le deuxième, d’une application erronée de l’article 40, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/17 ; le troisième, de la violation du principe de protection de la confiance légitime et le quatrième, soulevé à titre subsidiaire, de la violation du principe de proportionnalité.

38      À titre liminaire, il convient de relever que, à plusieurs reprises dans la requête, la requérante a fait valoir que les tâches en cause auraient dû être examinées indépendamment des accords-cadres, souscrits avec CESI entre 2009 et 2011, desquels elles relèvent. La requérante considère que cette erreur de fond a conditionné l’analyse ultérieure de la Commission, dans la mesure où des considérations à caractère économique, certainement pertinentes pour ce qui est de la conclusion des accords-cadres, ne le sont pas en ce qui concerne les tâches en cause, ce qui a mené à ce que les coûts liés à ces tâches ne soient pas considérés comme étant éligibles.

39      En l’espèce, premièrement, il convient de constater que la requérante se contredit, à cet égard, dans la requête. Si à plusieurs reprises elle conteste le lien entre les tâches en cause et les accords-cadres, à d’autres reprises elle fait valoir que ces tâches sont liées et relèvent des accords-cadres. En effet, la requérante, dans la requête, délimite elle-même ce rapport en faisant valoir que les tâches en cause doivent être appréciées dans le cadre plus large des relations existant entre elle-même et CESI, régies par les accords-cadres qu’elles ont conclu entre 2009 et 2011. En outre, la requérante, dans le cadre de son troisième moyen, fait valoir que la légalité de l’attribution directe des tâches en cause résultait précisément de la non-contestation par la Commission de l’attribution sans une procédure de mise en concurrence de l’accord cadre no 3000034279 duquel relèvent ces tâches. En revanche, la requérante affirme également dans la requête que les accords-cadres sont sans pertinence au regard des projets E 221 et E 255 et que, dès lors, la Commission aurait dû se limiter à examiner uniquement les attributions directes à CESI des tâches en cause au-delà des accords-cadres. Partant, il résulte de ce qui précède que la requérante ne saurait reprocher à la Commission, d’une part, de s’être focalisée uniquement sur la légalité des accords-cadres et, d’autre part, de faire découler la légalité de chaque attribution directe des tâches en cause précisément de la légalité en amont des accords-cadres.

40      Deuxièmement, il convient de relever que la définition de l’accord-cadre contenue à l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2004/17 établit qu’un accord-cadre est un accord par lequel l’entité adjudicatrice définit, avec un ou plusieurs opérateurs économiques, les termes régissant les marchés à passer au cours d’une période donnée, notamment en ce qui concerne le prix et, le cas échéant, les quantités envisagées. Il ressort de cette définition que les marchés fondés sur les accord-cadres sont attribués dans les conditions fixées dans l’accord-cadre et que l’ensemble des marchés passés pendant la durée totale de l’accord-cadre sont intrinsèquement liés à l’accord-cadre qui déterminera les prix, les quantités et les conditions.

41      Troisièmement, il convient de relever que, conformément à l’article 17, paragraphe 2, de la directive 2004/17, les entités adjudicatrices ne peuvent pas contourner l’application de cette directive en scindant les projets d’ouvrage ou les projets d’achat visant une certaine quantité.

42      Dès lors, à la lumière de la directive 2004/17 et en raison de l’étroite relation entre les accords-cadres et les tâches en cause, attribuées directement à CESI sur la base de ces derniers, une appréciation de la légalité de l’attribution des tâches en cause, indépendamment de l’attribution des accords-cadres auxquels elles sont inévitablement et intrinsèquement liées, serait clairement contraire à cette directive.

43      Par conséquent, la Commission a correctement apprécié la légalité de l’attribution directe des tâches en cause à CESI en étroite connexion avec l’attribution des accords-cadres dont elles dépendaient.

44      C’est à la lumière de ces considérations préliminaires qu’il convient d’examiner les moyens soulevés à l’appui du recours.

 Sur le premier moyen, tiré, en substance, d’un défaut d’instruction et de motivation des actes attaqués, d’une application erronée des articles 14 et 37 de la directive 2004/17 et d’une application erronée de l’article III.3.7, paragraphes 1, 4 et 6, de l’annexe III des décisions du 2 décembre 2008 et du 21 mai 2010

45      Ce moyen se compose, en substance, de trois branches, tirées, la première, d’un défaut d’instruction et de motivation des actes attaqués, la deuxième, d’une application erronée des articles 14 et 37 de la directive 2004/17 et, la troisième, d’une application erronée de l’article III.3.7, paragraphes 1, 4 et 6, de l’annexe III des décisions du 2 décembre 2008 et du 21 mai 2010, en raison d’une application excessivement formelle de la directive 2004/17.

