Language of document : ECLI:EU:T:2021:242

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

5 mai 2021 (*)

« Droit institutionnel – Statut unique du député européen – Députés européens élus dans des circonscriptions italiennes – Adoption par l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati (office de la présidence de la Chambre des députés, Italie) de la décision no 14/2018, en matière de pensions ‐ Modification du montant des pensions des députés nationaux italiens – Modification corrélative, par le Parlement européen, du montant des pensions de certains anciens députés européens élus en Italie – Droits acquis – Sécurité juridique – Confiance légitime – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑695/19,

Enrico Falqui, demeurant à Florence (Italie), représenté par Mes F. Sorrentino et A. Sandulli, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes S. Seyr et S. Alves, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, premièrement, de la note du 8 juillet 2019 établie par le Parlement et concernant l’adaptation du montant de la pension dont le requérant bénéficie à la suite de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2019, de la décision no 14/2018 de l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati, deuxièmement, de la note du 11 avril 2019 établie par le chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la direction générale des finances du Parlement concernant l’application des pensions dont il bénéficie à la suite de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2019, de la décision no 14/2018 de l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati et, troisièmement, de l’avis SJ-0836/18 du service juridique du Parlement, du 11 janvier 2019,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents, C. Mac Eochaidh (rapporteur), Mme T. Pynnä et M. J. Laitenberger, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 7 juillet 2020,

rend le présent

Arrêt

I.      Cadre juridique

A.      Le droit de l’Union européenne

1        La réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen (ci-après la « réglementation FID ») dans sa version en vigueur jusqu’au 14 juillet 2009 prévoyait à son annexe III (ci-après l’« annexe III »), notamment :

« Article premier

1. Tous les membres du Parlement européen ont le droit de bénéficier d’une pension de retraite.

2. En attendant l’instauration d’un régime communautaire de pension définitif pour tous les membres du Parlement européen, et au cas où le régime national ne prévoit pas de pension, ou au cas où le niveau et/ou les modalités de la pension prévue ne sont pas identiques à ceux applicables pour les membres du parlement national de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu, une pension de retraite provisoire est payée, sur demande du membre concerné, sur le budget de l’Union européenne, section Parlement.

Article 2

1. Le niveau et les modalités de la pension provisoire sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre basse de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu.

2. Tout membre bénéficiant des dispositions de l’article 1er, paragraphe 2, est tenu, en adhérant à ce régime, de verser au budget de l’Union européenne une cotisation qui est calculée d’une manière telle qu’il paie au total la même contribution que paie un membre de la Chambre basse de l’État membre où il a été élu, en vertu des dispositions nationales.

Article 3

1. La demande d’adhésion au présent régime de pension provisoire doit être introduite dans un délai de douze mois à compter du début du mandat de l’intéressé.

Passé ce délai, la date d’effet de l’adhésion au régime de pension est fixée au premier du mois de la réception de la demande.

2. La demande de liquidation de la pension doit être introduite dans un délai de six mois suivant la naissance du droit.

Passé ce délai, la date d’effet du bénéfice de la pension est fixée au premier du mois de la réception de la demande.

[…] »

2        Le statut des députés au Parlement européen a été adopté par la décision 2005/684/CE, Euratom du Parlement, du 28 septembre 2005, portant adoption du statut des députés au Parlement (JO 2005, L 262, p. 1, ci-après le « statut des députés »), et est entré en vigueur le 14 juillet 2009, premier jour de la septième législature.

3        L’article 25 du statut des députés dispose :

« 1. Les députés qui faisaient déjà partie du Parlement avant l’entrée en vigueur du statut et ont été réélus peuvent opter, s’agissant de l’indemnité, de l’indemnité transitoire et des diverses pensions, pour toute la durée de leur activité, en faveur du régime national actuel.

2. Ces versements sont à la charge du budget de l’État membre.

[…] »

4        L’article 28 du statut des députés prévoit :

« 1. Tout droit à pension qu’un député a acquis en vertu des régimes nationaux au jour de l’application du présent statut est entièrement maintenu.

[…] »

5        Par décision des 19 mai et 9 juillet 2008, le bureau du Parlement a adopté les mesures d’application du statut des députés (JO 2009, C 159, p. 1, ci-après les « mesures d’application »).

6        L’article 49 des mesures d’application, relatif aux droits de pension d’ancienneté, prévoit :

« 1. Les députés qui ont exercé leur mandat pendant au moins une année complète ont droit, après la cessation du mandat, à une pension d’ancienneté à vie payable à partir du premier jour du mois suivant celui où ils atteignent l’âge de 63 ans.

L’ancien député ou son représentant légal introduit, sauf en cas de force majeure, la demande de paiement de la pension d’ancienneté dans un délai de six mois suivant la naissance du droit. Passé ce délai, la date d’effet du bénéfice de la pension d’ancienneté est fixée au premier jour du mois de réception de la demande.

[…] »

7        En vertu de leur article 73, les mesures d’application sont entrées en vigueur le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés, à savoir le 14 juillet 2009.

8        L’article 74 des mesures d’application précise que, sous réserve des dispositions transitoires prévues à leur titre IV, et notamment de l’article 75 de ces mêmes mesures d’application (ci-après l’« article 75 »), la réglementation FID expire le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés.

9        L’article 75, relatif notamment aux pensions de retraite, dispose :

« 1. La pension de survie, la pension d’invalidité, la pension d’invalidité supplémentaire accordée pour les enfants à charge et la pension de retraite attribuées en vertu des annexes I, II et III de la réglementation FID continuent d’être versées en application de ces annexes aux personnes qui ont bénéficié de ces prestations avant la date d’entrée en vigueur du statut.

Au cas où un ancien député bénéficiant de la pension d’invalidité décède après le 14 juillet 2009, la pension de survie est versée à son conjoint, son partenaire stable non matrimonial ou son enfant à charge, dans les conditions fixées à l’annexe I de la réglementation FID.

2. Les droits à pension de retraite acquis jusqu’à la date d’entrée en vigueur du statut en application de l’annexe III précitée restent acquis. Les personnes qui ont acquis des droits dans ce régime de pension bénéficient d’une pension calculée sur la base de leurs droits acquis en application de l’annexe III précitée, dès lors qu’elles remplissent les conditions prévues à cet effet par la législation nationale de l’État membre concerné et qu’elles ont déposé la demande visée à l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe III précitée. »

10      Enfin, l’article 75 doit être lu en combinaison avec le considérant 7 de ces mêmes mesures d’application, lequel expose :

« Il importe par ailleurs d’assurer, dans les dispositions transitoires, que les personnes jouissant de certaines prestations accordées sur la base de la réglementation FID puissent continuer à en bénéficier après l’abrogation de cette réglementation, conformément au principe de [protection de la] confiance légitime. Il convient également de garantir le respect des droits à pension acquis sur la base de la réglementation FID avant l’entrée en vigueur du statut. En outre, il est nécessaire de tenir compte du régime spécifique applicable aux députés qui relèveront, pendant une période transitoire et pour ce qui concerne les conditions financières d’exercice du mandat, des systèmes nationaux de leur État membre d’élection, en vertu de l’article 25 ou de l’article 29 du statut. »

B.      Le droit italien

11      Le 12 juillet 2018, l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati (office de la présidence de la Chambre des députés, Italie) a adopté la décision no 14/2018, ayant pour objet une nouvelle fixation du montant des allocations viagères et de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, ainsi que des prestations de réversion, relatives aux années de mandat effectuées jusqu’au 31 décembre 2011 (ci-après la « décision no 14/2018 »).

12      L’article 1er de la décision no 14/2018 prévoit :

« 1. À compter du 1er janvier 2019, les montants des allocations viagères, directes et de réversion, et de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, directes et de réversion, dont les droits ont été acquis sur la base de la réglementation en vigueur au 31 décembre 2011, sont calculés suivant les nouvelles modalités prévues par la présente décision.

