Language of document : ECLI:EU:T:2011:63

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

2 mars 2011(*)

« Référé – Concurrence – Décision de la Commission infligeant une amende – Garantie bancaire – Demande de sursis à exécution – Fumus boni juris – Préjudice financier – Circonstances exceptionnelles – Urgence – Mise en balance des intérêts – Sursis partiel et conditionnel »

Dans l’affaire T‑392/09 R,

1. garantovaná a.s., établie à Bratislava (Slovaquie), représentée initialement par MM. M. Powell, solicitor, A. Sutton et Mme G. Forwood, barristers, puis par M. Powell et Mme Forwood,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Bourke et N. von Lingen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision C (2009) 5791 final de la Commission, du 22 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.396 – Réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium pour l’industrie de l’acier et du gaz),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, 1. garantovaná a.s. (ci-après la « requérante » ou « Garantovaná »), est une société d’investissement établie à Bratislava (Slovaquie).

2        Le 22 juillet 2009, la Commission des Communautés européennes a adopté la décision C (2009) 5791 final, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.396 – Réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium pour l’industrie de l’acier et du gaz) (ci-après la « décision attaquée »), par laquelle elle a infligé à la requérante, solidairement avec Novácke chemické závody, a.s. (ci-après « NCHZ »), une amende de 19,6 millions d’euros pour avoir exercé une influence déterminante sur la politique commerciale de NCHZ, participante directe à l’entente, à l’époque de l’infraction.

3        Par lettre du 24 juillet 2009, la Commission a notifié la décision attaquée à la requérante. Dans cette lettre, elle a également informé la requérante du délai de trois mois à compter de la notification dont elle disposait pour payer l’amende. En outre, elle a précisé que, si la requérante décidait d’introduire un recours contre cette décision devant le Tribunal, elle recouvrerait provisoirement l’amende ou exigerait la constitution d’une garantie bancaire couvrant le montant de la dette principale ainsi que les intérêts et les majorations qui seraient dus.

 Procédure et conclusions des parties

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 octobre 2009, la requérante a formé un recours visant à l’annulation de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, à réduire le montant de l’amende que la Commission lui a infligée.

5        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 13 octobre 2009, la requérante a introduit une demande visant à obtenir le sursis à l’exécution de la décision attaquée. Elle conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        suspendre, jusqu’à la clôture de la procédure de référé, en vertu de l’article 105 du règlement de procédure du Tribunal, la mise en œuvre de l’article 2 de la décision attaquée, aux termes duquel elle se voit dans l’obligation de payer une amende s’élevant à 19,6 millions d’euros, et la dispenser de l’obligation de constituer la garantie bancaire imposée par la Commission dans sa lettre du 24 juillet 2009 ;

–        suspendre, jusqu’à la clôture de la procédure principale, la mise en œuvre de l’article 2 de la décision attaquée et, notamment, la dispenser de l’obligation de constituer une garantie bancaire ou de payer l’amende ;

–        condamner la Commission aux dépens.

6        Le 20 octobre 2009, le président du Tribunal a ordonné, sur le fondement de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure, le sursis à l’exécution de l’article 2 de la décision attaquée en ce qui concerne la requérante jusqu’à l’adoption de l’ordonnance mettant fin à la procédure de référé.

7        Dans ses observations écrites sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 6 novembre 2009, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande de mesures provisoires ;

–        condamner la requérante aux dépens.

8        Par lettre du 16 novembre 2009, le président du Tribunal a posé une série de questions à la requérante, laquelle y a répondu par lettre du 23 novembre 2009. Le 4 décembre 2009, la Commission a déposé des observations sur ces réponses. Le 10 décembre 2009, la requérante a présenté ses observations sur ces observations.

9        Par acte séparé du 17 décembre 2009, une demande en intervention au soutien des conclusions de la requérante dans la présente procédure de référé a été déposée par MM. Jaroslav Červenka, Milan Hošek, Roman Murar, Adrián Vološin, Milan Kasanický et Peter Fratič en tant qu’actionnaires de Garantovaná. La Commission et la requérante ont respectivement déposé leurs observations sur cette demande les 5 et 7 janvier 2010.

10      Par lettres parvenues au greffe du Tribunal les 18 janvier, 2 février et 11 mars 2010, la requérante a fait part des difficultés qu’elle rencontrait pour constituer une garantie bancaire. Dans sa lettre du 18 janvier 2010, elle a également présenté des observations sur les observations déposées par la Commission sur la demande en intervention. Par lettre datée du 4 février 2010, la Commission a fait parvenir des observations sur la lettre de la requérante du 18 janvier 2010.

 En droit

 Sur la demande en intervention déposée par MM. Červenka, Hošek, Murar, Vološin, Kasanický et Fratič

11      Selon l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qui s’applique au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, une personne peut intervenir dans un litige soumis au Tribunal à condition de prouver un intérêt à la solution du litige.

12      Sur ce point, il est de jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige doit s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions [ordonnance de la Cour du 25 novembre 1964, Lemmerz-Werke/Haute Autorité, 111/63, Rec. p. 883 ; ordonnances du président de la Cour du 17 juin 1997, National Power et PowerGen, C‑151/97 P(I) et C‑157/97 P(I), Rec. p. I‑3491, points 51 à 53, et du 6 mars 2003, Ramondin et Ramondin Cápsulas/Commission, C‑186/02 P, Rec. p. I‑2415, point 7]. Il est nécessaire de vérifier, notamment, que le demandeur en intervention est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain (voir ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 3 juin 1999, ACAV e.a./Conseil, T‑138/98, Rec. p. II‑1797, point 14, et ordonnance du président du Tribunal du 10 juillet 2000, Federación de Cofradías de Pescadores de Guipúzcoa e.a./Conseil, T‑54/00 R, Rec. p. II‑2875, point 15, et la jurisprudence citée). Lorsque la demande en intervention est présentée dans le cadre d’une procédure de référé, l’intérêt à la solution du litige doit être compris comme un intérêt à la solution de l’affaire en référé. En effet, tout comme la solution de l’affaire principale, la solution de l’affaire en référé peut léser les intérêts des tiers ou leur être favorable. Il en résulte que, dans le cadre d’une procédure de référé, l’intérêt du demandeur en intervention doit s’apprécier par rapport aux conséquences de l’octroi de la mesure provisoire sollicitée ou du rejet de la demande de celle-ci sur sa situation économique ou juridique (ordonnance du président du Tribunal du 26 juillet 2004, Microsoft/Commission, T-201/04 R, Rec. p. II-2977, point 33).

13      En l’espèce, les demandeurs en intervention invoquent le droit d’intervenir en leur qualité d’actionnaires de la requérante. Cependant, aucun document n’est fourni démontrant la réalité d’une telle qualité. Partant, la demande en intervention doit être considérée comme manifestement incomplète.

14      Par ailleurs, quand bien même la qualité d’actionnaires de ces demandeurs aurait été établie, le juge des référés n’est pas en mesure d’apprécier si les intérêts de ces actionnaires seraient affectés. En effet, il ressort du dossier que l’actionnariat de la requérante est composé de trois actionnaires minoritaires, Ahimsa development Ltd (ci-après « Ahimsa »), Aphotica Investments properties (ci-après « Aphotica ») et J&T Perspektiva sm. o.p.f., détenant respectivement 23,05 %, 17,42 % et 9,40 % du capital. Le reste du capital de la requérante, 50,13 %, serait détenu par plus de 30 000 petits actionnaires, dont feraient partie les demandeurs en intervention. Or, une participation anecdotique dans le capital de la requérante ne saurait, en soi et sans autre élément, conférer aux demandeurs en intervention un intérêt à la solution du litige.

15      À supposer que les demandeurs en intervention détiennent la majeure partie des 50,13 % du capital de la requérante, ce qui au demeurant ne ressort pas du dossier, il convient, en tout état de cause, de rappeler que le fait de détenir une participation, même significative, dans le capital d’une entreprise partie à un litige ne permet pas, en soi, de caractériser l’existence d’un intérêt à la solution de ce litige (voir ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 29 octobre 2004, Hynix Semiconductor/Conseil, T‑383/03, non publiée au Recueil, point 71, et la jurisprudence citée).

16      Il ressort également de la jurisprudence qu’il convient d’établir une distinction entre les demandeurs en intervention justifiant d’un intérêt direct au sort réservé à l’acte spécifique dont l’annulation est demandée et ceux qui ne justifient que d’un intérêt indirect à la solution du litige, en raison de similarités entre leur situation et celle d’une des parties (voir ordonnance du Tribunal du 25 février 2003, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑213, point 27, et la jurisprudence citée). Dans le cas contraire, toute personne affectée de manière indéfinie par un litige pourrait justifier d’un intérêt à la solution. Un tel résultat ne serait pas conforme aux exigences d’économie de procédure (ordonnance du Tribunal du 15 juin 1993, Rijnoudt et Hocken/Commission, T‑97/92 et T‑111/92, Rec. p. II‑587, points 20 et 21).

17      En l’espèce, d’une part, les demandeurs en intervention avancent essentiellement au soutien de leur demande le risque encouru pour leurs investissements si les mesures provisoires demandées par Garantovaná n’étaient pas accordées. Or, dans sa demande de sursis à exécution, la requérante a fait valoir ce même risque, y compris concernant les actionnaires, dans le cadre de la mise en balance des intérêts à prendre en compte par le juge des référés. D’autre part, comme le relève à juste titre la Commission dans ses observations sur la demande en intervention, les arguments soulevés par les demandeurs en intervention ne font que réitérer ceux présentés par la requérante dans sa demande en référé.

