Language of document : ECLI:EU:T:2012:588

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

8 novembre 2012 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Congés – Congé de maladie – Annulation en première instance de la décision de la Commission refusant le report des jours de congé annuel non pris par l’intéressé – Article 4 de l’annexe V du statut – Article 1er sexies, paragraphe 2, du statut – Directive 2003/88 CE – Pourvoi fondé – Litige en état d’être jugé – Rejet du recours »

Dans l’affaire T‑268/11 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 15 mars 2011, Strack/Commission (F‑120/07, non encore publié au Recueil), et tendant à l’annulation partielle de cet arrêt,

Commission européenne, représentée par Mme B. Eggers et M. J. Currall, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant,

Guido Strack, ancien fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Cologne (Allemagne), représenté par Me H. Tettenborn, avocat,

partie demanderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et S. Papasavvas (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juillet 2012,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 15 mars 2011, Strack/Commission (F‑120/07, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt attaqué »), en ce qu’il a annulé sa décision du 15 mars 2007 rejetant la demande introduite par M. Guido Strack visant à obtenir le report du solde des jours de congé annuel non pris de l’année 2004.

 Faits à l’origine du litige

2        Les faits à l’origine du litige sont énoncés, aux points 15 à 21 de l’arrêt attaqué, dans les termes suivants :

« 15      Le requérant est entré au service de la Commission le 1er septembre 1995. À compter de cette date et jusqu’au 31 mars 2002, il a exercé ses fonctions au sein de l’Office des publications des Communautés européennes (OPOCE). Le 1er janvier 2001, il a été promu au grade A 6. Du 1er avril 2002 au 15 février 2003, il a travaillé à la DG ‘Entreprises’ de la Commission, avant d’être affecté à Eurostat à partir du 16 février 2003. Du 1er mars 2004 à sa mise à la retraite pour invalidité, avec effet au 1er avril 2005, il a été en congé de maladie.

16      Le 27 décembre 2004, le requérant a sollicité le report sur l’année 2005 de 38,5 jours de congé non pris en 2004, en indiquant qu’il n’avait pas pu prendre ces jours de congé en raison notamment de sa maladie professionnelle. La demande a été rejetée le 30 mai 2005 par le chef de l’unité en charge des affaires administratives et du personnel à la direction ‘Ressources’ de la DG ‘Eurostat’ en ce qui concerne les 26,5 jours excédant les 12 jours reportés de plein droit […]

17      Le 4 juillet 2005, le requérant a introduit, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation contre la décision du 30 mai 2005, dans laquelle il demandait, à titre subsidiaire, la suspension de cette dernière décision jusqu’à l’adoption de celle relative à la reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie au titre de l’article 73 du statut.

18      Cette réclamation a été rejetée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’’AIPN’) du 25 octobre 2005. Cette dernière décision précisait toutefois ce qui suit :

‘Si l’AIPN devait accueillir favorablement une demande ultérieure en reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie, il serait loisible [au requérant] d’introduire une nouvelle demande de report du solde de congé de l’année 2004. Ce n’est que dans cette hypothèse qu’il conviendrait de trancher la question du point de savoir si l’origine professionnelle d’une maladie implique d’admettre l’existence de raisons imputables aux nécessités de service, au sens de l’article 4 de l’annexe V du statut, lorsque le non-épuisement du congé annuel s’explique par une telle maladie’.

19      Par lettre du 8 novembre 2006, la Commission a informé le requérant qu’elle reconnaissait que, depuis des examens médicaux auxquels celui-ci s’était soumis, son état de santé s’était aggravé et qu’en conséquence les frais de traitements médicaux en rapport direct avec cette aggravation lui seraient remboursés jusqu’à la consolidation des lésions, conformément à l’article 73 du statut. Il ressortait également des conclusions du médecin désigné par l’institution, annexées à cette lettre, qu’une consolidation n’était pas encore intervenue et qu’une nouvelle appréciation à cet égard ne pouvait intervenir qu’à l’expiration d’un délai de deux ans.

20      À la suite de cette lettre, le requérant a introduit, le 22 novembre 2006, une nouvelle demande de report du solde des jours de congé de l’année 2004, laquelle a été rejetée, par décision du 15 mars 2007 du chef de l’unité en charge des conditions d’emploi et des droits et obligations non pécuniaires à la direction B ‘Statut : politique, gestion et conseil’ de la DG ‘Personnel et administration’ […]

21      Le 9 avril 2007, le requérant a formé une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut à l’encontre de cette dernière décision. Cette réclamation a été rejetée par décision de l’AIPN du 20 juillet 2007. »

 Procédure en première instance et arrêt attaqué

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 22 octobre 2007 et enregistrée sous la référence F‑120/07, M. Strack a introduit un recours devant ledit Tribunal visant, d’une part, à l’annulation des décisions de la Commission des 30 mai 2005, 25 octobre 2005, 15 mars 2007 et 20 juillet 2007, en ce qu’elles limitaient à douze jours le report de ses jours de congé non pris en 2004 et, en conséquence, la somme versée à ce dernier à titre de compensation lors de la cessation de ses fonctions et, d’autre part, au versement d’une compensation correspondant à 26,5 jours de congé annuel qui n’avaient pas été pris, conformément à l’article 4, deuxième alinéa, de l’annexe V du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), majorée d’intérêts moratoires à compter du 1er avril 2005, calculés au taux appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) à ses opérations principales de refinancement augmenté de deux points.