2. Le nouveau calcul visé au paragraphe précédent est effectué en multipliant le montant de la contribution individuelle par le coefficient de transformation relatif à l’âge du député à la date à laquelle le député a acquis le droit à l’allocation viagère ou à la prestation de prévoyance pro rata.

3. Les coefficients de transformation figurant dans le tableau 1, annexé à la présente décision, sont appliqués.

4. Le montant des allocations viagères, directes et de réversion, et de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, directes et de réversion, recalculées conformément à la présente décision, ne peut en aucun cas dépasser le montant de l’allocation viagère, directe ou de réversion, ou de la part d’allocation viagère de la prestation de prévoyance pro rata, directe ou de réversion, prévu pour chaque député par le Règlement en vigueur à la date du début du mandat parlementaire.

5. Le montant des allocations viagères, directes et de réversion, et de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, directes et de réversion, recalculés conformément à la présente décision, ne peut en aucun cas être inférieur au montant calculé en multipliant le montant des contributions individuelles versées par un député ayant exercé le mandat parlementaire durant la seule XVIIe législature, réévalué conformément à l’article 2 ci-dessous, par le coefficient de transformation correspondant à l’âge de 65 ans en vigueur au 31 décembre 2018.

6. Dans le cas où, à la suite du nouveau calcul opéré au sens de la présente décision, le nouveau montant des allocations viagères, directes et de réversion, et de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, directes et de réversion, est réduit de plus de 50 %, par rapport au montant de l’allocation viagère, directe ou de réversion, ou de la part d’allocation viagère de la prestation de prévoyance pro rata, directe ou de réversion, prévus pour chaque député par le Règlement en vigueur à la date de début du mandat parlementaire, le montant minimum déterminé en vertu du paragraphe 5 est augmenté de moitié.

7. L’Office de la Présidence, sur proposition du Collège des députés Questeurs, peut augmenter jusqu’à un maximum de 50 % le montant des allocations viagères, directes et de réversion, et la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, directes et de réversion, recalculés en vertu de la présente décision, en faveur des personnes qui en font la demande et pour lesquelles les conditions suivantes sont réunies :

a)      elles ne perçoivent pas d’autres revenus annuels d’un montant supérieur au montant annuel de l’aide sociale, à l’exclusion de ceux éventuellement tirés, à quelque titre que ce soit, de l’immeuble destiné à l’habitation principale ;

b)      elles sont atteintes de maladies graves exigeant l’administration de thérapies vitales, étayées par des documents appropriés produits par des établissements de soins publics, ou bien, souffrent de pathologies donnant lieu à des situations d’invalidité à 100 % reconnues par les autorités compétentes.

8. La documentation étayant la réunion des conditions visées au paragraphe 7 doit être produite par le demandeur au moment de la demande et, ultérieurement, au plus tard le 31 décembre de chaque année. »

II.    Antécédents du litige

13      Le requérant, M. Enrico Falqui, est un ancien membre du Parlement européen, élu en Italie. Il bénéficie d’une pension de retraite.

14      En application des règles de la décision no 14/2018, le montant de la pension du requérant a été réduit à partir du 1er janvier 2019.

15      À la suite de l’introduction de recours contre la décision no 14/2018 par des députés nationaux italiens concernés par lesdites réductions, la légalité de cette décision nationale est actuellement examinée par le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés, Italie).

16      Par l’ajout d’un commentaire sur le bulletin de pension du mois de janvier 2019, le Parlement a averti le requérant du fait que le montant de sa pension pourrait être révisé en exécution de la décision no 14/2018 et que ce nouveau calcul pourrait éventuellement donner lieu à un recouvrement des sommes indûment versées.

17      En effet, selon le Parlement, celui-ci aurait été tenu d’appliquer la décision no 14/2018 et, partant, de recalculer le montant de la pension du requérant, eu égard à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, lequel prévoit que « [l]e niveau et les modalités de la pension [de retraite] provisoire sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la chambre basse du Parlement de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu » (ci-après la « règle de pension identique »).

18      Par une note non datée du chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la direction générale (DG) des finances du Parlement, annexée au bulletin de pension du requérant du mois de février 2019, le Parlement a averti ce dernier que, par son avis SJ-0836/18 du 11 janvier 2019, son service juridique avait confirmé l’applicabilité automatique de la décision no 14/2018 à sa situation (ci-après l’« avis du service juridique »). Cette note ajoutait que, dès qu’il aurait reçu les informations nécessaires de la part de la Chambre des députés, le Parlement notifierait au requérant la nouvelle fixation du montant de sa pension et procéderait au recouvrement de l’éventuelle différence sur les douze mois suivants. Enfin, cette note informait le requérant que la fixation définitive du montant de sa pension serait arrêtée par un acte formel contre lequel il serait possible d’introduire une réclamation sur le fondement de l’article 72 des mesures d’application ou un recours en annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE.

19      Par note du 11 avril 2019 (ci-après le « projet de décision »), le chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la DG des finances du Parlement a informé le requérant que, comme il l’avait annoncé dans sa note de février 2019, le montant de sa pension serait adapté, en application de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, à concurrence de la réduction des pensions analogues versées en Italie aux anciens députés nationaux par la Chambre des députés en application de la décision no 14/2018. Ce projet de décision précisait également que le montant de la pension du requérant serait adapté dès le mois d’avril 2019 (et avec effet rétroactif au 1er janvier 2019) en application du projet de fixation du nouveau montant de la pension transmis en annexe de ce courrier. Enfin, ce même projet de décision accordait au requérant un délai de 30 jours, à compter de sa réception, pour faire valoir ses observations. À défaut de telles observations, les effets de ce projet de décision seraient considérés comme définitifs et impliqueraient, notamment, la répétition des montants indûment perçus pour les mois de janvier à mars 2019.

20      Par courrier électronique du 23 mai 2019, le requérant a transmis ses observations au service compétent du Parlement.

21      Le 10 juin 2019, le requérant a introduit un recours en annulation, enregistré sous le numéro T‑347/19, à l’encontre du projet de décision. Ce recours en annulation a été rejeté comme étant manifestement irrecevable, dans la mesure où, compte tenu de la transmission par le requérant des observations visées au point 20 ci-dessus, le projet de décision n’avait pas fixé définitivement la position du Parlement. Par conséquent, le projet de décision ne constituait pas un acte faisant grief, de sorte qu’il n’était pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 3 juillet 2020, Falqui et Poggiolini/Parlement, T‑347/19 et T‑348/19, non publiée, EU:T:2020:303, points 45 à 59). Le requérant n’a pas formé de pourvoi contre cette ordonnance.

22      Par courrier du 8 juillet 2019 (ci-après la « décision attaquée »), le chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la DG des finances du Parlement a indiqué que les observations transmises par le requérant ne contenaient pas d’éléments de nature à justifier une révision de la position du Parlement, telle qu’exprimée dans le projet de décision. Par conséquent, le montant de la pension et le plan de recouvrement de l’indu qui en découlait, tels que recalculés et communiqués en annexe dudit projet de décision, étaient devenus définitifs à la date de la notification de la décision attaquée.

23      Ainsi que le Tribunal l’a déjà constaté, le requérant n’a pas, dans un premier temps, reçu la notification de la décision attaquée, celle-ci ayant été retournée par la poste italienne à la poste belge. Ce n’est que le 29 août 2019, lors du dépôt par le Parlement de son exception d’irrecevabilité soulevée à l’encontre du recours introduit dans l’affaire T‑347/19, que le requérant a pris connaissance de la décision attaquée. Toutefois, à la suite du dépôt de ladite exception d’irrecevabilité, le Parlement a, dans un second temps, procédé, de manière utile, à une seconde notification de la décision finale (ordonnance du 3 juillet 2020, Falqui et Poggiolini/Parlement, T‑347/19 et T‑348/19, non publiée, EU:T:2020:303, point 11).

III. Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 octobre 2019, le requérant a introduit le présent recours.

