Language of document : ECLI:EU:T:2017:102

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

17 février 2017 (1)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Exception d’illégalité – Base juridique – Détournement de pouvoir – Droits de la défense – Confiance légitime – Sécurité juridique – Ne bis in idem – Autorité de la chose jugée – Proportionnalité – Erreur manifeste d’appréciation – Droits fondamentaux »

Dans les affaires jointes T‑14/14 et T‑87/14,

Islamic Republic of Iran Shipping Lines, établie à Téhéran (Iran), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe, représentées par MM. F. Randolph, QC, P. Pantelis, solicitor, Mmes M. Lester, barrister, et M. Taher, solicitor,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bishop et V. Piessevaux, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par Mme D. Gauci et M. T. Scharf, en qualité d’agents,

partie intervenante dans l’affaire T‑87/14

ayant pour objet, dans l’affaire T‑14/14, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision 2013/497/PESC du Conseil, du 10 octobre 2013, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2013, L 272, p. 46), et du règlement (UE) n° 971/2013 du Conseil, du 10 octobre 2013, modifiant le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2013, L 272, p. 1), pour autant que ces actes concernent les requérantes, et, dans l’affaire T‑87/14, d’une part, une demande fondée sur l’article 277 TFUE et tendant à faire déclarer l’inapplicabilité de la décision 2013/497 et du règlement n° 971/2013 et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision 2013/685/PESC du Conseil, du 26 novembre 2013, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2013, L 316, p. 46), et du règlement d’exécution (UE) n° 1203/2013 du Conseil, du 26 novembre 2013, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2013, L 316, p. 1), pour autant que ces actes concernent les requérantes,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová (rapporteur) et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 12 juillet 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les requérantes, Islamic Republic of Iran Shipping Lines (ci-après l’« IRISL »), qui est la compagnie de transport maritime de la République islamique d’Iran, ainsi que dix autres entités dont les noms figurent en annexe, sont des sociétés iraniennes, à l’exception d’IRISL Europe GmbH, qui est une société allemande. Toutes sont actives dans le secteur du transport maritime.

2        Les présentes affaires s’inscrivent dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci-après la « prolifération nucléaire »).

3        Le 26 juillet 2010, les noms des requérantes ont été inscrits sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO 2010, L 195, p. 39).

4        Par voie de conséquence, les noms des requérantes ont été inscrits sur la liste figurant à l’annexe V du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2007, L 103, p. 1), par le règlement d’exécution (UE) n° 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007 (JO 2010, L 195, p. 25).

5        L’inscription du nom de l’IRISL sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 était fondée sur les motifs suivants, lesquels sont en substance identiques à ceux retenus à l’annexe V du règlement n° 423/2007 :

« L’IRISL a participé au transport de marchandises de nature militaire, y compris de cargaisons interdites en provenance d’Iran. Trois incidents de ce type constituant des infractions manifestes ont été rapportés au comité des sanctions du [Conseil de sécurité des Nations unies]. Les liens de l’IRISL avec des activités présentant un risque de prolifération étaient tels que le [Conseil de sécurité des Nations unies] a demandé aux États d’inspecter les navires d[e l]’IRISL, pour autant qu’il existe des motifs raisonnables permettant de penser que les navires transportent des biens interdits au titre des résolutions 1803 et 1929 du [Conseil de sécurité des Nations unies]. »

6        L’inscription des noms des autres requérantes était motivée par le fait qu’il s’agissait de sociétés détenues ou contrôlées par l’IRISL ou agissant pour son compte.

7        Le règlement n° 423/2007 a été abrogé par le règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2010, L 281, p. 1), et le règlement n° 961/2010 a ensuite été abrogé par le règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2012, L 88, p. 1). Les noms des requérantes ont été inclus dans la liste figurant à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 et les motifs d’inscription de leurs noms n’ont pas été modifiés.

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 octobre 2010, les requérantes ont introduit un recours visant à l’annulation de l’inscription de leurs noms figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe V du règlement n° 423/2007. En cours de procédure, elles ont adapté leurs conclusions pour demander, notamment, l’annulation de l’inscription de leurs noms figurant à l’annexe IX du règlement n° 267/2012.

9        Par arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (T‑489/10, ci-après l’« arrêt IRISL », EU:T:2013:453), le Tribunal a accueilli le recours des requérantes.

10      Premièrement, le Tribunal a constaté que le Conseil de l’Union européenne n’avait pas motivé à suffisance de droit son allégation selon laquelle, par les comportements qui lui étaient reprochés, l’IRISL avait aidé une personne, une entité ou un organisme figurant sur une liste à enfreindre les dispositions de la réglementation pertinente de l’Union et des résolutions applicables du Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « Conseil de sécurité »), au sens de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, de l’article 16, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 961/2010 et de l’article 23, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 267/2012. Deuxièmement, selon le Tribunal, le Conseil n’avait pas établi que, en ayant transporté, à trois reprises, du matériel militaire en violation de l’interdiction prévue au paragraphe 5 de la résolution 1747 (2007) du Conseil de sécurité, l’IRISL avait apporté un appui à la prolifération nucléaire, au sens de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007, de l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 et de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 267/2012. Troisièmement, le Tribunal a considéré que, à supposer que les requérantes autres que l’IRISL aient été effectivement détenues ou contrôlées par cette dernière ou aient agi pour son compte, cette circonstance ne justifiait pas l’adoption et le maintien des mesures restrictives les visant, l’IRISL n’ayant pas été valablement reconnue comme apportant un appui à la prolifération nucléaire.

11      Par décision 2013/497/PESC, du 10 octobre 2013, modifiant la décision 2010/413 (JO 2013, L 272, p. 46), le Conseil a remplacé l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 par le texte suivant, qui prévoit le gel des fonds des personnes et entités ci-après :

« [L]es personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui participent, sont directement associées ou apportent un appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou qui apportent un appui à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, y compris en concourant à l’acquisition des articles, biens, équipements, matières et technologies interdits, ou les personnes ou entités agissant pour leur compte ou sur leurs ordres, ou les entités qui sont leur propriété ou sont sous leur contrôle, y compris par des moyens illicites, ou les personnes et les entités qui se sont soustraites aux dispositions des [résolutions] 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et 1929 (2010) [du Conseil de sécurité] ou de la présente décision, les ont enfreintes ou ont aidé les personnes ou les entités désignées à s’y soustraire ou à les enfreindre, ainsi que d’autres membres et entités [du Corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC)] et de l’IRISL et des entités qui sont leur propriété ou sont sous leur contrôle, ou des personnes et entités qui agissent pour leur compte, ou des personnes et entités qui fournissent des services d’assurance ou d’autres services essentiels à l’IRGC et à l’IRISL ou à des entités qui sont leur propriété ou sont sous leur contrôle ou qui agissent pour leur compte, telles qu’elles sont énumérées à l’annexe II. »

12      Par voie de conséquence, par règlement (UE) n° 971/2013, du 10 octobre 2013, modifiant le règlement n° 267/2012 (JO 2013, L 272, p. 1), le Conseil a remplacé l’article 23, paragraphe 2, sous b) et e), du règlement n° 267/2012 par le texte suivant, qui prévoit le gel des fonds des personnes, entités et organismes reconnus :

« b)      comme étant une personne physique ou morale, une entité ou un organisme s’étant soustrait aux dispositions du présent règlement, à la décision [2010/413] ou aux résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et 1929 (2010) du [Conseil de sécurité] ou les ayant enfreintes, ou ayant aidé une personne, une entité ou un organisme figurant sur une liste à se soustraire auxdites dispositions ou à les enfreindre ;

[…]

e)      comme étant une personne morale, une entité ou un organisme détenu ou contrôlé par [l’IRISL], ou une personne physique ou morale, une entité ou un organisme agissant pour le compte de celle-ci, ou une personne physique ou morale, une entité ou un organisme fournissant des services d’assurance ou d’autres services essentiels à l’IRISL ou à des entités qui sont sa propriété ou sont sous son contrôle ou qui agissent pour son compte. »

13      Par lettre du 22 octobre 2013, le Conseil a indiqué à l’IRISL qu’il considérait qu’elle avait participé au transport de matériel lié à des armes en provenance d’Iran, en violation des dispositions du paragraphe 5 de la résolution 1747 (2007) du Conseil de sécurité et que, dès lors, elle remplissait le critère prévu à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 267/2012, relatif aux personnes et aux entités s’étant soustraites à, ou ayant enfreint, certaines résolutions du Conseil de sécurité. Il lui a dès lors communiqué son intention de réinscrire son nom sur les listes des personnes et des entités visées par les mesures restrictives figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 (ci-après les « listes litigieuses »).

14      Par lettres datées soit du 22 soit du 30 octobre 2013, le Conseil a indiqué à chacune des autres requérantes que, pour différents motifs, il considérait qu’elles remplissaient les critères prévus à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 267/2012, relatifs aux entités détenues ou contrôlées par IRISL, ou agissant pour le compte de celle-ci, ou lui fournissant des services essentiels (ci-après les « critères relatifs aux entités liées à l’IRISL »). Il leur a dès lors communiqué son intention de réinscrire leur nom sur les listes litigieuses.

15      Par lettre du 15 novembre 2013, l’IRISL a répondu au Conseil que, à la suite de l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), la réinscription de son nom sur les listes litigieuses sur le fondement des mêmes allégations factuelles serait illégale. Elle a souligné qu’elle avait apporté la preuve qu’elle n’avait jamais été impliquée dans la prolifération nucléaire et qu’elle n’était pas un chargeur, mais un transporteur, et que, à ce titre, elle n’avait pas connaissance de ce qui était transporté sur ses navires et ne pouvait en être tenue pour responsable. Elle a demandé au Conseil de lui transmettre les informations et les documents sur lesquels il fondait sa décision de réinscription.

16      Par lettres datées soit du 15 soit du 19 novembre 2013, chacune des autres requérantes a répondu au Conseil en indiquant les raisons pour lesquelles elles considéraient que, à la suite de l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), une réinscription de leurs noms sur les listes litigieuses serait illégale. Elles ont demandé au Conseil de leur transmettre les informations et les preuves sur lesquelles il fondait sa décision de réinscription.

17      Par la décision 2013/685/PESC du Conseil, du 26 novembre 2013, modifiant la décision 2010/413 (JO 2013, L 316, p. 46), les noms des requérantes ont été réinscrits sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413.

18      Par voie de conséquence, par règlement d’exécution (UE) n° 1203/2013 du Conseil, du 26 novembre 2013, mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 (JO 2013, L 316, p. 1), les noms des requérantes ont été réinscrits sur la liste figurant à l’annexe IX du règlement n° 267/2012.

