Language of document : ECLI:EU:T:2014:313

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

23 mai 2014(*)

« Intervention – Intérêt à la solution du litige – Article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal – Demande de participation à la procédure écrite – Demande de confidentialité »

Dans l’affaire T‑242/12,

Société nationale des chemins de fer français (SNCF), établie à Paris (France), représentée par Mes P. Beurier, O. Billard et V. Landes, avocats,

partie requérante,

soutenue par

République française, représentée initialement par MM. D. Colas et J. Gstalter, puis par MM. Colas et J. Rossi et enfin par M. Colas et Mme J. Bousin, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. T. Maxian Rusche et B. Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2012/398/UE de la Commission, du 9 mars 2012, concernant l’aide d’État SA. 12522 (C 37/08) – France – Application de la décision « Sernam 2 » (JO L 195, p. 19),


LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Le 9 mars 2012, la Commission européenne a adopté la décision 2012/398/UE, concernant l’aide d’État SA. 12522 (C 37/08) – France – Application de la décision « Sernam 2 » (JO L 195, p. 19, ci-après la « décision attaquée »).

2        Dans la décision attaquée, la Commission a notamment considéré que les aides d’État d’un montant de 503 millions d’euros octroyées par la République française à Sernam SCS (devenue Sernam SA) et approuvées par elle dans sa décision 2006/367/CE, du 20 octobre 2004, concernant l’aide d’État partiellement mise à exécution par la France en faveur de l’entreprise « Sernam » (JO 2006 L 140, p. 1, ci-après la « décision Sernam 2 »), avaient été mises en œuvre de manière abusive. Elle a également considéré que Sernam SA avait bénéficié de diverses aides d’État incompatibles avec le marché intérieur et que ces aides d’État avaient également bénéficié à la société Sernam Xpress, ainsi qu’à la société Financière Sernam et à ses filiales, Sernam Services et Aster (ci-après, toutes ces sociétés prises ensemble, le « groupe Sernam »). À l’article 2 de la décision attaquée, la Commission a ordonné à la République française de récupérer les aides en question auprès de la Financière Sernam et de ses filiales, Sernam Services et Aster.

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juin 2012, la requérante, la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), a introduit un recours visant à l’annulation de la décision attaquée.

4        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 octobre 2012, la République française a demandé à intervenir dans cette affaire au soutien de la requérante. Par ordonnance du 26 novembre 2012, le président de la sixième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La République française a déposé le mémoire en intervention le 11 février 2013 et la requérante et la Commission ont déposé des observations sur celui-ci dans les délais impartis.

5        La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée le 2 octobre 2013.

6        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 novembre 2013, les sociétés Mory SA, Mory Team et Superga Invest ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission.

7        Cette demande d’intervention a été signifiée aux parties conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

8        Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 29 janvier 2014, la requérante a soulevé des objections à l’encontre de cette demande en intervention.

9        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 janvier 2014, la requérante a également demandé le traitement confidentiel de certains éléments et passages des actes de la procédure, dans l’hypothèse où la requête des demanderesses en intervention d’accéder à l’ensemble des actes de procédure serait exceptionnellement acceptée. La requérante a produit à cet effet une version non-confidentielle des actes de procédure en cause.

10      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 janvier 2014, la Commission a également présenté des observations sur la demande en intervention, tout en indiquant qu’il n’était pas exclu qu’un des motifs invoqués par les demanderesses en intervention puisse justifier leur intervention et s’en est remise sur ce point à l’appréciation du Tribunal.

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 janvier 2014, la République française a fait savoir qu’elle n’avait pas d’observations à formuler sur la demande en intervention.

12      Le président de la septième chambre a déféré la présente demande d’intervention au Tribunal (septième chambre), en vertu de l’article 116, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement de procédure.

 En droit

13      Conformément à l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige soumis au Tribunal, à l’exception des litiges entre États membres, entre institutions de l’Union ou entre États membres, d’une part, et institutions de l’Union, d’autre part, peut intervenir audit litige.