25      Le 19 décembre 2019, le Parlement a déposé le mémoire en défense.

26      Le 6 janvier 2020, le Tribunal a décidé qu’un second échange de mémoires n’était pas nécessaire.

27      Le 20 avril 2020, le président du Tribunal a décidé de faire juger la présente affaire en priorité, conformément à l’article 67, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

28      Le 30 avril 2020, le Tribunal a demandé aux parties de prendre position sur la possibilité de joindre le présent recours aux affaires jointes T‑345/19, Santini/Parlement, T‑346/19, Ceravolo/Parlement, T‑364/19, Moretti/Parlement, T‑365/19, Capraro/Parlement, T‑366/19, Sboarina/Parlement, T‑372/19, Cellai/Parlement, T‑373/19, Gatti/Parlement, T‑374/19, Wuhrer/Parlement, T‑375/19, Pisoni/Parlement et T‑385/19, Mazzone/Parlement, aux affaires jointes T‑389/19, Coppo Gavazzi/Parlement, T‑390/19, Muscardini/Parlement, T‑391/19, Vinci/Parlement, T‑392/19, Mantovani/Parlement, T‑393/19, Catasta/Parlement, T‑394/19, Zecchino/Parlement, T‑397/19, Novati/Parlement, T‑398/19, Paciotti/Parlement, T‑403/19, Fantuzzi/Parlement, T‑404/19, Lavarra/Parlement, T‑406/19, Cocilovo/Parlement, T‑407/19, Speroni/Parlement, T‑409/19, Di Meo/Parlement, T‑410/19, Di Lello Finuoli/Parlement, T‑411/19, Lombardo/Parlement, T‑412/19, Contu/Parlement, T‑413/19, Dupuis/Parlement, T‑414/19, Frittelli/Parlement, T‑415/19, Laroni/Parlement, T‑416/19, Filippi/Parlement, T‑417/19, Viola/Parlement, T‑418/19, Mussa/Parlement, T‑420/19, Nobilia/Parlement, T‑421/19, Segre/Parlement, T‑422/19, De Luca/Parlement, T‑425/19, Ventre/Parlement, T‑426/19, Musoni/Parlement, T‑427/19, Concarella/Parlement, T‑429/19, Iacono/Parlement, T‑430/19, Bonsignore/Parlement, T‑431/19, Azzolini/Parlement, T‑432/19, Gawronski/Parlement, T‑435/19, Caligaris/Parlement, T‑436/19, Aita/Parlement, T‑438/19, Novelli/Parlement, T‑439/19, Mantovani/Parlement, T‑440/19, Mattina/Parlement, T‑441/19, La Russa/Parlement, T‑442/19, Carollo/Parlement, T‑444/19, Locatelli/Parlement, T‑445/19, Chiesa/Parlement, T‑446/19, Castellina/Parlement, T‑448/19, Costanzo/Parlement, T‑450/19, Gallenzi/Parlement, T‑451/19, Gemelli/Parlement, T‑452/19, Napoletano/Parlement, T‑453/19, Panusa/Parlement, T‑454/19, Musotto/Parlement, T‑463/19, Cervetti/Parlement et T‑465/19, Florio/Parlement, ainsi qu’à l’affaire T‑519/19, Forte/Parlement, aux fins de la phase orale de la procédure.

29      Sur proposition de la huitième chambre, le Tribunal a, le 15 mai 2020, décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation élargie.

30      Le 19 mai 2020, le Tribunal a interrogé les parties sur différents aspects de la présente affaire.

31      Le 2 et le 3 juin 2020 respectivement, le Parlement et le requérant ont déposé leurs observations sur la proposition de jonction aux fins de la phase orale de la procédure, telle que mentionnée au point 28 ci-dessus. Le requérant a également indiqué que, compte tenu de la situation sanitaire, il convenait d’anticiper son absence à l’audience.

32      Le 5 juin 2020, le président de la huitième chambre élargie a décidé de joindre la présente affaire aux affaires jointes T‑345/19, Santini/Parlement, T‑346/19, Ceravolo/Parlement, T‑364/19, Moretti/Parlement, T‑365/19, Capraro/Parlement, T‑366/19, Sboarina/Parlement, T‑372/19, Cellai/Parlement, T‑373/19, Gatti/Parlement, T‑374/19, Wuhrer/Parlement, T‑375/19, Pisoni/Parlement et T‑385/19, Mazzone/Parlement, aux affaires jointes T‑389/19, Coppo Gavazzi/Parlement, T‑390/19, Muscardini/Parlement, T‑391/19, Vinci/Parlement, T‑392/19, Mantovani/Parlement, T‑393/19, Catasta/Parlement, T‑394/19, Zecchino/Parlement, T‑397/19, Novati/Parlement, T‑398/19, Paciotti/Parlement, T‑403/19, Fantuzzi/Parlement, T‑404/19, Lavarra/Parlement, T‑406/19, Cocilovo/Parlement, T‑407/19, Speroni/Parlement, T‑409/19, Di Meo/Parlement, T‑410/19, Di Lello Finuoli/Parlement, T‑411/19, Lombardo/Parlement, T‑412/19, Contu/Parlement, T‑413/19, Dupuis/Parlement, T‑414/19, Frittelli/Parlement, T‑415/19, Laroni/Parlement, T‑416/19, Filippi/Parlement, T‑417/19, Viola/Parlement, T‑418/19, Mussa/Parlement, T‑420/19, Nobilia/Parlement, T‑421/19, Segre/Parlement, T‑422/19, De Luca/Parlement, T‑425/19, Ventre/Parlement, T‑426/19, Musoni/Parlement, T‑427/19, Concarella/Parlement, T‑429/19, Iacono/Parlement, T‑430/19, Bonsignore/Parlement, T‑431/19, Azzolini/Parlement, T‑432/19, Gawronski/Parlement, T‑435/19, Caligaris/Parlement, T‑436/19, Aita/Parlement, T‑438/19, Novelli/Parlement, T‑439/19, Mantovani/Parlement, T‑440/19, Mattina/Parlement, T‑441/19, La Russa/Parlement, T‑442/19, Carollo/Parlement, T‑444/19, Locatelli/Parlement, T‑445/19, Chiesa/Parlement, T‑446/19, Castellina/Parlement, T‑448/19, Costanzo/Parlement, T‑450/19, Gallenzi/Parlement, T‑451/19, Gemelli/Parlement, T‑452/19, Napoletano/Parlement, T‑453/19, Panusa/Parlement, T‑454/19, Musotto/Parlement, T‑463/19, Cervetti/Parlement et T‑465/19, Florio/Parlement, ainsi qu’à l’affaire T‑519/19, Forte/Parlement, aux fins de la phase orale de la procédure.

33      Le 17 juin 2020, le requérant et le Parlement ont répondu aux questions que le Tribunal leur avait adressées le 19 mai 2020. Par ailleurs, en annexe à ses réponses, le requérant a notamment soumis une copie de la décision no 2/2020, du 22 avril 2020, du Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés).

34      Le requérant ne s’est pas présenté à l’audience du 7 juillet 2020, de sorte que seul le Parlement a été entendu en sa plaidoirie et en ses réponses aux questions posées par le Tribunal. La phase orale de la procédure a été clôturée à l’issue de l’audience.

35      Par ordonnance du 16 novembre 2020, le Tribunal a décidé de rouvrir la phase orale de la procédure. Par ailleurs, le Tribunal a invité les parties à soumettre leurs observations tant sur leurs réponses respectives du 17 juin 2020 que sur les conséquences éventuelles à tirer, dans le cadre de la présente affaire, de l’arrêt du 15 octobre 2020, Coppo Gavazzi e.a./Parlement (T‑389/19 à T‑394/19, T‑397/19, T‑398/19, T‑403/19, T‑404/19, T‑406/19, T‑407/19, T‑409/19 à T‑414/19, T‑416/19 à T‑418/19, T‑420/19 à T‑422/19, T‑425/19 à T‑427/19, T‑429/19 à T‑432/19, T‑435/19, T‑436/19, T‑438/19 à T‑442/19, T‑444/19 à T‑446/19, T‑448/19, T‑450/19 à T‑454/19, T‑463/19 et T‑465/19, sous pourvoi, EU:T:2020:494).

