Language of document : ECLI:EU:F:2008:169

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

11 décembre 2008 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Procédure d’attribution des points de mérite au Parlement européen – Examen comparatif des mérites »

Dans l’affaire F‑148/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Laurent Collée, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis et É. Marchal, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes C. Burgos et A. Lukošiūtė, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. P. Mahoney, président, Mme I. Boruta (rapporteur) et M. H. Tagaras, juges,

greffier : Mme C. Schilhan, administrateur,

vu la procédure écrite et suite à l’audience du 13 décembre 2007,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 28 décembre 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 31 décembre suivant), M. Collée demande l’annulation de la décision du 9 janvier 2006, par laquelle le Parlement européen lui a attribué 2 points de mérite au titre de l’exercice 2004 (ci-après la « décision d’attribution des points de mérite »).

 Cadre juridique

2        L’article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») dispose :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution conformément à l’article 110. […] »

3        L’article 45, paragraphe 1, du statut dispose :

« La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination en considération de l’article 6, paragraphe 2. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, [sous] f), et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées. »

4        Par décision du 6 juillet 2005, le Parlement a adopté de nouvelles dispositions générales d’exécution relatives à la mise en œuvre de l’article 43 du statut, de l’article 15, paragraphe 2, et de l’article 87, paragraphe 1, du régime applicable aux autres agents (ci-après les « DGE »).

5        Selon l’article 1er des DGE, les fonctionnaires font l’objet d’un rapport de notation établi chaque année.

6        L’article 16, paragraphe 3, des DGE dispose :

« La procédure d’attribution des points de mérite ainsi que les voies de recours du fonctionnaire contre l’attribution des points de mérite sont définies dans la décision du [b]ureau [du Parlement] du 6 juillet 2005 relative à la politique de promotion et de programmation des carrières et dans les mesures d’application relatives à l’attribution des points de mérite et à la promotion arrêtées par le [s]ecrétaire général. »

7        La décision relative à la politique de promotion et de programmation des carrières, adoptée par le bureau du Parlement le 6 juillet 2005, dispose en son point I. 3, intitulé « Évaluation du mérite » :

« I. 3. 1 Le mérite du fonctionnaire/agent est évalué chaque année. Le rapport de notation constituant l’élément fondamental d’appréciation du mérite, il est naturellement impératif que le niveau annuel des points de mérite du noté soit en cohérence avec la notation obtenue pendant l’année de référence […].

Comme principe de base, chaque directeur général/responsable d’unité autonome reçoit un nombre total de points égal au double du nombre des fonctionnaires/agents, promouvables ou non, ayant au moins trois mois de service dans une institution européenne ou un organisme communautaire pendant l’année de référence. À ce nombre s’ajoute une enveloppe supplémentaire calculée sur la base de 1 point multiplié par 3 % de l’effectif concerné, le total obtenu étant, le cas échéant, arrondi selon le principe mathématique. Le [s]ecrétaire général détient une réserve de points de mérite à laquelle il peut être fait appel afin notamment de corriger les distorsions dues au nombre restreint de fonctionnaires/agents dans un grade donné.

Tout fonctionnaire/agent visé au point I. 3. 4 [de la présente décision] qui est jugé méritant reçoit des points de mérite dans une fourchette de 1 à 3 points, étant entendu que le fonctionnaire non méritant ne reçoit pas de points.

[…] »

8        Le 25 juillet 2005, le secrétaire général a adopté les mesures d’application relatives à l’attribution des points de mérite et à la promotion (ci-après les « mesures d’application »).