–       Sur la première branche du premier moyen, tirée d’un défaut d’instruction et de motivation des actes attaqués

46      La requérante considère, en substance, que les actes attaqués se révèlent être entachés d’un défaut d’instruction et d’une insuffisance de motivation, car la Commission s’est fondée sur une lecture erronée des dispositions applicables et sur un encadrement incorrect du rapport entre les tâches en cause et les accords-cadres.

47      À cet égard, la requérante fait valoir qu’elle a toujours invoqué à titre alternatif et non cumulatif la dérogation visée à l’article 40, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/17, visant uniquement les tâches en cause, et celle visée à l’article 40, paragraphe 3, sous i), de ladite directive, visant les accords-cadres. La requérante considère que la Commission aurait dû apprécier s’il existait une spécificité technique, au sens de l’article 40, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/17, justifiant l’attribution sans une procédure de mise en concurrence préalable, au regard de ces tâches et non au regard des accords-cadres.

48      En outre, la requérante fait valoir le caractère manifestement erroné de la succincte motivation exposée par la Commission au motif que cette dernière n’a jamais formulé de réponse aux observations qu’elle avait fournies concernant l’existence de raisons techniques justifiant l’attribution, sans une procédure de mise en concurrence préalable, des tâches en cause à CESI.

49      Enfin, la requérante soutient que la Commission a exclu de façon erronée du remboursement demandé par la requérante les coûts relatifs aux tâches en cause attribuées directement à CESI, en se fondant sur la supposition que les accords-cadres auxquels renvoient lesdites tâches auraient été conclus sans une procédure de mise en concurrence préalable, en violation des règles de l’Union européenne en matière de passation de marchés publics.

50      La Commission conteste les arguments de la requérante.

51      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe de respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 49 et jurisprudence citée).

52      La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 50 et jurisprudence citée).

53      Cependant, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, points 53 et 54 et jurisprudence citée).

54      En premier lieu, il convient de relever, ainsi que cela est exposé aux points 39 à 43 ci-dessus, que la Commission a correctement apprécié la légalité de l’attribution directe des tâches en cause à CESI en étroite connexion avec l’attribution des accords-cadres dont elles dépendaient. Il s’ensuit que les griefs de la requérante portant sur un encadrement incorrect du rapport entre les tâches en cause et les accords-cadres sont dénués de fondement.

55      En deuxième lieu, il ressort des actes attaqués que la Commission a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que les coûts, relevant des tâches en cause attribuées directement à CESI dans le cadre des projets E 221 et E 255, étaient considérés comme inéligibles et que les raisons exposées par la requérante pour déroger aux règles de passation de marchés publics n’étaient ni techniquement ni légalement acceptables. Ainsi, par lettre du 6 juillet 2015, la Commission a indiqué que ces tâches n’avaient pas fait l’objet d’une procédure de mise en concurrence lors de leur attribution et que, dès lors, la possibilité pour la requérante de les attribuer directement à CESI dépendait de la compatibilité de la procédure suivie pour la conclusion des accords-cadres, desquels relèvent les tâches en cause, avec la directive 2004/17, conformément à l’article 14, paragraphes 2 et 3, de cette directive. La Commission a fait valoir à cet égard que les explications fournies par la requérante, tirées du caractère technique des prestations attendues, n’étaient pas de nature à justifier l’attribution directe des accords-cadres. En outre, par lettre du 23 mai 2016, la Commission a indiqué, à la requérante, que les explications avancées n’étaient pas de nature à modifier les appréciations portées dans la lettre du 6 juillet 2015, lesquelles devaient être considérées comme définitives et a annoncé que, dans un délai d’un mois, elle émettrait deux notes de débit en vue du recouvrement d’un montant de 414 101,72 euros pour le projet E 221 et d’un montant de 80 769,67 euros pour le projet E 255. Enfin, la Commission a fait parvenir à la requérante deux notes de débit le 14 juin 2016.

56      Il résulte de ce qui précède que les actes attaqués sont l’aboutissement d’un échange épistolaire au cours duquel la Commission a exposé à suffisance de droit les circonstances de droit et de fait sur lesquelles elle a fondé ses décisions et a répondu à l’ensemble des remarques formulées par la requérante. Dès lors, les actes attaqués sont intervenus dans un contexte qui a permis à la requérante de comprendre la portée des mesures prises à son égard et sont, par la suite, suffisamment, motivés.