36      Le 2 décembre 2020, le requérant et le Parlement ont répondu aux questions que le Tribunal leur avait adressées le 16 novembre 2020. Par ailleurs, en annexe à ses réponses, le requérant a, à nouveau, soumis une copie de la décision no 2/2020, du 22 avril 2020, du Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés). Il a également soumis une copie de l’arrêt du 25 juin 2020 de la Commissione contenziosa del Senato (Commission du contentieux du Sénat, Italie).

37      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler le projet de décision ;

–        le cas échéant, annuler l’avis du service juridique ;

–        condamner le Parlement à payer les sommes qu’il a indûment retenues.

38      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

IV.    En droit

A.      Sur le premier chef de conclusions, tendant à l’annulation de la décision attaquée

1.      Sur l’objet du premier chef de conclusions et sur la compétence du Tribunal

39      À titre liminaire, il convient de relever que, certes, le requérant a expressément indiqué, tant dans la requête que dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, qu’il sollicitait l’annulation de la décision attaquée.

40      Toutefois, le Tribunal constate que, malgré cette affirmation, la définition de l’objet du premier chef de conclusions n’est pas dénuée d’ambiguïté. En effet, les écritures du requérant contiennent de nombreux arguments pris de la prétendue violation du droit italien, et en particulier de la Constitution italienne. Par ailleurs, le requérant a expressément indiqué, dans ses réponses du 17 juin 2020, que « le deuxième moyen concerne […] la légalité de la décision no 14/2018 […] au regard du droit national ». Enfin, le requérant a également joint à la requête deux avis, rédigés par un actuaire et un président émérite de la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie), qui démontreraient l’illégalité de la décision no 14/2018 au regard du droit italien.

41      Dans ces conditions, il y a lieu de rappeler les limites qui s’imposent à la compétence du Tribunal dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 263 TFUE.

42      À cet égard, conformément à l’article 263 TFUE, le juge de l’Union européenne n’est pas compétent pour statuer sur la légalité d’un acte adopté par une autorité nationale (voir, en ce sens, ordonnance du 28 février 2017, NF/Conseil européen, T‑192/16, EU:T:2017:128, point 44 et jurisprudence citée).

43      Compte tenu de cette jurisprudence, l’appréciation de la légalité de la décision no 14/2018 échappe à la compétence du Tribunal.

44      Au surplus, le Tribunal relève que les éléments de preuve soumis par le requérant, tels que visés aux points 33 et 36 ci-dessus, sont sans incidence sur l’issue du présent recours. D’une part, le requérant a communiqué une copie de la décision no 2/2020 du 22 avril 2020 par laquelle le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés) a partiellement annulé l’article 1er, paragraphe 7, de la décision no 14/2018. Toutefois, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté (voir arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 37 et jurisprudence citée). L’annulation partielle de la décision no 14/2018 n’emporte donc aucune conséquence en l’espèce, puisque celle-ci est postérieure à la date d’adoption de la décision attaquée. Cette conclusion s’impose d’autant plus que, en tout état de cause, le Parlement n’a pas reçu de demande d’appliquer, et par conséquent n’a pas appliqué, au requérant des règles identiques à celles figurant à l’article 1er, paragraphe 7, de la décision no 14/2018. D’autre part, le requérant a également déposé une copie de l’arrêt du 25 juin 2020 de la Commissione contenziosa del Senato (Commission du contentieux du Sénat). Cependant, cet arrêt, prononcé, lui aussi, postérieurement à la date d’adoption de la décision attaquée, a pour objet la décision no 6/2018 de l’Ufficio di Presidenza del Senato (office de la présidence du Sénat, Italie), et non la décision no 14/2018. Or, il est constant que, conformément à ce qui est prescrit à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, le Parlement a uniquement appliqué des règles identiques à celles de la décision no 14/2018. Enfin, le Tribunal constate que le Parlement a confirmé lors de l’audience qu’il appliquerait, à l’avenir, toute modification du droit italien, et notamment de la décision no 14/2008, qui pourrait résulter des procédures en cours devant le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés), conformément à la règle de pension identique.

45      Si, sur le fondement de l’article 263 TFUE, le Tribunal ne peut donc pas contrôler la validité de la décision no 14/2018, il est, en revanche, compétent pour examiner la légalité des actes du Parlement. Ainsi, dans le cadre du premier chef de conclusions, le Tribunal peut vérifier si l’article 75 et l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, instituant la règle de pension identique, ne méconnaissent pas les normes de rang supérieur du droit de l’Union. De même, le Tribunal peut examiner si l’application par le Parlement, au titre de la règle de pension identique, des dispositions de la décision no 14/2018 est conforme au droit de l’Union. Enfin, le Tribunal est également compétent pour s’assurer que la décision attaquée respecte le droit de l’Union.

2.      Sur le fond

46      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant soulève trois moyens. Le premier moyen est pris de la violation des mesures d’application. Le deuxième moyen est pris de l’omission d’écarter l’application de la décision no 14/2018. Le troisième moyen est pris de la violation des principes de primauté, de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de proportionnalité.

a)      Sur le premier moyen, pris de la violation des mesures d’application

47      Le requérant soutient, en substance, que la décision no 14/2018 serait inapplicable aux anciens membres du Parlement qui, comme lui, ont acquis leurs droits à pension de retraite avant le 14 juillet 2009. De plus, l’article 75, paragraphe 2, et le considérant 7 des mesures d’application garantiraient que les droits acquis avant cette date ne pourraient plus être modifiés par la suite. Ces dispositions auraient ainsi, conformément au principe de protection de la confiance légitime, figé les droits acquis à cette date. Enfin, le renvoi au droit national, tel que prévu par l’annexe III, devrait être interprété comme un renvoi statique, c’est-à-dire comme un renvoi à la législation nationale applicable au moment où les droits à pension ont été acquis, et non comme un renvoi dynamique, c’est-à-dire comme un renvoi tenant compte des évolutions législatives ou réglementaires dans l’État membre concerné. Partant, tant l’avis du service juridique que la décision attaquée auraient méconnu les dispositions des mesures d’application.

48      Le Parlement conclut au rejet du premier moyen comme étant en partie irrecevable, en ce sens que son intitulé manquerait de clarté et de précision, mais aussi en ce que ce moyen viserait à remettre en cause la légalité de l’avis du service juridique, et en partie non fondé.

49      À titre liminaire, le Tribunal relève que, aux termes de l’article 74 des mesures d’application, la réglementation FID a expiré le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés, à savoir le 14 juillet 2009. Toutefois, par dérogation à cette règle, l’article 74 des mesures d’application, tel que lu en combinaison avec l’article 75 de celles-ci, maintient en vigueur, à titre transitoire, notamment la règle de pension identique prévue à l’annexe III. Partant, il convient de constater que les dispositions de cette annexe n’ont pas été abrogées et sont toujours applicables, en l’occurrence dans le cas du requérant.

50      Par ailleurs, il a déjà été jugé que, selon la propre lettre de cette disposition, l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, limitait son champ d’application aux seuls anciens députés qui, « avant » l’entrée en vigueur du statut des députés, percevaient déjà une pension de retraite. De même, il a déjà été jugé que l’article 75, paragraphe 2, était applicable uniquement aux anciens députés qui avaient commencé à percevoir leur pension de retraite après l’entrée en vigueur du statut des députés (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2020, Coppo Gavazzi e.a./Parlement, T‑389/19 à T‑394/19, T‑397/19, T‑398/19, T‑403/19, T‑404/19, T‑406/19, T‑407/19, T‑409/19 à T‑414/19, T‑416/19 à T‑418/19, T‑420/19 à T‑422/19, T‑425/19 à T‑427/19, T‑429/19 à T‑432/19, T‑435/19, T‑436/19, T‑438/19 à T‑442/19, T‑444/19 à T‑446/19, T‑448/19, T‑450/19 à T‑454/19, T‑463/19 et T‑465/19, sous pourvoi, EU:T:2020:494, points 129 à 134 et jurisprudence citée).