4        À l’appui de son recours, M. Strack invoquait un moyen unique, tiré de la violation de l’article 4, premier et deuxième alinéas, de l’annexe V du statut. Lors de l’audience, il s’est prévalu de l’arrêt de la Cour du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a. (C‑350/06 et C‑520/06, Rec. p. I‑179), postérieur à l’introduction de son recours, duquel il ressort, en substance, que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 299, p. 9), s’oppose à ce qu’un travailleur, qui, en raison d’une incapacité de travail pour raison médicale, s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés, soit privé de tout droit au congé annuel payé.

5        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a partiellement accueilli le recours en ce qu’il visait à l’annulation de la décision de la Commission du 15 mars 2007, par laquelle la demande de M. Strack tendant à bénéficier du report du solde des jours de congé de l’année 2004 avait été rejetée (ci-après la « décision du 15 mars 2007 »), et a condamné la Commission à supporter les dépens.

6        S’agissant, en premier lieu, de la demande en annulation, le Tribunal de la fonction publique a, d’abord, circonscrit l’objet de celle-ci, en tant que visant uniquement les décisions des 30 mai 2005 et 15 mars 2007, puis a rejeté le recours comme tardif pour autant qu’il était dirigé contre la première de ces décisions (points 34 à 37 de l’arrêt attaqué).

7        Ensuite, dans le cadre de son appréciation de la demande sur le fond, le Tribunal de la fonction publique a rappelé, d’une part, que le libellé de l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut faisait référence à l’exigence selon laquelle les conditions de travail dont bénéficient les fonctionnaires en activité doivent être conformes aux normes de sécurité et de santé appropriées, au moins équivalentes aux prescriptions minimales applicables en vertu des mesures arrêtées dans ces domaines en application des traités, et que, d’autre part, l’objet de la directive 2003/88, adoptée sur le fondement de l’article 137, paragraphe 2, CE, était de fixer des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail. Il a considéré que, en conséquence, sans qu’il soit besoin d’examiner la manière dont il y aurait lieu de résoudre un éventuel conflit entre une disposition statutaire et des prescriptions minimales de sécurité et de santé des travailleurs arrêtées à l’échelle de l’Union, il incombait à la Commission de veiller à garantir le respect desdites prescriptions à l’égard de M. Strack dans l’application et l’interprétation des règles statutaires relatives au congé annuel (points 55 à 57 de l’arrêt attaqué). Ainsi, il a examiné le contenu des prescriptions minimales pertinentes de la directive 2003/88 et, en particulier, de son article 7, à la lumière de la jurisprudence de la Cour (points 58 à 65 de l’arrêt attaqué), pour en déduire, au point 66 de l’arrêt attaqué, qu’il convenait de tirer, en l’espèce, les enseignements de la directive en question pour les besoins de l’application et de l’interprétation des règles statutaires relatives au congé annuel, et notamment de l’article 4, premier et deuxième alinéas, de l’annexe V du statut, dont la violation avait été invoquée par le requérant.

8        Ayant considéré que, pendant presque toute l’année 2004, M. Strack avait été dans l’impossibilité d’exercer son droit au congé annuel payé, le Tribunal de la fonction publique a conclu qu’il découlait de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 que celui-ci ne pouvait se voir privé de la possibilité de bénéficier d’une indemnité financière pour congé annuel non pris (points 67 à 69). Il a, ainsi, examiné, aux points 70 à 79 de l’arrêt attaqué, la question de l’étendue de la compensation à laquelle celui-ci pouvait prétendre et celle de savoir si le libellé de l’article 4, premier alinéa, de l’annexe V du statut s’opposait au versement d’une compensation financière pour les jours de congé annuel non pris au-delà de ceux dont le report est autorisé.

9        À cet égard, le Tribunal de la fonction publique a relevé que l’article 4, premier alinéa, de l’annexe V du statut ne régissait pas la question, soulevée en l’espèce, de savoir s’il y avait lieu de reporter des jours de congé annuel lorsque le fonctionnaire avait été dans l’impossibilité de les prendre, pour des raisons indépendantes de sa volonté, telles que des raisons médicales, ce qui n’était pas contredit par la jurisprudence. Il en a déduit que les prescriptions minimales de sécurité et de santé visées par l’article 1er sexies du statut et, notamment, les dispositions de l’article 7 de la directive 2003/88 venaient compléter les dispositions statutaires relatives aux congés. Ainsi, il a considéré que l’interprétation donnée par la Cour dudit article, dans l’arrêt Schultz-Hoff e.a., précité, demeurait pleinement transposable à la totalité du congé annuel tel que fixé par le statut, par application combinée de l’article 1er sexies et de l’article 57 du statut, en dépit des restrictions contenues à l’article 4, premier alinéa, de l’annexe V du statut concernant le report du congé annuel non pris sur l’année suivante (points 72 à 77). Partant, il a conclu, au point 79 de l’arrêt attaqué, que, en refusant le report, au-delà des douze jours de plein droit, des jours de congé annuel non pris par M. Strack en raison d’un congé de maladie de longue durée, la Commission avait méconnu la portée de l’article 4, premier alinéa, de l’annexe V du statut. Il a, par conséquent, annulé la décision du 15 mars 2007.

