Language of document : ECLI:EU:T:2021:111

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

3 mars 2021 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Harcèlement moral – Demande d’assistance – Rejet de la demande – Départ à la retraite – Devoir d’assistance – Principe de bonne administration – Devoir de sollicitude »

Dans l’affaire T‑599/19,

EM, représenté par Me M. Casado García-Hirschfeld, avocate,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes D. Boytha, C. González Argüelles et M. T. Lazian, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du Parlement du 31 octobre 2018 rejetant la demande d’assistance du requérant, telle que confirmée par la décision du 24 mai 2019 de rejet de la réclamation, et, d’autre part, à obtenir réparation des préjudices matériel et moral que le requérant aurait prétendument subis à la suite de ces décisions,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger (rapporteur) et Mme M. Stancu, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 21 octobre 2020,

rend le présent

Arrêt

I.      Faits à l’origine du litige

1        Le requérant, EM, est un ancien agent temporaire du groupe politique du Parti populaire européen (ci-après le « groupe PPE ») au Parlement européen.

2        Le requérant a travaillé pendant 32 ans au Parlement, dont 10 ans et demi pour le groupe PPE, juste après sa fusion avec le groupe politique « Union pour l’Europe de Nations ».

3        Aux mois de mai 2013, décembre 2014 et décembre 2016, des entretiens auraient eu lieu entre le requérant et le secrétaire général du groupe PPE, dont le contenu n’est pas constant entre les parties.

4        Le 7 décembre 2016, lors d’un entretien, le secrétaire général du groupe PPE a informé le requérant de son intention de le transférer du secrétariat du groupe PPE vers le secrétariat du groupe politique des députés non-inscrits (ci-après le « groupe NI »). À cette occasion, le requérant a manifesté son désaccord au secrétaire général du groupe PPE.

5        Le même jour, le secrétaire général du groupe PPE a adopté la décision de transférer le requérant du secrétariat du groupe PPE vers le secrétariat du groupe NI à partir du 8 décembre 2016 (ci-après la « décision de transfert »). Dans ladite décision, le secrétaire général du groupe PPE a indiqué que le transfert avait été décidé en accord avec le coordinateur du secrétariat du groupe NI et que le requérant serait maintenu dans son grade.

6        En outre, dans une lettre également datée du 7 décembre 2016, le secrétaire général du groupe PPE et le coordinateur du secrétariat du groupe NI ont informé le directeur général du personnel faisant fonction du Parlement (ci-après le « directeur général ») de l’accord intervenu entre eux concernant le transfert du requérant du groupe PPE au groupe NI. En outre, la lettre précisait que ce transfert prendrait fin au plus tard le 31 décembre 2019 ou à la date du départ à la retraite du requérant s’il intervenait avant.

7        Le 11 janvier 2017, la décision de transfert a été mise à exécution par la signature d’un avenant au contrat du requérant par le secrétaire général du Parlement. Le requérant n’a pas signé cet avenant, considérant que la décision de transfert n’était pas motivée et était incompatible avec ses idées politiques.

8        Le 6 juillet 2017, le requérant s’est adressé au secrétaire général du Parlement en l’informant de sa situation. Dans ce document, le requérant a contesté la légalité de la décision de transfert ainsi que le comportement du secrétaire général du groupe PPE et a demandé au secrétaire général du Parlement d’intervenir. Ce document, dont la qualification n’est pas constante entre les parties, est resté sans réponse.

9        Le 15 décembre 2017, le requérant a introduit une demande d’assistance visant, premièrement, sa réintégration immédiate dans les fonctions qu’il exerçait au sein du groupe PPE avant l’adoption de la décision de transfert, deuxièmement, l’ouverture d’une enquête administrative et, troisièmement, l’octroi d’un avancement de grade avec effet rétroactif au 1er janvier 2016 et le versement d’une indemnité.

10      Le 1er février 2018, le requérant a réitéré ces demandes.

11      Le 13 février 2018, le directeur général a informé le requérant de la décision du secrétaire général du Parlement d’explorer la possibilité que les parties parviennent à un règlement amiable. Cette tentative de règlement amiable a échoué.

12      Le 26 mars 2018, le requérant a de nouveau été transféré auprès du groupe PPE.

13      Le 19 avril 2018, une enquête administrative a été ouverte.

14      Le 24 avril 2018, le requérant a été invité par le service d’enquêtes administratives du Parlement à un entretien, qui aurait dû se dérouler le 2 mai 2018.

15      Le 15 mai 2018, le requérant a demandé au service d’enquêtes administratives du Parlement une copie des règles internes ou des dispositions générales d’exécution régissant les procédures d’enquêtes administratives au sein du Parlement. Ledit service lui a répondu qu’il n’y avait ni règles internes ni dispositions générales d’exécution régissant ces procédures.

16      Le 24 mai 2018, l’entretien entre le requérant et le service d’enquêtes administratives du Parlement, initialement prévu le 2 mai 2018, a eu lieu.

17      Le 29 mai 2018, comme cela avait été convenu lors de l’entretien du 24 mai 2018, le requérant a envoyé des documents au service d’enquêtes administratives du Parlement, en lui demandant de les verser au dossier de la procédure d’enquête.

18      Le 1er juin 2018, le requérant est parti à la retraite.

19      Le 6 août 2018, le directeur général a informé le requérant que, sur la base des investigations entreprises, il avait l’intention de rejeter sa demande d’assistance.

20      Le 25 août 2018, le requérant a déposé ses observations, demandant à être entendu avant que la décision finale ne soit adoptée.

21      Le 1er octobre 2018, le requérant a reçu une copie du rapport d’enquête administrative et a envoyé ses observations au directeur général.

22      Par décision du 31 octobre 2018, le directeur général a rejeté la demande d’assistance du requérant (ci-après la « décision attaquée »).

23      Le 30 janvier 2019, le requérant a introduit une réclamation contre la décision attaquée.

24      Par décision du 24 mai 2019, le secrétaire général du Parlement a rejeté la réclamation du requérant (ci-après le « rejet de la réclamation »).

II.    Procédure et conclusions des parties

25      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 septembre 2019, le requérant a introduit le présent recours.

26      Le 2 décembre 2019, le Parlement a déposé le mémoire en défense.

27      Le 28 janvier 2020, le requérant a déposé la réplique.

28      Le 12 mars 2020, le Parlement a déposé la duplique.

29      Par acte du 16 avril 2020, le requérant a formulé une demande motivée, au titre de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, aux fins d’être entendu dans le cadre de la phase orale de la procédure.

30      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a fait droit à la demande du requérant et a ouvert la phase orale de la procédure.

31      Le 17 juillet 2020, en raison de la crise sanitaire liée à la COVID-19, qui empêchait de déterminer la date à laquelle l’audience pouvait se tenir, le Tribunal a demandé aux parties si, en dépit de cette crise, elles souhaitaient être entendues en leurs observations lors d’une audience de plaidoiries.

32      Le 20 juillet 2020, le Parlement a répondu qu’il s’en remettait à la sagesse du Tribunal.

33      Le 31 juillet 2020, le requérant a répondu qu’il maintenait sa demande d’être entendu lors d’une audience.

34      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 21 octobre 2020.

35      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner le Parlement à des dommages et intérêts en raison des préjudices subis ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

36      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en annulation comme étant non fondé ;

–        rejeter le recours en indemnité comme étant non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

A.      Sur l’objet du litige

37      À titre liminaire, il convient de relever que, si le requérant, dans la partie introductive de son recours, demande l’annulation de la décision attaquée et, pour autant que de besoin, l’annulation du rejet de la réclamation, dans ses conclusions, il se limite à demander l’annulation de la décision attaquée telle que confirmée par le rejet de la réclamation.

38      Partant, conformément à une jurisprudence constante (voir arrêt du 21 mai 2014, Mocová/Commission, T‑347/12 P, EU:T:2014:268, point 34 et jurisprudence citée), il convient de considérer que, en l’espèce, l’acte faisant grief au requérant est la décision attaquée, dont la légalité doit être examinée en prenant également en considération la motivation figurant dans le rejet de la réclamation.

B.      Sur le fond

1.      Sur les conclusions en annulation

39      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant soulève deux moyens, tirés, le premier, d’une violation des articles 1er et 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que de l’article 12 et de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), d’une méconnaissance du devoir d’assistance et d’un détournement de pouvoir et, le second, d’une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation.

a)      Sur le premier moyen, tiré d’une violation des articles 1er  et 31 de la charte des droits fondamentaux ainsi que de l’article 12 et de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, d’une méconnaissance du devoir d’assistance et d’un détournement de pouvoir

40      À l’appui de son premier moyen, le requérant soulève, en substance, trois branches, tirées, la première, d’une violation des articles 1er et 31 de la charte des droits fondamentaux ainsi que de l’article 12 et de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, la deuxième, d’une méconnaissance du devoir d’assistance et, la troisième, d’un détournement de pouvoir.

41      Il convient d’examiner, tout d’abord, la première branche, puis la troisième branche et, enfin, la deuxième branche.

1)      Sur la première branche, tirée d’une violation des articles 1er  et 31 de la charte des droits fondamentaux ainsi que de l’article 12 et de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut

42      À titre liminaire, le requérant rappelle que la protection de la dignité de la personne est un principe fondamental dont les fonctionnaires et agents bénéficient, en particulier à travers l’interdiction de toute forme de harcèlement.

43      Le requérant rappelle également que l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut définit le harcèlement moral comme une « conduite abusive » qui requiert, pour être établie, que deux conditions cumulatives soient satisfaites. La première condition est relative à l’existence de comportements, de paroles, d’actes, de gestes ou d’écrits qui se manifestent « de façon durable, répétitive ou systématique », ce qui implique que le harcèlement moral doit être compris, selon le requérant, comme un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et supposant l’existence d’agissements répétés ou continus, qui sont « intentionnels ».

