Language of document : ECLI:EU:T:2012:310

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

19 juin 2012 (*)

« Recours en annulation – Instrument temporaire destiné à financer des actions aux nouvelles frontières extérieures de l’Union pour la mise en œuvre de l’acquis de Schengen et le contrôle des frontières (facilité Schengen) – Contribution en faveur de la Hongrie pour la période de 2004 à 2006 – Recouvrement d’une partie du montant versé – Acte attaquable – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑37/11,

Hongrie, représentée par M. M. Fehér, Mme K. Szíjjártó et M. G. Koós, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. V. Bottka et F. Coudert, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la note de débit n° 3241011280 émise par la Commission le 28 octobre 2010 à la suite de l’envoi à la Hongrie du rapport final relatif à l’apurement des comptes de la facilité Schengen portant sur les aides versées à la Hongrie durant la période de 2004 à 2006,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mmes I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et M. Kancheva, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        L’article 35, paragraphe 1, premier alinéa, de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33, ci-après l’« acte d’adhésion »), prévoit la création d’un instrument temporaire dénommé « facilité Schengen », applicable entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2006, destiné à aider certains États membres ayant rejoint l’Union européenne en 2004 à financer des actions aux nouvelles frontières extérieures de l’Union en vue de l’application de l’acquis Schengen et des contrôles aux frontières européennes.

2        L’article 35, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion fixe les montants mis à disposition des États membres bénéficiaires, y compris la Hongrie, au titre de la facilité Schengen au cours des années 2004 à 2006. Selon cette disposition, les montants indiqués sont transmis aux États membres bénéficiaires sous forme de paiements forfaitaires non remboursables.

3        L’article 35, paragraphe 3, deuxième alinéa, de l’acte d’adhésion dispose que les paiements forfaitaires non remboursables sont utilisés dans les trois ans à compter de la date du premier décaissement et que toute somme inutilisée ou dépensée de manière injustifiable par un État membre bénéficiaire est recouvrée par la Commission. Cette même disposition oblige les États membres bénéficiaires à présenter un rapport complet sur l’exécution financière des paiements forfaitaires non remboursables, accompagné d’une justification des dépenses, au plus tard six mois après l’expiration de la période de trois ans précitée.

4        Les modalités d’exécution de la facilité Schengen sont régies par la décision C (2004) 248 de la Commission, du 5 février 2004, relative à la gestion et au contrôle de la facilité Schengen (ci-après la « décision d’exécution de la facilité Schengen »).

5        L’article 20 de la décision d’exécution de la facilité Schengen, relatif aux procédures d’apurement des comptes, dispose dans son paragraphe 1 que, au plus tard six mois après avoir reçu le rapport complet mentionné à l’article 35, paragraphe 3, deuxième alinéa, de l’acte d’adhésion, la Commission communique aux États membres bénéficiaires le montant des dépenses reconnues comme imputables à la facilité Schengen sur la base de la certification des dépenses. À cette fin, la Commission procède, conformément à l’article 20, paragraphe 2, de la décision d’exécution de la facilité Schengen, à des contrôles spécifiques sur place, qui ne sont soumis à aucune limitation ni restriction quant au contenu des comptes et aux opérations sous-jacentes, notamment à des contrôles effectués avec les bénéficiaires.

6        L’article 21 de la décision d’exécution de la facilité Schengen, relatif aux procédures contradictoires, dispose dans son paragraphe 1 que le délai imparti à l’État membre bénéficiaire concerné pour présenter ses observations est fixé à deux mois, à l’exception de cas dûment justifiés dans lesquels un délai plus long peut être accordé par la Commission. Conformément au paragraphe 2 de cet article, lorsque la Commission propose une correction financière sur la base d’une extrapolation ou sur une base forfaitaire, l’État membre bénéficiaire a la possibilité de démontrer, par un examen des dossiers concernés, que l’étendue réelle de l’irrégularité est inférieure à celle estimée par la Commission.