9        Le point I. 2 des mesures d’application, intitulé « Distribution de points de mérite aux entités fonctionnelles » dispose :

« a)      Chaque entité fonctionnelle [à savoir une direction générale ou une unité administrative autonome qui n’est pas constituée en direction générale] reçoit pour son effectif concerné par l’attribution de points

–        un nombre de points égal au double du nombre des fonctionnaires/agents, promouvables ou non, ayant au moins [trois] mois de service dans une institution européenne ou un organisme communautaire pendant l’année de référence et une enveloppe de points supplémentaires égale à 3 % de cet effectif, le total obtenu étant, le cas échéant, arrondi selon le principe mathématique ;

–        un nombre total de points égal au nombre des fonctionnaires/agents, ayant moins de [trois] mois de service dans une institution européenne ou un organisme communautaire pendant l’année de référence (cf. articles 1er bis et 1er ter du statut).

[…]

c)      Le [s]ecrétaire général dispose d’une réserve de troisièmes points dont l’octroi est strictement limité,

–        pour un grade donné dans un groupe de fonctions au sein d’une entité fonctionnelle, à un seul fonctionnaire, pour autant que le nombre de fonctionnaires du grade concerné soit égal ou inférieur à sept ;

–        aux fonctionnaires détachés ou mis à disposition auprès d’une instance, dont le travail est difficilement comparable avec celui d’autres notés. »

10      Le point I. 3 des mesures d’application, intitulé « Procédure d’attribution des points de mérite aux fonctionnaires/agents » dispose sous b) :

« Les points de mérite sont attribués par chaque responsable d’entité fonctionnelle lors d’une réunion du collège des notateurs de l’entité. Le collège peut entendre les autres supérieurs hiérarchiques qui ont contribué à l’élaboration de la notation annuelle des fonctionnaires/agents de l’entité. Il assure la cohérence entre l’évaluation résultant du dernier exercice de notation et les points de mérite.

L’attribution des points s’effectue grade par grade au sein de chaque catégorie/groupe de fonctions en respectant le régime statutaire et sur la base d’un examen comparatif des mérites, selon le processus suivant :

–        identification des fonctionnaires/agents non méritants qui ne reçoivent aucun point ;

–        attribution d’office d’[1] point aux autres fonctionnaires/agents et de [2] points à ceux qui sont davantage méritants ;

–        les fonctionnaires/agents ayant moins de trois mois de service dans une institution européenne ou un organisme communautaire pendant l’année de référence peuvent se voir attribuer au maximum 1 point au titre de cette période ;

–        attribution, au niveau de la catégorie/du groupe de fonctions, de l’éventuel solde des points disponibles aux fonctionnaires qui mériteraient un troisième point ;

–        attribution des troisièmes points disponibles au titre de l’enveloppe supplémentaire, lesquels, contrairement à ceux de l’enveloppe de base, ne sont pas attachés au groupe de fonction[s] ;

–        établissement de la liste d’éventuelles demandes de recours à la réserve du [s]ecrétaire général. »

11      Le point I. 5 des mesures d’application, intitulé « Mission du [c]omité des rapports dans le cadre de l’exercice annuel d’attribution des points de mérite », dispose :

« Les propositions d’attribution de points établies par les responsables des entités fonctionnelles sont transmises au [c]omité des rapports qui examine les propositions de 0 et de 3 points. D’une manière symétrique, le [s]ecrétaire général lui transmet les propositions d’attribution de points de mérite pour les personnes de son [c]abinet et pour celles concernées par les points de sa réserve.

Le [c]omité des rapports informe, le cas échéant, le responsable de l’entité fonctionnelle concernée qu’il a été saisi d’un recours individuel.

Le [c]omité des rapports est appelé à rendre son avis sur :

–        chaque recours individuel dont il est saisi ;

–        la liste des fonctionnaires pour lesquels les responsables d’entité fonctionnelle proposent l’attribution de 0 ou de 3 points ;

–        le recours sur la réserve du [s]ecrétaire général pour l’attribution d’un troisième point ;

–        les points attribués au [p]résident du [c]omité du personnel, quel que soit le nombre de points proposés.

De plus, il présente un avis global motivé à l’attention du [s]ecrétaire général.