18      Ainsi, premièrement, il ne ressort pas de la demande en intervention que les demandeurs en intervention aient démontré, à suffisance de droit, de quelle manière leurs intérêts à la solution du litige se distinguaient de ceux de la requérante. À cet égard, il convient de souligner que le déroulement de la procédure de référé devant le président du Tribunal risquerait de se voir alourdi et étendu de manière considérable si tous les actionnaires d’une société ayant introduit une demande de sursis à exécution détenaient un droit autonome d’intervention sans avoir établi un intérêt spécifique au regard de l’objet du litige de nature à justifier leur propre intervention (voir, par analogie, ordonnance du président de la Cour du 5 février 2009, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, C‑550/07 P, non publiée au Recueil, points 12 à 14). Deuxièmement, les demandeurs en intervention n’ont pas démontré, en l’espèce, que leur intérêt à la solution du litige était direct et actuel. Or, il serait contraire aux exigences d’économie de la procédure de permettre à de tels actionnaires, si toutefois cette qualité leur était reconnue, d’intervenir sans faire valoir un intérêt particulier à la solution du litige (voir, en ce sens, ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 11 septembre 2006, UPC France/Commission, T‑367/05, non publiée au Recueil, point 15).

19      Il s’ensuit que la demande en intervention de MM. Červenka, Hošek, Murar, Vološin, Kasanický et Fratič doit être rejetée.

 Sur la demande en référé

20      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

21      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient prononcés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73). Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

22      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

23      Eu égard aux éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de toutes les informations nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

 Sur le fumus boni juris

24      La requérante soulève six moyens au soutien de son recours principal. Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le bien-fondé à première vue de l’ensemble des moyens soulevés, il convient de noter que, dans le cadre de son sixième moyen, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant les éléments de preuve fournis à l’appui de sa demande, formée conformément au paragraphe 35 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices »), relative à son incapacité de payer l’amende. La décision de la Commission relative à cette incapacité serait également entachée d’un défaut de motivation.

25      Le paragraphe 35 des lignes directrices indique que, dans des circonstances exceptionnelles, la Commission peut, sur demande, tenir compte de l’absence de capacité contributive d’une entreprise dans un contexte social et économique particulier. En outre, cette disposition précise in fine que la réduction éventuelle ne pourrait être accordée que sur le fondement de preuves objectives que l’imposition d’une amende mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur.

26      En l’espèce, d’une part, il est notoire que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, le contexte économique et financier européen et le contexte économique et financier mondial présentaient des caractéristiques particulièrement inhabituelles. À cet égard, comme le souligne la requérante dans sa demande en référé, six des huit entreprises condamnées au paiement d’une amende ont présenté à la Commission des observations concernant leur incapacité de payer l’amende en invoquant la crise économique en général ainsi que leurs difficultés propres. Dans les cas où les institutions disposent d’un pouvoir d’appréciation, ce qui est incontestablement le cas s’agissant de la mise en œuvre du paragraphe 35 des lignes directrices, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, le droit de l’intéressé de voir motiver la décision de façon suffisante (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T-151/05, Rec. p. II‑1219, point 163, et la jurisprudence citée). Or, au regard de la disposition concernée et du contexte dans lequel la demande s’est inscrite, le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation – lequel implique une définition de l’étendue de cette obligation dans ces circonstances – qui incombait à la Commission dans cette situation nécessite, à première vue, un examen approfondi qu’il n’appartient pas au juge des référés d’effectuer dans le cadre de la présente procédure.

27      D’autre part, il semble ressortir des termes mêmes du paragraphe 35 des lignes directrices que la réduction éventuelle d’une amende dans le cadre d’une demande introduite en vertu de cette disposition soit nécessairement liée à la mise en danger de la viabilité économique de l’entreprise concernée et à la privation de toute valeur de ses actifs. Or, comme l’a relevé la Commission dans la décision attaquée, la requérante l’avait informée de sa volonté de vendre ses actifs et de mettre fin à ses activités. Par conséquent, l’appréciation de la demande, telle que la Commission l’a effectuée dans la décision attaquée en écartant de ce fait l’analyse de la viabilité de la requérante, semble, à première vue, soulever une question de principe qui mérite une attention toute particulière et qui ne peut être tranchée dans le cadre de la présente procédure de référé.

28      Par conséquent, les griefs susmentionnés apparaissent, à première vue, suffisamment pertinents et sérieux pour constituer un fumus boni juris de nature à justifier l’octroi des mesures provisoires demandées (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 16 juillet 1993, France/Commission, C‑296/93 R, Rec. p. I‑4181, point 17, et ordonnance de la Cour du 29 juin 1994, Commission/Grèce, C‑120/94 R, Rec. p. I‑3037, points 69 et 70 ; ordonnance Commission/Atlantic Container Line e.a., précitée, points 26 et 27 ; ordonnances du président du Tribunal du 12 mai 1995, SNCF et British Railways/Commission, T‑79/95 R et T‑80/95 R, Rec. p. II‑1433, point 35, et du 15 novembre 2001, Duales System Deutschland/Commission, T‑151/01 R, Rec. p. II‑3295, points 185 et 186).

 Sur l’urgence

–       Arguments des parties

29      La requérante fait observer, tout d’abord, que, dans la mesure où NCHZ a été déclarée en faillite par jugement du Krajský súd (cour régionale) de Trenčín (Slovaquie) du 29 septembre 2009, il lui incombe désormais de payer l’intégralité de l’amende.

30      Elle fait ensuite valoir que le paiement de l’amende lui causerait un préjudice grave et irréparable dans la mesure où il risquerait de la conduire à la faillite. À cet égard, elle s’appuie sur les constatations d’un expert financier indépendant relatives à sa situation financière, selon lesquelles il lui serait impossible de procéder à ce paiement grâce à une cession d’actifs. En outre, la requérante réfute toute allégation d’absence de diligence de sa part quant à la gestion de ses ressources financières dans la mesure où elle ne pouvait s’attendre à ce que le montant de l’amende soit calculé en référence à l’année 2007. Elle souligne également que, n’étant pas la filiale d’une société mère ou d’un groupe et n’ayant pas d’actionnaire majoritaire, aucune entité ne peut lui apporter son concours au paiement de l’amende. Elle précise aussi que la vente de ses actions détenues dans NCHZ s’est effectuée à un prix peu élevé du fait de la constitution par cette dernière d’une réserve aux fins du paiement de l’amende. Dès lors, la requérante considère qu’elle s’est en réalité déjà acquittée du paiement de l’amende du fait de la perte de valeur de ces actions.

31      Enfin, la requérante prétend qu’elle se trouve dans l’impossibilité objective de constituer une garantie bancaire dans la mesure où, d’une part, elle ne dispose pas d’actifs suffisants pour constituer une telle garantie et, d’autre part, elle n’a pas de société mère ou d’actionnaire majoritaire en mesure de se porter garant. À cet égard, elle précise également qu’elle s’est adressée à cinq banques différentes, qui ont toutes rejeté sa demande.

32      À titre liminaire, la Commission estime que seule doit être examinée l’impossibilité objective pour la requérante de constituer une garantie bancaire dans la mesure où celle-ci n’a pas argué de la mise en péril de son existence du fait même de la constitution de cette garantie.

33      Premièrement, la Commission critique la nature des documents comptables et des états financiers fournis au soutien de la demande en référé. Elle souligne, à cet égard, que ces documents ont été élaborés dans un but précis à l’attention des autorités fiscales slovaques et, par conséquent, ne donnent pas un tableau complet de la situation économique et financière de la requérante.

34      Deuxièmement, la Commission considère, d’abord, que la requérante n’a produit aucune information sur la situation financière du groupe auquel elle appartient. En effet, la Commission conteste l’affirmation de la requérante selon laquelle elle ne ferait partie d’aucun groupe, ne serait la filiale d’aucune société et n’aurait pas d’actionnaire majoritaire. La Commission précise, d’une part, que la requérante appartiendrait au groupe J&T Finance Group (ci-après le « groupe J&T »), un des plus puissants groupes financiers de Slovaquie et de République tchèque, et, d’autre part, que ses intérêts seraient étroitement liés à ceux de ce groupe.

35      La Commission conteste ensuite l’affirmation de la requérante selon laquelle elle devrait supporter l’intégralité de l’amende depuis la faillite de NCHZ. En outre, selon la Commission, la requérante n’a pas prouvé avoir introduit une demande d’obtention de garantie bancaire en bonne et due forme. Elle estime, d’une part, que, de l’aveu même de la requérante, la lettre envoyée aux banques contenait peu d’informations et, d’autre part, que la requérante aurait pu explorer d’autres voies afin d’obtenir une garantie bancaire, telles que le recours à ses actifs à long terme ou à la créance qu’elle détenait du fait de la faillite de la société 1.dochodkova. Or, rien ne prouve, dans la demande en référé, que ces possibilités ont été envisagées.

36      Troisièmement, la Commission ajoute qu’il n’existe aucun lien de cause à effet entre l’amende et le risque de faillite allégué par la requérante : d’une part, la requérante n’aurait pas prouvé qu’elle était proche de la faillite, telle que celle-ci est définie par le droit applicable ; d’autre part, la requérante serait entièrement responsable de sa situation financière, qui résulte d’un manque de diligence dans ses choix financiers en matière tant de provisionnement que d’immobilisation de ses actifs.

–       Appréciation du juge des référés

37      Selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires (ordonnance du président de la Cour du 18 octobre 1991, Abertal e.a./Commission, C‑213/91 R, Rec. p. I‑5109, point 18 ; ordonnances du président du Tribunal du 19 décembre 2001, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 R et T‑207/01 R, Rec. p. II‑3915, point 95, et du 3 décembre 2002, Neue Erba Lautex/Commission, T‑181/02 R, Rec. p. II‑5081, point 82). Cependant, il n’est pas suffisant d’alléguer que l’exécution de l’acte dont le sursis est sollicité est imminente, mais il appartient à cette partie d’apporter la preuve sérieuse qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours principal sans avoir à subir un préjudice de cette nature (ordonnance du président du Tribunal du 25 juin 2002, B/Commission, T‑34/02 R, Rec. p. II‑2803, point 85). Si l’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue, sa réalisation doit néanmoins, en particulier lorsqu’elle dépend de plusieurs facteurs, être prévisible avec un degré de probabilité suffisant. La partie qui sollicite les mesures provisoires demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67, et ordonnance Neue Erba Lautex/Commission, précitée, point 83].