7        Enfin, l’article 23 de la décision d’exécution de la facilité Schengen dispose, en son paragraphe 1, que tout remboursement à la Commission est à effectuer dans le délai fixé dans l’ordre de recouvrement établi conformément au règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »). Ce délai est de 45 jours à compter de l’émission de l’ordre de recouvrement. Le paragraphe 2 de cet article régit la question des intérêts de retard et précise notamment que tout retard dans le reversement donne lieu au paiement des intérêts de retard, s’étendant à partir de l’échéance du délai visé au paragraphe 1 de cet article jusqu’à la date du versement effectif.

8        Pendant les années 2004 à 2006, la Commission a effectué en faveur de la Hongrie des paiements forfaitaires non remboursables au titre de la facilité Schengen, dont le montant total s’élevait à 165 793 070,18 euros.

9        Le 18 juillet 2008, la Hongrie a présenté son rapport complet sur l’exécution financière des paiements forfaitaires, visé à l’article 35, paragraphe 3, deuxième alinéa, de l’acte d’adhésion et, à la demande de la Commission, lui a fait parvenir une version complétée de ce rapport, le 29 août 2008.

10      Du 8 au 19 septembre 2008, les représentants de la Commission ont procédé aux vérifications sur place dans le cadre de la procédure d’apurement des comptes. Des vérifications sur place supplémentaires ont été réalisées du 3 au 5 février 2009. Sur la base des résultats de ces vérifications, la Commission a élaboré un projet de rapport relatif à l’apurement des comptes de la facilité Schengen, communiqué aux autorités hongroises le 8 mai 2009.

11      La Hongrie a présenté ses observations sur ce projet de rapport dans une lettre portant la référence 12-1021-4/2009 du 1er septembre 2009.

12      Le 6 avril 2010, la Commission a adopté le rapport final relatif à l’apurement des comptes de la facilité Schengen portant sur les aides versées à la Hongrie durant la période de 2004 à 2006 (ci-après le « rapport final ») et l’a envoyé le même jour à la Hongrie. Le rapport final était accompagné d’une lettre du 31 mars 2010, portant la référence JLS/A4/FH (2010) D2799, signée par le directeur général de la direction générale (DG) « Justice, liberté et sécurité » de la Commission (ci-après la « lettre d’accompagnement »).

13      L’envoi du rapport final a été suivi d’un échange de courriers électroniques et de lettres entre la Commission et les autorités hongroises. Dans un premier courrier électronique du 21 avril 2010, l’autorité hongroise compétente pour la facilité Schengen (Single Contact Point for the Schengen Facility) a interrogé la Commission sur les étapes suivantes de la procédure et sur la possibilité de commenter le rapport final. Cette autorité a également relevé des erreurs matérielles dans le calcul de la Commission contenu dans le rapport final. La Commission a répondu à ce courrier électronique par un courrier électronique du 19 mai 2010 dans lequel elle indiquait que le rapport final (sur l’apurement des comptes) envoyé par lettre du 31 mars 2010 marquait la fin de la procédure contradictoire prévue par l’article 21 de la décision d’exécution de la facilité Schengen et informait que la prochaine étape était la procédure de recouvrement prévue par l’article 23 de ladite décision. Dans ce même courrier, la Commission indiquait que, si la requérante avait identifié des erreurs matérielles dans le calcul, elle était prête à les corriger lors de l’émission de l’ordre de recouvrement.

14      Les autorités hongroises ont encore adressé à la Commission deux lettres, les 17 mai et 16 août 2010, dans lesquelles elles lui demandaient de leur indiquer les étapes suivantes de la procédure en vue de contester les conclusions du rapport final sur l’apurement des comptes et sollicitaient à cet égard la tenue d’une audition. La Commission a répondu à ces deux lettres par lettres des 30 juillet et 19 octobre 2010 dont le contenu reprenait, en substance, celui du courrier électronique du 19 mai 2010.