10      S’agissant, en deuxième lieu, des conclusions avancées à l’appui de la demande indemnitaire de M. Strack, le Tribunal de la fonction publique les a rejetées faute d’objet. En particulier, s’agissant, d’une part, des conclusions formulées à titre principal à l’appui de cette demande, visant à bénéficier de l’application de l’article 4, deuxième alinéa, de l’annexe V du statut en ce qui concerne les 26,5 jours de congé annuel non pris en 2004, il a conclu qu’elles coïncidaient avec les mesures devant être prises par la Commission en exécution de l’arrêt attaqué. D’autre part, ledit Tribunal a conclu qu’il n’y avait pas lieu de se prononcer sur la demande indemnitaire avancée par M. Strack à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où les griefs dirigés contre la décision du 15 mars 2007 auraient été rejetés (points 87 à 90 de l’arrêt attaqué).

 Sur le pourvoi

 Procédure

11      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 26 mai 2011, la Commission a introduit le présent pourvoi. Le 15 août 2011, M. Strack a déposé le mémoire en réponse.

12      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 26 septembre 2011, en vertu de l’article 149 du règlement de procédure du Tribunal, le Conseil de l’Union européenne et l’Union syndicale fédérale des services publics européens et internationaux ont demandé à intervenir dans la présente affaire, au soutien, respectivement, des conclusions de la Commission et de M. Strack.

13      Par lettre parvenue au greffe du Tribunal le 9 décembre 2011, la Commission a, en vertu de l’article 146 du règlement de procédure, déposé une demande motivée aux fins d’être entendue dans le cadre de la phase orale de la procédure.

14      Par décision du 29 février 2012, le président du Tribunal a décidé de déférer au Tribunal (chambre des pourvois) les décisions relatives aux demandes d’intervention du Conseil et de l’Union syndicale fédérale des services publics européens et internationaux, conformément à l’article 116, paragraphe 1, dernier alinéa, du règlement de procédure.

15      Par ordonnances du Tribunal (chambre des pourvois) du 19 mars 2012, les demandes d’intervention du Conseil et de l’Union syndicale fédérale des services publics européens et internationaux ont été rejetées comme étant irrecevables.

16      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

17      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 3 juillet 2012.

 Conclusions des parties

18      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’arrêt attaqué ;

–        condamner chaque partie à supporter ses propres dépens en première instance et dans le cadre du présent pourvoi.

19      La partie défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

20      À l’appui de son pourvoi, la Commission invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 4 de l’annexe V du statut. Le deuxième moyen est tiré de la méconnaissance du champ d’application et de la portée de l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut. Le troisième moyen est tiré de l’existence d’un vice de procédure.

21      Il convient d’examiner d’abord le troisième moyen, puis, de manière conjointe, les premier et deuxième moyens.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’existence d’un vice de procédure

22      La Commission fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur procédurale en considérant d’office l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut comme une règle applicable et comme un moyen de recours, alors que M. Strack ne se serait jamais prévalu de cette disposition, mais aurait fondé son recours uniquement sur une violation prétendue de l’article 4 de l’annexe V du statut et invoqué l’arrêt Schultz-Hoff e.a., précité, lors de l’audience en première instance.

23      M. Strack rétorque qu’il a explicitement invoqué l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut durant l’audience en question, dans le contexte de l’arrêt Schultz-Hoff e.a., précité, ce qui aurait été confirmé par le fait que ledit Tribunal ait invité uniquement la Commission à prendre position sur cet arrêt à la suite de l’audience. À titre subsidiaire, il fait valoir que, dans l’hypothèse où le Tribunal accueillerait l’argumentation de la Commission, il conclurait à l’annulation de l’arrêt attaqué, puisqu’il aurait été rendu en violation de ses droits à être entendu sur le mémoire déposé par la Commission à la suite de l’audience et en violation de l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

24      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un moyen portant sur la légalité au fond de la décision litigieuse relève de la violation d’une règle de droit relative à l’application du traité et ne peut être examiné par le juge de l’Union que s’il est invoqué par le requérant (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 67 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, Rec. p. I‑11245, point 40, et ordonnance du Tribunal du 6 mai 2010, Kerelov/Commission, T‑100/08 P, non encore publiée au Recueil, point 13).

25      En l’espèce, ainsi qu’il a été rappelé au point 4 ci-dessus, le Tribunal de la fonction publique a constaté, aux points 38 et 42 de l’arrêt attaqué, que M. Strack avait soulevé un moyen unique à l’appui de son recours, tiré de la violation de l’article 4 de l’annexe V du statut et qu’il s’était prévalu, lors de l’audience, de l’arrêt Schultz-Hoff e.a., précité, qui confirmerait que l’interprétation dudit article par la Commission était contraire à l’article 7 de la directive 2003/88.

26      Au cours de cette même audience, ainsi qu’il ressort du point 32 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a invité la Commission à transmettre des observations écrites sur les conséquences éventuelles pour le litige de l’arrêt Schultz-Hoff e.a., précité, invoqué par M. Strack.