38      Un préjudice d’ordre financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut, en règle générale, faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [ordonnances du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, point 113, et du président du Tribunal du 15 juin 2001, Bactria/Commission, T‑339/00 R, Rec. p. II‑1721, point 94]. Toutefois, une mesure provisoire se justifie s’il apparaît que, en l’absence de cette mesure, la requérante se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de l’arrêt mettant fin à la procédure principale (ordonnance Neue Erba Lautex/Commission, précitée, point 84).

39      Il s’ensuit que, afin de prouver qu’elle encourt un préjudice grave et irréparable, la requérante est tenue de démontrer au juge des référés qu’il n’existe aucune autre solution que l’adoption, à titre exceptionnel, de mesures provisoires. Dès lors, il incombe à cette partie d’explorer toutes les possibilités lui permettant de ne pas devoir payer immédiatement le montant réclamé (ordonnance du président du Tribunal du 12 mai 2010, Reagens/Commission, T‑30/10 R, non publiée au Recueil, point 33).

40      En l’espèce, dans sa lettre du 24 juillet 2009 notifiant la décision attaquée à la requérante, la Commission a informé celle-ci que, si cette dernière décidait d’introduire un recours visant à l’annulation de cette décision devant le Tribunal, elle recouvrerait provisoirement l’amende ou exigerait la constitution d’une garantie bancaire couvrant le montant de la dette principale ainsi que les intérêts et les majorations qui seraient dus. Dès lors, au regard des circonstances de l’espèce et de l’invitation formulée par la Commission dans ses observations à procéder de la sorte, le juge des référés estime que l’objet de la présente demande peut être considéré comme étant limité à une demande de dispense de l’obligation de constituer une garantie bancaire.

41      Il est de jurisprudence constante que, d’une part, la possibilité d’exiger la constitution d’une garantie bancaire correspond à une ligne de conduite générale et raisonnable de la Commission (ordonnance du président du Tribunal du 5 août 2003, IRO/Commission, T‑79/03 R, Rec. p. II‑3027, point 25) et, d’autre part, la partie qui sollicite les mesures provisoires ne peut être dispensée de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat d’une amende infligée par la Commission qu’en présence de circonstances exceptionnelles [ordonnances du président de la Cour du 6 mai 1982, AEG-Telefunken/Commission, 107/82 R, Rec. p. 1549, point 6 ; du 15 décembre 2000, Cho Yang Shipping/Commission, C‑361/00 P(R), Rec. p. I‑11657, point 88, et du 23 mars 2001, FEG/Commission, C‑7/01 P(R), Rec. p. I‑2559, point 44 ; ordonnance Reagens/Commission, précitée, point 42].

42      L’existence de telles circonstances exceptionnelles peut, en principe, être considérée comme établie lorsque la partie qui demande à être dispensée de constituer la garantie bancaire requise apporte la preuve qu’il lui est objectivement impossible de constituer cette garantie (voir ordonnance IRO/Commission, précitée, point 26, et la jurisprudence citée) ou que sa constitution mettrait en péril son existence (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 21 décembre 1994, Buchmann/Commission, T‑295/94 R, Rec. p. II‑1265, point 24, et du 28 juin 2000, Cho Yang Shipping/Commission, T‑191/98 R II, Rec. p. II‑2551, point 43).

43      En l’espèce, la Commission fait observer à juste titre que la requérante n’a pas présenté d’argument relatif à une éventuelle mise en péril de son existence du fait de la constitution même d’une garantie bancaire et s’est contentée d’apporter des preuves quant à son impossibilité objective de recourir à un tel instrument financier. Dès lors, il revient au juge des référés d’examiner si les preuves apportées par la requérante établissent, à suffisance de droit, une impossibilité objective de constituer une garantie bancaire.

44      À titre liminaire, il convient de rappeler que la requérante a été condamnée solidairement avec NCHZ au paiement d’une amende d’un montant de 19,6 millions d’euros. En l’absence de tout accord entre la requérante et NCHZ quant à une éventuelle répartition du montant de l’amende, il semble que la garantie bancaire ne puisse être considérée comme acceptable par la Commission, et par conséquent permettant d’éviter le paiement immédiat de ladite amende, que si elle permet de couvrir le montant total de la somme exigible. Dès lors, tant la déclaration judiciaire de mise en faillite de NCHZ que l’intention affirmée de la Commission de faire valoir sa créance à l’égard de la requérante sont, à ce stade, dénuées d’influence dans le cadre de l’examen que le juge des référés doit effectuer de l’éventuelle impossibilité objective, pour la requérante, de constituer une telle garantie bancaire.

45      En premier lieu, la requérante fait valoir qu’elle ne dispose pas d’actifs suffisants pour constituer une telle garantie. Au soutien de son affirmation, la requérante présente, d’une part, un certain nombre de documents relatifs à sa situation financière ainsi qu’un rapport élaboré par un expert financier indépendant analysant ces documents et, d’autre part, un certain nombre de lettres de banques refusant sa demande de garantie bancaire.

46      En ce qui concerne les documents relatifs à sa situation financière, il convient de noter qu’il est de jurisprudence constante que, afin d’apprécier si le préjudice allégué présente un caractère grave et irréparable et justifie donc de suspendre, à titre exceptionnel, l’exécution de la décision attaquée, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés qui démontrent la situation financière de la requérante qui sollicite le sursis à exécution et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées [voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 27 avril 2010, Parlement/U, T‑103/10 P(R), non publiée au Recueil, point 37, et la jurisprudence citée, et du 25 octobre 2010, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, T‑18/10 R II, non encore publiée au Recueil, point 61].

47      Il s’ensuit que, en vue de justifier l’octroi du sursis à exécution sollicité, un requérant doit produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière. En outre, le juge des référés, confronté à des contestations de la part des parties adverses, ne saurait faire droit à la demande en référé en se contentant de pures affirmations non étayées dudit requérant. En effet, compte tenu du caractère strictement exceptionnel de l’octroi de mesures provisoires, de telles mesures ne peuvent être accordées que si ces affirmations s’appuient sur des éléments de preuve concluants (voir, en ce sens, ordonnances Parlement/U, précitée, point 39, et Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, précitée, point 62).

48      Il convient d’ajouter que l’image fidèle et globale de la situation financière d’un requérant doit être fournie, par ce dernier, au stade de l’introduction de la demande en référé. En effet, selon une jurisprudence constante, une demande en référé doit permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir du texte même de la demande en référé (voir, en ce sens, ordonnance Parlement/U, précitée, point 40, et la jurisprudence citée).

49      En l’espèce, il convient de relever, tout d’abord, que la Commission critique la nature des documents comptables et des états financiers qui ont été fournis. Selon la Commission, la requérante aurait dû fournir le rapport standard complet que toute société cotée en Bourse publie à la fin de chaque trimestre et de l’année. Dès lors, les documents annexés à la présente demande en référé ne donneraient pas un aperçu complet de la situation économique et financière de la requérante à l’époque considérée. En réponse à une question du juge des référés à cet égard, la requérante a indiqué que les documents fournis sont ceux qui sont requis en vertu des règles applicables aux compagnies cotées à la Bourse de Bratislava. La Commission a néanmoins continué à émettre des doutes quant au caractère complet de ces documents en soulignant leur opacité à plusieurs reprises. Cependant, comme le fait observer la requérante dans sa réponse aux doutes exprimés par la Commission, il est notable que certaines des informations considérées comme manquantes ou opaques figurent dans les documents annexés à la demande en référé. Dès lors, il peut être considéré que les documents communiqués dès l’introduction de la demande en référé répondent aux exigences de complétude et d’actualité conformément à la jurisprudence citée ci-dessus.

50      En outre, l’examen de ces documents et du rapport de l’expert financier montre une répartition précise, au moment de l’introduction de la présente demande, des actifs de la requérante soulignant le faible montant des actifs circulants et l’importance des immobilisations financières à long terme. La situation de ces dernières est explicitement décrite et il en ressort une échéance au 11 juillet 2012. La requérante produit également des données relatives aux conséquences d’une cession avant terme des actions qu’elle possède dans sa filiale G1 Investment Ltd (ci-après « G1 »), société ayant réalisé les investissements en cause.

51      Dès lors, il peut être considéré que la requérante a fourni au juge des référés des indications concrètes et précises, étayées par des documents complets et d’actualité, présentant, ainsi, une image fidèle et globale de sa situation financière.

52      Cependant, en l’espèce, la prise en compte des seuls actifs ne permet pas au juge des référés de conclure à l’impossibilité d’obtenir une garantie bancaire. Il convient, partant, d’examiner les démarches entreprises par la requérante auprès d’institutions financières.

53      En ce qui concerne les lettres de banques refusant la demande de garantie bancaire présentée par la requérante, il convient de noter que le contenu de ces lettres de refus doit permettre au juge des référés de vérifier le sérieux des demandes de garantie bancaire correspondantes et le contexte dans lequel elles se sont inscrites (ordonnance du président du Tribunal du 7 mai 2010, Almamet/Commission, T-410/09 R, non publiée au Recueil, point 42). En principe, il incombe donc à la partie requérante de fournir, au stade de l’introduction de la demande en référé, des informations non équivoques et suffisamment complètes sur les lettres de refus provenant des banques dont elle se prévaut en vue de démontrer qu’il lui était objectivement impossible de constituer la garantie bancaire requise (ordonnance Almamet/Commission, précitée, point 43).

54      En l’espèce, la requérante a annexé à sa demande en référé cinq lettres d’institutions bancaires différentes refusant sa demande de garantie bancaire. Dans ses observations, la Commission estime que la requérante n’a pas prouvé avoir introduit une demande d’obtention de garantie bancaire en bonne et due forme.

55      Premièrement, la Commission considère que, compte tenu du contexte économique dans lequel les demandes de garantie ont été envoyées, la faible quantité d’informations fournies par la requérante dans lesdites demandes expliquerait l’absence de réponse favorable de la part des institutions financières contactées.