44      Le requérant ajoute que la seconde condition cumulative, unie à la première par la conjonction de coordination « et », exige que ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits aient pour effet de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne. Le fait que l’adjectif « intentionnel » concerne la première condition et non la seconde permet, selon le requérant, de tirer une double conclusion. D’une part, les comportements, paroles, actes, gestes ou écrits visés par l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut devraient présenter un caractère volontaire, ce qui exclurait du champ d’application de cette disposition les agissements qui se produiraient de manière accidentelle. D’autre part, il ne serait en revanche pas requis que ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits aient été commis avec l’intention de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne. En d’autres termes, le requérant considère qu’il peut y avoir harcèlement moral, au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, sans que le harceleur ait entendu, par ses agissements, discréditer la victime ou dégrader délibérément ses conditions de travail, et qu’il suffit que ces agissements, dès lors qu’ils ont été commis volontairement, aient entrainé objectivement de telles conséquences.

45      Sur la base de cette prémisse, le requérant estime que la notion de harcèlement moral est méconnue dans la décision attaquée. Il considère, en substance, qu’il a été victime d’un harcèlement moral exercé par le secrétaire général du groupe PPE entre le mois de mai 2013 et la décision de transfert, postérieurement à la décision de transfert jusqu’à la date de son départ à la retraite le 1er juin 2018 et par le biais de la décision de transfert elle-même. Partant, il conteste l’appréciation de la notion de harcèlement moral faite, d’une part, dans les conclusions de l’enquête administrative citées dans la décision attaquée et, d’autre part, dans l’enquête administrative elle-même.

46      À l’appui de cette première branche, le requérant soulève cinq griefs, tirés, le premier, de la méconnaissance de la notion de harcèlement moral pour la période antérieure à l’adoption de la décision de transfert, le deuxième, de la méconnaissance de la notion de harcèlement moral dû à son absence de promotion, le troisième, de la méconnaissance de la notion de harcèlement moral dû à la décision de transfert, le quatrième, de la méconnaissance de la notion de harcèlement moral pour la période postérieure à l’adoption de la décision de transfert et, le cinquième, de l’irrégularité de la procédure d’enquête administrative.

47      Il convient d’examiner, tout d’abord, le cinquième grief, dans la mesure où la vérification de la régularité de la procédure d’enquête administrative a une conséquence directe sur la décision attaquée, adoptée sur la base des conclusions de cette procédure. Par la suite, il conviendra d’examiner ensemble les premier et quatrième griefs et, enfin, successivement, les deuxième et troisième griefs.

i)      Sur le cinquième grief, tiré de l’irrégularité de la procédure d’enquête administrative

48      Le requérant fait valoir que, lors de la procédure d’enquête administrative, premièrement, malgré ses suggestions, certains témoins n’ont pas été convoqués, deuxièmement, aucun de ses supérieurs hiérarchiques directs n’a été contacté, troisièmement, aucun de ses collègues au moment des faits ni aucun membre du comité du personnel n’a été auditionné et, quatrièmement, seuls deux témoins, respectivement du groupe PPE et du groupe NI, ont été entendus.

49      Dans la réplique, le requérant conteste l’argument du Parlement selon lequel il aurait omis de communiquer les noms des personnes qu’il souhaitait voir auditionner. À cet égard, il observe que, bien qu’il n’ait pas proposé de noms spécifiques, une entité chargée d’une enquête administrative en matière de harcèlement, à laquelle il incombe d’instruire de façon proportionnée les dossiers qui lui sont soumis, dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la conduite de l’enquête et, en particulier, l’évaluation de la qualité et de l’utilité de la coopération fournie par des témoins. Ainsi, selon le requérant, le service chargé d’une enquête administrative n’est nullement tenu de convoquer les témoins proposés par un plaignant dans le cadre d’une enquête administrative, dans la mesure où il remplit son devoir quant à l’éclaircissement des faits relatifs à l’enquête. Dans ce contexte, le requérant considère qu’un tel devoir n’a pas été respecté si l’on tient compte du fait que le service d’enquêtes administratives du Parlement n’a interrogé que trois personnes, dont aucune de la délégation italienne du groupe PPE, malgré ses déclarations concernant des informations qu’il avait obtenues auprès de deux députés de ladite délégation.

50      Le Parlement conteste les arguments du requérant.

51      Par ce grief, le requérant remet en cause, en substance, la régularité de la procédure d’enquête administrative, dans la mesure où, d’une part, certains témoins n’ont pas été convoqués malgré ses suggestions et, d’autre part, le service d’enquêtes administratives du Parlement a choisi d’auditionner certaines personnes et d’autres non.

52      S’agissant de l’argument selon lequel certains témoins n’ont pas été convoqués malgré les suggestions du requérant en ce sens, il convient de relever qu’il manque en fait.

53      En effet, il ressort du point 45 de la requête que le requérant soutient avoir eu des contacts informels, notamment, avec deux députés de la délégation italienne du groupe PPE et que, malgré ses suggestions, aucun d’entre eux n’a été invité à témoigner durant la procédure d’enquête administrative. À l’appui de cette affirmation, le requérant fait référence à l’annexe A.15 de la requête, qui contient le compte rendu de son entretien du 24 mai 2018 avec le service d’enquêtes administratives du Parlement.

54      À cet égard, il ressort de l’examen dudit compte rendu que, premièrement, les noms des deux députés de la délégation italienne du groupe PPE apparaissent uniquement dans la réponse du requérant à la cinquième question, relative à la raison pour laquelle il avait attendu douze mois avant d’introduire une demande d’assistance. Cependant, le requérant ne suggère pas dans sa réponse que ces deux députés soient entendus comme témoins. Deuxièmement, il ressort du compte rendu de l’entretien du 24 mai 2018 que la représentante du requérant, d’une part, a indiqué que ce dernier était en possession d’éléments de preuve qu’il souhaitait verser au dossier de l’enquête administrative et, d’autre part, a suggéré que le requérant « communique ultérieurement le nom des personnes qui pouvaient témoigner de la situation qu’il a vécue ». Dans ce contexte, il y a lieu de constater que, le 29 mai 2018, la représentante du requérant a effectivement envoyé un courriel qui contenait, en annexe, les documents que le requérant souhaitait verser au dossier. En revanche, il ne ressort ni de ce courriel, ni des courriels suivants ou d’autres annexes que le requérant a concrétisé ses propos, rapportés dans le compte rendu de l’entretien du 24 mai 2018, selon lesquels il signalerait au service d’enquêtes administratives du Parlement les personnes qu’il souhaitait voir entendues comme témoins. Par ailleurs, le requérant lui-même, dans la réplique, reconnaît ne pas avoir indiqué les personnes qu’il souhaitait voir auditionner.

55      Ainsi, l’argument du requérant doit être rejeté, dans la mesure où il ne peut reprocher au Parlement d’avoir ignoré ses suggestions d’entendre des témoins précis alors qu’il n’a pas exercé sa faculté, actée dans le compte rendu de l’entretien du 24 mai 2018, d’indiquer ultérieurement au service d’enquêtes administratives les personnes qu’il souhaitait que ledit service auditionne.

56      S’agissant de l’argument tiré du choix, fait par le Parlement, d’auditionner certaines personnes et d’autres non, il n’est pas fondé. En effet, il suffit de constater que le requérant se borne à contester le choix d’auditionner certaines personnes, sans apporter aucun indice susceptible de remettre en cause la fiabilité des témoignages de ces personnes. En outre, il convient de rappeler, d’une part, que le requérant s’était réservé la faculté d’indiquer les coordonnées de personnes à auditionner, mais ne l’a pas exercée et, d’autre part, que l’entité chargée d’une enquête administrative, à laquelle il incombe d’instruire de façon proportionnée les dossiers qui lui sont soumis, dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la conduite de l’enquête. Notamment, le choix des personnes auditionnées relève du large pouvoir d’appréciation reconnu à cette entité administrative en la matière et, sur ce point, le requérant est resté en défaut de démontrer que cette entité aurait, à cet égard, outrepassé les limites de son pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, DQ e.a./Parlement, T‑730/18, EU:T:2019:725, point 77).

57      À la lumière de ces considérations, il y a lieu de rejeter ce grief.

ii)    Sur les premier et quatrième griefs, tirés de la méconnaissance de la notion de harcèlement moral pour la période antérieure à l’adoption de la décision de transfert et pour la période postérieure à l’adoption de la décision de transfert

58      En ce qui concerne le premier grief, le requérant fait valoir que le secrétaire général du Parlement a commis une erreur en constatant, dans la décision attaquée, que, entre le mois de mai 2013 et le mois de décembre 2016, le secrétaire général du groupe PPE n’a pas fait preuve d’une conduite abusive envers lui. En effet, selon le requérant, au cours de cette période, il a subi des pressions constantes pour le pousser à partir à la retraite.

59      Premièrement, au mois de mai 2013, le secrétaire général du groupe PPE aurait demandé au requérant s’il avait l’intention de prendre sa retraite. Ce dernier lui aurait répondu que son projet était de continuer à travailler jusqu’à l’âge statutaire de la retraite, afin de soutenir ses enfants dans leurs études et leurs projets de vies. À cet égard, le requérant aurait demandé s’il pouvait bénéficier d’une promotion ou d’un avancement de grade comme en avaient obtenu ses collègues dans les mêmes circonstances, pratique courante au sein du groupe et en conformité avec les dispositions statutaires, dans la mesure où il était promouvable depuis le 1er janvier 2007. Le secrétaire général du groupe PPE lui aurait répondu que ce n’était pas possible, mais qu’il pourrait éventuellement bénéficier d’une telle promotion s’il décidait de partir à la retraite avant l’âge statutaire.