Le [c]omité rend ses avis dans un délai d’un mois à compter de la date de la saisine et les communique aux responsables d’entité fonctionnelle concernés, respectivement au [s]ecrétaire général. Les avis sur les recours individuels sont également communiqués aux intéressés. »

12      Enfin, le point I. 6 des mesures d’application, intitulé « Décision définitive d’attribution des points de mérite », prévoit :

« La décision définitive d’attribution des points est prise par le responsable de l’entité fonctionnelle après avis du [c]omité des rapports et décision du [s]ecrétaire général concernant les points de sa réserve. Toute décision s’écartant de l’avis du [c]omité des rapports doit être motivée.

[…]

Sur la fiche contenant la décision figurent l’historique des points, le nombre définitif de points pour l’année de référence, le nouveau total de points ainsi que les modalités de réclamation conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, pour le cas où le noté serait en désaccord avec la décision […].

[…] »

 Faits à l’origine du litige

13      Le requérant était, à la date de la décision d’attribution des points de mérite, fonctionnaire du Parlement de grade B*7 (grade renommé AST 7 à partir du 1er mai 2006), affecté au service des archives de la direction générale (DG) « Présidence ».

14      Le rapport de notation du requérant pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2004 a été établi le 8 avril 2005.

15      Le 31 août 2005, le directeur général de la DG « Présidence » a signé la proposition d’attribution des points de mérite pour l’exercice 2004 pour les fonctionnaires de sa direction générale. Il était proposé d’attribuer 2 points de mérite au requérant.

16      Le 14 septembre 2005, le requérant a saisi le comité des rapports pour contester la proposition du directeur général de lui attribuer 2 points de mérite.

17      Le 18 octobre 2005, le comité des rapports a rendu son avis. Il y estimait, « sur la base d’une analyse comparative avec les rapports des fonctionnaires de la même catégorie et du même grade exerçant des fonctions similaires et ayant été proposés pour 3 points de mérite par la [d]irection générale, que le rapport de notation du [requérant contenait] des éléments indicatifs du mérite équivalents à ceux d’un d’entre eux » et que, pour ce motif, « l’attribution d’un [troisième] point de mérite serait justifiée ». Le comité des rapports indiquait toutefois qu’il « n’[était] pas encore en mesure de déterminer si [1] point restera[it] disponible sur l’ensemble des points de la [d]irection générale après analyse comparative de tous les rapports de notation des fonctionnaires de même[s] catégorie et grade proposés ou ayant fait un recours pour l’attribution de 3 points de mérite ».

18      Par une note datée du 29 novembre 2005, le directeur général de la DG « Présidence » a informé le directeur général de la DG « Personnel » que, « [t]out en partageant [l’opinion du comité des rapports sur] le niveau élevé des prestations [du requérant], au cours de cette année de transition après le rattachement du [service des archives] à la DG ‘Présidence’, il n’y a pas eu de variations majeures ni en responsabilités ni en volume de travail justifiant l’attribution d’un [troisième] point ».

19      Par une décision datée du 9 janvier 2006 et dont le requérant a pris connaissance le 11 janvier suivant, le directeur général de la DG « Présidence » a refusé de faire droit à la contestation de l’intéressé et a fixé à 2 le nombre de points de mérite accordés à celui-ci.

20      Le 11 avril 2006, le requérant a introduit une réclamation conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut à l’encontre de la décision d’attribution des points de mérite.

21      Par lettre du 18 septembre 2006, dont le requérant a pris connaissance le 25 septembre suivant, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté cette réclamation. L’AIPN mentionnait notamment :

« Je tiens, tout d’abord, à souligner que votre rapport de notation démontre la grande qualité de vos prestations professionnelles.

Dans votre [d]irection générale, dix-huit fonctionnaires de catégorie B* ont reçu un troisième point.

