Language of document : ECLI:EU:T:2009:214

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

22 juin 2009 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Notation – Faits nouveaux et substantiels – Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé »

Dans l’affaire T‑340/08 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 5 juin 2008, Timmer/Cour des comptes (F‑123/06, non encore publiée au Recueil), et tendant à l’annulation de cette ordonnance,

Marianne Timmer, ancienne fonctionnaire de la Cour des comptes des Communautés européennes, demeurant à Saint-Sauves-d’Auvergne (France), représentée par MF. Rollinger, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Cour des comptes des Communautés européennes, représentée par MM. T. Kennedy, J.-M. Stenier et G. Corstens, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (chambre des pourvois),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. O. Czúcz (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice, Mme Marianne Timmer demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 5 juin 2008, Timmer/Cour des comptes (F‑123/06, non encore publié au Recueil, ci-après l’« ordonnance attaquée »), par laquelle celui-ci a rejeté comme irrecevable son recours tendant, d’une part, à l’annulation de ses rapports de notation établis par M. X, chef de l’unité néerlandaise du service de traduction de la Cour des comptes des Communautés européennes, pour la période comprise entre 1984 et 1997 et des décisions connexes et/ou subséquentes, y compris la décision portant nomination de M. X à la Cour des comptes, et, d’autre part, à la condamnation de cette dernière à l’indemniser des préjudices matériel et moral qu’elle aurait subis du fait de ces décisions.

 Faits à l’origine du litige

2        Les faits qui sont à l’origine du litige sont énoncés aux points 6 à 16 de l’ordonnance attaquée dans les termes suivants :

« 6      La requérante a été employée par la Cour des comptes à compter du 1er juin 1979 et affectée, en qualité de traducteur, à l’unité néerlandaise du service de traduction de cette institution (ci-après l’« unité néerlandaise de traduction »).

7      Le 1er mars 1983, la Cour des comptes a publié l’avis de concours général CC/LA/18/82 (JO C 56, p. 9) en vue de pourvoir un poste de réviseur/traducteur principal.

8      M. X, fonctionnaire de grade LA 5 de la Cour de justice des Communautés européennes, a participé, en qualité d’assesseur, aux travaux du jury du concours général CC/LA/18/82.

9      Par décision du président de la Cour des comptes du 8 mars 1985, M. X a été transféré de la Cour de justice et nommé à la Cour des comptes, pour exercer les fonctions de réviseur/traducteur principal à l’unité néerlandaise de traduction (ci-après la « décision de nomination »). M. X a, en qualité de supérieur hiérarchique direct, établi les rapports de notation de la requérante pour les exercices 1984-1985, 1986-1987, 1988-1989, 1990-1991, 1992-1993, 1994-1995 et 1996-1997 (ci-après les « rapports de notation 1984-1997 »). Il est constant entre les parties que lesdits rapports de notation ont été portés à la connaissance de la requérante dans les semaines qui ont suivi leur établissement.

10      Le 1er septembre 1998, la requérante a été admise au bénéfice d’une pension d’invalidité.

11      Par une lettre du 29 juillet 2005, la requérante a demandé à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») de lui faire savoir si M. X avait respecté l’article 14 de l’ancien statut lors de sa prise de fonction, en précisant que, si l’administration reconnaissait qu’une telle illégalité avait été commise, elle disposerait d’un fait nouveau susceptible de rouvrir les délais de recours à l’encontre des rapports de notation 1984-1997 et de la décision de nomination. Dans les termes dans lesquels elle est rédigée, la lettre du 29 juillet 2005 doit être regardée comme tendant également à l’annulation desdites décisions.

12      Dans cette lettre, la requérante rappelait que l’article 14 de l’ancien statut obligeait tout fonctionnaire qui a un intérêt personnel dans l’affaire qu’il traite à en informer l’AIPN. Selon la requérante, M. X aurait eu un intérêt personnel à ce que le poste ouvert au concours général CC/LA/18/82 ne soit pas pourvu, afin de pouvoir être lui-même affecté audit poste demeuré vacant. M. X aurait depuis lors exercé irrégulièrement ses fonctions et, par voie de conséquence, les décisions qu’il a prises, parmi lesquelles les rapports de notation 1984-1997, seraient illégales.