56      À cet égard, il convient de relever que l’examen du sérieux des demandes de garantie bancaire nécessite la prise en compte de tous les éléments disponibles communiqués au juge des référés. Dans le cas présent, s’il est vrai que le contenu des demandes de garantie bancaire ne fournit guère d’informations et que le contexte dans lequel ont eu lieu les contacts entre la requérante et les banques comme leur historique n’ont pas été explicités, force est de constater que, d’une part, dans quatre de ses cinq demandes, la requérante a indiqué le moyen de disposer d’informations financières et comptables la concernant et, d’autre part, il ressort des réponses négatives des banques contactées que deux d’entre elles ont expressément indiqué avoir étudié de façon approfondie les documents comptables et financiers de la requérante au regard de sa situation. En réponse à une question du juge des référés posée sur le fondement de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure, la requérante a aussi précisé avoir eu le 22 septembre 2009 un entretien avec une des trois autres banques dont les lettres de refus ne laissaient pas entrevoir l’intensité de l’analyse de la demande de garantie bancaire. Bien que, comme le souligne la Commission, la requérante n’ait pas indiqué le contenu précis de la discussion qui a eu lieu lors de cet entretien, il doit cependant être relevé que, dans sa réponse aux questions du juge des référés, elle fait état des sujets de discussions qui ont été abordés avec les banques et mentionne plus particulièrement que les banques concernées ont demandé des informations détaillées concernant sa situation financière et les liquidités éventuellement disponibles si la garantie venait à être exercée. Or, ces propos, bien que non étayés par des documents écrits, semblent être corroborés par les réponses de certaines banques faisant état d’un examen détaillé de la situation financière de la requérante par rapport à sa demande de garantie bancaire. Au vu de ce qui précède, il y a donc lieu d’observer que la requérante a produit au moins trois refus qui, au regard de la jurisprudence en la matière, doivent être considérés comme pertinents (ordonnance du président du Tribunal du 13 juillet 2006, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06 R Rec. p. II‑2491, points 102 et 103).

57      Deuxièmement, la Commission considère que, si la requérante avait réellement voulu obtenir une garantie bancaire, elle aurait pu proposer de recourir à ses actifs à long terme en proposant, par exemple, de donner les billets à ordre, reçus pour les prêts consentis, en nantissement pour une garantie bancaire.

58      Cependant, en réponse à ces allégations, la requérante explique, dans sa lettre du 10 décembre 2009, n’avoir jamais détenu de tels billets à ordre, qui, en outre, n’auraient jamais été émis en échange des prêts consentis. Elle précise que les billets à ordre dont la Commission fait état ont été en définitive, et par l’intermédiaire de Bounty Commodities Ltd (ci-après « Bounty »), endossés par trois autres sociétés débitrices non pas en vue de couvrir les prêts, mais en tant qu’objet des prêts.

59      Or, en réponse à ces explications détaillées, la Commission s’est contentée, dans sa lettre du 4 février 2010, de réitérer son allégation relative à la possibilité offerte à la requérante de proposer de recourir à ses actifs à long terme pour obtenir une garantie bancaire sans fournir aucun élément de nature à en remettre en cause le bien-fondé. L’allégation de la Commission doit donc, à ce stade, être écartée.

60      Troisièmement, la Commission relève que la requérante s’est vu reconnaître une créance d’environ 29,8 millions d’euros à la suite de la faillite d’une filiale. Or, les données financières fournies dans la demande de mesures provisoires ne permettraient pas de savoir quel traitement comptable avait été réservé à cette créance, qui aurait pu être portée en compte. Cette allégation doit cependant être écartée dans la mesure où, comme le souligne la requérante, il ressort des notes aux comptes financiers qu’elle a produits qu’un ajustement a été opéré pour prendre en compte le fait qu’elle ne comptait pas bénéficier de cette créance.

61      Au regard de ce qui précède, les demandes de garantie bancaire présentées lors de l’introduction de la demande de mesures provisoires doivent dès lors être considérées comme sérieuses. Le refus des banques de fournir à la requérante une garantie bancaire pour éviter le paiement immédiat de l’amende infligée par la Commission dans la décision attaquée permet donc d’établir une impossibilité objective de fournir un tel instrument financier.

62      Il convient d’ajouter que, à trois reprises, la requérante a informé le président du Tribunal des résultats infructueux de démarches entreprises à partir de novembre 2009 auprès de treize autres banques. À cet égard, s’il est évident que rien n’empêchait la requérante de contacter les treize autres banques en même temps que les cinq banques dont les lettres de refus ont été annexées à la présente demande, ces démarches ne sauraient, cependant, être qualifiées ni de tardives, dans la mesure où des démarches similaires ayant abouti au même résultat avaient été effectuées en temps utile, ni de tentative de « rattrapage », dans la mesure où elles ne viennent pas remédier à des déficiences, les précédentes demandes ayant été considérées comme sérieuses (voir, pour des illustrations de tentatives de « rattrapage », ordonnances du président du Tribunal du 23 janvier 2009, Pannon Hőerőmű/Commission, T‑352/08 R, non publiée au Recueil, point 31, et du 24 avril 2009, Nycomed Danmark/EMEA, T‑52/09 R, non publiée au Recueil, point 62). Ces lettres de refus additionnelles sont, dès lors, prises en compte comme des compléments d’informations au même titre qu’une réponse apportée par une des parties à une question du juge des référés.

63      En outre, s’il est de jurisprudence constante que la pertinence de lettres de refus provenant de banques ne saurait être exclue, en tant que telle, pour la seule raison de leur faible nombre (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 28 mars 2007, IBP et International Building Products France/Commission, T‑384/06 R, non publiée au Recueil, point 61), il est évident que leur valeur probante, peut être, dans certains cas, renforcée par la production d’un nombre élevé de telles lettres, comme dans le cas présent.

64      Il doit également être relevé que, parmi les 18 banques contactées au total par la requérante, certaines étaient des succursales de banques actives sur le plan international et d’autres des banques présentes seulement sur le plan national. Il ressort aussi de l’analyse du contenu de ces lettres que certains refus ont vraisemblablement été motivés par le recentrage de l’activité bancaire sur les clients clefs dû aux difficultés conjoncturelles éprouvées sur les plans économique et financier ou, simplement, par les restrictions financières qui en ont résulté. Ainsi, les options s’offrant à la requérante étaient plus restreintes compte tenu des situations économiques et financières européenne et mondiale. Enfin, ces lettres donnent des illustrations supplémentaires d’entretiens entre les institutions bancaires et la requérante au cours desquels la situation de cette dernière a été examinée en détail mais qui ont abouti au rejet de la demande de garantie bancaire jugée trop importante au regard de ses actifs et du contexte économique et financier au moment de la demande.

65      Après analyse de l’ensemble des informations fournies, le juge des référés considère que des éléments de preuve concluants ont été apportés par la requérante tendant à démontrer qu’elle ne dispose pas d’actifs suffisants pour constituer une garantie bancaire.

66      Cependant, il convient de noter qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, pour apprécier si une société est en mesure de constituer une garantie bancaire, il convient de tenir compte du groupe de sociétés dont elle fait partie et, en particulier, des ressources dont dispose globalement ce groupe [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, DSR-Senator Lines/Commission, C‑364/99 P(R), Rec. p. I‑8733, point 49]. Cette approche repose sur l’idée que les intérêts objectifs de la société concernée ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des personnes, physiques ou morales, qui la contrôlent et que le caractère grave et irréparable du dommage allégué doit donc être apprécié au niveau du groupe que ces personnes composent. Cette confusion des intérêts justifie en particulier que l’intérêt de la société concernée à survivre ne soit pas apprécié indépendamment de l’intérêt que ceux qui la contrôlent portent à sa pérennité (ordonnances DSR-Senator Lines/Commission, précitée, point 50, et HFB e.a./Commission, précitée, point 62 ; ordonnance du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Le Canne/Commission, T‑241/00 R, Rec. p. II‑37, point 40). Cette prise en considération de la situation du groupe auquel la société appartient n’implique aucunement que l’amende ou la responsabilité de l’infraction soit imputée à des tiers (ordonnance Romana Tabacchi/Commission, précitée, point 111).

67      Dans ce contexte, en deuxième lieu, la requérante fait valoir qu’elle n’est pas la filiale d’une société mère ou d’un groupe plus important et n’a pas d’actionnaire majoritaire. À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission a émis un certain nombre de doutes quant à cette affirmation. Plus précisément, la requérante ferait partie du groupe J&T et ses intérêts seraient étroitement liés à ceux de ce groupe. Il convient dès lors d’examiner le caractère probant de l’ensemble des éléments apportés à cet égard au regard de la jurisprudence citée aux points 46 à 48 ci-dessus.

68      S’agissant de l’appartenance de la requérante au groupe J&T, premièrement, il convient d’examiner l’actionnariat de la requérante. Cette dernière indique qu’il est composé de trois actionnaires minoritaires, Ahimsa, Aphotica et J&T Perspektiva détenant respectivement 23,05 %, 17,42 % et 9,40 % du capital. Le reste du capital de la requérante, 50,13 %, serait détenu par plus de 30 000 petits actionnaires. La Commission considère qu’en réalité les trois actionnaires minoritaires font partie du groupe J&T. Au soutien de son affirmation, elle cite des rapports d’expertise qui indiquent que Ahimsa et Aphotica, deux sociétés chypriotes, font partie du groupe J&T. Elle relève par ailleurs que, dans le rapport annuel 2007 de ce groupe, les comptes de ces deux sociétés sont consolidés avec ceux du groupe J&T. Quant à J&T Perspektiva, ce fonds d’investissement serait géré par la société J&T Asset Management qui, à son tour, serait détenue à 100 % par le groupe J&T. Dès lors, ce groupe posséderait une participation de 49,87 % dans Garantovaná. Le reste de l’actionnariat étant très dispersé, cette participation entraînerait le contrôle de la requérante.