27      Ainsi qu’il a été rappelé au point 7 ci-dessus, dans le cadre de son appréciation au fond, le Tribunal de la fonction publique a cité, à titre liminaire, le libellé de l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut, pour ensuite relever que l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2003/88 avait pour objet de fixer des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail. En estimant qu’il n’était pas nécessaire de s’interroger, à ce stade, sur le conflit éventuel entre une disposition statutaire et des prescriptions minimales arrêtées à l’échelle de l’Union, au moyen d’une directive, le Tribunal a procédé, préalablement à l’examen de la portée de l’article 4, premier alinéa, de l’annexe V du statut, à l’examen du contenu des prescriptions minimales pertinentes définies à l’article 7 de la directive 2003/88, à la lumière de la jurisprudence de la Cour.

28      À l’issue de cet examen, le Tribunal de la fonction publique a constaté, d’une part, qu’il convenait de tirer les enseignements de la directive 2003/88, telle qu’interprétée par la Cour, pour les besoins de l’application des règles statutaires relatives au congé annuel et notamment de l’article 4 de l’annexe V du statut, et, d’autre part, que les prescriptions minimales visées par l’article 1er sexies du statut et, en particulier, les dispositions de l’article 7 de la directive 2003/88 venaient compléter des dispositions proprement statutaires relatives aux congés. Il a, par conséquent, et en dépit des restrictions contenues à l’article 4, premier alinéa, de l’annexe V du statut, transposé l’article 7 de ladite directive à la totalité du congé annuel tel que fixé par le statut, par une application combinée de son article 1er sexies et de son article 57, ce qui l’a amené à conclure, enfin, que la Commission avait méconnu la portée de l’article 4, premier alinéa, de l’annexe V dudit statut.

29      Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la Commission, bien qu’il ressorte de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a appliqué, en particulier, l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut, celui-ci n’a toutefois pas soulevé d’office un moyen portant sur la légalité au fond de la décision contestée, mais s’est livré à une interprétation de l’article 4 de l’annexe V du statut, dont la violation avait été invoquée par M. Strack, à la lumière d’autres dispositions du statut et de la directive 2003/88, telle qu’interprétée par la Cour. Ledit Tribunal n’a pas non plus soulevé d’exception d’illégalité à l’encontre de l’article 4 de l’annexe V du statut, comme l’affirme la Commission. En effet, il n’a pas considéré que l’article 4 de l’annexe V du statut s’opposait à l’article 7 de la directive 2003/88, ainsi que le faisait valoir le requérant, mais qu’il devait être complété par cette dernière aux fins de son interprétation, afin de combler la prétendue lacune constatée s’agissant de la question soulevée en l’espèce.

30      Il s’ensuit que, sans préjudice du bien-fondé de cette appréciation qui sera examiné dans le cadre des autres moyens soulevés à l’appui du présent pourvoi, l’arrêt attaqué n’est pas entaché de vice de procédure.

31      Partant, il convient de rejeter le troisième moyen comme non fondé.

 Sur les premier et deuxième moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 4 de l’annexe V du statut et de la méconnaissance du champ d’application et de la portée de l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut

32      Par le premier moyen invoqué à l’appui de son pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a interprété l’article 4, premier alinéa, de l’annexe V du statut de manière erronée et contraire à la jurisprudence du Tribunal en affirmant que la question de savoir s’il y avait lieu de reporter des jours de congé annuel payé non pris au-delà du seuil de douze jours, lorsque, durant la période de référence, un fonctionnaire avait été dans l’impossibilité de prendre ces jours pour des raisons indépendantes de sa volonté, n’était pas régie par cette disposition. Elle soutient, en outre, que la règle édictée par cette dernière sert à limiter la compensation financière accordée en cas de congé non pris, afin de protéger les intérêts financiers de l’Union en évitant le cumul illimité de congés non pris, notamment en cas de maladie, et qu’elle doit être interprétée strictement. Enfin, elle fait valoir que, en limitant forfaitairement le nombre de jours de congé susceptibles d’être reportés à douze, la règle énoncée à l’article 4 de l’annexe V du statut tient compte des raisons indépendantes de la volonté du fonctionnaire rendant impossible l’utilisation du congé annuel.

33      Par le deuxième moyen, qui se subdivise en deux branches, la Commission fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a, d’une part, enfreint le champ d’application de l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut, tel que conçu par le législateur, et, d’autre part, violé l’obligation de motivation pesant sur lui en omettant d’examiner la question fondamentale du champ d’application de cette disposition, qui aurait été soulevée par la Commission.

34      Il découle de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, sous a), de la directive 2003/88 que celle-ci a pour objet de fixer des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail et qu’elle s’applique, notamment, aux périodes minimales de congé annuel.

35      Par ailleurs, l’article 7 de cette directive, qui porte sur le congé annuel, dispose que les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations ou les pratiques nationales, et que cette période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail.

36      En outre, aux termes de l’article 4, premier et deuxième alinéas, de l’annexe V du statut, dont la version allemande a fait l’objet d’un rectificatif (JO 2007 L 248, p. 26), si un fonctionnaire, pour des raisons non imputables aux nécessités du service, n’a pas épuisé son congé annuel avant la fin de l’année civile en cours, le report de congé sur l’année suivante ne peut excéder douze jours. Si un fonctionnaire n’a pas épuisé son congé annuel au moment de la cessation de ses fonctions, il lui sera versé, à titre de compensation, par jour de congé dont il n’a pas bénéficié, une somme égale au trentième de sa rémunération mensuelle au moment de la cessation de ses fonctions.