13      La requérante faisait enfin valoir qu’elle était susceptible de demander réparation du préjudice que l’illégalité de la décision de nomination et de ses rapports de notation 1984-1997 lui a fait subir.

14      Par note du 14 décembre 2005, l’AIPN a rejeté la demande de la requérante, en estimant notamment qu’elle était irrecevable, dans la mesure où elle concernait une prétendue irrégularité qui se serait produite à la Cour de justice et où elle tendait à contester la nomination de M. X à la Cour des comptes ainsi que les rapports de notation 1984-1997, contestations qui auraient été prescrites depuis de nombreuses années.

15      Par lettre du 26 février 2006, la requérante a introduit une réclamation contre ‘tous les rapports d’évaluation que [le chef de l’unité néerlandaise de traduction] a établis [la] concernant durant la période 1984-1998 et contre toutes les décisions basées sur ces rapports qui ont eu une incidence en ce qui concerne [s]a situation sur le plan juridique’, et a contesté la décision portant rejet de sa demande du 29 juillet 2005. La requérante invoquait dans ladite lettre plusieurs faits qui étaient, selon elle, constitutifs de faits nouveaux. À ce titre, elle faisait valoir que M. X n’avait pas bénéficié d’une ancienneté de service suffisante lors de son entrée en fonction à la Cour des comptes, qu’il n’avait pu valablement siéger au jury du concours CC/LA/18/82, dès lors qu’il n’aurait pas respecté certaines des conditions exigées des candidats à ce concours, et enfin qu’il ne détenait pas l’ancienneté requise pour son avancement de grade. En dernier lieu, la requérante sollicitait la condamnation de la Cour des comptes à lui verser ‘une indemnité pour les dommages matériels et moraux que ces décisions [lui avaient] fait subir, notamment parce qu’elles [avaie]nt nui à [ses] possibilités de carrière’.

16      Par note du 3 juillet 2006, reçue par la requérante le 24 juillet suivant, l’AIPN a explicitement rejeté cette réclamation. »

 Procédure devant le Tribunal de la fonction publique et ordonnance attaquée

3        Par requête déposée le 23 octobre 2006, la requérante a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal de la fonction publique :

–        annuler tous ses rapports de notation rédigés pour la période comprise entre 1984 et 1997 par son dernier supérieur hiérarchique, M. X (ci-après les « rapports de notation 1984-1997 ») ;

–        annuler les décisions connexes et/ou subséquentes, y compris la décision de nomination de M. X à la Cour des comptes (ci-après la « décision de nomination ») ;

–        ordonner la réparation du préjudice matériel à hauteur de la perte de revenu qu’elle avait subie par rapport à la situation dans laquelle elle se serait trouvée si elle avait été promue chaque fois qu’elle aurait pu l’être pendant la période de son travail sous l’autorité de M. X ;

–        ordonner la réparation, à hauteur de 250 000 euros, du préjudice moral et des conséquences pour sa santé résultant des illégalités des décisions attaquées ;

–        condamner la Cour des comptes aux dépens.

4        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal de la fonction publique le 2 février 2007, la Cour des comptes a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre de la requête.

5        Dans son exception d’irrecevabilité, la Cour des comptes a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

6        Le Tribunal de la fonction publique a rejeté, par l’ordonnance attaquée, le recours de Mme Timmer comme étant irrecevable.

7        Le Tribunal de la fonction publique a d’abord précisé les dispositions réglementaires sur lesquelles il a fondé l’ordonnance attaquée. Il a indiqué, à cet égard, ce qui suit :

« 24      En vertu de l’article 78 du règlement de procédure, adopté le 25 juillet 2007 (JO L 225, p. 1) et entré en vigueur le 1er novembre 2007, la partie qui demande que le Tribunal statue sur l’irrecevabilité, l’incompétence ou sur un incident, sans engager le débat au fond, présente sa demande par acte séparé. Le Tribunal statue alors sur la demande par voie d’ordonnance motivée.