Il ressort de l’examen comparatif attentif et minutieux, effectué tant lors de la réunion des notateurs de votre [d]irection générale que lors de votre réclamation, que votre rapport n’est pas supérieur à celui des dix-huit fonctionnaires qui ont reçu un troisième point. […] »

 Conclusions des parties et procédure

22      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        dire pour droit que le point I. 3 des instructions relatives à la procédure d’attribution des points de promouvabilité adoptées le 13 juin 2002 par le secrétaire général du Parlement (ci-après les « instructions relatives à la procédure d’attribution des points de promouvabilité ») est illégal ;

–        annuler la décision d’attribution des points de mérite ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

23      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer irrecevable l’exception d’illégalité dirigée contre le point I. 3 des instructions relatives à la procédure d’attribution des points de promouvabilité ;

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

24      À l’audience, le requérant a demandé au Tribunal d’annuler la décision lui refusant la promotion au titre de l’exercice 2005.

 En droit

 Sur les conclusions tendant à ce que le Tribunal dise pour droit que le point I. 3 des instructions relatives à la procédure d’attribution des points de promouvabilité est illégal

25      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, des conclusions qui visent en réalité à faire reconnaître par le Tribunal le bien-fondé de certains des moyens invoqués à l’appui des conclusions en annulation sont irrecevables pour la raison qu’il n’appartient pas au Tribunal, dans le cadre de son contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut, de faire des déclarations en droit (arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Jaenicke Cendoya/Commission, 108/88, Rec. p. 2711, points 8 et 9 ; arrêts du Tribunal de première instance du 3 mars 1993, Peroulakis/Commission, T‑69/91, Rec. p. II‑185, point 14 ; du 30 novembre 1993, Vienne/Parlement, T‑15/93, Rec. p. II‑1327, point 13, et du 16 mai 2006, Magone/Commission, T‑73/05, RecFP p. I‑A‑2‑107 et II‑A‑2‑485, point 15).

26      Il s’ensuit que les conclusions du requérant tendant à ce que le Tribunal dise pour droit qu’est illégal le point I. 3 des instructions relatives à la procédure d’attribution des points de promouvabilité sont irrecevables.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision d’attribution des points de mérite

27      À l’appui de ses conclusions, le requérant soulève trois moyens, tirés, premièrement, de la violation de l’article 45 du statut, de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que de l’erreur manifeste d’appréciation, deuxièmement, de la violation de l’obligation de motivation et, troisièmement, de l’illégalité du point I. 3 des instructions relatives à la procédure d’attribution des points de promouvabilité.

28      Il y a lieu d’examiner tout particulièrement le premier moyen, tiré de la violation de l’article 45 du statut, de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que de l’erreur manifeste d’appréciation.

29      Le moyen est subdivisé en deux branches. Dans la première branche, le requérant expose que le Parlement n’aurait pas procédé, pour attribuer les points de mérite, à un examen comparatif des mérites de l’ensemble des fonctionnaires de même grade de l’institution. Dans la seconde branche, le requérant fait valoir que, en ne lui attribuant que 2 points de mérite, le Parlement a méconnu l’article 45 du statut ainsi que le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination, et a commis une erreur manifeste d’appréciation.

30      En l’espèce, il y a lieu d’examiner d’abord la seconde branche du moyen.

 Arguments des parties

31      Le requérant soutient en substance que le Parlement a violé l’article 45 du statut ainsi que la jurisprudence prise pour l’application de cet article, dès lors que, pour lui attribuer 2 points de mérite, le Parlement se serait fondé sur la circonstance que ses mérites n’étaient pas supérieurs à ceux de ses collègues ayant reçu 3 points de mérite. En se prononçant ainsi, alors que le comité des rapports, dans son avis émis le 18 octobre 2005, avait estimé que les prestations professionnelles du requérant étaient équivalentes à celles d’un des fonctionnaires qui avait obtenu 3 points de mérite, le Parlement aurait également méconnu le principe d’égalité de traitement des fonctionnaires et commis une erreur manifeste d’appréciation.

