Language of document : ECLI:EU:T:2019:220

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

4 avril 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale VIÑA ALARDE – Marque nationale verbale antérieure «ALARDE» – Preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure – Article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement (UE) 2017/1001] – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Identité des produits – Similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑779/17,

United Wineries, SA, établie à Cenicero (Espagne), représentée par Me J. Oria Sousa-Montes, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme S. Palmero Cabezas et M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Compañía de Vinos Miguel Martín, SL, établie à Cigales (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 25 septembre 2017 (affaire R 281/2017‑5), relative à une procédure d’opposition entre Compañía de Vinos Miguel Martín et United Wineries,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mmes V. Tomljenović, président, A. Marcoulli et M. A. Kornezov (rapporteur), juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 novembre 2017,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 5 avril 2018,

à la suite de l’audience du 6 décembre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 22 octobre 2014, la requérante, United Wineries, SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal VIÑA ALARDE.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 204/2014, du 30 octobre 2014.

5        Le 29 janvier 2015, Compañía de Vinos Miguel Martín, SL a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque espagnole verbale antérieure «ALARDE», enregistrée le 20 mars 2003 sous le numéro 2493889 pour les produits relevant de la classe 33 et correspondant à la description suivante : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ». Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

7        La requérante a demandé à Compañía de Vinos Miguel Martín de produire des preuves de l’usage sérieux de la marque antérieure. Le 24 décembre 2015, l’opposante a déféré à cette demande.

8        Le 23 janvier 2017, la division d’opposition a accueilli l’opposition en totalité au motif qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

9        Le 7 février 2017, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 25 septembre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a confirmé la décision de la division d’opposition et rejeté le recours. Elle a considéré que Compañía de Vinos Miguel Martín avait fait la preuve d’un usage sérieux de la marque antérieure et que, compte tenu de l’identité des produits en cause et du degré de similitude élevé des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel dû à la présence, commune à ces signes, de l’élément « alarde », lequel compose seul la marque antérieure, il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      La requérante présente, à l’appui de son recours, deux moyens, le premier étant tiré de la violation de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001) et le second de la méconnaissance de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009

14      L’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 dispose, en substance, que, sur requête du demandeur, le titulaire d’une marque de l’Union européenne antérieure qui a formé opposition apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque, la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire de l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée. À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée.

15      L’article 42, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphe 3, du règlement 2017/1001) précise que le paragraphe 2 s’applique aux marques nationales antérieures visées à l’article 8, paragraphe 2, sous a), dudit règlement [devenu article 8, paragraphe 2, sous a), du règlement 2017/1001], étant précisé que l’usage sur le territoire de l’Union est remplacé par l’usage dans l’État membre où la marque nationale antérieure est protégée.

16      La marque antérieure étant une marque espagnole, le territoire pertinent est celui de l’Espagne.

17      Selon la jurisprudence, l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 ne vise ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 38]. Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 39).

18      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque, et inversement. En outre, le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque antérieure ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou services sur le marché concerné (arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42).

19      Ainsi qu’il ressort également de la jurisprudence, il n’est pas possible de déterminer a priori, de façon abstraite, quel seuil quantitatif doit être retenu pour déterminer si l’usage a ou non un caractère sérieux. Une règle de minimis ne peut dès lors être fixée. Partant, lorsqu’il répond à une réelle justification commerciale, un usage même minime peut être suffisant pour établir l’existence d’un caractère sérieux (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 72).

20      L’usage sérieux de la marque suppose que celle-ci soit utilisée publiquement et vers l’extérieur (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 37).

21      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que Compañía de Vinos Miguel Martín avait prouvé l’usage sérieux de la marque antérieure pendant la période de référence, allant du 30 octobre 2009 au 29 octobre 2014, en s’appuyant sur les éléments énumérés au point 6, sixième tiret, et au point 27 de la décision attaquée, à savoir :

–        cinq factures de vente de, au total, 1 200 bouteilles de moscatel (moscato blanc) portant la marque Alarde pour un montant total de 4 200 euros [montant hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et hors remise pour paiement anticipé] ;

–        deux factures concernant l’achat de capsules en étain pour les bouteilles de vin portant la marque Alarde pour des montants respectifs de 2 074,58 euros et de 2 127,33 euros (TVA comprise), établies par Ramondin Cápsulas, SA ;

–        deux factures établies pour un montant de 677,60 euros (hors TVA) chacune par Vidal Armadans, SA pour des jeux d’étiquettes (« Jgos Alarde ») ;

–        deux factures concernant respectivement 500 dépliants « Alarde » pour un montant de 158,51 euros (TVA comprise) et 200 affiches promotionnelles « Alarde » pour un montant de 137 euros (hors TVA), établies par Manolete ;

–        une facture concernant la vente d’étiquettes de corps et de contre-étiquettes, portant la dénomination « ALARDE MOSCATO », établies par Anmavi pour un montant de 1 916,28 euros (TVA comprise) ;

–        une facture établie par Ondupack, SAU pour du carton ondulé portant la marque Alarde, pour un montant de 2 192,88 euros (TVA comprise).

22      La requérante soutient que la chambre de recours a méconnu l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009, en considérant que les éléments mentionnés ci-dessus prouvaient l’usage sérieux de la marque antérieure. Elle critique le fait, d’une part, que la chambre de recours se soit fondée sur un seul type de preuve, à savoir des factures et, d’autre part, qu’elle ait qualifié de « sérieux » l’usage dont celles-ci font état.