25      Selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur (voir arrêt de la Cour du 12 novembre 1981, Meridionale Industria Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 9 ; arrêts du Tribunal de première instance du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T‑42/96, Rec. p. II‑401, point 55, et du 12 septembre 2007, González y Díez/Commission, T‑25/04, non encore publié au Recueil, point 58). Néanmoins, il est de jurisprudence établie que la recevabilité d’un recours s’apprécie au moment de son introduction (arrêt de la Cour du 27 novembre 1984, Bensider e.a./Commission, 50/84, Rec. p. 3991, point 8 ; ordonnance du président du Tribunal de première instance du 8 octobre 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R II, Rec. p. II‑2943, point 49).

26      Il résulte de ces considérations que, si la règle énoncée à l’article 78 du règlement de procédure, selon laquelle le Tribunal peut rejeter, par ordonnance, un recours irrecevable, est une règle de procédure qui s’applique dès la date de son entrée en vigueur aux litiges pendants devant le Tribunal, il n’en va pas de même des règles sur la base desquelles le Tribunal peut, en application de cet article, regarder un recours comme irrecevable. Ainsi, s’agissant, comme en l’espèce, de règles fixant la recevabilité de la requête, elles sont nécessairement celles qui étaient applicables à la date d’introduction de celle-ci.

27      La requête ayant été introduite le 23 octobre 2006, il y a lieu d’appliquer, d’une part, la règle de procédure contenue à l’article 78 du règlement de procédure du Tribunal et, d’autre part, les règles de recevabilité auxquelles renvoyait l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal de première instance applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7). »

8        S’agissant de la recevabilité des conclusions dirigées contre les rapports de notation 1984-1997 et la décision de nomination, le Tribunal de la fonction publique a indiqué ce qui suit :

« 34      À titre liminaire, il convient de relever que les délais de demande, de réclamation et de recours prévus par les dispositions des articles 90 et 91 du statut sont d’ordre public et ne sont pas à la disposition des parties et du juge, ayant été institués en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques. Les éventuelles exceptions ou dérogations à ces délais doivent être interprétées de manière restrictive (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal de première instance du 11 juillet 1997, Chauvin/Commission, T‑16/97, RecFP p. I‑A‑237 et II‑681, point 32).

35      Il résulte d’une jurisprudence constante que, si aux termes de l’article 90, paragraphe 1, du statut, tout fonctionnaire peut demander à l’AIPN de prendre à son égard une décision, cette faculté ne permet cependant pas au fonctionnaire d’écarter les délais prévus par les articles 90 et 91 pour l’introduction d’une réclamation et d’un recours, en mettant indirectement en cause, par le biais d’une demande, une décision antérieure qui n’avait pas été contestée dans les délais. Seule l’existence de faits nouveaux et substantiels peut justifier la présentation d’une demande tendant au réexamen d’une décision qui n’a pas été contestée dans les délais (arrêt de la Cour du 15 mai 1985, Esly/Commission, 127/84, Rec. p. 1437, point 10 ; ordonnance Chauvin/Commission, précitée, point 37).

36      Même la découverte ultérieure, par un requérant, d’un élément préexistant ne saurait, en règle générale, sous peine de porter atteinte au principe de sécurité juridique, être assimilée à un fait nouveau susceptible de justifier une réouverture des délais de recours (arrêts du Tribunal de première instance du 21 février 1995, Moat/Commission, T‑506/93, RecFP p. I‑A‑43 et II‑147, point 28, et du 28 mai 1998, W/Commission, T‑78/96 et T‑170/96, RecFP p. I‑A‑239 et II‑745, point 68). »

9        Le Tribunal de la fonction publique a affirmé, au point 37 de l’ordonnance attaquée, qu’il y avait lieu de considérer que, dans sa demande du 29 juillet 2005, la requérante sollicitait, en substance, le réexamen de ses rapports de notation 1984-1997 ainsi que de la décision de nomination. Il a constaté, à cet égard, que lesdits actes n’avaient pas fait l’objet de réclamations dans le délai de trois mois prévu par l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, lequel avait été déclenché par la prise de connaissance desdits actes par la requérante, et que, par conséquent, ils étaient devenus définitifs plusieurs années avant que la requérante n’en demande le réexamen.