19      La réinscription du nom de l’IRISL sur les listes litigieuses était fondée sur les motifs suivants :

« [L’]IRISL a participé au transport de matériel lié à des armes en provenance d’Iran, en violation des dispositions du [paragraphe] 5 de la résolution 1747 (2007) du [Conseil de sécurité]. Trois violations manifestes de ces dispositions ont été rapportées au Comité des sanctions contre l’Iran du [Conseil de sécurité] en 2009. »

20      L’inscription du nom des autres requérantes sur les listes litigieuses était fondée sur les motifs suivants :

–        pour Hafize Darya Shipping Co. : « [Hafize Darya Shipping Lines (HDSL)] a repris en tant que bénéficiaire effectif un certain nombre de navires de [l’IRISL]. HDSL agit donc pour le compte d[e l]’IRISL » ;

–        pour Khazar Sea Shipping Lines Co. : « Khazar Shipping Lines est détenue par [l’]IRISL » ;

–        pour IRISL Europe : « IRISL Europe GmbH (Hambourg) est détenue par [l’]IRISL » ;

–        pour Qeshm Marine Services & Engineering Co., anciennement IRISL Marine Services and Engineering Co. : « IRISL Marine Services and Engineering Company est contrôlée par [l’]IRISL »;

–        pour Irano Misr Shipping Co. : « En tant qu’agent d[e l]’IRISL en Égypte, Irano Misr Shipping Company fournit des services essentiels à [l’]IRISL » ;

–        pour Safiran Payam Darya Shipping Co. : « Safiran Payam Darya (SAPID) a repris en tant que bénéficiaire effectif un certain nombre de navires de [l’IRISL]. SAPID agit donc pour le compte d[e l]’IRISL » ;

–        pour Marine Information Technology Development Co., anciennement Shipping Computer Services Co. : « Shipping Computer Services Company est contrôlée par [l’]IRISL » ;

–        pour Rahbaran Omid Darya Ship Management Co., alias Soroush Sarzamin Asatir (SSA) : « Soroush Saramin Asatir (SSA) exploite et gère un certain nombre de navires de [l’IRISL]. SSA agit donc pour le compte d[e l]’IRISL et lui fournit des services essentiels » ;

–        pour Hoopad Darya Shipping Agency, alias South Way Shipping Agency Co. Ltd : « South Way Shipping Agency Co Ltd gère des opérations de terminaux à conteneurs en Iran et fournit des services de personnel de la flotte à Bandar Abbas pour le compte d[e l]’IRISL. South Way Shipping Agency Co Ltd agit donc pour le compte d[e l]’IRISL » ;

–        pour Valfajr Shipping Line Co. : « Valfajr 8th Shipping Line est détenue par [l’]IRISL ».

21      Par lettre du 27 novembre 2013, le Conseil a informé l’IRISL de sa décision de réinscrire son nom sur les listes litigieuses et a répondu à sa demande d’accès au dossier. Il a indiqué que, à la suite de l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 avaient introduit un critère relatif aux personnes et aux entités s’étant soustraites ou ayant enfreint les dispositions des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, ce qui l’autorisait à réinscrire son nom sur les listes litigieuses. Le Conseil a rejeté l’allégation de l’IRISL selon laquelle elle n’aurait pas connaissance des cargaisons transportées par ses navires ou n’en serait pas responsable. Il a ajouté que, puisque l’IRISL était détenue par le gouvernement iranien et était la plus grande compagnie maritime iranienne, il existait un risque manifeste que ses navires soient utilisés pour transporter des matières et des biens prohibés, en violation des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Il a également indiqué qu’il appartenait à l’IRISL de prendre toutes les mesures possibles pour garantir que ses navires ne soient pas utilisés pour transporter des biens prohibés, même au-delà de la pratique courante dans le secteur du transport maritime, et que plusieurs violations manifestes impliquant des navires appartenant à l’IRISL auraient été rapportées au comité des sanctions contre l’Iran des Nations unies (ci-après le « comité des sanctions »).

22      Par lettres du 27 novembre 2013, le Conseil a informé chacune des autres requérantes de sa décision de réinscrire leur nom sur les listes litigieuses et a répondu à leur demande d’accès au dossier. Le Conseil a indiqué que, dans la mesure où l’IRISL satisfaisait au nouveau critère introduit par la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 et que son nom avait été réinscrit sur les listes litigieuses sur ce fondement, la réinscription du nom des autres requérantes était également justifiée aux motifs qu’elles étaient détenues ou contrôlées par l’IRISL, ou qu’elles agissaient pour son compte ou qu’elles lui fournissaient des services essentiels.

 Procédure et conclusions des parties

23      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal les 6 janvier et 7 février 2014, les requérantes ont introduit les présents recours.

24      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 mai 2014, la Commission européenne a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil dans l’affaire T‑87/14. Par ordonnance du 1er juillet 2014, le président de la première chambre du Tribunal a admis cette intervention. La Commission a déposé son mémoire en intervention le 6 août 2014. Les requérantes ont déposé des observations sur ce mémoire dans le délai imparti.

25      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

26      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal a invité les parties, dans les affaires T‑14/14 et T‑87/14, à produire des documents et à répondre à certaines questions. Les parties ont déféré à cette demande dans les délais impartis.

27      Par ordonnance du 27 janvier 2016, les parties ayant été entendues, les présentes affaires ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure et de l’arrêt.

28      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 juillet 2016.

29      Dans l’affaire T‑14/14, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013, pour autant que ces actes les concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

30      Dans l’affaire T‑87/14, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater l’inapplicabilité, sur le fondement de l’article 277 TFUE, de la décision 2013/497 et du règlement n° 971/2013 ;

–        annuler la décision 2013/685 et le règlement d’exécution n° 1203/2013, pour autant que ces actes les concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

31      Dans les affaires T‑14/14 et T‑87/14, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

32      Dans l’affaire T‑87/14, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

1.     Sur l’affaire T‑14/14

33      Par leur recours, les requérantes demandent l’annulation de la décision 2013/497 et du règlement n° 971/2013 en ce que les critères d’inscription sur les listes des personnes et des entités visées par les mesures restrictives, contenus dans ces actes, mentionnent l’IRISL et toute entité ayant des liens avec cette dernière. Les requérantes soutiennent que le Conseil ne pouvait inclure dans la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 parmi les critères d’inscription le fait d’être : une personne morale, une entité ou un organisme détenu ou contrôlé par l’IRISL, ou une personne physique ou morale, une entité ou un organisme agissant pour le compte de l’IRISL, ou une personne physique ou morale, une entité ou un organisme fournissant des services d’assurance ou d’autres services essentiels à l’IRISL ou à des entités qui sont sa propriété ou sont sous son contrôle ou qui agissent pour son compte. Elles font valoir que, à la suite de l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), le Conseil ne pouvait ni inclure ni maintenir des critères qui renvoient expressément à des liens avec l’IRISL, dans la mesure où le Tribunal avait jugé que l’inscription du nom de l’IRISL était illégale et qu’un lien avec elle ne suffisait pas pour justifier une inscription.

34      Conformément à la jurisprudence, le juge de l’Union peut, à tout moment, examiner d’office les fins de non-recevoir d’ordre public, au rang desquelles figurent l’étendue de sa compétence et les conditions de recevabilité d’un recours (voir arrêt du 4 juin 2014, Hemmati/Conseil, T‑68/12, non publié, EU:T:2014:349, point 29 et jurisprudence citée).

35      En l’espèce, il y a lieu d’examiner d’office, d’une part, la compétence du Tribunal pour statuer sur les conclusions en annulation partielle de la décision 2013/497 et, d’autre part, la recevabilité des conclusions en annulation partielle du règlement n° 971/2013.

 Sur la demande d’annulation partielle de la décision 2013/497

36      Les requérantes visent, en substance, à l’annulation de l’article 1er, point 2, de la décision 2013/497 en ce qu’il remplace l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413.

37      Il y a lieu de relever que ces dispositions ont été adoptées sur la base de l’article 29 TUE, qui est une disposition relative à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) au sens de l’article 275 TFUE. Or, aux termes de l’article 275, second alinéa, TFUE, lu en combinaison avec l’article 256, paragraphe 1, TFUE, le Tribunal a seulement compétence pour se prononcer sur les recours, formés dans les conditions prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, concernant le contrôle de la légalité des décisions prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, adoptées par le Conseil sur la base du titre V, chapitre 2, du traité UE. Comme la Cour l’a relevé, en ce qui concerne les actes adoptés sur la base des dispositions relatives à la PESC, c’est la nature individuelle de ces actes qui ouvre, conformément aux termes de l’article 275, second alinéa, TFUE et de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, l’accès au juge de l’Union (arrêts du 4 juin 2014, Sina Bank/Conseil, T‑67/12, non publié, EU:T:2014:348, point 38, et du 4 juin 2014, Hemmati/Conseil, T‑68/12, non publié, EU:T:2014:349, point 31).

38      Les mesures restrictives prévues à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 sont des mesures de portée générale, puisqu’elles s’appliquent à des situations déterminées objectivement et à une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite comme étant « les personnes et entités […] telles qu’énumérées à l’annexe II de la décision 2010/413 ». Par conséquent, cette disposition ne peut être qualifiée de « décision prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales », au sens de l’article 275, second alinéa, TFUE. Cette solution n’est pas modifiée par le fait que les requérantes ont indiqué n’attaquer cette disposition qu’en ce que celle-ci les concernait. Elle n’est pas non plus modifiée par le fait que le nom de l’IRISL est mentionné dans cette disposition dans la mesure où celle-ci ne concerne pas directement l’IRISL, mais les entités qui lui sont liées, définies de manière générale et abstraite en fonction de critères objectifs. En effet, la circonstance que ladite disposition a été appliquée aux requérantes ne modifie pas sa nature juridique d’acte de portée générale. En l’espèce, la « décision prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales », au sens de l’article 275, second alinéa, TFUE, est à trouver dans l’acte par lequel le nom des requérantes a été réinscrit à l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2013/685, à compter du 27 novembre 2013 (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2014, Sina Bank/Conseil, T‑67/12, non publié, EU:T:2014:348, point 39).

39      Le chef de conclusions visant à l’annulation de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision 2013/497 en ce qu’il remplace l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 ne répond donc pas aux règles qui régissent la compétence du Tribunal prévues à l’article 275, second alinéa, TFUE. Partant, il y a lieu de le rejeter comme étant porté devant une juridiction incompétente pour en connaître.

 Sur la demande d’annulation partielle du règlement n° 971/2013

40      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, une requête doit indiquer l’objet du litige, ce qui implique que cet objet soit défini avec suffisamment de précision pour permettre à la partie défenderesse de faire valoir utilement ses moyens en défense à cet égard et au Tribunal de comprendre l’objet des demandes de la partie requérante.

41      À cet égard, il y a lieu de relever que, dans la requête, les requérantes ne mentionnent pas expressément quelles sont les dispositions du règlement n° 971/2013 dont elles demandent l’annulation.

42      Toutefois, il ressort des arguments présentés dans la requête que ceux-ci visent uniquement à l’annulation des dispositions du règlement n° 971/2013 relatives aux critères d’inscription qui mentionnent l’IRISL et toute entité ayant des liens avec cette dernière. Seules les dispositions prévues à l’article 1er, sous c), du règlement n° 971/2013 qui remplacent celles de l’article 23, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 267/2012 sont mentionnées expressément dans la requête.

