Language of document : ECLI:EU:T:2023:306

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

7 juin 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale CYLUS – Marque de l’Union européenne verbale antérieure CYLANCE – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑227/22,

Cylus Cyber Security Ltd, établie à Tel-Aviv (Israël), représentée par Me S. Bailey, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Ivanauskas, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Cylance, Inc., établie à Irvine, Californie (États-Unis), représentée par Me B. Levy, avocate,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. D. Spielmann, président, Mme M. Brkan et M. I. Gâlea (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Cylus Cyber Security Ltd, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 21 février 2022 (affaire R 692/2020-4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 13 février 2018, la requérante, Cylus Cyber Security Ltd., a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal CYLUS, en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

3        La marque demandée désignait les produits et les services relevant, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, des classes 9, 42 et 45 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante, telle que modifiée le 26 juin 2018 :

–        classe 9 : « Équipements de traitement de données pour la cybersécurité d’entreprises ferroviaires et de métro ; logiciels téléchargeables pour la cybersécurité d’entreprises ferroviaires et de métro » ;

–        classe 42 : « Logiciel-service pour la cybersécurité d’entreprises ferroviaires et de métro ; services informatiques pour la cybersécurité d’entreprises ferroviaires et de métro, y compris entre autres, évaluation des risques, évaluation des vulnérabilités, test de pénétration, examen de systèmes et codes, planification et réponse à des incidents, consultation technique concernant les exigences de cybersécurité efficace dans des offres de produits et services liés au train et au métro, y compris entre autres, évaluation des risques, évaluation des vulnérabilités, test de pénétration, examen de systèmes et codes, planification et réponse à des incidents ; services de sécurité pour la cybersécurité d’entreprises ferroviaires et de métro, y compris, entre autres, évaluation des risques, évaluation des vulnérabilités, test de pénétration, examen de systèmes et codes, planification et réponse à des incidents ; services scientifiques et technologiques, ainsi que services de recherche et conception dans ces domaines, tous destinés à la cybersécurité d’entreprises ferroviaires et de métro ; conception et développement d’équipements logiciels et informatiques pour la cybersécurité d’entreprises ferroviaires et de métro » ;

–        classe 45 : « Services de consultation pour offres dans le domaine des services de sécurité ; consultation en sécurité pour la protection de rails et métros ; services d’inspection de sécurité pour le compte de tiers ; surveillance de systèmes d’alarme de sécurité ».

4        Le 9 octobre 2018, l’intervenante, Cylance Inc., a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure CYLANCE, déposée le 12 novembre 2012 et enregistrée le 16 février 2014 sous le numéro 11338662 pour les produits et les services relevant des classes 9 et 42, correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciels de sécurité internet ; logiciel pour empêcher l’accès non autorisé à des ordinateurs et systèmes électroniques ; matériel informatique pour empêcher l’accès non autorisé à des ordinateurs et systèmes électroniques » ;

–        classe 42 : « Fourniture en ligne sur l’internet de logiciels de sécurité et de logiciels de prévention d’accès non autorisés à des ordinateurs et à des systèmes électroniques ; services de conseils en matière de logiciels de sécurité internet ; services de conseils dans les domaines de la conception, du développement, de l’implémentation et de l’utilisation de matériel informatique et de logiciels pour empêcher l’accès non autorisé à des ordinateurs et systèmes électroniques ».

6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et sous b) du règlement 2017/1001.

7        Le 10 février 2020, la division d’opposition a rejeté l’opposition au motif qu’il n’existait pas de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

8        Le 9 avril 2020, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a partiellement accueilli le recours. Elle a estimé qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit d’une partie non négligeable du public professionnel pour les produits compris dans la classe 42. En conséquence, elle a annulé la décision de la division d’opposition, a rejeté la demande d’enregistrement pour les produits et services compris dans les classes 9 et 42 et rejeté le recours pour le surplus. La chambre de recours a estimé que le public pertinent était représenté par le public professionnel susceptible de faire preuve d’un niveau d’attention élevé. S’agissant de la comparaison des signes, elle a constaté que les signes en cause étaient similaires à un degré moyen sur le plan visuel, qu’ils présentaient un degré faible ou élevé de similitude phonétique selon les différences de prononciation et que, sur le plan conceptuel, la comparaison n’était pas possible pour la partie du public pour laquelle ces signes n’avaient pas de signification. Ainsi, elle a conclu que, dans l’ensemble, les signes en question présentaient un degré moyen de similitude à tout le moins pour la partie du public qui les percevrait comme étant dépourvus de signification.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui du recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

13      La requérante, estime, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en ce qui concerne le public pertinent et son niveau d’attention. Selon elle, cette erreur a entrainé une appréciation erronée du caractère distinctif du préfixe « cy » présent dans les signes en cause et a entaché d’erreur toute l’analyse du risque de confusion.