37      Il convient de relever, en l’espèce, que, ainsi que la Commission le fait valoir et que cela ressort du point 57 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique n’a pas jugé utile d’examiner le conflit potentiel pouvant surgir entre une disposition statutaire, d’une part, à savoir l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut, et l’article 7 de la directive 2003/88, d’autre part.

38      En revanche, ledit Tribunal a considéré que l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut, introduit dans le cadre de la réforme de ce dernier, en 2004, par le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO L 124, p. 1), exigeait que les dispositions prévues par le statut relatives au temps d’aménagement du travail et, notamment, au congé annuel soient conformes ou, au moins, équivalentes aux prescriptions minimales fixées par l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, telles qu’interprétées par la jurisprudence de la Cour et, en particulier, l’arrêt Schultz-Hoff e.a., précité.

39      Il convient de rappeler, à cet égard, que, par ce dernier arrêt, la Cour a procédé à l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 dans le cadre de deux demandes de décisions préjudicielles dont elle avait été saisie, au titre de l’article 267 TFUE.

40      Il importe de relever, toutefois, que les directives sont adressées aux États membres et non aux institutions de l’Union. Les dispositions de la directive 2003/88 ne sauraient, par conséquent, être considérées comme imposant en tant que telles des obligations aux institutions dans leurs rapports avec leur personnel (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de la fonction publique du 4 juin 2009, Adjemian e.a./Commission, F‑134/07 et F‑8/08, non encore publié au Recueil, point 86, confirmé par arrêt du Tribunal du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission, T‑325/09 P, non encore publié au Recueil, point 51, et la jurisprudence citée).

41      Il s’ensuit que les dispositions de cette directive ne peuvent être, en tant que telles, source d’obligations pour la Commission dans l’exercice de ses pouvoirs décisionnels en vue de régir les relations avec son personnel et ne peuvent davantage fonder une exception d’illégalité portant sur le statut (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission, précité, point 52).

42      Néanmoins, la circonstance qu’une directive ne lie pas, comme telle, les institutions et qu’elle ne puisse fonder une exception d’illégalité d’une disposition du statut ne saurait exclure que les règles ou principes édictés dans cette directive puissent être invoqués à l’encontre des institutions lorsqu’ils n’apparaissent, eux-mêmes, que comme l’expression spécifique de règles fondamentales du traité et de principes généraux qui s’imposent directement auxdites institutions (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 septembre 2003, Rinke, C‑25/02, Rec. p. I‑8349, points 25 à 28 ; arrêt du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission, précité, point 56, et arrêt du Tribunal de la fonction publique du 30 avril 2009, Aayhan e.a./Parlement, F‑65/07, non encore publié au Recueil, point 113).

43      De même, une directive pourrait lier une institution quand celle-ci a, dans le cadre de son autonomie organisationnelle et dans les limites du statut, entendu donner exécution à une obligation particulière énoncée par une directive ou encore dans l’occurrence où un acte de portée générale d’application interne renvoie, lui-même, expressément aux mesures arrêtées par le législateur de l’Union en application des traités (arrêt Aayhan e.a./Parlement, précité, point 116).

44      Enfin, les institutions doivent, conformément au devoir de loyauté qui pèse sur elles, tenir compte, dans leur comportement d’employeur, des dispositions législatives adoptées à l’échelle de l’Union, imposant notamment des prescriptions minimales destinées à améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs dans les États membres au moyen d’un rapprochement des législations et pratiques nationales (voir, en ce sens, arrêt Aayhan e.a./Parlement, précité, points 118 et 119).

45      Toutefois, les exceptions susmentionnées, selon lesquelles les dispositions d’une directive peuvent indirectement lier une institution dans certaines circonstances (voir points 42 à 44 ci-dessus), ne s’appliquent pas en l’espèce.

46      À cet égard, il convient de relever, premièrement, ainsi que l’a rappelé le Tribunal de la fonction publique au point 59 de l’arrêt attaqué, que le droit au congé annuel payé visé à l’article 7 de la directive 2003/88 doit, selon une jurisprudence constante, être perçu comme un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé et dont la mise en œuvre par les autorités nationales compétentes ne peut être effectuée que dans les limites expressément énoncées par la directive elle-même (voir arrêt de la Cour du 24 janvier 2012, Dominguez, C‑282/10, non encore publié au Recueil, point 16, et la jurisprudence citée).

47      Il y a lieu de noter, deuxièmement, que le droit au congé annuel est expressément consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 367, p. 1), à laquelle l’article 6, paragraphe 1, TUE reconnaît la même valeur juridique que les traités (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 22 novembre 2011, KHS, C‑214/10, non encore publié au Recueil, point 37 ; du 3 mai 2012, Neidel, C‑337/10, non encore publié au Recueil, point 40, et du 21 juin 2012, ANGED, C‑78/11, non encore publié au Recueil, point 17).

48      Le droit au congé annuel ne saurait, troisièmement, être interprété de manière restrictive (voir arrêt ANGED, précité, point 18, et la jurisprudence citée).

49      Toutefois, à supposer même que le droit au congé annuel puisse être perçu comme un principe général de droit, au sens de la jurisprudence visée au point 42 ci-dessus, qui s’impose directement aux institutions et à l’aune duquel pourrait être appréciée la légalité d’un de leurs actes, il ne saurait, en tout état de cause, être considéré que l’article 4 de l’annexe V du statut a privé M. Strack de l’exercice de ce droit.