43      Il y a donc lieu de considérer, à l’instar du Conseil dans son mémoire en défense, que seules ces dispositions sont visées par la demande d’annulation des requérantes. En effet, les requérantes, dans la requête, ne citent pas les dispositions prévues à l’article 1er, sous a), du règlement n° 971/2013, remplaçant l’article 23, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 267/2012, ni même ne mentionnent le critère relatif aux personnes s’étant soustraites aux, ou ayant enfreint, les dispositions du règlement n° 267/2012, de la décision 2010/413 ou des résolutions du Conseil de sécurité. Elles ne soulèvent aucun argument visant à contester la légalité de ce critère.

44      Dans la réplique, les requérantes contestent cette interprétation de la requête et prétendent que le critère visé à l’article 23, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 267/2012 était également contesté. Or, il ressort des points de la requête auxquels les requérantes renvoient qu’ils visent à contester uniquement la réinscription du nom de l’IRISL sur les listes litigieuses et non pas la légalité du critère sur le fondement duquel elle a été réinscrite.

45      En outre, il est de jurisprudence constante que, si les dispositions prévues à l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure permettent, dans certaines circonstances, la production de moyens nouveaux en cours d’instance, ces dispositions ne peuvent, en aucun cas, être interprétées comme autorisant une partie requérante à saisir le Tribunal de conclusions nouvelles et, partant, à modifier en cours d’instance l’objet du litige (voir ordonnance du 30 avril 2015, EEB/Commission, T‑250/14, non publiée, EU:T:2015:274, point 22 et jurisprudence citée).

46      Il en ressort que les nouveaux arguments présentés par les requérantes pour la première fois dans la réplique, selon lesquels le Conseil a illégalement élargi la catégorie des personnes dont le nom pouvait être inscrit ou réinscrit sur les listes litigieuses en incluant les personnes ou entités s’étant soustraites aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité ou les ayant enfreintes, doivent être interprétés comme une nouvelle demande visant à l’annulation de l’article 23, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 267/2012 et sont, partant, irrecevables.

47      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de considérer que la demande en annulation partielle du règlement n° 971/2013 vise uniquement à l’annulation de l’article 1er, sous c), du règlement n° 971/2013 en ce qu’il remplace l’article 23, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 267/2012.

48      Il y a lieu d’observer que l’article 1er, sous c), du règlement n° 971/2013, remplaçant l’article 23, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 267/2012, a été adopté sur la base de l’article 215 TFUE, qui régit les mesures restrictives adoptées par le Conseil dans le cadre de l’action extérieure de l’Union. Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, lu en combinaison avec l’article 256, paragraphe 1, TFUE, le Tribunal a compétence pour se prononcer sur les recours formés par toute personne physique ou morale, dans les conditions prévues à l’article 263, premier et deuxième alinéas, TFUE, contre les actes dont elle est destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

49      Les mesures restrictives prévues à l’article 23, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 267/2012 sont des mesures de portée générale, puisqu’elles s’appliquent à des situations déterminées objectivement et à une catégorie de personnes envisagées de manières générale et abstraite comme étant les personnes, les entités et les organismes énumérés à l’annexe IX de ce règlement. Pour son application, cette disposition nécessite l’adoption d’une mesure d’exécution ou, en d’autres termes, d’un acte de nature individuelle consistant, comme il ressort de l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, en l’inscription ou, après réexamen, le maintien de l’inscription du nom de la personne, de l’entité ou de l’organisme visé(e) à l’annexe IX dudit règlement. Par conséquent, l’article 23, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 267/2012 n’est pas, en tant que tel, une disposition d’un acte que les requérantes pourraient attaquer directement sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Cette solution n’est pas modifiée par le fait que les requérantes ont indiqué n’attaquer cette disposition qu’en ce que celle-ci les concernait. En effet, la circonstance que cette disposition a été appliquée aux requérantes ne modifie pas sa nature juridique d’acte de portée générale (voir, par analogie, arrêt du 4 juin 2014, Sina Bank/Conseil, T‑67/12, non publié, EU:T:2014:348, point 42). En l’espèce, l’acte individuel, directement attaquable par les requérantes, est l’acte par lequel les noms de ces dernières ont été réinscrits à l’annexe IX du règlement n° 961/2010, à compter du 27 novembre 2013.

50      Les conclusions visant à l’annulation de l’article 1er, sous c), du règlement n° 971/2013, modifiant l’article 23, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 267/2012, ne répondent donc pas aux conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Partant, il convient de les rejeter comme étant irrecevables.

51      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le recours dans l’affaire T‑14/14 doit être considéré comme étant porté devant une juridiction incompétente pour en connaître, en ce qu’il tend à l’annulation partielle de la décision 2013/497, et comme étant irrecevable, en ce qu’il tend à l’annulation partielle du règlement n° 971/2013.

2.     Sur l’affaire T‑87/14

52      Les requérantes, dans leur premier chef de conclusions, soulèvent une exception d’illégalité, sur le fondement de l’article 277 TFUE, de la décision 2013/497 et du règlement n° 971/2013 et, dans leur deuxième chef de conclusions, demandent l’annulation de la décision 2013/685 et du règlement d’exécution n° 1203/2013, pour autant que ces actes les concernent.

 Sur l’exception d’illégalité

53      Les requérantes font valoir que la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013, qui visent à déterminer les critères sur le fondement desquels les noms des requérantes ont été inscrits sur les listes litigieuses, sont illégaux et, partant, doivent être déclarés inapplicables sur le fondement de l’article 277 TFUE. Elles reprochent au Conseil d’avoir modifié, en adoptant la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013, à la suite de l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), les critères contenus dans l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et l’article 23, paragraphe 2, sous b) et e), du règlement n° 267/2012, dans le but de réinscrire leur nom sur les listes litigieuses.

54      Les requérantes soutiennent que, le Tribunal ayant jugé dans l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), qu’aucune d’elles n’apportait son appui à la prolifération nucléaire, le Conseil aurait dû supprimer les critères renvoyant à l’IRISL. Les critères introduits par le Conseil dans la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 seraient disproportionnés, en violation de l’article 215 TFUE, et auraient pour objectif de contourner cet arrêt, en lui permettant de réinscrire rétroactivement leurs noms sur les listes litigieuses.

55      Selon une jurisprudence constante, l’article 277 TFUE est l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’un acte contre lequel elle peut former un recours, la validité des actes institutionnels antérieurs, qui constituent la base juridique de l’acte attaqué, si cette partie ne disposait pas du droit d’introduire, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours direct contre ces actes, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation (arrêt du 25 avril 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, T‑526/10, EU:T:2013:215, point 24). L’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question (voir arrêt du 10 juillet 2014, Moallem Insurance/Conseil, T‑182/13, non publié, EU:T:2014:624, point 25 et jurisprudence citée).

56      Concernant l’IRISL, son nom a été réinscrit sur les listes litigieuses sur le fondement de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et de l’article 23, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 267/2012, au motif qu’elle a violé des dispositions de la résolution 1747 (2007) du Conseil de sécurité.

57      Concernant les autres requérantes, leurs noms ont été inscrits sur les listes litigieuses sur le fondement des critères relatifs aux entités liées à l’IRISL.

58      Partant, il y a lieu de considérer que l’exception d’illégalité soulevée par les requérantes n’est recevable qu’en ce qu’elle vise à déclarer inapplicables, d’une part, s’agissant de l’IRISL, la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 en ce qu’ils ont introduit, respectivement, dans l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et dans l’article 23, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 267/2012, un critère permettant le gel de fonds des personnes et des entités qui se sont soustraites à la résolution 1747 (2007) du Conseil de sécurité ou l’ont enfreinte (ci-après le « critère relatif au non-respect de la résolution 1747 ») et, d’autre part, s’agissant des autres requérantes, la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 en ce qu’ils ont remplacé, respectivement, l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et l’article 23, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 267/2012.

59      Au soutien de leur exception d’illégalité de la décision 2013/497 et du règlement n° 971/2013, les requérantes soulèvent, en substance, cinq moyens, tirés, le premier, d’un défaut de base légale, le deuxième, de la violation de leur confiance légitime ainsi que des principes de sécurité juridique, ne bis in idem et d’autorité de la chose jugée, le troisième, d’un détournement de pouvoir, le quatrième, de la violation de leurs droits de la défense et, le cinquième, de la violation de leurs droits fondamentaux, notamment leur droit de propriété et le droit au respect de leur réputation.

 Sur le premier moyen, tiré d’un défaut de base légale

60      Les requérantes font valoir que la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 sont dépourvus de base légale. Le Conseil n’aurait pas indiqué que la modification des critères en 2013 serait justifiée par une raison objective liée aux mesures restrictives prises à l’encontre du programme nucléaire iranien. Or, l’article 215 TFUE n’autoriserait l’imposition de mesures restrictives que lorsqu’elles sont nécessaires et proportionnées à l’objectif à réaliser dans le cadre de la PESC, qui est d’empêcher le financement de la prolifération nucléaire en Iran.

61      Il convient de relever que la décision 2013/497 a pour base légale l’article 29 TUE et que le règlement n° 971/2013 a pour base légale l’article 215 TFUE. Il y a lieu de considérer que, par ce premier grief, les requérantes font valoir, en réalité, que les modifications introduites par la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 violent le principe de proportionnalité.

62      S’agissant du contrôle juridictionnel du respect du principe de proportionnalité, la Cour a jugé qu’il convenait de reconnaître un large pouvoir d’appréciation au législateur de l’Union dans des domaines qui impliquent de la part de ce dernier des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lesquels il est appelé à effectuer des appréciations complexes. Elle en a déduit que seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure adoptée en ces domaines, au regard de l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (arrêts du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 120, et du 1er mars 2016, National Iranian Oil Company/Conseil, C‑440/14 P, EU:C:2016:128, point 77).

63      Il y a lieu également de rappeler que la décision 2010/413 et le règlement n° 267/2012 ont pour objectif d’empêcher la prolifération nucléaire et d’exercer ainsi une pression sur la République islamique d’Iran afin qu’elle mette fin aux activités concernées. Cet objectif s’inscrit dans le cadre plus général des efforts liés au maintien de la paix et de la sécurité internationale et est, par conséquent, légitime (voir, en ce sens, du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 124 et jurisprudence citée).

64      Il convient de distinguer le critère ayant servi de fondement juridique à l’inscription du nom de l’IRISL sur les listes litigieuses du critère visant les autres requérantes.

–       S’agissant de l’IRISL

65      Il y a lieu de rappeler que, à la suite de l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), le Conseil, par la décision 2013/497 et par le règlement n° 971/2013, a modifié, respectivement, le critère énoncé à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et celui énoncé à l’article 23, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 267/2012, de manière à viser non plus uniquement les personnes et les entités qui ont aidé une personne ou une entité à se soustraire aux dispositions de certaines résolutions du Conseil de sécurité ou à les enfreindre, mais également les personnes et les entités qui s’y sont soustraites ou les ont enfreintes.

66      Il y a également lieu de rappeler que le nom de l’IRISL a été réinscrit sur les listes litigieuses, par la décision 2013/685 et par le règlement d’exécution n° 1203/2013, au motif que celle-ci avait violé les dispositions du paragraphe 5 de la résolution 1747 (2007) du Conseil de sécurité.