14      La notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de cette disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes et non comme un intérêt par rapport aux moyens et aux arguments soulevés. En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt (ordonnance de la Cour du 15 novembre 1993, Scaramuzza/Commission, C‑76/93 P, Rec. p. I‑5715, point 9, et ordonnance du président de la Cour du 17 juin 1997, National Power et PowerGen, C‑151/97 P(I) et C‑157/97 P(I), Rec. p. I‑3491, point 57).

15      Il convient, notamment, de vérifier que l’intervenant est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain (voir ordonnance du Tribunal du 25 février 2003, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑213, point 26, et la jurisprudence citée).

16      En l’espèce, les trois demanderesses en intervention font valoir notamment qu’elles ont participé, comme plaignantes, à la procédure qui a conduit à l’adoption de la décision attaquée et qu’elles ont été des concurrentes directes du groupe Sernam, bénéficiaire d’un ensemble d’aides d’État illégales et incompatibles avec le marché intérieur. Elles font également valoir un intérêt lié au recours en indemnités qu’elles ont introduit le 7 mai 2013 devant le tribunal de commerce de Paris en réparation des préjudices prétendument subis du fait desdites aides d’État.

17      En matière d’intervention, il résulte d’une jurisprudence constante qu’une entreprise qui se trouve en situation de concurrence avec le bénéficiaire d’une aide d’État justifie d’un intérêt à la solution d’un litige qui concerne cette aide (voir ordonnance du Tribunal du 17 novembre 1995, Salt Union/Commission, T‑330/94, Rec. p. II‑2881, point 17, et la jurisprudence citée ; ordonnances du président de la sixième chambre du Tribunal du 6 juin 2008, Olympiaki Aeroporo Ypiresies/Commission, T‑423/05, non publiée au Recueil, point 19, et Olympiakes Aerogrammes/Commission, T‑416/05, non publiée au Recueil, point 24).

18      Par ailleurs, en matière d’aides d’État, une intervenante, dont l’intérêt direct et actuel à la solution du litige a été reconnu au motif que, d’une part, elle s’était trouvée en situation de concurrence avec les bénéficiaires des aides visées dans la décision attaquée et, d’autre part, qu’elle avait activement participé à la procédure formelle d’examen ayant conduit à l’adoption de la décision constatant l’incompatibilité de ces aides avec le marché intérieur, qui lui est favorable, conserve un intérêt direct et actuel à la solution du litige, au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour, aussi longtemps que les bénéficiaires de l’aide se voient reconnaître, même après leur mise en liquidation, un intérêt à demander l’annulation de la décision attaquée. En effet, l’intervenante conserve un intérêt corrélatif à intervenir au soutien de la Commission pour défendre la légalité de cette décision, ne serait-ce qu’aux fins d’adresser des demandes indemnitaires, suivies d’éventuels recours, fondées sur l’octroi illégal, pendant la période concurrentielle susmentionnée, d’aides qui lui ont porté préjudice (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal, du 13 septembre 2010, Grèce e.a./Commission, T‑415/05, T‑416/05 et T‑423/05, Rec. p. II‑4749, point 64).

 Sur la demande d’intervention de Mory SA et de Mory Team 

19      Concernant Mory SA et Mory Team, en premier lieu, la Commission reconnaît qu’elles ont été membres de l’Honorable association de logisticiens et de transporteurs européens (HALTE), qui s’est plainte auprès d’elle, à partir de 2005, des aides d’État reçues par le groupe Sernam. Elle reconnaît également que aussi bien l’HALTE que Mory SA et Mory Team agissant directement ont suivi attentivement la procédure administrative qui a conduit à l’adoption de la décision attaquée et sont intervenues à de nombreuses reprises pour défendre leurs intérêts. Il s’ensuit qu’il n’est pas contesté que Mory SA et Mory Team ont été plaignantes et parties intéressées à la procédure administrative ayant mené à la décision attaquée.

20      En deuxième lieu, il n’est pas contesté que Mory SA et Mory Team, appartenant au groupe Mory et actives dans le secteur de la messagerie traditionnelle et de la messagerie express, étaient des concurrentes directes du groupe Sernam, qui a bénéficié des aides d’État jugées incompatibles avec le marché intérieur par la Commission dans la décision attaquée, dont la récupération a été ordonnée.