23      Il convient donc d’examiner successivement ces deux griefs.

 Sur le type de preuve de l’usage en cause

24      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir fondé son appréciation sur un seul type de preuve, à savoir des factures, sans exiger d’autres éléments de preuve, tels que des étiquettes, des listes de prix, des catalogues, etc. Or, la valeur probante d’une facture serait faible puisqu’elle est établie par l’intéressé lui-même.

25      À cet égard, il convient de rappeler que, premièrement, la règle 22, paragraphe 4, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1) [devenue article 10, paragraphe 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)], fait mention des factures comme preuves susceptibles d’établir l’usage sérieux de la marque antérieure. La chambre de recours a donc pu valablement fonder son appréciation sur ce type de preuve.

26      Deuxièmement, aucune règle de droit n’exige que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure consiste en plusieurs types de preuve différents.

27      Troisièmement, les factures produites par Compañía de Vinos Miguel Martín donnent des informations sur l’ensemble des facteurs devant être pris en compte par la chambre de recours, à savoir le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage, ainsi que l’exige la règle 22, paragraphe 3, du règlement no 2868/95 (devenue article 10, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625). Force est donc de constater que ces factures contenaient l’ensemble des informations nécessaires aux fins de l’appréciation de l’usage de la marque antérieure.

28      Quatrièmement, s’agissant de la valeur probante desdites factures, il convient de rejeter d’emblée l’allégation de la requérante selon laquelle celle-ci serait faible du fait qu’elles seraient établies par l’intéressé lui-même. En effet, une partie des factures produites par Compañía de Vinos Miguel Martín, à savoir celles énumérées aux deuxième à sixième tirets du point 21 ci-dessus, provient de tiers et non d’elle-même.

29      Quant à la valeur probante des factures établies par Compañía de Vinos Miguel Martín, il échet de constater que celles-ci se rapportent à la vente de moscatel sous la marque antérieure et constituent donc des preuves directes de l’usage. De surcroît, ces factures ont pour destinataires plusieurs commerçants différents, dont il n’est pas allégué qu’ils seraient détenus par Compañía de Vinos Miguel Martín ou contrôlés par elle, ce qui renforce leur valeur probante.

30      Partant, la chambre de recours n’a commis aucune erreur de droit ou d’appréciation en se fondant sur un seul type de preuve, à savoir des factures.

 Sur la qualification de l’usage en cause

31      Ainsi que cela a été rappelé au point 27 ci-dessus, il résulte de la règle 22, paragraphe 3, du règlement no 2868/95 que la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, sur la durée, sur l’importance et sur la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure.

32      Il convient donc d’examiner successivement chacun de ces facteurs avant de procéder à leur appréciation globale, conformément à la jurisprudence rappelée au point 18 ci-dessus.

–       Sur le lieu de l’usage

33      S’agissant du lieu de l’usage, la chambre de recours a relevé, au point 25 de la décision attaquée, que les factures produites par Compañía de Vinos Miguel Martín étaient adressées à des clients situés en Espagne à Amorebieta (province de Biscaye, communauté autonome du Pays basque), à Barcelone (communauté autonome de Catalogne), à Amurrio (province d’Araba-Àlava, communauté autonome du Pays basque), à Santander (communauté autonome de Cantabrie) et à Móstoles (province de Madrid), ce qui représentait un nombre d’endroits suffisant pour démontrer l’existence d’un usage sur une partie substantielle du territoire pertinent.

34      Selon la requérante, la marque antérieure doit avoir été utilisée dans une partie substantielle du territoire pertinent, l’Espagne en l’espèce. Or, le motif de la décision attaquée selon lequel les villes où se trouvent les destinataires des factures produites peuvent être considérées dans leur ensemble comme satisfaisant à ce critère ne serait pas fondé. La chambre de recours n’aurait aucunement expliqué les raisons pour lesquelles tel serait le cas, alors que, selon la jurisprudence, l’usage sérieux d’une marque ne pourrait être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais devrait reposer sur des éléments concrets et objectifs. De plus, les villes susmentionnées ne représenteraient que 4 % de la population de l’État membre concerné, ce qui ne saurait correspondre à une partie substantielle du territoire pertinent, sauf à vider de sa ratio legis l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009. L’EUIPO n’aurait pas fourni d’éléments justifiant son analyse, ni d’un point de vue purement quantitatif ni en invoquant d’autres raisons susceptibles de fonder sa conclusion. Il conviendrait, pour interpréter cette notion, de raisonner par analogie avec la définition de ce qu’est une partie substantielle de l’Union, ainsi qu’il résulterait des conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire PAGO International (C‑301/07, EU:C:2009:274, point 32).

35      Elle estime, en outre, qu’il convient de transposer à la présente affaire la jurisprudence rendue à propos de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001), aux termes de laquelle, notamment, pour pouvoir faire obstacle à l’enregistrement d’un nouveau signe, celui qui est invoqué à l’appui de l’opposition doit être effectivement utilisé d’une manière suffisamment significative dans la vie des affaires et avoir une étendue géographique qui ne soit pas seulement locale.