67      Dans le paragraphe 5 de la résolution 1747 (2007) du Conseil de sécurité, il est indiqué que ce dernier « [d]écide que l’Iran ne doit fournir, vendre ou transférer, directement ou indirectement, à partir de son territoire ou par l’intermédiaire de ses nationaux ou au moyen de navires ou d’aéronefs battant son pavillon, aucune arme ni aucun matériel connexe et que tous les États devront interdire l’acquisition de ces articles auprès de l’Iran par leurs ressortissants, ou au moyen de navires ou d’aéronefs battant leur pavillon, que ces articles aient ou non leur origine dans le territoire iranien ». Dans le cadre de la lutte contre la prolifération des armes nucléaires, le Conseil de sécurité, par cette résolution, a élargi la portée des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran en interdisant l’acquisition d’armes et de matériels connexes auprès de l’Iran. Cette résolution vise à s’assurer que le programme nucléaire iranien sert à des fins exclusivement pacifiques et à faire obstacle à la mise au point par l’Iran de technologies sensibles à l’appui de ses programmes nucléaires et de missiles.

68      Il convient de relever que la résolution 1747 (2007) du Conseil de sécurité est mentionnée au considérant 2 de la décision 2010/413. Or, les règles générales de l’Union prévoyant l’adoption de mesures restrictives doivent être interprétées à la lumière du texte et de l’objet des résolutions du Conseil de sécurité qu’elles mettent en œuvre (arrêt du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, EU:C:2011:735, point 104).

69      Contrairement à ce que prétendent les requérantes, l’objectif des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran n’est pas uniquement d’empêcher le financement de la prolifération nucléaire en Iran, mais plus généralement de faire pression sur l’Iran afin qu’il mette fin à ses activités nucléaires posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.

70      Le critère introduit par la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013, en prévoyant le gel des fonds des personnes qui, en violant la résolution 1747 (2007), ont participé à la fourniture, à la vente ou au transfert à l’Iran d’armes ou de matériel connexe, s’inscrit dans un cadre juridique clairement délimité par les objectifs poursuivis par la réglementation régissant les mesures restrictives à l’encontre de l’Iran.

71      Dès lors, conformément à la jurisprudence citée au point 62 ci-dessus, le critère relatif au non-respect de la résolution 1747 doit être considéré comme approprié à l’objectif de lutte contre la prolifération nucléaire de la décision 2010/413 et du règlement n° 267/2012 et respecte donc le principe de proportionnalité.

72      Par ailleurs, il y a lieu de relever que le Tribunal a déjà jugé que le gel des fonds et des ressources économiques d’une entité ayant aidé une personne, une entité ou un organisme figurant sur une liste à enfreindre les dispositions de la décision 2010/413, du règlement n° 961/2010, du règlement n° 267/2012 ou des résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et 1929 (2010) du Conseil de sécurité, ou à s’y soustraire, était lié à l’objectif de la décision 2010/413 et du règlement n° 267/2012, mentionné au point 63 ci-dessus. Il a considéré que, dans ces circonstances, le gel des fonds et des ressources économiques des entités reconnues comme ayant fourni une telle aide à une entité désignée était nécessaire et approprié pour assurer l’efficacité du régime des mesures restrictives établi par la décision 2010/413 et le règlement n° 267/2012 et pour garantir que ces mesures ne seraient pas contournées (arrêt du 6 septembre 2013, Europäisch-Iranische Handelsbank/Conseil, T‑434/11, EU:T:2013:405, point 192).

73      Il en va d’autant plus ainsi du critère relatif au non-respect de la résolution 1747.

–       S’agissant des autres requérantes

74      S’agissant des critères relatifs aux entités liées à l’IRISL, il convient tout d’abord de relever que les requérantes ne soulèvent aucun argument spécifique à l’encontre de la proportionnalité de ces critères avec les objectifs de la PESC.

75      Or, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, lorsque les fonds d’une entité sont gelés, il existe un risque non négligeable que celle‑ci exerce une pression sur les entités qu’elle détient ou contrôle, pour contourner l’effet des mesures qui la visent, si bien que le gel des fonds de ces entités est nécessaire et approprié pour assurer l’efficacité des mesures adoptées et garantir que ces mesures ne seront pas contournées (arrêt du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil, C‑380/09 P, EU:C:2012:137, point 58).

76      Il y a lieu de considérer que ce risque de contournement existe également lorsqu’une entité dont les fonds sont gelés délègue certaines de ses activités à d’autres entreprises ou à d’autres entités qui, même si elles ne sont pas détenues par cette entité, agissent pour son compte ou exercent en son nom certaines activités essentielles.

77      Il s’ensuit que les critères relatifs aux entités liées à l’IRISL ne sont pas arbitraires, mais ont été adoptés par le Conseil dans le cadre du large pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu et sont fondés sur un risque non négligeable de contournement des mesures restrictives par une entité dont les fonds sont gelés. Ces critères doivent être considérés comme conformes au principe de proportionnalité.

78      Partant, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de la confiance légitime des requérantes ainsi que des principes de sécurité juridique, ne bis in idem et d’autorité de la chose jugée

79      Les requérantes font valoir que la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 violent leur confiance légitime ainsi que les principes de sécurité juridique, ne bis in idem et d’autorité de la chose jugée. Elles estiment que, à la suite de l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), le Conseil ne pouvait pas inclure de nouveaux critères permettant d’inscrire leur nom sur les listes litigieuses.

80      Premièrement, il y a lieu de rappeler que, dans cet arrêt, si le Tribunal a annulé l’inscription des noms des requérantes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012, il ne s’est, en revanche, pas prononcé sur la validité des critères figurant à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement n° 267/2012 dans leur version applicable aux faits de l’espèce.

81      Partant, c’est à tort que les requérantes soutiennent que, à la suite de l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), le Conseil aurait dû retirer les critères visant l’IRISL et qu’il ne pouvait maintenir les critères relatifs aux entités liées à l’IRISL.

82      Deuxièmement, au point 64 de cet arrêt, le Tribunal a jugé que, si le Conseil estimait que la réglementation applicable ne lui permettait pas d’intervenir de manière suffisamment efficace afin de lutter contre la prolifération nucléaire, il lui était loisible de l’adapter dans son rôle de législateur, sous réserve du contrôle de légalité exercé par le juge de l’Union, pour élargir les hypothèses dans lesquelles des mesures restrictives peuvent être adoptées.

83      En outre, s’il est vrai que, dans l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), les effets de l’inscription des noms des requérantes sur les listes ont été maintenus jusqu’à l’expiration du délai visé à l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation à l’article 280 TFUE, à savoir jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut, toutefois, force est de constater que, lorsque ledit délai a expiré, ladite inscription a été éliminée rétroactivement de l’ordre juridique comme si elle n’avait jamais existé (voir arrêt du 24 mai 2016, Good Luck Shipping/Conseil, T‑423/13 et T‑64/14, EU:T:2016:308, point 79 et jurisprudence citée).

84      En effet, le Tribunal peut fixer un délai pendant lequel les effets de l’annulation d’un acte sont suspendus afin de permettre au Conseil de remédier aux violations constatées, en adoptant, le cas échéant, de nouveaux critères généraux d’inscription sur la liste des personnes ou des entités faisant l’objet de mesures restrictives et de nouvelles mesures restrictives, qui visent à geler les fonds de l’entité concernée pour le futur. Cependant, il convient de souligner que tant lesdits nouveaux critères généraux d’inscription que lesdites nouvelles mesures restrictives ne permettent pas de valider des mesures jugées illégales par un arrêt du Tribunal (arrêt du 24 mai 2016, Good Luck Shipping/Conseil, T‑423/13 et T‑64/14, EU:T:2016:308, point 80).

85      Il en ressort que les requérantes ne sauraient soutenir que, à la suite de l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), le Conseil ne pouvait pas inclure de nouveaux critères permettant d’inscrire leur nom sur les listes litigieuses, et ce d’autant plus qu’il ressort de l’examen du premier moyen que le critère relatif au non-respect de la résolution 1747 et les critères relatifs aux entités liées à l’IRISL, figurant dans la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013, sont conformes aux objectifs de la décision 2010/413 et du règlement n° 267/2012.

86      Troisièmement, c’est également à tort que les requérantes prétendent que le Conseil aurait modifié les critères dans la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013, afin d’inscrire leurs noms sur les listes de manière rétroactive.

87      En effet, par l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), les actes ayant conduit à la première inscription des noms des requérantes sur les listes litigieuses ont été éliminés rétroactivement de l’ordre juridique, de sorte que les noms des requérantes sont censés n’avoir jamais été inscrits sur ces listes pour la période antérieure à cet arrêt.

88      La décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 sont entrés en vigueur le jour de leur publication au Journal officiel de l’Union européenne, soit le 12 octobre 2013. Toute inscription sur la base des critères contenus dans ces actes est possible à compter de cette date. Or, il suffit de constater que la réinscription des noms des requérantes sur les listes litigieuses, effectuée par la décision 2013/685 et le règlement d’exécution n° 1203/2013, est entrée en vigueur le 27 novembre 2013. Les requérantes n’expliquent pas en quoi la modification des critères par la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 aurait permis d’inscrire leurs noms de manière rétroactive sur les listes litigieuses.

89      S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel elles pouvaient estimer que, à la suite de l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), elles ne feraient pas l’objet d’une nouvelle inscription sur les listes litigieuses en l’absence de nouvelles preuves, il vise à contester la validité de l’inscription de leurs noms sur ces listes effectuée par la décision 2013/685 et le règlement d’exécution n° 1203/2013 et sera donc examiné dans le cadre du deuxième chef de conclusions.

90      Il ressort de ce qui précède que, en adoptant la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013, le Conseil n’a pas violé la confiance légitime des requérantes ni les principes de sécurité juridique, ne bis in idem et d’autorité de la chose jugée. Partant, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

91      Les requérantes font valoir que la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 « discriminent » de manière injustifiée et disproportionnée l’IRISL. Ces textes viseraient nommément l’IRISL dans le but de contourner l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), et non dans celui de lutter contre le programme nucléaire iranien. Le Conseil aurait abusé de ses pouvoirs en adoptant la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 et en imposant des mesures restrictives visant l’IRISL et les autres requérantes dans le but de contourner cet arrêt.

92      Selon la jurisprudence, un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (voir arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 50 et jurisprudence citée).

93      Il ressort de l’examen du premier moyen que les modifications des critères introduites par la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 sont conformes aux objectifs de lutte contre la prolifération nucléaire.

94      En outre, il ressort de l’examen du deuxième moyen qu’il ne saurait être déduit de l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), que celui-ci interdisait l’adoption ou le maintien de critères de portée générale, tels que le critère relatif au non-respect de la résolution 1747 ou les critères relatifs aux entités liées à l’IRISL. La question de savoir si les noms des requérantes pouvaient être valablement inscrits sur les listes litigieuses sur le fondement de ces critères relève de l’examen du deuxième chef de conclusions.

95      Partant, le Conseil n’a pas abusé de ses pouvoirs en adoptant la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 et le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des droits de la défense

96      Les requérantes soutiennent que la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 violent leurs droits de la défense, le Conseil ne les ayant pas informées de son intention d’inclure dans la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 des critères renvoyant directement à l’IRISL. Le Conseil ne leur aurait transmis aucun document expliquant pour quel motif l’inclusion de tels critères pourrait être légale et ne leur aurait pas donné la possibilité de répondre.