60      Deuxièmement, au mois de décembre 2014, le secrétaire général du groupe PPE aurait convoqué le requérant et, sur un ton intimidateur, lui aurait demandé de quitter son poste au sein de ce groupe. À cette occasion, le secrétaire général du groupe PPE aurait, de façon injustifiée, menacé le requérant en lui disant que, si son départ n’était pas spontané et volontaire, il allait lui-même proposer son nom au bureau du groupe PPE pour provoquer son départ. Le requérant fait valoir que, le secrétaire général du groupe PPE ayant usé d’un ton arrogant et même méprisant et n’ayant pas simplement fait une remarque déplacée, il lui avait demandé si cela se basait sur un motif quelconque relatif à ses capacités professionnelles, sur un motif ou une demande précise de la délégation italienne du groupe PPE ou même sur un motif lié à sa propre personne. Le secrétaire général du groupe PPE n’aurait pas répondu à ces questions.

61      Troisièmement, au mois de décembre 2016, le secrétaire général du groupe PPE aurait convoqué le requérant pour lui dire qu’il avait entrepris les démarches visant à faire anticiper son départ à la retraite en utilisant, selon le requérant, les termes suivants : « Tu as une pension, donc tu peux quitter ». Le requérant lui aurait répondu que sa pension était le fruit de toutes ses années de service et des contributions versées, comme tout le monde, et que, par conséquent, ce n’était pas un privilège. Le requérant affirme avoir compris, à cette occasion, que tout cela n’était qu’une action vexatoire et discriminatoire à son égard, programmée depuis un certain temps.

62      Quatrièmement, le 7 décembre 2016, le secrétaire général du groupe PPE a communiqué au requérant la décision de transfert, prétendument prise en accord avec la chef de la délégation italienne du groupe PPE. Le requérant non seulement aurait fait part au secrétaire général du groupe PPE de son complet désaccord avec ladite décision, non motivée et blessante, mais aussi, par la suite, aurait décidé de ne pas signer l’avenant la mettant à exécution, dans la mesure où, selon lui, la décision de transfert manquait de motivation et était incompatible avec ses idées politiques.

63      En ce qui concerne le quatrième grief, le requérant considère que, postérieurement à la décision de transfert et jusqu’à la date de son départ à la retraite le 1er juin 2018, il a été victime de harcèlement. En effet, le requérant soutient que, premièrement, durant cette période, il a conservé son bureau, mais n’avait ni téléphone, ni ordinateur. Dans ce contexte, le requérant fait valoir que, quelques mois après l’adoption de la décision de transfert, le directeur de l’organisation interne du groupe PPE est allé le voir en insinuant que, s’il partait volontairement du groupe PPE en présentant sa démission, il aurait à nouveau accès à un ordinateur et à une ligne téléphonique. Deuxièmement, le requérant relève que, durant cette même période, il n’a reçu aucune tâche à effectuer et a vécu un isolement professionnel. Troisièmement, la situation dans laquelle le requérant se serait trouvé à la suite de la décision de transfert aurait mis à mal sa santé, sa sécurité et sa dignité humaine.

64      Dans la réplique, en réponse à un argument du Parlement selon lequel il aurait refusé de coopérer avec le coordinateur du secrétariat du groupe NI, le requérant, d’une part, fait valoir que le Parlement, au soutien de cette allégation, a déposé une annexe incomplète et, d’autre part, critique le fait que le Parlement utilise, pour démontrer son prétendu manque de volonté de coopérer, un échange qui a eu lieu alors qu’il était en congé maladie. En outre, le requérant conteste être à l’origine de la situation ambiguë qui s’est créée à la suite de la décision de transfert.

65      Le Parlement conteste les arguments du requérant.

66      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la décision attaquée se fonde sur les conclusions d’une enquête administrative dont la procédure n’est pas entachée d’illégalité quant aux témoignages recueillis, comme cela résulte de l’examen effectué aux points 53 à 56 ci-dessus.

67      En tenant compte de cette prémisse, s’agissant du premier grief, il suffit de constater que le requérant reste en défaut d’étayer, devant le Tribunal, ses allégations par des éléments de preuve. Partant, il ne saurait faire grief au Parlement d’avoir conclu, dans la décision attaquée, en reprenant les conclusions de ladite enquête administrative, qu’il n’avait pas apporté de preuves tangibles du fait que, entre mai 2013 et décembre 2016, il aurait eu des entretiens avec le secrétaire général du groupe PPE pendant lesquels ce dernier l’aurait harcelé. Le requérant ne saurait non plus contester le compte rendu de l’entretien du 24 mai 2018 en ce qu’il ressort de celui-ci, notamment de la réponse à la quatorzième question, que, pour la période antérieure à la décision de transfert, il ne fournit aucun élément tangible au soutien de ses allégations de harcèlement de la part du secrétaire général du groupe PPE, le seul événement qu’il évoque concernant la période postérieure à ladite décision. Ainsi, ce grief doit être rejeté.

68      Il en va de même pour le quatrième grief, par lequel le requérant soutient qu’il a été harcelé pendant la période allant de l’adoption de la décision de transfert à la date de son départ à la retraite le 1er juin 2018.

69      À cet égard, il convient de constater que, certes, d’une part, le rapport d’enquête conclut à une certaine confusion, d’un point de vue administratif, à la suite de l’adoption de la décision de transfert et, d’autre part, la décision attaquée établit que le requérant s’est trouvé dans une situation regrettable. Cependant, à défaut d’autres éléments de preuve, le seul fait que le requérant soutienne, premièrement, dans sa réponse à la onzième question mentionnée dans le compte rendu de l’entretien du 24 mai 2018, que le groupe NI ne lui a pas confié de tâches et, deuxièmement, que le Parlement a présenté une annexe incomplète quant aux tâches que le coordinateur du secrétariat du groupe NI lui aurait proposées ne peut pas remettre en cause l’appréciation contenue dans la décision attaquée. Enfin, il y a lieu de constater que cet argument, tiré de l’absence de tâches confiées au requérant par le coordinateur du secrétariat du groupe NI, concerne le comportement dudit coordinateur et non celui du secrétaire général du groupe PPE. Partant, cet argument n’est pas pertinent aux fins d’établir une erreur d’appréciation contenue dans la décision attaquée quant à la conduite du secrétaire général du groupe PPE à l’égard du requérant durant la période postérieure à la décision de transfert.

70      Enfin, en ce qui concerne l’allégation du requérant, fournie en réponse à la quatorzième question posée lors de l’entretien du 24 mai 2018, selon laquelle le directeur de l’organisation interne du groupe PPE lui aurait fait comprendre que, s’il partait volontairement du groupe PPE en présentant sa démission, il aurait à nouveau accès à un ordinateur et à une ligne téléphonique, il convient de relever qu’elle n’est étayée par aucun élément de preuve et, donc, ne peut pas être retenue.

71      Ainsi, il y a lieu de rejeter les premier et quatrième griefs comme non fondés.

iii) Sur le deuxième grief, tiré de la méconnaissance de la notion de harcèlement moral dû à l’absence de promotion du requérant

72      Le requérant soutient que, dans la décision attaquée, c’est en méconnaissance de la notion de harcèlement moral qu’il est conclu que son absence de promotion n’est pas une manifestation de la conduite abusive du secrétaire général du groupe PPE. À cet égard, le requérant observe que, dans les conclusions de l’enquête administrative, la raison pour laquelle il n’a pas été promu depuis 2009, malgré le fait qu’il figurait sur la liste des promouvables chaque année et malgré ses rapports de notation toujours excellents, n’est pas expliquée. En outre, le requérant affirme être le seul agent temporaire de la délégation italienne venant du groupe « Union pour l’Europe de Nations » à n’avoir pas été promu depuis son détachement au groupe PPE. Ainsi, cette absence de promotion, selon le requérant, démontre une volonté manifeste de lui nuire de la part du secrétaire général du groupe PPE.

73      Le Parlement conteste les arguments du requérant.

74      En premier lieu, selon une jurisprudence constante, un droit à la promotion, même à ceux qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être promus, n’est pas conféré aux fonctionnaires (voir, par analogie, ordonnance du 3 mai 2017, De Nicola/BEI, T‑71/16 P, non publiée, EU:T:2017:307, point 20 et jurisprudence citée).

75      En deuxième lieu, selon la jurisprudence, une absence prolongée de promotion n’est pas un élément de nature à rapporter la preuve du harcèlement moral prétendument subi (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2007, Cwik/Commission, F‑31/05, EU:F:2007:62, point 95).

76      En l’espèce, dans la décision attaquée, l’absence de promotion du requérant n’a pas été, en elle-même, considérée comme étant un élément prouvant le harcèlement moral que ce dernier prétend avoir subi de la part du secrétaire général du groupe PPE. La décision attaquée se base sur le fait que, d’une part, selon la jurisprudence, l’absence prolongée de promotion n’est pas un élément de nature à rapporter la preuve d’un harcèlement moral, même dans le cas d’un fonctionnaire qui dispose pourtant d’une vocation à la carrière, et, d’autre part, si le requérant estimait que c’était à tort qu’il n’avait pas été promu, il aurait pu introduire une réclamation contre les décisions de ne pas le considérer promouvable et les décisions de promotion au sein du groupe PPE. Dans ce contexte, il est indiqué, dans la décision attaquée, que le requérant ne pouvait pas, dans le cadre de sa demande d’assistance, chercher à obtenir la réparation d’un préjudice pour lequel il n’avait pas exercé en temps utile les voies de recours dont il disposait. Dans le rejet de la réclamation, l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») ajoute que l’absence de contestation, par le requérant, des décisions de ne pas le promouvoir met sérieusement en doute le bien-fondé de son argument.