51      Sur ce point, il est constant que le requérant a commencé à percevoir sa pension de retraite à partir de l’année 2006, soit avant l’entrée en vigueur du statut des députés. Sa situation relève donc exclusivement de l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa.

52      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, prévoit que « [les] pension[s] de retraite attribuées en vertu [de l’]annex[e] III de la réglementation FID continuent d’être versées en application de [cette] annex[e] aux personnes qui ont bénéficié de ces prestations avant la date d’entrée en vigueur du statut ».

53      Par ailleurs, l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III énonce, quant à lui, la règle de pension identique, au cœur de la présente affaire, dans les termes suivants :

« Le niveau et les modalités de la pension provisoire sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre basse de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu. »

54      La formulation impérative de cette disposition – « [l]e niveau et les modalités de la pension provisoire sont identiques » – ne laisse aucune marge au Parlement pour un mode de calcul autonome. Sous réserve du respect des normes de rang supérieur du droit de l’Union, en ce compris les principes généraux du droit et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le Parlement est tenu de déterminer le niveau et les modalités de la pension de retraite d’un ancien député européen relevant du champ d’application de l’annexe III sur la base de ceux définis dans le droit national applicable, à savoir, en l’occurrence, sur le fondement des règles définies dans la décision no 14/2018.

55      De même, l’usage du présent de l’indicatif – « sont identiques » – implique que cette obligation d’appliquer les mêmes règles relatives au niveau et aux modalités que celles fixées par le droit de l’État membre concerné ne se limite pas à régir la situation passée des anciens députés, c’est-à-dire avant l’adoption du statut des députés, mais continue de déployer ses effets tant que les pensions de retraite sont versées.

56      Cette double interprétation est renforcée par l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, lequel indique expressément que les pensions de retraite « continuent d’être versées » en application de l’annexe III. Le recours, ici aussi, à une formulation impérative et au présent de l’indicatif confirme, d’une part, la permanence des règles contenues à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, même après l’entrée en vigueur du statut des députés, et, d’autre part, l’absence de marge de manœuvre du Parlement quant à leur application.

57      Il se déduit de ce qui précède que l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, et l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, lus conjointement, exigent, de manière expresse, que le Parlement applique, en tout temps, les mêmes règles relatives au niveau et aux modalités des pensions que celles fixées par le droit de l’État membre concerné. Le Parlement ne saurait, comme cela est déjà indiqué au point 54 ci-dessus, s’affranchir de cette obligation que dans la seule hypothèse où, eu égard au principe de la hiérarchie des normes, la mise en œuvre de ces règles conduirait à violer une norme de rang supérieur du droit de l’Union.

58      Par ailleurs, même si l’application de ces règles implique, comme en l’espèce, une réduction du montant des pensions, cela ne saurait pour autant être considéré comme portant atteinte aux droits à pension de retraite acquis de leurs bénéficiaires.

59      En effet, la lecture combinée de l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, et de l’annexe III indique que les droits à pension de retraite acquis, issus des cotisations payées par les anciens députés, ne constituent que la base de calcul desdites pensions de retraite. En revanche, aucune disposition de l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, et de l’annexe III ne garantit l’immuabilité du montant de ces pensions. Les droits à pension acquis dont ledit article 75 fait mention ne doivent pas être confondus avec un prétendu droit de percevoir un montant fixe de pension.

60      Cette interprétation de la règle de pension identique n’est pas infirmée par le considérant 7 des mesures d’application, auquel le requérant se réfère. En effet, ce considérant se limite à préciser que les droits à pension acquis avant l’entrée en vigueur du statut des députés sont garantis après cette date. En revanche, ce considérant n’indique pas que le montant desdites pensions ne peut pas être révisé, que ce soit à la hausse ou à la baisse. Ainsi, ce considérant ne fait que confirmer la substance de l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III.

61      Cette interprétation n’est pas, non plus, infirmée par l’article 75, paragraphe 2, première phrase. Certes, cette disposition prévoit que « les droits à pension de retraite acquis jusqu’à la date d’entrée en vigueur du statut en application de l’annexe III précitée restent acquis ». Toutefois, à l’instar du considérant 7 des mesures d’application, ledit article 75, paragraphe 2, première phrase, n’indique pas que le montant des pensions de retraite ne peut pas être modifié, que ce soit en faveur ou en défaveur de leurs bénéficiaires. En outre, et ainsi qu’il ressort de la jurisprudence visée au point 50 ci-dessus, une interprétation systémique de cet article 75 emporte, en tout état de cause, l’inapplicabilité de son paragraphe 2 aux anciens députés, tel le requérant, qui ont commencé à percevoir leur pension de retraite avant le 14 juillet 2009.

62      Cette interprétation n’est pas enfin infirmée par l’article 28 du statut des députés. En effet, ainsi que l’a relevé à bon droit le Parlement, il suffit de constater que l’article 28 du statut des députés ne s’applique, selon sa propre lettre, qu’aux droits à pension que les députés ont acquis « en vertu des régimes nationaux ». Or, en l’espèce, les pensions de retraite du requérant n’ont pas été acquises en vertu d’un régime national, mais sur le fondement des dispositions de l’annexe III. De plus, le requérant reconnaît lui-même, dans ses écritures, que ses pensions ne sont pas à la charge de la République italienne, mais à celle du Parlement. L’article 28 du statut des députés est donc inapplicable aux pensions du requérant, dès lors que celles-ci relèvent d’un régime de pension de l’Union, et non d’un régime de pension national.

63      En l’espèce, le Parlement n’a modifié ni l’article 75 ni l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III. Ces dispositions sont restées inchangées. De même, le Parlement n’a pas remis en cause les droits à pension de retraite acquis par le requérant avant le 14 juillet 2009.

64      Concrètement, en application de l’article 75 et de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, le Parlement s’est limité à adapter le niveau et les modalités des pensions du requérant pour tenir compte des nouvelles règles de calcul fixées par la décision no 14/2018. Ainsi, seules les règles de calcul du montant de ces pensions de retraite ont été modifiées, en application des nouvelles prescriptions de la décision no 14/2018. Le requérant n’a d’ailleurs pas soutenu que le Parlement avait mal appliqué les règles de la décision no 14/2018.

65      Du reste, et à titre de comparaison, le Tribunal constate que la possibilité d’une révision du montant des pensions a déjà été admise par la jurisprudence dans le cadre du contentieux de la fonction publique de l’Union. Suivant celle-ci, il y a lieu d’établir une distinction nette entre la fixation du droit à pension et le paiement des prestations qui en résultent. Ainsi, selon la jurisprudence, les droits acquis en termes de fixation d’une pension ne sont pas violés lorsque les changements intervenus dans les montants effectivement payés résultent d’évolutions législatives ou réglementaires qui ne portent pas atteinte au droit à pension proprement dit (voir, en ce sens, arrêt du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, EU:T:2006:366, points 79 et 80 et jurisprudence citée).

66      Eu égard aux considérations qui précèdent, le Parlement a satisfait à l’obligation qui pèse sur lui au titre de l’article 75 et de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III en appliquant les règles de la décision no 14/2018 et, en conséquence, en adoptant la décision attaquée. Quant à la question de savoir si cette application par le Parlement des règles de la décision no 14/2018 viole, ou non, d’autres normes de rang supérieur du droit de l’Union que ledit article 75 ou l’annexe III, elle sera examinée, aux points 78 à 111 ci-dessous, dans le cadre du troisième moyen.

67      Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le Parlement pouvait valablement se fonder sur l’article 75 et sur les règles de l’annexe III, sans en méconnaître les dispositions, pour adopter la décision attaquée.

68      Enfin, dans la mesure où le requérant entend également contester la légalité de l’avis du service juridique dans le cadre du premier moyen, il convient de constater que cet argument se confond avec le troisième chef de conclusions. Il est donc renvoyé aux points 115 à 119 ci-après.