21      Dès lors, Mory SA et Mory Team ont prouvé à suffisance de droit leur intérêt direct et actuel à soutenir les conclusions de la Commission tendant au maintien de la décision attaquée, qui leur est favorable.

22      Dans leurs observations, la requérante et la Commission soulignent que, si Mory SA et Mory Team ont effectivement été, par le passé, concurrentes du groupe Sernam, elles sont désormais en faillite et ne sont donc plus guère concurrentes de ce groupe, leur survie juridique étant uniquement liée aux opérations de liquidation.

23      Il convient d’observer que Mory SA et Mory Team ont été placées en redressement judiciaire le 27 juin 2011 et mises en liquidation judiciaire le 10 juillet 2012.

24      Cependant, d’une part, une relation de concurrence ayant existé entre Mory SA et Mory Team et le bénéficiaire des aides d’État en cause et, d’autre part, Mory SA et Mory Team ayant participé à la procédure d’adoption de la décision constatant l’incompatibilité de ces aides d’État avec le marché intérieur, qui leur est favorable, elles conservent un intérêt à intervenir au soutien de la Commission pour défendre la légalité de cette décision, ne serait-ce qu’aux fins d’adresser des demandes indemnitaires, suivies d’éventuels recours, fondées sur l’octroi illégal, pendant la période concurrentielle susmentionnée, d’aides qui leur ont porté préjudice, et cela bien que la relation de concurrence ait été interrompue à la suite d’une liquidation, conformément à la solution retenue dans l’arrêt Grèce e.a./Commission, point 18 supra.

25      Il convient également de relever que, en l’espèce, les aides visées par la décision attaquée ont été versées antérieurement à la liquidation judiciaire de Mory SA et de Mory Team et ont donc pu affecter leur situation concurrentielle.

26      Il n’est pas non plus contesté que Mory SA et Mory Team ont effectivement introduit, le 7 mai 2013, devant le tribunal de commerce de Paris, un recours en indemnités fondé sur l’octroi illégal, pendant la période où elles étaient en concurrence avec leurs bénéficiaires, des aides d’État déclarées incompatibles avec le marché intérieur par la décision attaquée.

27      Il ressort de ce qui précède que Mory SA et Mory Team ont démontré qu’elles ont conservé leur intérêt à la solution du litige.

28      Partant, les arguments de la requérante et de la Commission selon lesquels la seule participation à la procédure administrative ne serait pas suffisante pour démontrer un intérêt à la solution du litige, ou encore les arguments de la requérante selon lesquels, d’une part, l’existence du recours en indemnités introduit devant le tribunal de commerce de Paris n’aurait pas été retenue par le Tribunal dans son ordonnance du 11 novembre 2013, Mory e.a./Commission (T‑545/12, non publiée au Recueil) afin de qualifier un intérêt à agir en annulation de la décision de la Commission du 4 avril 2012 concernant l’aide d’État SA.34547 (12/N) – France – Reprise des actifs du groupe Sernam dans le cadre de son redressement judiciaire (JO C 305, p. 10), et, d’autre part, ce recours en indemnités serait tardif, sont inopérants.

29      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que Mory SA et Mory Team ont exposé, à suffisance de droit, les raisons justifiant leur intérêt à la solution du litige, sans qu’il soit nécessaire d’examiner leurs autres arguments. Il y a donc lieu de les admettre à intervenir, conformément à l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour.

 Sur la demande d’intervention de Superga Invest 

30      Concernant Superga Invest, présentée dans la demande en intervention comme étant l’actionnaire principal, notamment, de Mory SA, celle-ci invoque, sans faire valoir un intérêt particulier, les mêmes motifs à intervenir que Mory SA et Mory Team.

31      Dans la mesure où il ressort du dossier que Superga Invest n’était pas concurrente de l’entreprise bénéficiaire des aides d’État et n’a pas déposé de plainte, ni pris part à la procédure administrative menant à la décision attaquée, elle n’a pas démontré un intérêt direct et actuel au maintien de la décision attaquée.

32      Le seul fait que Superga Invest ait introduit un recours en indemnités devant le tribunal de commerce aux côtés de Mory SA et de Mory Team afin d’obtenir réparation du préjudice causé par les aides d’État visées dans la décision attaquée ne saurait suffire à caractériser un intérêt direct et actuel à la solution du litige.