15      Le 28 octobre 2010, la Commission a adressé à la Hongrie une note de débit n° 3241011280 (reçue le 16 novembre 2010) pour un montant de 12 098 668,71 euros (ci-après la « note de débit en cause »). La note était rédigée en anglais et portait le titre « debit note nr 3241011280 ». Elle était accompagnée d’une lettre datée du 27 octobre 2010.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 janvier 2011, la Hongrie a introduit le présent recours.

17      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 8 avril 2011, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

18      Le 20 mai 2011, la Hongrie a déposé des observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

19      Dans la requête, la Hongrie conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de recouvrement de la Commission incluant la note de débit en cause dans la mesure où elle considère comme non susceptible d’être subventionnées au titre de la facilité Schengen certaines dépenses effectuées par elle dans le cadre des mesures 1 et 3 à 6 de l’objectif III/A, et de l’objectif en matière douanière III/B, ainsi que dans le cadre de l’objectif I/C en ce qui concerne les installations de contrôle aux frontières du port fluvial de Mohács (Hongrie) et la gare de transbordement d’Eperjeske (Hongrie) ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision de recouvrement de la Commission incluant la note de débit en cause dans la mesure où elle considère comme non susceptibles d’être subventionnées au titre de la facilité Schengen, ou seulement dans une certaine proportion, certaines dépenses effectuées par elle dans le cadre des mesures 1 à 6 de l’objectif III/A et de l’objectif en matière douanière III/B ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la Hongrie aux dépens.

21      Dans les observations sur l’exception d’irrecevabilité, la Hongrie conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

22      Aux termes de l’article 114, paragraphes 1 et 4, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

23      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et, en conséquence, décide de statuer sans ouvrir la procédure orale.

24      La Commission excipe de l’irrecevabilité du recours. Elle invoque l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure et fait valoir que la requête présente des incohérences dans la mesure où il est impossible de déterminer si le recours a pour objet l’annulation de la note de débit en cause ou l’annulation du rapport final et que, partant, l’objet du recours ne correspond pas aux arguments juridiques invoqués. La Commission fait également valoir que, si la requête devait être considérée comme suffisamment claire et précise, le recours de la Hongrie serait toujours irrecevable. D’une part, si le recours de la Hongrie devait être interprété comme visant à l’annulation de la note de débit en cause, il serait irrecevable au motif que cette note ne peut être considérée comme un acte attaquable. D’autre part, si ce recours devait être interprété comme visant à l’annulation du rapport final, il serait irrecevable en raison du dépassement du délai pour introduire un recours.

25      S’agissant, en premier lieu, de l’argument que la Commission tire de la non-conformité de la requête aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, force est de constater que, certes, la requête contient des références au rapport final. Toutefois, il ressort de l’analyse de l’ensemble du texte de la requête que ces références s’expliquent par le fait que la Hongrie considère le rapport final comme un acte contenant la motivation de l’acte attaqué. Au point 1 de la requête, la Hongrie indique que, par son recours, elle demande « l’annulation partielle de la décision de recouvrement incluant la note de débit n° 3241011280 » et elle renvoie, par une note en bas de page, à l’annexe A.1 de la requête. Cette annexe contient la note de débit en cause.

26      Il s’ensuit, que contrairement à ce que soutient la Commission, la requête est suffisamment claire et précise pour permettre au Tribunal de statuer sur le recours et à la Commission de préparer sa défense et que, partant, elle répond aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure.

27      Par ailleurs, le fait que c’est la note de débit en cause qui constitue l’acte attaqué est confirmé de façon explicite par la Hongrie dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, dans lesquelles elle précise que son recours vise uniquement à l’annulation partielle de la note de débit en cause. La Hongrie confirme dans ces observations également que, si la note de débit en cause est inséparable du contexte et des antécédents de son adoption, et particulièrement du rapport final, ce rapport final ne constitue pas pour autant l’acte attaqué, mais un document formant le contexte de la note de débit en cause et contenant la motivation détaillée de celle-ci.