69      Par conséquent, il convient de rejeter le premier moyen, sans qu’il soit besoin d’examiner l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement relative au prétendu manque de clarté de l’intitulé dudit moyen.

b)      Sur le deuxième moyen, pris de l’omission d’écarter l’application de la décision no 14/2018

70      Le requérant soutient, en substance, que la décision no 14/2018 serait illégale au regard du droit italien. Le Parlement aurait donc dû refuser d’appliquer la décision no 14/2018 à la situation du requérant.

71      Le Parlement conclut au rejet du deuxième moyen comme étant irrecevable, dès lors que, par ses arguments, le requérant entend remettre en cause la légalité de la décision no 14/2018.

72      À titre liminaire, il convient de relever que, dans ses réponses du 17 juin 2020, le requérant a confirmé que « le deuxième moyen concerne […] la légalité de la décision no 14/2018 […] au regard du droit national ».

73      À cet égard, il suffit de rappeler que l’examen de la légalité de la décision no 14/2018 au regard du droit italien est réservé aux autorités italiennes compétentes, alors qu’il incombe au juge de l’Union d’examiner si, en appliquant les règles de cette décision dans la décision attaquée, le Parlement a méconnu le droit de l’Union (voir points 42 à 45 ci-dessus). Partant, le Tribunal n’est pas compétent pour examiner les arguments du requérant tirés d’une éventuelle méconnaissance de l’article 69 de la Constitution italienne par la décision no 14/2018. De même, le Tribunal est incompétent, dans le cadre de recours introduits au titre de l’article 263 TFUE, pour apprécier les allégations du requérant, au demeurant non étayées, selon lesquelles la décision no 14/2018 aurait mis en place « un système biaisé, irrationnel, dépourvu de tout fondement actuariel et dont l’objectif est exclusivement punitif à l’encontre [des anciens membres de la Chambre des députés] ».

74      Au surplus, et ainsi qu’il ressort des points 54 et 57 ci-dessus, le Parlement était tenu, au regard de l’article 75 et de la règle de pension identique, d’appliquer les dispositions de la décision no 14/2018. Il n’aurait pu s’affranchir de cette obligation que dans la seule hypothèse où, eu égard au principe de la hiérarchie des normes, la mise en œuvre de ces règles conduirait à violer une norme de rang supérieur du droit de l’Union. Or, dans le cadre du deuxième moyen, le requérant n’a pas soutenu que l’application de la décision no 14/2018 par le Parlement aurait conduit à méconnaître une norme de rang supérieur du droit de l’Union. Ainsi, le Parlement n’était pas en droit d’écarter l’application de la décision no 14/2018 en l’espèce, et partant, contrairement à ce qu’affirme le requérant, il n’a pas omis de le faire.

75      Par conséquent, il convient de rejeter le deuxième moyen.

c)      Sur le troisième moyen, pris de la violation des principes de primauté, de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de proportionnalité

76      Le requérant soutient, en substance, que la décision no 14/2018 viole les principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de proportionnalité, dans la mesure où elle remet en cause, de manière rétroactive et sans justification admissible, les droits acquis et intangibles des anciens membres de la Chambre des députés. Dans ces conditions, le Parlement aurait dû, compte tenu de la primauté desdits principes du droit de l’Union sur la décision no 14/2018, refuser d’appliquer les dispositions de celle-ci.

77      Le Parlement conclut au rejet du troisième moyen comme étant irrecevable, dans la mesure où le requérant entend remettre en cause la légalité de la décision no 14/2018, et comme non fondé, dans la mesure où le requérant conteste la validité de la décision attaquée.

78      À titre liminaire, il convient de rejeter comme inopérant l’argument du requérant selon lequel le Parlement aurait dû, eu égard au principe de primauté du droit de l’Union, écarter la décision no 14/2018, dès lors que cette décision serait contraire au principe de protection de la confiance légitime, tel que protégé par le droit de l’Union. En effet, selon une jurisprudence constante, ce n’est que lorsque les États membres adoptent des mesures par lesquelles ils mettent en œuvre le droit de l’Union qu’ils sont tenus de respecter les principes généraux de ce droit (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2019, Agrenergy et Fusignano Due, C‑180/18, C‑286/18 et C‑287/18, EU:C:2019:605, point 28 et jurisprudence citée). Or, en l’espèce, lorsque les autorités italiennes ont adopté la décision no 14/2018, elles n’ont pas mis en œuvre le droit de l’Union. L’adoption de la décision no 14/2018 était exclusivement guidée par des considérations nationales et visait uniquement à régir les pensions versées aux anciens membres de la Chambre des députés ou à leurs survivants. Une telle situation ne relevant pas du droit de l’Union, les principes de primauté et de protection de la confiance légitime ne sauraient trouver à s’y appliquer.

79      En revanche, lorsque, conformément à l’article 75 et à la règle de pension identique, le Parlement applique les mêmes règles que celles figurant dans la décision no 14/2018, il est tenu, ainsi que cela a été relevé aux points 54, 57 et 74 ci-dessus, de respecter les normes de rang supérieur du droit de l’Union, et notamment les principes généraux de ce droit.

80      Ainsi, et bien que l’intitulé du troisième moyen n’évoque que la méconnaissance du seul principe de protection de la confiance légitime par la décision no 14/2018, il convient de comprendre les écritures du requérant comme visant, en réalité, à contester la décision attaquée à l’aune des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de proportionnalité.

1)      Sur le premier grief, tiré de la violation du principe de sécurité juridique

81      Le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les règles de droit soient claires et précises et vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2011, Purvis/Parlement, T‑439/09, EU:T:2011:600, point 65 et jurisprudence citée).

82      À cet égard, le Tribunal estime opportun de rappeler, comme il l’a déjà indiqué aux points 52 à 69 ci-dessus, que le Parlement n’est pas autorisé à modifier les droits à pension de retraite acquis. Ni l’article 75 ni l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III ne lui confèrent un tel pouvoir. Au contraire, ces dispositions exigent le respect de ces droits à pension de retraite acquis. Toutefois, cela n’implique pas que le montant desdites pensions ait été définitivement arrêté avant l’entrée en vigueur du statut des députés et qu’il soit immuable.

83      Ces observations étant faites, il convient de vérifier si l’adoption de la décision attaquée, sur le fondement de ces dispositions, a enfreint le principe de sécurité juridique.

84      Il ressort des points 52 à 57 ci-dessus que l’article 75 prévoit, de manière claire et précise, que le montant des pensions de retraite est calculé suivant les prescriptions de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, lequel instaure la règle de pension identique et dispose que le « niveau et les modalités [des pensions de retraite] sont identiques » à celles que reçoivent, en l’espèce, les membres de la Chambre des députés.

85      Ces règles, qui n’ont pas été modifiées depuis l’entrée en vigueur du statut des députés, envisagent donc explicitement l’hypothèse d’une révision, à la hausse ou à la baisse, du montant des pensions de retraite pour tenir compte des évolutions pertinentes du droit de l’État membre concerné. De plus, il y a lieu de rappeler que, au point 66 ci-dessus, il a été conclu que l’adoption de la décision attaquée était conforme aux dispositions de l’article 75 et de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III.

86      L’application rétroactive d’un acte sans que soit méconnu le principe de sécurité juridique suppose qu’une indication suffisamment claire soit dans ses termes, soit dans ses objectifs, permette de conclure que cet acte dispose autrement que pour l’avenir seul (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2014, Panasonic Italia e.a., C‑472/12, EU:C:2014:2082, point 57 et jurisprudence citée).

87      Il est vrai que la décision attaquée a été adoptée le 8 juillet 2019 et qu’elle déploie ses effets antérieurement à cette date, à savoir au 1er janvier 2019. Toutefois, ces éléments ne suffisent pas, à eux seuls, à établir que le Parlement aurait méconnu le principe de sécurité juridique en appliquant le nouveau montant des pensions à partir de cette date.