36      L’EUIPO s’oppose à ces arguments.

37      Il y a lieu de rejeter d’emblée l’argument de la requérante selon lequel l’usage d’une marque antérieure ne saurait être qualifié de sérieux qu’à condition qu’il s’étende sur une partie substantielle du territoire pertinent. En effet, une telle exigence ne ressort ni du libellé de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 ou de celui de la règle 22 du règlement no 2868/95, ni de leur esprit. Ainsi qu’il a été rappelé au point 18 ci-dessus, pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, cette appréciation impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte. C’est en application de ces principes que la Cour a déjà eu l’occasion de juger que la circonstance que la preuve de l’usage de la marque antérieure n’avait été rapportée que pour la vente de produits à destination d’un seul client ne permettait pas d’exclure a priori son caractère sérieux, quand bien même il en découlerait que ladite marque n’était pas présente sur une partie substantielle du territoire espagnol, sur lequel elle était protégée, car l’importance territoriale de l’usage n’est qu’un facteur parmi d’autres devant être pris en compte pour déterminer s’il est sérieux ou non (arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 76).

38      Partant, la tentative de la requérante de transposer au cas d’espèce les notions découlant de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, relatif à la protection d’un signe non enregistré, ou de la jurisprudence concernant la preuve de la renommée dans l’Union dont jouit une marque antérieure au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous c), dudit règlement [devenu article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001], qui faisait l’objet de l’interprétation retenue par Mme l’avocat général Sharpston dans ses conclusions dans l’affaire PAGO International (C‑301/07, EU:C:2009:274), est vouée à l’échec, aucune de ces dispositions ne trouvant à s’appliquer en l’espèce.

39      Certes, dans la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que les factures présentées démontraient l’existence d’un usage sur « une partie substantielle » du territoire espagnol. Toutefois, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, il ne s’agit pas là d’un critère juridique mais d’une constatation factuelle visant à mesurer l’étendue géographique de l’usage en cause.

40      En tout état de cause, en l’espèce, il est constant que les factures de vente de moscatel portant la marque antérieure, produites par Compañía de Vinos Miguel Martín, sont destinées à des clients situés dans cinq provinces différentes d’Espagne, et notamment dans les capitales de deux communautés autonomes (Barcelone et Santander), ainsi que dans une ville importante proche de Madrid, à savoir Móstoles, ce qui démontre que l’usage fait de la marque antérieure est public et tourné vers l’extérieur [voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T‑418/03, non publié, EU:T:2007:299, point 87] et qu’il s’étend sur une partie significative du territoire espagnol.

41      Le fait que la population des villes dans lesquelles sont situés les destinataires des factures en cause ne représenterait que 4 % de la population espagnole est dénué de pertinence au regard, d’une part, de la jurisprudence rappelée au point 37 ci-dessus et, d’autre part, du fait, souligné par l’EUIPO, que ce pourcentage correspond, en tout état de cause, à un nombre important d’habitants.

42      Par conséquent, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante concernant le lieu de l’usage de la marque antérieure.

–       Sur la durée de l’usage

43      S’agissant de la durée de l’usage, la chambre de recours a constaté, au point 26 de la décision attaquée, que les factures présentées portaient sur la période comprise « entre le 28 octobre 2011 et le 1er juillet 2014, c’est-à-dire [avaient été émises] au cours de la période pertinente ». Aux points 28, 29, 31 et 39 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que l’usage s’étendait ainsi de façon régulière sur une période de presque trois ans.

44      La requérante estime, en substance, que les factures présentées ne démontrent pas une grande constance dans le temps de l’usage de la marque antérieure, qui ne couvre que deux ans et demi à peine.

45      Toutefois, force est de constater que ces factures correspondent aux années 2011, 2012, 2013 et 2014. Il en ressort donc une constance de l’usage, établie par la répétition des actes y concourant, ce qui permet d’établir que la marque antérieure a été utilisée, à tout le moins, pour une partie de la période pertinente [arrêt du 25 avril 2018, Walfood/EUIPO – Romanov Holding (CHATKA), T‑312/16, non publié, EU:T:2018:221, point 113].

46      L’appréciation, par la chambre de recours, de la durée de l’usage n’est donc pas entachée d’erreur.

–       Sur l’importance de l’usage

47      S’agissant de l’importance de l’usage, la chambre de recours a relevé, aux points 27 à 29 de la décision attaquée, que les factures de vente de moscatel portant la marque antérieure et produites par Compañía de Vinos Miguel Martín représentaient une faible quantité de ventes, à savoir 1 200 bouteilles pour une valeur totale de 4 200 euros. Cependant, elle a considéré, d’une part, que ces factures ne reflétaient pas toutes les ventes réalisées, mais qu’il s’agissait d’un échantillon (points 28 à 30 de la décision attaquée) et, d’autre part, que le volume limité des ventes était compensé par une certaine régularité dans l’usage de la marque antérieure et son étendue géographique (points 28 et 30 à 32 de la décision attaquée), de sorte que cet usage ne pouvait être qualifié de manifestement résiduel, insignifiant, marginal ou symbolique.

48      La requérante conteste l’affirmation selon laquelle il s’agirait d’un échantillon de factures. Elle relève à cet égard qu’il y a une grande différence entre la quantité des capsules et des étiquettes achetées et celle des bouteilles vendues.