77      Il convient de constater que ni le secrétaire général du Parlement, ni le service d’enquêtes administratives du Parlement n’ont commis d’erreur d’appréciation en considérant que l’absence prolongée de promotion du requérant n’était pas un élément prouvant le prétendu harcèlement, conformément à la jurisprudence selon laquelle il n’y a pas de droit à la promotion. Ainsi, dans la mesure où un tel droit n’existe pas, le fait qu’un agent ne soit pas promu, même pendant une période prolongée, ne peut être considéré, en soi, comme la manifestation d’un harcèlement.

78      Malgré le fait que l’argument selon lequel le requérant serait le seul agent à ne pas avoir été promu au sein du groupe PPE depuis 2009 n’a été spécifiquement rejeté ni dans le rapport d’enquête administrative, ni dans la décision attaquée, la réponse à cet argument figure dans l’explication contenue dans la décision attaquée, selon laquelle l’absence prolongée de promotion n’est pas de nature à apporter la preuve du harcèlement prétendument subi. En effet, cela implique que le fait que le requérant soit le seul à n’avoir pas été promu au cours des dernières années n’entraîne pas que cette circonstance aurait dû être, automatiquement, considérée comme une manifestation du harcèlement qu’il prétend avoir subi de la part du secrétaire général du groupe PPE.

79      Partant, il y a lieu de rejeter ce grief.

iv)    Sur le troisième grief, tiré de la méconnaissance de la notion de harcèlement moral dû à la décision de transfert

80      Le requérant soutient que, contrairement à ce qui figure dans la décision attaquée, la décision de transfert a également été abusive. En effet, il fait valoir, premièrement, qu’elle a été adoptée par le secrétaire général du groupe PPE sans qu’il ait été consulté. Deuxièmement, il soutient qu’elle n’est pas justifiée par l’intérêt du service. À cet égard, il conteste l’argument relatif à la restructuration du groupe PPE. Dans ce contexte, le requérant observe qu’une députée qui avait quitté le groupe PPE pour le groupe NI quatre semaines après la décision de transfert avait réintégré le groupe PPE, lors de la même semaine que celle pendant laquelle l’avenant à son contrat avait été signé. Le requérant ajoute que c’est à tort que, dans le rapport d’enquête, le motif tiré de la restructuration du groupe PPE a été entériné, sans en examiner le bien-fondé.

81      Dans la réplique, le requérant observe que, à la lumière de l’annexe B.2 du mémoire en défense, la réintégration au sein du groupe PPE de la députée dont le départ aurait justifié son transfert avait eu lieu le 11 décembre 2016 et non au mois de janvier 2017. Selon le requérant, cela signifie que le départ de la députée italienne du groupe PPE pour intégrer le groupe NI, qui a prétendument provoqué son transfert, a duré à peine onze jours. Partant, cette circonstance viderait de sens la motivation invoquée par le Parlement relative à un besoin de réorganisation du secrétariat du groupe PPE et, à tout le moins, le Parlement ne fournirait aucun élément prouvant le contraire.

82      Le requérant ajoute que, contrairement à ce que le Parlement soutient, le document qu’il a adressé au secrétaire général du Parlement le 6 juillet 2017 n’était pas une réclamation en application de l’article 90, paragraphe 2, du statut, mais une demande d’assistance. Or, selon le requérant, une demande d’assistance, par sa nature et ses particularités, ne peut pas être irrecevable, mais tout au plus rejetée avec une motivation conforme au devoir de sollicitude.

83      Le requérant fait également valoir que, comme le Parlement lui-même le reconnaît, la décision de maintenir son transfert au groupe NI malgré le retour de la députée italienne au sein du groupe PPE a un caractère volontaire, au sens de l’article 12, paragraphe 3, du statut, et constitue un véritable « mobbing » visant à le contraindre à quitter définitivement son poste au sein du secrétariat du groupe PPE.

84      Le requérant souligne aussi que, s’il est vrai qu’il a travaillé au sein du groupe NI pendant des années et que ce groupe n’est pas considéré comme un groupe politique, il travaillait à l’époque avec des députés de référence, alors que, au moment de la décision de transfert, il n’y avait aucun député de référence pour lequel il aurait pu travailler.

85      En outre, le requérant fait valoir que, contrairement à ce que le Parlement avance, ce n’est pas à lui de démontrer en quoi l’absence d’accord des chefs de la délégation italienne du groupe PPE à la décision de transfert serait indicative d’un comportement abusif du secrétaire général du groupe PPE, mais au Parlement lui-même.

86      Le requérant conteste également l’affirmation du Parlement selon laquelle les raisons de son transfert lui ont été communiquées lors de l’entretien du 7 décembre 2016.

87      Le Parlement conteste les arguments du requérant.

88      Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, les actes de harcèlement sont, par nature, dépourvus de caractère décisionnel (arrêt du 21 juillet 2016, De Nicola/BEI, F‑100/15, EU:F:2016:167, point 90). Cependant, la jurisprudence a précisé que, dans le cadre d’un recours visant l’annulation d’une décision de rejeter une demande d’assistance, toute décision, adoptée lors de la période pendant laquelle une personne soutient avoir été victime d’un prétendu harcèlement, dont la légalité n’a pas été contestée, en tant que telle, est un élément factuel qui peut constituer un indice de harcèlement à prendre en compte parmi d’autres, sans qu’il doive être procédé à un examen de sa légalité ou que l’épuisement des délais de recours à son égard ne fasse obstacle à ce que le juge constate l’existence d’un harcèlement. Par ailleurs, cette jurisprudence précise qu’il appartient au juge d’apprécier si une décision en tant qu’élément factuel peut être considérée comme étant un indice, en tenant compte de l’ensemble du contexte factuel pertinent (arrêt du 16 septembre 2013, Faita/CESE, F‑92/11, EU:F:2013:130, point 57).

89      Il découle de cette jurisprudence qu’une décision isolée n’est pas, en elle-même et automatiquement, un indice de harcèlement, mais qu’elle peut constituer un tel indice. Ainsi, il appartient, d’une part, à la personne qui prétend avoir été victime de harcèlement moral d’apporter des éléments permettant de considérer une décision comme étant un indice dudit harcèlement et, d’autre part, au juge d’apprécier la nature d’indice d’une telle décision, en tenant compte de l’ensemble du contexte factuel pertinent.

90      Il y a également lieu de rappeler que, dans le cadre du système contentieux institué par le statut, une demande d’assistance, présentée par un fonctionnaire au titre de l’article 24 dudit statut, ne saurait en aucun cas faire renaître, à son profit, un droit de recours déjà éteint contre une décision devenue définitive à l’expiration des délais prévus aux articles 90 et 91 du statut (arrêt du 22 septembre 1994, Carrer e.a./Cour de justice, T‑495/93, EU:T:1994:242, point 21).

91      En l’espèce, le Tribunal doit vérifier si la décision de transfert, dont la légalité n’a pas été remise en cause en temps utile, aurait dû être qualifiée d’élément factuel à prendre en considération comme un indice parmi d’autres du prétendu harcèlement, compte tenu de l’ensemble du contexte factuel pertinent.

92      Le requérant soutient, en substance, que la nature abusive de la décision de transfert ressort du fait que, premièrement, elle a été adoptée sans le consulter et, deuxièmement, elle n’était pas justifiée par l’intérêt du service.

93      En ce qui concerne l’argument tiré du fait que la décision de transfert aurait été adoptée sans que le requérant soit consulté, il ressort de la jurisprudence que l’AHCC n’a pas l’obligation de communiquer à un agent, préalablement à son adoption, les éléments retenus pour fonder sa décision de transfert afin qu’il puisse faire connaître utilement son point de vue à ce sujet, lorsqu’elle ne porte pas atteinte à la position statutaire du fonctionnaire ou au respect du principe de correspondance entre le grade et l’emploi (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2007, Clotuche/Commission, T‑339/03, EU:T:2007:36, point 147).

94      En l’espèce, il ressort du dossier que la décision de transfert n’a pas porté atteinte à la position d’agent temporaire du requérant et a respecté l’équivalence d’emplois. En effet, le requérant a été transféré du groupe PPE vers le groupe NI, au sein duquel il a été maintenu dans son grade et ses fonctions. Ainsi, la circonstance que le requérant n’ait pas été consulté avant que la décision de transfert soit adoptée n’est pas, en elle-même, de nature à faire de ladite décision un indice du prétendu harcèlement.

95      En ce qui concerne son argument tiré du fait que la décision de transfert n’a pas été adoptée dans l’intérêt du service, le requérant soutient, en substance, que l’intérêt du service, qui aurait justifié ladite décision, était le passage d’une députée du groupe PPE au groupe NI. Selon le requérant, ce motif a disparu au moment où cette députée a quitté le groupe NI pour réintégrer le groupe PPE. La disparition de l’intérêt du service, compris ainsi, est l’élément qui, selon le requérant, permet de considérer la décision de transfert comme un indice du harcèlement moral exercé par le secrétaire général du groupe PPE à son égard. Dans ce contexte, le requérant critique le fait que cela ne ressorte pas de la décision attaquée.

96      En l’espèce, il y a lieu de constater, tout d’abord, que, dans la décision de transfert, il était indiqué que le requérant intégrerait le groupe NI à la suite d’un accord entre le coordinateur du secrétariat de ce groupe et le groupe PPE. Le même jour, le secrétaire général du groupe PPE et le coordinateur du secrétariat du groupe NI ont informé le directeur général de cette décision. Ainsi, la décision de transfert ne fait aucunement référence à l’intérêt du service tel qu’il est interprété et compris par le requérant, à savoir comme étant lié au passage d’une députée du groupe PPE au groupe NI. En outre, dans l’avenant au contrat du requérant signé le 11 janvier 2017, une référence est faite à l’accord sur le transfert des agents des groupes politiques, adopté le 13 novembre 1974 par les présidents des groupes politiques du Parlement.