28      S’agissant, en second lieu, de l’argument de la Commission selon lequel la note de débit en cause ne peut être considérée comme un acte attaquable, la Commission soutient que cette note n’est qu’un acte d’exécution d’une décision antérieure, contenue dans le rapport final, pris avec la lettre d’accompagnement.

29      La Hongrie estime, en revanche, que la note de débit en cause doit être considérée comme l’acte attaquable dans la mesure où elle a produit des effets juridiques obligatoires en ce sens qu’elle a fait naître l’obligation de remboursement de la somme de 12 098 668,71 euros.

30      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en l’espèce, au cours des années 2004 à 2006, la Hongrie a obtenu des paiements forfaitaires au titre de la facilité Schengen, dont le montant total s’élevait à 165 793 070,18 euros. Au cours des années 2008 à 2010, la Commission a entamé la procédure d’apurement des comptes de la facilité Schengen. Dans ce cadre, elle a constaté que la Hongrie avait dépensé de manière injustifiable des sommes obtenues de cette facilité. Après avoir reçu des observations de la Hongrie sur le projet de rapport relatif à l’apurement des comptes de la facilité Schengen, la Commission a adopté le rapport final et l’a communiqué à la Hongrie en avril 2010. En octobre 2010, la Commission a émis la note de débit en cause.

31      C’est dans ces circonstances qu’il y a lieu d’examiner si la note de débit en cause peut être considérée comme un acte attaquable.

32      En vertu de l’article 35, paragraphe 3, deuxième alinéa, de l’acte d’adhésion, toute somme dépensée de manière injustifiable par un État membre bénéficiaire des fonds de la facilité Schengen est recouvrée par la Commission.

33      Selon une jurisprudence constante, seules les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci, constituent des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9, et arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Deutsche Bahn/Commission, T‑351/02, Rec. p. II‑1047, point 35).

34      Il est également de jurisprudence constante qu’il y a lieu de s’attacher à la substance de la mesure dont l’annulation est demandée pour déterminer si elle est susceptible de faire l’objet d’un recours, la forme dans laquelle elle a été prise étant en principe indifférente à cet égard (arrêts de la Cour IBM/Commission, point 33 supra, point 9, et du 28 novembre 1991, Luxembourg/Parlement, C‑213/88 et C‑39/89, Rec. p. I‑5643, point 15).

35      Les notes de débit ne sauraient être qualifiées, de manière abstraite, d’actes susceptibles, ou non, de recours. Il convient d’apprécier cette question à la lumière des circonstances prévalant dans chaque cas particulier (ordonnance du Tribunal du 30 juin 2009, CPEM/Commission, T‑106/08, non publiée au Recueil, point 29).

36      En l’espèce, il y a lieu de relever que la note de débit en cause indique la somme qui doit être remboursée par la Hongrie (12 098 668,71 euros), les références du compte en banque sur lequel cette somme doit être versée, les conditions de paiement et la date limite de paiement (le 13 décembre 2010). Dans la partie intitulée « Justification de la note de débit », la note de débit en cause indique les montants suivants : le montant des paiements effectués par la Commission en faveur de la Hongrie (165 793 070,18 euros), le montant des dépenses totales déclarées par la Hongrie (167 689 366,73 euros), le montant de la somme dépensée de manière injustifiable (13 994 965,26 euros), le montant « éligible » (153 694 401,47 euros) et le montant total à recouvrer (12 098 668,71 euro). La note de débit en cause contient également une référence au rapport final et à la lettre d’accompagnement. De même, la lettre du 27 octobre 2010 qui accompagne la note de débit en cause indique que celle-ci est envoyée à la Hongrie « conformément au [rapport final] ».

37      S’agissant du rapport final, tout d’abord, il y a lieu de relever que, à la page 4 de ce rapport, dans la partie « Sommaire », la Commission a observé, notamment, ce qui suit :

« En vertu de l’article 20 de la décision [d’exécution de la facilité Schengen], la Commission est tenue de communiquer à la Hongrie le montant des dépenses reconnues comme imputables à la facilité Schengen. À cette fin, la Commission a procédé à des contrôles sur place portant sur le contenu des comptes et les opérations sous-jacentes, notamment à des contrôles effectués avec les bénéficiaires.