69      Cependant, comme le note la requérante dans ses réponses aux questions du juge des référés, les rapports sur lesquels se fonde la Commission se basent sur des données qui ne sont plus d’actualité. En effet, sans qu’il soit nécessaire de les qualifier du point de vue du contrôle qu’elles auraient pu engendrer envers la requérante, les relations contractuelles, qui ont pu exister en 2007 entre, d’une part, le groupe J&T et, d’autre part, Ahimsa et Aphotica, ont pris fin le 31 août 2008. L’absence de consolidation de leurs comptes dans le rapport annuel 2008 du groupe J&T confirme cette évolution contractuelle, expliquée dans une lettre du groupe J&T annexée aux réponses données par la requérante aux questions du juge des référés. Cette lettre, datée du 18 novembre 2009 et dont la traduction en langue de procédure a été communiquée le 27 novembre 2009, fournit des explications quant à la raison d’être des liens qui ont existé jusqu’à la restructuration de ce groupe, qui a, notamment, mis fin à sa collaboration avec les deux actionnaires minoritaires principaux de la requérante. Ces informations répondent de manière satisfaisante à de nombreuses allégations de la Commission exposées dans ses observations du 4 décembre 2009 tendant à démontrer la présence de lacunes dans la demande en référé en ce qui concerne les liens existant entre la requérante ou ses deux principaux actionnaires minoritaires et le groupe J&T et, plus précisément, l’existence de prêts de la part de ce groupe au profit desdits actionnaires minoritaires finançant l’achat de parts dans le capital de la requérante, d’une part, et l’impact d’une restructuration majeure au sein de ce groupe sur les liens qu’il entretenait avec la requérante par l’intermédiaire de ses deux principaux actionnaires minoritaires, d’autre part.

70      Deuxièmement, de l’ensemble des observations fournies par la Commission dans le cadre de la présente procédure il ressort un certain nombre d’éléments qui, selon elle, indiquent l’appartenance de la requérante au groupe J&T.

71      À titre liminaire, il convient cependant de relever que ces éléments fournis par la Commission ne sont plus fondés exclusivement sur l’existence de liens d’actionnariat mais sur un faisceau d’indices dont la force probante ne peut raisonnablement être reconnue dès lors que des éléments importants ont été réfutés. Lorsque de tels éléments font défaut, il faut partir de la prémisse selon laquelle la requérante ne dispose pas des relations privilégiées qui lui sont prêtées et, par conséquent, qu’elle ne peut ou qu’elle peut difficilement obtenir des informations qui n’appartiennent pas au domaine public.

72      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les différents indices relevés par la Commission pour démontrer l’appartenance de la requérante au groupe J&T. Ces indices peuvent être classés en deux catégories.

73      Dans un premier temps, la Commission souligne l’existence de liens pouvant être qualifiés de « personnels ». Tout d’abord, la Commission avance des indices concernant des liens entre la requérante et le groupe J&T. Ainsi, certaines personnes du conseil d’administration de la requérante, dont son président, auraient des liens manifestes avec le groupe J&T. Les deux sociétés auraient la même adresse à Bratislava. L’adresse électronique utilisée par un membre du conseil d’administration de la requérante durant la procédure administrative serait celle du groupe J&T. Cependant, la valeur probante de tels indices ne saurait conduire le juge des référés à considérer que la requérante appartienne au groupe J&T. En effet, il suffit de noter que, sans preuve concrète, il ne saurait être déduit de la simple implication de certaines personnes relevant d’une société dans une autre société l’appartenance de la première à la seconde. Il est effectivement usuel de retrouver les mêmes personnes dans différentes sociétés d’investissement sans pour autant que ces dernières forment, ensemble, un groupe. En outre, les personnes du conseil d’administration de la requérante visées par la Commission ne détiennent pas de positions clefs au sein du groupe J&T. Par ailleurs, il ne peut être exclu que, du fait des liens entretenus par l’un des membres du conseil d’administration de la requérante avec le groupe J&T, ce dernier possède une adresse électronique au sein de ce groupe. Cela étant, ce simple fait permet seulement de conclure à l’implication de cette personne dans une autre société que la requérante, ce qui en soi, comme il a été expliqué ci-dessus, n’est pas, dans le cas d’espèce, concluant quant à l’appartenance de la requérante au groupe J&T. De la même manière, il ne peut être exclu que l’adresse en Slovaquie soit l’adresse d’un centre d’affaires regroupant plusieurs sociétés sans lien les unes avec les autres.

74      Ensuite, la Commission présente des indices de même nature concernant des liens entre les deux actionnaires minoritaires principaux de la requérante et le groupe J&T. À titre liminaire, il convient de souligner que les explications pouvant être fournies par la requérante à propos de ces indices sont, par nature, limitées dans la mesure où ces liens concernent des actionnaires minoritaires. Selon la Commission, Aphotica serait détenue à 100 % par Masterton Development, dont 100 % des droits de vote appartiendrait à M. R. K., oncle de M. P. T., ce dernier faisant partie de la direction du groupe J&T et étant le fils de M. J. T., propriétaire de 50 % du capital de TechnoPlus, société faîtière du groupe J&T. La Commission indique également que les deux sociétés chypriotes, Aphotica et Ahimsa, auraient deux directeurs, dont l’un, Mme A. T., serait également directeur de trois autres sociétés, dont deux font partie du groupe J&T. À cet égard, il convient de rappeler que la présence de mêmes personnes dans différentes sociétés d’investissement ne suffit pas à elle seule pour conclure que ces entreprises appartiennent à un même groupe. En outre, en ce qui concerne les liens familiaux, si ceux-ci peuvent, dans certaines circonstances, étayer la thèse selon laquelle une entreprise appartient à un groupe plus important (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 15 janvier 2009, Ziegler/Commission, T‑199/08 R, non publiée au Recueil, point 60), il convient cependant de noter que, dans le cas d’espèce, ces liens apparaissent trop diffus pour justifier une telle approche.

75      Dans un deuxième temps, la Commission avance des indices concernant des liens de nature « financière ». Tout d’abord, la Commission évoque de tels liens entre les deux principaux actionnaires minoritaires de la requérante et le groupe J&T. Les indices en cause portent essentiellement sur les prêts consentis par le groupe J&T aux sociétés chypriotes aux fins d’acheter des parts dans le capital de la requérante. Au regard de la remarque liminaire exposée au point 71 ci-dessus et compte tenu de la cessation de toute relation contractuelle entre les deux principaux actionnaires minoritaires de la requérante et le groupe J&T depuis le 31 août 2008 (voir point 69 ci-dessus), lesdits indices présentés par la Commission doivent être écartés.

76      Ensuite, la Commission relève des indices concernant des liens de même nature entre la requérante et le groupe J&T. Ainsi, elle mentionne un certain nombre de preuves documentaires, telles que le rapport annuel 2007 du groupe J&T indiquant qu’une grande partie des résultats de la requérante a été consolidée avec ceux du groupe J&T et que ce groupe détient une participation dans Garantovaná qui lui permettrait d’exercer une grande influence sur cette société, un article de presse paru le 25 avril 2009 qui mentionnerait que la requérante fait partie du groupe J&T et, enfin, le rapport d’expertise établi le 29 octobre 2009 pour G1, filiale à 100 % de la requérante, qui mentionnerait que cette filiale fait partie du groupe J&T. Outre que, ainsi qu’il a été relevé précédemment, les informations tirées du rapport annuel 2007 du groupe J&T manquent de pertinence, il peut être utile de noter que celles provenant du rapport d’expertise précité possèdent une valeur probante limitée dans la mesure où il semble que l’évolution fondamentale des relations contractuelles en 2008 entre, d’une part, le groupe J&T et, d’autre part, Ahimsa et Aphotica ne soit pas prise en compte. Les sources des informations sur lesquelles se fonde l’article de presse n’étant pas connues, cet élément de preuve revêt une force probante toute relative.

77      La Commission rappelle également que G1 a investi le capital résultant des immobilisations financières à long terme de Garantovaná, par l’intermédiaire de la société Bounty \/, implantée aux îles Vierges britanniques (Royaume-Uni), dans des prêts à long terme au profit de trois sociétés. À cet égard, elle souligne, d’une part, que, en contrepartie de ces prêts, Bounty a reçu des billets à ordre, émis par J&T Private Equity, filiale à 100 % du groupe J&T et, d’autre part, que les trois emprunteurs utiliseraient les revenus issus des prêts pour financer des projets auxquels participe le groupe J&T. Il semble nécessaire, à ce stade de l’analyse, de relever la particulière complexité des relations en cause, qui ont fait l’objet des nombreux échanges lors de la présente procédure. Or, il n’appartient pas au juge des référés de se saisir de la moindre transaction financière aux fins de l’analyser sous l’angle de la possible appartenance de la requérante à un groupe plus important. Dans le cas présent, la Commission s’est penchée sur la situation de la requérante à maintes reprises : pour déterminer l’influence déterminante qu’elle a pu avoir sur NCHZ et ainsi la condamner solidairement au paiement de l’amende, pour rejeter sa demande au titre du paragraphe 35 des lignes directrices et, enfin, dans le cadre des discussions relatives à la garantie financière qui ont eu lieu parallèlement à la présente procédure. Or, les éléments présentés par la Commission, pris dans leur ensemble, n’emportent pas une conviction claire qu’aucune explication autre que celle de l’existence de liens financiers ne puisse prévaloir. En effet, les éléments relevés par la Commission pourraient trouver une explication dans le fait que ces sociétés ont pour activité l’investissement capitalistique et exercent sur des zones géographiques similaires et relativement restreintes. Dès lors, il n’est pas surprenant que les opérations d’investissement à cette échelle fassent intervenir les mêmes acteurs sans pourtant qu’il existe entre eux des liens permettant de considérer qu’ils constituent un groupe ou un réseau au sens de la jurisprudence.