97      Il ressort du dossier que le requérant aurait, par la suite, été informé par une députée du groupe PPE que le départ inattendu d’une députée italienne du groupe PPE vers le groupe NI aurait été à l’origine de la décision de transfert. Entre-temps, l’avenant au contrat du requérant a été signé le 11 janvier 2017, alors même que la députée italienne en question avait réintégré le groupe PPE le 11 décembre 2016.

98      Or, il est vrai que, d’une part, la décision attaquée et le rejet de la réclamation se limitent à faire référence à la circonstance que, selon une pratique habituelle, quand un député cesse de faire partie d’un groupe politique, un agent quitte également le groupe et suit ce député, sans évoquer la circonstance que la députée dont le départ du groupe PPE, dans le courant du mois de novembre 2016, aurait justifié le transfert du requérant vers le groupe NI avait finalement réintégré le groupe PPE quelques jours seulement après son départ et, d’autre part, le rapport d’enquête ne se prononce pas sur cette circonstance.

99      Cependant, il convient de rappeler que, comme cela est indiqué au point 89 ci-dessus, une décision est un élément factuel qui peut être considéré comme un indice, en prenant en considération l’ensemble du contexte factuel pertinent. L’appréciation de cette circonstance appartient au juge.

100    En l’espèce, en tenant compte du contexte factuel pertinent, le seul fait que la députée italienne ayant quitté le groupe PPE dans le courant du mois de novembre 2016 a réintégré ledit groupe quelques jours seulement après son départ ne permet pas de considérer la décision de transfert comme étant un indice d’une conduite abusive imputable au secrétaire général du groupe PPE et constitutive d’un harcèlement. En effet, il ressort de ce contexte factuel que la décision de transfert, dont la légalité n’est pas contestée dans le cadre du présent recours, était fondée sur une entente entre les groupes PPE et NI qui a été maintenue malgré le retour de la députée italienne au sein du groupe PPE. À cet égard, interrogé lors de l’audience, le Parlement a reconnu l’existence d’une pratique selon laquelle, à la suite du transfert d’un député d’un groupe politique vers un autre groupe politique, le transfert d’un agent temporaire peut également être décidé. Cependant, un tel transfert ne répond pas à une obligation qui s’impose aux groupes politiques. Ainsi, a fortiori, dans l’hypothèse où le député décide de retourner au sein du groupe politique qu’il avait quitté, la circonstance que l’administration ne revienne pas automatiquement sur la décision de transfert de l’agent temporaire transféré n’apparaît pas abusive.

101    Ainsi, le fait que la prétendue disparition de l’intérêt du service, telle que l’entend et l’invoque le requérant, n’ait pas été prise en compte ne peut pas être considéré comme étant, en lui-même, un indice de harcèlement.

102    À la lumière de ces considérations, il convient de conclure que les faits examinés dans la présente branche, pris tant isolément que conjointement en tant qu’éléments de l’environnement global de travail du requérant, ne permettent pas de considérer que la notion de harcèlement moral a été méconnue.

103    Ainsi, il y a lieu de rejeter le troisième grief de la première branche et, partant, la première branche du premier moyen dans son intégralité.

2)      Sur la troisième branche, tirée d’un détournement de pouvoir

104    Selon le requérant, à compter de la décision de transfert, il est resté dans un bureau destiné au groupe PPE, sans tâches précises ni affectation d’aucun dossier jusqu’au jour de son départ à la retraite, le 1er juin 2018. Le requérant considère qu’une telle situation ne pouvait en aucun cas être justifiée par l’intérêt du service et qu’il s’agissait plutôt de sa mise à l’écart du monde du travail par l’usage d’un pouvoir du secrétaire général du groupe PPE dans un but autre que celui en vue duquel il lui avait été conféré. En effet, le requérant fait valoir que le but poursuivi par le secrétaire général du groupe PPE était délibérément de le forcer à prendre sa retraite par un détournement de procédure et, donc, de pouvoir.

105    Dans la réplique, d’une part, le requérant réitère que le motif de la décision de transfert a cessé d’exister à la suite du retour de la députée italienne au sein du groupe PPE et que cela démontre que l’AHCC a usé de son pouvoir en vue d’atteindre un but illégal au regard de l’article 12 bis du statut, commettant ainsi un détournement de pouvoir, et, d’autre part, il précise que le détournement de pouvoir ressort du fait que, alors que le motif de restructuration invoqué avait cessé d’exister après le retour de la députée au sein du groupe PPE, le secrétaire général du groupe PPE a maintenu la décision de transfert.

106    Le Parlement conteste les arguments du requérant.

107    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un détournement de pouvoir n’est réputé exister et affecter la présomption de légalité dont bénéficie l’acte d’une AHCC que s’il est prouvé que, en adoptant l’acte litigieux, cette dernière a poursuivi un but autre que celui visé par la réglementation en cause ou s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, que l’acte en question a été pris pour atteindre des fins autres que celles excipées (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2006, Nijs/Cour des comptes, T‑171/05, EU:T:2006:288, point 64 et jurisprudence citée, et ordonnance du 22 octobre 2015, Macchia/Commission, T‑80/15 P, EU:T:2015:845, point 67 et jurisprudence citée).

108    En l’espèce, le requérant fait valoir, en substance, que, dans la décision attaquée, l’AHCC aurait dû constater que la décision de transfert et la situation dans laquelle il s’était trouvé à la suite de son adoption prouvaient que le but poursuivi par le secrétaire général du groupe PPE était de le forcer à prendre sa retraite par un détournement de procédure.

109    S’agissant de la situation dans laquelle le requérant s’est trouvé à la suite de la décision de transfert et jusqu’à la date de son départ à la retraite le 1er juin 2018, il suffit de constater qu’il ressort de l’examen développé au point 69 ci-dessus que ce dernier est resté en défaut de démontrer que, dans la décision attaquée, la notion de harcèlement moral a été méconnue en ce qui concerne cette période. Ainsi, les arguments soulevés par le requérant dans le cadre de cette troisième branche doivent être rejetés en ce qu’ils concernent la période postérieure à la décision de transfert.

110    S’agissant de la décision de transfert, il convient à nouveau de rappeler que le requérant n’est pas recevable à en contester la légalité, quel qu’en soit le motif, dans la mesure où ladite décision est devenue définitive. En outre, il ressort de l’examen développé au point 100 ci-dessus que la décision de transfert n’a pas été considérée comme un indice du harcèlement dont le requérant prétend avoir été victime, et ce en tenant compte de l’ensemble du contexte factuel pertinent dans lequel elle a été adoptée.

111    Partant, la troisième branche du premier moyen doit être rejetée.

3)      Sur la deuxième branche, tirée d’une méconnaissance du devoir d’assistance

112    Le requérant fait valoir, en premier lieu, que le Parlement n’a adopté aucune mesure préventive en sa faveur comme, notamment, sa réaffectation au sein du groupe PPE, qu’il avait suggérée dans sa demande d’assistance.

113    En deuxième lieu, le requérant reproche au Parlement d’avoir attendu, d’une part, le 19 avril 2018, soit quelques jours avant son départ à la retraite, pour ouvrir une enquête administrative et, d’autre part, le 24 avril 2018 pour l’inviter à un entretien dans le cadre de ladite enquête, entretien initialement fixé au 2 mai 2018 puis reporté au 24 mai 2018, et ce malgré le dépôt de sa demande d’assistance le 15 décembre 2017. Dans ce contexte, le requérant reproche également au Parlement d’avoir attendu, que ce soit de manière intentionnelle ou par négligence, qu’il soit parti à la retraite avant d’adopter la décision attaquée.

114    Dans la réplique, concernant sa réintégration au sein du groupe PPE, le requérant relève que l’objectif n’était pas une réintégration d’un point de vue purement administratif. En effet, il affirme avoir été marginalisé sans même avoir quitté le groupe PPE et avoir demandé au secrétaire général du Parlement de faire cesser cette situation de toute urgence. À cet égard, le requérant fait valoir que, lors d’une réunion qui s’est tenue au mois de février 2017, certains députés ont réitéré leur demande au secrétaire général du groupe PPE de le réintégrer, mais qu’il a été informé plus tard que le secrétaire général du groupe PPE avait alors manifesté, de manière arrogante, que sa décision était irrévocable.

115    Le Parlement conteste les arguments du requérant.

116    En ce qui concerne le grief tiré du fait que l’AHCC n’aurait pas adopté les mesures préventives nécessaires, il convient de rappeler que, lorsque l’AHCC est saisie, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, d’une demande d’assistance au sens de l’article 24 dudit statut, elle doit, en vertu de l’obligation d’assistance et si cette autorité est en présence d’un incident incompatible avec l’ordre et la sérénité du service, intervenir avec toute l’énergie nécessaire et répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’espèce en vue d’établir les faits et d’en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées. À cette fin, il suffit que le fonctionnaire ou l’agent qui réclame la protection de son institution apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme faire l’objet. En présence de tels éléments, il appartient à l’institution en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête administrative, afin d’établir les faits à l’origine de la plainte, en collaboration avec l’auteur de celle-ci (arrêts du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, EU:C:1989:38, points 15 et 16, et du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, point 46).

117    En ce qui concerne les mesures à prendre dans une situation qui entre dans le champ d’application de l’article 24 du statut, l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation, sous le contrôle du juge de l’Union européenne, dans le choix des mesures et des moyens d’application dudit article (arrêts du 15 septembre 1998, Haas e.a./Commission, T‑3/96, EU:T:1998:202, point 54, et du 25 octobre 2007, Lo Giudice/Commission, T‑154/05, EU:T:2007:322, point 137). Le contrôle du juge de l’Union à cet égard se limite ainsi à la question de savoir si l’institution concernée s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (arrêt du 25 octobre 2007, Lo Giudice/Commission, T‑154/05, EU:T:2007:322, point 137).