57      Enfin, la question de savoir si la conclusion d’un accord-cadre en violation des règles de l’Union en matière de passation de marchés publics n’est pas de nature à exclure les coûts relatifs aux tâches relevant de cet accord-cadre relève de l’examen au fond de l’affaire et non de la forme des actes attaqués. Dès lors, de telles considérations, à les supposer suffisamment précises, sont inopérantes dans le cadre du grief tiré du défaut de motivation et ne sauraient être que rejetées.

58      Il résulte de ce qui précède que la première branche du premier moyen doit être écartée.

–       Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une application erronée des articles 14 et 37 de la directive 2004/17

59      La requérante soutient que la Commission a conclu à tort que le recours à la sous-traitance fournirait des éléments propres à exclure l’existence de raisons techniques qui justifieraient l’attribution de marchés sans une procédure de mise en concurrence, conformément à l’article 40, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/17. La requérante considère, à cet égard, que la disposition prévoyant la sous-traitance, à savoir l’article 37 de la directive 2004/17, n’exclut pas de son champ d’application les marchés attribués sans une procédure de mise en concurrence préalable et que, d’une façon analogue, l’article 40 de la directive 2004/17 ne prévoit pas que, en cas d’attribution directe sans une procédure de mise en concurrence, l’opérateur économique déterminé soit tenu d’exécuter personnellement toutes les prestations faisant l’objet du marché.

60      La requérante ajoute que, en tout état de cause, le recours à la sous-traitance n’a eu lieu que concernant une seule des tâches en cause et aurait été prévu en faveur d’un nombre restreint d’opérateurs et pour des activités purement secondaires et accessoires, d’une incidence minoritaire, qui ne revêtiraient aucune importance particulière dans l’exécution de ladite tâche. En outre, la requérante fait valoir que les prestations effectuées par le sous-traitant étaient différentes de celles ayant une spécificité technique.

61      La Commission conteste les arguments de la requérante.

62      Il convient de rappeler que, si l’article 37 de la directive 2004/17 permet aux entités adjudicatrices de sous-traiter à des tiers une part du marché en cause, l’article 40, paragraphe 2, de cette directive établit que les entités adjudicatrices peuvent choisir entre une procédure ouverte, restreinte ou négociée pour passer leurs marchés pour autant qu’une mise en concurrence ait été effectuée. En outre, l’article 40, paragraphe 3, sous c), de cette directive dispose que les entités adjudicatrices peuvent recourir à une procédure sans mise en concurrence lorsque, en raison de sa spécificité technique, le marché ne peut être exécuté que par un opérateur économique déterminé.

63      En l’espèce, il convient de relever que le recours à d’autres opérateurs économiques en vue de la fourniture d’un service exclut en soi que cette prestation puisse relever de la dérogation prévue à l’article 40, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/17. En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, l’application de l’article 40, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/17 est soumise à deux conditions cumulatives, à savoir, d’une part, qu’il existe une spécificité technique des services faisant l’objet du marché et, d’autre part, que cette spécificité technique rende absolument nécessaire d’attribuer ledit marché à un opérateur déterminé (voir, par analogie, arrêt du 2 juin 2005, Commission/Grèce, C‑394/02, EU:C:2005:336, point 34).

64      Or, les accords-cadres souscrits avec CESI, desquels relèvent les tâches en cause, autorisent le recours à la sous-traitance, les activités avec les sous-traitants correspondants étant répertoriées dans les accords-cadres. Dès lors, la requérante doit être regardée comme ayant estimé que d’autres opérateurs étaient, en principe, capables d’effectuer ces activités (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 2 juin 2005, Commission/Grèce, C‑394/02, EU:C:2005:336, point 37). Force est donc de constater qu’il n’était pas absolument nécessaire d’attribuer ces accords-cadres à CESI, cette dernière n’étant pas l’unique opérateur disposant du savoir-faire pour effecteur les prestations en cause.

65      Par conséquent, il ne saurait être soutenu que le recours à d’autres opérateurs, même s’il s’agit d’un cas marginal, d’un nombre restreint d’opérateurs ou d’activités secondaires, n’exclut pas que la prestation puisse relever de la dérogation prévue à l’article 40, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/17.

66      Dans ces conditions, la deuxième branche du premier moyen doit être écartée.

–       Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une application erronée de l’article III.3.7, paragraphes 1, 4 et 6, de l’annexe III des décisions du 2 décembre 2008 et du 21 mai 2010

67      La requérante fait valoir une application erronée de l’article III.3.7, paragraphes 1, 4 et 6, de l’annexe III des décisions du 2 décembre 2008 et du 21 mai 2010, en raison d’une application excessivement formelle de la directive 2004/17.