10      S’agissant des faits invoqués par la requérante, le Tribunal de la fonction publique a considéré qu’ils ne pouvaient pas fonder une demande de réexamen pour deux séries de raisons différentes. Ainsi, d’une part, il a considéré, aux points 38 à 41 de l’ordonnance attaquée, que le premier des faits invoqués par la requérante n’était pas établi et que la procédure précontentieuse n’avait pas été respectée pour les autres. D’autre part, il a considéré ce qui suit :

« 42      Par ailleurs, il convient de relever que, à supposer même que la nomination de M. X à la Cour des comptes ait été illégale, cette circonstance ne serait toutefois pas susceptible de vicier les décisions relatives à la notation de la requérante prises par ce fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 3 octobre 2006, Nijs/Commission, T‑171/05, RecFP p. II‑A‑2‑999, point 86). »

11      Dans ces circonstances, au point 43 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a rejeté comme irrecevables, pour cause de forclusion, les conclusions du recours visant à l’annulation des rapports de notation 1984-1997 et de la décision de nomination.

12      S’agissant de la recevabilité des conclusions visant à l’annulation des « décisions connexes et/ou subséquentes » aux rapports de notation 1984-1997, à l’exception de la décision de nomination, le Tribunal de la fonction publique a considéré, au point 45 de l’ordonnance attaquée, qu’elles ne satisfaisaient pas aux conditions prévues à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, applicable en l’espèce, dès lors que la requérante s’était bornée à renvoyer, en termes imprécis, à des décisions de la Cour des comptes qui ne pouvaient pas ainsi être identifiées.

13      S’agissant, enfin, des conclusions indemnitaires, d’une part, le Tribunal de la fonction publique a considéré que, dans la mesure où la requérante invoquait le préjudice que lui auraient fait subir les décisions de l’administration dont elle demandait l’annulation, elles devaient être déclarées irrecevables conformément à la jurisprudence aux termes de laquelle lorsque les conclusions en indemnité présentent un lien étroit avec des conclusions en annulation, elles-mêmes déclarées irrecevables, les conclusions en indemnité sont également irrecevables (points 49 et 50 de l’ordonnance attaquée). D’autre part, dans la mesure où la requérante demandait la réparation du préjudice que lui aurait fait subir l’illégalité d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel, le Tribunal de la fonction publique a considéré que ni les conclusions ni la requête prise dans son ensemble ne permettaient d’identifier, avec le degré de clarté et de précision requis, l’illégalité commise, la réalité et l’étendue du préjudice invoqué par la requérante, ou les raisons pour lesquelles elle estimait qu’un lien de causalité existait entre le comportement qu’elle reprochait à la Cour des comptes et ledit préjudice (point 51 de l’ordonnance attaquée).

 Sur le pourvoi

1.     Procédure et conclusions des parties

14      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 14 août 2008, la requérante a formé le présent pourvoi.

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le pourvoi recevable ;

–        annuler l’ordonnance attaquée ;

–        faire droit à la demande de réparation du préjudice subi ;

–        condamner la Cour des comptes aux dépens.

16      La Cour des comptes conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme manifestement irrecevable dans son ensemble ou, à titre subsidiaire, comme en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé ou, à titre encore plus subsidiaire, comme manifestement non fondé dans son ensemble ;

–        condamner la requérante aux dépens.

17      La requérante n’ayant pas déposé l’original de sa demande visant à être autorisée à présenter un mémoire en réplique dans le délai de dix jours à compter du dépôt de la copie prévu à l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure, la procédure écrite a été close sans second tour de mémoires.

2.     En droit

18      Aux termes de l’article 145 du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, le Tribunal peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, le rejeter totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

19      En l’espèce le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur la recevabilité du pourvoi

20      La Cour des comptes fait valoir que le pourvoi est irrecevable en ce qu’il n’est pas conforme aux dispositions de l’article 138, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure. Elle rappelle que, aux termes de la jurisprudence, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande.

21      Elle soutient que, alors que le pourvoi vise à l’annulation de l’ordonnance attaquée dans son ensemble, il ne contient aucun argument dirigé contre le rejet par le Tribunal de la fonction publique des conclusions visant à l’annulation des « décisions connexes et/ou subséquentes ».