97      Il suffit de relever que le droit d’être entendu dans le contexte d’une procédure administrative visant une personne spécifique, qui doit être respecté même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure, ne saurait être transposé dans le contexte de la procédure prévue à l’article 29 TUE et de celle prévue à l’article 215 TFUE conduisant, comme dans le cas d’espèce, à l’adoption de mesures de portée générale (voir, par analogie, arrêt du 11 septembre 2002, Alpharma/Conseil, T‑70/99, EU:T:2002:210, point 388 et jurisprudence citée).

98      Aucune disposition n’oblige le Conseil à informer toute personne potentiellement visée par un nouveau critère de portée générale de l’adoption de ce critère. Les requérantes ne sauraient faire valoir une violation de leurs droits de la défense du fait de l’adoption de la décision 2013/497 et du règlement n° 971/2013.

99      Partant, le quatrième moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des droits fondamentaux, notamment du droit de propriété et du droit au respect de la réputation

100    Les requérantes soutiennent que la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 violent leurs droits fondamentaux, notamment leur droit de propriété et le droit au respect de leur réputation, en incluant dans les critères d’inscription sur les listes litigieuses un lien avec l’IRISL et en la nommant expressément. La décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 laisseraient entendre que l’IRISL et les entités qui auraient un lien avec elle sont liées à la prolifération nucléaire, ce qui serait dépourvu de tout fondement, le Tribunal ayant constaté dans l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), que tel n’était pas le cas.

101    S’agissant de l’IRISL, son nom a été réinscrit sur les listes litigieuses sur le fondement du critère relatif au non-respect de la résolution 1747. Il y a lieu de relever, d’une part, que ce critère de portée générale ne vise pas nommément l’IRISL et, d’autre part, que ce critère est distinct de celui énoncé à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 267/2012 relatif à la fourniture d’« un appui [à la prolifération nucléaire] » et qu’il n’impose pas au Conseil d’établir un lien, direct ou indirect, entre les activités de la personne ou de l’entité soumise à des mesures restrictives et la prolifération nucléaire.

102    S’agissant des autres requérantes, leurs noms ont été réinscrits sur les listes litigieuses sur le fondement des critères relatifs aux entités liées à l’IRISL. Ces critères n’impliquent pas que soit établie l’existence d’un lien, direct ou indirect, entre les activités de la personne ou de l’entité concernée et la prolifération nucléaire.

103    Dès lors, les requérantes ne sauraient soutenir que les critères introduits par la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 violent leurs droits fondamentaux en établissant un lien entre elles et la prolifération nucléaire.

104    Partant, le cinquième moyen doit être rejeté.

105    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’exception d’illégalité de la décision 2013/497 et du règlement n° 971/2013 doit être rejetée.

 Sur la demande d’annulation de la décision 2013/685 et du règlement d’exécution n° 1203/2013, pour autant que ces actes concernent les requérantes

106    À l’appui de leur demande d’annulation, les requérantes soulèvent cinq moyens, tirés, le premier, de l’absence de fondement juridique, le deuxième, d’erreurs manifestes d’appréciation commises par le Conseil, le troisième, de la violation des droits de la défense, le quatrième, de la violation des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique, d’autorité de la chose jugée, du principe ne bis in idem et du principe de non-discrimination et, le cinquième, de la violation de leurs droits fondamentaux, notamment de leur droit de propriété et du droit au respect de leur réputation, et de la violation du principe de proportionnalité.

 Sur le premier moyen, tiré de l’absence de fondement juridique

107    Les requérantes font valoir que, la décision 2013/497 et le règlement n° 971/2013 étant illégaux pour les raisons exposées dans leur exception d’illégalité et devant être déclarés inapplicables, la décision 2013/685 et le règlement d’exécution n° 1203/2013 sont dépourvus de base juridique.

108    À cet égard, il suffit de constater que l’exception d’illégalité de la décision 2013/497 et du règlement n° 971/2013 ayant été rejetée, le premier moyen doit également être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation commises par le Conseil

109    Les requérantes font valoir que le Conseil a commis des erreurs manifestes d’appréciation en décidant de réinscrire sur les listes litigieuses, d’une part, le nom de l’IRISL et, d’autre part, les noms des autres requérantes.

110    L’effectivité du contrôle juridictionnel garantie par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige notamment que, au titre du contrôle de légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne ou d’une entité sur les listes des personnes visées par des mesures restrictives, le juge de l’Union s’assure que cette décision, qui revêt une portée individuelle pour cette personne ou cette entité, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

111    C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Il importe que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée. Si ces éléments ne permettent pas de constater le bien-fondé d’un motif, le juge de l’Union écarte ce dernier en tant que support de la décision d’inscription ou de maintien de l’inscription en cause (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 121 à 123).

–       S’agissant de l’IRISL

112    Premièrement, les requérantes soutiennent que le Conseil ne pouvait se fonder sur des comportements datant de 2009, à savoir les incidents relatifs à la violation de la résolution 1747 (2007) du Conseil de sécurité sur lesquels le Conseil s’était fondé pour inclure le nom de l’IRISL dans les actes annulés par l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), pour réinscrire son nom sur les listes litigieuses en 2013. À cet égard, le Tribunal aurait constaté dans cet arrêt que ces incidents n’avaient pas trait à la prolifération nucléaire et n’avaient pas conduit à ce que le Conseil de sécurité la sanctionne.

113    Deuxièmement, les requérantes font valoir que l’IRISL n’a pas enfreint de résolution du Conseil de sécurité, ainsi que cela ressortirait de déclarations faites par des témoins qui avaient été transmises au Conseil avant l’adoption de la décision 2013/685 et du règlement d’exécution n° 1203/2013. Ce dernier n’aurait pas expliqué pour quel motif il avait rejeté ces preuves.

114    Troisièmement, les requérantes demandent que le Tribunal ne tienne pas compte de la lettre du Conseil du 27 novembre 2013 dans laquelle ce dernier ajouterait de nouveaux motifs à la réinscription du nom de l’IRISL qui ne figureraient pas dans la décision 2013/685 et le règlement d’exécution n° 1203/2013.

115    Elles font valoir que, en tout état de cause, le contenu de cette lettre est erroné. D’une part, l’IRISL ne serait pas détenue par le gouvernement iranien, ainsi que cela ressortirait du témoignage de son directeur général. D’autre part, le fait pour le Conseil de « ne pas accepter » que l’IRISL n’ait pas connaissance des cargaisons transportées par ses navires ou qu’elle ne puisse en être tenue pour responsable consisterait à affirmer un principe de la responsabilité objective qui n’aurait pas de fondement juridique. À cet égard, les requérantes indiquent que l’IRISL, en tant que transporteur, ne serait pas responsable des cargaisons que ses navires transportent, conformément aux principes internationaux de droit maritime. Enfin, l’IRISL reconnaîtrait que ses navires pourraient être utilisés pour transporter des biens prohibés et elle aurait mis en place des systèmes rigoureux pour éviter ce risque, allant au-delà de la pratique courante dans le secteur du transport maritime.

116    Il y a lieu de rappeler que, par la décision 2013/685 et le règlement d’exécution n° 1203/2013, le Conseil a décidé de réinscrire le nom de l’IRISL sur les listes litigieuses au motif qu’elle « a[vait] participé au transport de matériel lié à des armes en provenance d’Iran, en violation des dispositions du [paragraphe] 5 de la résolution 1747 (2007) du [Conseil de sécurité] » et que « [t]rois violations manifestes de ces dispositions [avaie]nt été rapportées au Comité des sanctions contre l’Iran du [Conseil de sécurité] en 2009 ».

117    Tout d’abord, il convient de relever que la motivation de la réinscription du nom de l’IRISL sur les listes litigieuses s’appuie sur le constat de violations effectives de la résolution 1747 (2007) du Conseil de sécurité. Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, ce constat repose nécessairement sur des faits antérieurs à l’adoption de la décision de réinscription. Le Conseil était donc en droit de prendre en compte des violations de cette résolution du Conseil de sécurité constatées en 2009. Il pouvait également estimer en 2013 que des évènements qui s’étaient déroulés en 2009 étaient suffisamment récents.

118    Le Conseil s’est appuyé sur le rapport du comité des sanctions du Conseil de sécurité pour l’année 2009 (ci-après le « rapport du comité des sanctions »), qui indiquait avoir reçu trois rapports faisant état de violations des dispositions du paragraphe 5 de la résolution 1747 (2007) imposant à l’Iran un embargo sur l’exportation d’armes et de matériel connexe. Ce rapport relevait que les trois violations signalées concernaient l’IRISL, qui avait affrété le navire transportant le matériel d’Iran vers un autre État.

119    Ce rapport contient des précisions relatives à ces trois incidents impliquant l’IRISL. Pour chacun des trois incidents, le comité des sanctions a reçu d’un État tiers une information concernant la présence d’une cargaison suspecte, en provenance d’Iran et à destination d’un autre État, à bord d’un navire affrété par l’IRISL. Lors d’une inspection du navire effectuée par les autorités de l’État ayant signalé les faits, il a été constaté que la cargaison contenait du matériel à potentiel militaire. Ce même État a indiqué qu’il avait retenu et déchargé la cargaison et l’avait placée dans un entrepôt.

120    Il y a lieu de relever que les requérantes ne soulèvent aucun argument visant à contester les faits rapportés par le rapport du comité des sanctions, à savoir que du matériel militaire a été saisi à bord de navires dont l’IRISL était l’affréteur. Elles n’avancent aucun argument ni aucun élément de preuve visant à démontrer que l’IRISL n’aurait pas participé à ces trois incidents.

121    Elles se contentent de s’appuyer sur une déclaration émanant du directeur général et président du conseil d’administration de l’IRISL et sur une déclaration du directeur général de la division des aliments en vrac de l’IRISL qui démontreraient que l’IRISL n’a pas enfreint de résolution du Conseil de sécurité.

122    Selon la jurisprudence, l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, EU:T:2012:478, point 161 et jurisprudence citée).

123    Or, ces deux déclarations émanant de personnes employées par l’IRISL depuis 1984 ou 1985 et y exerçant actuellement des fonctions directoriales, leur témoignage ne saurait donc être qualifié de différent et d’indépendant de celui de l’IRISL. En outre, ces déclarations ont été faites à la demande de l’IRISL, à l’occasion du présent recours, et lui sont adressées.

124    Il y a donc lieu de considérer que ces déclarations n’ont qu’une faible valeur probante.

125    Par ailleurs, s’agissant du contenu de ces déclarations, d’une part, il suffit de relever que la déclaration du directeur général de la division des aliments en vrac de l’IRISL ne contient aucun élément relatif aux trois incidents visés par le rapport du comité des sanctions.