49      Partant, ce serait de façon arbitraire que la chambre de recours aurait estimé que les faibles quantités démontrées par les factures produites par Compañía de Vinos Miguel Martín étaient néanmoins suffisantes pour satisfaire à l’exigence posée à l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, sans motiver aucunement son raisonnement à cet égard. Elle se serait bornée à apprécier les chiffres en cause dans l’absolu, alors que la requérante lui aurait fourni les indices de référence permettant de les replacer dans leur contexte, ce qu’imposerait la jurisprudence. Le secteur vinicole aurait une grande importance dans l’économie de l’Espagne, de sorte qu’il n’existerait pas d’éléments objectifs du marché, comme dans le domaine du luxe ou de l’artisanat, qui justifieraient de considérer un faible volume de ventes comme reflétant néanmoins un usage sérieux. Or, en l’espèce, le volume des ventes pendant la durée d’usage prouvée représenterait une bouteille par jour et à peine 0,008 % de la production de vin espagnole au cours de la période pertinente, ce qui devrait être qualifié de symbolique ou de résiduel. Il s’agirait donc d’un usage apparent, traduisant un but opportuniste ou frauduleux. À supposer même qu’il ne s’agisse pas d’une mise en scène, les preuves avancées par Compañía de Vinos Miguel Martín ne suffiraient en aucun cas pour établir la volonté de se créer une part de marché.

50      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

51      En premier lieu, il convient d’écarter les allégations de la requérante visant à reprocher à Compañía de Vinos Miguel Martín une mise en scène dans le but de camoufler l’absence de ventes importantes de moscatel portant la marque antérieure ou à jeter un doute sur la véracité des factures présentées. Aucun élément figurant dans le dossier ne permet d’étayer de telles allégations. En particulier, le fait que les factures présentées proviennent de plusieurs entreprises différentes, sises dans différentes régions d’Espagne, ou sont destinées à différents clients situés, eux aussi, dans différentes régions de ce pays, sans qu’il soit allégué que ces différentes entreprises seraient liées à Compañía de Vinos Miguel Martín, tend à établir, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la réalité des opérations dont lesdites factures rendent compte. De surcroît, ces factures portent sur différents aspects de la commercialisation du vin, à savoir l’étiquetage, l’encapsulage, la promotion et la vente.

52      En deuxième lieu, il convient de constater que, en l’espèce, plusieurs éléments viennent confirmer l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les factures produites ne représentent qu’un échantillon de factures et ne reflètent donc pas la totalité des ventes réalisées. En effet, premièrement, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, la numérotation des factures présentées n’est pas consécutive, ce qui laisse supposer l’existence d’autres factures [arrêt du 24 mai 2012, TMS Trademark-Schutzrechtsverwertungsgesellschaft/OHMI – Comercial Jacinto Parera (MAD), T‑152/11, non publié, EU:T:2012:263, point 65].

53      Deuxièmement, cette constatation est corroborée par les déclarations de Compañía de Vinos Miguel Martín elle-même, aux termes desquelles « les factures présentées étaient une simple sélection, réalisée selon un critère visant à démontrer la grande étendue géographique de l’activité » (dossier devant l’EUIPO, page 55 in fine), ainsi que, comme cela est relevé au point 45 ci-dessus, l’étalement de ses prestations au cours des différentes années comprises dans la période pertinente.

54      Troisièmement, les différences entre le volume de capsules et d’étiquettes achetées et celui de bouteilles vendues, selon les factures présentées, semblent suggérer également qu’il ne s’agit que d’un échantillon de factures. À cet égard, d’une part, il convient de constater, en ce qui concerne les factures d’achat d’étiquettes, et contrairement à l’assertion de la requérante selon laquelle Compañía de Vinos Miguel Martín aurait seulement prouvé la commande de 60 étiquettes, qu’il s’agit en réalité de volumes beaucoup plus importants. S’il est vrai que la facture émise par Anmavi (page 75 du dossier devant l’EUIPO) fait mention, sous la rubrique « quantité », de deux fois « 30 » étiquettes comportant la marque antérieure pour un prix unitaire respectif de 24,90 euros et de 22,90 euros, ces prix laissent penser que la quantité indiquée n’est pas celle d’une étiquette individuelle, mais vraisemblablement d’un carton d’étiquettes. De surcroît, il résulte des explications fournies à l’audience par l’EUIPO en réponse à une question du Tribunal que la mention « Jgos Alarde », figurant sur les deux factures établies par Vidal Armadans (voir point 21, troisième tiret, ci-dessus), correspond à des jeux d’étiquettes (c’est-à-dire étiquette de corps plus contre-étiquette et, le cas échéant, collerette). Or, ces jeux d’étiquettes facturés à Compañía de Vinos Miguel Martín étaient à chaque fois au nombre de 11 000 (facture du 15 novembre 2011, page 65 du dossier devant l’EUIPO, et facture du 15 octobre 2012, page 67 du dossier devant l’EUIPO). D’autre part, s’agissant des factures d’achat de capsules, les factures produites font état de l’achat par Compañía de Vinos Miguel Martín de 60 000 capsules en étain portant la marque antérieure. Ainsi, la différence entre les quantités de capsules et d’étiquettes achetées portant la marque antérieure et celles de bouteilles de vin vendues indique, en l’absence de tout élément susceptible de prouver l’existence d’une mise en scène (voir point 51 ci-dessus), que les factures de vente de moscatel portant la marque antérieure et produites par Compañía de Vinos Miguel Martín représentent effectivement un échantillon et ne correspondent donc pas à la totalité des ventes réalisées pendant la période de référence.