68      À cet égard, la requérante soutient que l’article III.3.7, paragraphe 1, de l’annexe III des décisions du 2 décembre 2008 et du 21 mai 2010 ne prévoit pas l’obligation de recourir à des procédures préalables ouvertes ou restreintes pour l’adjudication des marchés, mais exige simplement un devoir plus général d’exposer des coûts « raisonnables et justifiés, respectant les exigences de la bonne gestion financière, notamment en matière d’économie et d’efficience ». La requérante fait valoir que, bien qu’ayant légitimement omis de lancer une procédure de mise en concurrence au sens propre pour l’attribution des contrats à CESI, elle a mené à bien une négociation approfondie avec CESI en obtenant de cet opérateur des remises conséquentes. Dès lors, la requérante fait grief à la Commission d’avoir fait une application excessivement formelle de la directive 2004/17 dans la mesure où cette dernière se serait limitée à constater que les coûts découlant des contrats attribués directement à CESI n’étaient pas éligibles du seul fait qu’ils avaient été attribués sans une procédure de mise en concurrence préalable, sans vérifier au fond si ces contrats étaient avantageux ou non d’un point de vue économique et si les coûts étaient raisonnables et justifiés.

69      La Commission conteste les arguments de la requérante.

70      Il convient de relever que le principe de mise en concurrence des offres est à la base de tous les marchés publics financés intégralement ou partiellement par le budget de l’Union, de même que les principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que cela est établi à l’article 102 du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1).

71      Il convient de rappeler que les marchés en cause, étant partiellement financés par l’Union, doivent respecter les règles applicables en matière de passation de marchés publics. Parmi ces règles, l’article III.2.5 de l’annexe III des décisions du 2 décembre 2008 et du 21 mai 2010 établit le principe selon lequel, en cas d’attribution d’activités faisant l’objet de financement à des tiers, le bénéficiaire est tenu de respecter les règles applicables en matière de passation de marchés publics, prévues par la législation de l’Union. Or, conformément à l’article 40, paragraphe 2, de la directive 2004/17, pour passer leurs marchés, les entités adjudicatrices peuvent appliquer des procédures ouvertes, restreintes ou négociées pour autant que, sous réserve des exceptions prévues au paragraphe 3 de cet article, une mise en concurrence soit effectuée.

72      En l’espèce, l’efficacité en termes de coûts de l’attribution d’activités à des opérateurs externes n’exonère pas de l’obligation de respecter les dispositions de l’article III.2.5 de l’annexe III des décisions du 2 décembre 2008 et du 21 mai 2010. La requérante se fonde sur l’article III.3.7, sous f), de l’annexe III des décisions du 2 décembre 2008 et du 21 mai 2010, en alléguant que les coûts de l’action, pour être éligibles, doivent être raisonnables, justifiés et satisfaire aux principes d’une bonne gestion financière. Elle soutient que ces principes n’ont en aucun cas été violés lors de l’attribution des contrats-cadres à CESI sans une procédure de mise en concurrence préalable, étant donné que CESI lui a fait d’importantes ristournes. Toutefois, si cet aspect peut être important lors de la passation de marchés, il ne peut en aucun cas justifier l’exception aux règles de passation et ne garantit pas que l’action ait été effectuée conformément aux politiques de l’Union, notamment aux règles relatives aux marchés publics.

73      Dans ce contexte, la Commission a fait remarquer, dans ses lettres du 6 juillet 2015 et du 23 mai 2016, que l’attribution directe des accords-cadres, desquels relèvent les tâches en cause, n’était pas justifiée par des arguments fondés sur la spécificité technique du marché, selon laquelle le marché ne peut être exécuté que par un opérateur économique déterminé. Dès lors, en raison du non-respect des règles prévues par la législation de l’Union applicables en matière de marchés publics lors de l’attribution directe desdits accords-cadres sans une procédure de mise en concurrence préalable, les coûts relevant des tâches en cause ne peuvent pas être considérés comme étant éligibles, même s’ils sont raisonnables et justifiés.

74      Il résulte de ce qui précède que la troisième branche du premier moyen doit être écartée et, par conséquent, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’application erronée de l’article 40, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/17

75      La requérante soutient que le fait d’avoir confié à CESI, sans une procédure de mise en concurrence préalable, les services qu’elle ne pouvait pas exercer au moyen de ses propres ressources constituait en réalité une décision qui s’imposait étant donné que CESI était l’unique opérateur en mesure d’accomplir ces services. La requérante affirme, ainsi, que le choix de CESI relevait de l’exception prévue à l’article 40, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/17.