88      Le fait que le montant des pensions du requérant ait été modifié depuis le 1er janvier 2019 s’explique par l’obligation, pesant sur le Parlement au titre de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, d’appliquer les mêmes modalités aux pensions que celles fixées par le droit de l’État membre concerné. Or, la détermination du point de départ de l’application des nouvelles règles de calcul desdites pensions fait incontestablement partie de ces « modalités ».

89      À cet égard, il ressort explicitement de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision no 14/2018 que, « [à] compter du 1er janvier 2019, les montants des [pensions] […] sont calculés suivant les nouvelles modalités prévues par la présente décision ».

90      En conséquence, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, le requérant n’était plus en droit de prétendre, à partir du 1er janvier 2019, au bénéfice de sa pension, telle que celle-ci était calculée avant cette date. Au contraire, depuis le 1er janvier 2019, seules des pensions dont le montant avait été adapté dans le respect des règles fixées par la décision no 14/2018 étaient exigibles et payables.

91      Certes, il aurait été préférable que la décision attaquée soit adoptée avant le 1er janvier 2019, et non après cette date. Toutefois, cette circonstance est sans importance en l’espèce. L’obligation d’appliquer, avec effet à cette date, les nouvelles règles de calcul aux pensions du requérant ne provient pas de la décision attaquée, mais de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III. En ce sens, la décision attaquée ne fait que tirer les conséquences découlant directement de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, et impliquant, partant, que les sommes indûment versées entre le 1er janvier 2019 et sa date d’adoption, à savoir le 8 juillet 2019, doivent être remboursées.

92      Il ressort de ces éléments que le requérant n’a pas démontré que le principe de sécurité juridique avait été méconnu en l’espèce. En effet, les règles de l’annexe III impliquaient que le nouveau montant des pensions du requérant entre en vigueur au 1er janvier 2019. Or, les règles de l’annexe III sont largement antérieures au 1er janvier 2019, et non postérieures à cette date. De plus, le requérant n’a pas soutenu, et aucun élément du dossier n’en atteste, que le Parlement aurait appliqué ce nouveau montant avant le 1er janvier 2019, c’est-à-dire avant la date retenue à cet effet par la décision no 14/2018. Enfin, comme il est indiqué au point 16 ci-dessus, le Parlement avait, en janvier 2019, informé le requérant d’une possible application des règles de la décision no 14/2018 à son égard. De même, comme il est indiqué au point 18 ci-dessus, le Parlement avait, en février 2019, confirmé au requérant l’applicabilité automatique de cette même décision à sa situation. Ce faisant, le requérant avait été mis au courant de la modification des règles applicables au calcul du montant de sa pension avant que la décision attaquée ne soit adoptée.

93      Par conséquent, il convient de rejeter le premier grief.

2)      Sur le deuxième grief, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

94      Selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier se trouvant dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union a fait naître à son égard des espérances fondées. Constituent des assurances susceptibles de faire naître de telles espérances des renseignements précis, inconditionnels, concordants et émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration. Enfin, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil, C‑482/17, EU:C:2019:1035, point 153 et jurisprudence citée).

95      D’emblée, il convient de rappeler, pour des raisons similaires à celles exposées au point 82 ci-dessus, que le Parlement n’est pas autorisé à modifier les droits à pension de retraite acquis. Seule la modification du montant desdites pensions est permise sur le fondement de l’article 75 et de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III.

96      Par ailleurs, le requérant n’a ni démontré ni soutenu que le Parlement lui aurait fourni des assurances autres que celle contenue dans l’article 75 et dans l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III. Or, il est manifeste que ces deux articles ne prévoient pas l’immuabilité du montant de la pension du requérant.

97      En effet, ainsi qu’il ressort notamment des points 54 à 57 ci-dessus, la seule assurance précise et inconditionnelle donnée au requérant par le Parlement consistait à lui garantir le bénéfice d’une pension dont le niveau et les modalités sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la chambre basse de l’État membre dans lequel il a été élu, en l’espèce les membres de la Chambre des députés.

98      En appliquant fidèlement les règles de la décision no 14/2018 en vue de l’adoption de la décision attaquée, le Parlement ne s’est donc pas écarté de l’assurance qu’il avait fournie au requérant lorsque celui-ci a adhéré au régime de pension organisé par l’annexe III.

99      Par conséquent, il convient de rejeter le deuxième grief.

3)      Sur le troisième grief, tiré de la violation du principe de proportionnalité

100    Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient propres à réaliser les objectifs légitimes poursuivis et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2020, Pologne/Parlement et Conseil, C‑626/18, EU:C:2020:1000, point 94 et jurisprudence citée).

101    Le Parlement affirme que l’objectif légitime poursuivi figure dans la décision no 14/2018, dès lors que c’est l’office de la présidence de la Chambre des députés qui a fait le choix d’adapter le mode de calcul des pensions versées aux membres de cette chambre. Plus précisément, la décision no 14/2018 serait justifiée par l’objectif d’adapter le montant des pensions versées à tous les députés au système de calcul sur contribution.

102    À cet égard, le Tribunal relève que, compte tenu de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, l’adoption de la décision attaquée est nécessairement tributaire des choix posés par les autorités italiennes compétentes. Aussi, l’appréciation de l’objectif d’intérêt général poursuivi ne peut faire abstraction des buts ayant présidé à l’adoption de la décision no 14/2018.

103    Sur ce point, il y a lieu de constater que l’objectif invoqué par le Parlement est explicitement mentionné dans le préambule de la décision no 14/2018. En effet, il y est précisé que cette décision vise à « procéder à un nouveau calcul selon la méthode contributive du montant des allocations viagères, de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata et des prestations de réversion dont les droits ont été acquis sur la base de la réglementation en vigueur au 31 décembre 2011 » et que « le nouveau calcul de la prestation en vigueur [ne peut pas] donner lieu à un montant plus élevé que celui actuellement versé ».

104    De plus, même si le requérant affirme qu’aucun intérêt général spécifique n’a été invoqué, il reconnaît pourtant lui-même que l’adoption de la décision no 14/2018 s’inscrit dans le cadre d’une intervention plus générale et vise à réduire les dépenses à la charge de la République italienne. Ainsi, le requérant se réfère, tout d’abord, à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH »), laquelle aurait exclu, selon lui, que soit considéré comme un objectif légitime « le simple fait d’obtenir un bénéfice économique pour les caisses de l’État ». Il affirme également que « le seul objectif poursuivi semble être celui de procéder à des économies (limitées) sur les dépenses ». Enfin, il consent que « la réforme des allocations viagères des anciens députés de [la Chambre des députés] est justifiée par la situation spécifique des comptes publics italiens, qui a rendu nécessaires, ces dernières années, des interventions législatives défavorables à l’ensemble des citoyens ». Il ressort donc des écritures du requérant que celui-ci a clairement établi un lien entre l’adoption de la décision no 14/2018 et l’objectif de réduire les dépenses à la charge de la République italienne en temps de crise économique.

105    Il se déduit de ces éléments que la décision no 14/2018 a pour objectif de rationaliser les dépenses publiques dans un contexte de rigueur budgétaire. Or, le juge de l’Union a déjà reconnu qu’un tel objectif constitue un objectif d’intérêt général susceptible de justifier une atteinte aux droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, point 56 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 décembre 2018, FV/Conseil, T‑750/16, EU:T:2018:972, point 108).

106    Cet objectif légitime doit également être retenu pour la décision attaquée, dès lors que son adoption ne présente aucune raison d’être autonome, mais qu’elle est, au contraire, comme il est précisé au point 102 ci-dessus, tributaire des choix posés par les autorités italiennes compétentes. De plus, la décision attaquée poursuit en même temps l’objectif légitime, explicitement affirmé par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, d’accorder au requérant une pension dont le niveau et les modalités sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre des députés.