55      En troisième lieu, et en tout état de cause, à supposer même que les factures produites représentent la totalité des ventes de moscatel pendant la période de référence, il convient de constater que celles-ci font apparaître la vente de 1 200 bouteilles de moscatel pour un prix de 4 200 euros.

56      Il convient de préciser à cet égard, ce point ayant été débattu lors de l’audience, que, si ces factures font apparaître un certain nombre de bouteilles offertes gratuitement (366 au total, soit 61 caisses de 6), ces bouteilles ne sont pas incluses dans le total de 1 200 bouteilles retenu dans la décision attaquée. La chambre de recours n’a donc pas pris en compte les quantités de bouteilles offertes, contrairement à ce que semble suggérer la requérante. Les explications fournies par l’EUIPO lors de l’audience selon lesquelles le fait d’offrir gratuitement une certaine quantité de produits refléterait une pratique commerciale visant à récompenser les clients importants ou à fidéliser les clients nouveaux, ce qui serait un indice supplémentaire d’usage sérieux, ne peuvent que demeurer sans incidence sur l’appréciation du Tribunal, un tel motif ne figurant pas dans la décision attaquée.

57      De même, concernant la facture présentée en page 74 du dossier de l’EUIPO, établie par López Morenas, SL et ayant pour destinataire Compañía de Vinos Miguel Martín, portant sur un montant de 8 870,04 euros (hors TVA) et un volume de 10 800 bouteilles sous la mention « ALARDE MOSCATO », laquelle, selon l’EUIPO, démontrerait l’existence de volumes de moscatel commercialisé sous la marque antérieure beaucoup plus importants que ceux ressortant des cinq factures mentionnées au premier tiret du point 21 ci-dessus, il suffit de constater que la chambre de recours a considéré que la division d’opposition avait inclus à tort ce montant dans les ventes de Compañía de Vinos Miguel Martín (point 27 de la décision attaquée), ce que l’EUIPO ne conteste pas. Dans ces circonstances, le Tribunal ne saurait tenir compte, même indirectement, des quantités ressortant de cette facture.

58      Cela étant, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, que l’usage en cause, à supposer même qu’il soit limité aux quantités reflétées dans les cinq factures mentionnées au premier tiret du point 21 ci-dessus, ne saurait être qualifié de marginal ou de symbolique. En effet, selon la jurisprudence rappelée aux points 17 à 19 ci-dessus, l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 ne vise ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes. Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. Ainsi, lorsqu’il répond à une réelle justification commerciale, un usage même minime peut être suffisant pour établir l’existence d’un caractère sérieux.

59      Or, aucun élément du dossier dont dispose le Tribunal n’indique qu’il s’agisse en l’espèce d’un usage de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque antérieure. Au contraire, l’ensemble des éléments mentionnés aux points 40, 45, 51 et 54 ci-dessus démontre l’existence d’une activité commerciale réelle, publique et dirigée vers l’extérieur aux fins de créer ou de conserver un débouché pour les produits couverts par ladite marque et non un usage interne de l’entreprise titulaire de la marque antérieure ou un usage interne du réseau de distribution qu’elle possède ou qu’elle contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 50).

60      De surcroît, un volume faible de produits commercialisés sous la marque antérieure n’implique pas nécessairement que l’usage de cette marque n’est pas sérieux au sens de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009. En effet, conformément à la jurisprudence citée au point 18 ci-dessus, aux fins de l’examen, dans un cas d’espèce, du caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, cette appréciation impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte.

–       Sur la nature de l’usage

61      S’agissant de la nature de l’usage de la marque antérieure, les parties ne contestent pas la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque a été utilisée telle qu’elle a été enregistrée, et seulement pour les moscatels (points 35 et 36 de la décision attaquée).

–       Appréciation globale

62      Selon la jurisprudence rappelée au point 18 ci-dessus, pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque, et inversement. De ce fait, le Tribunal a précisé qu’il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque antérieure soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux (arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42).

63      En l’espèce, la chambre de recours a estimé que la faible quantité des ventes était compensée par d’autres facteurs, à savoir la durée (de presque trois ans sur la période quinquennale pertinente), la régularité de l’usage (les preuves se rapportant aux années 2011, 2012, 2013 et 2014), la pluralité des clients et des fournisseurs et, enfin, leur répartition géographique sur le territoire pertinent (cinq provinces différentes).

64      Il convient de corroborer cette appréciation.

65      En effet, l’ensemble de ces facteurs indique un usage stable, continu et relativement répandu de la marque antérieure, caractérisé par une régularité constante de l’activité commerciale de Compañía de Vinos Miguel Martín au fil des ans, des relations commerciales avec plusieurs clients et fournisseurs différents ainsi qu’une étendue géographique de ladite activité couvrant plusieurs régions d’Espagne. Compañía de Vinos Miguel Martín avait également présenté des factures se rapportant notamment à l’achat de dépliants, d’affiches publicitaires et de carton ondulé portant la marque antérieure, témoignant des différentes étapes de la commercialisation des produits portant cette marque.