118    En ce qui concerne, d’une part, le temps pris par l’administration pour ouvrir une enquête administrative et, d’autre part, la durée totale de ladite enquête, clôturée à la suite du départ à la retraite du requérant, il est de jurisprudence constante que, dans la mesure où le statut ne prévoit pas de disposition spécifique quant au délai dans lequel une enquête administrative doit être conduite par l’administration, notamment en matière de harcèlement moral, l’AHCC est tenue dans ce domaine au respect du principe du délai raisonnable. À cet égard, l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union concerné doit, dans la conduite de l’enquête administrative, veiller à ce que chaque acte adopté intervienne dans un délai raisonnable par rapport au précédent (voir arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 101 et jurisprudence citée).

119    Il convient encore de préciser que l’administration ne dispose pas d’un large pouvoir d’appréciation dans la définition de ce qui constitue un délai raisonnable, d’autant moins dans des cas allégués de harcèlement moral pour lesquels, d’une part, conformément à la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, points 101 et 102), l’administration est tenue d’agir avec toute la célérité requise, en particulier en vue de conduire jusqu’à son terme l’enquête administrative et, d’autre part, le législateur de l’Union a omis de prescrire aux administrations appliquant le statut un délai applicable aux procédures de traitement des demandes d’assistance et des signalements effectués au titre, respectivement, de l’article 24 et de l’article 22 bis du statut, lus conjointement avec l’article 12 bis du même statut.

120    Le caractère raisonnable ou non de la durée d’une procédure administrative s’apprécie en fonction de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties en présence (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, C‑334/12 RX‑II, EU:C:2013:134, point 28 et jurisprudence citée). Dans le cas d’allégations concernant un harcèlement moral, lequel est interdit par l’article 12 bis du statut, cette appréciation doit se faire à partir du moment où l’administration a pris suffisamment connaissance des faits et des conduites susceptibles de constituer des infractions aux obligations statutaires du ou des fonctionnaires ou agents mis en cause (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, AV/Commission, T‑303/18 RENV, non publié, EU:T:2019:239, point 82 et jurisprudence citée).

121    En l’espèce, le requérant, en substance, premièrement, reproche au Parlement de ne pas avoir adopté de mesures appropriées à la suite de sa demande d’assistance et, notamment, de ne pas avoir donné une suite favorable, au titre d’une mesure préventive, à sa demande d’être réintégré immédiatement au sein du groupe PPE. Deuxièmement, l’AHCC aurait méconnu son devoir d’assistance en attendant jusqu’au 19 avril 2018 pour ouvrir une enquête administrative et en clôturant ladite enquête après le départ à la retraite du requérant.

122    En premier lieu, en ce qui concerne l’argument tiré de ce que l’administration n’aurait pas adopté les mesures nécessaires, il y a lieu de constater ce qui suit.

123    Premièrement, le 13 février 2018, le secrétaire général du Parlement a proposé une tentative de conciliation entre les parties, laquelle a échoué. À cet égard, cette initiative de tenter de trouver un arrangement entre le requérant et l’administration peut être qualifiée de première mesure d’assistance adoptée dans le cadre de la demande d’assistance introduite par le requérant.

124    Deuxièmement, à la suite de l’échec de la tentative de conciliation entre les parties, le 19 avril 2018, le secrétaire général du Parlement a décidé d’ouvrir une enquête administrative afin d’établir les faits à l’origine de la plainte. À cet égard, il convient de relever que, comme cela est indiqué au point 116 ci-dessus, l’ouverture d’une enquête est en soi une mesure appropriée dans le cadre d’une demande introduite conformément à l’article 24 du statut.

125    Troisièmement, en ce qui concerne l’argument selon lequel le secrétaire général du Parlement, saisi de la demande d’assistance du requérant, n’aurait pas adopté, en méconnaissance de ses obligations, la mesure préventive nécessaire demandée par ce dernier, à savoir sa réintégration immédiate au sein du secrétariat du groupe PPE, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 117 ci-dessus, le contrôle du juge sur les mesures adoptées dans une situation qui entre dans le champ d’application de l’article 24 du statut se limite à la question de savoir si l’institution s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée.

126    Or, il importe de considérer, à cet égard, que, dans de telles circonstances et afin d’éviter tout incident incompatible avec l’ordre et la sérénité du service, le secrétaire général du Parlement n’a pas exercé son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée en ne donnant pas une suite positive à la demande de réintégration du requérant au sein du secrétariat du groupe PPE, dirigé par la personne que le requérant identifie comme étant son prétendu harceleur. En effet, comme le Parlement le relève à juste titre, parmi les mesures qu’une institution peut être tenue d’adopter dans ce contexte, il se peut qu’elle soit appelée à éloigner le demandeur d’assistance du prétendu harceleur. Or, même si rien n’empêche que le prétendu harceleur soit éloigné du service, dans les circonstances de l’espèce, à la date du dépôt de la demande d’assistance, le requérant et le secrétaire général du groupe PPE étaient déjà éloignés. Par conséquent, le secrétaire général du Parlement a pu légitimement considérer que la réintégration demandée par le requérant au sein du secrétariat du groupe PPE dirigé par son prétendu harceleur était une mesure incompatible avec l’ordre et la sérénité du service.

127    À la lumière de ces considérations, contrairement à ce que le requérant fait valoir, il ne peut être reproché au secrétaire général du Parlement ni de ne pas avoir réagi à la demande d’assistance du 15 décembre 2017, réitérée le 1er février 2018, ni d’avoir méconnu ses obligations en n’ayant pas donné une suite favorable à la demande de réintégration contenue dans la demande d’assistance.

128    En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argument tiré du prétendu retard pour ouvrir une enquête administrative, il y a lieu de constater qu’une enquête administrative a été ouverte le 19 avril 2018, à savoir quatre mois et quatre jours après l’introduction de la demande d’assistance. Cependant, il convient de tenir compte du fait que, d’une part, le 13 février 2018, à savoir environ deux mois après l’introduction de la demande d’assistance, le directeur général a informé le requérant de la décision du secrétaire général du Parlement de proposer une conciliation entre les parties. D’autre part, en réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, les parties ont indiqué que la tentative de conciliation aurait échoué à la date du 23 février 2018. Cette décision du secrétaire général du Parlement a eu une double portée. Premièrement, elle a de facto interrompu le délai en cours pour qu’une décision sur l’ouverture d’une enquête administrative soit adoptée. Deuxièmement, comme cela a été relevé au point 123 ci‑dessus, elle peut être qualifiée de première mesure d’assistance adoptée dans le cadre de la demande d’assistance introduite par le requérant. Compte tenu de ces circonstances, le fait que l’enquête administrative ait été ouverte seulement quatre mois et quatre jours après l’introduction de la demande d’assistance est lié à une tentative de règlement amiable et, donc, ne peut pas être considéré en l’espèce comme établissant, en lui-même, le caractère tardif de l’ouverture d’une telle enquête.

129    En ce qui concerne l’argument tiré du caractère déraisonnable de la durée de l’enquête administrative, il convient de relever que cette dernière a été ouverte le 19 avril 2018, que la décision attaquée a été adoptée le 31 octobre 2018 et que le rejet de la réclamation a été adopté le 24 mai 2019. Entre le dépôt de la demande d’assistance et l’adoption de la décision attaquée se sont écoulés dix mois et quinze jours. Cependant, il convient de tenir compte du fait que l’enquête administrative a été ouverte au mois d’avril 2018 en raison de l’échec de la tentative de règlement amiable et que, donc, entre l’ouverture de ladite enquête et l’adoption de la décision attaquée ne se sont écoulés que six mois et quinze jours. Pendant cette période, le service d’enquêtes administratives du Parlement a recueilli les témoignages et, avant que la décision attaquée ne soit adoptée, le requérant a pu présenter ses observations à deux reprises, à savoir, d’une part, au cours du mois d’août 2018, sur les conclusions de l’enquête administrative et, d’autre part, au cours du mois d’octobre 2018, sur le projet de décision attaquée. Ainsi, en tenant compte de ces éléments, il convient de conclure que tant la durée de la procédure dans son ensemble que les délais entre ses différentes étapes n’ont pas été déraisonnables.

130    Enfin, il convient également d’écarter l’argument, soulevé par le requérant, selon lequel le Parlement aurait été malveillant ou négligent en adoptant la décision attaquée après son départ à la retraite. Comme cela est relevé ci-dessus, l’ouverture de l’enquête administrative au mois d’avril 2018 est liée à une tentative de règlement amiable proposée le 13 février 2018. Ainsi, dans la mesure où le requérant est parti à la retraite le 1er juin 2018, à savoir seulement un mois et demi après l’ouverture de l’enquête administrative, il ne peut être véritablement reproché au Parlement d’avoir été malveillant ou négligent sur la conduite de ladite enquête en la clôturant après le départ à la retraite du requérant.

131    Ainsi, il convient de rejeter la deuxième branche du premier moyen comme non fondée et, partant, le premier moyen dans son intégralité.

b)      Sur le second moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation

132    À l’appui de son second moyen, le requérant soulève deux branches, tirées des violations du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude, ayant selon lui entrainé une erreur manifeste d’appréciation.

133    À titre liminaire, le requérant soutient que le Parlement a violé le principe de bonne administration lorsqu’il a omis d’adopter la moindre décision afin de lui garantir des conditions de travail équitables, le privant des garanties prévues par le statut. Selon le requérant, le Parlement a donc manqué à son devoir de sollicitude.

134    Ensuite, le requérant affirme que le service d’enquêtes administratives et le secrétaire général du Parlement ont violé leur devoir de sollicitude et le principe de bonne administration.