Sur la base de l’apurement des comptes, la Commission pense qu’il faut ordonner le recouvrement de la somme de 12 098 668,71 euros, laquelle est une ‘somme dépensée de manière injustifiable’ au sens de l’article 35, paragraphe 3, [deuxième alinéa, de l’acte d’adhésion]. »

38      Ensuite, il y a lieu de constater que le rapport final contient la motivation des corrections financières retenues par la Commission et que, sur sa page 28, figure le tableau n° 8, qui présente de façon sommaire le calcul de la Commission. Ce tableau se présente comme suit :

39      

« A. Décaissements totaux effectués par la Commission

165 793 070,18 EUR

B. Dépenses totales déclarées et justifiées

167 689 366,73 EUR

C. ‘Sommes inutilisées’ au sens de l’article 35 de l’acte d’adhésion

0,00 EUR

D. ‘Sommes dépensées de manière injustifiable’ au sens de l’article 35 de l’acte d’adhésion

13 994 965,26 EUR

(voir annexes 5 à 16)

E. Total des montants imputables à la facilité Schengen (B moins D)

153 694 401,47 EUR

F. Montant à rembourser à la Commission (A moins E)

12 098 668,71 EUR »


40      Enfin, dans la lettre d’accompagnement, le directeur général de la DG « Justice, liberté et sécurité » de la Commission a observé ce qui suit :

« Je me réfère à la version en langue hongroise du projet de rapport relatif à l’apurement des comptes relatifs à la facilité Schengen, qui vous a été envoyée par le courrier référencé D6529 du 8 mai 2009, ainsi qu’aux observations présentées, documents à l’appui, par la Hongrie en réaction audit projet de rapport, dans la lettre référencée 12‑1021‑4/2009 du 1er septembre 2009.

Après examen des observations et de la documentation soumises par les autorités hongroises, la somme considérée comme ‘dépensée de manière injustifiable’ s’élève à 13 994 965,26 euros. Cela est, en majeure partie, dû au fait que toutes les conclusions sur le plan opérationnel ont, à l’exception de celle concernant l’objectif III/A.7 (‘Équipement pour hélicoptères’), été maintenues, et ce pour les raisons expliquées dans le rapport final relatif à l’apurement des comptes, que je joins à la présente.

En conséquence, le montant définitif imputable à la facilité Schengen s’élève à 153 694 401,47 euros. La somme ‘dépensée de manière injustifiable’ sera recouvrée par la Commission dans les mois qui suivent. »

41      Il s’ensuit que c’est dans le rapport final que la Commission a déterminé de façon définitive, d’une part, le montant de dépenses reconnues comme imputables à la facilité Schengen et, d’autre part, le montant de la somme dépensée de manière injustifiable au sens de l’article 35, paragraphe 3, deuxième alinéa, de l’acte d’adhésion. Ainsi, en arrêtant le montant de la somme dépensée de manière injustifiable, la Commission a déterminé l’obligation de remboursement de cette somme, découlant de la disposition précitée, à la charge de la Hongrie. Dans la lettre d’accompagnement envoyée avec le rapport final, la Commission a souligné le caractère définitif de ses conclusions contenues dans le rapport final et, en annonçant le recouvrement imminent de la somme dépensée de manière injustifiable, a indiqué qu’elle considérait que le remboursement de cette somme était dû.

42      Par conséquent, il y a lieu de considérer que c’est le rapport final, pris avec la lettre d’accompagnement, qui constitue, en l’espèce, la mesure produisant des effets juridiques à l’égard de la Hongrie au sens de la jurisprudence citée au point 33 ci-dessus. Ces deux documents doivent être considérés comme une décision par laquelle la Commission a constaté et a communiqué à la Hongrie l’existence, à la charge de cette dernière, d’une obligation de rembourser la somme de 12 098 668,71 euros due en tant que somme dépensée de manière injustifiable au sens de l’article 35, paragraphe 3, deuxième alinéa, de l’acte d’adhésion. La note de débit en cause ne fait que rappeler l’obligation de remboursement de cette somme découlant du rapport final et informe la Hongrie de la date limite de son exécution. Dès lors, cette note doit être considérée comme un simple acte d’exécution de la décision contenue dans le rapport final pris avec la lettre d’accompagnement.