33      Superga Invest fait également valoir un intérêt à la solution du litige au motif qu’elle a introduit, avec Mory SA et Mory Team, un recours en annulation contre la décision du 4 avril 2012 mentionnée au point 28 supra, enregistré sous la référence T‑545/12, dont la solution dépendrait selon elle du sort de la décision attaquée.

34      Il convient de constater que cet argument n’est pas suffisant, en tant que tel, pour lui procurer un intérêt direct au maintien de la décision attaquée. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la notion d’intérêt à la solution du litige doit se définir au regard de l’objet même du litige (voir point 14 ci-dessus).

35      Par ailleurs, comme le font remarquer à bon droit la requérante et la Commission, ce recours a été déclaré irrecevable par le Tribunal dans son ordonnance Mory e.a./Commission, point 28 supra.

36      Superga Invest fait également valoir un intérêt lié au fait que les sociétés du groupe Mory ont, le 25 avril 2007, introduit un recours devant le tribunal administratif de Paris contre un prétendu refus du ministre de l’économie d’ordonner le remboursement à l’État des 41 millions d’euros d’aides déclarées incompatibles avec le marché intérieur dans la décision Sernam 2, ainsi que d’un ensemble d’aides versées à Sernam à l’occasion de sa cession (aides dont le caractère incompatible avec le marché intérieur aurait été confirmé par la décision attaquée).

37      Il ressort du dossier que Superga Invest n’était pas partie à cette procédure et que, au surplus, celle-ci ne visait pas une indemnisation du préjudice causé, mais la récupération par l’État d’une partie des aides d’État octroyées au groupe Sernam.

38      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence qu’il convient d’établir une distinction entre les demandeurs en intervention justifiant d’un intérêt direct au sort réservé à l’acte spécifique dont l’annulation est demandée et ceux qui ne justifient que d’un intérêt indirect à la solution du litige, en raison de similarités entre leur situation et celle d’une des parties (voir ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 11 septembre 2006, UPC France/Commission, T‑367/05, non publiée au Recueil, point 12, et la jurisprudence citée). Dans le cas contraire, toute personne affectée de manière indéfinie par un litige pourrait justifier d’un intérêt à la solution. Un tel résultat ne serait pas conforme aux exigences d’économie de procédure (voir ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 11 septembre 2006, UPC France/Commission, T‑367/05, non publiée au Recueil, point 12, et la jurisprudence citée).

39      Ainsi, dans l’hypothèse où Superga Invest prétendrait également faire valoir un intérêt à la solution du litige en sa qualité d’actionnaire de Mory SA, il y a lieu de relever que cette seule qualité ne suffit pas à démontrer un intérêt direct et actuel à la solution du litige (voir, en ce sens, ordonnance UPC France/Commission, point 38 supra, point 15).

40      Partant, la demande en intervention de Superga Invest doit être rejetée.

 Sur les droits procéduraux des intervenants

41      L’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit que la demande d’intervention doit être présentée au plus tard soit avant l’expiration d’un délai de six semaines qui prend cours à la publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis relatif à l’introduction du recours, soit, sous réserve de l’article 116, paragraphe 6 de ce règlement, avant la décision d’ouvrir la procédure orale.

42      L’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure prévoit que, si la demande d’intervention a été présentée après l’expiration du délai de six semaines précité, l’intervenant peut, sur la base du rapport d’audience qui lui est communiqué, présenter ses observations lors de la procédure orale.

43      Il résulte de ces dispositions que les droits procéduraux de l’intervenant sont différents selon que celui-ci a présenté sa demande d’intervention avant l’expiration du délai de six semaines prévu à l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure ou après l’expiration de ce délai, mais avant la décision d’ouvrir la procédure orale. En effet, lorsque l’intervenant a présenté sa demande avant l’expiration de ce délai, il est en droit de participer tant à la procédure écrite qu’à la procédure orale, de recevoir communication des actes de procédure et de présenter un mémoire en intervention. En revanche, lorsque l’intervenant a présenté sa demande après l’expiration dudit délai, il est uniquement en droit de participer à la procédure orale, de recevoir communication du rapport d’audience et de présenter ses observations sur la base de celui-ci lors de l’audience (arrêt de la Cour du 26 mars 2009, SELEX Sistemi Integrati/Commission, C‑113/07 P, Rec. p. I‑2207, point 36, et ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 28 avril 2005, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑1491, points 39 à 41).