32      Le Parlement conclut au rejet des arguments du requérant. Il fait valoir que le collège des notateurs de la DG « Présidence » a comparé les rapports de notation de tous les fonctionnaires de la catégorie B* et a attribué, sur la base de cette comparaison, un troisième point de mérite à plusieurs fonctionnaires de cette catégorie. Or, l’examen comparatif effectué aurait mis en évidence que le rapport du requérant n’était pas supérieur à celui de ces fonctionnaires.

33      Le Parlement ajoute que, ainsi qu’il ressort du libellé de la note du 29 novembre 2005, le directeur général de la DG « Présidence », tout en partageant l’appréciation du comité des rapports quant au fait que les prestations du requérant étaient d’un niveau élevé, a constaté que par rapport à l’année précédente, « il n’y a[vait] pas eu de variations majeures ni en responsabilités ni en volume de travail justifiant l’attribution d’un troisième point », et que, de ce fait, l’attribution au requérant d’un troisième point de mérite ne se justifiait pas.

 Appréciation du Tribunal

34      Il résulte de l’article 45, paragraphe 1, ainsi que de l’article 6, paragraphe 2, du statut, que le mérite des fonctionnaires constitue le critère déterminant en matière de promotion.

35      Pour évaluer les mérites à prendre en considération dans le cadre d’une décision de promotion au titre de l’article 45 du statut, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du juge communautaire devant se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et mérites des candidats à celle de l’AIPN (arrêt de la Cour du 3 avril 2003, Parlement/Samper, C‑277/01 P, Rec. p. I‑3019, point 35 ; arrêts du Tribunal de première instance du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T‑262/94, RecFP p. I‑A‑257 et II‑739, point 66, et du 13 avril 2005, Nielsen/Conseil, T‑353/03, RecFP p. I‑A‑95 et II‑443, point 58).

36      Le pouvoir d’appréciation ainsi reconnu à l’administration est néanmoins limité par la nécessité de procéder à l’examen comparatif des candidatures avec soin et impartialité, dans l’intérêt du service et conformément au principe d’égalité de traitement. En pratique, cet examen doit être conduit sur une base égalitaire et à partir de sources d’informations et de renseignements comparables (arrêts du Tribunal de première instance du 30 novembre 1993, Tsirimokos/Parlement, T‑76/92, Rec. p. II‑1281, point 21, et du 9 avril 2003, Tejada Fernández/Commission, T‑134/02, RecFP p. I‑A‑125 et II‑609, point 41).

37      C’est à la lumière de ces considérations que doit être examinée la branche du moyen tirée de la violation de l’article 45 du statut, de la violation du principe d’égalité de traitement et de l’erreur manifeste d’appréciation.

38      Il convient d’abord de constater que, au Parlement, l’attribution des points de mérite, parce qu’elle se fonde sur un examen comparatif des mérites des fonctionnaires, suit le régime applicable à la promotion.

39      Le Parlement, dans ses écrits et lors de l’audience, ne conteste pas en substance que l’attribution des points de mérite soit soumise au même régime que la promotion.

40      Il importe ensuite de souligner que la comparaison des mérites selon les modalités de l’article 45 du statut et de la jurisprudence précitée, qui requièrent que cette comparaison soit réalisée sur une base égalitaire, ainsi que le caractère limité du nombre de points de mérite disponibles imposent que, au Parlement, ces points soient attribués aux fonctionnaires les plus méritants, dans l’ordre décroissant de mérite, jusqu’à épuisement du quota de points. S’il est constaté, lors de l’examen comparatif des mérites ainsi effectué, que certains fonctionnaires présentent des mérites équivalents, il convient d’attribuer auxdits fonctionnaires un nombre de points de mérite identique. En cas de nombre insuffisant de points, le choix entre plusieurs ex-aequo doit être effectué en fonction de considérations accessoires (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 19 octobre 2006, Buendía Sierra/Commission, T‑311/04, Rec. p. II‑4137, point 93 in fine).