43      Il s’ensuit que, compte tenu des circonstances prévalant en l’espèce, la note de débit en cause ne saurait être considérée comme un acte attaquable.

44      Les arguments avancés par la Hongrie ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

45      En premier lieu, la Hongrie fait valoir que la note de débit en cause a produit des effets juridiques contraignants en ce sens qu’elle a fait naître l’obligation de remboursement, en fixant, d’une part, son montant et, d’autre part, le délai d’exécution et ses modalités, y compris les conséquences d’une inexécution.

46      S’agissant de la fixation du montant de l’obligation de remboursement, la Hongrie fait valoir qu’il ressort du courrier électronique de la Commission du 19 mai 2010 qu’il existait une possibilité d’ajustement du montant indiqué dans le rapport final en cas d’erreur de calcul, ce qui donne à entendre que c’est la note de débit qui a arrêté de façon définitive le montant à rembourser.

47      À cet égard, il y a lieu de relever que, dans le courrier électronique du 19 mai 2010, en réponse aux interrogations de la Hongrie relatives à la suite de la procédure et à la possibilité de faire des commentaires supplémentaires sur le rapport final, les services de la Commission ont répondu ce qui suit :

« J’ai le regret de vous informer que le rapport final relatif à l’apurement des comptes qui vous a été envoyé sous couvert de la lettre [d’accompagnement] marque la fin de la procédure contradictoire prévue à l’article 21 de la décision [d’exécution de la facilité Schengen]. L’étape suivante est maintenant la procédure de remboursement prévue à l’article 23 de ladite décision. Toutefois, si vous avez découvert des erreurs matérielles dans les calculs, nous sommes prêts à les corriger lorsque nous émettrons l’ordre de recouvrement. À cette fin, je vous saurais gré de nous communiquer le détail de ces erreurs aussitôt que possible. »

48      Il ressort clairement du texte de ce courrier que la possibilité d’une modification du montant à recouvrer dépendait de la démonstration d’erreurs matérielles affectant les calculs de la Commission et non pas d’une erreur quant aux constatations relatives au caractère non éligible des sommes en cause au titre de la facilité Schengen. Il s’ensuit que cette possibilité de modification du montant à recouvrer n’était pas de nature à remettre en cause l’obligation de remboursement de la Hongrie en elle-même.

49      S’agissant de la fixation du délai d’exécution et des modalités de l’obligation de remboursement, la Hongrie fait valoir que c’est la note de débit en cause qui a concrètement arrêté la date à laquelle le paiement aurait dû avoir lieu. Selon la Hongrie, conformément à l’article 23 de la décision d’exécution de la facilité Schengen, le délai pour rembourser est de 45 jours à compter de l’émission de la note de débit. La Hongrie relève que c’est également la note de débit qui a fixé le moment à partir duquel il convient de calculer les intérêts de retard applicables en cas de non-exécution de l’obligation de remboursement.

50      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de rappeler que l’obligation de remboursement contestée par la Hongrie n’est pas née au moment de l’émission de la note de débit en cause, mais au moment de l’adoption du rapport final (voir points 41 et 42 ci-dessus). C’est dans le rapport final que la Commission a, en arrêtant le montant final de la somme dépensée de manière injustifiable au sens de l’article 35, paragraphe 3, deuxième alinéa, de l’acte d’adhésion, déterminé l’obligation de rembourser cette somme à la charge de la Hongrie. L’existence de cette obligation a été communiquée à la Hongrie par l’envoi du rapport final avec la lettre d’accompagnement.

