Language of document : ECLI:EU:T:2014:963

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

18 novembre 2014(*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale THE YOUTH EXPERTS – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Étendue de l’examen devant être opéré par la chambre de recours – Examen au fond subordonné à la recevabilité du recours – Article 59, première phrase, du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑484/13,

Lumene Oy, établie à Espoo (Finlande), représentée par Me L. Laaksonen, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 26 juin 2013 (affaire R 187/2013‑2), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal THE YOUTH EXPERTS comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, N. J. Forwood et E. Bieliūnas (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 9 septembre 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 30 janvier 2014,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 janvier 2012, la requérante, Lumene Oy, a obtenu auprès du bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) un enregistrement international désignant l’Union européenne pour le signe verbal THE YOUTH EXPERTS, avec une date de priorité du 9 janvier 2012 (basée sur une marque finlandaise).

2        Le 26 avril 2012, l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) a reçu notification de l’enregistrement international du signe en cause.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’OHMI, des classes 3 et 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, récurer et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » ;

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques et vétérinaires ; produits hygiéniques pour la médecine ; aliments et substances diététiques à usage médical ou vétérinaire, aliments pour bébés ; compléments alimentaires pour êtres humains et animaux ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; désinfectants ; produits pour détruire la vermine ; fongicides, herbicides ».

4        Le 10 mai 2012, l’examinateur a informé la requérante de ses objections à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée, fondées sur l’absence de caractère distinctif de celle-ci, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du même règlement.

5        Par lettre du 10 septembre 2012, la requérante a répondu auxdites objections.

6        Par décision du 28 novembre 2012 (ci-après la « décision de l’examinateur »), l’examinateur a refusé la protection du signe en cause dans l’Union pour les « savons[, la] parfumerie, [les] huiles essentielles, [les] cosmétiques, [les] lotions pour les cheveux [et les] dentifrices » relevant de la classe 3 et pour les « [p]roduits pharmaceutiques et vétérinaires[, les] aliments et substances diététiques à usage médical ou vétérinaire, [les] aliments pour bébés [et les] compléments alimentaires pour êtres humains et animaux » relevant de la classe 5 (ci-après, dans leur ensemble, les « produits litigieux »), en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif. En revanche, l’examinateur a accepté la demande de marque communautaire pour les autres produits relevant de la classe 3, à savoir les « [p]réparations pour blanchir et autres substances pour lessiver [et les] préparations pour nettoyer, polir, récurer et abraser », et ceux relevant de la classe 5, à savoir les « produits hygiéniques pour la médecine[, les] emplâtres, matériel pour pansements[, les] matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires[, les] désinfectants[, les] produits pour détruire la vermine[, les] fongicides [et les] herbicides » (ci-après, dans leur ensemble, les « produits non litigieux »).

7        Le 28 janvier 2013, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de l’examinateur, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009.

8        Par décision du 26 juin 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que la marque demandée ne serait pas en mesure de servir d’indication de l’origine commerciale de l’ensemble des produits relevant des classes 3 et 5, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du même règlement. En outre, elle a rejeté les arguments de la requérante relatifs, d’une part, au fait que plusieurs marques communautaires comportant les termes « youth » ou « experts » auraient été enregistrées et, d’autre part, à l’enregistrement du signe THE YOUTH EXPERTS en Finlande par le Patentti- ja rekisterihallitus (Office national des brevets et de l’enregistrement, ci-après l’« Office finlandais ») et aux États-Unis, par le United States Patent and Trademark Office (USPTO, Bureau des brevets et des marques des États‑Unis).

 Procédure et conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        conclure qu’il peut être procédé à l’enregistrement de la marque demandée.

10      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

11      Conformément à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties, par lettres du 10 juillet 2014, à déposer leurs observations sur le moyen qu’il envisageait de soulever d’office, tiré de l’incompétence de la chambre de recours, en particulier au regard de l’article 59, première phrase, du règlement n° 207/2009, en ce qu’elle a repris d’office l’examen de la demande d’enregistrement de marque communautaire en cause, au regard des motifs absolus de refus énoncés à l’article 7 du règlement n° 207/2009, pour l’ensemble des produits visés dans ladite demande, alors que l’examinateur avait autorisé l’enregistrement de la marque communautaire pour les produits non litigieux. Les observations des parties ont été déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 16 juillet 2014, par la requérante, et, le 25 juillet 2014, par l’OHMI.