14      À titre subsidiaire, la requérante estime que, même à considérer que la définition du public pertinent ainsi que sa perception des signes en cause étaient correctes, ces signes présentent suffisamment de différences sur les plans visuel et phonétique afin d’exclure tout risque de confusion.

15      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

16      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

17      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

18      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement  2017/1001.

 Sur le public pertinent

19      La requérante estime que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation dans la définition du public pertinent et du niveau d’attention dont il fait preuve.

20      À cet égard, la requérante rappelle que, à la suite de la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, les produits et services en cause relèvent uniquement du domaine de la cybersécurité et sont limités au secteur des entreprises ferroviaires et de métro. Selon elle, ces entreprises sont responsables du transport public au quotidien et attachent la plus haute importance à la sûreté et à la sécurité. Selon elle, il s’ensuit que les décisions d’achat liées à ces produits et à ces services, en raison de leur importance majeure relative à la sécurité des transports, seront prises uniquement par les professionnels et les experts en informatique travaillant dans les départements informatiques des entreprises ferroviaires ou de métro. Dès lors, elle fait valoir que le public pertinent est constitué par ces experts uniquement, qui font preuve d’un niveau d’attention le plus élevé possible.

21      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

22      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

23      Le public pertinent pour l’appréciation du risque de confusion est constitué des utilisateurs susceptibles d’utiliser tant les produits ou les services visés par la marque antérieure que ceux visés par la marque demandée. Ainsi, en règle générale, lorsque les produits ou services de l’une des marques en conflit sont inclus dans la désignation plus large visée par l’autre marque, le public pertinent est défini par référence au libellé le plus spécifique [voir arrêt du 24 mai 2011, ancotel/OHMI – Acotel (ancotel.), T‑408/09, non publié, EU:T:2011:241, points 38 et 39 et jurisprudence citée].

24      Il convient, à cet égard, de tenir compte du fait qu’un public restreint et spécialisé est susceptible d’avoir des connaissances spécifiques relatives aux produits ou aux services concernés par les marques en conflit et/ou de faire, à cet égard, preuve d’un niveau d’attention élevé, par rapport à celui du grand public. Il s’agit de facteurs pouvant jouer un rôle déterminant, s’agissant de l’existence ou de l’absence d’un risque de confusion entre lesdites marques (voir arrêt du 24 mai 2011, ancotel., T‑408/09, non publié, EU:T:2011:241, point 30 et jurisprudence citée).

25      En l’espèce, la chambre de recours a relevé que, après l’acceptation de la demande de limitation, tous les produits et services demandés compris dans les classes 9 et 42 étaient destinés à la cybersécurité des entreprises ferroviaires et de métro. Par conséquent, elle a estimé que ces produits et services s’adressaient à des clients professionnels qui comprenaient les entreprises ferroviaires et de métro ou bien leurs départements ou prestataires informatiques. Partant, elle a conclu que le public pertinent aux fins de l’appréciation du risque de confusion était le public professionnel uniquement, faisant preuve d’un niveau d’attention élevé.

26      En premier lieu, certes, la chambre de recours a limité sa définition du public pertinent au public professionnel constitué par les entreprises ferroviaires ou de métro ainsi qu’à leurs prestataires ou départements informatiques. Toutefois, comme le fait valoir l’EUIPO, il ne saurait être exclu que des personnes autres que les informaticiens ou les experts en informatique puissent être amenées à prendre des décisions lors de l’acquisition desdits produits et services, tels que les directeurs financiers ou les directeurs généraux de ces entreprises. Partant, l’argument de la requérante selon lequel ledit public est composé uniquement par les professionnels et les experts en informatique travaillant dans les départements informatiques des entreprises ferroviaires ou de métro ne saurait prospérer.