76      La requérante considère avoir fourni les indications et justifications précises sur la portée des spécifications techniques des services attribués directement à CESI permettant de démontrer les raisons pour lesquelles l’attribution à CESI était nécessaire et, en tout état de cause, économiquement plus avantageuse. À cet égard, la requérante soutient que CESI est le seul opérateur capable de fournir le support nécessaire grâce aux compétences qu’il détient dans la gestion ou l’utilisation des logiciels Spira, Promed, Sicre et Wcreso et de l’outil Grare, utilisés dans le cadre de l’accord-cadre no 3000034279, relatif au projet E 255, et de l’accord-cadre no 3000029140, relatif au projet E 221. Plus précisément, la requérante soutient qu’un contrat conclu avec un autre éventuel opérateur économique l’aurait été à des conditions moins avantageuses, que les délais d’exécution auraient été plus longs et que certaines erreurs auraient pu être commises ou que des informations auraient pu être perdues.

77      Par ailleurs, la requérante considère que, selon la jurisprudence, la continuité de projets complexes constitue une raison technique valable pour l’attribution directe à un opérateur déterminé. À cet égard, elle soutient avoir démontré qu’il n’existait pas d’alternatives raisonnables à l’attribution directe des tâches en cause à CESI et a, en raison du lien existant entre les tâches en cause et les activités précédemment effectuées dans le cadre des accords-cadres, attribué ces tâches à CESI sans une procédure de mise en concurrence préalable.

78      La Commission conteste les arguments de la requérante.

79      Il ressort de l’article 40, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/17 que les entités adjudicatrices peuvent recourir à une procédure sans mise en concurrence préalable notamment lorsque, en raison de sa spécificité technique, artistique ou pour des raisons tenant à la protection des droits d’exclusivité, le marché ne peut être exécuté que par un opérateur technique déterminé.

80      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que l’application de l’article 40, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/17 est soumise à deux conditions cumulatives, à savoir, d’une part, qu’il existe une spécificité technique des travaux faisant l’objet du marché et, d’autre part, que cette spécificité technique rende absolument nécessaire d’attribuer ledit marché à une entreprise déterminée (voir, par analogie, arrêt du 2 juin 2005, Commission/Grèce, C‑394/02, EU:C:2005:336, point 34).

81      Il convient également de rappeler que, en tant que dérogations aux règles relatives aux procédures de passation des marchés publics, les dispositions de l’article 20, paragraphe 2, sous c), de la directive 93/38/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO 1993, L 199, p. 84), qui contenait des règles analogues à celles énoncées à l’article 40, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/17, devaient faire l’objet d’une interprétation stricte. En outre, la charge de la preuve incombe à la partie qui souhaite se prévaloir de ces dispositions (arrêt du 2 juin 2005, Commission/Grèce, C‑394/02, EU:C:2005:336, point 33).

82      En l’espèce, la requérante fait valoir que les prestations relevant des services qu’elle n’a pas pu exercer elle-même, au moyen de ses propres ressources, relèvent de l’exception prévue à l’article 40, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/17, dans la mesure où CESI était l’unique opérateur en mesure d’accomplir ces prestations.

83      Il y a lieu de constater que la requérante, sur laquelle pèse la charge de la preuve, ne fait état d’aucune spécificité technique, ni d’aucun motif établissant qu’une telle spécificité, à supposer qu’elle existe, rendait absolument nécessaire de confier la réalisation de ces prestations à CESI. À cet égard, la requérante se borne à faire valoir la circonstance selon laquelle les activités faisant l’objet desdites prestations impliquaient l’utilisation d’un logiciel ou d’un programme déjà utilisé par elle-même et CESI conjointement. Il y a lieu de relever que, ainsi que le souligne la Commission, la circonstance que CESI utilise des logiciels dont la requérante est titulaire, certes constitue un facteur d’appréciation dans le cadre d’une comparaison avec d’autres opérateurs concurrents, mais ne peut pas justifier, au regard de la jurisprudence citée au point 80 ci-dessus, l’exclusion a priori de tout autre opérateur au motif de la prétendue compétence unique de CESI. En effet, rien n’empêcherait la requérante, dans le cas d’une offre plus avantageuse que celle de CESI, d’accorder une licence pour l’utilisation du logiciel ou du programme en cause au nouvel opérateur. Notamment, il convient de relever que la licence sur les programmes ou les logiciels ne constitue pas un droit exclusif qui imposerait l’impossibilité de recourir à d’autres opérateurs pour effectuer les activités en cause. Il ne saurait en être autrement car, si l’on pouvait invoquer les relations professionnelles antérieures avec l’entité adjudicatrice pour exclure toute procédure de mise en concurrence à l’occasion de nouveaux marchés, l’objectif d’ouverture des marchés poursuivi par la directive 2004/17 serait inévitablement compromis et cela aurait pour résultat paradoxal d’entraver la concurrence en faveur de l’exécutant.