51      Ensuite, il y a lieu de relever que, selon l’article 23 de la décision d’exécution de la facilité Schengen, tout remboursement à la Commission est à effectuer dans le délai fixé dans l’ordre de recouvrement établi conformément au règlement financier. Or, il ressort de l’article 71, paragraphe 2, et de l’article 72 du règlement financier, ainsi que de l’article 78, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution »), que l’ordre de recouvrement (« recovery order » en anglais, « beszedési utalvány » en hongrois) est un acte interne par lequel l’ordonnateur compétent donne instruction au comptable de recouvrer la créance identifiée comme certaine, liquide et exigible. S’agissant de la note de débit (« debit note » en anglais, « terhelési értesítés » en hongrois), il ressort de l’article 71, paragraphe 2, du règlement financier et de l’article 78, paragraphe 3, sous a), des modalités d’exécution que celle-ci suit l’ordre de recouvrement et qu’elle est une information donnée au débiteur qu’une institution de l’Union a constaté une créance à sa charge.

52      En outre, il y a lieu de relever que, selon l’article 78, paragraphe 3, sous b) et c), des modalités d’exécution, la note de débit est une information donnée au débiteur que les intérêts de retard ne sont pas exigibles si le paiement de sa dette intervient avant la date limite indiquée et que, à défaut de paiement à cette date, la dette portera des intérêts. Selon l’article 81, paragraphe 1, sous f), des modalités d’exécution, cette date limite est établie dans l’ordre de recouvrement.

53      Au vu des dispositions citées au point 51 ci-dessus, il y a lieu de considérer qu’en l’espèce la créance au titre du remboursement par la Hongrie de la somme de 12 098 668,71 euros est devenue certaine, liquide et exigible, au sens des disposions du règlement financier et de ses modalités d’exécution, au moment de l’adoption du rapport final. C’est donc à partir du moment où la Commission a adopté le rapport final qu’elle a pu établir un ordre de recouvrement, visé à l’article 23 de la décision d’exécution de la facilité Schengen. Cependant, même si la date limite de paiement de la somme de 12 098 668,71 euros n’a pu être déterminée qu’au moment de l’établissement de cet ordre de recouvrement, cela n’a en rien affecté l’existence de l’obligation de remboursement de cette somme déterminée dans le rapport final.

54      Il y a lieu de considérer, également, que par la note de débit en cause la Hongrie a été informée par la Commission qu’une créance en faveur de cette dernière avait été constatée, que le paiement était dû et qu’en cas de défaut de paiement avant le 13 décembre 2010 la dette porterait des intérêts. Ainsi, le seul effet juridique que l’indication de la date limite de paiement dans la note de débit aurait pu faire naître serait une obligation de payer les intérêts de retard, dans le cas où la Hongrie n’aurait pas payé la somme de 12 098 668,71 euros avant le 13 décembre 2010. L’indication de cette date ne saurait, en revanche, affecter l’existence de l’obligation de remboursement de la somme de 12 098 668,71 euros, déterminée dans le rapport final.

55      Par ailleurs, il y a lieu de relever que l’argument de la Hongrie selon lequel c’est la note de débit en cause qui a fait naître l’obligation de remboursement en déterminant la date de l’exécution de cette obligation procède d’une lecture erronée de l’article 23 de la décision d’exécution de la facilité Schengen et, en particulier, d’une confusion qu’elle fait entre les notions d’ordre de recouvrement et de note de débit. En effet, lorsqu’elle cite, au point 15 de ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, l’article 23 de la décision d’exécution de la facilité Schengen, la Hongrie remplace l’expression « ordre de recouvrement » (« beszedési utalvány » en hongrois), qui figure dans cet article, par l’expression « fizetési felszólítás », qu’elle utilise également pour désigner l’acte attaqué et qui doit être traduite en français par « note de débit ».

56      En deuxième lieu, la Hongrie fait valoir, d’une part, que la décision d’exécution de la facilité Schengen ne mentionne pas explicitement l’adoption d’un acte tel que le rapport final et, d’autre part, que cette décision lie expressément, dans son article 23, l’obligation de remboursement à l’émission d’une note de débit.