27      En second lieu, il convient de relever que les produits et les services visés par les marques en conflit s’adressent à un public de professionnels, mais pas uniquement à des experts en informatique, contrairement à ce que soutient la requérante. Par conséquent, le niveau d’attention de ce public en ce qui concerne ces produits et services sera nécessairement plus élevé que celui du grand public [voir, par analogie arrêt du 20 septembre 2019, Sixsigma Networks Mexico/EUIPO – Marijn van Oosten Holding (UKIO), T‑367/18, non publié, EU:T:2019:645, point 25], sans pour autant être le plus élevé possible. Ainsi, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le niveau d’attention du public pertinent est élevé doit être approuvée.

28      Eu égard à ces considérations, il convient de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en ce qui concerne la définition du public pertinent et de son niveau d’attention.

 Sur la comparaison des produits et services

29      La chambre de recours a conclu à l’identité des produits compris dans la classe 9. S’agissant des services compris dans la classe 42, elle a estimé que ceux-ci étaient à tout le moins similaires à un degré moyen. En ce qui concerne les services compris dans la classe 45, elle a considéré que ceux-ci étaient différents des produits et des services couverts par la marque antérieure compris dans la classe 9 et dans la classe 42.

30      Ces conclusions de la chambre de recours n’ont pas été contestées par les parties.

 Sur la comparaison des signes

31      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

32      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle au moins une partie non négligeable du public professionnel ne percevra pas le préfixe « cy » comme faisant référence à la nature liée à la cybersécurité des produits et services en cause. Elle estime que c’est à tort que ladite chambre s’est fondée sur la seule circonstance que les éléments de preuve du dossier ne permettaient pas de démontrer que la totalité des professionnels percevrait la signification dudit préfixe. Elle reproche à cette chambre d’avoir rejeté les éléments de preuve fournis lors de la procédure devant l’EUIPO qui renvoyaient aux noms de quarante entreprises de cybersécurité qui incluent ce préfixe dans leur nom ainsi que les autres éléments de preuve selon lesquels le même préfixe serait l’abréviation de « cyber ».

33      De l’avis de la requérante, les experts en informatique ayant un niveau d’attention très élevé qui effectuent les achats des logiciels et des services de sécurité font immédiatement le lien entre le préfixe « cy » et la cybersécurité .

34      Par conséquent, la requérante estime que, si la chambre de recours avait conclu que seule une partie négligeable du public pertinent ne percevait pas le lien entre le préfixe « cy » et l’abréviation « cyber », celle-ci aurait également conclu que ledit préfixe a un caractère distinctif très limité.

35      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

36      À titre liminaire, il convient de rappeler que la chambre de recours a conclu à juste titre que le public pertinent était constitué par les entreprises ferroviaires ou de métro et par leurs départements informatiques ou leurs prestataires. Ainsi, il ne pouvait être exclu que des personnes autres que les informaticiens ou les experts en informatique puissent être amenées à prendre des décisions lors de l’acquisition desdits produits et services.

37      La chambre de recours a considéré que les éléments de preuve produits par la requérante suggéraient qu’il existait une certaine tendance dans le secteur du marché pertinent, à utiliser le préfixe « cy » pour faire référence à l’abréviation « cyber » ou au mot « cyberspace ». Elle a estimé qu’une partie du public professionnel du secteur des technologies de l’information pouvait être amenée, en raison des produits et des services très spécifiques, à percevoir ledit préfixe dans les signes en cause comme faisant référence à la cybersécurité. Par conséquent, pour cette partie du public, ce préfixe ferait allusion aux caractéristiques de ces produits et de ces services et posséderait donc un caractère distinctif très faible.

38      De plus, la chambre de recours a estimé que la partie anglophone du public pertinent serait susceptible de décomposer la marque antérieure en des éléments significatifs et de reconnaitre le mot « lance » comme désignant une « arme à long manche et à fer pointu utilisée par les cavaliers pour désarçonner ou blesser un adversaire » et que si ce mot était perçu comme tel, il ne ferait pas directement référence aux caractéristiques des produits et des services en cause et posséderait donc un caractère distinctif.

39      Enfin, la chambre de recours a considéré que le dossier ne contenait aucune indication selon laquelle tous les professionnels percevraient le préfixe « cy » comme faisant référence à l’abréviation « cyber » et en a conclu qu’au moins une partie non négligeable du public professionnel de l’Union européenne ne percevra aucune des significations susmentionnées dans les signes en cause et percevra les mots « cylance » et « cylus » comme des mots distinctifs dépourvus de signification.