22      Elle fait observer que, s’agissant du rejet par le Tribunal de la fonction publique des conclusions indemnitaires, le pourvoi se limite à indiquer que « [ces conclusions indemnitaires] ne pourr[ont ...] être examiné[es] qu’à la lumière des résultats d’une vérification sur pièces des faits nouveaux justifiant le caractère ‘faisant grief’ de ces décisions » et fait valoir que cette seule remarque ne saurait être considérée comme répondant aux conditions de l’article 138, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

23      Enfin, s’agissant du rejet par le Tribunal de la fonction publique des conclusions visant à l’annulation des rapports de notation 1984-1997 de la requérante ainsi que de la décision de nomination, elle considère que les arguments de la requérante ne présentent pas la clarté et la précision requises pour permettre à la Cour des comptes de préparer sa réponse et au Tribunal de statuer sur le pourvoi. Elle affirme ainsi que la rédaction de la requête rend très difficile, voire impossible, l’identification et la compréhension des moyens en droit que la requérante entend invoquer, dès lors que la requête est constituée d’une succession d’allégations sans lien entre elles, en grande partie dépourvues de pertinence et qu’elle est formée autour de raisonnements confus et manifestement erronés.

24      Il convient de constater que, par son pourvoi, la requérante vise à l’annulation de l’ordonnance attaquée dans son entièreté. Or, comme le fait observer la Cour des comptes, le pourvoi ne contient pas d’arguments spécifiques à l’encontre du rejet de ses conclusions visant à l’annulation des « décisions connexes et/ou subséquentes » à ses rapports de notation 1984-1997 à l’exception de la décision de nomination et, en ce qui concerne le rejet des conclusions en indemnité, il se borne à indiquer, dans la partie « Conclusions », que cette demande « ne pourra, comme la demande en annulation des décisions sur la carrière de la requérante, être examinée qu’à la lumière des résultats d’une vérification sur pièces des faits nouveaux justifiant le caractère ‘faisant grief’ de ces décisions ».

25      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que le pourvoi ne remplit pas à cet égard les exigences de l’article 138, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure et qu’il doit, dès lors, être rejeté comme manifestement irrecevable dans la mesure où il vise à l’annulation de l’ordonnance attaquée pour autant que celle-ci rejette les conclusions visant à l’annulation des « décisions connexes et/ou subséquentes » et les conclusions indemnitaires.

26      S’agissant, en revanche, des conclusions visant à l’annulation des rapports de notation 1984-1997 et de la décision de nomination, il y a lieu de considérer que le pourvoi contient suffisamment d’informations permettant à la Cour des comptes de se défendre et au Tribunal de se prononcer sur son bien-fondé. En particulier, il identifie de manière suffisamment claire les appréciations du Tribunal de la fonction publique critiquées et les moyens invoqués contre elles. Le pourvoi est, par conséquent, recevable en ce qu’il vise l’annulation de la partie de l’ordonnance attaquée rejetant comme irrecevables lesdites conclusions de la requérante.

 Sur le fond

27      La requérante soulève, en substance, sept moyens à l’appui de son pourvoi.

28      Les cinq premiers moyens sont tirés, respectivement, d’une dénaturation des faits déductibles des pièces soumises au Tribunal de la fonction publique et d’une attribution erronée de la charge de la preuve, d’une dénaturation de la demande du 29 juillet 2005, d’une qualification juridique erronée de la réclamation précontentieuse, d’une absence totale de motivation de la décision de rejet de la réclamation et, subsidiairement, d’une insuffisance de motivation de cette décision. Par ces moyens, la requérante conteste, en substance, premièrement, la constatation du Tribunal de la fonction publique figurant au point 8 de l’ordonnance attaquée, selon lequel M. X a participé, en qualité d’assesseur, aux travaux du jury du concours général CC/LA/18/82, deuxièmement, les appréciations figurant aux points 38 à 41 de l’ordonnance attaquée, selon lesquelles, d’une part, le premier des faits invoqués par la requérante ne pouvait pas être considéré comme établi et, d’autre part, la procédure administrative n’avait pas été respectée pour les autres (voir point 10 ci-dessus), et, troisièmement, le fait que le Tribunal de la fonction publique aurait, implicitement, en ne les examinant pas, rejeté ses arguments concernant l’absence ou, tout au moins, l’insuffisance de motivation de la décision de rejet de la réclamation.