66      Par conséquent, la chambre de recours a pu considérer, à juste titre, que Compañía de Vinos Miguel Martín avait apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure au sens de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009.

67      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’arrêt du 13 décembre 2016, Sovena Portugal – Consumer Goods/EUIPO – Mueloliva (FONTOLIVA) (T‑24/16, EU:T:2016:726), cité par la requérante. En effet, il suffit de relever que, dans cette affaire, les factures présentées en vue de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure se rapportaient à une période inférieure à un an et étaient toutes adressées, à l’exception d’une seule d’entre elles, au même grossiste, de sorte que, à la différence de la présente affaire, le faible volume des ventes des produits en cause ne pouvait être compensé par les autres facteurs pertinents.

68      Enfin, il importe de relever que la requérante critique à plusieurs reprises, dans le cadre de son premier moyen (voir points 30, 31 et 33 de la requête), le caractère inexistant ou insuffisant des appréciations effectuées par la chambre de recours, sans alléguer expressément une violation de l’obligation de motivation. Toutefois, il convient d’observer, au cas où elle entendrait soulever un tel grief, que, conformément à une jurisprudence constante, la motivation doit permettre aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [voir arrêt du 25 novembre 2014, Simba Toys/OHMI – Seven Towns (Forme d’un cube avec des faces ayant une structure en grille), T‑450/09, EU:T:2014:983, point 137 et jurisprudence citée].

69      En l’espèce, il échet de constater que la décision attaquée présente une analyse claire et précise de l’ensemble des éléments factuels présentés devant la chambre de recours, à commencer par les factures produites. Il ressort d’ailleurs de la requête que la requérante a parfaitement compris le sens des dispositions pertinentes et des critères jurisprudentiels ainsi que la portée des éléments de preuve retenus par la chambre de recours pour évaluer l’usage de la marque antérieure. Dans ces conditions, il convient de considérer que, conformément à la jurisprudence citée au point 68 ci-dessus, la motivation de la chambre de recours a permis à la requérante de connaître les raisons pour lesquelles l’usage avait été considéré comme sérieux et au Tribunal d’exercer son contrôle.

70      Il convient donc, au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, de rejeter le premier moyen du recours.

 Sur le second moyen, tiré de la méconnaissance de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

71      La requérante estime que la chambre de recours a méconnu l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 en considérant que les signes en conflit étaient similaires et que, dès lors, il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

72      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

73      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), dudit règlement, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

74      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

75      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir, par analogie, arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

76      Les parties ne contestent pas la définition du public pertinent retenue par la chambre de recours aux points 49 et 51 de la décision attaquée, selon laquelle les produits en cause visent le grand public espagnol, dont le niveau d’attention sera moyen.

 Sur la comparaison des produits

77      La chambre de recours a relevé que les produits en cause sont identiques (point 55 de la décision attaquée), ce que les parties ne contestent pas.

 Sur la comparaison des signes

78      Selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents, à savoir les aspects visuel, phonétique et conceptuel [voir arrêts du 21 janvier 2016, Rod Leichtmetallräder/OHMI – Rodi TR (ROD), T‑75/15, non publié, EU:T:2016:26, point 25 ; du 28 mars 2017, Regent University/EUIPO – Regent’s College (REGENT UNIVERSITY), T‑538/15, non publié, EU:T:2017:226, point 27, et du 8 novembre 2017, Steiniger/EUIPO – ista Deutschland (IST), T‑80/17, non publié, EU:T:2017:784, point 43].

79      En outre, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails. Par ailleurs, il y a lieu de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire (arrêts du 28 mars 2017, REGENT UNIVERSITY, T‑538/15, non publié, EU:T:2017:226, point 28, et du 8 novembre 2017, IST, T‑80/17, non publié, EU:T:2017:784, point 44).

80      Selon la requérante, dès lors que la chambre de recours n’a considéré comme dominant aucun élément du signe faisant l’objet de la demande de marque, elle ne pouvait citer, au point 65 de la décision attaquée, l’arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN) (T‑6/01, EU:T:2002:261), sans en tirer toutes les conséquences, à savoir qu’une marque complexe et une autre marque, comportant un composant identique ou semblable à la marque complexe, ne peuvent être considérées comme étant similaires que si ledit composant en constitue l’élément dominant (point 33 de l’arrêt).

81      À cet égard, premièrement, il y a lieu d’indiquer que c’est à tort que la requérante considère le signe faisant l’objet de la demande de marque comme portant sur une marque « complexe » (point 42 de la requête), alors qu’il s’agit d’une marque verbale, tout comme la marque antérieure. Or, seule une marque composée d’« éléments de nature différente », par exemple verbaux et figuratifs, peut être qualifiée de marque complexe [voir, à titre d’illustration, arrêts du 20 novembre 2007, Castellani/OHMI – Markant Handels und Service (CASTELLANI), T‑149/06, EU:T:2007:350, point 52, et du 5 novembre 2013, Capitalizaciones Mercantiles/OHMI – Leineweber (X), T‑378/12, non publié, EU:T:2013:574, point 56]. Il en résulte que la requérante n’est pas fondée à invoquer le point 33 de l’arrêt du 23 octobre 2002, MATRATZEN (T‑6/01, EU:T:2002:261), puisque ce point vise spécifiquement les marques complexes.