78      Il n’y a donc pas lieu pour le juge des référés de faire prévaloir, dans le cas présent, les simples doutes formulés par la Commission. À cet égard, lorsque les entités impliquées dans une procédure devant les juridictions de l’Union du fait de leurs liens financiers avec une entreprise contrevenante aux règles du droit de l’Union sont actives dans le domaine de la finance et des investissements, il ne peut être présumé que la complexité des montages financiers provient d’une volonté de se soustraire à l’application des règles de droit de la concurrence ou à l’exercice du contrôle du juge des référés. Si les difficultés objectives de la Commission pour obtenir des informations en présence de sociétés offshore doivent être reconnues, et qu’il incombe, en principe, à la requérante de faire la lumière sur les liens qu’elle peut avoir avec ce type de sociétés afin de pallier ces difficultés, il convient également de rappeler les considérations exposées ci-dessus selon lesquelles, lorsque des éléments essentiels sur lesquels se fondent les doutes de la Commission sont réfutés, il faut partir de la prémisse que, au regard des éléments contenus dans le dossier devant le juge des référés, la requérante ne dispose pas des relations privilégiées qui lui sont prêtées et, par conséquent, ne peut obtenir d’informations qui n’appartiennent pas au domaine public. Il peut éventuellement en être de même concernant des informations relatives aux actionnaires minoritaires de la requérante comme dans le cas présent.

79      En l’espèce, si, au regard de l’ensemble des indices allégués, il est indéniable qu’il existe entre ces sociétés certains liens, desquels une certaine influence peut éventuellement résulter, celle-ci, au vu des éléments soumis au contrôle du juge des référés, ne semble pas correspondre à un lien d’appartenance à un groupe ou à un réseau au sens de la jurisprudence relative à l’appréciation de la condition relative à l’urgence dans le cadre d’une demande de mesures provisoires. L’influence et l’appartenance doivent en effet être distinguées, la jurisprudence ne faisant ni ne permettant leur confusion.

80      Au regard de ce qui précède, il ressort du dossier soumis au juge des référés que la requérante n’apparaît ni être la filiale d’une société mère, ni appartenir à un groupe plus important ou à un réseau, ni avoir d’actionnaire important dont il conviendrait de prendre en compte les ressources dans le cadre de l’examen de la situation financière de la requérante au regard de son impossibilité objective de fournir une garantie bancaire.

81      S’agissant de l’existence d’une confusion d’intérêts entre la requérante et le groupe J&T, il convient de relever que, en l’état actuel de la jurisprudence relative à l’appréciation des ressources financières d’un demandeur en référé, la notion de communauté d’intérêts n’a de pertinence que dans la mesure où ont été apportés des éléments d’une valeur probante suffisante au soutien de la thèse selon laquelle ce demandeur serait la filiale d’une société mère (ordonnance du président du Tribunal du 29 octobre 2009, Novácke chemické závody/Commission, T‑352/09 R, non publiée au Recueil, points 53 à 55), aurait un actionnaire important (ordonnances DSR-Senator Lines/Commission, précitée, points 10, 49 et suivants, et Romana Tabacchi/Commission, précitée, points 111 et suivants ; ordonnance Almamet/Commission, précitée, points 47, 48 et 57), appartiendrait à un groupe (ordonnance Pannon Hőerőmű/Commission, précitée, points 47 et 48) ou à un réseau [ordonnance du président de la Cour du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), non publiée au Recueil, point 48].

82      Or, dans le cas présent, les éléments produits par la Commission ne permettent pas au juge des référés de mettre en doute l’affirmation de la requérante selon laquelle elle n’est pas la filiale d’une société mère ou d’un groupe plus important et n’a pas d’actionnaire majoritaire. Il convient également de remarquer que la requérante ne se présente pas comme faisant partie d’un réseau, dont les autres membres pourraient avoir des intérêts communs avec elle, ce qui devrait, conformément à la jurisprudence, conduire le président du Tribunal, en sa qualité de juge des référés, à prendre en compte la capacité contributive de ces autres membres dans l’examen des ressources financières disponibles et pouvant être appelées au soutien d’une demande d’octroi de garantie bancaire. Les éléments apportés par la Commission à cet égard tentent de démontrer l’existence d’un réseau consciemment dissimulé en reconstruisant les liens personnels et financiers qui le composeraient. Cependant, comme le montre l’analyse menée ci-dessus, du fait des circonstances de l’espèce, ces liens peuvent avoir d’autres explications rationnelles et convaincantes.

83      Par ailleurs, il ressort de ce qui précède qu’il ne saurait être reproché à la requérante de ne pas avoir mentionné l’existence des éléments sur lesquels la Commission fonde ses objections. Cette abstention a en effet été valablement justifiée lors des échanges qui ont eu lieu pendant la présente procédure. La demande de mesures provisoires n’est donc pas insuffisamment étayée au regard de l’examen de la condition relative à l’urgence qu’il revient au juge des référés d’effectuer.

84      En troisième lieu, la Commission estime que la situation financière dans laquelle se trouve la requérante résulte intégralement de son propre comportement et témoigne d’un manque de diligence en ce qui concerne le paiement de l’amende. Premièrement, elle souligne que dix jours seulement avant la date de la décision attaquée, la requérante a décidé d’investir la plus grande partie des derniers actifs qui lui restaient dans des prêts à long terme. En outre, elle indique que les trois accords de prêts conclus par la filiale de la requérante, G1, par l’intermédiaire de sa filiale Bounty, l’ont été quelques jours avant la date de la décision attaquée.

85      La requérante fait valoir que les effets préjudiciables de l’exécution de la décision attaquée ne résultent pas d’un manque de diligence de sa part.

86      À cet égard, il convient de noter qu’il est de jurisprudence constante que l’urgence à ordonner une mesure provisoire doit résulter des effets produits par l’acte litigieux et non d’un manque de diligence du demandeur de ladite mesure. En effet, il incombe à ce dernier, au risque de devoir supporter lui-même le préjudice comme faisant partie des risques de l’entreprise, de faire preuve d’une diligence raisonnable pour en limiter l’étendue (voir ordonnances du président du Tribunal du 1er février 2001, Free Trade Foods/Commission, T-350/00 R, Rec. p. II‑493, point 59, et la jurisprudence citée, et Nycomed Danmark/EMEA, précitée, points 82 et suivants).

87      Il convient de noter que, si la chronologie des événements, et plus particulièrement des investissements réalisés à une date proche de l’adoption de la décision attaquée, semble malencontreuse, cependant aucun élément versé au dossier ne laisse apparaître les preuves d’une malversation tendant à l’organisation volontaire d’une immobilisation des actifs afin d’échapper au paiement de l’amende. À cet égard, la requérante fait valoir que les accords relatifs aux prêts avaient été conclus avant la notification de la décision attaquée et avant que le montant de l’amende ne soit connu. En outre, l’activité de la requérante étant l’investissement capitalistique, il ne saurait être exigé qu’elle gèle ses investissements et lui être reproché de continuer son activité pendant la procédure administrative entreprise par la Commission.

88      Deuxièmement, la Commission reproche à la requérante d’avoir manqué à son devoir de diligence en ayant omis de procéder à une provision à hauteur de 19,6 millions d’euros. Selon la requérante, une telle provision aurait excédé la limite de 10 % de son chiffre d’affaires réalisé pour l’année 2008 (2,1 millions d’euros).

89      Il ne saurait être reproché à la requérante d’avoir limité cette provision à un montant s’élevant à un maximum de 10 % de son chiffre d’affaires réalisé pour l’année 2008. Si la Commission fait valoir que les notes financières de la requérante pour 2008 montraient qu’elle savait que les avocats de NCHZ avaient reconnu que l’amende de cette dernière pourrait s’élever à environ 10 millions d’euros, que ladite société provisionnait des montants correspondants et que Garantovaná pouvait être tenue pour responsable de cette amende, force est de constater que, comme le souligne la requérante, ce calcul ne tenait pas compte de son chiffre d’affaires réalisé pour l’année 2008. Or, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le bien-fondé de la démarche, examen qui relève du juge du principal, il est constant que la requérante s’est basée sur ce chiffre pour estimer le montant de l’amende encourue. Dès lors, même si ces notes pouvaient attirer l’attention de la requérante sur la possibilité d’un calcul différent du sien, il n’est pas surprenant qu’elle n’en ait pas tenu compte pour provisionner un montant supérieur à celui équivalant à 10 % de son chiffre d’affaires de l’année 2008.

90      La Commission porte encore à la connaissance du juge des référés un article de presse dans lequel est rapportée une déclaration faite en avril 2009 par le président du conseil d’administration de la requérante mentionnant la possibilité que l’amende atteigne un montant de 23 millions d’euros. Cependant, au regard d’autres articles de presse présentés par la requérante, il apparaît que tant la force probante des éléments apportés par la Commission que la réelle signification des propos rapportés ne sont pas dénuées d’ambiguïté.

91      Par conséquent, en l’état actuel du dossier, il ne saurait être conclu à l’absence de diligence de la requérante. Les effets préjudiciables de l’exécution de la décision attaquée ne résultent donc pas d’un manque de diligence de la part de la requérante mais résultent bien des effets produits par ladite décision.

92      Au regard de ce qui précède, le juge des référés considère que la requérante a établi à suffisance de droit qu’elle se trouve dans l’impossibilité de fournir, en l’état actuel de sa situation financière, une garantie bancaire pour éviter le paiement immédiat de l’amende qui lui a été infligée par la Commission dans la décision attaquée. Conformément à une jurisprudence bien établie et rappelée ci-dessus, cette impossibilité constitue, dans le cas présent, une circonstance exceptionnelle justifiant la dispense de l’obligation de constituer une telle garantie. Partant, force est de constater que le cas d’espèce est caractérisé par des particularités établissant l’existence d’une urgence.

 Sur la mise en balance des intérêts

–       Arguments des parties

93      S’agissant de la balance des intérêts en présence, la requérante affirme que, outre son propre intérêt à éviter la faillite en cas de recouvrement de l’amende, d’autres intérêts sont en jeu. En premier lieu, elle fait valoir ceux de ses actionnaires, au nombre de 30 000 environ, principalement des particuliers, qui perdraient la valeur totale de leur participation si elle faisait faillite. Selon la requérante, 1 610 actionnaires, s’estimant lésés par la décision attaquée, ont à cet égard exprimé leur préoccupation en adressant une pétition à la Commission et aux autorités slovaques.