44      Ces dispositions présentant un caractère impératif, elles ne sont à la disposition ni des parties ni même du juge (voir ordonnance Microsoft/Commission, point 43 supra, point 42, et la jurisprudence citée).

45      En l’espèce, la communication au Journal officiel visée à l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure a été publiée le 8 septembre 2012 (JO C 273, p. 11). La demande d’intervention examinée en l’espèce a été déposée au greffe du Tribunal le 25 novembre 2013, soit plus de quatorze mois après ladite publication. Il est donc manifeste qu’elle a été présentée après l’expiration du délai de six semaines prévu par l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure, majoré du délai de distance de dix jours prévu par l’article 102, paragraphe 2, dudit règlement.

46      Dès lors, Mory SA et Mory Team ne peuvent prétendre qu’aux droits procéduraux prévus par l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure.

47      Mory SA et Mory Team demandent toutefois à être relevées, à titre exceptionnel, du délai de forclusion de six semaines prévu par l’article 115, paragraphe 1 du règlement de procédure. Sans invoquer explicitement l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure permettant de déroger au délai en cause sur la base de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour, elles avancent divers arguments visant à justifier le non-respect de ce délai.

48      Mory SA et Mory Team invoquent le fait que leurs liquidateurs judiciaires ont été désignés le 10 juillet 2012, que le déroulement des opérations de liquidation dans les mois qui ont suivi cette désignation, puis la nécessité d’obtenir les autorisations nécessaires du juge-commissaire pour organiser les actions judiciaires les plus urgentes, ne leur ont pas laissé la possibilité de former une demande d’intervention dans les délais prescrits. Elles invoquent également le délai nécessaire aux liquidateurs judiciaires pour prendre connaissance de l’ensemble des aspects de cette affaire longue et de la complexité des faits impliqués dans le présent recours et dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Mory e.a./Commission, point 28 supra. Mory SA et Mory Team demandent, en outre, que le Tribunal prenne en considération la supposée connexité de ces deux affaires, ainsi que leur impact commun sur deux procédures judiciaires qu’elles ont engagées devant les juridictions françaises. Elles invoquent enfin un prétendu souci de symétrie dans le respect des droits des parties et des intervenants dans les deux procédures qui ont été introduites devant le Tribunal.

49      La requérante et la Commission soulèvent des objections à l’encontre de cette demande.

50      Selon une jurisprudence constante, il ne peut être dérogé à l’application de la réglementation de l’Union concernant les délais de procédure que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, de cas fortuit ou de force majeure, conformément à l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour, étant donné que l’application stricte de ces règles répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir ordonnance de la Cour du 16 novembre 2010, Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission, C‑73/10 P, Rec. p. I‑11535, point 41, et la jurisprudence citée).

51      L’article 45, second alinéa, du statut de la Cour, qui doit donc être interprété strictement, s’applique aux délais de procédure à caractère impératif dont l’expiration entraîne la déchéance du droit jusqu’alors ouvert à une personne physique ou morale d’introduire un recours ou de présenter une demande d’intervention (voir ordonnance, Microsoft/Commission, point 43 supra, point 48, et la jurisprudence citée).

52      Pour autant que l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour s’applique également au délai de six semaines prévu par l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure, dont l’expiration entraîne non pas la déchéance du droit de présenter une demande d’intervention, mais, comme en l’espèce, la limitation des droits procéduraux conférés à l’intervenant, il est de jurisprudence constante que ce n’est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, de cas fortuit ou de force majeure, que cet article permet de déroger aux dispositions relatives aux délais de procédure (voir ordonnance Microsoft/Commission, point 43 supra, point 49, et la jurisprudence citée).

53      Les notions de cas fortuit et de force majeure comportent, d’une part, un élément objectif, tenant à l’existence d’un événement anormal et étranger à la volonté de l’intéressé et, d’autre part, un élément subjectif, tenant à l’obligation, pour l’intéressé, de se prémunir contre les conséquences de cet événement en prenant des mesures appropriées et, en particulier, en surveillant le déroulement de la procédure et en faisant preuve de diligence (voir ordonnance Microsoft/Commission, point 43 supra, point 50, et la jurisprudence citée).