 En droit

 Sur la recevabilité du second chef de conclusions de la requérante

12      L’OHMI conteste la recevabilité du second chef de conclusions invoqué par la requérante, qui tend à ce qu’il plaise au Tribunal de conclure qu’il peut être procédé à l’enregistrement de la marque demandée.

13      En l’espèce, il convient de considérer qu’un tel chef de conclusions doit être interprété comme tendant à enjoindre à l’OHMI d’enregistrer ladite marque.

14      Or, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union contre la décision d’une chambre de recours de l’OHMI, ce dernier est tenu, conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’OHMI, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union [voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 20 et jurisprudence citée].

15      Partant, le second chef de conclusions invoqué par la requérante tendant à ce que le Tribunal ordonne à l’OHMI de faire droit à la demande d’enregistrement est irrecevable.

 Sur le fond

16      À l’appui du recours, la requérante soulève un moyen unique tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

17      Il convient toutefois, à titre liminaire, de rappeler que, selon la jurisprudence constante, l’incompétence, au sens de l’article 263 TFUE, constitue un moyen, dit « d’ordre public », qui doit être relevé d’office par le juge de l’Union [voir, en ce sens, arrêts du 29 février 2012, Certmedica International et Lehning entreprise/OHMI – Lehning entreprise et Certmedica International (L112), T‑77/10 et T‑78/10, EU:T:2012:95, point 91, et du 13 décembre 2013, Hongrie/Commission, T‑240/10, Rec, EU:T:2013:645, point 70 et jurisprudence citée].

18      Par ailleurs, l’obligation, pour le juge de l’Union, de relever d’office un moyen d’ordre public doit être exercée à la lumière du principe du contradictoire (voir, en ce sens, arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, Rec. EU:C:2009:742, points 59 et 60).

19      En l’espèce, ainsi qu’il a été rappelé au point 11 ci-dessus, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur la question de savoir si la chambre de recours était compétente, en particulier au regard de l’article 59, première phrase, du règlement n° 207/2009, pour réexaminer la demande d’enregistrement de marque communautaire en cause pour l’ensemble des produits visés dans ladite demande, alors que l’examinateur avait autorisé l’enregistrement pour une partie des produits visés, demande à laquelle elles ont déféré dans le délai imparti.

 Sur l’étendue de l’examen opéré par la chambre de recours

20      Dans ses observations du 25 juillet 2014, l’OHMI confirme sa position exprimée à titre liminaire dans le mémoire en réponse concernant le dépassement de ses compétences par la chambre de recours, tout en précisant que ce fait ne devrait pas conduire à l’annulation de la décision attaquée.

21      À cet égard, il convient d’observer qu’il résulte effectivement de la décision de l’examinateur que ce dernier a refusé la demande d’enregistrement de marque communautaire seulement pour les produits litigieux.

22      Or, s’il ressort du dossier de procédure devant l’OHMI que la requérante a formé, auprès de l’OHMI, un recours tendant à obtenir l’annulation de la décision de l’examinateur dans son intégralité, il convient de noter que, conformément à l’article 59, première phrase, du règlement n° 207/2009, lorsque, comme en l’espèce, l’examinateur a refusé une demande d’enregistrement de marque communautaire seulement pour les produits litigieux visés par ladite demande, tout en autorisant l’enregistrement pour les produits non litigieux, le recours introduit par le demandeur de la marque devant la chambre de recours ne saurait régulièrement porter que sur le refus de l’examinateur d’autoriser l’enregistrement pour les produits litigieux. L’autorisation de l’examinateur d’enregistrer une telle demande pour les produits non litigieux ne peut, en revanche, pas valablement faire l’objet d’un recours dudit demandeur devant la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2013, Airbus/OHMI (NEO), T‑236/12, EU:T:2013:343, point 24].