126    D’autre part, dans sa déclaration, premièrement, le directeur général de l’IRISL affirme qu’en sa qualité de transporteur l’IRISL n’avait pas connaissance de la nature de la cargaison qui était transportée dans les trois navires impliqués dans les incidents et qu’elle dépendait de la description de la cargaison effectuée par le chargeur. Deuxièmement, il indique qu’il n’existait pas de preuve que du matériel nucléaire sensible ait été trouvé à bord de ces navires. Troisièmement, il relève que les Nations unies n’ont pas constaté de violation d’une résolution du Conseil de sécurité.

127    Ces affirmations sont identiques aux arguments soulevés par les requérantes dans la requête.

128    Or, il convient de relever que l’argument selon lequel l’IRISL ignorait le contenu des cargaisons transportées par ses navires est inopérant. En effet, il suffit de constater que, quand bien même il serait admis que l’IRISL ignorait que des armes ou du matériel militaire étaient transportés dans ses navires, il n’en demeure pas moins que les faits rapportés dans le rapport du comité des sanctions établissent que, en qualité d’affréteur, elle « a participé au transport de matériel lié à des armes en provenance d’Iran ».

129    En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le critère relatif au non-respect de la résolution 1747 n’exige pas que les incidents justifiant son application aient trait à la prolifération nucléaire. L’application de ce critère n’exige pas non plus que la personne visée par ce critère ait été sanctionnée par le Conseil de sécurité.

130    Quant à l’argument selon lequel le Conseil aurait commis une erreur dans la lettre du 27 novembre 2013 en indiquant que l’IRISL était détenue par le gouvernement iranien, il est inopérant dans la mesure où cette considération ne fait pas partie des motifs pour lesquels le nom de l’IRISL a été réinscrit sur les listes litigieuses.

131    Enfin, est également inopérant l’argument des requérantes selon lequel le Conseil, dans sa lettre du 27 novembre 2013, ne pouvait affirmer qu’il existait un risque que les navires de l’IRISL soient utilisés pour transporter des biens interdits en violation de résolutions du Conseil de sécurité, alors que les requérantes auraient démontré que ce risque n’existait pas. En effet, comme le relèvent les requérantes elles-mêmes, cette affirmation ne fait pas partie de la motivation de la décision de réinscription, laquelle s’appuie sur le constat de violations effectives de la résolution 1747 (2007) du Conseil de sécurité. Cette affirmation constitue uniquement une réponse du Conseil aux observations faites par l’IRISL dans sa lettre du 15 novembre 2013. Les requérantes ne sauraient donc prétendre que le Conseil a ignoré ces observations et les témoignages qu’elles lui avaient transmis. Par ailleurs, cet argument est en contradiction avec l’affirmation des requérantes, figurant dans la requête, selon laquelle elles reconnaissent l’existence de ce risque et indiquent que l’IRISL a adopté des mesures pour l’éviter.

132    Partant, il y a lieu de considérer que le Conseil n’a pas commis d’erreur en considérant que l’IRISL avait participé au transport de matériel lié à des armes en provenance d’Iran et que la réinscription de son nom était justifiée sur le fondement du critère relatif au non-respect de la résolution 1747.

–       S’agissant des autres requérantes

133    À titre liminaire, les requérantes font valoir que, la réinscription du nom de l’IRISL sur les listes litigieuses étant illégale, la réinscription du nom des autres requérantes en raison de leur lien avec l’IRISL l’est également.

134    À cet égard, il suffit de constater que, le Conseil n’ayant pas commis d’erreur en réinscrivant le nom de l’IRISL sur les listes, cet argument doit être rejeté.

135    Les requérantes soutiennent que le Conseil a commis un certain nombre d’erreurs factuelles concernant les motifs pour lesquels il a réinscrit le nom de chacune des autres requérantes sur les listes.

136    En premier lieu, les noms de Khazar Sea Shipping Lines, d’IRISL Europe et de Valfajr Shipping Line ont été réinscrits sur les listes litigieuses au motif que celles-ci étaient détenues par l’IRISL.

137    Il suffit de constater que les requérantes ne contestent pas que ces trois entités sont détenues par l’IRISL.

138    C’est donc à juste titre que le Conseil a inscrit leur nom sur les listes litigieuses sur le fondement des critères relatifs aux entités liées à l’IRISL.

139    En deuxième lieu, les noms de Qeshm Marine Services & Engineering et de Marine Information Technology Development ont été réinscrits sur les listes litigieuses au motif que celles-ci étaient contrôlées par l’IRISL.

140    Les requérantes contestent le motif visant ces deux entités en se contentant de faire valoir que celles-ci ont changé de dénomination sociale.

141    Il suffit de relever que cet argument est inopérant. En effet, le simple changement de la dénomination sociale de ces deux entités est sans influence sur la détention de leur capital, ni sur le fait qu’elles sont des filiales de l’IRISL.

142    C’est donc à juste titre que le Conseil a inscrit leur nom sur les listes litigieuses sur le fondement des critères relatifs aux entités liées à l’IRISL.

143    En troisième lieu, les noms de Hafize Darya Shipping et de Safiran Payam Darya Shipping ont été réinscrits sur les listes litigieuses au motif que celles-ci agissent pour le compte de l’IRISL, étant donné qu’elles ont repris en tant que bénéficiaires effectifs un certain nombre de navires de cette dernière.

144    Les requérantes font valoir que ces deux entités ne possèdent pas de navires et que le Conseil s’est fondé sur des déclarations générales provenant de sources qui ne sont pas indépendantes et qui ne démontreraient pas qu’elles sont propriétaires de navires. En outre, elles estiment que le Conseil n’a pas expliqué ce que signifiait le fait d’être « bénéficiaire effectif » ni démontré que ces deux entités répondaient à cette qualification.

145    Il y a lieu de rappeler que le Conseil a indiqué, dans ses lettres du 22 octobre 2013 transmises à chacune de ces deux entités, que le fait qu’elles avaient repris en tant que bénéficiaires effectifs un certain nombre de navires de l’IRISL était confirmé par les rapports du 12 juin 2012 et du 5 juin 2013 du groupe d’experts des Nations unies créé par la résolution 1929 (2010) du Conseil de sécurité. Dans ses lettres du 27 novembre 2013 transmises à chacune de ces deux entités, le Conseil a précisé que le rapport du 12 juin 2012 indiquait que, à la suite de la résolution 1803 (2008) du Conseil de sécurité, l’IRISL avait commencé à transférer des navires à Hafize Darya Shipping et à Safiran Payam Darya Shipping, qui lui sont liées, et que l’IRISL et les compagnies qui lui sont liées avaient effectué de nombreux changements concernant les propriétaires inscrits et les bénéficiaires effectifs de leurs navires de 2008 jusqu’à l’adoption de la résolution 1929 (2010). Le Conseil a ajouté que le rapport du 5 juin 2013 avait indiqué que les navires, dont les bénéficiaires effectifs étaient l’IRISL, Hafize Darya Shipping et Safiran Payam Darya Shipping, n’avaient cessé de changer de nom, de pavillon et de propriétaire inscrit entre avril 2012 et avril 2013.

146    Il convient de relever que les rapports du 12 juin 2012 et du 5 juin 2013 sont disponibles sur le site Internet de l’Organisation des Nations unies et que les requérantes ne contestent pas en avoir pris connaissance.

147    Le rapport du 12 juin 2012 décrit le mécanisme de transfert de propriété des navires de l’IRISL vers Hafize Darya Shipping et Safiran Payam Darya Shipping à la suite de l’adoption de la résolution 1803 (2008) du Conseil de sécurité, qui mentionnait pour la première fois l’IRISL. Ce rapport explique notamment que peu de navires étaient directement enregistrés au nom de Hafize Darya Shipping et de Safiran Payam Darya Shipping, leurs navires étant enregistrés au nom de nombreuses compagnies différentes leur appartenant.

148    Il en ressort clairement que, par la notion de « bénéficiaire effectif », utilisée par opposition à celle de « propriétaire inscrit », le Conseil désigne une entité qui, bien que n’étant pas officiellement enregistrée comme étant le propriétaire d’un navire, en est le « bénéficiaire effectif » à travers une compagnie qu’elle détient et qui en est le propriétaire inscrit.

149    Partant, les requérantes ne sauraient soutenir que cette notion n’est pas claire et qu’elles ne seraient pas en mesure de comprendre dans quelle mesure Hafize Darya Shipping et Safiran Payam Darya Shipping répondaient à cette qualification.

150    En outre, il y a lieu de relever que les requérantes n’avancent aucun argument et n’apportent aucun élément de preuve visant à contester les éléments de faits présentés dans les rapports du 12 juin 2012 et du 5 juin 2013. Elles ne sauraient soutenir que les rapports du groupe d’experts des Nations unies émanent de sources qui ne sont pas indépendantes.

151    C’est donc à juste titre que le Conseil a inscrit le nom de Hafize Darya Shipping et de Safiran Payam Darya Shipping sur les listes litigieuses sur le fondement des critères relatifs aux entités liées à l’IRISL.

152    En quatrième lieu, le nom de Rahbaran Omid Darya Ship Management a été réinscrit sur les listes litigieuses aux motifs qu’elle agissait pour le compte de l’IRISL et lui fournissait des services essentiels, étant donné qu’elle exploitait et gérait un certain nombre de navires de l’IRISL. Le nom de Hoopad Darya Shipping Agency a été réinscrit sur les listes litigieuses au motif qu’elle agissait pour le compte de l’IRISL, étant donné qu’elle gérait des opérations de terminaux à conteneurs en Iran et fournissait des services de personnel de la flotte à Bandar Abbas pour le compte de l’IRISL.

153    S’agissant de Rahbaran Omid Darya Ship Management, les requérantes reconnaissent qu’elle fournit certains services à un certain nombre de navires appartenant à l’IRISL, mais contestent que ces services sont « essentiels ».

154    S’agissant de Hoopad Darya Shipping Agency, les requérantes admettent qu’elle effectue des opérations de stockage pour des navires appartenant à l’IRISL et qu’elle agit pour le compte de cette dernière, mais contestent le caractère « essentiel » de ces services.

155    Il suffit de constater que, s’agissant de Rahbaran Omid Darya Ship Management et de Hoopad Darya Shipping Agency, les requérantes soit ne contestent pas, soit reconnaissent expressément que ces dernières agissent pour le compte de l’IRISL.

156    Le fait que ces entités agissent pour le compte de l’IRISL constitue un motif suffisant pour justifier la réinscription de leurs noms sur les listes litigieuses sur le fondement des critères relatifs aux entités liées à l’IRISL.

157    Dès lors, les arguments visant à contester le caractère « essentiel » des services fournis par ces entités à l’IRISL sont inopérants, d’autant plus s’agissant de Hoopad Darya Shipping Agency pour laquelle la fourniture de services essentiels ne constitue pas un motif de la réinscription de son nom sur les listes litigieuses.

158    S’agissant de l’affirmation des requérantes selon laquelle ces deux entités ont changé de dénomination sociale, elles n’expliquent pas dans quelle mesure cette information serait pertinente pour remettre en cause les motifs sur lesquels le Conseil s’est fondé pour réinscrire leur nom sur les listes litigieuses.

159    C’est donc à juste titre que le Conseil a inscrit le nom de Rahbaran Omid Darya Ship Management et de Hoopad Darya Shipping Agency sur les listes litigieuses sur le fondement des critères relatifs aux entités liées à l’IRISL.