54      Il résulte en effet de la jurisprudence que l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure, au sens du statut de la Cour, exige la présence de difficultés anormales, indépendantes de la volonté de la partie concernée et apparaissant inévitables, alors même que toutes les diligences auraient été mises en œuvre. Ni la complexité des procédures ni les lenteurs des communications internes ne constituent de telles circonstances. En particulier, une partie ne saurait se prévaloir à cet égard d’un dysfonctionnement de ses propres services (voir ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 14 mai 1996, Area Cova e.a./Conseil, T‑194/95 INTV II, Rec. p. II‑343, point 6, et la jurisprudence citée).

55      En l’espèce, il convient de constater que Mory SA et Mory Team n’avancent aucun élément permettant d’établir l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure.

56      En effet la liquidation judiciaire, certes étrangère à leur volonté, n’est pas un évènement anormal. Par ailleurs, les liquidateurs judiciaires ont été nommés avant la publication de l’avis relatif à l’introduction du présent recours au Journal officiel et ils avaient l’obligation de surveiller le déroulement de la procédure.

57      Au surplus, la requérante souligne, à bon droit, qu’avant d’être désignés liquidateurs judiciaires, ces personnes avaient été désignées mandataires judiciaires dans la même procédure dès le 27 juin 2011, ce qui leur a laissé amplement le temps de prendre connaissance de la procédure, aussi complexe soit-elle. En outre, la requérante observe à juste titre que les liquidateurs judiciaires ont eu le temps de déposer, le 17 décembre 2012, le recours dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Mory e.a./Commission, point 28 supra, alors que la rédaction d’une demande en intervention requiert moins d’efforts.

58      En ce qui concerne les autres circonstances invoquées par les demanderesses en intervention, elles ne sauraient excuser le non-respect du délai de six semaines mentionné à l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure, ni justifier une dérogation à ce délai.

59      Il y a donc lieu de considérer que Mory SA et Mory Team n’ont pas établi, en l’espèce, l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure permettant de déroger au délai prévu par l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure, sur la base de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour.

60      La demande de Mory SA et de Mory Team de se voir relevées du délai de forclusion de six semaines prévu à l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure doit, par conséquent, être rejetée.

61      Il résulte de ce qui précède que les droits des intervenantes seront ceux prévus par l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure.

 Sur la demande de traitement confidentiel

62      Eu égard à tout ce qui précède, il convient de réserver la décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel introduite par la requérante, étant donné que cette demande est susceptible d’avoir une incidence sur le contenu du rapport d’audience devant être communiqué à Mory SA et à Mory Team. Dès lors, la requérante doit, d’abord, avoir l’occasion d’identifier les éventuels éléments confidentiels contenus dans ledit rapport et Mory SA et Mory Team doivent, ensuite, avoir l’occasion de présenter leurs observations à cet égard.

 Sur les dépens

63      L’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit qu’il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance.

64      À ce stade de l’instance, les dépens doivent donc être réservés.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Mory SA et Mory Team sont admises à intervenir dans l’affaire T‑242/12 au soutien des conclusions de la Commission européenne.

2)      La demande d’intervention de Superga Invest est rejetée.

3)      Mory SA et Mory Team pourront présenter leurs observations lors de la procédure orale, sur la base du rapport d’audience qui leur sera communiqué.

4)      Le greffier communiquera à la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) le rapport d’audience afin que celle-ci puisse identifier les éléments qu’elle considère comme étant confidentiels dans ce rapport.

5)      Le greffier communiquera aux parties intervenantes une version provisoire non confidentielle du rapport d’audience et leur fixera un délai pour présenter leurs observations éventuelles sur la demande de traitement confidentiel de la SNCF. La décision sur le bien-fondé de cette demande est réservée.

6)      Le greffier invitera les parties intervenantes à l’audience.

7)      Les dépens sont réservés.


Fait à Luxembourg, le 23 mai 2014.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      M. van der Woude


* Langue de procédure : le français.