50      En effet, cet article se borne à définir les modalités de report et de compensation en cas de jours de congé annuel non pris, en autorisant le report automatique de douze jours de congé annuel non pris sur l’année suivante et en prévoyant une possibilité de report pour les jours dépassant ce seuil lorsque le non-épuisement du congé annuel est imputable aux nécessités du service. Ainsi, il ne saurait être considéré que l’article 4 de l’annexe V du statut subordonne l’octroi ou l’exercice du droit au congé annuel à une condition le vidant de sa substance ou qu’il est incompatible avec l’économie et la finalité de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88. Au demeurant, l’exigence de soumission du report et de la compensation relatifs au congé annuel non pris à certaines conditions apparaît justifiée tant par la nécessité d’éviter le cumul de congés non pris de manière illimitée que par la protection des intérêts financiers de l’Union.

51      De même, il ne saurait être soutenu, au sens de la jurisprudence citée au point 44 ci-dessus, que les institutions n’ont pas tenu compte, dans l’élaboration des normes statutaires pertinentes, des dispositions adoptées à l’échelle de l’Union, telles que les prescriptions minimales de l’article 7 de la directive 2003/88 qui s’imposent aux États membres, dès lors qu’il ne ressort nullement du libellé de l’article 4 de l’annexe V du statut qu’il ne soit pas conforme auxdites prescriptions.

52      Enfin, force est de relever que, à la lecture du libellé de l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut, il ne saurait être considéré que cet article correspond à la situation évoquée au point 43 ci-dessus, selon laquelle les institutions auraient, par son insertion dans le statut, entendu donner exécution à une obligation particulière énoncée par la directive 2003/88, ou que la référence contenue dans cet article aux prescriptions minimales applicables en vertu des mesures arrêtées dans les domaines de santé et de sécurité en application des traités renvoie à l’article 7, paragraphe 1, de ladite directive, dès lors que l’objet de cette dernière diffère de celui de l’article 1er sexies du statut.

53      En effet, premièrement, il importe de relever que l’article 1er sexies du statut, qui s’intègre dans les dispositions générales du titre I dudit statut, se réfère à la conformité des conditions de travail des fonctionnaires en activité, aux « normes de sécurité et de santé appropriées », ce qui semble viser les normes techniques minimales de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs sur leur lieu de travail, non régies par les autres dispositions du statut, et non les prescriptions minimales de sécurité et de santé de manière générale, couvrant également celles relatives à l’aménagement du temps de travail visées par la directive 2003/88 et, notamment, le congé annuel. Ainsi que le fait valoir la Commission, une interprétation aussi large de l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut irait à l’encontre de l’autonomie du législateur de l’Union en matière de fonction publique, consacrée à l’article 336 TFUE.

54      Deuxièmement, le statut contient des dispositions spécifiques sur l’aménagement du temps de travail et des congés, dans son titre IV et dans son annexe V. La question soulevée en l’espèce, relative aux modalités de report, ou de compensation, des jours de congé annuel non pris sur l’année suivante, est spécifiquement régie par l’article 4 de l’annexe V du statut. Dès lors que cette disposition énonce une règle claire et précise, limitant le droit de report et de compensation du congé annuel par rapport au nombre de jours de congé non pris, il ne saurait être fait usage, au terme d’un raisonnement tiré, par analogie, de l’arrêt Schultz-Hoff e.a., précité, des dispositions de la directive 2003/88 en se fondant sur une autre disposition du statut, telle que l’article 1er sexies, comme constituant une règle d’application générale, permettant de déroger aux dispositions spécifiques du statut en la matière. Cela conduirait à une interprétation contra legem du statut, ainsi que l’a fait valoir à bon droit la Commission devant le Tribunal de la fonction publique.

55      Il s’ensuit que le Tribunal de la fonction publique a appliqué, à tort, l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut, au lieu de se fonder sur l’article 4 de l’annexe V dudit statut.

56      Partant, il convient de considérer que le Tribunal de la fonction publique a commis une double erreur de droit en transposant l’article 7 de la directive 2003/88 à la situation de M. Strack, sur la base de l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut, en dépit des restrictions contenues à l’article 4 de l’annexe V du statut et en considérant que ce dernier ne régissait pas la question soulevée en l’espèce.

57      Quant aux arguments de M. Strack par lesquels celui-ci conteste la validité de la version allemande de l’article 4 de l’annexe V du statut, en raison du fait qu’elle résulte d’un rectificatif, ils sont inopérants. En effet, la version de la disposition en cause citée par la Commission dans le cadre de son pourvoi, applicable au moment de l’introduction du recours, est rédigée en des termes substantiellement identiques aux termes de la version figurant dans le statut, la seule différence résidant en l’expression « dienstliche Erfordernisse » (nécessités du service) employée par la version rectifiée, au lieu de l’expression « den Dienst » (au service), figurant dans la version initiale. L’utilisation de l’expression « nécessités du service », plutôt que celle du terme « service » seul, a simplement pour effet de préciser la notion de l’imputabilité au service contenue à l’article 4, premier alinéa, de l’annexe V du statut, afin de délimiter les raisons justifiant le report exceptionnel des jours de congé non pris, et elle se retrouve, au demeurant, dans toutes les versions linguistiques dudit article.