160    En cinquième lieu, le nom d’Irano Misr Shipping a été réinscrit sur les listes litigieuses au motif qu’elle fournissait des services essentiels à l’IRISL, en sa qualité d’agent de cette dernière en Égypte.

161    Les requérantes font valoir qu’Irano Misr Shipping agit en tant qu’agent de l’IRISL et lui fournit certains services, mais contestent que ces services soient « essentiels ».

162    À cet égard, il suffit de constater que, en sa qualité d’agent de l’IRISL en Égypte, cette entité exerce des activités indispensables à l’exercice des activités de transport de l’IRISL dans ce pays. Les requérantes ne sauraient donc contester que, dans le cadre de ses activités, elle fournit des services essentiels à l’IRISL.

163    Par ailleurs, en réponse à une question écrite posée par le Tribunal, les requérantes ont indiqué que, parmi les services fournis par cette entité à l’IRISL, figuraient notamment les changements d’équipage, l’accostage des navires ou l’émission de connaissements qui constituent des services essentiels à l’activité d’une compagnie de transport maritime.

164    C’est donc à juste titre que le Conseil a inscrit le nom d’Irano Misr Shipping sur les listes litigieuses sur le fondement des critères relatifs aux entités liées à l’IRISL.

165    Il ressort de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des droits de la défense

166    Les requérantes relèvent que, en l’espèce, le Conseil leur a indiqué son intention de réinscrire leurs noms et les motifs sur lesquels il se fondait, en leur accordant un bref délai pour formuler des observations. Toutefois, le Conseil aurait violé leurs droits de la défense.

167    En effet, tout d’abord, le Conseil n’aurait indiqué les éléments sur lesquels il se fondait que postérieurement à l’adoption de la décision de réinscription, de sorte qu’il était trop tard pour que les requérantes présentent des observations et pour que le Conseil en tienne compte. Ensuite, le Conseil n’aurait pas indiqué sur quelle base il était justifié de réinscrire sur les listes litigieuses le nom des requérantes en novembre 2013 et il n’aurait pas tenu compte de leurs observations ni expliqué pour quels motifs il rejetait celles-ci. Les requérantes ajoutent que le fait que leurs observations ne figurent pas dans les documents que le Conseil a examinés pour fonder sa décision de réinscription signifie qu’il ne les a pas prises en considération. Enfin, le Conseil n’ayant exposé les raisons de la réinscription du nom de l’IRISL que dans sa lettre du 27 novembre 2013, soit postérieurement à l’adoption de la décision 2013/685 et du règlement d’exécution n° 1203/2013, ces raisons ne seraient pas pertinentes. Le Conseil aurait dû permettre à l’IRISL de présenter ses observations sur les allégations figurant dans cette lettre et aurait dû inclure ces dernières dans les motifs de la réinscription sur les listes litigieuses de son nom figurant dans la décision 2013/685 et le règlement d’exécution n° 1203/2013.

168    Tout d’abord, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, et notamment du droit d’être entendu, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une entité et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (voir arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 91 et jurisprudence citée).

169    D’une part, le principe du respect des droits de la défense exige que les éléments retenus à la charge de l’entité intéressée pour fonder l’acte lui faisant grief lui soient communiqués. D’autre part, elle doit être mise en mesure de faire valoir utilement son point de vue au sujet de ces éléments (voir arrêt du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 82 et jurisprudence citée).

170    Ensuite, dans le cadre de l’adoption d’une décision maintenant le nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives, le Conseil doit respecter le droit de cette personne ou de cette entité d’être préalablement entendue lorsqu’il retient à son égard, dans la décision portant maintien de l’inscription de son nom sur la liste, de nouveaux éléments, à savoir des éléments qui ne figuraient pas dans la décision initiale d’inscription de son nom sur cette liste (arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 26)

171    Par ailleurs, il y a lieu de remarquer que, lorsque des informations suffisamment précises, permettant à l’entité intéressée de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil, ont été communiquées, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas l’obligation pour cette institution de donner spontanément accès aux documents contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande de la partie intéressée que le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (voir arrêt du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 84 et jurisprudence citée).

172    Enfin, s’agissant du principe de protection juridictionnelle effective, il y a lieu de rappeler que ce principe constitue un principe général du droit de l’Union, qui est aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux. Ce principe implique que l’autorité de l’Union qui adopte un acte entraînant des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité lui communique les motifs sur lesquels cet acte est fondé, dans toute la mesure du possible, soit au moment où cet acte est adopté, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après qu’il l’a été, afin de lui permettre d’exercer, dans les délais, son droit de recours (voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, EU:C:2011:735, point 47 et jurisprudence citée).

173    En l’espèce, il y a lieu de rappeler que, par lettres datées soit du 22 soit du 30 octobre 2013, le Conseil a communiqué aux requérantes les motifs pour lesquels il avait l’intention de réinscrire leurs noms sur les listes litigieuses ainsi que les faits justifiant que, selon lui, chacune d’elles remplissaient les critères visés à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous b) et e), du règlement n° 267/2012 (voir points 13 et 14 ci-dessus).

174    Par ces lettres, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le Conseil leur a communiqué les motifs et le fondement juridique de la réinscription de leur nom sur les listes litigieuses avant l’adoption de la décision 2013/685 et du règlement d’exécution n° 1203/2013. Dans ces lettres, le Conseil leur a également accordé un délai pour présenter leurs observations.

175    En outre, il convient de relever, à l’instar des requérantes, que la réinscription de leur nom sur les listes litigieuses était fondée sur les mêmes éléments de fait que ceux ayant fondé la première inscription, à savoir, pour l’IRISL, les trois incidents liés au transport de matériel militaire et, pour les autres requérantes, leurs liens avec l’IRISL.

176    Par lettres datées soit du 15 soit du 19 novembre 2013 (voir points 15 et 16 ci-dessus), les requérantes ont présenté de manière détaillée leurs observations sur les éléments factuels invoqués par le Conseil. Elles ont donc été en mesure de faire connaître utilement leur point de vue sur les éléments retenus à leur charge par le Conseil.

177    Par lettres du 27 novembre 2013, le Conseil a répondu spécifiquement aux observations des requérantes et a rejeté les allégations soulevées par ces dernières. C’est donc à tort que les requérantes font valoir que le Conseil n’a pas tenu compte de leurs observations ni expliqué les raisons pour lesquelles il les rejetait.

178    C’est également à tort que les requérantes soutiennent que, leurs observations ne figurant pas dans le dossier du Conseil, cela signifierait que ce dernier ne les a pas prises en considération pour adopter sa décision de réinscription. En effet, en plus des éléments dont le Conseil disposait à l’encontre des requérantes pour fonder ses décisions de réinscription figurant dans son dossier, ce dernier leur a transmis, par les lettres du 27 novembre 2013, les explications pour lesquelles leurs observations ne remettaient pas en cause ces décisions.

179    En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les lettres du Conseil du 27 novembre 2013 ne contiennent pas de nouveaux motifs à l’appui de la décision de la réinscription de leur nom sur les listes litigieuses qui seraient différents de ceux figurant dans les lettres datées soit du 22 soit du 30 octobre 2013 et qui ont été communiqués avant la décision de réinscription sur ces listes. Les explications données par le Conseil pour répondre aux observations des requérantes ne sauraient être assimilées à de nouveaux motifs justifiant leur inscription.

180    Enfin, il y a lieu de relever que, par lettres du 27 novembre 2013, le Conseil a communiqué aux requérantes, en réponse à leur demande d’accès au dossier, les documents sur lesquels il s’était fondé pour réinscrire leur nom sur les listes litigieuses (voir points 21 et 22 ci-dessus). Conformément à la jurisprudence citée au point 171 ci-dessus, le Conseil n’avait pas l’obligation de leur communiquer spontanément ces documents préalablement à la décision de réinscription.

181    Il ressort de ce qui précède que le Conseil n’a pas violé les droits de la défense des requérantes et que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique, d’autorité de la chose jugée, du principe ne bis in idem et du principe de non-discrimination

182    Les requérantes font valoir que, à la suite de l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), elles étaient en droit de s’attendre à ce que leur nom ne soit pas réinscrit sur les listes litigieuses en l’absence d’allégations ou d’éléments de preuve nouveaux avancés par le Conseil. En réinscrivant leur nom sur ces listes, le Conseil aurait violé les principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique, d’autorité de la chose jugée, le principe ne bis in idem, ainsi que le principe de non-discrimination.

–       Sur la violation du principe d’autorité de la chose jugée

183    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les arrêts d’annulation prononcés par les juridictions de l’Union jouissent, dès qu’ils sont devenus définitifs, de l’autorité absolue de la chose jugée. Celle-ci recouvre non seulement le dispositif de l’arrêt d’annulation, mais aussi les motifs qui constituent le soutien nécessaire du dispositif et en sont, de ce fait, indissociables (voir, arrêt du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 56 et jurisprudence citée). L’arrêt d’annulation implique donc que l’auteur de l’acte annulé en adopte un nouveau en respectant non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en veillant ainsi à ce que ce nouvel acte ne soit pas entaché des mêmes irrégularités que celles identifiées dans l’arrêt d’annulation (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, EU:C:2003:125, points 29 et 30).

184    L’autorité de la chose jugée d’un arrêt ne s’attache cependant qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés (arrêt du 19 février 1991, Italie/Commission, C‑281/89, EU:C:1991:59, point 14). Ainsi, l’article 266 TFUE n’oblige l’institution dont émane l’acte annulé que dans les limites de ce qui est nécessaire pour assurer l’exécution de l’arrêt d’annulation. En outre, l’auteur de l’acte peut invoquer, dans sa nouvelle décision, des motifs autres que ceux sur lesquels il avait fondé sa première décision (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, EU:C:2003:125, points 28 à 32).

185    Il y a lieu de relever que l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), n’a pas remis en cause l’exactitude des comportements reprochés à l’IRISL, à savoir les trois incidents impliquant celui-ci liés au transport de matériel militaire en violation du paragraphe 5 de la résolution 1747 (2007) du Conseil de sécurité, ni les preuves relatives à ces comportements. Le Tribunal a uniquement constaté que ces comportements, d’une part, n’étaient pas suffisants pour motiver l’inscription du nom de l’IRISL sur les listes litigieuses sur le fondement du critère visant les personnes ayant aidé une personne à enfreindre les dispositions de la résolution pertinente du Conseil de sécurité et, d’autre part, ne constituaient pas un appui à la prolifération nucléaire au sens du critère relatif aux personnes qui apportent un appui aux activités nucléaires de l’Iran.

186    Or, le critère sur le fondement duquel le nom de l’IRISL a été réinscrit sur les listes litigieuses par la décision 2013/685 et le règlement d’exécution n° 1203/2013 se distingue de ceux qui avaient été appliqués par le Conseil dans les actes annulés par l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453). Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, en se fondant sur un nouveau critère, légalement adopté, justifiant l’imposition de mesures restrictives à leur égard, le Conseil ne s’est donc pas soustrait à cet arrêt.