82      Deuxièmement, il ressort du point 65 de la décision attaquée que la chambre de recours a cité à titre d’exemple jurisprudentiel le point 30 de l’arrêt du 23 octobre 2002, MATRATZEN (T‑6/01, EU:T:2002:261), qui, lui, porte sur les critères de la comparaison des marques en général, c’est-à-dire quelle que soit la nature de ces dernières, complexe ou non, après avoir précisé, au point 62 de cette même décision, que, compte tenu de la nature exclusivement verbale des marques en conflit, aucun de leurs éléments n’était considéré comme dominant. Ces appréciations ne sont donc nullement contradictoires et ne sauraient fonder l’assertion de la requérante reprise au point 80 ci-dessus.

–       S’agissant de la comparaison visuelle

83      La requérante conteste l’existence d’un degré élevé de similitude visuelle entre les signes en conflit, alors que celui faisant l’objet de la demande de marque comporte un terme additionnel par rapport à la marque antérieure, à savoir « viña », situé en tête. Il existerait tout au plus une « certaine » similitude visuelle entre les signes en conflit.

84      À cet égard, il convient de relever que la chambre de recours a constaté à juste titre que l’intégralité de la marque antérieure, «ALARDE», était incluse dans le signe faisant l’objet de la demande de marque, VIÑA ALARDE (point 64 de la décision attaquée), exception faite des guillemets, présents seulement dans la marque antérieure, ce qui constitue une différence visuelle entre les signes en conflit, comme l’a également relevé pertinemment la chambre de recours (points 60 et 64 de la décision attaquée).

85      Il est de surcroît exact, ainsi que cela est indiqué au point 63 de la décision attaquée, que, au regard des produits en cause, à savoir les boissons alcoolisées autres que la bière, le terme « alarde » présente un caractère distinctif supérieur au terme « viña », dont le caractère distinctif est faible dans la mesure où il possède une connotation descriptive pour les produits en question (« vigne ») [voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2017, Alma-The Soul of Italian Wine/EUIPO – Miguel Torres (SOTTO IL SOLE ITALIANO SOTTO il SOLE), T‑637/15, EU:T:2017:371, point 58].

86      Par conséquent, le consommateur moyen achetant les produits en cause, notamment du vin, et voyant le mot « vigne » en début de marque, comme dans le signe faisant l’objet de la demande de marque, va immédiatement focaliser son attention sur la suite dudit signe, puisque le premier élément n’est guère susceptible de permettre une différenciation d’avec d’autres marques. Il en va également ainsi, par exemple, du terme « château », considéré comme descriptif par une partie substantielle du public consommant les produits en cause, de sorte que l’attention dudit public portera sur le mot fantaisiste [voir, en ce sens, arrêt du 2 février 2016, Antica Azienda Agricola Vitivinicola Dei Conti Leone De Castris/OHMI – Vicente Gandía Pla (ILLIRIA), T‑541/14, non publié, EU:T:2016:51, point 39]. De façon générale, il y a lieu de rappeler que les consommateurs sont habitués à désigner et à reconnaître les vins en fonction de l’élément verbal qui sert à les identifier, que cet élément désigne notamment le récoltant ou la propriété sur laquelle le vin est produit [arrêts du 13 juillet 2005, Murúa Entrena/OHMI – Bodegas Murúa (Julián Murúa Entrena), T‑40/03, EU:T:2005:285, point 56 ; du 27 février 2014, Pêra-Grave/OHMI – Fundação Eugénio de Almeida (QTA S. JOSÉ DE PERAMANCA), T‑602/11, non publié, EU:T:2014:97, point 35, et du 11 juillet 2018, Enoitalia/EUIPO – La Rural Viñedos y Bodegas (ANTONIO RUBINI), T‑707/16, non publié, EU:T:2018:424, point 49]. Cette identification se fera ici par l’élément « alarde », commun aux signes en conflit.

87      Ainsi que le rappelle le juge de l’Union, si, s’agissant d’une marque contenant des éléments verbaux, le consommateur prête généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin [voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, Monster Energy/OHMI – Balaguer (icexpresso + energy coffee), T‑61/14, non publié, EU:T:2015:750, point 45 et jurisprudence citée], une telle considération ne saurait valoir dans tous les cas [voir arrêt du 16 mai 2007, Trek Bicycle/OHMI – Audi (ALLTREK), T‑158/05, non publié, EU:T:2007:143, point 70 et jurisprudence citée].

88      En tout état de cause, le fait que le premier élément du signe faisant l’objet de la demande de marque est l’élément le distinguant de la marque antérieure ne saurait remettre en cause l’application du principe selon lequel l’examen de la similitude des signes doit prendre en compte l’impression d’ensemble produite par ces signes [voir arrêt du 8 septembre 2010, Quinta do Portal/OHMI – Vallegre (PORTO ALLEGRE), T‑369/09, non publié, EU:T:2010:362, point 22 et jurisprudence citée]. Or, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que les signes diffèrent du fait du terme « viña », constituant le premier élément du signe faisant l’objet de la demande de marque, n’est pas suffisant pour neutraliser toute la similitude visuelle produite par le terme de six lettres « alarde », constituant le second élément dudit signe et correspondant à la marque antérieure dans son intégralité [voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2010, PORTO ALLEGRE, T‑369/09, non publié, EU:T:2010:362, point 26, et du 20 octobre 2016, Clover Canyon/EUIPO – Kaipa Sportswear (CLOVER CANYON), T‑693/15, non publié, EU:T:2016:620, point 32].