40      Dès lors, la chambre de recours a décidé de faire porter la comparaison des signes sur la partie du public qui percevrait les signes en cause comme distinctifs et dépourvus de signification.

41      Tout d’abord, il convient de rappeler qu’aucune analyse ayant pour objet de décrire l’approche du public pertinent au regard d’un signe ne peut prétendre à l’exhaustivité en ce sens que tous les membres de ce public adopteront une approche identique sans exception. Dans ces conditions, il incombe à la partie requérante de démontrer, preuves concordantes à l’appui, que l’analyse effectuée par la chambre de recours est erronée à l’égard d’une partie significative dudit public [voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Japan Tobacco/EUIPO – I.J. Tobacco Industry (I.J. TOBACCO INDUSTRY), T‑743/18, non publié, EU:T:2019:872, point 35 et jurisprudence citée].

42      À cet égard, il y a lieu de relever que, comme il ressort des appréciations de la chambre de recours exposées au point 63 de la décision attaquée, le préfixe « cy » commun aux signes en cause présente un caractère distinctif pour la partie du public qui ne percevra aucun rapport entre ledit préfixe et les produits et services liés à la cybersécurité.

43      Ensuite, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a fondé sa conclusion uniquement sur le fait qu’il n’existait aucune preuve que l’ensemble des professionnels, sans exception, percevraient le préfixe « cy » comme faisant référence à l’abréviation « cyber », il convient de souligner que la chambre de recours a admis, au point 60 de la décision attaquée, que les éléments de preuve apportés par la requérante suggéraient qu’il existait une tendance sur le marché à utiliser la combinaison de lettres « cy » pour les entreprises de cybersécurité. Dès lors, il convient de constater que ladite chambre a tenu compte desdits éléments de preuve lorsqu’elle a conclu que, pour la partie du public pertinent comprenant la signification dudit préfixe comme faisant référence à ladite abréviation, ce préfixe aura un caractère distinctif très limité.

44      Néanmoins, cette appréciation n’est pas de nature à exclure le fait qu’une partie non négligeable du public pertinent ne percevra pas le préfixe « cy » comme faisant référence à l’abréviation « cyber ». Partant, pour cette partie dudit public, les signes en cause seront dépourvus de signification et distinctifs. En effet, il y a lieu de constater à l’instar de l’EUIPO, que les éléments de preuve apportés par la requérante ne sont pas de nature à établir que les professionnels des entreprises ferroviaires et de métro, ou au moins une large majorité de ceux-ci, percevraient ledit préfixe comme faisant référence à ladite abréviation.

45      Partant, l’argument de la requérante selon lequel seulement une partie négligeable du public pertinent ne percevrait aucun lien entre le préfixe « cy » et l’abréviation « cyber » ne saurait être accueilli.

46      Dès lors, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a décidé de fonder son appréciation sur la partie non négligeable du public pertinent qui ne percevra pas le préfixe « cy » comme faisant référence à l’abréviation « cyber ».

47      Cette constatation ne saurait être infirmée par l’argument de la requérante selon lequel le préfixe « cy » a en toutes circonstances un caractère distinctif faible du fait de sa présence dans plusieurs noms d’entreprises ou marques. Comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, la seule circonstance que plusieurs marques comportant ce préfixe soient enregistrées auprès de l’EUIPO pour des produits liés à la cybersécurité ne prouve pas une utilisation de ces marques sur le marché [voir, par analogie, arrêt du 2 décembre 2014, Boehringer Ingelheim Pharma/OHMI – Nepentes Pharma (Momarid), T‑75/13, non publié, EU:T:2014:1017, point 85].

48      Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a fondé son appréciation sur la partie du public non négligeable qui percevra les signes en cause comme distinctifs et dépourvus de signification.

 Sur la similitude visuelle

49      La requérante estime, en substance, que la chambre de recours aurait dû conclure que le degré de similitude sur le plan visuel des signes en cause était faible. Elle considère également que le faible caractère distinctif du préfixe « cy », retenu par ladite chambre, aurait dû conduire celle-ci à accorder moins d’importance à ce préfixe dans la comparaison des signes sur le plan visuel et, partant, à conclure à l’existence d’une similitude tout au plus faible entre ces signes.