29      Le sixième moyen du pourvoi est tiré d’une interprétation erronée du recours en première instance et, par conséquent, d’une application non pertinente de la jurisprudence en ce qui concerne l’exercice illégal des fonctions par le supérieur de la requérante. Par ce moyen, la requérante conteste notamment le point 42 de l’ordonnance attaquée, dans lequel le Tribunal de la fonction publique a considéré, en substance, que les faits invoqués par la requérante, relatifs à l’illégalité de la nomination de M. X à la Cour des comptes, ne pouvaient pas être considérés comme des faits substantiels justifiant une demande de réexamen, dès lors que l’éventuelle illégalité de cette nomination ne serait pas susceptible de vicier les décisions relatives à la notation de la requérante prises par ce fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions (voir point 10 ci-dessus).

30      Le septième et dernier moyen du pourvoi est tiré d’une identification insuffisante de l’application des règles concernant la recevabilité.

31      Il convient d’examiner tout d’abord le septième moyen, tiré d’une identification insuffisante de l’application des règles concernant la recevabilité, puis le sixième moyen, tiré d’une application non pertinente de la jurisprudence en ce qui concerne l’exercice illégal des fonctions par le supérieur de la requérante.

 Sur le septième moyen, tiré d’une identification insuffisante de l’application des règles concernant la recevabilité

–       Arguments des parties

32      La requérante critique l’appréciation figurant au point 27 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle, « [l]a requête ayant été introduite le 23 octobre 2006, il y a lieu d’appliquer, d’une part, la règle de procédure contenue à l’article 78 du règlement de procédure du Tribunal et, d’autre part, les règles de recevabilité auxquelles renvoyait l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal de première instance applicable mutatis mutandis au Tribunal ». Elle fait valoir à cet égard que le Tribunal de la fonction publique n’indique pas les éléments de l’ordonnance attaquée concernés par l’application de ces règles, ce qui ne lui permet pas d’en vérifier le caractère fondé.

33      La Cour des comptes fait valoir qu’il ressort clairement des points 24 à 26 de l’ordonnance attaquée quelles sont les règles appliquées par le Tribunal de la fonction publique et souligne que la conclusion figurant au point 27 de ladite ordonnance n’est nullement contestée par la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

34      Il suffit de constater qu’il ressort d’une lecture d’ensemble de l’ordonnance attaquée que le Tribunal de la fonction publique s’est fondé sur l’article 78 de son règlement de procédure ainsi que sur les règles de recevabilité appliqués par le Tribunal pour rejeter la totalité du recours par voie d’ordonnance motivée à la suite de l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Cour des comptes. Dans ces circonstances, il doit être considéré que l’ordonnance attaquée est suffisamment motivée, en ce sens que la requérante est en mesure de savoir quels éléments de ladite ordonnance sont concernés par l’application des règles mentionnées par le Tribunal de la fonction publique.

35      Il y a lieu, par conséquent, de rejeter le présent moyen.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une interprétation erronée du recours en première instance et, par conséquent, d’une application non pertinente de la jurisprudence en ce qui concerne l’exercice illégal des fonctions par le supérieur de la requérante

–       Arguments des parties

36      La requérante fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a dénaturé son recours en première instance en se fondant, au point 42 de l’ordonnance attaquée, sur l’arrêt du Tribunal du 3 octobre 2006, Nijs/Cour des comptes (T‑171/05, RecFP p. I‑A‑2‑195 et II‑A‑2‑999), pour considérer que l’illégalité de la nomination de M. X ne saurait vicier les décisions relatives à la notation de la requérante. Elle soutient qu’elle n’a pas prétendu que ses rapports de notation 1984-1997 avaient été viciés par l’illégalité de la nomination de son supérieur, mais par l’occupation illégale d’un poste qu’elle aurait pu occuper, fait qu’elle aurait déduit des autres faits invoqués au cours de la procédure. Elle soutient qu’elle a également invoqué l’intérêt personnel de ses supérieurs à bloquer sa carrière, résultant de la prise de fonctions illégale et de l’exercice illégal de celles-ci par son supérieur.