94      En deuxième lieu, la requérante souligne que, si elle devait se voir obligée de payer l’amende à ce stade, elle serait forcée de faire faillite et la capacité de la Commission à recouvrer l’amende s’en trouverait grandement affectée. En effet, selon le rapport de l’expert financier, la Commission, en tant que créancier, ne pourrait recouvrer qu’un faible pourcentage de la somme totale après une longue procédure devant les juridictions slovaques. En revanche, s’il était fait droit à la présente demande de sursis à exécution, la requérante devrait être en mesure de payer l’amende si cette dernière était confirmée au terme de la procédure principale, les prêts à long terme étant probablement parvenus à échéance à ce moment-là.

95      En dernier lieu, la requérante reconnaît l’importance des intérêts de l’Union à ce que les règles de concurrence soient appliquées de manière efficace et, notamment, à ce que l’effet dissuasif des amendes infligées par la Commission soit préservé. Cependant, selon la requérante, la suspension de la décision attaquée n’enlèverait rien au caractère dissuasif de cette sanction. D’une part, la décision attaquée a fait l’objet d’une publicité importante, qui ne serait pas atténuée par l’octroi du sursis à exécution demandé. D’autre part, par la présente demande, la requérante ne vise pas l’annulation de l’amende mais la suspension de son paiement. Si l’amende venait à être confirmée au terme de la procédure principale, l’effet dissuasif serait toujours atteint.

96      Premièrement, la Commission estime que, en ce qui concerne la sauvegarde de l’effectivité des règles de concurrence et de la nécessité d’infliger des amendes dissuasives, seule une amende permet d’atteindre cet objectif dans la mesure où la décision attaquée a conclu à la participation de la requérante à des restrictions de concurrence considérées comme faisant partie des plus graves. En outre, la simple publicité entourant l’affaire ne constituerait pas une réponse adéquate pour garantir l’effet dissuasif de l’amende, que la Commission est habilitée à infliger dans cette perspective.

97      Deuxièmement, en ce qui concerne les intérêts financiers de l’Union, la Commission rappelle que, conformément à l’article 87 du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 357, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution du règlement financier »), la Commission ne peut renoncer à recouvrer une créance constatée, telle que l’amende infligée dans la présente affaire, que si certaines conditions restrictives sont remplies. Or, elle estime de façon catégorique que ces conditions ne sont pas remplies en l’espèce. En outre, la dispense de l’obligation de constituer une garantie bancaire revient à accorder à la requérante un crédit sans aucune garantie, risque qui devrait être normalement assumé par les banques.

98      Troisièmement, en ce qui concerne sa capacité de recouvrer l’amende, la Commission conteste le prétendu affaiblissement de cette capacité dans l’hypothèse où la demande de mesures provisoires serait rejetée. Tout d’abord, l’amende ne serait pas recouvrée, puisque seule une garantie bancaire est demandée. Ensuite, la Commission souligne qu’il est particulièrement nécessaire d’obtenir une garantie bancaire en raison du risque imminent de vente par la requérante de ses derniers actifs.

99      Quatrièmement, la Commission affirme que l’intérêt public au recouvrement de l’amende prime sur les intérêts des actionnaires de la requérante, dont l’affectation n’a, en l’occurrence, pas été prouvée. En outre, en théorie, ce sont ces mêmes actionnaires qui auraient profité de l’entente.

100    Enfin, la Commission souligne que, dans le cadre de la mise en balance des intérêts, le juge des référés peut tenir compte de l’attitude des parties. Elle rappelle, à cet égard, que la requérante n’a pas fait preuve d’une diligence particulière en ce qui concerne ses problèmes financiers.

–       Appréciation du juge des référés

101    Selon une jurisprudence bien établie, la mise en balance des intérêts consiste pour le juge des référés à déterminer si l’intérêt de la partie requérante à obtenir les mesures provisoires demandées prévaut ou non sur l’intérêt que présente l’application immédiate de l’acte litigieux en examinant, plus particulièrement, si l’annulation éventuelle de cet acte par le juge du fond permettrait le renversement de la situation qui aurait été provoquée par son exécution immédiate et, inversement, si le sursis à l’exécution dudit acte serait de nature à faire obstacle à son plein effet, au cas où le recours principal serait rejeté (voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 11 mai 1989, Radio Telefis Eireann e.a./Commission, 76/89 R, 77/89 R et 91/89 R, Rec. p. 1141, point 15, et du 26 juin 2003, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 R et C‑217/03 R, Rec. p. I‑6887, point 142 ; ordonnance du président du Tribunal du 31 août 2010, Babcock Noell/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑299/10 R, non publiée au Recueil, point 64).

102    À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il a été établi que la requérante a, d’une part, présenté un moyen qui apparaît, à première vue, suffisamment pertinent et sérieux pour constituer à ce stade un fumus boni juris et, d’autre part, démontré à suffisance de droit son impossibilité objective de fournir, en l’état actuel de sa situation financière, une garantie bancaire pour éviter le paiement immédiat de l’amende qui lui a été infligée par la Commission dans la décision attaquée. De cette dernière constatation, il découle donc que, si les mesures provisoires n’étaient pas adoptées, la requérante se verrait dans l’obligation de payer l’amende, la Commission étant autorisé à demander l’exécution forcée de la décision attaquée.

103    Dès lors, il convient de mettre en balance, d’une part, l’intérêt de la requérante à éviter, à défaut de pouvoir constituer une garantie bancaire, qu’il ne soit procédé au recouvrement immédiat de l’amende et, d’autre part, l’intérêt financier de l’Union à pouvoir en recouvrer le montant ainsi que, plus généralement, l’intérêt public qui s’attache à la préservation de l’effectivité des règles de la concurrence et de la portée dissuasive des amendes prononcées par la Commission (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 13 juin 1989, Publishers Association/Commission, 56/89 R, Rec. p. 1693, point 35 ; ordonnances du président du Tribunal du 21 janvier 2004, FNSEA e.a./Commission, T‑245/03 R, Rec. p. II‑271, point 119, et Romana Tabacchi/Commission, précitée, point 135).

104    En premier lieu, s’agissant de l’intérêt de la requérante à éviter qu’il ne soit procédé au recouvrement immédiat de l’amende, cette dernière a souligné le faible montant de ses actifs circulants. L’obligation d’effectuer le paiement immédiat de l’amende engendrerait, par conséquent, la nécessaire cession de ses actions détenues dans le capital de sa filiale G1, constitutives de ses immobilisations financières à long terme. Or, la requérante a fourni au juge des référés des informations relatives à cette possibilité. Il ressort de ces documents que Garantovaná pourrait raisonnablement espérer récupérer entre 29 et 42 % de leur valeur comptable, ce qui permettrait d’obtenir un montant total qui, même augmenté des autres actifs immédiatement disponibles, ne couvrirait pas le montant de l’amende exigée. Au regard des documents produits par la requérante, ce défaut de paiement entraînerait probablement l’ouverture d’une procédure de cessation de paiement.

105    S’il est vrai que l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité n’est pas nécessairement constitutive d’un préjudice grave et irréparable (ordonnance HFB e.a./Commission, précitée, points 56 et 57), force est de constater que, dans les circonstances de l’espèce, l’exécution de la décision attaquée entraînerait la cessation de l’activité économique de la requérante. En effet, cette dernière, réalisant exclusivement des investissements capitalistiques, se distingue d’une entreprise de production ou de fourniture de service, dont les activités peuvent éventuellement continuer pendant une procédure de faillite.

106    En outre, si, dans certaines situations, l’existence de difficultés de trésorerie ne conduit pas nécessairement à la liquidation de l’entreprise du fait de la possibilité de recourir à d’autres solutions permises lors de la procédure d’insolvabilité (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 9 juillet 1999, HFB e.a./Commission, T‑9/99 R, Rec. p. II‑2429, point 34), dans le cas d’espèce, il doit non seulement être tenu compte du manque de trésorerie, mais également des difficultés rencontrées par la requérante dans le contexte de ses demandes de garantie bancaire. Celles-ci tendent à démontrer, avec un degré de probabilité suffisant, l’absence de solution autre que celle de la faillite. À ce stade et au regard des éléments du dossier, il ne peut être, en effet, attendu des créanciers de la requérante une position plus arrangeante, comme le laissent entendre les propos de la Commission à la suite de la mise en faillite de NCHZ.

107    En deuxième lieu, s’agissant des intérêts financiers de l’Union, premièrement, il convient de noter que, bien que la Commission estime que les conditions lui permettant de renoncer au recouvrement d’une créance constatée, requises par l’article 87 des modalités d’exécution du règlement financier, ne sont pas remplies en l’espèce, elle ne fournit aucune explication à cet égard.

108    Deuxièmement, il doit être relevé que des éléments relatifs aux difficultés de la Commission à recouvrer sa créance en cas de mise en faillite de la requérante ont été présentés par cette dernière sans qu’ils fassent l’objet d’une contestation spécifique par la Commission. Or, il est important de relever qu’en cas de faillite de la requérante des éléments du dossier non contestés montrent que la poursuite par la Commission de sa créance pourrait prendre des années et que, la Commission ne jouissant d’aucune priorité en tant que créancier, le résultat de cette action serait incertain (voir, en ce sens, ordonnance Romana Tabacchi/Commission, précitée, point 136). De la même manière, en cas de cession des actions détenues par la requérante dans sa filiale G1, il ressort de certaines informations du dossier qu’il convient de prendre en compte non seulement le temps que la réalisation d’une telle transaction exige (estimé à un minimum de six mois par la requérante), mais également le fait qu’une telle cession, effectuée dans un contexte d’urgence et de nécessité, pourrait aboutir à un montant total qui ne couvrirait pas l’intégralité de l’amende.