58      Par ailleurs, il importe de souligner que la nécessité d’une application et, dès lors, d’une interprétation uniformes des dispositions du droit de l’Union exclut qu’un texte soit considéré isolément dans l’une de ses versions, mais exige qu’il soit interprété en fonction tant de la volonté réelle de son auteur que du but poursuivi par ce dernier, à la lumière notamment des versions établies dans toutes les langues de l’Union. Une version linguistique divergente ne saurait, en tout état de cause, prévaloir seule contre les autres versions linguistiques (voir arrêt du Tribunal du 13 septembre 2011, Zangerl-Posselt/Commission, T‑62/10 P, non encore publié au Recueil, point 42, et la jurisprudence citée).

59      Partant, il convient d’accueillir le premier moyen, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner les mesures d’instruction proposées par M. Strack. De même, il convient d’accueillir le deuxième moyen sur la base de la première branche de celui-ci, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation par le Tribunal de la fonction publique.

60      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’arrêt attaqué doit être annulé.

 Sur le recours introduit en première instance

61      Conformément à l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé, le Tribunal, en cas d’annulation de la décision du Tribunal de la fonction publique, statue lui-même sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

62      Tel est le cas en l’espèce. En effet, le Tribunal dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur le recours (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Commission/Economidis, T‑56/07 P, non encore publié au Recueil, point 75, et la jurisprudence citée).

63      À cet égard, il doit être rappelé que, à l’appui de sa demande en annulation, M. Strack avait invoqué un moyen unique, tiré de la violation de l’article 4, premier et deuxième alinéas, de l’annexe V du statut. Il faisait valoir, à cet égard, que ladite disposition permettait le report de ses jours de congé annuel non pris, dès lors que sa maladie était d’origine professionnelle.

64      Or, selon une jurisprudence constante, il résulte de l’article 4, premier alinéa, de l’annexe V du statut que c’est seulement si un fonctionnaire n’a pas pu épuiser son congé annuel pendant l’année civile en cours pour des raisons imputables aux nécessités du service que le report des jours de congé non pris peut excéder douze jours. De même, c’est uniquement dans la limite des jours de congé annuel qui n’ont pas été pris en raison des nécessités du service que l’article 4, deuxième alinéa, de l’annexe V du statut ouvre au fonctionnaire ayant cessé ses fonctions le bénéfice de l’indemnité compensatoire prévue par cette disposition (arrêt du Tribunal du 9 juin 2005, Castets/Commission, T‑80/04, RecFP p. I‑A‑161 et II‑729, point 28).

65      Il ressort de cette jurisprudence que les termes « nécessités du service », utilisés par l’article 4, premier alinéa, de l’annexe V du statut, doivent être interprétés comme visant des activités professionnelles empêchant le fonctionnaire, du fait des devoirs de sa charge, de bénéficier du congé annuel auquel il a droit (arrêt Castets/Commission, précité, point 29). Ainsi, s’il convient d’admettre que le terme « service », utilisé dans l’expression « nécessités du service », renvoie à l’« activité de l’agent au service de l’administration », il résulte des dispositions de l’article 59, paragraphe 1, premier alinéa, du statut qu’un fonctionnaire ne peut bénéficier d’un congé de maladie que s’il « justifie être empêché d’exercer ses fonctions ». Il en résulte que, lorsqu’un fonctionnaire bénéficie d’un congé de maladie, il est, par définition, dispensé d’exercer ses fonctions et n’est donc pas en service au sens de l’article 4, premier alinéa, de l’annexe V du statut (voir arrêt du Tribunal du 29 mars 2007, Verheyden/Commission, T‑368/04, RecFP p. I‑A‑2‑93 et II‑ A‑2‑665, point 61, et la jurisprudence citée).

66      En effet, les nécessités du service mentionnées à l’article 4 de l’annexe V du statut correspondent aux raisons susceptibles d’empêcher un fonctionnaire de prendre congé parce qu’il doit rester en fonction, afin d’effectuer les tâches requises par l’institution pour laquelle il travaille. Ces nécessités peuvent être ponctuelles ou permanentes, mais doivent nécessairement se rattacher à une activité au service de l’institution. A contrario, le congé de maladie permet d’excuser l’absence d’un fonctionnaire pour une raison valable. Compte tenu de sa situation de santé, celui-ci n’est plus tenu de travailler pour l’institution. En conséquence, la notion de « nécessités du service » ne peut être interprétée comme recouvrant l’absence de service justifiée par un congé de maladie, et ce même en cas de maladie prolongée (arrêt Castets/Commission, précité, point 33). Un fonctionnaire en congé de maladie ne peut être censé travailler au service de l’institution, puisque précisément il en est dispensé (arrêt Verheyden/Commission, précité, points 62 et 63).

67      Compte tenu de l’interprétation particulièrement stricte de la notion de « nécessités du service » par la jurisprudence mentionnée aux points 65 et 66 ci-dessus, il s’ensuit que, contrairement à ce que prétend M. Strack, le droit de report du congé annuel au-delà du seuil de douze jours doit découler nécessairement d’un empêchement lié à l’activité du fonctionnaire du fait de l’exercice de ses fonctions et ne peut être accordé en raison d’une maladie l’ayant empêché de les exercer, même à supposer que l’origine professionnelle de cette maladie ait été établie.

68      Il résulte de ce qui précède que la demande d’annulation introduite par M. Strack dans le cadre du recours en première instance doit être rejetée.