23      Par conséquent, s’il est vrai que, dans le cas de l’espèce, la requérante a formé un recours devant la chambre de recours visant à l’annulation de la décision de l’examinateur dans son intégralité, il n’en demeure pas moins que, en vertu de l’article 59, première phrase, du règlement n° 207/2009, la chambre de recours n’était régulièrement saisie que dans la mesure où l’instance inférieure avait rejeté les prétentions de la requérante (arrêt NEO, EU:T:2013:343, point 25).

24      Il s’ensuit que la chambre de recours a dépassé les limites de sa compétence en ce qu’elle a repris d’office l’examen de la demande d’enregistrement de marque communautaire pour les produits non litigieux visés dans ladite demande au regard des motifs absolus de refus énoncés par l’article 7 du règlement n° 207/2009 et en ce qu’elle a constaté que la marque demandée était dépourvue de tout caractère distinctif permettant de distinguer ces produits non litigieux au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

25      Il convient donc d’annuler la décision attaquée dans la mesure où la marque, dont l’enregistrement avait été demandé, a été déclarée dépourvue de tout caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 en ce qui concerne les produits non litigieux pour lesquels l’enregistrement avait été autorisé par l’examinateur.

 Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

26      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a considéré, à tort, que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, dans la mesure où la marque demandée serait un message promotionnel et élogieux par nature. Au contraire, la marque demandée constituerait un usage créatif, distinctif et original de termes permettant manifestement au consommateur d’identifier l’origine des produits couverts par la marque. En outre, la pratique décisionnelle antérieure de l’OHMI ainsi que les décisions de l’Office finlandais et de l’USPTO corroboreraient de façon non équivoque le caractère distinctif de la marque.

27      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

28      Il y a lieu de relever que, dès lors qu’il ressort des points 22 à 25 ci-dessus que la décision attaquée doit être annulée pour violation de l’article 59 du règlement n° 207/2009, dans la mesure où la marque demandée a été déclarée dépourvue de tout caractère distinctif pour les produits non litigieux pour lesquels l’enregistrement avait été autorisé par l’examinateur, il y a lieu d’aborder le présent moyen tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 seulement au regard des produits litigieux pour lesquels l’enregistrement avait été refusé par l’examinateur.

29      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. En outre, selon l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement, le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

30      Il ressort d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif d’une marque au sens de cet article signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33, et du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 23).

31      Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception que le public pertinent en a (arrêts Audi/OHMI, EU:C:2010:29, point 34, et Smart Technologies/OHMI, EU:C:2012:460, point 24).

32      S’agissant de marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques, leur enregistrement n’est pas exclu en raison d’une telle utilisation. Afin d’apprécier le caractère distinctif de telles marques, il n’y a pas lieu d’appliquer à celles-ci des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes (arrêts Audi/OHMI, EU:C:2010:29, points 35 et 36, et Smart Technologies/OHMI, EU:C:2012:460, point 25).

33      Si les critères relatifs à l’appréciation du caractère distinctif sont les mêmes pour les différentes catégories de marques, il peut apparaître, dans le cadre de l’application de ces critères, que la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même pour chacune de ces catégories et que, dès lors, il pourrait s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif des marques de certaines catégories que de celles d’autres catégories (arrêts Audi/OHMI, EU:C:2010:29, point 37, et Smart Technologies/OHMI, EU:C:2012:460, point 26).

34      De telles difficultés ne justifient pas, en tout cas, de fixer des critères spécifiques suppléant ou dérogeant au critère du caractère distinctif, pour des marques verbales constituées de slogans publicitaires (voir, en ce sens, arrêts Audi/OHMI, EU:C:2010:29, point 38, et Smart Technologies/OHMI, EU:C:2012:460, point 27).

35      Il ne saurait notamment être exigé qu’un slogan publicitaire présente un « caractère de fantaisie », voire un « champ de tension conceptuelle, qui aurait pour conséquence un effet de surprise et dont on pourrait de ce fait se rappeler », pour qu’un tel slogan soit pourvu de caractère distinctif (arrêts Audi/OHMI, EU:C:2010:29, point 39, et Smart Technologies/OHMI, EU:C:2012:460, point 28).