135    En premier lieu, s’agissant de la décision de transfert, le requérant soutient que, premièrement, cette décision a été adoptée sans son consentement et sans tenir compte de ses convictions politiques, dans le seul but de lui nuire. Deuxièmement, la décision de transfert, signée le 7 décembre 2016 avec prise d’effet à la date du 8 décembre 2016, n’aurait pris effet, techniquement, que le 26 septembre 2017 et le requérant aurait été de nouveau transféré au sein du groupe PPE le 26 mars 2018. Troisièmement, la décision de transfert aurait été justifiée par une seule raison, à savoir le départ d’une députée italienne du groupe PPE vers le groupe NI, qui, à la suite du retour de cette députée au sein du groupe PPE, serait devenue inexistante. Quatrièmement, la décision de transfert n’aurait pas été approuvée ni sollicitée par les membres de la délégation italienne du groupe PPE. Cinquièmement, la référence faite, dans l’avenant au contrat du requérant, à l’accord sur le transfert des agents des groupes politiques, adopté le 13 novembre 1974 par les présidents des groupes politiques du Parlement, ne serait pas pertinente, dans la mesure où la relation entre ledit accord et la décision de transfert ne serait pas expliquée. Sixièmement, la décision de transfert ne serait pas motivée, en violation de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux.

136    Selon le requérant, ces éléments démontrent que la décision de transfert était le corollaire d’un comportement abusif et que le Parlement a eu une attitude contraire au devoir de sollicitude.

137    En second lieu, le requérant fait valoir que le fait que, premièrement, aucun rapport de notation n’ait été établi à son égard en 2017, deuxièmement, le service des pensions n’ait pas été au courant de son départ imminent à la retraite et, troisièmement, il avait cessé d’« exister » d’un point de vue professionnel, son nom ne figurant dans aucun organigramme, n’a été pris en compte ni dans la décision attaquée, ni dans le rejet de la réclamation. Ainsi, selon le requérant, l’AHCC a manqué à son obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce dont elle était saisie par le biais de la demande d’assistance.

138    À la lumière de ces considérations, le requérant soutient que l’AHCC a commis une erreur manifeste d’appréciation, d’une part, en rejetant sa demande d’assistance sans approfondir l’enquête sur les faits et, d’autre part, en ne prenant pas les mesures urgentes exigées par les circonstances de l’espèce. Il serait constant que, durant l’ensemble de la période au cours de laquelle le requérant estime avoir été victime de harcèlement moral, notamment entre décembre 2016 et mai 2018, il n’a fait l’objet d’aucun soutien de la part du Parlement et qu’aucune mesure d’urgence provisoire n’a été prise dans son intérêt ou dans celui de l’institution.

139    Dans la réplique, le requérant fait valoir que sa décision de ne pas signer l’avenant à son contrat n’était pas un obstacle à ce que l’AHCC prenne toutes les mesures qu’elle aurait jugé nécessaires en vertu du statut et des règles applicables. De plus, l’AHCC, avant de qualifier d’insubordination la décision du requérant de ne pas signer cet avenant, aurait dû ouvrir une procédure disciplinaire et, en tout état de cause, entendre les raisons qui l’avaient conduit à agir ainsi, ce qu’elle n’a pas fait.

140    Le requérant réitère que l’absence d’établissement de son rapport de notation pour l’année 2017 est une autre preuve de l’inaction de l’AHCC. Selon le requérant, d’une part, le Parlement ne fournit pas la preuve de son rejet de toute forme de collaboration et, d’autre part, l’inexistence de ce rapport de notation contredit également les dispositions générales d’exécution relatives à la mise en œuvre de l’article 43 du statut ainsi que de l’articles 15, paragraphe 2, et de l’article 87, paragraphe 1, du régime applicable aux autres agents de l’Union. En outre, la décision de transfert ayant été signée le 7 décembre 2016, le coordinateur du secrétariat du groupe NI n’aurait pu être considéré en aucun cas comme le premier notateur du requérant pour la période de référence, à savoir de janvier à décembre 2016.

141    Le Parlement conteste les arguments du requérant.

142    En premier lieu, il convient de rejeter les arguments par lesquels le requérant fait valoir que le devoir de sollicitude et le principe de bonne administration ont été violés, dans la mesure où il n’a fait l’objet d’aucun soutien de la part du Parlement et où aucune mesure d’urgence provisoire n’a été prise dans son intérêt et dans celui de l’institution.

143    En effet, comme cela ressort de l’examen de la deuxième branche du premier moyen réalisé aux points 123 à 125 ci-dessus, le secrétaire général du Parlement a adopté la mesure qu’il a estimé appropriée, à savoir l’ouverture d’une enquête administrative après le constat d’échec de la tentative de conciliation. En outre, sans méconnaître le devoir d’assistance, il a décidé de ne pas donner suite à la demande de réintégration du requérant au sein du groupe PPE. Partant, les mêmes arguments présentés dans le cadre du présent moyen doivent être rejetés.

144    En deuxième lieu, s’agissant des arguments par lesquels le requérant, en substance, soutient que l’AHCC a méconnu les obligations qui incombent à une institution en présence d’une demande d’assistance, en ce que le service d’enquêtes administratives et le secrétaire général du Parlement n’auraient pas pris en compte tous les éléments pertinents avant d’adopter la décision attaquée, il y a lieu de constater ce qui suit.

145    Premièrement, en ce qui concerne la décision de transfert, il convient de rejeter, d’une part, tous les arguments évoqués au point 135 ci-dessus, par lesquels le requérant remet en cause la légalité de ladite décision, dans la mesure où, comme cela est relevé au point 91 ci-dessus, le présent recours ne vise pas l’annulation de la décision de transfert, et, d’autre part, l’argument relatif au motif lié à la restructuration du groupe PPE qui, comme cela ressort du point 100 ci-dessus, compte tenu du contexte factuel dans le cadre duquel la décision de transfert a été adoptée, ne peut pas être considéré comme constitutif d’un indice de harcèlement.

146    Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument par lequel le requérant reproche au Parlement le fait qu’il avait cessé d’« exister » d’un point de vue professionnel, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de l’examen des premier et quatrième griefs de la première branche du premier moyen, il a été conclu que la notion de harcèlement moral n’a pas été méconnue. Ainsi, il s’ensuit que cet argument ne constitue pas non plus une méconnaissance du devoir de sollicitude et qu’il doit être rejeté.

147    Troisièmement, s’agissant de la critique du requérant selon laquelle l’absence d’établissement de son rapport de notation pour l’année 2017 n’a pas été prise en compte, elle manque en fait. Dans la décision attaquée, la question de l’absence de rapport de notation du requérant pour l’année 2017 est explicitement abordée. À cet égard, après avoir qualifié de regrettable la situation postérieure à l’adoption de la décision de transfert, la décision attaquée explique que le groupe PPE a considéré que le requérant ne faisait plus partie de ses effectifs et, donc, n’a pas établi ses rapports de notation postérieurs à l’année 2016. Par ailleurs, le refus du requérant d’intégrer le groupe NI a empêché ce groupe de lui établir un rapport de notation. En outre, il ressort du dossier que le service d’enquêtes administratives du Parlement a constaté que les rapports de notation du requérant antérieurs à l’année 2017 étaient plutôt bons.

148    Ainsi, contrairement à ce que le requérant soutient, son argument tiré de l’absence de rapport de notation pour l’année 2017 a été pris en compte dans la décision attaquée. Par ailleurs, dans le cadre du large pouvoir d’appréciation dont l’administration dispose, il ne peut pas être véritablement reproché au Parlement de ne pas s’être tenu dans des limites raisonnables et d’avoir usé de son pouvoir d’appréciation de manière erronée. En effet, dans la mesure où il ressort du dossier que le requérant s’était vu établir des rapports de notation avant l’année 2017, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le secrétaire général du Parlement a pu considérer que l’absence d’établissement de son rapport de notation pour l’année 2017 était imputable à la situation administrative incertaine du requérant, liée au fait qu’il avait refusé de signer l’avenant à son contrat.

149    En tout état de cause, il y a également lieu de relever que le requérant se borne à contester le fait que le Parlement n’ait pas pris en compte l’absence d’établissement de son rapport de notation pour l’année 2017, sans expliquer toutefois en quoi, ce faisant, le Parlement ne se serait pas tenu dans des limites raisonnables et aurait usé de son pouvoir de manière erronée.

150    Quatrièmement, s’agissant de l’argument par lequel le requérant soutient que ni la décision attaquée, ni le rejet de la réclamation ne considèrent le fait que le service des pensions n’a pas été informé de son départ imminent à la retraite, il y a lieu de constater ce qui suit.

151    Le requérant a déposé sa demande d’assistance le 15 décembre 2017. Cette demande ne contient aucune référence au fait que le service des pensions n’ait pas été informé de son départ imminent à la retraite.

152    Le 9 avril 2018, la représentante du requérant a adressé un courriel au secrétaire général du Parlement, dans lequel elle l’a informé du fait que le service des pensions avait indiqué au requérant n’avoir reçu aucune instruction de son AHCC quant à son départ à la retraite. Après avoir considéré surprenante la manière dont les responsables traitaient le dossier délicat du requérant, engendrant chez ce dernier un sentiment d’abandon et d’outrage dû à l’indifférence du groupe PPE, la représentante du requérant a remercié le secrétaire général du Parlement pour l’urgence qu’il voudrait bien accorder à sa demande d’intervention.