37      La Cour des comptes considère le présent moyen comme non fondé.

–       Appréciation du Tribunal

38      Force est de constater que la requérante ne saurait prétendre qu’elle n’a pas soutenu que ses rapports de notation 1984-1997 avaient été viciés par l’illégalité de la nomination de son supérieur. En effet, dans la partie de son recours en première instance intitulée « Exposé sommaire des moyens », il était indiqué que, « [e]n premier lieu, la requérante invoque un nombre de faits nouveaux ainsi que leurs conséquences, affectant la validité de ses rapports de notation ». Une partie de ces faits, et notamment les cinq faits principaux, à savoir le non-respect par M. X de l’article 14 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant ledit statut ainsi que le régime applicable aux autres agents des Communautés (JO L 124, p. 1), lors de son transfert à la Cour des comptes, le fait qu’il n’avait pas l’ancienneté nécessaire lors de sa nomination, l’illégalité du concours CC/LA/18/82 en raison de l’ancienneté et du grade insuffisants de M. X ainsi que sa promotion illégale au moment de sa nomination, concerne les circonstances dans lesquelles serait intervenue la nomination, prétendument illégale, de M. X à la Cour des comptes. Il ressort du recours en première instance que la requérante considère que c’est afin de l’empêcher de découvrir l’ensemble des illégalités ayant permis la nomination de M. X et de permettre à celui-ci de poursuivre l’exercice illégal de ses fonctions que sa carrière a été bloquée. La requérante indique ainsi que le fait qui consisterait en l’exercice illégal de ses fonctions par M. X découle des cinq autres faits, tout comme l’intérêt personnel de ses supérieurs à ce qu’elle ne puisse pas se voir attribuer, grâce à des rapports de notation favorables, une fonction lui permettant de découvrir un ou plusieurs des faits invoqués.

39      Dans ces circonstances, il ne saurait être considéré que l’application en l’espèce par le Tribunal de la fonction publique de la jurisprudence selon laquelle la nomination illégale du supérieur hiérarchique n’est pas susceptible de vicier les décisions relatives à la notation d’un fonctionnaire démontre une interprétation erronée du recours en première instance de la requérante.

40      Par ailleurs, il convient de constater que l’appréciation du Tribunal figurant au point 86 de l’arrêt Nijs/Cour des comptes, point 36 supra, cité par le Tribunal de la fonction publique dans l’ordonnance attaquée, visait précisément à écarter un argument tiré également de l’exercice illégal des fonctions par le supérieur du requérant en raison des irrégularités commises lors de sa nomination à la Cour des comptes.

41      Le présent moyen doit, par conséquent, être rejeté.

42      Il convient d’observer que l’appréciation du Tribunal de la fonction publique selon laquelle la prétendue nomination illégale de M. X n’était pas susceptible d’affecter la légalité des décisions relatives à la notation de la requérante suffit à elle seule à fonder l’irrecevabilité des conclusions présentées en première instance concernant les rapports de notation 1984-1997 et la décision de nomination. En effet, le fait que la prétendue nomination illégale de M. X n’était pas susceptible d’affecter la légalité des décisions relatives à la notation de la requérante implique que les faits invoqués par celle-ci n’étaient absolument pas de nature à être considérés comme des faits substantiels au sens de la jurisprudence citée par le Tribunal de la fonction publique au point 35 de l’ordonnance attaquée justifiant un réexamen de ses rapports de notation 1984-1997 ni, par conséquent, à lui conférer un intérêt à l’annulation de la décision de nomination.

43      Dans ces conditions, les vices dont pourraient être entachés les autres motifs du Tribunal de la fonction publique, ou certaines de ses appréciations de fait qui ne sont pas à la base du motif figurant au point 42 de l’ordonnance attaquée, sont, en tout état de cause, sans influence sur le dispositif de ladite ordonnance. Les moyens invoqués par la requérante à l’encontre de ces motifs sont, en conséquence, inopérants et doivent, dès lors, être rejetés.

44      Il s’ensuit que le pourvoi doit être rejeté comme manifestement non fondé, dans la mesure où il vise à l’annulation de l’ordonnance attaquée pour autant que celle-ci rejette les conclusions visant à l’annulation des rapports de notation 1984-1997 et de la décision de nomination.

45      Partant, le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

46      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

47      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

48      Mme Timmer ayant succombé en ses conclusions et la Cour des comptes ayant conclu en ce sens, elle supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Cour des comptes dans le cadre de la présente instance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Mme Marianne Timmer supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Cour des comptes des Communautés européennes dans le cadre de la présente instance.

Fait à Luxembourg, le 22 juin 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.