36      En outre, le simple fait qu’une marque soit perçue par le public concerné comme une formule promotionnelle et que, eu égard à son caractère élogieux, elle pourrait en principe être reprise par d’autres entreprises n’est pas en tant que tel suffisant pour conclure que cette marque est dépourvue de caractère distinctif (arrêts Audi/OHMI, EU:C:2010:29, point 44, et Smart Technologies/OHMI, EU:C:2012:460, point 29).

37      La connotation élogieuse d’une marque verbale n’exclut pas que celle-ci soit néanmoins apte à garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services qu’elle désigne. Ainsi, une telle marque peut concomitamment être perçue par le public concerné comme une formule promotionnelle et une indication de l’origine commerciale des produits ou des services. Il en découle que, pour autant que ce public perçoit la marque comme une indication de cette origine, le fait qu’elle soit simultanément, voire même en premier lieu, appréhendée comme une formule promotionnelle est sans incidence sur son caractère distinctif (arrêts Audi/OHMI, EU:C:2010:29, point 45, et Smart Technologies/OHMI, EU:C:2012:460, point 30).

38      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante.

39      Tout d’abord, s’agissant du public pertinent, la chambre de recours a constaté, aux points 18 et 19 de la décision attaquée, que la marque demandée étant composée d’éléments provenant de la langue anglaise, le public pertinent était un public anglophone, voire un public non anglophone, mais ayant une connaissance suffisante de l’anglais de base. Elle en a déduit que le public ciblé comprenait, outre le public pertinent du Royaume-Uni, d’Irlande et de Malte, au moins celui de Chypre, de la Suède, du Danemark, de la Finlande et des Pays-Bas.

40      En outre, la chambre de recours a relevé que l’ensemble des produits couverts par la marque demandée étaient destinés à la fois au grand public et aux professionnels du secteur médical. Toutefois, faisant référence à la jurisprudence du Tribunal, la chambre de recours a noté que le niveau d’attention du public pertinent était relativement faible à l’égard d’indications à caractère promotionnel [voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2008, BYK-Chemie/OHMI (Substance for Success), T‑58/07, EU:T:2008:269, point 23, et du 17 novembre 2009, Apollo Group/OHMI (THINKING AHEAD), T‑473/08, EU:T:2009:442, point 33].

41      Il convient de confirmer cette définition du public pertinent, qui n’est d’ailleurs pas contestée par la requérante.

42      Ensuite, s’agissant de la perception du signe en cause par ce public, la chambre de recours a indiqué qu’il était composé des mots anglais « youth » et « experts » et constituait, sur le plan conceptuel, une indication à caractère promotionnel ou un slogan. La chambre de recours a précisé qu’il s’agissait d’une expression grammaticalement correcte, qui n’était pas fantaisiste, surprenante ou inattendue, qui ne constituait pas un jeu de mots et qui ne possédait pas une certaine originalité ou prégnance la rendant facilement mémorisable. Selon la chambre de recours, la marque demandée serait, au contraire, comprise comme un message élogieux explicite selon lequel les produits de la requérante étaient conçus, fabriqués ou réalisés par de jeunes experts ayant une connaissance approfondie du domaine concerné et qui rassurerait le consommateur sur la qualité des produits en question, basés sur une formule améliorée ou récemment mis au point, par exemple. La chambre de recours en a conclu que la marque demandée était un slogan banal ayant une signification élogieuse claire et non ambigüe qui ne serait pas perçu par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits visés, mais comme une information exclusivement promotionnelle (points 20, 30, 32, 33 et 35 de la décision attaquée).

43      En outre, la chambre de recours a précisé que le public pertinent était habitué à voir des messages publicitaires vantant l’efficacité accrue des produits litigieux et qu’il n’était donc pas surprenant que des slogans utilisant des termes tels que « youth » et « experts » aient été couramment utilisés à des fins de marketing, que ce fût dans le secteur des cosmétiques et des soins de beauté, dans celui de l’industrie pharmaceutique et des services de soins de santé ou dans le domaine des compléments alimentaires ou nutritionnels, afin de promouvoir la qualité souhaitable de ces produits (points 24, 26 à 28 de la décision attaquée).