84      En outre, en ce qui concerne les explications de la requérante tendant à justifier l’attribution directe des prestations litigieuses à CESI au motif qu’un contrat conclu avec toute autre société l’aurait été à des conditions moins avantageuses, que les délais d’exécution auraient été plus longs ou que certaines erreurs auraient pu être commises ou des informations perdues, il convient de relever que les prétendus problèmes d’adaptation lors du passage d’un fournisseur à un autre et les coûts supplémentaires que cette adaptation pourrait entraîner, invoqués par la requérante, présupposent logiquement qu’un changement d’opérateur de CESI à un autre soumissionnaire était techniquement possible. En effet, la requérante ne se réfère jamais à une cause d’incompatibilité technique qui empêcherait objectivement un autre opérateur de fournir les mêmes services, de sorte que, tel que cela est exposé au point 80 ci-dessus, il serait absolument nécessaire de choisir un seul opérateur. En tout état de cause, il convient, par ailleurs, de signaler que la requérante n’a, à aucun moment, fourni des chiffres ou des données permettant de démontrer qu’un contrat conclu avec toute autre société l’aurait été à des coûts plus élevés et avec des délais d’exécution plus longs.

85      Enfin, concernant la continuité des travaux, il convient de relever que, certes, l’objectif d’assurer la continuité des travaux afférents à des projets complexes est une considération technique dont il faut admettre l’importance. Cependant, la seule affirmation du caractère complexe et délicat d’un ensemble de travaux ne suffit pas à démontrer qu’il ne peut être confié qu’à un même opérateur (voir, par analogie, arrêt du 14 septembre 2004, Commission/Italie, C‑385/02, EU:C:2004:522, point 21). Or, en l’espèce, la requérante s’est contentée d’évoquer de manière générale que le recours à tout autre opérateur augmenterait les coûts et les délais sans fournir les explications qui permettraient de démontrer la nécessité du recours à un seul opérateur. L’absence d’autres solutions raisonnables n’est pas le critère de référence pour déterminer la légalité de l’attribution directe à un opérateur déterminé, laquelle suppose, au contraire, la nécessité absolue d’une telle attribution, ainsi que l’établit la jurisprudence. Dès lors, le lien entre les précédentes activités fournies par CESI pour la requérante, dans le cadre des accords-cadres, et les tâches en cause ne saurait constituer une raison en ce sens.

86      La requérante n’ayant pas réussi à prouver que, pour des raisons techniques, au sens de l’article 40, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/17, les accords-cadres desquels relèvent les tâches en cause pouvaient uniquement être attribués à CESI, il convient de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

87      En premier lieu, la requérante fait valoir que les actes attaqués sont contraires au principe de protection de la confiance légitime dans la mesure où la Commission a considéré comme étant non éligibles les coûts dérivés des tâches relevant de l’accord-cadre no 3000034279 qui n’a jamais été contesté par cette dernière en dépit de la publication de l’avis d’adjudication de cet accord-cadre au Journal officielde l’Union européenne, le 7 juillet 2010. À cet égard, la requérante soutient que la publication au Journal officielde l’Union européenne d’un avis d’adjudication informant de l’attribution d’un marché à un opérateur économique déterminé à l’issue d’une procédure négociée sans mise en concurrence préalable, sans que ni la Commission ni un autre opérateur économique contestent ladite attribution ou formulent des observations dans les délais prévus par l’article 2 septies de la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007, modifiant les directives 89/665/CEE et 92/13/CEE du Conseil en ce qui concerne l’amélioration de l’efficacité des procédures de recours en matière de passation de marchés publics (JO 2007, L 335, p. 31), est une circonstance de nature à faire naître pour la requérante la confiance légitime quant à la régularité de la procédure suivie.

88      En second lieu, la requérante conteste l’applicabilité en l’espèce des dispositions de la directive 2004/17 sur la base de la valeur d’une part importante du nombre des tâches en cause, qui serait inférieure au seuil de pertinence visé à l’article 16, sous a), de cette directive.

89      La Commission conteste les arguments de la requérante.

90      En premier lieu, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées [voir arrêt du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Food Products (Lopik)/CEE, 265/85, EU:C:1987:121, point 44 et jurisprudence citée].