57      À cet égard, d’une part, il y a lieu de relever que, même si la décision d’exécution de la facilité Schengen ne mentionne pas explicitement l’adoption d’un acte dénommé « rapport final », le système mis en place par cette décision, notamment par son l’article 20, permet d’identifier un acte qui correspond au rapport final. Cette disposition oblige en effet la Commission à communiquer à l’État membre bénéficiaire le montant des dépenses reconnues comme imputables à la facilité Schengen et, en même temps, le montant des dépenses qui ne sont pas imputables à cette dernière, c’est-à-dire la somme dépensée de manière injustifiable au sens de l’article 35, paragraphe 3, deuxième alinéa, de l’acte d’adhésion. Le fait que la forme de l’acte par lequel la Commission communique à l’État membre en question sa décision arrêtant le montant de la somme dépensée de manière injustifiable ne soit pas précisément définie dans la décision d’exécution de la facilité Schengen est sans incidence en l’espèce, étant donné que, selon la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus, afin de déterminer si une mesure peut constituer un acte susceptible de recours, il y a lieu de s’attacher à sa substance.

58      D’autre part, contrairement à ce que soutient la Hongrie, l’émission d’une note de débit n’est pas prévue dans l’article 23 de la décision d’exécution de la facilité Schengen. L’argument de la Hongrie procède de la même confusion terminologique que celle relevée au point 55 ci-dessus. En effet, au point 17 de ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la Hongrie fait valoir que « l’article 23 [de la décision d’exécution de la facilité Schengen] lie expressément l’obligation de remboursement à l’émission de la note de débit [fizetési felszólítás] ou, (pour reprendre les termes de la [décision d’exécution de la facilité Schnegen], de l’ordre de recouvrement [beszedési utalvány]) ». Or, ainsi qu’il ressort du point 51 ci-dessus, une note de débit est un acte distinct d’un ordre de recouvrement. Partant, il ne saurait être soutenu que l’article 23 de la décision d’exécution de la facilité Schengen, selon lequel tout remboursement à la Commission est à effectuer dans le délai fixé dans l’ordre de recouvrement établi conformément au règlement financier, lie expressément l’obligation de remboursement à l’émission d’une note de débit. Il ne saurait davantage être soutenu que la note de débit en cause, jointe en annexe 1 à la requête, correspond à l’ordre de recouvrement visé par l’article 23 de la décision d’exécution de la facilité Schengen.

59      En troisième lieu, la Hongrie fait valoir que les formulations employées dans le rapport final, qui énonce que la Commission, après apurement des comptes de l’exercice « pense qu’il faut ordonner le recouvrement de la somme de 12 098 668,71 euros », ainsi que dans la lettre d’accompagnement, qui informe que la somme dépensée de manière injustifiable sera recouvrée par la Commission dans les mois qui suivent, donnaient à penser que l’obligation de remboursement n’était née qu’après l’adoption du rapport final, avec l’émission de la note de débit en cause.

60      À cet égard, il y a lieu de considérer que, en constatant dans le rapport final qu’elle « pens[ait] qu’il fau[drait] ordonner le recouvrement de la somme de 12 098 668,71 euros » et en informant dans la lettre d’accompagnement que la somme dépensée de manière injustifiable serait recouvrée, la Commission a simplement annoncé le recouvrement de la somme 12 098 668,71 euros. En annonçant ce recouvrement, la Commission a indiqué qu’elle estimait que le remboursement de cette somme était dû. Partant, contrairement à ce que soutient la Hongrie, il y a lieu d’interpréter les constatations de la Commission contenues dans le rapport final et dans la lettre d’accompagnement comme indiquant que l’obligation de remboursement de la somme 12 098 668,71 euros était déjà née et qu’il fallait l’exécuter.

61      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

62      En vertu de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Hongrie ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      La Hongrie est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 19 juin 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       A. Dittrich


* Langue de procédure : le hongrois.