44      Il convient de relever, à la lumière des considérations retenues dans la décision attaquée, que la chambre de recours a procédé à une analyse exacte de la signification du signe verbal en cause, par rapport, d’une part, aux produits litigieux et, d’autre part, à la perception du public pertinent.

45      À l’issue de cette analyse, la chambre de recours a ainsi pu conclure à bon droit que le public pertinent, confronté à la marque demandée, ne sera pas amené à la percevoir comme une indication d’origine commerciale, mais comme une information exclusivement promotionnelle, à savoir la promesse d’une compétence élevée dans un domaine particulier.

46      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les critiques avancées par la requérante.

47      À cet égard, premièrement, dans la mesure où la requérante soutient, d’une part, que l’appréciation globale de la marque demandée conduit à constater que celle-ci n’est descriptive d’aucun type des produits litigieux et, d’autre part, que le public anglophone n’utiliserait pas les mots constitutifs de la marque demandée pour décrire les produits en question, il convient d’observer que la chambre de recours n’a pas appliqué, en l’espèce, le motif absolu de refus tiré du caractère descriptif d’un signe visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.

48      En effet, en ayant conclu que le signe en cause était dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, la chambre de recours n’a pas eu à examiner la question de savoir s’il pouvait également être frappé du motif absolu de refus à l’enregistrement visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement.

49      Ainsi, l’argument de la requérante invoquant une prétendue erreur dans l’analyse du caractère descriptif de la marque demandée, uniquement pertinente dans le cadre de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, est donc inopérant, en ce qu’il est dirigé contre un motif inexistant de la décision attaquée.

50      Deuxièmement, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir retenu que la marque demandée véhiculait uniquement le message selon lequel les produits de la requérante étaient conçus, fabriqués ou réalisés par de jeunes experts ayant une connaissance approfondie des domaines concernés alors que la marque véhiculerait au moins trois significations différentes dans l’esprit du public pertinent.

51      Or, il convient de relever qu’un tel argument procède d’une lecture erronée de la décision attaquée.

52      En effet, il ressort de la décision attaquée, notamment des points 20, 24, 26 et 27, que la chambre de recours a retenu que la marque demandée véhiculait effectivement le message élogieux explicite selon lequel les produits de la requérante étaient conçus, fabriqués ou réalisés par de jeunes experts ayant une connaissance approfondie du domaine concerné, en l’occurrence celui des cosmétiques et des soins de beauté ou celui de l’industrie pharmaceutique et des services de soins de santé ou encore celui des compléments alimentaires ou nutritionnels, et qui rassurerait le consommateur sur la qualité des produits en question, basés sur une formule améliorée ou récemment mis au point, par exemple.

53      Il y a lieu d’en déduire que, loin de ne retenir qu’une seule interprétation de la marque demandée, la chambre de recours a pris en compte les différents messages véhiculés par celle-ci. La chambre de recours a ainsi considéré que la marque demandée sera comprise par le public pertinent comme l’informant que les produits litigieux visés par la marque demandée sont créés par de jeunes experts, mais aussi que ces produits présentent des qualités propres à favoriser la jeunesse et la bonne santé de la peau et du corps, par exemple, et, partant, qu’il peut s’agir de jeunes experts en matière de produits favorisant la jeunesse et la bonne santé de la peau et du corps, ces différentes informations étant précisément les messages que la requérante considère comme étant véhiculés par le signe en cause.

54      Troisièmement, la requérante soutient qu’un degré minimum de caractère distinctif suffit pour rendre une marque enregistrable, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Selon elle, lorsque le public pertinent sera confronté à la marque demandée en relation avec les produits litigieux, le lien entre ces produits et le signe en cause sera manifestement trop indéterminé pour considérer que la marque est totalement dépourvue de caractère distinctif.