107    En ce qui concerne la nécessité de la décision no 14/2018, et par conséquent celle de la décision attaquée, la Cour a déjà jugé que, compte tenu du contexte économique particulier sévissant depuis plusieurs années, les États membres disposent d’une large marge d’appréciation lorsqu’ils adoptent des décisions en matière économique et qu’ils sont les mieux placés pour définir les mesures susceptibles de réaliser l’objectif poursuivi (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, point 57). De même, la Cour EDH a déjà considéré que la décision de légiférer en matière de prestations sociales implique d’ordinaire un examen de questions d’ordres politique, économique et social. Il en découle qu’une marge d’appréciation étendue est laissée aux États, en particulier pour l’adoption de politiques d’économie des deniers publics ou de lois introduisant des mesures d’austérité imposées par une grave crise économique (voir, en ce sens, Cour EDH, 10 juillet 2018, Achille Claudio Aielli et autres c. Italie et Giovanni Arboit et autres c. Italie, CE :ECHR :2018 :0710DEC002716618, point 26 et jurisprudence citée).

108    Or, le requérant n’a pas démontré que les règles fixées par la décision no 14/2018 n’étaient pas nécessaires pour atteindre les objectifs poursuivis, tels que décrits aux points 105 et 106 ci-dessus. Le requérant n’a pas non plus évoqué l’existence d’autres mesures moins contraignantes qui auraient permis d’atteindre lesdits objectifs.

109    Par ailleurs, il ressort des points 13 et 16 de l’avis du service juridique que la décision no 14/2018 contient un certain nombre de dispositions garantissant sa proportionnalité, et en particulier l’article 1er, paragraphes 6 et 7, de cette décision. À cet égard, le requérant estime que ces mesures correctives n’ont vocation à s’appliquer que « dans des cas très exceptionnels », qu’elles « n’ont […] que des effets très limités, [qu’]elles sont de toute évidence inadéquates et [qu’]elles ne sont pas de nature à modérer, en la rendant proportionnée, la réduction des allocations viagères imposée par la [Chambre des députés] ». Toutefois, en réponse à une question écrite du Tribunal, le Parlement a fourni un tableau dans lequel il apparaît qu’il a fait application des règles de l’article 1er, paragraphe 6, de la décision no 14/2018 au bénéfice du requérant. Sur ce point et alors qu’il avait été invité par le Tribunal à prendre position sur les réponses du Parlement du 17 juin 2020, le requérant n’a pas contesté les données dudit tableau dans ses observations du 2 décembre 2020. Or, conformément aux règles de l’article 1er, paragraphe 6, de la décision no 14/2018, le nouveau montant de sa pension, tel qu’il avait été recalculé, a été augmenté de moitié. De même, lors de l’audience et dans ses observations du 2 décembre 2020, le Parlement a soutenu que le requérant n’avait pas sollicité l’application des règles de l’article 1er, paragraphe 7, de la décision no 14/2018. Du reste, il ne ressort pas davantage des écritures du requérant que celui-ci ait introduit une telle demande auprès des services du Parlement. Or, ces règles permettent d’augmenter le montant de la pension de personnes qui ne perçoivent pas d’autres revenus annuels d’un montant supérieur au montant annuel de l’aide sociale, qui sont atteintes d’une maladie grave exigeant l’administration de thérapies vitales ou qui souffrent de pathologies donnant lieu à des situations d’invalidité à 100 %.

110    Quant aux conséquences de la décision attaquée pour le requérant, le Tribunal n’exclut, certes, pas qu’elles puissent atteindre un certain seuil de gravité. Cependant, en soi, ce seuil de gravité ne permet pas de conclure que la décision attaquée engendre des inconvénients démesurés eu égard aux buts poursuivis, notamment considérant l’ampleur des réductions du montant de la pension en cause, le nouveau montant absolu de la pension, soit 1 644 euros, apprécié en relation avec la durée de son mandat de député européen, à savoir cinq ans, ainsi que le fait que le nouveau mode de calcul prend en compte la contribution individuelle de celui-ci. Par ailleurs, le requérant n’a avancé aucun élément qui décrirait les conséquences pratiques de la décision attaquée sur sa situation et, le cas échéant, son caractère disproportionné. Tout au plus, le requérant affirme que la décision no 14/2018 est « particulièrement pénalisante » et qu’elle « a imposé une diminution très importante (et, partant, disproportionnée) du traitement économique dû aux anciens [membres de la Chambre des députés] ». Toutefois, le Tribunal constate que ces affirmations, au demeurant ni étayées ni prouvées, concernent la décision no 14/2018, et non la décision attaquée. De même, dans ses réponses écrites du 17 juin 2020, le requérant se borne à faire état, sans autre précision, du « préjudice économique » induit par la décision attaquée. À défaut d’éléments concrets, il ne peut donc être constaté que le requérant supporterait une charge individuelle excessive au regard des objectifs poursuivis.

111    Par conséquent, il convient de rejeter le troisième grief du troisième moyen et, partant, ce dernier dans son intégralité ainsi que le premier chef de conclusions.

B.      Sur le deuxième chef de conclusions, tendant à l’annulation du projet de décision

112    Par le deuxième chef de conclusions, le requérant demande au Tribunal d’annuler le projet de décision.

113    À cet égard, il suffit de rappeler que, ainsi que cela a été mentionné au point 21 ci-dessus, le Tribunal a déjà jugé que cette demande était irrecevable, dans la mesure où le projet de décision ne constitue pas un acte faisant grief et que, partant, il n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 3 juillet 2020, Falqui et Poggiolini/Parlement, T‑347/19 et T‑348/19, non publiée, EU:T:2020:303, points 45 à 59). En outre, dès lors que le requérant n’a pas formé de pourvoi contre cette ordonnance, celle-ci est désormais revêtue de l’autorité de la chose jugée à son égard.

114    Par conséquent, le deuxième chef de conclusions doit être rejeté comme irrecevable.

C.      Sur le troisième chef de conclusions, tendant à l’annulation de l’avis du service juridique

115    Par le troisième chef de conclusions, le requérant demande au Tribunal d’annuler l’avis du service juridique.

116    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, ne constituent des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9, et du 5 octobre 1999, Pays-Bas/Commission, C‑308/95, EU:C:1999:477, point 26).

117    Or, il a déjà été jugé que l’avis du service juridique d’une institution constituait un document interne à cette institution (voir, en ce sens, arrêt du 31 janvier 2020, Slovénie/Croatie, C‑457/18, EU:C:2020:65, point 66 et jurisprudence citée), de sorte qu’il est, en principe, dépourvu de tout effet juridique obligatoire à l’égard des tiers. Du reste, le requérant n’a pas affirmé, ni, a fortiori, démontré, que l’avis du service juridique avait affecté ses intérêts, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique.

118    Il s’ensuit que l’avis du service juridique ne constitue pas un acte faisant grief et, partant, un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE.

119    Par conséquent, le troisième chef de conclusions doit être rejeté comme irrecevable.

D.      Sur le quatrième chef de conclusions, tendant à enjoindre au Parlement de rembourser les sommes qu’il aurait indûment retenues

120    Par le quatrième chef de conclusions, le requérant sollicite, en substance, du Tribunal qu’il enjoigne au Parlement de rembourser toutes les sommes qu’il aurait prétendument retenues indûment.

121    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’un recours en annulation fondé sur l’article 263 TFUE, la compétence du juge de l’Union est limitée au contrôle de la légalité de l’acte attaqué et que, en vertu d’une jurisprudence constante, le Tribunal ne peut, dans l’exercice de ses compétences, adresser une injonction aux institutions de l’Union (voir arrêt du 24 octobre 2019, CdT/EUIPO, T‑417/18, EU:T:2019:766, point 76 et jurisprudence citée).

122    Par conséquent, le quatrième chef de conclusions doit être rejeté en raison de l’incompétence du Tribunal à en connaître. Partant, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

123    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il convient de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux du Parlement, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Enrico Falqui supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Parlement européen.

Svenningsen

Barents

Mac Eochaidh

Pynnä

 

      Laitenberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 mai 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.