50      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

51      En l’espèce, la chambre de recours a conclu à un degré moyen de similitude visuelle entre les signes en cause, en constatant que ces signes coïncidaient par le préfixe « cyl », différaient par leur longueur et que la suite de lettres « ance » de la marque antérieure créait une impression visuelle distincte de la suite de lettres « us » de la marque demandée.

52      Il est constant que la marque antérieure est composée de sept lettres et que la marque demandée est composée de cinq lettres. Il convient de souligner l’identité des trois premières lettres composant les signes en cause, à savoir les lettres « c », « y » et « l », qui sont de surcroit placées dans le même ordre. Lesdits signes diffèrent ainsi par leurs suffixes, à savoir, « ance » s’agissant de la marque antérieure et « us » s’agissant de la marque demandée.

53      Il ressort également de la jurisprudence relative aux marques verbales que, ce qui importe dans l’appréciation de la similitude visuelle de telles marques, c’est la présence, dans chacune d’elles, de plusieurs lettres dans le même ordre [voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2009, Kaul/OHMI – Bayer (ARCOL), T‑402/07, EU:T:2009:85, point 83].

54      Au vu de ce qui précède il y a lieu de considérer que, en l’espèce, la présence dans les signes en cause des mêmes lettres « c », « y » et « l » dans le même ordre crée une similitude visuelle.

55      Dès lors, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de relever que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que les signes en cause présentaient un degré moyen de similitude visuelle.

 Sur la similitude phonétique

56      La requérante estime que, si la chambre de recours avait correctement apprécié la perception des signes en cause par le public pertinent, celle-ci aurait conclu que le degré de similitude phonétique serait, tout au plus, faible.

57      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

58      La chambre de recours a considéré que la prononciation des signes en cause coïncidait par le son de leurs premières lettres, indépendamment des différentes règles de prononciation, et différait par le son des lettres suivantes.

59      Par ailleurs, la chambre de recours a relevé, d’une part, que la différence de longueur des signes en cause se traduirait par des rythmes et des intonations différents dans les langues où toutes les lettres seront prononcées, étant donné que, pour une partie du public pertinent, la marque antérieure serait prononcée en trois syllabes, tandis que la marque demandée ne serait prononcé qu’en deux syllabes. Elle en a conclu que, pour cette partie du public pertinent, les signes en cause présentaient un faible degré de similitude phonétique.

60      D’autre part, la chambre de recours a estimé que, pour la partie du public pertinent qui prononce la marque antérieure en deux syllabes, tels le public anglophone ou le public francophone, les signes en cause partageaient le même nombre de syllabes, le même rythme et la même longueur. Dès lors, pour cette partie du public pertinent, elle a estimé que ces signes présentaient un degré élevé de similitude phonétique.

61      En l’espèce, il convient de rappeler que, ainsi que l’a souligné la chambre de recours, les signes en cause sont susceptibles d’être prononcés de manière différente selon les langues. La requérante ne conteste pas cette appréciation.

62      Il y a lieu de souligner l’identité des trois premières lettres des signes en cause qui est de nature à créer une similitude. En outre, pour la partie anglophone ou francophone du public pertinent, les dernières syllabes composant ces signes, à savoir les syllabes « lance » et « lus », présentent à tout le moins une certaine similitude du fait de la proximité des sons résultant de la prononciation des lettres « l » « c » et « s ».

63      Dès lors, en dépit de la légère différence phonétique qui existe entre les signes en cause, du fait de la prononciation des dernières syllabes, qui sont toutefois proches dans leur sonorité, il existe entre ces signes une certaine similitude phonétique qui résulte de la prononciation identique de leur première syllabe.

64      Il résulte des considérations qui précèdent que la chambre de recours a conclu à juste titre que les signes en cause étaient faiblement similaires sur le plan phonétique pour la partie du public pertinent qui prononcera toutes les lettres de la marque antérieure et qu’elles présentaient un degré élevé de similitude phonétique pour la partie dudit public qui prononcera lesdits signes en deux syllabes.

 Sur la similitude conceptuelle

65      La chambre de recours a estimé, sans que la requérante ne le conteste, qu’une comparaison conceptuelle n’était pas possible pour la partie du public pertinent pour laquelle les signes en cause n’avaient pas de signification et que cet aspect n’influait pas sur l’appréciation de la similitude des signes.