55      Toutefois, la requérante n’apporte aucun élément afin d’étayer cette affirmation, formulée de façon vague et générale, de sorte qu’elle échoue à remettre en cause la conclusion de la chambre de recours quant à l’absence de caractère distinctif, au regard des produits litigieux, de la marque demandée.

56      Quatrièmement, s’agissant des arguments tirés du non-respect de la pratique décisionnelle de l’OHMI, il convient de rappeler que ce dernier est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union. Eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doit prendre en considération les décisions prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le fait de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens. L’application de ces principes doit, toutefois, être conciliée avec le respect du principe de légalité. Ainsi, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus [voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2012, Hartmann/OHMI (Nutriskin Protection Complex), T‑415/11, EU:T:2012:589, point 36 et jurisprudence citée].

57      En l’espèce, la chambre de recours a conclu, sur la base d’un examen complet et en tenant compte de la perception du public pertinent, que ce dernier percevrait la marque demandée comme un message promotionnel invitant celui-ci à choisir les produits de la requérante parce qu’ils ont été mis au point par des spécialistes dans les domaines concernés et comme une indication de la qualité des produits litigieux. Ainsi qu’il ressort des points 42 à 55 ci-dessus, cette constatation suffit à elle seule pour retenir que l’enregistrement du signe verbal THE YOUTH EXPERTS en tant que marque communautaire se heurte, en ce qui concerne les produits litigieux, au motif absolu de refus de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Il s’ensuit que, contrairement aux allégations de la requérante, l’appréciation de sa demande d’enregistrement du signe verbal THE YOUTH EXPERTS comme marque communautaire pour les produits litigieux a été faite de manière conforme à la jurisprudence, sur la base d’une interprétation et d’une application correctes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

58      Partant, dès lors que la légalité de la décision attaquée concernant le caractère non enregistrable du signe THE YOUTH EXPERTS en tant que marque communautaire pour les produits litigieux est établie directement sur la base de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, il ressort de la jurisprudence citée au point 56 ci-dessus qu’elle ne peut pas être remise en cause du simple fait que la chambre de recours n’aurait pas suivi, en l’espèce, la pratique décisionnelle de l’OHMI.

59      Cinquièmement, s’agissant de l’argument tiré du non-respect de la pratique d’enregistrement de l’Office finlandais et de l’USPTO, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. Par conséquent, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation de l’Union pertinente, telle qu’elle est interprétée par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, points 65 et 66, et du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, EU:C:2008:420, point 58). Dès lors, l’OHMI et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre, voire d’un État tiers, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale [arrêt du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, EU:T:2002:43, point 47].

60      Étant donné que, en l’espèce, la légalité de la décision attaquée concernant le caractère non enregistrable du signe demandé en tant que marque communautaire pour les produits litigieux est établie directement sur la base de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 (voir point 57 ci-dessus), elle ne peut pas être remise en cause en raison du simple fait que la chambre de recours n’aurait pas suivi la pratique décisionnelle de l’Office finlandais et de l’USPTO.

61      À la lumière de l’ensemble de ces observations, il apparaît que le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 n’est pas fondé.

62      Au vu de tout ce qui précède, il convient d’annuler la décision attaquée dans la mesure où la marque dont l’enregistrement a été demandé a été déclarée comme dépourvue de tout caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 en ce qui concerne les produits non litigieux. Le moyen unique n’étant par ailleurs pas fondé en ce qui concerne les produits litigieux, il convient de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l’espèce, la décision attaquée étant annulée pour les produits dont l’enregistrement avait été autorisé par l’examinateur, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 26 juin 2013 (affaire R 187/2013‑2) est annulée en ce qui concerne les « [p]réparations pour blanchir et autres substances pour lessiver [et les] préparations pour nettoyer, polir, récurer et abraser » relevant de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et les « produits hygiéniques pour la médecine[, les] emplâtres, matériel pour pansements[, les] matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires[, les] désinfectants[, les] produits pour détruire la vermine[, les] fongicides [et les] herbicides » relevant de la classe 5 au sens dudit arrangement.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Papasavvas

Forwood

Bieliūnas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 novembre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.