153    Le 2 mai 2018, en réponse au courriel du 9 avril 2018, le directeur général, à la demande du secrétaire général du Parlement, a envoyé une lettre à la représentante du requérant lui expliquant les modalités suivantes de traitement du dossier de départ à la retraite du requérant. Premièrement, le 19 février 2018, le requérant avait contacté l’unité des pensions et assurances sociales pour manifester sa volonté de partir à la retraite à partir du mois de mai 2018. Les gestionnaires lui avaient indiqué qu’il devait prendre contact avec le responsable des ressources humaines de son groupe politique ou avec l’unité « Développement de la carrière et éthique » pour enclencher la procédure de mise en pension. Deuxièmement, le 21 février 2018, un gestionnaire de l’administration avait envoyé au requérant les documents nécessaires pour la détermination de ses droits à pension. Troisièmement, le 9 avril 2018, le même gestionnaire avait envoyé au requérant un rappel concernant les documents qu’il devait fournir. Quatrièmement, le 16 avril 2018, le gestionnaire avait reçu les formulaires signés par le requérant avec une demande de mise à la retraite au 1er juin 2018.

154    Dans la décision attaquée, l’argument du requérant tiré du fait que le service compétent n’avait pas été informé de son départ imminent à la retraite n’a pas été abordé.

155    Dans sa réclamation, le requérant a mentionné, dans sa présentation chronologique des faits, que le service des pensions n’avait pas été informé de son départ imminent à la retraite. En revanche, cette critique n’est pas reprise par la suite et, surtout, ne figure pas parmi les développements juridiques présentés par le requérant au soutien des moyens invoqués dans sa réclamation.

156    Le rejet de la réclamation n’aborde par cette critique du requérant.

157    Or, même s’il est vrai que ladite critique n’est abordée ni dans la décision attaquée, ni dans le rejet de la réclamation, il convient de relever, en premier lieu, que le courriel du 9 avril 2018, cité au point 152 ci-dessus, semble être une demande d’intervention directe présentée au secrétaire général du Parlement concernant le départ à la retraite du requérant et ne peut, en tout état de cause, être considéré comme un complément à la demande d’assistance du 15 décembre 2017 que le secrétaire général du Parlement aurait dû prendre en compte dans le cadre de sa réponse à ladite demande. À cet égard, il ressort de la lettre du 2 mai 2018, dont le contenu n’est pas remis en cause par le requérant, que le secrétaire général du Parlement est intervenu en demandant au directeur général de faire le nécessaire pour garantir la bonne réussite de la procédure de mise à la retraite. Ainsi, en tenant compte de la situation, le secrétaire général du Parlement a réagi au courriel du 9 avril 2018 et s’est assuré que le requérant puisse partir à la retraite en respectant son devoir de sollicitude.

158    En second lieu, comme cela ressort du point 155 ci-dessus, dans la réclamation, cette critique n’est citée que dans la partie consacrée à la présentation chronologique des faits au soutien de l’un des moyens, mais n’est pas développée par la suite à l’appui des arguments juridiques soulevés dans ledit moyen. Ainsi, il ne peut être reproché au secrétaire général du Parlement de ne pas avoir répondu à ce qui n’était pas présenté comme un argument.

159    Au vu de ces considérations, il convient de rejeter le second moyen dans son intégralité ainsi que les conclusions en annulation contre la décision attaquée.

2.      Sur les conclusions indemnitaires

160    Le requérant demande, d’une part, la réparation d’un préjudice moral et d’une atteinte à sa réputation, à sa carrière et à sa santé et, d’autre part, la réparation d’un préjudice matériel dû à son absence de promotion depuis 2007.

161    En ce qui concerne le préjudice moral et la condition relative à l’illégalité du comportement reproché, le requérant soutient que la responsabilité du Parlement est engagée, dans la mesure où tant la décision attaquée que l’inaction de l’administration pendant 18 mois constituent des violations suffisamment caractérisées, compte tenu notamment de l’étendue de la marge d’appréciation dont dispose l’administration, du caractère intentionnel du manquement commis, du caractère inexcusable de l’erreur commise et du préjudice causé.

162    À cet égard, le requérant invoque l’absence d’attribution de tâches précises et conformes à son grade et à ses compétences ainsi que l’iniquité de la décision prise à son égard et demande la réparation du préjudice résultant de la violation de son droit à des conditions de travail respectant sa santé, sa sécurité et sa dignité. Ainsi, dans la mesure où, selon la jurisprudence, seuls les agissements non décisionnels sont susceptibles d’engager la responsabilité de l’institution, l’attitude du Parlement, de manière délibérée ou par son inertie, aurait empêché que le requérant puisse exercer ses fonctions et aurait provoqué son exclusion sur son lieu de travail. Le requérant ajoute que cette mauvaise administration et le manque de sollicitude à l’égard de sa situation constituent un préjudice moral qui résulte bien du comportement illégal du Parlement ayant engendré, d’une part, une atteinte à son honneur ainsi qu’à sa réputation professionnelle et, d’autre part, son sentiment d’impuissance et de frustration.

163    En ce qui concerne le préjudice moral et la condition relative au dommage, le requérant soutient que le dommage est réel, certain et personnel. À cet égard, le requérant estime avoir subi un préjudice moral détachable du comportement du groupe PPE et, par conséquent, du Parlement, son employeur, ce préjudice moral étant lié au fait d’avoir dû faire face à l’incompréhension et à l’indifférence totale quant à son isolement sur son lieu de travail, ce qui constitue une atteinte à sa dignité et à ses relations sociales ainsi qu’à la qualité de sa vie professionnelle. Du 7 décembre 2016 à la date de son départ à la retraite, le 1er juin 2018, le requérant aurait été désœuvré, aucune tâche ne lui ayant été assignée, il aurait été ignoré par ses supérieurs et sa productivité aurait été jugée de façon fallacieuse et insultante. Cette situation aurait plongé le requérant dans un état d’incompréhension, occasionnant pour lui de l’anxiété, une diminution de sa confiance en lui et des problèmes de santé physiques, notamment des perturbations du sommeil, des palpitations et des migraines.

164    En ce qui concerne le préjudice moral et la condition relative au lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqués, tout d’abord, le requérant souligne que le retard avec lequel le Parlement l’a informé des suites données à ses demandes d’assistance du 6 juillet 2017 et du 15 décembre 2017, dès lors qu’il n’est justifié par l’existence d’aucune circonstance particulière, constitue une faute de service génératrice d’un préjudice moral spécifique. En effet, eu égard à l’état d’incertitude et d’inquiétude dans lequel le requérant se serait trouvé du fait de cette situation, l’inertie du Parlement serait constitutive d’une faute ayant porté une atteinte très sérieuse à son honneur et à sa réputation professionnelle. En outre, en ne lui confiant aucune tâche effective pendant un an et demi, l’institution aurait commis une faute de service qui serait directement à l’origine d’un préjudice moral.

165    Par ailleurs, selon le requérant, en l’espèce, l’annulation de l’acte illégal de l’administration ne peut constituer une pleine réparation du préjudice moral subi, d’une part, parce que l’administration ne pourra pas le replacer dans la situation qui aurait dû être la sienne en l’absence de l’illégalité commise et, d’autre part, parce que l’illégalité commise est d’une gravité particulière.

166    Dans ces conditions, le requérant estime que l’allocation d’office d’une indemnité constitue la forme de réparation qui correspond le mieux à ses intérêts et aux exigences du service. Une telle indemnité permettrait, en outre, selon le requérant, d’assurer un effet utile aux arrêts d’annulation. À cet égard, le requérant chiffre, ex æquo et bono, le préjudice moral qu’il prétend avoir subi à un montant de 50 000 euros.

167    En ce qui concerne le préjudice matériel, le requérant soutient que le fait de n’avoir bénéficié d’aucune promotion depuis l’année 2007 a eu un effet non négligeable sur ses droits individuels, notamment ses droits à pension, et réclame donc un dédommagement. Selon lui, le comportement illégal du secrétaire général du groupe PPE, qui a utilisé l’obtention d’une éventuelle promotion comme un chantage pour tenter de l’obliger à prendre sa retraite, a causé ce dommage matériel qu’il chiffre, sous réserve de réévaluation, à un montant de 165 000 euros.

168    Le Parlement conteste les arguments du requérant.

169    En ce qui concerne les préjudices prétendument subis par le requérant découlant de la décision attaquée, il suffit de constater que, selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme non fondées (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 202 et jurisprudence citée).

170    Dans la mesure où, en l’espèce, ces préjudices prétendument subis par le requérant ont un lien étroit avec ses conclusions en annulation qui ont été rejetées, il y a lieu, par conséquent, de rejeter également ses conclusions indemnitaires, conformément à la jurisprudence citée au point 169 ci-dessus.

171    En ce qui concerne les prétendus préjudices qui sont, selon le requérant, détachables de la décision attaquée, d’une part, il y a lieu de constater que, même si une certaine confusion quant à la situation administrative dans laquelle le requérant s’est trouvé à la suite de l’adoption de la décision de transfert ressort du dossier, confusion que le Parlement a par ailleurs reconnue, cela ne constitue pas une faute de service génératrice d’un préjudice spécifique au requérant. Premièrement, le requérant a contribué à cette situation confuse par son refus de signer l’avenant à son contrat et, deuxièmement, le Parlement n’a pas méconnu son devoir de sollicitude, comme cela est retenu au point 146 ci-dessus, et n’a donc pas commis de faute de service à son égard. D’autre part, en ce qui concerne l’argument du requérant tiré du prétendu retard dans le traitement de sa demande d’assistance qui lui aurait causé un préjudice, il suffit de constater qu’il a été rejeté dans le cadre de l’examen de la deuxième branche du premier moyen.

172    À la lumière de ces considérations, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

C.      Sur les dépens

173    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, aux termes de l’article 135, paragraphe 1, du même règlement, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

174    En l’espèce, en tenant compte des circonstances et, notamment, du fait que le Parlement a reconnu l’existence d’une certaine confusion quant à la situation administrative dans laquelle le requérant s’est trouvé à la suite de l’adoption de la décision de transfert, il sera fait une juste application de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure en condamnant chaque partie à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Kanninen

Jaeger

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 mars 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.