91      Le droit de se prévaloir de ce principe suppose néanmoins la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 30 juin 2005, Branco/Commission, T‑347/03, EU:T:2005:265, point 102 et jurisprudence citée ; arrêts du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, EU:T:2006:64, point 77, et du 30 juin 2009, CPEM/Commission, T‑444/07, EU:T:2009:227, point 126).

92      En ce qui concerne la première condition, selon une jurisprudence constante, constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants et émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation du principe de la confiance légitime en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (voir arrêt du 19 mars 2003, Innova Privat-Akademie/Commission, T‑273/01, EU:T:2003:78, point 26 et jurisprudence citée).

93      En l’espèce, il ne ressort pas des éléments du dossier que la Commission ait donné à la requérante l’assurance précise qu’elle accepterait la façon dont celle-ci avait passé les marchés relevant des projets E 221 et E 255. En effet, la vérification de l’éligibilité des dépenses n’est effectuée que postérieurement à la production des états financiers définitifs, tandis que les phases précédentes concernent uniquement la surveillance technique de l’état d’avancement des projets. Ainsi, ce n’est qu’au moment de la demande de paiement de solde, qui est présentée concomitamment au rapport d’exécution technique et au décompte financier des coûts éligibles réellement supportés, que cette vérification est effectuée, comme cela ressort notamment de l’article III.3.5 de l’annexe III des décisions du 2 décembre 2008 et du 21 mai 2010.

94      Dès lors, le fait que la Commission n’ait pas contesté l’attribution à CESI de l’accord-cadre no 3000034279, en dépit de la publication régulière au Journal officielde l’Union européenne de l’avis d’adjudication, ne constitue pas une assurance de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de la requérante quant à l’éligibilité des dépenses. À cet égard, le silence observé par la Commission sur l’attribution directe de l’accord-cadre ne saurait être considéré comme une assurance précise fournie par l’administration propre à créer une confiance légitime (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2006, Regione Marche/Commission, T‑107/03, non publié, EU:T:2006:20, point 134).

95      En second lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la directive 2004/17 ne serait pas applicable en l’espèce, il convient de noter que, en ce qui concerne spécifiquement le calcul de la valeur estimée d’un marché public, l’article 17, paragraphes 2 et 3, de la directive 2004/17 prévoit, d’une part, que, pour les accords-cadres, la valeur à prendre en considération est la valeur maximale hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de l’ensemble des marchés envisagés pendant la durée totale de l’accord-cadre et, d’autre part, que les entités adjudicatrices ne peuvent pas contourner l’application de ladite directive en scindant les projets d’ouvrage ou les projets d’achat visant à obtenir une certaine quantité de fournitures ou de services ou en utilisant des modalités particulières de calcul de la valeur estimée des marchés. Or, ainsi que cela a été exposé aux points 39 à 43 ci-dessus, les tâches en cause attribuées directement à CESI ne pouvaient pas être sérieusement considérées comme étant séparées des accords-cadres, puisqu’elles ont été réalisées précisément en exécution de ces derniers.

96      Il convient donc de déterminer l’applicabilité de la directive 2004/17, au sens de son article 17, paragraphe 3, par rapport à la valeur des accords-cadres. À cet égard, il convient de relever que la valeur des accords cadre dépasse amplement le seuil de pertinence, étant donné que l’accord-cadre no 3000029140 a été conclu pour un montant de 16 039 700 euros, l’accord-cadre no 3000034279 pour un montant de 19 200 000 euros et l’accord-cadre no 6000001506 pour un montant de 24 925 000 euros, le seuil de pertinence pour les marchés de fournitures et de services étant de 499 000 euros, conformément à l’article 16, sous a), de la directive 2004/17.

97      Dans ces conditions, le troisième moyen doit être écarté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

98      La requérante soutient, à titre subsidiaire, que les actes attaqués sont illégaux dans la mesure où la Commission a conclu à l’inéligibilité de l’intégralité des coûts relevant des tâches en cause. La requérante soutient que la Commission a déclaré que ces coûts n’étaient pas éligibles dans la mesure où le principe d’efficacité économique, lors de l’attribution de contrats à des sociétés appartenant au même groupe, n’avait pas été respecté, étant donné que CESI lui avait fourni les services aux conditions de marché et avait ainsi obtenu un profit. La requérante considère, à cet égard, que les agissements de la Commission sont contraires au principe de proportionnalité, étant donné que l’article III.3.8, paragraphes 4 et 6, de l’annexe III des décisions du 2 décembre 2008 et du 21 mai 2010 ne permet pas à la Commission d’exclure l’intégralité des coûts supportés, en cas de réalisation d’un profit, mais impose, le cas échéant, la seule réduction du montant du concours financier pour la part de profit jugée non éligible.