69      Dans ces conditions, il convient également de rejeter la demande en indemnité de M. Strack visant, à titre principal, à obtenir réparation du préjudice prétendument subi en raison de l’absence de versement de compensation pour les 26,5 jours de congé annuel non pris au titre de l’article 4, deuxième alinéa, annexe V, du statut.

70      S’agissant de la demande indemnitaire présentée par M. Strack à titre subsidiaire, visant à obtenir réparation du préjudice résultant des fautes de service prétendument commises par la Commission, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut, un recours en indemnité, qui constitue une voie de droit autonome par rapport au recours en annulation, n’est recevable que s’il a été précédé d’une procédure précontentieuse conforme aux dispositions statutaires. Cette procédure diffère selon que le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut ou d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel. Dans le premier cas, il appartient à l’intéressé de saisir, dans les délais impartis, l’autorité investie du pouvoir de nomination d’une réclamation dirigée contre l’acte en cause. Dans le second cas, en revanche, la procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement. Ce n’est que le rejet explicite ou implicite de cette demande qui constitue une décision faisant grief contre laquelle une réclamation peut être dirigée et ce n’est qu’après le rejet explicite ou implicite de cette réclamation qu’un recours en indemnité peut être formé devant le Tribunal (voir arrêt du Tribunal de la fonction publique du 2 mai 2007, Giraudy/Commission, F‑23/05, RecFP p. I‑A‑1‑121 et II‑A‑1‑657, point 69, et la jurisprudence citée).

71      En l’espèce, M. Strack vise à obtenir réparation du fait des dommages prétendument subis en raison des « nombreuses autres fautes de service commises par la Commission ». À cet égard, il cite « les agissements illicites des agents de la Commission et le harcèlement subi à l’[Office des publications des Communautés européennes], les erreurs commises à l’occasion de la procédure d’enquête conduite par l’[Office européen de lutte antifraude] [et], notamment, l’absence illicite d’information du requérant d’ores et déjà dénoncée par le [M]édiateur [européen], [s]a notation irrégulière […] et son absence de promotion, la nomination à un poste intervenue à l’[Office des publications des Communautés européennes] […] faisant grief au requérant ainsi que les agissements illicites de la [Commission] qui auraient été exhaustivement invoqués dans la réclamation ».

72      Force est de constater, en l’espèce, que la demande indemnitaire est principalement fondée sur des agissements ou comportements prétendument fautifs des agents de la Commission dépourvus de caractère décisionnel, qui ne constituent pas des actes faisant grief au sens du statut. Par conséquent, à supposer même qu’ils aient été évoqués dans la réclamation présentée par M. Strack, quod non, cette dernière aurait dû être précédée d’une demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut les mentionnant, dont le rejet éventuel aurait constitué une décision faisant grief contre laquelle il aurait pu introduire une réclamation, laquelle aurait pu, le cas échéant, faire l’objet d’un recours en indemnité (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 décembre 2006, Angelidis/Parlement, T‑416/03, RecFP p. I‑A‑2-317 et II‑A‑2‑1607, point 127, et la jurisprudence citée).

73      Il ne ressort pas du dossier que M. Strack ait présenté une telle demande. En effet, sa demande du 22 novembre 2006 ne mentionne aucun de ces agissements, mais se borne à indiquer que la Commission ayant, par décision du 8 novembre 2006, reconnu l’origine professionnelle de sa maladie, il sollicitait le réexamen de sa demande initiale. Or, cette dernière, introduite le 27 décembre 2004, visait le report et non la compensation des jours de congé annuel non pris. Par ailleurs, la demande du 22 novembre 2006 ne contient aucune demande d’indemnisation.

74      Partant, il y a lieu de conclure que la procédure précontentieuse applicable n’ayant pas été suivie, la demande indemnitaire visant à obtenir réparation du prétendu préjudice y afférent est irrecevable.

75      Quant aux dommages prétendument subis par M. Strack résultant de sa notation irrégulière, de son absence de promotion et d’une nomination à un poste lui faisant grief, il y a lieu de relever que, à supposer même qu’ils puissent être considérés comme des actes faisant grief au requérant, ils auraient dû faire l’objet d’une réclamation, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

76      Il s’ensuit que la demande indemnitaire présentée à titre subsidiaire doit être rejetée comme étant irrecevable.

77      Au vu de tout ce qui précède, le recours introduit par M. Strack devant le Tribunal de la fonction publique dans l’affaire F‑120/07 est rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

78      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que le Tribunal juge lui-même le litige, il statue sur les dépens.

79      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

80      Toutefois, suivant l’article 88 du règlement de procédure, applicable aux pourvois formés par les institutions en vertu de l’article 144 et de l’article 148, deuxième alinéa, du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent, en principe, à la charge de celles-ci.

81      Dans ces conditions, M. Strack et la Commission supporteront leurs propres dépens afférents tant à l’instance devant le Tribunal de la fonction publique qu’à la présente instance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne du 15 mars 2011, Strack/Commission (F‑120/07), est annulé.

2)      Le recours introduit par M. Guido Strack devant le Tribunal de la fonction publique dans l’affaire F‑120/07 est rejeté.

3)      M. Strack et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens afférents tant à l’instance devant le Tribunal de la fonction publique qu’à la présente instance.

Jaeger

Azizi

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 novembre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.