109    Or, les prêts à long terme parviendront à échéance le 11 juillet 2012 et devraient selon la requérante générer une plus-value de 6,3 millions d’euros qui, ajoutés à la somme initialement prêtée, devraient porter le montant total du flux de trésorerie disponible à cette date à 36,5 millions d’euros. Dans ces circonstances, il apparaît que les intérêts financiers de la Commission ne seraient pas nécessairement mieux protégés si elle entamait immédiatement une procédure d’exécution forcée plutôt que si elle attendait que ces prêts atteignent leur échéance.

110    En troisième lieu, s’agissant de l’intérêt public qui s’attache notamment à la préservation de l’effectivité des règles \/ de la concurrence et de la portée dissuasive des amendes prononcées par la Commission, premièrement, il y a lieu de constater, que la Commission se contente de rappeler que l’infraction réalisée par la filiale de la requérante fait partie des restrictions de concurrence les plus graves sans démontrer en quoi l’octroi d’un sursis compromettrait, en l’espèce, cet intérêt. Si le raisonnement de la Commission devait être suivi, l’introduction d’une demande de sursis à exécution par une entreprise sanctionnée pour une infraction de ce type serait automatiquement vouée à l’échec, faisant de ce fait perdre toute raison d’être, dans cette situation, à la voie de droit que représente le référé.

111    Deuxièmement, il convient de rappeler, comme le souligne la Commission dans ses observations, qu’un poids important a toujours été accordé à l’intérêt public au recouvrement de l’amende. En effet, si la Commission ne pouvait recouvrer l’amende imposée, tant l’efficacité des règles de concurrence que le caractère dissuasif de la sanction en seraient affectés. Or, en l’espèce, il a été démontré que, dans cette dernière hypothèse, il existe de sérieux doutes quant à la capacité de la Commission de recouvrer sa créance. Il apparaît donc que l’intérêt public serait aussi bien voire mieux protégé en permettant aux prêts à long terme d’arriver à échéance.

112    Au vu de ce qui précède, le juge des référés estime que la balance des intérêts penche en faveur de la requérante.

113    Cependant, la Commission attire l’attention du président du Tribunal sur les risques existant en cas de suspension pure et simple de la décision attaquée. Il convient donc d’examiner la réalité de ces risques afin de déterminer s’il est nécessaire d’assortir cette suspension d’une ou de plusieurs conditions permettant de les prévenir.

114    Dans ses observations sur la demande en référé, la Commission souligne le risque imminent que la requérante ne se défasse de ses actifs détenus à 96 % par sa filiale G1, en la laissant ainsi à l’état de « coquille vide » rendant impossible le recouvrement de l’amende. En réponse à une question du président du Tribunal, la requérante a explicitement écarté cette hypothèse, réfutant de manière satisfaisante les indices sur lesquels la Commission fondait son appréciation. Cependant, comme le remarque à juste titre la Commission dans ses observations sur les réponses de la requérante, en l’absence de toute garantie, le risque que la requérante cède ces actifs persiste. Bien que Garantovaná conteste le bien-fondé d’une telle crainte, le juge des référés ne peut raisonnablement accepter une simple déclaration d’intention comme garantie. À cet égard, il convient de prendre note de la proposition de la requérante d’offrir les actions qu’elle détient dans sa filiale en gage à la Commission sans autre contrepartie afin, d’une part, d’empêcher qu’une vente ne se fasse sans son accord préalable et, d’autre part, d’assurer à la Commission un statut de créancier privilégié disposant d’un droit de préférence. Dans sa proposition, la requérante propose également que sa filiale G1 soit partie à cet accord afin que cette dernière ne procède pas à un transfert d’actifs sans accord préalable de la Commission. Cette proposition a été rejetée au motif que la Commission, en tant qu’institution publique, ne dispose pas de mandat lui permettant de fonctionner comme une banque commerciale. À cet égard, elle souligne qu’elle n’a pas l’expertise nécessaire pour évaluer la valeur des actions ni pour les gérer et ne peut accepter comme garantie une telle proposition, portant sur des actions dont la valeur serait incertaine. De ce fait, elle ne pourrait donc pas accepter d’autres garanties qu’un paiement à titre provisoire du montant de l’amende ou une garantie bancaire.

115    Au regard de cette situation, le juge des référés estime qu’il existe un risque réel d’entrave au plein effet de la décision attaquée si la suspension demandée par la requérante était ordonnée. Il convient donc de soumettre cette suspension à un certain nombre de conditions.

116    En premier lieu, il convient d’ordonner à la requérante qu’elle ne puisse se dessaisir des actifs en question sans autorisation préalable de la Commission. Afin d’assurer la pleine et entière effectivité de cette mesure, il est nécessaire de prévoir que cette interdiction s’applique également aux sociétés G1 et Bounty, que la requérante contrôle directement ou indirectement à 100 %.

117    En deuxième lieu, afin de limiter au maximum le risque financier pour l’Union sans toutefois compromettre l’effet utile de la présente ordonnance, il convient d’obliger la requérante à verser immédiatement le montant qu’elle prétend avoir provisionné.

118    En troisième et dernier lieu, afin de permettre un contrôle de ces mesures, il convient d’assurer une information adéquate de la Commission et, par conséquent, d’ordonner à la requérante de l’informer, d’une part, régulièrement de l’évolution de ses activités et de ses actifs et, d’autre part, en temps utile toutes les fois où une circonstance pourrait avoir des conséquences sur sa capacité future de s’acquitter de l’amende infligée par la décision attaquée.

119    Le juge des référés estime, d’une part, que l’absence d’adoption des mesures provisoires prévues par la présente ordonnance empêcherait le plein effet d’un arrêt rendu dans l’affaire principale en faveur de la requérante et, d’autre part, que ces mesures ne font pas obstacle au plein effet dudit arrêt si ce dernier rejetait le recours principal et permettent de préserver les intérêts de la requérante au cas où le juge du fond viendrait à faire droit à sa demande.

120    Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’accorder à la requérante la dispense sollicitée jusqu’à ce que le premier des deux événements suivants soit réalisé :

–        l’arrivée à échéance des prêts à long terme le 11 juillet 2012 ;

–        le prononcé de l’arrêt mettant un terme à la procédure principale ;

et à condition que :

–        à compter de la notification de la présente ordonnance, la requérante s’engage à ne pas céder, ni directement ni indirectement, ses parts dans sa filiale G1 sans autorisation préalable de la Commission ;

–        dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, la requérante présente par écrit au président du Tribunal l’accord selon lequel sa filiale G1 et la filiale de cette dernière, Bounty, ne peuvent transférer leurs actifs à une personne tierce sans autorisation préalable de la Commission ;

–        à compter de la notification de la présente ordonnance, la requérante paie à la Commission la somme de 2,1 millions d’euros, équivalant à la provision qu’elle prétend avoir effectuée conformément à sa réponse communiquée au juge des référés le 23 novembre 2009 ;

–        dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, puis tous les trois mois jusqu’au prononcé de l’arrêt rendu dans l’affaire principale, ou à chaque événement qui pourrait avoir une influence sur sa capacité future de s’acquitter de l’amende infligée, la requérante présente par écrit à la Commission un rapport sur l’évolution de ses actifs, et plus particulièrement de ses investissements à long terme.

121    Il y a lieu d’observer, au demeurant, que la faculté est donnée au juge des référés par l’article 108 du règlement de procédure de modifier ou de rapporter à tout moment l’ordonnance de référé à la suite d’un changement de circonstances (ordonnance du Tribunal du 4 avril 2002, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01 R, Rec. p. II‑2153, point 123). Il ressort de cette jurisprudence que, par changement de circonstances, le juge des référés entend, en particulier, des circonstances de nature factuelle susceptibles de modifier l’appréciation en l’espèce du critère de l’urgence. Selon la Cour, cette possibilité traduit le caractère fondamentalement précaire en droit de l’Union des mesures octroyées par le juge des référés [ordonnance de la Cour du 14 février 2002, Commission/Artegodan, C‑440/01 P(R), Rec. p. I‑1489, point 62, et ordonnance FNSEA e.a./Commission, précitée, point 129].

122    Il appartiendra donc, le cas échéant, aux parties de s’adresser au président du Tribunal au cas où un changement de circonstances de nature à modifier l’appréciation effectuée dans la présente décision devrait intervenir.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en intervention de MM. Jaroslav Červenka, Milan Hošek, Roman Murar, Adrián Vološin, Milan Kasanický et Peter Fratič est rejetée.

2)      Il est sursis à l’obligation pour la requérante, 1. garantovaná a.s., de constituer en faveur de la Commission européenne une garantie bancaire pour éviter le recouvrement immédiat de l’amende qui lui a été infligée par l’article 2 de la décision C (2009) 5791 final de la Commission, du 22 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.396 – Réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium pour l’industrie de l’acier et du gaz), jusqu’à ce que le premier des deux événements suivants soit réalisé :

–        l’arrivée à échéance des prêts à long terme le 11 juillet 2012 ;

–        le prononcé de l’arrêt mettant un terme à la procédure principale ;

et à condition que :

–        à compter de la notification de la présente ordonnance, la requérante ne puisse céder, ni directement ni indirectement, ses parts dans sa filiale G1 Investment Ltd sans autorisation préalable de la Commission ;

–        dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, la requérante présente par écrit au président du Tribunal l’accord selon lequel sa filiale G1 Investment et la filiale de cette dernière, Bounty Commodities Ltd, ne peuvent transférer leurs actifs à une personne tierce sans autorisation préalable de la Commission ;

–        à compter de la notification de la présente ordonnance, la requérante paie à la Commission la somme de 2,1 millions d’euros ;

–        dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, puis tous les trois mois jusqu’au prononcé de la décision dans l’affaire principale, ou à chaque événement qui pourrait avoir une influence sur sa capacité future de s’acquitter de l’amende infligée, la requérante présente par écrit à la Commission un rapport sur l’évolution de ses actifs, et plus particulièrement de ses investissements à long terme.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 2 mars 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.