 Sur le risque de confusion

66      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir fondé son appréciation globale essentiellement sur la circonstance que le préfixe « cy » est présent dans les signes en cause et d’avoir omis de prendre en compte le lien fait par le public pertinent entre ledit préfixe et l’abréviation « cyber ».

67      À titre subsidiaire, la requérante estime que, même à supposer que l’appréciation de la chambre de recours concernant le préfixe « cy » ait été correcte, les différences entre les signes en cause étaient suffisantes afin d’écarter tout risque de confusion.

68      En outre, la requérante a soumis au Tribunal une décision d’une autorité israélienne compétente en matière de droit des marques qui confirme une décision selon laquelle il n’existe pas de risque de confusion entre les marques en conflit.

69      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

70      Considérant le degré moyen de similitude visuelle et le degré faible ou élevé, selon la partie du public pertinent considérée, de similitude phonétique ainsi que l’impossibilité d’une comparaison conceptuelle, la chambre de recours a estimé que les différences entre les signes en cause n’étaient pas suffisantes pour l’emporter sur les similitudes et écarter le risque de confusion pour les produits jugés identiques et ceux aux moins moyennement similaires dans l’esprit du public pour lequel lesdits signes étaient dépourvus de signification et distinctifs.

71      Il convient de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

72      Il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques mais doit se fier à l’image non parfaite qu’il en a gardée en mémoire (arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 26). Même les consommateurs faisant preuve d’un niveau d’attention élevé doivent se fier à l’image imparfaite des marques qu’ils ont gardée en mémoire [voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2013, Equinix (Germany)/OHMI – Acotel (ancotel.), T‑443/12, non publié, EU:T:2013:605, point 54].

73      Il y a lieu de rappeler que le constat d’un risque de confusion pour une partie non négligeable du public pertinent est suffisant pour accueillir une opposition formée contre une demande d’enregistrement de marque [voir arrêt du 24 juin 2014, Hut.com/OHMI – Intersport France (THE HUT), T‑330/12, non publié, EU:T:2014:569, point 58 et jurisprudence citée, voir également, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2011, Esprit International/OHMI – Marc O’Polo International (Représentation d’une lettre sur une poche), T‑22/10, non publié, EU:T:2011:651, point 119].

74      En l’espèce, la chambre de recours a rappelé, s’agissant du caractère distinctif de la marque antérieure, que celui-ci devait être considéré comme normal, malgré le fait qu’une partie du public soit susceptible de percevoir le préfixe « cy » comme une référence non distinctive à la nature des produits et des services en cause.

75      Or, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 47 ci-dessus, c’est à juste titre que la chambre de recours a décidé de porter son analyse sur la partie du public pertinent qui n’accordera aucune signification aux signes en cause et que le terme « cylance » constituant la marque antérieure, étant dépourvu de signification à l’égard des produits et des services en cause, présente un caractère distinctif moyen.

76      Il résulte du point 30 ci-dessus que, s’agissant de la comparaison des produits et des services en cause, les produits de la classe 9 sont identiques et les services de la classe 42 sont au moins similaires à un degré moyen. De plus, ainsi qu’il résulte des points 56, 64 et 66 ci-dessus, les signes en cause présentent un degré moyen de similitude sur le plan visuel, ils sont très similaires sur le plan phonétique pour la partie du public pertinent qui prononce lesdits signes en deux syllabes et leur comparaison conceptuelle n’est pas possible. Dès lors, il y a lieu de conclure que, dans le cadre d’une appréciation globale du risque de confusion, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, s’agissant des produits compris dans la classe 9 et des services compris dans la classe 42, l’existence d’un tel risque dans l’esprit d’une partie non négligeable dudit public.

77      En ce qui concerne, en dernier lieu, la décision de l’autorité israélienne produite par la requérante, il convient de rappeler que les décisions des juridictions nationales ou d’autres offices de la propriété intellectuelle, en particulier celles de pays tiers, ne lient pas l’EUIPO et ne sauraient remettre en cause la légalité de ses décisions (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, points 65 et 66).

78      Par conséquent, la décision de l’autorité israélienne produite par la requérante ne saurait remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

79      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le moyen unique invoqué par la requérante au soutien de ses conclusions ne devant être accueilli, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

81      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Cylus Cyber Security Ltd est condamnée aux dépens.

Spielmann

Brkan

Gâlea

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 juin 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.