99      La requérante soutient donc que la juste application de cet article aurait dû conduire la Commission, d’abord, à relever la composante de marge bénéficiaire des coûts relevant des tâches en cause, puis à déclarer ces coûts non éligibles uniquement pour la part de profit jugée non éligible. La requérante considère, dès lors, que la Commission a exercé un pouvoir de sanction exorbitant du fait de ses attributions, qui ne lui confèrent que des pouvoirs de surveillance et de contrôle.

100    En outre, la requérante fait valoir que la Commission a déclaré les dépenses en cause non éligibles tout en prenant acte du fait que CESI n’était pas une société contrôlée par la requérante, mais uniquement associée à celle-ci. Or, selon la requérante, une application cohérente de cette constatation aurait dû conduire la Commission à comprendre l’impossibilité pour la requérante d’obtenir de CESI une répartition détaillée des coûts relatifs aux services fournis par cette société.

101    La Commission conteste les arguments de la requérante.

102    Il convient de relever que ce moyen est inopérant dans la mesure où, ainsi que cela est établi au point 15 ci-dessus, à l’issue du complément d’instruction ordonné par la Commission, cette dernière a changé sa position et a conclu à la non-éligibilité des coûts en raison du non-respect des règles applicables en matière de passation de marchés publics, et non en raison du non-respect du principe d’efficacité économique dans le cas d’attribution de contrats à des sociétés appartenant au même groupe. En effet, la Commission, par sa lettre du 6 juillet 2015, a informé la requérante que les coûts relatifs aux tâches en cause, attribuées directement à CESI, n’étaient pas éligibles au motif que les accords-cadres avaient été attribués sans une procédure de mise en concurrence et que la requérante n’avait pas satisfait à la charge de la preuve visée à l’article 40, paragraphe 3, de la directive 2004/17.

103    En l’espèce, la Commission n’a appliqué aucun pouvoir de sanction, elle s’est bornée à constater la violation de l’article III.2.5.3, de l’annexe III des décisions du 2 décembre 2008 et du 21 mai 2010, qui impose à la requérante de respecter la législation de l’Union relative aux marchés publics lors de la passation de ses marchés. Une fois cette violation établie par la Commission, cette dernière ne pouvait pas parvenir à une autre conclusion, étant donné que seuls les coûts de l’action relatifs à des marchés passés conformément à la réglementation de l’Union sur les marchés publics pouvaient être considérés comme des coûts éligibles au cofinancement, ainsi que le prévoient les articles III.2.5.3 et III.3.7 de l’annexe III des décisions du 2 décembre 2008 et du 21 mai 2010. Par conséquent, la Commission, confrontée au non-respect de la réglementation de l’Union sur la passation des marchés publics pour certains contrats, était tenue de déclarer inéligibles les dépenses qui y étaient afférentes, de calculer en conséquence le montant du concours et de lancer la procédure de recouvrement à la hauteur de la différence entre les montants des coûts éligibles et les montants déjà versés. Ainsi, les montants correspondants aux coûts non éligibles, dans la mesure où ils se réfèrent aux marchés illégalement confiés à CESI, sont devenus indus et, en tant que tels, ont été assujettis à l’obligation de remboursement conformément à l’article III.3.9, paragraphe 1, de l’annexe III des décisions du 2 décembre 2008 et du 21 mai 2010.

104    En outre, on ne saurait reprocher à la Commission d’avoir imposé une sanction, étant donné que les mesures adoptées pour la récupération d’une partie des sommes avancées se répercutent de manière moins onéreuse sur le bénéficiaire que la suppression pure et simple du concours. En effet, conformément à l’article 116, paragraphe 3, du règlement no 966/2012, si après la signature du marché, la procédure ou l’exécution du marché se révèle entachée d’erreurs substantielles, d’irrégularités ou de fraude, le pouvoir adjudicateur peut suspendre l’exécution du marché ou le cas échéant, le résilier. Par ailleurs, si les erreurs substantielles ou les irrégularités sont commises par le contractant, le pouvoir adjudicateur peut en outre refuser d’effectuer les paiements ou recouvrer les montants indûment payés, proportionnellement à la gravité des erreurs substantielles, des irrégularités ou de la fraude.

105    Dans ces conditions, le quatrième moyen doit être écarté et le présent recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

106    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Terna – Rete elettrica nazionale SpA est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Gratsias

Labucka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 octobre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.