41      En l’espèce, il ressort de l’avis du comité des rapports que le rapport de notation du requérant contenait des éléments indicatifs du mérite équivalents à ceux d’un de ses collègues ayant obtenu 3 points. Ledit comité a par conséquent considéré que l’attribution au requérant de 3 points de mérite serait justifiée, en ajoutant qu’il n’était pas encore en mesure de déterminer si 1 point resterait disponible après analyse comparative des rapports de notation de tous les fonctionnaires de même grade pour lesquels l’attribution de 3 points de mérite était proposée.

42      Or, le Parlement n’a ni infirmé ni même pris en considération le constat du comité des rapports suggérant une équivalence des mérites entre le requérant et un de ses collègues.

43      Notamment, le Parlement n’a pas recherché si des « considérations accessoires » auraient permis de départager les fonctionnaires qui concouraient pour l’attribution de 3 points de mérite, en l’occurrence le requérant et le fonctionnaire mentionné dans l’avis du comité des rapports.

44      Une telle constatation ne saurait être remise en cause par la note du 29 novembre 2005, dans laquelle le directeur général de la DG « Présidence » a estimé qu’en 2005 l’évolution du niveau de responsabilités du requérant et de son volume de travail par rapport à 2004 ne justifiait pas l’attribution de 3 points de mérite.

45      Si par la référence, dans son mémoire en défense, à la note du 29 novembre 2005, le Parlement laisse entendre qu’il aurait tenu compte de « considérations accessoires », comme le niveau de responsabilité, afin de départager les candidats lors de l’attribution des points de mérite, son argumentation ne saurait être retenue. En effet, si le niveau de responsabilités peut constituer, en l’espèce, un élément décisif lors de la promotion, conformément à l’article 45 du statut, c’est à la condition que ce niveau soit évalué lors d’une comparaison entre le requérant et les fonctionnaires de même mérite, et non lors d’une comparaison des responsabilités du requérant d’une année sur l’autre.

46      Sans débattre du bien-fondé de l’avis du comité, ni rechercher si des « considérations accessoires » auraient permis de départager les candidats de même mérite, le Parlement a décidé de n’attribuer que 2 points de mérite au requérant, au seul motif que les mérites de celui-ci n’étaient pas supérieurs à ceux des fonctionnaires qui avaient obtenu 3 points.

47      Puisque le Parlement a entendu que le niveau des prestations du requérant soit, non pas égal, mais supérieur à celui de ses collègues qui ont obtenu 3 points de mérite, le motif susmentionné démontre une méconnaissance du principe d’égalité de traitement et rend donc le refus d’attribuer au requérant un troisième point de mérite non conforme à l’article 45 du statut et à la jurisprudence précitée.

48      Il s’ensuit que, sans qu’il soit besoin d’examiner si l’administration a commis une erreur manifeste d’appréciation, ou si la deuxième branche du premier moyen ainsi que les autres moyens sont fondés, la décision d’attribution des points de mérite doit être annulée.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision par laquelle l’AIPN a refusé de promouvoir le requérant au titre de l’exercice de promotion 2005

49      Il résulte des articles 90 et 91 du statut que le recours dirigé contre un acte faisant grief consistant dans une décision de l’AIPN n’est recevable que si l’intéressé a préalablement saisi l’AIPN d’une réclamation et si celle-ci a fait l’objet d’un rejet explicite ou implicite (voir arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 7).

50      En l’espèce, il y a lieu de relever que les conclusions tendant à l’annulation de la décision par laquelle le Parlement a refusé de promouvoir le requérant au titre de l’exercice 2005, qui n’ont été présentées que lors de l’audience, n’ont pas été précédées d’une réclamation. Il convient ainsi, en application de la jurisprudence susmentionnée, de les rejeter comme irrecevables.

 Sur les dépens

51      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

52      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Parlement ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner à supporter l’ensemble des dépens, conformément aux conclusions du requérant en ce sens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du Parlement européen d’attribuer 2 points de mérite à M. Collée au titre de l’exercice de promotion 2004 est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Le Parlement européen est condamné aux dépens.

Mahoney

Boruta

Tagaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 décembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : le français.