89      C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a conclu à un degré élevé de similitude visuelle, la simple présence, d’une part, de guillemets dans la marque antérieure et, d’autre part, du terme « viña » dans le signe faisant l’objet de la demande de marque ne suffisant pas à atténuer cette similitude élevée.

–       S’agissant de la comparaison phonétique

90      S’agissant de la comparaison phonétique des signes en conflit, la requérante se borne à soutenir que la similitude de ces derniers est très faible du fait de la présence du terme « viña » dans le signe faisant l’objet de la demande de marque.

91      Cet argument ne saurait prospérer. En effet, la chambre de recours a pertinemment fait valoir que, bien que les marques se prononçassent en un nombre de syllabes différent (« a lar de » pour la marque antérieure et « vi ña a lar de » pour le signe faisant l’objet de la demande de marque), il ressortait d’une jurisprudence constante que, si la marque antérieure est entièrement contenue dans ledit signe, il existe une similitude phonétique (point 67 de la décision attaquée). Au surplus, il y a lieu d’observer que, compte tenu du contexte de commercialisation des produits en cause (par exemple supermarchés ou cavistes), la seule prononciation du mot « viña » demeurera sans grand effet, le mot « alarde » retenant principalement l’attention du distributeur ou du consommateur. Il échet donc de relever, à l’instar de la chambre de recours, qu’il existe également un degré élevé de similitude des signes en conflit sur le plan phonétique.

–       S’agissant de la comparaison conceptuelle

92      S’agissant de la comparaison conceptuelle des signes en conflit, la chambre de recours a indiqué que leur élément commun, « alarde », serait perçu comme « le fait de faire ostentation ou étalage de quelque chose », tandis que le mot « viña » évoquerait un « terrain où sont plantées de nombreuses vignes », de sorte que les signes en conflit seraient associés à une signification partiellement identique, les rendant ainsi similaires à un degré élevé sur le plan conceptuel (point 68 de la décision attaquée).

93      La requérante ne conteste pas la signification du terme « alarde » retenue par la chambre de recours, mais se borne à indiquer que la marque antérieure « ne se réfère aucunement à des vins » (point 42 de la requête).

94      Toutefois, la conclusion de la chambre de recours, en ce qui concerne la comparaison conceptuelle des signes en conflit, est fondée sur le sens identique du terme qui leur est commun. C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a conclu à un degré élevé de similitude conceptuelle.

95      Les signes en conflit sont donc similaires à un degré élevé.

 Sur le risque de confusion

96      La chambre de recours a considéré que, étant donné que les produits étaient identiques et que les signes en conflit présentaient un degré élevé de similitude, il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent (point 75 de la décision attaquée). Il convient de confirmer en tous points cette conclusion.

97      La requérante cite toutefois trois marques antérieures, énumérées ci-après, dont elle serait le titulaire et dont la date de priorité serait antérieure à celle de la marque antérieure en cause, en faisant valoir que la chambre de recours a méconnu sa pratique décisionnelle antérieure et que ces marques ont coexisté pacifiquement avec la marque antérieure en cause. Il s’agit des marques suivantes :

–        la marque de l’Union européenne BERBERANA Viña Alarde, enregistrée sous le numéro 1523778 pour les classes 32 et 39 ;

–        la marque de l’Union européenne Viña Alarde COSECHA DE LA FAMILIA BERBERANA, enregistrée sous le numéro 2196350 pour les classes 32, 33 et 35 ;

–        la marque de l’Union européenne BERBERANA VIÑA ALARDE, enregistrée sous le numéro 9978537 pour les classes 32, 33 et 35.

98      S’agissant, premièrement, des marques mentionnées aux deux premiers tirets du point précédent, il suffit de constater que celles-ci n’étaient pas en vigueur lorsque l’EUIPO a été saisi de l’opposition le 29 janvier 2015, ainsi que l’a constaté la chambre de recours au point 77 de la décision attaquée et ce que les parties ont confirmé lors de l’audience. 

99      S’agissant, secondement, de la marque mentionnée au troisième tiret du point 97 ci-dessus, seule en vigueur au moment du dépôt de l’opposition, il suffit de relever, à l’instar de l’EUIPO, que celle-ci, à la différence du signe faisant l’objet de la demande de marque, comporte l’élément verbal « berberana », dépourvu de signification immédiate. Or, au vu de la jurisprudence citée au point 86 ci-dessus, un nom qui se rapporte au domaine concerné, ou est susceptible de l’identifier, est très important dans la perception qu’en aura le consommateur moyen des produits en cause. L’enregistrement de la marque BERBERANA VIÑA ALARDE, celle-ci étant substantiellement différente du signe faisant l’objet de la demande de marque, ne saurait donc indiquer une quelconque coexistence pacifique entre ce signe et la marque antérieure en cause dans la présente affaire, ni, a fortiori, une méconnaissance, par l’EUIPO, de sa pratique décisionnelle antérieure.

100    Il y a donc lieu de conclure que la chambre de recours a procédé à une exacte application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et, partant, de rejeter le second moyen du recours.

101    Par suite, au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

102    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      United Wineries, SA est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Marcoulli

Kornezov

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 avril 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.