187    S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel le Conseil ne pouvait se fonder sur les mêmes allégations et les mêmes éléments de preuve que ceux invoqués à l’appui de la première inscription de leurs noms sur les listes litigieuses , il suffit de constater que, dans l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), le Tribunal ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si ces allégations et ces éléments de preuve étaient susceptibles de justifier l’inscription du nom de l’IRISL sur le fondement du nouveau critère introduit par la décision 2013/497 et par le règlement n° 971/2013.

188    Enfin, s’agissant des requérantes autres que l’IRISL, le Tribunal a simplement constaté, au point 77 de cet arrêt, que la circonstance qu’elles soient détenues ou contrôlées par l’IRISL ou qu’elles agissent pour son compte ne justifiait pas l’adoption ou le maintien de mesures restrictives les visant, l’IRISL n’ayant pas été elle-même valablement reconnue comme apportant un appui à la prolifération nucléaire.

189    Dès lors qu’il ressort de ce qui précède qu’il ne saurait être déduit de l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), qu’il empêchait le Conseil de réinscrire le nom de l’IRISL sur les listes litigieuses pour un autre motif que celui ayant été examiné dans cet arrêt, il en va de même pour les autres requérantes dont la réinscription de leurs noms est liée à celle de l’IRISL.

190    Partant, le grief tiré de la violation du principe d’autorité de la chose jugée doit être rejeté.

–       Sur la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique

191    Il convient de rappeler que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies. Toutefois, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice de ce principe lorsque cette mesure est adoptée (arrêts du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, point 147 ; du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina, C‑519/07 P, EU:C:2009:556, point 84, et du 16 décembre 2010, Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C‑537/08 P, EU:C:2010:769, point 63).

192    Par ailleurs, s’agissant du principe de sécurité juridique, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, ce principe implique que la législation de l’Union soit certaine et que son application soit prévisible pour les justiciables (arrêts du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, point 69, et du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C‑67/09 P, EU:C:2010:607, point 77).

193    En l’espèce, il y a lieu de rappeler, ainsi que cela ressort du point 189 ci-dessus, que le Conseil pouvait, à la suite de l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), décider de réinscrire les noms des requérantes sur les listes litigieuses. Aux points 81 à 83 de cet arrêt, le Tribunal a maintenu les effets de la décision et du règlement par lesquels les noms des requérantes avaient été inscrits initialement sur les listes litigieuses jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi, afin de permettre au Conseil de remédier aux violations constatées en adoptant, le cas échéant, de nouvelles mesures restrictives à l’égard des requérantes.

194    Le fait, souligné par les requérantes, que le Conseil n’ait pas introduit de pourvoi à l’encontre de l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), ne saurait avoir fait naître chez elles l’espérance fondée que leurs noms ne seraient pas réinscrits sur les listes litigieuses. En effet, l’absence de pourvoi formé à l’encontre de cet arrêt ne pouvait aucunement être interprété comme un renoncement de la part du Conseil à réinscrire le nom des requérantes sur ces listes, d’autant plus que le Tribunal a expressément indiqué, au point 64 de cet arrêt, qu’il était loisible au Conseil, dans son rôle de législateur, d’élargir les hypothèses dans lesquelles des mesures restrictives pouvaient être adoptées.

195    Il s’ensuit que les requérantes ne pouvaient tirer de l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453), l’assurance que leur nom ne serait pas réinscrit sur les listes litigieuses sur le fondement de critères distincts de ceux qui ont servi de fondement à leur première inscription.

196    Partant, le grief tiré de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique doit être rejeté.

–       Sur la violation du principe ne bis in idem

197    Le principe ne bis in idem, qui constitue un principe général du droit de l’Union dont le juge assure le respect et qui interdit de sanctionner une même personne plus d’une fois pour un même comportement illicite afin de protéger un même intérêt juridique (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 338), trouve à s’appliquer en présence de sanctions d’un comportement illicite (arrêt du 27 septembre 2012, Italie/Commission, T‑257/10, non publié, EU:T:2012:504, point 41).

198    Il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les mesures restrictives de gel de fonds ne sont pas de nature pénale (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié, EU:T:2007:207, point 101, et du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, EU:T:2010:499, point 67). En effet, les avoirs des intéressés n’étant pas confisqués en tant que produits d’un crime, mais gelés à titre conservatoire, ces mesures ne constituent pas une sanction pénale et elles n’impliquent, par ailleurs, aucune accusation de cette nature (arrêts du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié, EU:T:2007:207, point 101, et du 9 décembre 2014, Peftiev/Conseil, T‑441/11, non publié, EU:T:2014:1041, point 87).

199    Partant, les requérantes ne sauraient invoquer la violation de ce principe et le présent grief doit être rejeté.

–       Sur la violation du principe de non-discrimination

200    Selon la jurisprudence, le principe d’égalité de traitement, qui constitue un principe fondamental de droit, interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement justifiés (arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 56).

201    Il suffit de relever que les requérantes ne soulèvent aucun argument de nature à démontrer que ce principe aurait été violé par le Conseil et, partant, le présent grief doit être rejeté comme irrecevable.

202    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des droits fondamentaux, notamment du droit de propriété et du droit au respect de la réputation, et de la violation du principe de proportionnalité

203    Les requérantes font valoir que la réinscription de leurs noms sur les listes litigieuses porte une atteinte injustifiée et disproportionnée à leurs droits fondamentaux, notamment à leur droit de propriété et au droit au respect de leur réputation. La réinscription de leurs noms sur les listes litigieuses par la décision 2013/685 et le règlement d’exécution n° 1203/2013 laisserait entendre qu’elles fournissent un appui à la prolifération nucléaire ou qu’elles y sont liées, contrairement à ce qu’aurait jugé le Tribunal dans l’arrêt du 16 septembre 2013, IRISL (T‑489/10, EU:T:2013:453). Le Conseil n’aurait pas précisé, dans la décision 2013/685 et le règlement d’exécution n° 1203/2013, en quoi la décision de réinscrire leurs noms serait désormais justifiée par un objectif légitime et proportionnée à cet objectif. La décision 2013/685 et le règlement d’exécution n° 1203/2013 feraient référence à des incidents qui auraient eu lieu en 2009, sans lien avec l’objectif de mettre fin au programme nucléaire iranien, et ne mentionneraient pas de raison actuelle justifiant la décision de réinscription.

204    Selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux invoqués par les requérantes, à savoir le droit de propriété et le droit au respect de la réputation, ne jouissent pas, en droit de l’Union, d’une protection absolue. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ces droits, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 121, et du 25 juin 2015, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, T‑95/14, EU:T:2015:433, point 59).

205    En outre, il résulte d’une jurisprudence constante que le principe de proportionnalité fait partie des principes généraux du droit de l’Union et exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (arrêts du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 122, et du 25 juin 2015, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, T‑95/14, EU:T:2015:433, point 60).

206    Il est certes exact que les droits des requérantes sont restreints dans une certaine mesure par les mesures restrictives prises à leur égard, dès lors qu’elles ne peuvent pas, notamment, disposer de leurs fonds éventuellement situés sur le territoire de l’Union ou détenus par ses ressortissants, ni transférer leurs fonds vers l’Union, sauf en vertu d’autorisations particulières. De même, les mesures visant les requérantes peuvent, le cas échéant, susciter une certaine méfiance ou défiance de leurs partenaires et de leurs clients à leur égard.

207    Toutefois, d’une part, il ressort des points 65 à 77 ci-dessus que les critères appliqués par le Conseil sont conformes à l’objectif de lutte contre la prolifération nucléaire de la décision 2010/413 et du règlement n° 267/2012 et des points 116 à 164 ci-dessus que le Conseil a, à juste titre, réinscrit le nom des requérantes sur les listes litigieuses sur le fondement de ces critères. Partant, les restrictions des droits des requérantes qui découlent de cette réinscription doivent être considérées comme justifiées.

208    D’autre part, les inconvénients causés aux requérantes par la réinscription de leurs noms sur les listes litigieuses ne sont pas démesurés par rapport à l’objectif de maintien de la paix et de sécurité internationale poursuivi par la décision 2013/685 et le règlement d’exécution n° 1203/2013.

209    Enfin, il convient de relever que le Conseil n’allègue pas que les requérantes sont impliquées elles-mêmes dans la prolifération nucléaire. Elles ne sont donc pas associées personnellement à des comportements présentant un risque pour la paix et pour la sécurité internationale, le degré de méfiance suscité à leur égard étant, de ce fait, moindre.

210    Il en résulte que la réinscription du nom des requérantes sur les listes litigieuses ne porte pas une atteinte disproportionnée à leur droit de propriété et au respect de leur réputation.

211    Partant, le cinquième moyen doit être rejeté.

212    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le recours dans l’affaire T‑87/14 doit être rejeté.

 Sur les dépens

213    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

214    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, dudit règlement, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens.

215     Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que les dépens exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

216    La Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      Islamic Republic of Iran Shipping Lines et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe supporteront, outre leurs propres dépens, les dépens exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Kanninen

Pelikánová

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 février 2017.

Signatures



Table des matières

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur l’affaire T‑14/14

Sur la demande d’annulation partielle de la décision 2013/497

Sur la demande d’annulation partielle du règlement n° 971/2013

2.  Sur l’affaire T‑87/14

Sur l’exception d’illégalité

Sur le premier moyen, tiré d’un défaut de base légale

–  S’agissant de l’IRISL

–  S’agissant des autres requérantes

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de la confiance légitime des requérantes ainsi que des principes de sécurité juridique, ne bis in idem et d’autorité de la chose jugée

Sur le troisième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des droits de la défense

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des droits fondamentaux, notamment du droit de propriété et du droit au respect de la réputation

Sur la demande d’annulation de la décision 2013/685 et du règlement d’exécution n° 1203/2013, pour autant que ces actes concernent les requérantes

Sur le premier moyen, tiré de l’absence de fondement juridique

Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation commises par le Conseil

–  S’agissant de l’IRISL

–  S’agissant des autres requérantes

Sur le troisième moyen, tiré de la violation des droits de la défense

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique, d’autorité de la chose jugée, du principe ne bis in idem et du principe de non-discrimination

–  Sur la violation du principe d’autorité de la chose jugée

–  Sur la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique

–  Sur la violation du principe ne bis in idem

–  Sur la violation du principe de non-discrimination

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des droits fondamentaux, notamment du droit de propriété et du droit au respect de la réputation, et de la violation du principe de proportionnalité

Sur les dépens



Annexe

Hafize Darya Shipping Co., établie à Téhéran (Iran),

Khazar Sea Shipping Lines Co., établie à Anzali Free Zone (Iran),

IRISL Europe GmbH, établie à Hambourg (Allemagne),

Qeshm Marine Services & Engineering Co., établie à Qeshm (Iran),

Irano Misr Shipping Co., établie à Téhéran,

Safiran Payam Darya Shipping Co., établie à Téhéran,

Marine Information Technology Development Co., établie à Téhéran,

Rahbaran Omid Darya Ship Management Co., établie à Téhéran,

Hoopad Darya Shipping Agency, établie à Téhéran,

Valfajr Shipping Co., établie à Téhéran.


1 Langue de procédure: l’anglais.